La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je suis vraiment très heureux de venir présenter devant la représentation nationale le projet de loi relatif aux contrats de partenariat. Vous savez que c'est un sujet auquel je prête une attention particulière. Je n'irai pas jusqu'à parler d'affection, car il faut demeurer distancé, mais déjà, pendant la précédente législature, avec Claude Goasguen etMarie-Hélène des Esgaulx, j'ai beaucoup travaillé sur ces contrats particuliers. Christine Lagarde et moi-même attachons beaucoup de prix à cette forme, que je crois innovante, de la commande publique.
Après le débat sur la loi de modernisation de l'économie, c'est à l'amélioration d'un instrument majeur parmi les processus d'achat de l'administration que le Gouvernement vous convie. Ce projet de loi est en effet l'une des composantes de la démarche globale de modernisation de la commande publique que nous avons engagée depuis plusieurs années déjà. Comme l'a rappelé Christine Lagarde, lors de l'examen du texte au Sénat, ce projet de loi fait partie intégrante du mouvement de modernisation de notre économie. Je suis convaincu qu'il faut en terminer avec la règle en vertu de laquelle le règlement d'un problème passe par toujours plus de dépenses publiques. Les contrats de partenariat ont vocation à placer, au coeur de la démarche publique, la notion de résultats et la coopération entre le secteur privé et le secteur public. À mon sens, la réforme de l'État passe par une refonte des modes de gestion et par une remise à plat de ses domaines d'intervention, et les contrats de partenariat peuvent y contribuer.
Du reste, le développement de ces contrats prouve que des objectifs publics peuvent être atteints en utilisant les avantages de la gestion privée. Dans de nombreux domaines, l'État peut et doit confier la réalisation de certaines missions au secteur privé, sur la base d'un contrat clair où les missions du titulaire du contrat sont définies avec exigence et précision. L'État ne peut, nous le savons bien, tout gérer en direct : il doit parfois être un donneur d'ordre afin de faire jouer la concurrence et d'obtenir ainsi les meilleurs résultats aux moindres coûts. Les contrats de partenariat sont un levier de cette politique, levier qui peut également contribuer à développer de nouvelles méthodes de gestion publique au sein même des administrations.
Mais, avant d'entrer dans le détail du projet de loi, permettez-moi de vous dire en quelques mots en quoi celui-ci s'inscrit dans une politique globale de modernisation.
Il s'agit, d'abord, de la diminution du délai de paiement des marchés de l'État. Ce délai vient d'être réduit, vous le savez, à trente jours, et je m'apprête à recevoir demain les représentants des communes, des départements et des régions afin d'examiner, avec eux, la possibilité de réduire aussi le délai de paiement des marchés passés par les collectivités territoriales.
Mais il s'agit aussi des mesures qui vont être mises à l'étude à la suite des propositions présentées par Éric Besson dans son rapport intitulé « Mieux acheter pour un meilleur service public », remis il y a quelques jours au Premier ministre. En effet, certaines de ces préconisations rejoignent dès maintenant des dispositions qui vous sont soumises dans le cadre du présent projet de loi.
Il s'agit, enfin, de moderniser et de rendre conformes au droit communautaire, lorsque tel n'est pas encore le cas, notre droit de la commande publique. Cela vaut pour les marchés passés par les personnes entrant dans le champ de l'ordonnance du 6 juin 2005, qui ne sont pas soumises au code des marchés publics, mais qui sont néanmoins tenues de respecter des procédures de mise en concurrence : un décret en cours de finalisation mettra ces marchés en conformité avec le droit communautaire avant la fin de l'année. Dans la même logique, il nous faut également mettre nos procédures de recours contentieux relatives aux marchés publics en conformité avec la directive communautaire adoptée le 11 décembre 2007 : le Gouvernement sollicitera donc, dans le cadre de ce projet de loi, une habilitation pour procéder à cette mise en conformité par ordonnance.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement exprime de manière très concrète et très opérationnelle sa volonté de moderniser, dans des délais encadrés, les règles de la commande publique.
L'expérience des quatre années d'application du nouvel outil qu'a constitué le contrat de partenariat démontre, au-delà des réticences qui ont accompagné sa création, qu'il est bien l'outil qui manquait aux acheteurs publics pour répondre de la meilleure manière possible aux besoins de la collectivité. Entre les marchés publics qui permettent l'achat de prestations et les délégations de service public qui permettent de confier au secteur privé la gestion des services publics, il était en effet nécessaire de trouver un contrat à la fois global et de long terme permettant d'intégrer, dans une même procédure et pour la satisfaction d'un même projet, des contrats jusqu'alors séparés relatifs à la conception, à la réalisation, à l'exploitation ou à la gestion.
Le contrat de partenariat, créé par l'ordonnance du 17 juin 2004, a répondu à cette attente. Il offre aux acheteurs publics les conditions d'un juste équilibre entre la prise en charge globale et exigeante du besoin public et une rémunération du partenaire privé, rémunération liée, non pas simplement à l'exploitation de l'ouvrage, mais aux objectifs de performance qui lui sont fixés. Il permet d'accélérer l'investissement au bénéfice de la collectivité, tout en partageant au mieux les risques entre la collectivité publique et les prestataires privés. Sa logique est simple : lancé à l'initiative de la personne publique, il permet à une entreprise, sélectionnée au terme d'une mise en concurrence, de proposer une prestation globale, qu'elle effectue à ses frais, et dont elle maîtrise les coûts parce qu'elle est responsable à la fois de la conception et de la maintenance. Par sa nature même, le contrat de partenariat contraint la collectivité à penser globalement, et, ainsi, à se projeter dans le long terme.
Créé il y a quatre ans, le contrat de partenariat a déjà fait ses preuves dans plusieurs projets réalisés ou en cours de réalisation. Les domaines couverts sont variés, ce qui prouve la souplesse de ce nouvel outil de la commande publique. Il s'agit notamment des bâtiments publics – à hauteur de 30 % –, des équipements urbains – 25 % –, des équipements culturels et sportifs – 15 %.
Mais, en dépit de la variété des projets que peut aujourd'hui recouvrir ce type de partenariat public-privé, le dispositif présente, nous le savons aujourd'hui, quelques lacunes.
Si les études sont bien avancées pour plus de cent trente projets, on ne peut que regretter que, pour l'heure, seulement un peu moins de trente contrats aient été effectivement signés, du reste pour les trois quarts d'entre eux par des collectivités territoriales. L'investissement cumulé est de l'ordre de 500 millions d'euros, chiffre très éloigné de ce que l'on peut observer chez un certain nombre de nos partenaires. En Grande-Bretagne, par exemple, le private finance initiative, le fameux PFI, représente environ 15 % de l'investissement public. Comme pour nombre de dispositifs nouveaux, le contrat de partenariat a eu un peu de mal à démarrer. Il faut reconnaître qu'il avait été conçu comme une voie d'exception ; il y a donc été recouru de manière exceptionnelle. De surcroît, il a été en partie pénalisé par son régime fiscal peu attractif.
C'est donc à la levée de ces obstacles que s'attache le présent projet de loi afin de faciliter, dans le respect des impératifs de transparence comme des règles budgétaires et comptables, le recours au contrat de partenariat.
Une première série de propositions clarifient son régime juridique afin de sécuriser les pratiques existantes.
Ainsi, dans ses articles 9 et 23, le projet de loi donne expressément au titulaire du contrat de partenariat la possibilité de tirer des ressources complémentaires de l'exploitation du domaine privé que la personne publique lui confie. Les recettes ainsi perçues par le titulaire du contrat de partenariat – grâce, par exemple, à des baux commerciaux consentis sur le domaine privé – réduiront le montant des loyers dus par la puissance publique. Le Sénat a, à juste titre, précisé que les opérations de valorisation du domaine par le titulaire du contrat ne pourront pas porter préjudice à la réalisation des missions de service public dont la personne publique à la charge.
De plus, les articles 1er et 15 précisent les conditions dans lesquelles peut être transféré au titulaire du contrat de partenariat tout contrat qui peut concourir à l'exécution de la mission. Ainsi – cela concerne surtout les architectes –, si la personne publique souhaite choisir le maître d'oeuvre sera ultérieurement exécutée dans le cadre dudit contrat.
Au-delà de ces mesures de clarification, qui me semblent indispensables, d'autres dispositions ouvrent un peu plus largement, dans le respect de la décision du Conseil constitutionnel, l'accès aux contrats de partenariat.
Aux articles 2 et 16, nous proposons ainsi d'ajouter deux nouvelles voies d'accès aux contrats de partenariat.
La première voie nouvelle est celle de l'efficience. Elle permet à l'acheteur public de choisir le partenariat public-privé de préférence, par exemple, à un marché public lorsque l'intérêt économique et financier le commande. Après mise en oeuvre de l'évaluation préalable, les personnes publiques pourront recourir au contrat de partenariat lorsque l'évaluation démontrera que ledit contrat présente un bilan plus avantageux que le recours aux autres outils de la commande publique. Ce nouveau critère élargit la possibilité de recourir à cette forme de contrat, dans le strict respect de l'interprétation des règles de la commande publique par le Conseil constitutionnel : le recours au contrat de partenariat doit répondre à des motifs d'intérêt général et la procédure de passation du contrat de partenariat est strictement encadrée ; tel est notamment le cas lorsque l'évaluation préalable démontre l'avantage du contrat de partenariat par rapport aux autres formules contractuelles.
Le projet de loi dresse par ailleurs une liste de secteurs où l'urgence à intervenir est telle qu'elle est en quelque sorte automatiquement présumée.
Cette liste est strictement et triplement limitée. La procédure est strictement réservée à des domaines expressément mentionnés par le texte comme prioritaires. Il s'agit, par exemple, des projets répondant aux besoins de l'enseignement supérieur et de la recherche – qui pourrait nier leur existence et leur urgence ? –, aux besoins de mise en place de nouvelles technologies pour la police et la gendarmerie nationale, ou aux besoins d'infrastructures de transports. Elle est aussi limitée dans sa portée : l'évaluation préalable ne doit pas être défavorable. Enfin, elle est limitée dans sa durée : cette autorisation ne court que jusqu'au 31 décembre 2012.
Le projet de loi rend également plus incitatif le recours aux contrats de partenariat en simplifiant certaines des règles juridiques et fiscales. Dans ses articles 4 et 18, il prévoit ainsi la possibilité de conclure de tels contrats pour des projets de petite taille,…
…selon une procédure négociée, simplifiée, mais toujours précédée d'une évaluation préalable.
Le Gouvernement veut également instaurer une véritable équité fiscale entre contrats de partenariat et marchés publics. Cette équité n'existe pas aujourd'hui, reconnaissons-le, car la personne publique n'a pas la qualité de maître d'ouvrage lorsqu'elle recourt à ce type de contrat. Le cocontractant ne peut bénéficier du régime fiscal favorable de la personne publique, et le coût du contrat en est majoré d'autant.
Les articles 26 et 27 modifient donc deux taxes d'urbanisme : la taxe pour dépassement du plafond local de densité, et la taxe sur les locaux à usage de bureaux en Île-de-France. Ces deux taxes cumulées peuvent parfois représenter jusqu'à 10 % du coût de construction. De la même manière, l'article 28 du projet de loi harmonise le régime d'imposition applicable à l'État et aux collectivités territoriales pour la publicité foncière des actes portant autorisation d'occupation temporaire du domaine public.
Les articles 9 et 23 réaménagent le régime des cessions de créances, propre aux contrats de partenariat. Les frais financiers intercalaires seront désormais inclus dans l'assiette de la cession. En outre, le cessionnaire bénéficiera d'une sécurité juridique analogue à celle qui est produite par le mécanisme de l'acceptation en « cession Dailly ».
L'article 31 du projet de loi prévoyait que les titulaires de contrat de partenariat pourraient souscrire une assurance dommage ouvrage, mais n'y seraient plus tenus. Ils devaient ainsi bénéficier de la dispense accordée aux collectivités publiques lorsqu'elles assurent elles-mêmes la maîtrise d'ouvrage. Il faut savoir qu'une telle dispense peut représenter une économie d'au moins 1,5 % du coût du projet.
Toutefois, cette dispense d'assurance n'a pas été maintenue par le Sénat, en première lecture. Il me semble qu'elle avait pourtant de réelles justifications et, à l'initiative de votre commission des finances et de sa rapporteure, que je remercie, nous aurons l'occasion d'y revenir au cours des débats.
Un dernier mot pour souligner que les débats au Sénat ont permis de renforcer la transparence des contrats de partenariat. Dans le domaine de l'évaluation préalable à la passation d'un contrat de partenariat, il a ainsi été décidé que les organismes experts, chargés de participer à ces évaluations, devront élaborer une méthodologie déterminant les critères d'élaboration de ladite évaluation.
Une autre modification introduite par le Sénat oblige le titulaire du contrat à transmette un rapport annuel à la personne publique, permettant le suivi de l'exécution du contrat.
En conclusion, je voudrais indiquer combien j'ai été sensible aux travaux des rapporteurs de la commission des lois et des finances qui, après la contribution des sénateurs, ont apporté des précisions ou des modifications très utiles. En tant que fondateur et ancien président du groupe d'études parlementaires sur les partenariats public-privé, dont le bureau comptait des députés socialistes et aussi mes amis Claude Goasguen et Marie-Hélène des Esgaulx, c'est pour moi un plaisir de constater toute la part qu'ils ont pris tous les deux à l'élaboration du texte dont nous allons débattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi relatif aux contrats de partenariat va nous permettre de faciliter le recours à ces contrats. Enfin !
Notre objectif est d'améliorer le régime juridique issu de l'ordonnance du 17 juin 2004, et de faire du contrat de partenariat un mode de commande publique de droit commun, en élargissant les conditions de recours à cet instrument juridique.
S'agit-il d'une nouveauté ? Non. Sans parler des États-Unis, de nombreux pays ont développé des expériences montrant que les partenariats public-privé présentent de multiples avantages par rapport aux marchés publics classiques : la Grande-Bretagne, l'Espagne, l'Italie, le Portugal, l'Allemagne, le Canada, et même la Chine – qui n'est pourtant pas un pays réputé pour son capitalisme excessif.
, rapporteur. Vous êtes peut-être plus compétent que moi pour en parler, mon cher collègue ! (Sourires.)
Premier avantage du contrat de partenariat : la simplicité. La personne publique a un seul interlocuteur au lieu de devoir gérer plusieurs partenaires pour un même chantier.
Deuxième avantage : le prix. En faisant un marché global, on réalise des économies d'échelle.
, rapporteur. Les études réalisées montrent qu'un partenariat public-privé revient, en moyenne de 10 à 15 % moins cher qu'un marché classique.
Troisième avantage : le financement par le partenaire privé. Pour la personne publique, cela permet d'étaler les dépenses dans le temps, et de faire des investissements qui seraient impossibles avec des marchés publics pour lesquels le paiement différé est interdit.
Quatrième avantage : la performance. Comme le constructeur sera aussi celui qui exploitera l'équipement public qu'il bâtit ou initie, il est incité à concevoir un équipement adapté à l'exercice du service, à utiliser des matériaux durables, et à soigner la qualité de la construction. De plus, la rémunération versée par la personne publique peut être liée à des objectifs de performance.
Compte tenu de tous ces avantages, pourquoi les contrats de partenariat n'ont-ils pas pu voir le jour plus tôt ? Incontestablement, des expériences malheureuses ont retardé l'application de ces contrats.
Cette expérience malheureuse n'aurait pas justifié autant de réticences s'il n'y avait eu d'autres éléments, notamment une résistance naturelle de l'administration – classique dans notre droit français – à ces contrats de partenariat jugés inhabituels dans nos stratégies publiques. Si l'on devait s'en tenir aux stratégies publiques dans ce domaine, la régie resterait le modèle de référence dans les administrations.
En tout cas, depuis la création de ce contrat en 2004, nous avons pu constater que son régime juridique était perfectible. Les difficultés d'application étant en partie liées aux réticences que je viens d'évoquer, quels grands aménagements peut-on retenir ?
En premier lieu, nous avons noté que l'ordonnance de 2004 est très restrictive sur les possibilités de recours à un contrat de partenariat, et ne prévoit que deux cas : l'urgence ou la complexité du projet.
De plus, cette interprétation a été reprise et amplifiée par les tribunaux administratifs, et le critère de l'urgence a freiné le recours aux contrats de partenariat.
Le projet de loi élargit les conditions de recours, en instaurant deux nouveaux cas : lorsque le bilan coûts-avantages est plus favorable avec un contrat de partenariat qu'avec un marché public, comme l'a souligné le secrétaire d'État ; dans certains secteurs où le retard d'investissement est important et évident – les universités, les hôpitaux, les commissariats et gendarmeries, les prisons, les casernes, les infrastructures de transport, et l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments publics. Cela permettra de sécuriser et d'accélérer la conclusion des contrats de partenariat.
En deuxième lieu, les procédures de passation appliquées depuis 2004 sont longues et complexes. La plupart des contrats de partenariat sont passés par le biais d'un dialogue compétitif, ce qui prend en moyenne dix-huit mois. Pour de petits projets d'investissement, c'est prohibitif. Le projet de loi permet donc de passer par une procédure négociée lorsque le montant du contrat est inférieur à un seuil fixé par décret, comme pour les marchés publics.
En dernier lieu, alors même qu'il serait souhaitable que les contrats de partenariat puissent être comparés et mis en concurrence avec les autres types de commande publique, ils souffrent d'une absence de neutralité financière et fiscale qui a nui à leur développement. Le projet de loi prévoit d'accorder aux contrats de partenariat une série d'avantages financiers et fiscaux comparables à ceux des marchés publics : exonération du versement pour dépassement du plafond légal de densité, de la redevance pour création de bureaux en Île-de-France, de la contribution sur les revenus locatifs, de la redevance d'archéologie préventive, et éligibilité aux subventions publiques.
Ce texte dynamisera le recours aux contrats de partenariat, tout en le sécurisant juridiquement. À l'issue d'un débat très riche au Sénat, il a été complété par la commission des lois, de telle sorte que seuls quelques points de fond méritent sans doute d'être améliorés par notre assemblée.
La première amélioration envisagée porte sur le cautionnement garantissant le paiement des prestataires, prévu aux articles 9 et 23. Si ce cautionnement peut protéger les prestataires, son caractère obligatoire le rend coûteux et parfois inutile. Par conséquent, la commission a adopté un amendement prévoyant que le cautionnement ne devra être effectué que sur demande du prestataire.
La deuxième concerne les recettes annexes pouvant être tirées de baux conclus sur le domaine privé, mentionnées aux articles 11 et 25. La commission vous propose de préciser que la personne publique devra donner un accord pour chaque bail consenti au partenaire privé, et qu'un domaine non adjacent à l'ouvrage principal pourra être concerné par ce type de baux.
Une troisième modification se rapporte à l'éligibilité au Fonds de compensation pour la TVA des baux emphytéotiques administratifs, les BEA – article 28 bis. L'amendement adopté par le Sénat contre l'avis du Gouvernement mérite incontestablement d'être aménagé, pour en limiter le champ aux seules dépenses d'investissement des BEA inférieures à un seuil fixé par décret.
Enfin, la commission propose d'amender la cession de créance prévue à l'article 29 et qui a fait l'objet de débats longs, techniques et précis lors de nos auditions préalables. Il est souhaitable d'élargir le plus possible l'acceptation de la cession par la personne publique, pour permettre un financement plus aisé et moins coûteux des contrats de partenariat. Pour cette raison, la commission a adopté un amendement portant la part d'une créance cédée à 100 % de la rémunération versée pour les coûts d'investissement et pour les coûts financiers. Cet aménagement du texte sénatorial suscitera sans doute les discussions les plus vives.
Cette solution a été contestée par certaines personnes auditionnées, redoutant que la personne publique, une fois une cession de créance d'un montant élevé acceptée, ne puisse plus disposer d'un moyen d'agir sur le partenaire privé. En réponse à ces craintes, je tiens à souligner que trois garanties devraient permettre de sécuriser une cession de créance dans le cadre d'un contrat de partenariat.
D'abord, la personne publique n'acceptera la cession de créance qu'après avoir constaté que l'investissement a été réalisé conformément aux prescriptions du contrat. D'autre part, le titulaire du contrat sera tenu de se libérer des dettes dont il pourra être redevable à l'égard de la personne publique. Enfin, la personne publique disposera toujours d'un moyen de pression sur le cocontractant, dans la mesure où la fraction de la rémunération correspondant aux coûts de fonctionnement – qui représente en moyenne plus de 30 % du total – ne pourra pas faire l'objet d'une cession de créance, et permettra donc d'imputer les éventuelles pénalités en cas d'exécution défectueuse ou insatisfaisante du contrat.
Il serait souhaitable que le Gouvernement, qui n'est pas soumis aux contraintes de l'article 40 de la Constitution, puisse, sinon reprendre cet amendement, du moins élever la fraction de rémunération pouvant faire l'objet d'une cession de créance. Cela permettrait d'optimiser les conditions de financement des entreprises et donc le coût global des PPP. Nous aurons l'occasion d'en discuter.
Par ailleurs, la commission des lois a souhaité favoriser l'innovation dans le cadre des contrats de partenariat. Aujourd'hui, il est possible de proposer, de sa propre initiative, un projet d'investissement innovant à une personne publique, mais cela présente un risque, que l'on observe fréquemment. Si la personne publique accepte le projet, elle doit organiser une mise en concurrence entre plusieurs candidats, et il arrive souvent que l'auteur du projet ne soit pas retenu. Ce dernier a alors divulgué l'une de ses innovations sans aucune contrepartie. C'est la raison pour laquelle ces propositions spontanées sont rares et constituent sans doute un handicap à l'innovation dans notre société. La commission des lois a donc voté un amendement prévoyant une indemnisation des frais d'études de l'auteur du projet. Il serait souhaitable que le Gouvernement puisse reprendre cet amendement qui permettra de favoriser l'innovation.
Enfin, l'article 31 du projet de loi prévoyait de rendre l'assurance dommage ouvrage conclue par le maître d'ouvrage d'un PPP facultative. Cette disposition a été supprimée par le Sénat. Celui-ci a en effet considéré que la suppression de l'obligation d'assurance dommage ouvrage ayant pour corollaire la suppression de l'obligation d'assurer, elle pourrait, dans les faits, réduire l'accès à une garantie efficace à tout un ensemble de PME, et faire indirectement peser un risque sur la personne publique. La commission des finances propose de rétablir cet article supprimé par le Sénat. Dans un souci d'aboutir à une position qui puisse prendre en compte les critiques formulées par le Sénat, la commission des lois vous présentera un sous-amendement à l'amendement de Mme des Esgaulx, afin que le caractère obligatoire de l'ADO soit maintenu pour les contrats de partenariat conclus par les collectivités territoriales, l'État étant son propre assureur. Les collectivités doivent en effet être plus particulièrement protégées contre les conséquences imprévues mais coûteuses d'un contrat qui rencontre des problèmes en cours d'exécution.
En conclusion, le projet de loi relatif aux contrats de partenariat va donner un nouvel essor à cet instrument juridique, et ainsi stimuler les investissements publics. Je veux aussi souligner que ce texte ne revêt aucun caractère idéologique,…
…et qu'il ne mérite donc pas d'être caricaturé.
Nos collègues socialistes ont largement participé à l'élaboration des textes ayant permis d'aboutir à l'ordonnance de 2004, et ils pratiquent les contrats de partenariat public-privé dans leurs collectivités. Certes, au parti socialiste comme ailleurs, il existe de grandes différences entre les diverses composantes. Mais, je le répète, il serait caricatural d'affirmer que le texte reflète une certaine idéologie.
« Caricatural » ? Comme lorsque l'on dit que M. Goasguen est de droite ?
M. Balligand, qui est de gauche, a apporté des contributions fondamentales au texte : posez-lui la question ! Cela n'empêche pas, d'ailleurs, que certains membres du parti socialiste aient une opinion contraire à la sienne. Pour autant, on aurait tort de caricaturer, et ce pour une raison très simple : s'agissant de commandes publiques, nul n'est obligé de recourir à un contrat de partenariat ! On a toujours le choix. Si, pour des raisons idéologiques – puisque certains y tiennent encore –,…
…telle collectivité locale choisit une autre forme de contrat, personne ne le lui interdira ! Personne n'interdit à personne d'utiliser le mode de commande publique qu'il préfère pour sa propre collectivité, que ce soit par un marché public ou même par une régie !
Évitons la caricature qui consiste à dire que l'on a plaqué sur le système juridique français des normes anglo-saxonnes : ce texte est tout à fait conforme à nos traditions juridiques. En outre, après ce que l'on a pu observer dans le passé, il s'attache à régler des problèmes qui touchent à la transparence.
Il pourrait l'être, mais nous souhaitons que le texte installe de la transparence, afin d'assurer le succès du contrat de partenariat, lequel représente un réel avantage pour l'État comme pour les collectivités publiques.
Même si j'entends bien les réticences idéologiques, le fond du débat n'a rien d'idéologique : le contrat de partenariat est libre, il ne se substitue à rien et n'impose rien à personne. Les marchés publics restent ce qu'ils sont ; n'allez pas, chers collègues socialistes, nous faire un procès d'intention. Je ne parle même pas de M. Delanoë et des contrats de partenariat qu'il envisage à Paris : il est libéral, et il a raison de l'être. Certes, il lui reste peut-être à apprendre quelques fondements du libéralisme, mais s'il veut des contrats de partenariat pour la piscine Molitor ou ailleurs, ma foi, pourquoi pas ? Nul ne songera à le critiquer, car le contrat de partenariat est neutre. Il est pratique, et non idéologique.
Je voudrais donc que notre débat demeure sur le plan juridique.
Ne donnez pas de leçons hâtives : nous ne nous sommes pas encore exprimés !
Nous n'avons absolument pas l'intention de marquer une césure politicienne au sein de notre assemblée : le contrat de partenariat est un instrument qui doit permettre à notre économie de se développer. Et notre économie, madame Lebranchu, n'est ni de gauche ni de droite : elle est notre économie à nous tous.
Bref, la commission des lois vous propose, chers collègues, d'adopter le présent texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les partenariats public-privé peuvent constituer un véritable levier de croissance et permettre de rattraper le retard de notre pays en matière d'investissements. Ils peuvent également représenter une formidable chance de moderniser notre commande publique en remettant au premier plan certaines préoccupations économiques parfois oubliées, tout en y intégrant les exigences du développement durable. Ils s'inscrivent enfin pleinement dans une logique de réforme de l'État, en pleine cohérence avec la révision générale des politiques publiques.
Ces contrats s'inscrivent en effet dans une logique d'obligation de résultats, et non plus de moyens, le non-respect de l'objectif étant sanctionné. De même, les personnes publiques renoncent à l'idée de tout faire elles-mêmes au profit du « faire faire », lorsque cette solution est la meilleure. Ouvrir la voie aux PPP, c'est ouvrir la voie à une économie compétitive et innovatrice.
À cette occasion, je voudrais rappeler que, lorsque l'on compare les PPP aux procédures traditionnelles, comme celles instituées par la loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique, dite loi MOP, il ne faut pas comparer des archétypes, mais des réalités : ne négligeons pas la facture de l'indifférence pour la maintenance, le coût des procédures sans suite ou infructueuses, sans parler des dérives quant aux délais de livraison et aux coûts.
Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui marque une étape importante dans l'élimination des obstacles au développement des partenariats public-privé. L'Assemblée nationale peut encore améliorer un texte globalement équilibré et que le Sénat a déjà perfectionné. Après vous avoir présenté quelques idées en ce sens, issues notamment des travaux du groupe d'étude que vous avez créé, monsieur le secrétaire d'État, et que je préside aujourd'hui, je soulignerai l'intérêt qui s'attacherait, dans une seconde étape, à engager une réflexion sur certains points encore non résolus.
Le texte qui nous est soumis est globalement satisfaisant. Il propose d'abord d'élargir les conditions de recours aux partenariats public-privé. Comme pour tout compromis, la formulation retenue n'est pas dépourvue d'imperfections – je pense à l'urgence –, ni de complexités qui pourraient générer des difficultés contentieuses. Mais, compte tenu des contraintes, c'est probablement le meilleur compromis possible. Essayons donc de le faire fonctionner. Si, dans quelque temps, il s'avère que des aménagements s'imposent, faisons-les. Ce texte est une étape importante, mais seulement une étape.
Le projet de loi comporte quelques autres avancées : des progrès en direction de la neutralité fiscale ; un régime de cession de créances globalement équilibré après le passage au Sénat, et ce, même si quelques assouplissements mineurs sont sûrement souhaitables en faveur des petits PPP ; des précisions bienvenues sur les recettes dites annexes ; une transparence accrue avec, par exemple, la remise d'un rapport annuel du titulaire à la personne publique.
J'ai souhaité apporter diverses améliorations au texte, d'où mes amendements. Mon premier souci a été de renforcer la transparence. Alors même que beaucoup de procès d'intention sont faits à cette formule juridique, il est impératif de prévenir, autant que faire se peut, les dérives. Bien que les METP, les marchés d'entreprise de travaux publics, aient été un succès économique et technique,…
…ce qu'on oublie trop souvent de rappeler, les irrégularités qui ont entouré leur passation ont malheureusement condamné la formule. Ne prenons pas le risque de rééditer cette erreur.
C'est la raison pour laquelle j'ai soumis à la commission des finances des amendements, qu'elle a acceptés, tendant à définir des règles communes pour la méthodologie d'évaluation des contrats, tant pour l'État que pour les collectivités locales. De même, j'ai proposé que les contrats de partenariat soient systématiquement recensés, naturellement dans le respect du principe de confidentialité.
Des mesures complémentaires s'imposent pour prévenir certaines dérives financières. Il faut faire en sorte que les engagements résultant de la signature d'un PPP soient bien pris en compte comme des dettes dans les comptes d'une collectivité. Sans imposer une stricte linéarité, il serait de même souhaitable d'interdire tout mécanisme conduisant par exemple à un report en fin de contrat de l'essentiel de la charge de remboursement. Je souhaiterais aussi que le rapport annuel remis chaque année à la personne publique par le titulaire du PPP fasse l'objet d'un débat annuel de la part de l'organe délibérant de la collectivité. Il va de soi qu'il ne sert à rien d'accroître la transparence si, parallèlement, prospèrent des formules nettement moins encadrées, comme le BEA, le bail emphytéotique administratif.
Parmi les autres améliorations qu'il me semblerait souhaitable d'apporter au texte figure le fait d'autoriser des entreprises non soumises au code des marchés public, comme RFF, à recourir au marché négocié pour la passation de contrats de partenariat. De même, il convient d'intégrer dans les critères de jugement des offres le fait qu'un PPP ne se limite pas à des investissements, mais qu'il comporte aussi une part de maintenance et souvent de services, à due concurrence de leur importance respective.
Les PPP ne doivent pas être le monopole de l'État et des grandes collectivités territoriales. C'est pourquoi il serait nécessaire de créer un fonds d'aide aux petites et moyennes collectivités, celles de moins de 50 000 habitants, afin de leur permettre de faire face aux dépenses d'étude et d'évaluation préalables engendrées par de telles procédures. Ces aides pourraient éventuellement prendre la forme d'avances remboursables en cas de signature d'un contrat. La diffusion des PPP serait également facilitée par une certaine standardisation. Un tel système existe au Royaume-Uni : comptez vous, monsieur le secrétaire d'État, prendre des initiatives en ce sens ?
J'en viens à quelques chantiers plus ambitieux, à commencer par la neutralité fiscale. Nous en sommes encore très loin ; c'est même le chantier le plus conséquent qui reste à ouvrir.
En dépit des progrès générés par ce texte, deux points méritent encore d'être approfondis. Tous deux sont liés à la TVA. Le premier concerne l'État, dont les administrations ne récupèrent pas la TVA. Si le bilan est neutre pour l'État pris dans sa globalité, il ne l'est évidemment pas pour chaque administration prise individuellement. Ainsi, lorsque la Délégation générale pour l'armement passe un PPP, elle doit payer 19,6 % de plus que si elle le faisait dans le cadre de la loi MOP.
Vous comprendrez que, dans ces conditions, une telle discrimination constitue une entrave considérable au développement des PPP.
Dans le même ordre d'idée, le traitement fiscal des subventions entraîne une seconde série de limitations conduisant à privilégier d'autres formules que les PPP. En effet, dès lors que les subventions sont assujetties à la TVA, cela équivaut à en réduire notablement le montant. Des élus ont par ailleurs attiré mon attention sur le traitement comptable de ces subventions. La question est complexe, mais le résultat est clair : il est négatif pour les comptes de la collectivité. Dans le principe, la solution est simple : afin d'éviter que les subventions d'investissement ne soient requalifiées en loyers payés d'avance, et donc soumises à la TVA, il faudrait qualifier ces subventions publiques de subventions d'investissement et les exclure du champ d'application de la TVA. Je souhaiterais vivement, monsieur le secrétaire d'État, que le Gouvernement engage une réflexion sur ces bases.
En conclusion, je voudrais évoquer l'impact des PPP sur le droit de la commande publique. Ces contrats nous offrent une voie prometteuse à bien des égards : l'évaluation préalable pour choisir la meilleure formule ; la conception et la réalisation globale du projet ; la responsabilité du titulaire du contrat quant aux délais et au respect du budget initial ; la possibilité de faire évoluer le contrat en fonction de ses nécessités, sans remettre en cause son équilibre général.
Ces contrats ne peuvent manquer de soulever la question, si souvent débattue, d'un code unique de la commande publique et de la simplification d'un droit qui multiplie les formules concurrentes : le BEA-BEH – bail emphytéotique administratif ou hospitalier –, l'AOT – autorisation d'occupation temporaire –, ou le contrat de partenariat.
Plus généralement, nombre de mes interlocuteurs ont déploré le formalisme écrasant qui prive aujourd'hui la commande publique de toute efficacité. Arrêtons de croire que l'oubli d'un numéro de téléphone ou une case non cochée – informations qui n'ont d'ailleurs pas la moindre importance pratique – sont des erreurs qui justifient l'annulation d'un marché public !
Comme le soulignait l'un de mes interlocuteurs, une annulation ne devrait pouvoir être prononcée que dans le cas d'une atteinte réelle et sérieuse portée au principe de la commande publique. Tournons-nous vers l'économie et abandonnons ce juridisme qui, petit à petit, a vidé la commande publique de son sens initial, à savoir l'achat de la meilleure prestation possible, au meilleur coût pour le contribuable !
Le partenariat public-privé, j'en suis convaincue, ouvre la voie sur un tout autre plan. Ce sujet fait en effet l'objet d'une loi, contrairement au code des marchés publics, et cela en raison d'une jurisprudence pour le moins étrange que l'on pourrait qualifier pudiquement de téléologique. Grâce à l'IGD – Institut de la gestion déléguée – et à la MAPPP – mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat –, le chantier de la formation est engagé. Car rien ne se fera si les mentalités n'évoluent pas et s'il reste des chantiers à ouvrir.
Le projet de loi qui nous est soumis constitue néanmoins un progrès considérable. Oui, les PPP constituent potentiellement un progrès, et cette potentialité doit devenir réalité. C'est donc avec enthousiasme que je voterai en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous entamons ce soir l'examen d'un texte qui s'inscrit dans une longue histoire.
Le Gouvernement, qui souvent aime à nous expliquer qu'il agit en rupture avec le passé, est ici dans la droite ligne des gouvernements Raffarin et Villepin. Je me dois donc de saluer la volonté inflexible qu'il manifeste pour nous imposer la généralisation des contrats de partenariat.
Tout débute modestement en 2002 par la promulgation des lois d'orientation et de programmation pour la justice et la sécurité intérieure, dont l'une des dispositions visait à autoriser temporairement la construction ou la rénovation d'établissements pénitentiaires et de gendarmerie sous une forme particulière de partenariat public-privé : le bail emphytéotique administratif. Cette possibilité fut immédiatement utilisée et, sans prendre le temps d'en mesurer l'efficacité, l'année qui suivit, cette expérimentation fut étendue. Il faut regretter cette précipitation.
En effet, ce n'est que l'an dernier, le 23 août 2007, que l'on a appris par la réponse du ministre Hervé Morin à un sénateur qui l'interpellait sur ce sujet que « le BEA de longue durée a rapidement présenté des difficultés rédhibitoires qui ont conduit le ministère de la défense à s'interroger sur sa pertinence. Suite à l'examen conduit par les services du ministère, en liaison avec la direction générale des impôts, il est en effet apparu que ce type d'opération se caractérisait par un coût élevé, le loyer réclamé par l'opérateur correspondant à un loyer financier ».
Ignorant cette réalité, le Gouvernement généralisa ce nouveau type de contrat administratif par la loi du 2 juillet 2003 portant sur la simplification du droit.
Saisi par les socialistes, le Conseil constitutionnel valida ce type de contrat, mais se montra soucieux d'en limiter strictement le champ d'application puisqu'il indiqua, dans l'une de ses décisions : « La généralisation de telles dérogations au droit commun de la commande publique ou de la domanialité publique serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics. »
Selon le Conseil constitutionnel, ces contrats n'étaient envisageables que dans des situations bien précises, puisqu'ils devaient « répondre à des motifs d'intérêt général tels que l'urgence qui s'attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé ».
Le Conseil constitutionnel se trouvait ainsi dans la même disposition que le Conseil d'État qui, après avoir bataillé cinq mois avec votre ministère, avait transmis au Gouvernement ses remarques sur le risque de « briser l'égalité de la commande publique ». Mais le ministre de l'époque, Francis Mer, n'en avait pas tenu compte.
Très logiquement, l'ordonnance du 17 juin 2004 intégra ces réserves et n'autorisa les contrats que pour des projets dont l'urgence ou la complexité auraient été préalablement prouvées.
Le contrat de partenariat intégrait alors un large éventail de dispositifs permettant à des partenaires publics et privés de nouer des liens contractuels, depuis les marchés publics jusqu'aux délégations de service public, depuis les sociétés d'économie mixte jusqu'aux baux emphytéotiques – une batterie d'outils efficaces qui permet à la France d'enregistrer un niveau d'investissement public supérieur à celui relevé chez la plupart de ses grands voisins européens.
Ce contrat de partenariat trouvait lentement sa place puisque vingt-neuf contrats de ce type furent signés, dont vingt-deux par des collectivités territoriales, pour un investissement cumulé de l'ordre d'un demi-milliard d'euros.
Tous les besoins étaient apparemment satisfaits, et nous aurions dû en rester là. Mais le Président de la République ne l'a pas souhaité.
Regrettant visiblement les conditions restrictives posées, il demandait au Premier ministre, par courrier daté du 1er octobre 2007, de mettre en oeuvre « un volet législatif qui desserrerait les contraintes et placerait cette procédure parmi les modalités de droit commun de la commande publique ». Une telle démarche surprend, car elle ne peut trouver son issue que dans le contournement de la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003.
C'est la philosophie de ce texte qui justifie la motion de procédure que je vous présente et qui tend à prouver son irrecevabilité.
Vous ne faites d'ailleurs pas mystère de votre ambition. C'est Mme Lagarde qui déclarait, le 13 février dernier, qu'il s'agissait avec ce projet « de faire du contrat de partenariat un instrument qui trouve pleinement sa place dans la commande publique, et non plus un simple outil d'exception ».
C'est notre rapporteur qui, mercredi dernier, en commission, s'est employé à nous expliquer que les notions d'urgence et de complexité avaient été mentionnées en tant qu'exemples par le Conseil constitutionnel, et non en tant que seuls critères possibles pour recourir à un contrat de partenariat. Or Claude Goasguen est trop fin juriste pour ne pas savoir que la rédaction du dix-huitième considérant ne laisse aucun doute sur l'intention du Conseil constitutionnel.
Or c'est le noeud de notre divergence. Vous estimez nécessaire d'assouplir et d'étendre le recours à ces contrats, mais vous ne pouvez le faire qu'en vidant la décision du Conseil constitutionnel de sa substance.
Nous pensons à l'inverse que la situation est satisfaisante et que rien ne justifie de banaliser ce contrat qui reste « dérogatoire au droit commun de la commande publique », comme l'écrivait le Conseil constitutionnel.
Pour atteindre votre objectif, vous nous proposez donc d'ajouter deux nouvelles voies juridiques de recours.
La première serait d'autoriser l'usage de ce contrat dès lors qu'il présenterait « un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d'autres contrats de la commande publique ». L'affaire, permettez-moi de le dire, est audacieuse ! En effet, peut-on affirmer sérieusement que cette forme de contractualisation, qui engage les parties pour vingt, trente ou quarante ans, se révélera au bout du compte plus avantageuse qu'une autre pour l'État et les collectivités ?
Qui peut le dire, alors même que nous ignorons tout de l'évolution, durant ce laps de temps, du coût de l'énergie ou de la construction, de la fiscalité ou de la législation ?
La deuxième voie d'accès à cette procédure concernerait des secteurs de l'action publique, considérés comme prioritaires, qui pourraient y recourir jusqu'au 31 décembre 2012, la seule réserve étant la production d'un rapport d'évaluation qui ne soit pas « défavorable ». En l'espèce, il eût été plus simple de mentionner les domaines non concernés, tant ils constituent l'exception au regard de ceux énumérés dans le texte. De fait, d'ici à 2012, tout ou presque revêtira un caractère d'urgence !
Une généralisation de l'urgence pour tout et partout : oui, nous estimons que ce projet vise à faire de l'exception la règle, d'un droit dérogatoire un droit commun. Il entre donc en contradiction flagrante avec la décision du Conseil constitutionnel. Nous ne saurions approuver une telle manoeuvre.
Nous l'approuvons d'autant moins que nous sommes sceptiques sur l'intérêt de cet outil, tant les retours d'expérience s'avèrent en la matière décevants, voire alarmants.
Ainsi, en Grande-Bretagne, le dispositif, unanimement loué par le Gouvernement et sa majorité, souffre de certains vices de conformité dont nous aurions tort de sous-estimer la gravité. J'ai d'ailleurs noté le quasi-mutisme du rapport sur ces éléments pourtant instructifs dans la mesure où la Grande-Bretagne pratique ces contrats depuis 1992. Chacun se souvient de la retentissante faillite, le 7 octobre 2001, du réseau ferroviaire Railtrack, exemple type du manque d'expérience du privé dans la gestion des actifs publics.
Mais les exemples sont nombreux. Dans chacun des secteurs par lesquels vous justifiez l'urgence, nous pourrions trouver des expériences qui se sont soldées par de lourds échecs financiers en Grande-Bretagne, au Portugal ou au Canada. Pourquoi rien n'est dit, ou si peu, de ces échecs étrangers dans les rapports du Sénat et de l'Assemblée ? Je vais m'employer à combler en partie cette lacune.
Le ministère de la justice britannique avait confié à un prestataire, dans le cadre d'un partenariat public-privé, l'élaboration du projet relatif au système d'information des tribunaux du pays. Mais la conception et le déploiement de ce système informatique s'avérèrent en fin de compte beaucoup plus difficiles que ce que le ministère avait prévu. De fait, le prestataire accusa bien vite un retard insurmontable, qui allait menacer sa solvabilité. C'est l'État qui, dès lors, se trouva contraint de soutenir son prestataire, sous peine d'entraîner sa liquidation judiciaire et de prendre à sa charge l'ensemble des risques. S'il s'en était abstenu, il aurait en effet perdu l'ensemble des investissements réalisés à son profit.
De même, de nombreux dysfonctionnements ont été relevés outre-Manche dans le cadre de l'exploitation. Ils sont liés à la rigidité des termes contractuels, à des divergences d'appréciation sur les conditions de cessation des contrats, aux stratégies financières de l'opérateur, voire à une éventuelle défaillance de ce dernier.
Autre leçon, l'équilibre économique de ces PPP peut être remis en cause par un choc macro-économique d'une telle ampleur qu'il fragilise le prestataire privé. C'est ainsi que les attentats du 11 septembre 2001 entraînèrent une forte chute du trafic sur les vols transatlantiques, rendant problématique l'exécution du contrat relatif au contrôle aérien signé quelques semaines plus tôt. L'État britannique n'eut d'autre choix que d'intégrer dans le montage de nouveaux partenaires privés, à la suite de longues et difficiles négociations.
C'est aussi en raison d'hypothèses de trafic trop optimistes qu'il fallut procéder à une renégociation, au détriment de l'État, du partenariat élaboré en vue de construire la ligne à grande vitesse Douvres-Londres. Le consortium chargé de l'opération se révéla en effet vite incapable de faire face au service de sa dette. Il fallut, afin d'éviter la faillite du prestataire, injecter de nouveaux capitaux publics dans le cadre de la constitution d'une société commune.
Et je pourrais multiplier les exemples…
…car on ne compte plus au Royaume-Uni, depuis plusieurs années, les contrats de partenariat ayant donné lieu à des difficultés d'exécution : c'est le cas du métro londonien, du musée des armes anciennes de Leeds, du laboratoire national de physique, du pont Élisabeth II, sans parler du financement mixte des hôpitaux.
Au-delà de la Grande-Bretagne, qui, je le rappelle, pratique les PPP depuis 1992 et dont les expériences nous permettent d'avoir un certain recul, d'autres pays les utilisent depuis plus longtemps encore, et ils nous font part des mêmes réserves, et de façon croissante. Une étude indépendante, réalisée l'an dernier par le professeur Pierre Hamel, pour le compte de la Fédération canadienne des municipalités, illustre ces réserves. On y apprend la déconvenue du conseil municipal d'Ottawa qui, nouvellement élu, se prononça le 14 décembre 2006 sur un projet de train léger, en convenant qu'il valait mieux l'abandonner, ou du moins le reprendre depuis le début. Or le partenaire privé – une importante multinationale qui avait investi dans la préparation du projet – réclama 175 millions de dollars pour bris de contrat si la ville persistait dans son désir de revenir sur ce que planifiait l'ancienne administration. Et, même si elle consentait à faire machine arrière, un dédommagement de 70 millions de dollars, au titre des pénalités lui était réclamé.
On découvre dans la même enquête le PPP liant la municipalité de Montréal à la Chambre de commerce, par lequel la première confie à la seconde, pour une période de trente ans, la gestion des parcmètres pour le stationnement. On apprend que, si la ville avait conservé cette prérogative, elle aurait récupéré 225 millions de dollars en 1994, alors qu'en délégant l'opération à la Chambre, elle n'en recouvra que 196. Autrement dit, la ville a délibérément perdu 30 millions de dollars sur une seule année !
Cette étude démontre que plusieurs projets conduits en PPP se sont en fin de compte avérés beaucoup plus onéreux que des projets équivalents directement financés par la collectivité publique. Elle souligne également que de tels partenariats sont le plus souvent utilisés pour l'élaboration de nouveaux projets, plus attrayants pour les investisseurs du secteur privé. En revanche, ils ne contribuent que très marginalement à régler le problème plus pressant du financement de la réfection et de l'entretien des infrastructures existantes.
Bref, il ressort de l'analyse de ces exemples étrangers…
…que les principes énoncés en 2003 par le Conseil constitutionnel pour justifier la stricte limitation du champ d'application des contrats de partenariat, à savoir la protection des propriétés publiques, le bon usage des deniers publics et l'égalité devant la commande publique, sont tout à fait fondés.
Or votre projet de loi remet en cause l'égalité devant la commande publique. Si l'on prend les PPP en cours, seuls trois sur vingt-neuf ont été conclus avec des groupements de PME. De fait, seule une poignée de ce que l'on appelle pudiquement les « majors du BTP », qui n'ont d'ailleurs pas démérité pour la promotion de ce texte, est en mesure de prendre à sa charge ces contrats de partenariats. Vous allez organiser une marginalisation des PME dans l'accès à la commande publique, faussant ainsi le jeu de la libre concurrence. Ce texte n'est pas libéral, puisqu'il favorise les oligopoles. Les PME ne seront au mieux concernées que par la sous-traitance, et encore, puisque le contractant n'est nullement tenu de mettre en concurrence ses prestataires…
Avec le contrat de partenariat, c'en est fini de la contrainte du code des marchés publics.
Ensuite, monsieur le secrétaire d'État, votre projet de loi porte atteinte à la protection des propriétés publiques. À l'évidence, la rémunération des fonds investis par le secteur privé implique l'utilisation du domaine public à des fins lucratives, par le biais de baux commerciaux. Cette forme de partenariat peut faire craindre une privatisation larvée. L'article 1er du texte ne prévoit-il pas la possibilité de délivrer au cocontractant un mandat afin d'encaisser, au nom et pour le compte de la personne publique, le paiement par l'usager final de prestations revenant à cette dernière ? La généralisation du recours aux contrats de partenariat poserait inévitablement le problème du devenir du service public et de ses personnels, un devenir qui, dans une telle perspective, s'annoncerait extrêmement problématique.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, votre projet se révèle contraire au bon usage des deniers publics. Ce n'est pas moi qui le dis, mais la Cour des comptes, qui nous met en garde dans son rapport 2008. Le fait m'avait échappé que son président était un adepte de Che Guevara ! (Sourires.) Selon lui, les partenariats public-privé n'offrent d'avantages qu'à court terme et s'avèrent finalement onéreux à moyen et long terme. Il n'y a là rien d'étonnant au demeurant. Les opérateurs privés sont soumis à des coûts propres découlant du temps et des expertises nécessaires à la formulation de leur dossier de candidature. Ils doivent emprunter à des taux plus élevés que les personnes publiques et il leur faut supporter des frais de structure importants. En outre, ils doivent évidemment distribuer des dividendes à leurs actionnaires.
Si ces contrats de partenariat se révèlent en fin de compte plus dispendieux qu'on voudrait nous le faire croire, ils présentent en revanche un avantage certain, quoique fort pernicieux, pour l'État et les collectivités territoriales, celui d'être apparemment indolores. Avec un PPP, une personne publique peut s'endetter sans en avoir l'air, puisque seuls les loyers sont enregistrés en dépenses de fonctionnement et ceux qui restent dus sont ignorés par la comptabilité publique.
C'est une technique de bonneteau budgétaire, une dissimulation de la dette et une incitation au dérapage.
À ce risque d'endettement non maîtrisé s'ajoute en l'espèce une facilité comptable tout aussi périlleuse.
Eu égard à la position prise par Eurostat le 11 février 2004, il est en effet fort probable que les investissements mis à la disposition de l'État et des collectivités dans le cadre des contrats de partenariat ne seront pas, dans la plupart des cas, considérés comme des actifs publics. On ne connaît que trop bien la propension du Gouvernement, lorsqu'il n'a pas les moyens de financer ses investissements, à les reporter sur les dépenses de fonctionnement. Mais ici, la ficelle est tout de même un peu grosse, puisqu'elle permettra à l'État de s'endetter sans frein, sans que cet endettement apparaisse dans ses comptes. C'est une manière habile, mais dangereuse, de renvoyer le coût réel de vos décisions sur les générations futures.
La généralisation des contrats de partenariat constituerait donc à nos yeux une erreur considérable. Ne peuvent la légitimer que de mauvaises raisons dont les effets seraient désastreux. Tenons-nous-en donc au dispositif actuel. Cet outil a le mérite d'exister, il peut rendre des services, mais son usage doit être strictement encadré afin d'éviter toute dérive potentiellement incontrôlable. Ce faisant, nous resterons dans l'épure de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui n'a retenu que l'urgence et la complexité des projets comme motifs possibles de recours à cette forme de contractualisation.
C'est parce que votre projet de loi contrevient à ce principe de droit et de simple bon sens que je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention la démonstration juridique de Jean-Jacques Urvoas.
Mais, lorsqu'on s'engage à faire une démonstration juridique, il faut d'abord se reporter au texte auquel on fait allusion. Notre collègue a essentiellement cité la décision du Conseil constitutionnel de 2003. Je vais donc vous donner lecture de quelques passages de cette décision.
D'abord, le Conseil précise que le contrat de partenariat est une procédure dérogatoire au droit commun, la règle générale restant la maîtrise d'ouvrage publique. Il indique que la généralisation de telles dérogations au droit commun de la commande publique, au-delà de la domanialité publique, serait susceptible – vous pouvez constater la prudence du Conseil constitutionnel – de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics ; que, dans ces conditions, les ordonnances prises sur le fondement de l'article 6 de la loi déférée devront réserver de semblables dérogations à des situations répondant à des motifs d'intérêt général tels que l'urgence qui s'attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles, économiques d'un équipement ou d'un service déterminé.
De la lecture de cette décision, je retiendrai trois points essentiels.
D'abord, et c'est fondamental, le contrat de partenariat n'est pas anticonstitutionnel, sans quoi le texte aurait été annulé par le Conseil constitutionnel. Or celui-ci s'est contenté de dire que la procédure est dérogatoire au droit commun et qu'il faut, par conséquent, que la collectivité publique motive le recours à cette procédure.
Non, je parle de la décision du Conseil constitutionnel, qui constitue le cadre du projet de loi dont nous débattons ce soir.
Ensuite, le Conseil constitutionnel va plus loin et précise quels sont ces motifs. L'urgence et la complexité ne constituent pas deux critères posés une fois pour toutes, d'une manière exhaustive par le Conseil constitutionnel, qui – il le dit très clairement – se prononce sur un cas d'espèce. Cela n'a rien à voir avec ce que l'on pourrait appeler un arrêt de règlement du Conseil d'État. La rédaction de cette décision, compte tenu de l'emploi des termes « tels que l'urgence », montre bien que l'énumération n'a rien d'exhaustif.
Enfin, un autre élément me paraît important : il s'agissait, à l'époque, d'un projet de loi d'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance. Autrement dit, en l'absence de texte législatif, le Conseil constitutionnel a voulu borner le champ d'intervention du Gouvernement, et non celui du Parlement.
Il a en quelque sorte invité le Parlement à légiférer sur le sujet, et c'est précisément ce que nous faisons ce soir. Le projet du Gouvernement n'est donc pas en opposition avec la décision du Conseil constitutionnel, mais il est au contraire dans la droite ligne de sa jurisprudence.
Un autre argument doit nous conduire à rejeter cette exception d'irrecevabilité : en fin de compte, le texte est très contraignant pour la collectivité qui va donner l'ordre. D'abord, celle-ci doit prouver l'intérêt économique et financier du recours au contrat de partenariat. Ensuite, le texte ouvre une seconde voie permettant de passer des contrats de partenariat, mais dans des conditions très strictes : un temps limité, des secteurs déterminés, et une réserve de fond, les résultats de l'évaluation devant prouver le bien-fondé du recours à cette procédure.
Pour toutes ces raisons, ce texte n'est pas, loin s'en faut, en contradiction avec la position du Conseil constitutionnel.
Dans ces conditions, nous ne pouvons que repousser l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Nous venons d'entendre une lecture très particulière de la décision du Conseil constitutionnel. À l'évidence, le texte qui nous est présenté vise à faire de l'exception la règle de droit commun. Le projet de loi qui nous est soumis veut simplement contourner le considérant du Conseil constitutionnel, qui avait clairement fixé les limites du dispositif.
La situation est singulière. M. Urvoas a parfaitement explicité les raisons qui nous conduiront à soumettre au Conseil constitutionnel ce texte – au moyen duquel vous voulez en quelque sorte légiférer à sa place –, d'autant que Mme la rapporteure pour avis a indiqué tout à l'heure qu'il ne s'agissait là que d'une étape. Avant d'aller plus loin, nous devons savoir si nous en resterons là ou si cette nouvelle étape ne réservera pas quelques surprises.
Ce dispositif législatif est tout à fait singulier, en ce que ce texte va faire d'un élément subsidiaire la règle de droit commun. La plupart des contrats, sortant de la sphère publique, passeront dans la sphère privée, sans même que votre projet ait fixé de seuil. Autrement dit, vous ouvrez la possibilité à l'État et aux collectivités locales de passer, dans n'importe quelle situation, des contrats avec des entreprises privées. Si l'État peut encore se protéger, face à des dispositifs qu'il est à même d'apprécier, je vois mal comment les collectivités locales pourront faire face à la complexité des systèmes proposés. C'est d'ailleurs pourquoi le Conseil constitutionnel avait pris la précaution de fixer pour limites l'urgence et la complexité des projets.
Ce texte, qui nous est proposé comme une solution à des problèmes autres que ceux qu'il est censé régler, devra être soumis au Conseil constitutionnel, afin que celui-ci rappelle les véritables termes de ses considérants. L'exception d'irrecevabilité qui vous a été présentée est donc parfaitement fondée et, bien sûr, nous la voterons.
Je tiens à féliciter mon collègue Jean-Jacques Urvoas qui, pour une fois, a parlé de la constitutionnalité ou de l'inconstitutionnalité du projet de loi, alors qu'en général on parle de tout autre chose en défendant une exception d'irrecevabilité.
Je tenais seulement à féliciter notre collègue d'en être resté à l'objet même de la motion.
Venons-en au fond.
Je partage l'analyse de Michel Diefenbacher. Quant à celle de Jean-Jacques Urvoas, elle comporte deux erreurs. D'abord, la décision du Conseil constitutionnel ne porte pas sur le texte existant, mais sur l'ordonnance ayant habilité le Gouvernement à légiférer sur ce point. Dans une ordonnance, le texte est restreint, et le Conseil constitutionnel a encadré le Gouvernement. Mais le point le plus important, c'est que notre collègue a fait une lecture exclusive…
…de la décision du Conseil constitutionnel. Or, comme l'a rappelé Michel Diefenbacher, le Conseil parle de motifs d'intérêt général, « tels que l'urgence ou la complexité ». Il peut donc y en avoir d'autres.
Le Conseil constitutionnel n'a pas précisé : « à l'exclusion de tout autre critère ».
Pour ma part, je ne suis pas un grand zélateur des PPP. Je pense qu'ils ont leur utilité, mais que leur nombre restera limité et que nous n'atteindrons jamais les 14 % existant au Royaume-Uni. À chacun son analyse, les faits trancheront. Cela étant, il ne faut pas faire dire au Conseil constitutionnel qu'on ne peut utiliser le PPP qu'en cas d'urgence ou de complexité.
Pour ce qui est de l'urgence, c'est un état exceptionnel. Quand, récemment, un de nos collègues, également président de conseil général, a voulu recourir au PPP pour la construction d'un collège, le tribunal administratif l'a sanctionné, estimant que l'on n'était pas à deux ou trois ans près pour réaliser une telle opération. Quant à la complexité, on n'a pas encore inventé d'indice pour la mesurer, d'autant qu'elle peut se rapporter au fonctionnement comme à l'investissement.
À l'époque, le Gouvernement avait tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel pour élaborer son texte mais, en réalité, ces deux critères ne sont pas limitatifs. Si nous voulons que la formule soit efficace, il convient même de les élargir.
Nos collègues socialistes ont souligné qu'ils n'étaient pas hostiles aux dispositions existantes. Nous pouvons bien les étendre, d'autant qu'elles restent strictement encadrées : à chaque fois, un expert indépendant devra vérifier que la procédure du PPP – dont le caractère dérogatoire est confirmé – est bien la meilleure de celles auxquelles on peut avoir recours. Il me semble donc que le danger n'est pas bien grand, même si j'ai quelques réserves, sur lesquelles je reviendrai au cours de la discussion générale.
Mes chers collègues, je signale à ceux d'entre vous qui songent à recourir au PPP pour la construction de grands stades que l'Allemagne vient de battre la Turquie, en coupe d'Europe de football, par trois buts à deux. (Sourires.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Les arguments de notre collègue de l'UMP sont intéressants, mais datés. L'avis du Conseil constitutionnel – qu'il a lu à la virgule près, je le reconnais, ce qui servira mon propos – était avant tout une mise en garde, un cadre destiné à guider les décisions futures. En fait, en appelant à rejeter l'exception d'irrecevabilité, notre collègue n'a fait qu'en souligner la pertinence.
S'agissant des PPP, la prudence et les réserves restent de mise, comme en 2003, lorsque le Conseil constitutionnel a rendu son avis. C'est d'autant plus vrai que nous disposons désormais d'un retour d'expérience qui ne se limite plus aux METP – ces fameux précurseurs des PPP, dont nous connaissons les nombreux défauts. Nous pouvons également observer ce qui se passe à l'étranger car, comme l'ont plusieurs fois rappelé le rapporteur et le ministre, notre pays n'est pas le seul à s'être engagé sur la voie des partenariats. Dans certains pays, on les pratique depuis 1992, et ils ont donné lieu à de nombreuses dérives, coûteuses pour la collectivité – non seulement sur le plan financier, mais aussi sur celui de l'efficacité. Nous devons garder ces exemples à l'esprit.
Mais je m'appuierai surtout sur le n° 3 de la Newsletter du club des PPP, que – hasard du calendrier, sans doute – je viens de recevoir. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Il est très bien réalisé…
On y trouve, en première page, un article rédigé par le président de l'Institut de gestion déléguée, Claude Martinand, et censé répondre aux trois objections majeures faites à l'encontre des PPP. Mais s'il peut vous fournir des arguments, il m'en fournit tout autant.
Ainsi, M. Martinand dénonce un premier préjugé, selon lequel le recours au PPP servirait à desserrer la contrainte budgétaire de manière indolore. Reconnaissons-le pourtant, c'est bien ce qui motive la majorité.
Si, au sujet des retraites ou de la sécurité sociale, vous refusez de faire porter la charge sur les générations futures – comme le Gouvernement nous le serine à l'occasion des questions d'actualité –, il n'en est pas de même pour les PPP : nos descendants devront payer l'addition.
M. Martinand se demande ensuite si le recours aux PPP va multiplier les mauvais projets. Il conclut que non, bien entendu, car ce serait au commanditaire public de savoir ce qu'il veut. Mais la question n'a guère de sens et ce qu'on nous a présenté comme un garde-fou, à savoir l'étude préalable, n'en est pas un. Si l'étude est faite par l'autorité publique, elle conclura objectivement que celle-ci a intérêt à réaliser elle-même les opérations. Si elle l'est par des bureaux d'études dont les trois quarts dépendent de grands groupes monopolistiques, le résultat sera connu d'avance.
Enfin, le PPP coûte-t-il plus cher ? Cela dépend, répond M. Martinand, pour qui « il est indispensable de raisonner avec des forfaits en coût global et d'avoir une certaine maîtrise de ses coûts et de ses délais ». (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Voilà ce qui s'appelle enfoncer des portes ouvertes ! Cela coûte peut-être plus cher a priori, mais cela ne coûte pas forcément plus cher a posteriori, nous apprend-il encore. (Mêmes mouvements.) Je ne sais pas si ce monsieur est normand, mais il convient de saluer son sens de l'équilibre. Chacun peut trouver dans ses propos matière à étayer son propre discours.
Nous aurons l'occasion, au cours du débat, d'argumenter dans un sens ou dans l'autre. Dans l'immédiat, je voterai très volontiers l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Claude Goasguen nous a dit que le débat de ce soir n'était pas une affaire d'idéologie. Dont acte. Il n'en reste pas moins qu'il est pour nous une grande source d'inquiétude. L'enthousiasme zélé manifesté par Mme la rapporteure pour avis paraît à cet égard bien excessif. Le ministre de la défense ne s'est-il interrogé sur la pertinence du recours au PPP, comme vient de le rappeler M. Urvoas ?
Il ne serait pas question d'idéologie, effectivement, si la puissance publique y recourait, de façon assez naturelle, lorsqu'elle se trouve prise au dépourvu, face à l'urgence ou à la complexité.
En nous annonçant à l'instant le résultat d'un match, M. le président évoquait l'opportunité de construire un stade grâce au PPP. En cas d'urgence, sans doute. Nous avons connu la situation à Toulouse, après l'explosion de l'usine AZF. Le Stadium municipal avait été ébranlé et une bonne partie des tribunes interdites pour raisons de sécurité. S'il avait été complètement détruit, le recours au PPP aurait été justifié. Nous sommes attachés à ce caractère dérogatoire.
Nous sommes confortés dans cette opinion par l'expérience, déjà ancienne, de la Grande-Bretagne, qui a beaucoup recouru à cette procédure. En effet, même si les budgets et les délais y sont en général bien respectés, ce pays est en train de revenir de ce type d'investissement, surtout dans le secteur hospitalier, ou les redevances de loyers se révèlent très lourdes. La commission des finances de la Chambre des communes a ainsi calculé qu'au-dessous du seuil de 20 millions de livres, l'intérêt de la formule pour les finances publiques était loin d'être démontré.
Ce projet de loi, qui modifie l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, est exemplaire à plus d'un titre, monsieur le secrétaire d'État. Il illustre votre tendance à pratiquer la fuite en avant sur de nombreux sujets, ainsi que votre façon de traiter les PME et PMI, auxquelles vous devriez pourtant être attaché. Il montre votre propension à renforcer les inégalités entre collectivités riches, qui peuvent emprunter pour financer leurs investissements, et les petites collectivités, qui seront, elles, contraintes de passer par un partenariat et de s'endetter sur des dizaines d'années pour pouvoir construire une école, un stade ou une crèche.
Je rencontre bien des difficultés pour construire une crèche de haute qualité environnementale et énergétique dans ma commune : sans doute aurais-je moins de soucis si je la confiais pour trente ans, ainsi que les bébés, à une major du bâtiment. Mais le préfinancement par l'entreprise est plus coûteux que le recours à un emprunt directement négocié par la collectivité,…
…qui bénéficie ainsi d'un taux d'intérêt préférentiel.
Ce texte est également exemplaire d'une tendance à favoriser les grands groupes au détriment des PME. Certes, nous nous sommes habitués, depuis le début de la législature, à vous voir négliger la petite entreprise (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)…
…et réserver vos gentillesses aux plus forts. Cette fois, chapeau bas ! On a vu comment, dans la loi de modernisation de l'économie, vous traitez les fournisseurs, face aux centrales d'achat de la grande distribution. Aujourd'hui, vous privilégiez les trois majors du bâtiment. Et vous n'hésitez pas à contourner l'article 96 du code des marchés publics, qui interdit le paiement différé. Ce projet de loi pousse au crime parce qu'il favorise l'entente…
Nous risquons ainsi de voir ressusciter, en matière de marchés publics, des pratiques que l'on croyait éteintes.
Enfin, j'admire le sens du timing de ce gouvernement. À peine le Livre blanc sur la défense paru, ce texte vient très opportunément permettre le financement des équipements de défense voulus par le Président. Et, comme les caisses sont vides, il ne fait aucun doute qu'ils seront réalisés avec des contrats de partenariat public-privé.
Il est d'ailleurs notifié dans le projet de loi que le caractère réputé d'urgence s'appliquera à la réorganisation des implantations du ministère de la défense.
Depuis toujours, et les exemples sont nombreux – de la privatisation des autoroutes jusqu'à EADS, et je bats d'ailleurs ma propre coulpe à cet égard –, à chaque fois que les intérêts publics et privés ont été mélangés, c'est le citoyen, donc le contribuable, qui y a perdu. Les intérêts privés se montreront toujours les plus forts. Les pertes ont été nationalisées et les profits privatisés.
Vous nous proposez d'abandonner les prérogatives publiques aux entreprises privées qui prendront en charge les équipements publics.
Et les concessions ? Et les délégations de service public, qu'est-ce que c'est ?
Ce texte soulève un problème de fond, car il permet aux entreprises privées de prendre en charge l'intérêt général. Elles sont parfois tentées, par un élan de générosité auquel elles ne nous ont pas habitués, à assumer ce rôle qui n'est pas le leur, mais la Bourse est là pour leur rappeler la réalité du marché, voire pour les sanctionner.
Jusqu'ici, les contrats de partenariat, encadrés par l'ordonnance de juin 2004, restaient exceptionnels, mais, avec ce projet de loi, ils vont se généraliser. Grâce à ces contrats, l'État et les collectivités locales pourront désormais s'endetter pour construire des écoles, des prisons, des hôpitaux sans que cela apparaisse dans leurs comptes. Une belle aubaine à l'heure où les caisses sont vides et où les collectivités locales sont considérées comme étant responsables de l'endettement et de l'incapacité de la France à respecter les critères de Maastricht. C'est bien le premier danger que fait courir ce projet de loi aux collectivités locales. Aujourd'hui, on rase gratis, mais on laisse à ses successeurs et aux conseils municipaux suivants la charge du loyer ! C'est un peu le miroir aux alouettes. Vous proposez comme modèle de gestion publique une sorte de crédit revolving, reconnu si dangereux pour les particuliers ! Il serait désormais ouvert aux collectivités locales !
La Cour des comptes ne s'y trompe pas, puisque, dans son rapport 2008, elle appelle les pouvoirs publics à plus de vigilance dans le maniement des deniers publics pour des montages de ce type. Elle cite même des exemples précis de PPP où les deniers publics ont été malmenés.
Même si vous ne nous avez pas suivis en votant notre exception d'irrecevabilité, je ne doute pas, monsieur de Courson, que, sur ce point particulier, vous vous joindrez à nous pour essayer de limiter les dégâts et établir des garde-fous, lesquels se justifient par la publication parue hier dans un grand quotidien du soir, et intitulée : « PPP : main basse sur la ville, le retour ».
Elle est signée – excusez du peu – par l'Association des ingénieurs territoriaux de France, par la CAPEB, la Fédération nationale des SCOP, le Syndicat national du second oeuvre, le Syndicat de l'architecture et par un certain nombre d'opérateurs de bureaux d'études et d'ingénierie.
Ce projet de loi s'apprête, en fait, à sacrer une petite poignée de grands groupes au détriment des PME, qui ont déjà tant de mal aujourd'hui à survivre. Au vu la nécessité pour l'opérateur privé d'apporter les financements, ces contrats seront exclusivement à la portée des majors du BTP. Certes, la CAPEB demande que soit fixé un plancher au-dessous duquel on ne pourrait ouvrir de partenariat, mais ce serait priver les petites et moyennes entreprises de la chance de concourir pour de petits PPP.
Débudgétisation, étranglement des petites et moyennes entreprises au profit des majors, possibilités d'entente, ouverture à des pratiques de corruption, tout cela n'est pas si ancien. Il suffit de remonter aux années 1993, avec les fameux marchés d'entreprises de travaux publics en Île-de-France. À cet égard, deux éléments précisés dans le projet sont dangereux : le partenaire privé peut consentir sur le domaine privé des baux à construction ou des baux emphytéotiques avec l'accord de la personne publique…
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est effectivement dangereux !
…et la personne publique peut autoriser le partenaire privé à exploiter le domaine privé au-delà de la durée du contrat de partenariat. Alors que ces contrats se négocieront sur plusieurs dizaines de millions d'euros, comment ne pas y voir une inévitable tentation pour certains ? L'ordonnance de 2003 encadrait le recours aux partenariats, que vous voulez malheureusement généraliser.
Je conclurai en citant le cas particulier du ministère de la défense. Jusqu'où ira-t-on, en matière de défense, dans le mélange entre gestion privée et mission régalienne de l'État, remettant en question sa souveraineté ? Il est assez baroque de lire le premier partenariat public-privé du ministère de la défense. Il portait sur la fourniture d'heures de vol d'hélicoptères pour la formation des pilotes à Dax. La Délégation générale pour l'armement a notifié ce contrat le 31 janvier 2008 – c'est donc très récent. D'une durée de vingt-deux ans, ce contrat porte sur l'achat d'heures de vol d'hélicoptères au profit de l'École d'application de Dax, chargée de la formation initiale des pilotes d'hélicoptères de trois armées et de la gendarmerie. Le besoin habituel est évalué à 22 000 heures de vol par an.
Les premiers appareils seront mis à disposition en 2010. Le montant annuel du contrat s'élèvera à 22 millions d'euros, toutes taxes comprises. La formation de nos conducteurs de chars se fera-t-elle, un jour, elle aussi, dans le cadre d'un partenariat public-privé ? Ne sommes-nous pas parvenus au point où la souveraineté, la mission régalienne de l'État est mise en cause par votre texte et par les dispositions particulières concernant la défense ? Le Conseil constitutionnel devra trancher en la matière.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous tenterons de limiter les dangers d'une généralisation des partenariats public-privé, et ce sans idéologie, monsieur Goasguen ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, il y a quelques mois à peine, en octobre dernier, le Président de la République avait appelé de ses voeux la mise en place d'un plan de stimulation de l'investissement privé dans le secteur public. Entre-temps, les majors du BTP ont fait preuve de beaucoup de pédagogie.
Le texte qui nous est présenté aujourd'hui n'a d'autre vocation que de traduire cette volonté, fût-ce en contournant la décision du Conseil constitutionnel sur laquelle était venu se briser l'élan de la précédente réforme.
Rappelons que l'ordonnance du 17 juin 2004, qui avait porté les contrats de partenariat sur les fonts baptismaux, avait dû intégrer un certain nombre de réserves énoncées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 juin 2003. Il a déjà été fait référence aux attendus de cette décision lors des débats en commission. Il importe cependant d'y revenir. Le Conseil constitutionnel, saisi de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003 portant simplification du droit, avait certes validé le principe les contrats de partenariat, mais refusé la généralisation de cet outil. Comme l'a fort justement rappelé notre collègue Michel Diefenbacher, conseiller maître à la Cour des comptes, et dont la compétence ne peut pas être mise en doute, le Conseil constitutionnel avait notamment considéré que les contrats de partenariat avaient et devaient garder un caractère dérogatoire,…
…estimant en particulier que « la généralisation de telles dérogations au droit commun de la commande publique ou de la domanialité publique serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection de la propriété publique et au bon usage des deniers publics. » Il ne s'agissait pas, on le voit, de griefs secondaires.
Le Conseil estimait, par ailleurs, que les contrats de partenariat devaient être réservés « à des situations répondant à des motifs d'intérêt général, tels que l'urgence qui s'attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé ».
Le juge constitutionnel avait donc entendu clairement encadrer le recours aux contrats de partenariat, dans le souci du respect de quelques principes fondamentaux, dont la protection de la propriété publique et le bon usage des deniers publics ne sont pas les moindres, particulièrement en une période où l'on proclame à qui veut l'entendre la nécessité de réaliser des économies.
De ce souci d'encadrement et du respect de ces principes, votre gouvernement n'a cure. Votre objectif n'est rien de moins en effet que de lever ces réserves d'interprétation et contourner l'obstacle coûte que coûte, sans plus de considération pour les principes de valeur constitutionnelle que nous venons d'évoquer que pour les objections au modèle économique, vous conduisant à privilégier la voie hasardeuse de la banalisation de ce type de contrats qui auraient dû être exceptionnels.
Vous êtes intimement persuadé, monsieur le secrétaire d'État, que les contrats de partenariat représentent l'avenir de la commande publique et ont vocation à se substituer aux autres outils existants, marchés publics, concessions ou délégations de service public…
Cela prouve que nous ne sommes pas d'accord.
Nous ne partageons pas cette appréciation. Nous nous souvenons de la gabegie des marchés d'entreprises de travaux publics, notamment d'Île-de-France, dont le bilan financier constaté aujourd'hui par la région démontre la dérive financière exorbitante.
Nous comprenons la séduction qu'exerce, en premier lieu, l'idée selon laquelle les partenariats public-privé seraient le moyen pour l'État et les collectivités locales de rénover leurs équipements et leurs infrastructures pour un coût en apparence bien plus intéressant dans l'immédiat. N'encoure-t-on pas toutefois le risque que, par-delà les avantages budgétaires que présente la méthode sur le court terme, le coût des redevances à payer aux opérateurs privés ne viennent sur le long terme sérieusement entamer les marges de manoeuvre des acteurs publics, au détriment des contribuables ?
La Fédération européenne des services publics et, en France, le dernier rapport de la Cour des comptes ont pointé la lourdeur administrative et financière de la mise en oeuvre des partenariats public-privé. La Cour des comptes a même émis de sérieuses réserves sur cette technique contractuelle, la conclusion de contrats de partenariat s'étant révélée plus coûteuse pour la collectivité que ne l'aurait été le recours à des solutions plus classiques, que vous jugez à tort trop rigides.
Deux exemples sont bien connus : celui du centre des archives du ministère des affaires étrangères et celui du pôle de renseignement du ministère de l'intérieur.
Concernant le secteur plus spécifique des transports terrestres, il n'est pas non plus inutile de rappeler que les sénateurs de la mission sur les infrastructures de transports estimaient en février dernier que « la voie des partenariats public-privé ne saurait en aucun cas constituer une solution miracle au problème de financement des infrastructures de transports. [...] La preuve en est donnée non seulement par les difficultés rencontrées par certains projets français, comme le tramway de Mulhouse, mais aussi par l'exemple du Royaume-Uni où l'utilisation très fréquente de ce type de contrat n'a finalement qu'une part très faible aux infrastructures de transports avec 8 % des projets, très loin derrière le secteur de la santé, des prisons et de la défense ».
Tout le monde a en mémoire l'exemple du métro de Londres, qui nous invite à la prudence et nous éclaire sur les conséquences que peut avoir le développement de ce type de contrat. Que se passe-t-il en effet quand l'opérateur est défaillant ? Le risque est grand alors de voir la structure privée mise en faillite par ses actionnaires et les contribuables mis à contribution. Nous ne croyons pas un mot de la fameuse notion libérale de « partage de risques ». Nous savons tous qu'elle signifie la privatisation des profits et la socialisation des pertes !
Le tableau des avantages comparés des contrats de partenariat n'est donc pas idyllique.
Nous savons bien que votre texte obéit sans doute à des motifs d'opportunité moins économique que politique.
Nous y reviendrons mais, avant cela, je voudrais brièvement aborder quelques-unes des questions soulevées plus spécifiquement par le texte.
Vous souhaitez garantir une stricte neutralité fiscale des différentes formes de la commande publique.
En fait, il s'agit de doter les contrats de partenariat des mêmes avantages fiscaux que les marchés publics – je pense notamment à l'octroi de subventions.
Nous sommes, pour notre part, plus que réservés sur le parallélisme des formes dont se réclame cette approche. Au demeurant, ce parallélisme n'en est pas un. Une dissymétrie demeure : la possibilité de recours à une procédure négociée, réclamée depuis longtemps par les collectivités locales pour les marchés publics, sera pourtant réservée aux seuls contrats de partenariat.
Contrairement aux marchés publics, vous dotez également les contrats de partenariat d'une grande souplesse juridique qui se double d'un allégement problématique de la législation pénale, en dépit des risques patents de dérives susceptibles de qualification pénale, comme les ententes illicites ou le favoritisme. (M. le rapporteur soupire.)
Ne soupirez pas, monsieur Goasguen, car c'est la réalité !
Vous y avez déjà été confronté au cours de votre longue expérience d'élu.
Le principal grief que nous pouvons faire à votre texte est qu'il entend clairement systématiser le recours aux contrats de partenariat comme contrats de droit commun de la commande publique.
Jusqu'en 2012, plus aucun critère ne sera exigé pour recourir à ce type de contrat dans de très nombreux secteurs clés, tels que les transports, la défense ou les équipements de santé. Dans les autres secteurs, il suffira simplement de démontrer un bilan positif sur les autres formes de la commande publique, ce qui ne sera pas difficile, compte tenu du régime fiscal pour le moins avantageux dont vous allez doter ce nouveau contrat. Je pense en particulier aux exonérations fiscales introduites par voie d'amendement, proposées par le sénateur Charles Guené, avec l'avis favorable d'un gouvernement qui prétend se montrer par ailleurs si scrupuleux dans la gestion des deniers publics. Si l'exonération de la contribution annuelle sur les revenus locatifs pour les revenus provenant d'immeubles édifiés dans le cadre d'un contrat de partenariat se justifie prétendument par la nécessité de rétablir la neutralité fiscale entre ces contrats et les marchés publics, rien ne justifie d'y ajouter une exonération de la taxe de publicité foncière et l'exonération de la redevance d'archéologie préventive. Où va-t-on ?
Cette généralisation soulève donc de nombreuses questions.
D'une part, vous mettez un terme à la reconnaissance de la dualité entre maîtrise d'ouvrage public et construction et, par là, à la reconnaissance de la spécificité de l'architecture et des enjeux liés à l'urbanisme.
D'autre part, et très concrètement, votre projet va gravement pénaliser les PME, plus que jamais vouées à devenir les simples sous-traitantes des groupes monopolistiques privés. C'est M. Jacques Petey, le président de la fédération nationale des sociétés coopératives de production du bâtiment et des travaux publics, qui s'insurge : « Les petites et moyennes entreprises sont de fait évincées, au mépris de la concurrence, car nous n'avons pas les moyens d'être en plus les banquiers de collectivités locales. » Sachons écouter aussi les remarques fortes de la CAPEB et des autres professionnels.
Les contrats de partenariat ont vocation en effet à être des contrats globaux, portant sur l'architecture, tous les corps de métiers, toutes les formes de construction, toutes les entreprises de bâtiment, sur le choix du banquier et du gestionnaire, ainsi que sur l'entreprise qui assurera la maintenance et l'entretien. Comment croire que d'autres acteurs que les géants du BTP pourront répondre à ces appels d'offres ?
Comme le soulignait le groupe communiste lors du débat sénatorial, nous nous retrouvons finalement dans un schéma où le rapport de force est inversé. C'est l'offre qui fait la demande, comme le reconnaît d'ailleurs expressément l'article 10 de l'ordonnance en prévoyant que les cocontractants peuvent eux-mêmes solliciter auprès des collectivités la conclusion de contrats de partenariat clefs en main.
Ils seront eux-mêmes d'autant plus motivés que vous élargissez le champ de la cession de créance de façon à garantir au titulaire de contrat des conditions de financement sensiblement plus favorables.
L'objectif poursuivi par votre texte est au fond très clair : libéraliser le financement des services publics et des politiques d'aménagement en les soumettant aux seules lois du marché. Vous refusez de façon explicite, une fois encore, d'en reconnaître l'éminente spécificité.
Qu'en sera-t-il par exemple demain des projets d'intérêt général qui n'intéresseront pas les investisseurs privés, des infrastructures insuffisamment rentables aux yeux des actionnaires ? Je prenais tout à l'heure l'exemple du métro londonien, il y en a bien d'autres.
Vous ne pouvez nier que l'appel aux capitaux privés aura pour contrepartie la rémunération des fonds investis, une rémunération qui passe notamment, comme le prévoit votre texte, par l'utilisation du domaine public à des fins commerciales par la réalisation de baux commerciaux, d'une durée qui pourra atteindre quatre-vingt-dix-neuf ans, avec des autorisations de construction, sans que nul ne puisse évaluer alors la pertinence de l'occupation du domaine public.
Au bout du compte, et selon la sacro-sainte règle de la privatisation des profits et de la socialisation des pertes, qui vous sert aujourd'hui de principal repère idéologique, les infrastructures les moins rentables seront confiées au secteur public, celles jugées rentables seront réalisées par le secteur privé.
Comme toujours, vous attendez de ce type de réforme une amélioration de la qualité de gestion, du service et des coûts. C'est une pure fiction. Comme je l'évoquais au début de mon intervention, l'État et les collectivités devront acquitter des loyers pendant vingt, trente ou quarante ans, loyers à l'origine d'un surcoût probablement considérable. Vous prétendez le contraire, mais vous ne pouvez administrer la preuve sur le long terme de la plus grande efficience économique des contrats de partenariat par rapport à la délégation de service public ou à l'appel d'offres classique.
La meilleure productivité du secteur privé est une affirmation sans autre fondement qu'idéologique. Vous êtes du reste trop informé, monsieur le secrétaire d'État, pour ignorer les failles de ce modèle économique. Vos objectifs sont en réalité très politiques.
Vous savez fort bien que la croissance économique de notre pays s'appuie principalement sur la demande, que la politique de l'offre que vous avez conduite depuis des années n'a pas tenu ses promesses.
Plutôt que de le reconnaître, vous usez de subterfuges. En l'occurrence, celui-ci consiste à stimuler l'investissement public, notamment dans les grands équipements, mais de telle sorte que l'on respecte tout de même les fameux critères de Maastricht, ce qui ne peut se concevoir sans le recours à l'investissement privé.
De même que vous avez incité les Français à puiser dans leur bas de laine pour soutenir la croissance, mais sans toucher aux salaires, vous entendez aujourd'hui stimuler l'investissement public, mais sans remettre en cause le processus de désengagement massif de l'État de la plupart de ses missions régaliennes.
Avec ce texte, vous incitez désormais les collectivités locales à faire face à leurs missions en se tournant vers le secteur privé, tandis que, parallèlement, l'État privatise chaque jour un peu plus les services et équipements publics pour financer le remboursement de sa dette, se privant dans le même temps des ressources utiles au financement des investissements indispensables. Tout le monde se souvient de la triste cession des autoroutes, l'État se privant au bout du compte de quelques milliards de recettes.
Les opposants à votre texte sont nombreux : les PME, je l'ai dit, mais aussi l'ordre des architectes, qui réclame que les PPP restent une procédure d'exception et qui dénonce le fait que les collectivités locales se dessaisiront de leur rôle de maître d'ouvrage.
Vous pouvez déguiser toute cette politique en la qualifiant de moderne, nous y voyons pour notre part la spirale d'un déclin, une fuite en avant, car vous qui vous témoignez si souvent de votre souci des générations futures, dès lors qu'il s'agit de priver nos concitoyens de droits élémentaires, comme le droit à la retraite ou le droit à la santé, vous êtes curieusement muets sur les conséquences économiques et fiscales de textes tels que celui que vous nous proposez aujourd'hui, qui renvoie aux générations futures une dette qu'ils ne connaîtront qu'in fine.
Il va de soi, et vous l'aurez compris, que dans ce contexte, nous désapprouverons votre démarche.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le contrat de partenariat, crée par l'ordonnance du 17 juin 2004, est un contrat administratif par lequel les personnes publiques confient à un tiers, pour une période déterminée, une mission globale.
Cette mission s'applique au financement d'investissements immatériels, d'ouvrages ou d'équipements nécessaires au service public, à la construction ou transformation des ouvrages ou équipements, ainsi qu'à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion, et, le cas échéant, à d'autres prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée.
Le présent projet de loi modifie l'ordonnance du 17 juin 2004, de sorte que le recours à ce type de montage contractuel ne constitue plus une exception ou, du moins, une dérogation marginale.
En effet, le Gouvernement précédent avait fait preuve de prudence à l'égard d'un type de contrat issu directement du modèle du private finance initiative britannique, en le réservant à des projets complexes et globaux, sous la tutelle du ministère de l'économie et des finances.
Le Conseil constitutionnel avait également émis des réserves d'interprétation sur ces contrats, en estimant qu'ils constituaient des dérogations au droit commun de la commande publique et qu'ils devaient par conséquent correspondre à des situations d'urgence ou bien à la nécessité de tenir compte des caractéristiques, techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé.
Nous avons vu tout à l'heure que ces deux aspects n'étaient pas limitatifs, mais le Gouvernement, très prudent à l'époque, n'avait retenu que ces deux critères.
Qu'est-ce qui a changé aujourd'hui ? Pourquoi veut-on élargir les possibilités de recours aux contrats de partenariat ?
Le visage de l'action publique a certes changé, elle a besoin de modernité, d'évaluation, de performance, et comme toujours, du savoir-faire du secteur privé,…
…mais pourquoi revient-on sur la prudence de la précédente législature ?
Ces contrats ont pour conséquence de déposséder les personnes publiques de la responsabilité qui leur incombe en matière de maîtrise d'ouvrage. Quels en sont les objectifs ? Sont-ils des objectifs de pure performance ? S'agit-il de redéfinir le périmètre de l'État ou bien s'agit-il simplement de financer des besoins d'investissement du secteur public, à crédit ?
Votre projet de loi comporte deux objectifs : un objectif général, qui est d'élargir les possibilités de recours aux contrats de partenariat en mettant en avant l'intérêt économique et financier pour la personne publique, au regard de l'ensemble des outils de la commande publique ; un objectif particulier, qui est de systématiser le recours à ce type de montage, dans un temps limité – fin décembre 2012 –, pour des projets sectoriels réputés présenter un caractère d'urgence.
Le Nouveau Centre, bien que reconnaissant l'utilité de donner aux personnes publiques de nouveaux outils, permettant la modernisation de l'action publique et l'adaptation des services publics aux nouveaux besoins, s'interroge sur la généralisation de ces contrats et, surtout, sur la systématisation du recours à ce type de contrat, bien qu'à titre expérimental, pour un certain nombre de projets sectoriels que le projet de loi énumère.
Sur ces deux objectifs, la prudence doit rester de mise pour plusieurs raisons, et tout d'abord pour des raisons financières.
Eurostat, l'Office statistique des Communautés européennes, avait pris le 11 février 2004 une décision relative au traitement comptable dans les comptes nationaux des contrats souscrits par les unités publiques dans le cadre de partenariats avec des unités privées. La décision précise l'impact sur le déficit ou l'excédent public ainsi que sur la dette publique.
Ainsi, Eurostat recommande que les actifs liés à un PPP soient classés comme actifs non publics et ne soient donc pas enregistrés dans le bilan des administrations publiques si les deux conditions suivantes sont réunies : premièrement, le partenaire privé supporte les risques de construction et, deuxièmement, le partenaire privé supporte au moins l'un des deux risques suivants, celui de la disponibilité ou celui lié à la demande.
Au Royaume-Uni, 87 % des PPP, représentant 54 % des investissements, sont déconsolidés. Le taux de consolidation des contrats varie selon les ministères.
Quoi qu'il en soit, le caractère largement déconsolidant des PPP britanniques doit être relevé. Cependant, et la France ne peut, à ce titre, retenir d'un modèle uniquement ce qui l'arrange, la golden rule, la règle d'or comme dirait M. Brard, qui s'applique aux gestionnaires publics oblige, sur le cycle, à un équilibre de la section de fonctionnement. Par ailleurs, le ratio entre la dette nette et le PIB ne peut excéder 40 % sur le cycle.
Le risque lié à la déconsolidation, c'est une amélioration faciale de la dette publique, sans portée réelle.
Monsieur le secrétaire d'État, que répondriez-vous si je vous demandais s'il serait fondé de faire un PPP pour construire des chars ?
Il me semble que, dans le domaine de la défense, il y aurait un très grand danger. Il faut donc faire très attention.
Dans un contexte de montée en puissance des tensions budgétaires, les risques de fuite budgétaire et d'optimisation comptable existent.
Si, comme le souhaite le Gouvernement, 15 % des investissements publics étaient réalisés en contrats de partenariat, et que la totalité n'était pas prise en compte dans la dette maastrichtienne, ou, car c'est peut-être une hypothèse excessive, une bonne moitié, on parviendrait à une somme comprise entre 5 ou 10 milliards d'euros annuels, et entre 0,3 et 0,6 point de PIB annuel supplémentaire n'apparaîtrait pas dans la dette publique.
Ce pourcentage n'est pas négligeable par rapport à un endettement public atteignant, en 2006, 64,2 % du PIB : en déconsolidant la dette liée à l'investissement public, le Gouvernement pourrait plus facilement respecter, optiquement, son engagement de revenir à 60 % du PIB au plus tard en 2012.
Or, si les collectivités territoriales paraissent moins exposées au risque de déconsolidation abusive des contrats de partenariat, parce que leur structure financière fait l'objet d'un examen attentif des banques lors de la présentation de leurs dossiers de financement et que, surtout, elles sont soumises à l'obligation d'équilibrer leur section de fonctionnement et ont globalement une bonne santé financière, reste que le recours à ce type de contrats est un moyen pour des collectivités mal gérées de limiter leur ratio d'endettement.
Mais, un jour ou l'autre, tout se paie et je souhaiterais m'appuyer sur les recommandations de la Cour des comptes, dans son rapport de 2008, mettant en garde contre la « myopie budgétaire » que peuvent engendrer ces contrats.
Le risque du projet de loi réside précisément dans le fait que les projets visés, auxquels seraient automatiquement appliqués les contrats de partenariat, sont des projets étatiques. Le retour à une trajectoire des finances publiques assainie, c'est-à-dire soutenable sur le long terme, dans l'intérêt des générations futures serait ainsi compromis.
C'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à exclure du bilan avantagesinconvénients que devra réaliser la personne publique afin de justifier le recours aux contrats de partenariat, le critère du paiement différé. Je sais que vous y êtes favorable, monsieur le secrétaire d'État. Cela permettrait d'éviter que la myopie budgétaire soit le seul critère pour décider de recourir aux contrats de partenariat, seul marché public permettant aux personnes publiques de différer leur paiement.
Effectivement, ce serait trop facile de réaliser des investissements qu'on ne commencerait à payer que dans quatre, cinq, six ou sept ans. On aurait l'impression que tout va bien et, en plus, il y aurait de nouveaux équipements publics et nos concitoyens seraient satisfaits. Ce serait possible avec le texte tel qu'il est rédigé.
La prudence nous est en second lieu dictée par des raisons économiques, car la déconsolidation de la dette liée à l'investissement public deviendrait un objectif en soi, au détriment de la recherche de l'optimisation économique.
En effet, les contrats de partenariat reposent dans leur principe même sur un transfert des risques aux opérateurs privés. L'externalisation des risques a néanmoins ses limites, dès lors que ce n'est pas l'usager qui assure le financement du contrat, mais, de manière prédominante, le contribuable. Il ne serait pas financièrement pertinent de faire supporter au partenaire privé des risques que celui-ci n'accepterait d'assumer que dans des conditions plus onéreuses que ce qu'aurait pu prendre l'État ou la collectivité publique à sa charge.
À titre d'exemple, monsieur le secrétaire d'État, nous nous sommes posé la question, dans mon département, de mettre en place des PPP sur nos collèges, comme l'un de nos collègue l'avait tenté, mais en se heurtant au problème de l'urgence et de sa définition.
Certes, mais après nous être posé la question, nous y avons pourtant renoncé, car je suis de ceux qui pensent que le PPP est mieux adapté aux cas où il existe des recettes propres, capables de financer, en partie au moins, le fonctionnement de l'ouvrage. À cet égard, le viaduc de Millau est l'exemple même d'un projet pouvant faire l'objet d'un PPP. Ne laissons pas croire en revanche que cette solution représente le nec plus ultra et qu'elle n'entraîne pas d'endettement indirect.
La prise en compte, en comptabilité nationale, du partage des risques opéré peut modifier la prise de décision des gestionnaires publics. Ainsi, le contrat de partenariat dans lequel la déconsolidation peut-être recherchée par un partage des risques ad hoc peut conduire à un transfert de risques excessif au partenaire privé, avec pour effet une augmentation des coûts et une réduction des conditions de mise en concurrence.
Dans ces conditions, les effets comptables, c'est-à-dire l'amélioration faciale de la dette, pourraient conduire à un « sous-optimum » économique des contrats conclus par la personne publique. De plus – et c'est là un sujet important aux yeux de notre famille politique – ces contrats, du fait de leur globalité et de la nécessité pour les cocontractants de la personne publique d'apporter un financement global, rendront quasiment inaccessibles ces marchés aux petites et moyennes entreprises, qui seront alors reléguées à un rôle de sous-traitance.
C'est un problème difficile, qui n'est pas lié d'ailleurs uniquement aux PPP, puisqu'on le retrouve si l'on choisit, comme l'ont dit les rapporteurs, le dispositif de l'entreprise unique qui sous-traite.
Il faut donc faire attention. Nous savons que l'objectif du Gouvernement n'est pas d'exclure les PME, mais les conséquences éventuelles des dispositions concernées doivent être anticipées. Elles pourraient aller dans le sens inverse de ce que le Nouveau Centre, comme le Gouvernement, appelle de ses voeux : l'instauration d'un Small Business Act. Malgré les problèmes de droit communautaire que le Gouvernement s'efforce de résoudre à Bruxelles, cela permettrait aux PME – je le rappelle, créatrices d'emploi et facteurs d'innovation dans ce pays – d'accéder de manière privilégiée à la commande publique et d'évoluer dans un environnement juridique, fiscal et financier favorable à leur croissance.
C'est pourquoi, pour protéger les PME, le Nouveau Centre a déposé un amendement visant à fixer un seuil qui permettrait de maintenir jusqu'à un montant de 50 millions d'euros pour les projet de construction, de réhabilitation, de réutilisation, de rénovation ou de maintenance, l'accès des PME à la commande publique et permettrait ainsi de rétablir la concurrence.
Cette idée, nous ne l'avons pas inventée ; elle nous vient d'Angleterre où ce seuil est fixé à 30 millions de livres – ce qui correspond à peu près à 45 millions d'euros.
Je sais, hélas, monsieur le secrétaire d'État, que vous êtes défavorable à cette idée inspirée aux Anglais par leur empirisme et leur pragmatisme. Je le regrette, car vous êtes un grand défenseur des PME.
Or cette mesure permettrait de baliser le champ des PPP : de grands projets complexes pour lesquels une gestion intégrée se justifie, de l'investissement au fonctionnement en passant par la maintenance.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'État, le Nouveau Centre émettra quelques réserves quant à la banalisation du recours aux contrats de partenariat et, plus encore, quant à la systématisation de ces derniers pour un certain nombre de projets.
D'ailleurs, le bilan avantages-inconvénients a-t-il été établi ? Pouvez-vous nous apporter la preuve que la mise en oeuvre de tels projets présentera un avantage économique pour l'administration lorsqu'ils arriveront à échéance, dans trente ans ?
Enfin, le projet de loi supprime la tutelle systématique du MINEFI au profit d'autorités administratives fixées par décret. Sur ce point, monsieur le ministre, pourriez-vous précisez si elles auront les moyens d'effectuer ce bilan en toute indépendance ?
Le Nouveau Centre craint que le recours systématique à ce type de contrat de la commande publique n'affecte davantage l'équilibre des comptes publics puisqu'il serait ainsi possible de financer à crédit de nouveaux investissements.
C'est pourquoi, en dehors des deux amendements que nous avons déposés, nous souhaiterions trois engagements de la part du Gouvernement.
Qu'il s'engage tout d'abord à faire de l'évaluation préalable la pierre angulaire du droit de la commande publique de l'État, en bâtissant des indicateurs de performance de l'investissement public et en étoffant les équipes de maîtrise d'ouvrage des différents ministères.
L'expertise indépendante est posée comme un préalable par votre texte, mais nous avons un problème d'expertise puisque, actuellement, deux entités seulement sont capables de procéder à de telles évaluations. Il est donc essentiel de développer l'offre privée, de façon à garantir au contribuable et à l'usager que l'étude préalable est bien effectuée par des entités indépendantes.
Nous souhaitons ensuite que la consolidation des engagements financiers liés aux PPP dans la dette publique soit la règle, et la déconsolidation l'exception. Il serait donc important, monsieur le secrétaire d'État, que vous confirmiez à la représentation nationale que la déconsolidation ne peut être qu'exceptionnelle et que les PPP sont en principe intégrés en comptabilité publique. Une position claire et transparente du Gouvernement sur la comptabilisation de cet emprunt indirect mettrait un terme à nos débats sur le sujet et améliorerait la lisibilité des comptes publics des collectivités locales comme de l'État. Il en est ainsi dans le droit comptable anglo-saxon, pas uniquement pour les PPP mais aussi pour le leasing, tandis que la comptabilité française a souvent eu du mal à s'adapter aux nouvelles formes de financement des investissements.
Enfin, et cela nous tient particulièrement à coeur, nous voulons votre assurance que le rôle des petites et moyennes entreprises sera renforcé au sein des contrats de partenariat ; qu'elles n'en soient pas victimes mais puissent en profiter.
Voilà, monsieur le secrétaire d'État, à quelles conditions nous soutiendrons ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il y a une quarantaine d'années, l'État disposait d'un monopole ou d'un quasi-monopole pour la conception des grands équipements publics. C'était l'apanage du corps des Ponts et Chaussées. Personne ne pouvait rivaliser avec lui sur le terrain de la compétence. La maîtrise d'ouvrage publique était incontestable.
Il y a quelques années encore, le sentiment dominant était qu'en matière d'équipements la maintenance devait suivre la domanialité, c'est-à-dire que les biens publics devaient nécessairement être gérés et entretenus par des agents publics. La plupart des administrations s'étaient dotées de leurs propres ateliers et parfois de leurs propres corps techniques. Cette solution était si évidente que personne ne se demandait si elle était la plus efficace.
Aujourd'hui, les choses ont changé en matière de conception, de financement, mais aussi de maintenance. En matière de conception et de réalisation des équipements publics, l'État n'a plus le monopole du savoir-faire. Les entreprises ont acquis une remarquable compétence dans le domaine de l'ingénierie, non seulement technique mais également financière, et cette compétence permet à nos entreprises de proposer des offres particulièrement compétitives. Bien des exemples l'attestent : l'autoroute Langon-Pau, la ligne à grande vitesse Perpignan-Figueras ou encore les projets immobiliers dans l'administration pénitentiaire.
En matière de financement, les collectivités et les entreprises ou organismes publics sont désormais beaucoup plus regardants sur la qualité de leur gestion et donc sur la pertinence de leurs choix, notamment de leurs choix d'investissement. Parallèlement, le régime domanial des équipements est moins important que par le passé. Pour dire les choses autrement, pour une collectivité, ce qui compte désormais, c'est moins la propriété d'un équipement que la rapidité de sa construction et la qualité de sa gestion.
En matière de maintenance, la gestion publique des équipements et des bâtiments a trop souvent montré ses limites. Je pense notamment à l'état général de nos universités, de nos hôpitaux ou de nos prisons, qui, il faut le reconnaître, laisse trop souvent à désirer. En disant cela, je ne jette la pierre à personne. Le coeur de métier de l'administration pénitentiaire est de surveiller et de réinsérer les détenus, pas d'entretenir des bâtiments.
Encore faut-il traduire cette constatation dans notre organisation et dans nos procédures administratives. C'est précisément tout l'enjeu des partenariats public-privé. De quoi s'agit-il ? En simplifiant, disons qu'il s'agit de rendre à chacun son rôle : à la collectivité, le soin de fixer le cadre général d'une opération, ses caractéristiques techniques et financières, les conditions dans lesquelles elle est mise à la disposition du public ; à l'entreprise, le soin de construire et de gérer, de financer et d'en répercuter la charge.
L'ordonnance du 17 juin 2004, dont il a été plusieurs fois question, a fait entrer le contrat de partenariat dans notre droit public, traditionnellement régalien. C'est une petite révolution, mais ce n'est qu'un premier pas.
Les quatre premières années de fonctionnement de ce dispositif ont permis d'en mesurer à la fois les avantages et les insuffisances. Les avantages en sont la simplicité, l'économie et la rapidité. La simplicité pour la collectivité, car le contrat passé avec l'entreprise est un contrat « clés en main », portant à la fois sur le financement, la réalisation et la gestion ; l'économie, car l'étude préalable porte non seulement sur l'investissement mais aussi sur le fonctionnement, ce qui comporte une bien meilleure sécurité juridique pour la collectivité : finis les investissements bon marché, dont les coûts de fonctionnement se révélaient in fine prohibitifs ; la rapidité enfin, car, une fois l'évaluation du projet faite, l'entreprise qui investit n'est pas soumise au formalisme du code des marchés publics ; elle est en outre directement intéressée à ce que ça aille vite, puisqu'elle n'est rémunérée que lorsque l'équipement est mis en service.
Ces avantages sont majeurs. Et pourtant, les contrats de partenariat passés depuis 2004 ont été relativement limités en nombre. Vingt-neuf contrats, dont vingt-deux passés par les collectivités territoriales – essentiellement des opérations d'éclairage public – et sept passés par l'État, l'opération la plus remarquable étant la rénovation de l'Institut national des sports dans le bois de Vincennes.
Pourquoi ce nombre relativement faible de contrats ? Essentiellement pour deux raisons D'abord à cause de conditions légales trop restrictives. En l'absence de dispositions législatives précises, le Conseil constitutionnel avait fixé en 2003 les conditions d'un recours aux contrats de partenariat : urgence de l'opération ou complexité du projet. Mais, faute d'une définition précise de ces notions, la crainte d'un contentieux a souvent été dissuasive.
Ensuite, il faut incriminer le régime fiscal. Il est à l'évidence moins favorable pour les contrats de partenariat que pour la maîtrise d'ouvrage publique. J'observe au passage que, s'il n'y a pas d'égalité devant les commandes publiques – ce que certains ont ici souligné –, cette inégalité ne joue pas en faveur de l'entreprise privée, bien au contraire.
Ce sont ces lacunes que le projet dont nous sommes saisis s'attache à corriger. Il le fait d'une manière prudente et équilibrée. Peut-être faudra-t-il aller plus loin concernant notamment le régime fiscal des contrats de partenariat, car il faut bien reconnaître que la neutralité fiscale par rapport à la maîtrise d'ouvrage publique n'est pas encore atteinte. C'est un point, monsieur le secrétaire d'État, dont il faudra débattre.
Pour le reste, je voudrais répondre par avance à deux objections souvent formulées.
Une objection économique, d'abord, évoquée tout à l'heure, notamment par Charles de Courson. Les contrats de partenariat bénéficieraient notamment aux grandes entreprises, et nos PME ne pourraient plus désormais intervenir que dans le cadre d'une sous-traitance. Sincèrement, je n'y crois pas, pour au moins quatre raisons.
Première raison : ce n'est pas parce que les conditions d'accès aux contrats de partenariat seront, demain, plus souples que toutes les collectivités y auront systématiquement recours. Même dans un pays libéral comme la Grande-Bretagne, les contrats de partenariat restent exceptionnels et ne représentent pas 15 % de la totalité des marchés de la commande publique.
Deuxième raison : le texte qui nous est proposé ouvre la possibilité d'une procédure négociée, attendue par les PME, ce qui est une avancée importante.
Troisième raison : les PME ont la possibilité de présenter des offres groupées.
Quatrième raison : la maintenance des bâtiments publics ouvre au secteur privé un marché considérable qui devrait logiquement bénéficier, d'abord, aux entreprises de proximité, c'est-à-dire aux PME.
Je comprends les interrogations des PME, nous devons tous y être particulièrement attentifs, mais, sincèrement, je ne partage pas toutes leurs craintes.
Une objection juridique, ensuite, sur laquelle je reviens rapidement, bien qu'elle ait été longuement évoquée lors de l'exception d'irrecevabilité. Je ne reviendrai pas sur le débat que nous avons eu concernant notamment l'interprétation de la décision du Conseil constitutionnel. Par contre, je crois important de contester l'affirmation que j'ai entendue à plusieurs reprises selon laquelle le texte dont nous débattons ce soir ferait du contrat de partenariat le mode de droit commun de réalisation des équipements publics. C'est faux. Quand une collectivité publique a recours à la maîtrise d'ouvrage public, elle n'a pas à se justifier. Par contre, si elle souhaite avoir recours aux contrats de partenariat, elle doit démontrer que cette formule est bien conforme à l'intérêt général.
Dès lors, il est important que la loi fixe plus précisément les conditions dans lesquelles le contrat de partenariat concourt effectivement à la satisfaction de l'intérêt général. C'est pour cette raison que ce projet de loi est nécessaire et urgent. En ce qui me concerne, je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons ce soir tend à développer davantage le recours aux contrats de partenariat créés par l'ordonnance du 17 juin 2004, aux effets encore incertains.
L'objectif est d'en faire un outil de droit commun de la commande publique à côté des marchés publics et autres délégations de services publics, comme le précise explicitement le compte rendu du conseil des ministres du 13 février 2008, qui a adopté ce projet de loi : « Il s'agit de faire du contrat de partenariat un instrument qui trouve sa place dans la commande publique, et non plus un simple outil d'exception. »
Le message est clair, le projet de loi élargit les possibilités de recours aux contrats de partenariat, jusqu'alors limitées conformément à la décision du Conseil constitutionnel, à des situations spécifiques telles que l'urgence ou la complexité du projet.
Avec ce texte, l'exception devient la règle ! Deux nouveaux cas sont ainsi prévus.
Le premier lorsque le recours à un tel contrat présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d'autres contrats de la commande publique. C'est l'article 1er. Le caractère large de ce nouveau critère d'éligibilité, d'une nature différente de celle des deux autres critères posés par le Conseil constitutionnel, contribue à banaliser le recours aux contrats de partenariat, contrairement à l'esprit de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui a fait du recours au contrat de partenariat une procédure subsidiaire. Démontrer le caractère le « plus favorable » du recours au contrat de partenariat n'est pas un nouveau critère en soi, mais la condition minimale pour la passation de tout marché public et a fortiori du contrat de partenariat.
Le deuxième cas prévu consiste en la généralisation des contrats de partenariat jusqu'au 31 décembre 2012, dans un grand nombre de domaines jugés prioritaires – enseignement supérieur, justice, police, gendarmerie, santé, etc. –, où les besoins en investissements sont réputés présenter « un caractère d'urgence ». C'est l'article 2.
Aujourd'hui, on passe d'une étude au cas par cas de chaque projet à la validation de principe de projets s'inscrivant dans un programme national d'investissement, pour lesquels on a instauré « l'urgence légale ». Les résultats de l'évaluation, pourtant obligatoire et clé de voûte du contrat de partenariat, sont quasiment écartés ; ils ne seront pris en compte que s'ils sont manifestement défavorables.
Cette nouvelle « voie d'accès sectorielle », même limitée à 2012, est, compte tenu de l'ampleur des secteurs concernés et de l'importance des marchés, contraire à l'esprit de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Celui-ci a estimé qu'on ne saurait infléchir les règles garantissant l'égalité d'accès à la commande publique que pour des motifs tenant à l'urgence ou à la complexité démontrées par l'évaluation préalable. De subsidiaire, le contrat de partenariat est en train de devenir un mode de passation de marchés publics de droit commun !
En outre, le critère de l'urgence est précisé a priori, en des termes plus extensifs que ceux retenus par la décision du Conseil constitutionnel du 2 décembre 2004, ce qui reviendrait alors à étendre aussi par ce biais les possibilités de recours aux contrats de partenariat.
En d'autres termes, la loi, en l'état, veut contourner la décision du Conseil constitutionnel. En faisant de l'exception la règle, ce projet encourt l'inconstitutionnalité.
Un examen approfondi préalable des effets de l'ordonnance du 17 juin 2004 s'imposait. De l'avis même du rapporteur au Sénat, « après trois années d'application de l'ordonnance, les avis sont partagés sur l'efficacité des contrats de partenariat pour réduire les délais et les coûts de construction des ouvrages. » La raison appelait la mesure du temps.
Avec ce texte, le recours à cette technique contractuelle masque la dette publique qu'il faut contenir !
Curieuse dénomination que ce « partenariat public-privé » qui laisse croire qu'une entreprise privée ne peut être partenaire, par contrat, d'un client public. L'appellation britannique du PFI – Private Finance Initiative – a l'avantage de la franchise, car le problème est bien celui du financement des projets publics.
Nous sommes en vérité face à une technique d'habillage budgétaire. Le PPP permet de transformer un investissement en dépenses de fonctionnement, étalé sur des années. « Joyeuse mais naïve argutie pour se débarrasser des critères européens limitant les déficits budgétaires. »
En effet, la relance des PPP sous la forme des contrats de partenariat intervient dans un contexte de contraintes qui pèsent sur les finances publiques et où les administrations publiques ne veulent ou ne peuvent plus augmenter les impôts. Obligation est faite aux gouvernements signataires du traité de Maastricht de ne pas s'endetter au-delà de 60 % du PIB. Les finances de la France sont observées à Bruxelles et le besoin en financement des infrastructures publiques peut faire apparaître le PPP comme la solution miracle pour cacher cette dette qu'on ne saurait plus voir.
Ce texte pose aussi la question de la puissance publique et de l'indépendance des choix publics dès lors qu'un risque de recours massif au PPP existe. Le champ de la concession devient de plus en plus large.
L'objet du dialogue compétitif ne se limite pas à la réalisation d'un produit, mais également à la définition d'une véritable stratégie publique. Ainsi, le bien public risque d'être largement déterminé par l'opérateur privé et la prise en compte des attentes des citoyens, absente de ses préoccupations, minorée. À terme, la puissance publique risque d'être cantonnée à un rôle de gestionnaire, au même titre que d'autres, amené éventuellement à être mis en concurrence.
Le PPP n'est pas sans présenter des risques, en particulier pour les collectivités territoriales. Face au désengagement de l'État et aux transferts de compétences insuffisamment compensés, un recours au contrat de partenariat mal étudié peut les fragiliser encore plus. En effet, elles risquent de s'endetter sur une durée excessive et sans réelle visibilité, sur vingt-cinq ou trente-cinq ans, obérant ainsi l'avenir et laissant aux générations futures le soin de payer la facture. Les collectivités devront aussi s'interroger sur les domaines pour lesquels elles choisissent de conserver ou non la gestion.
En fait, la réalisation de contrats de partenariat peut donner l'illusion à l'État de rester maître du jeu, alors qu'en réalité la puissance publique vit un peu plus à crédit. Pour les collectivités territoriales, c'est la même chose ; la réalisation de projets en contrats de partenariat risque de n'être qu'une illusion d'avoir les moyens de faire ce que budgétairement elles ne peuvent plus assumer.
Le recours au préfinancement des investissements publics par le privé n'est pas conforme aux intérêts financiers de la collectivité publique. La Cour des comptes et les chambres régionales des comptes le rappellent régulièrement. En outre, le contrat de partenariat ne permet aucune réversibilité parce que la collectivité va s'engager sur une trop longue durée, jusqu'à ce que les investissements financés par les partenaires privés soient amortis ! Je doute que le contrat de partenariat soit moins coûteux que la délégation de service public ou la régie. Mais le problème le plus grave est, selon moi, celui de la sécurité juridique et économique. L'urgence n'a pas sa place dans la mise en oeuvre d'un tel texte.
Je crains que nombre de contrats de PPP ne s'avèrent plus ou moins léonins ; s'il est facile de définir l'équipement à créer aujourd'hui, il est impossible de déterminer quels seront les besoins de maintenance, d'adaptation, de transformation qui seront nécessaires dans quinze ou vingt ans. Il est impossible d'affirmer aujourd'hui ce que jugeront les tribunaux lorsque les entreprises qui auront conclu un contrat de partenariat peu rentable demanderont dans dix ans sa rupture. En Grande-Bretagne, la moitié des PFI font aujourd'hui l'objet de contentieux au désavantage de l'État. Il ne faut pas minimiser le risque pour l'État de se voir actionné en responsabilité par des collectivités locales engagées dans un PPP pour la construction d'un tribunal supprimé par l'État lui-même !
La question de l'exploitation et des prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée est également essentielle dès lors que la collectivité va s'engager sur le long terme. Comment engager dans le long terme ce qui ressort de missions de service public aujourd'hui, alors même que l'on sait que celles-ci sont forcément évolutives et différenciées selon les territoires ? À n'en pas douter, des contentieux naîtront du fait de l'imprécision du texte, de la complexité à élaborer les contrats de partenariats, de la durée même de ceux-ci. Et si le partenaire privé ne s'y retrouve pas au terme de la construction de l'équipement public, il trouvera les moyens de s'y retrouver dans l'exploitation future.
À cet effet, il eût été utile de se pencher sur les expériences étrangères, sur les incidences budgétaires pour les collectivités locales, confrontées à un glissement de dépenses d'investissement sur le budget de fonctionnement, sur les ruptures anticipées des contrats en raison de l'obsolescence des ouvrages. Le temps nous a manqué pour y répondre !
D'autres problèmes existent.
Le problème de l'évaluation du coût est posé. Il est prévu qu'une évaluation préalable doit permettre d'affirmer si le recours au PPP est plus avantageux financièrement pour la collectivité que les marchés ou les délégations de service public classiques. Mais cet avantage économique est indémontrable, car il y a trop de variables imprévisibles sur dix, vingt, trente ou quarante ans. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, fait une mise en garde lorsque qu'il déclare que l'on peut craindre que le coût du recours au PPP soit en réalité plus élevé pour la collectivité. Après, il sera trop tard.
Deuxième problème : la concurrence ne jouera plus. Cette loi appauvrit considérablement la concurrence et réduit, dans les faits, l'accès à la commande publique des PME, des entreprises de second oeuvre, des artisans du bâtiment et des architectes. La grande entreprise choisie, dont l'échantillon est bien connu et dont on peut se demander si cette loi ne lui est pas destinée, décidera directement des sous-traitants auxquels elle fera appel. C'est pourquoi la généralisation des PPP sera lourde de conséquences pour l'ensemble des PME, des TPE et des artisans du bâtiment.
Qui peut raisonnablement s'engager aujourd'hui dans un PPP ? Au mieux, une PME « tous corps d'état » disposant d'un bureau d'études, de juristes et d'un service financier, dont l'effectif de 200 salariés environ lui permettrait dans le meilleur des cas de réaliser des projets allant jusqu'à vingt millions d'euros ; délais obligent. Que restera-t-il aux autres ? Nous n'avons pas pris le temps de mesurer les conséquences sur l'emploi de ces PME.
Enfin, pour les opérations d'une certaine taille, un concours d'architecture doit être organisé préalablement au recours à la procédure d'attribution d'un contrat de partenariat, afin de préserver la liberté de choix du maître d'ouvrage public sur les projets architecturaux et urbains.
Un autre problème va se poser, celui des compétences des services techniques des collectivités locales confrontés à l'élaboration de ce type de contrat, et il est à craindre que la MAPP ne soit rapidement débordée.
Le contrôle démocratique de la décision de recourir à un PPP et de la détermination de la part de créance cédée que la collectivité est prête à accepter et à payer dans tous les cas à l'organisme financier doit, lui aussi, être débattu.
La définition des notions de coûts d'investissements, de frais financiers intercalaires et de coûts de financements, qui sont pris en compte dans la fixation de la rémunération du cocontractant, n'est pas claire non plus.
L'urgence affichée justifierait le recours aux contrats de partenariat. Mais, en élargissant à ce point le champ d'application de ceux-ci, le projet de loi enfreint les principes de la commande publique, inquiète les PME et fait courir des risques aux collectivités locales. Il ne devrait pas être examiné dans ces conditions et sans évaluation préalable.
Nous avons déposé des amendements sur tous les problèmes que nous avons identifiés parce que, au-delà des principes de fond que nous dénonçons, trop d'imprécisions demeurent. Le champ de l'ordonnance de 2004 était, nous le répétons, très largement suffisant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Autre orateur, autre pensée. J'aurais, pour ma part, aimé qu'on aille beaucoup plus loin. Certes, ce texte apporte des améliorations par rapport à l'ordonnance de 2004, mais je crains qu'il ne constitue une tuyauterie juridique trop complexe, qui risque de créer des contentieux et de provoquer des hésitations chez les maîtres d'ouvrage. Il aurait fallu oser dire que le partenariat public-privé est un mode de dévolution de droit commun des marchés publics.
C'est en effet un bon système, qui permet d'aller vite et bien, avec un coût pas nécessairement le plus faible mais au moins égal par rapport à d'autres modes de dévolution des marchés publics. J'ai moi-même pratiqué des partenariats public-privé dans ma collectivité, j'ai pu constater qu'ils avaient parfaitement bien fonctionné et répondu aux attentes de tout le monde. Au début, j'ai essuyé des critiques qui venaient de toutes parts – des architectes, des PME, des petits, des grands, des moyens, de la chambre régionale des comptes – et puis, petit à petit, tous sont venus me dire merci, reconnaissant que les opérations avaient été bien menées, qu'elles avaient été très utiles et qu'elles avaient permis de donner du travail aux entreprises du bâtiment et d'accueillir les enfants, et les enseignants, dans de beaux établissements scolaires. Finalement, cela avait très bien fonctionné.
Il faut dominer les réticences qui se manifestent et admettre que le système n'est pas aussi horrible que certains se plaisent à le décrire. J'ajoute que confier à la même entreprise la réalisation et la maintenance d'un bâtiment, c'est avoir la garantie qu'elle construira ce bâtiment correctement.
L'entreprise n'aura aucune envie de devoir payer des coûts de maintenance très élevés parce qu'elle aura mal construit le bâtiment initialement.
Pour toutes ces raisons, je crois que c'est une assez bonne procédure et que nous avons tort de ne pas aller plus loin.
Certes, il faut sans aucun doute une forte maîtrise d'ouvrage car la puissance publique ou la collectivité publique ne doit pas se faire imposer de la part de l'entreprise avec laquelle elle contracte ses vues et ses conditions. Elle doit être capable de répondre avec suffisamment d'efficacité.
Mais les marchés concernés sont relativement importants, il ne faut pas se faire d'illusion, et, je rassure mon collègue et ami de Courson, les PME ne seront pas gênées en tant que telles parce qu'elles pourront se regrouper.
En revanche, les petites PME seront exclues d'office parce qu'il n'y aura pas de partenariat public-privé pour les petits marchés. Elles n'ont aucune crainte à avoir de se voir rejetées, elles n'y auront pas accès. Mais elles pourront continuer à concourir à tous les autres modes de dévolution des marchés publics, dans les mêmes conditions qu'actuellement.
Je me demande, comme Claude Goasguen tout à l'heure, pourquoi toujours refuser la liberté, refuser de faire confiance ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je suis surpris d'entendre nos collègues de l'opposition nous expliquer qu'il faudrait encadrer les collectivités territoriales dans un domaine comme celui-là et refuser tout encadrement lorsque les collectivités dépensent trop ou qu'elles augmentent trop la fiscalité.
Il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures en l'occurrence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Il faut faire confiance au maître d'ouvrage dès lors que les choix sont faits démocratiquement, il faut faire confiance à son sens de la responsabilité. Si cela ne marche pas, si le choix s'avère mauvais, il subira la sanction démocratique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Les électeurs jugeront la collectivité qui n'a pas fait le bon choix en ce qui concerne son équipement public. Voilà pourquoi je pense, monsieur le secrétaire d'État, qu'il faudrait réfléchir à la façon d'aller plus loin.
De même, il faudrait aller plus loin pour réformer globalement le code des marchés publics.
M. Francis Mer avait pris une initiative forte en ce domaine lorsqu'il était ministre de l'économie, mais on a reculé devant la pensée unique de nombre de nos institutions, qui considèrent qu'on ne doit jamais rien changer, que les règles qui régissent la commande publique doivent être les mêmes que celles qu'on connaissait au XIXe siècle. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Ce n'est pas avec de telles résistances qu'on réussira à transformer notre pays. Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d'État, pour introduire plus de libéralisme dans ce projet.
En attendant, je voterai ce projet de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Je voudrais d'abord remercier tous les députés, sur quelque banc qu'ils se situent,...
…pour leur contribution à ce débat. Je suis très heureux qu'autant de réflexions aient été exprimées sur ce sujet qui est certes technique, mais pas seulement, et je voudrais m'attacher à répondre à chacun des intervenants.
La question de l'accès des petites et moyennes entreprises à la commande publique à travers cette forme innovante que sont les contrats de partenariat a été évoquée par plusieurs orateurs. M. Bapt et M. Muzeau, en particulier, se sont interrogés.
Permettez à celui qui a la responsabilité des PME au sein du Gouvernement de dire que lui n'est pas inquiet. Ce n'est peut-être pas suffisant pour vous rassurer, mais je considère que les petites et moyennes entreprises ont des assurances. Du reste, M. Goasguen, qui a fait un excellent travail,…
…a couvert cette question dans son rapport. Il indique que les possibilités d'accès des PME aux contrats de partenariat sont doubles puisqu'elles peuvent être concernées directement et indirectement par ces contrats. Dès l'origine de la création de ces contrats globaux, le Gouvernement a tenu à ce que la dimension des PME soit prise en compte, en prévoyant que la part du contrat sous-traitée à des PME soit un critère obligatoire pour le choix du cocontractant.
Par ailleurs, il existe différentes possibilités pour permettre aux PME d'accéder aux contrats de partenariat : elles peuvent soit se grouper entre elles, pour présenter directement une offre, soit conclure des contrats de sous-traitance avec des titulaires de contrat de partenariat. Je remercie M. Diefenbacher pour sa contribution éclairée à ce propos puisqu'il a cité quatre raisons pour lesquelles les PME avaient toutes raisons de ne pas être exclues de ces contrats de partenariat.
Nous disposons d'ailleurs de preuves par l'exemple puisque des PME ont d'ores et déjà conclu des contrats de partenariat. Leur nombre n'est cependant pas suffisant et c'est pourquoi le Gouvernement a décidé d'aller plus loin encore dans l'ouverture de tous les contrats de la commande publique à toutes les catégories d'entreprise, y compris les petites et moyennes. Ainsi, le projet de loi prévoit expressément que des contrats de partenariat pourront être conclus pour répondre à des besoins plus modestes. C'est l'assurance que des petites et moyennes entreprises pourront y prétendre.
Mme des Esgaulx, que je remercie pour son éminente contribution, propose que des entités adjudicatrices comme RFF puissent réaliser des procédures négociées, et ce en dessous des seuils communautaires. Il s'agit d'une proposition pragmatique, à laquelle je suis favorable. À cette fin, une procédure spécifique de mise en concurrence négociée a été prévue, sur le modèle de certaines procédures adaptées mises en oeuvre pour la passation des marchés publics d'un montant inférieur aux seuils communautaires.
Cette explication concernant l'accès des PME aux contrats de partenariat devrait apaiser les interrogations des uns et des autres, quand elles n'étaient pas caricaturales bien sûr – mais je ne pense pas qu'elles l'étaient.
Monsieur Muzeau, j'ai cru comprendre, à travers les exemples que vous avez cités, que vous n'étiez que modérément favorable à cette forme de recours à la commande publique via les contrats de partenariat.
Vous avez parlé de nocivité en prenant l'exemple de la Grande-Bretagne. Je pourrais me référer à différents rapports qui ont été réalisés par les autorités anglaises, notamment celui du NAO, qui est souvent cité dans cette enceinte, et celui du Treasury, sur les projets menés en PFI. Il y en a eu plus de 600 en Angleterre, pour un total de 50 milliards de livres. Et le bilan qui a été tiré par ces deux institutions laisse apparaître un résultat globalement satisfaisant, même si, ça et là, on peut trouver des contre-exemples. Le bilan est globalement satisfaisant, je le répète, en particulier sur le critère du respect des coûts et des durées de réalisation. Les trois quarts des contrats de partenariat anglais ont respecté l'enveloppe initiale, contre un quart des projets « classiques » en marché public. C'est un chiffre que je vous laisse méditer sachant qu'en Angleterre, les contrats PFI représentent environ 15 % de l'ensemble des procédures de commandes publiques. Le résultat est donc significatif.
Vous n'avez parlé que de l'Angleterre. Je voudrais élargir le champ de notre réflexion en prenant l'exemple du Canada et du Québec. Le Canada et le Québec, qui ne sont pas connus pour être irresponsables, ont désormais rendu obligatoire le recours aux PPP pour tout nouveau projet d'investissement public. Ils ont été en effet convaincus du caractère innovant et en tout cas particulièrement commode de cette solution.
En Allemagne, le PPP était jusqu'à présent cantonné aux Länder. Il fait maintenant l'objet d'une politique de développement au niveau fédéral avec la création d'une structure centrale d'appui : Partnerschaften Deutschland. Je rappelle que la quasi-totalité des vingt-sept pays de l'Union européenne se sont dotés d'une législation encourageant les PPP, politique consacrée par la création d'un centre européen d'expertise des PPP – l'EPEC –, cet automne, par la Banque européenne d'investissement, en liaison avec la Commission.
Donc, vous le voyez, monsieur Muzeau, le bilan des PPP en Europe est marqué non par les échecs, mais au contraire par une nette majorité de succès. Je vous ai écouté attentivement, car c'est vous qui êtes le plus radicalement et violemment opposé à ces contrats de partenariat. Vous pensez que la stratégie du Gouvernement consiste à déconsidérer les marchés publics pour justifier le recours aux contrats de partenariat. Sachez que cela n'est absolument pas notre volonté. Le contrat de partenariat n'est qu'un outil complémentaire des procédures existantes : marchés publics, baux emphytéotiques, autorisations d'occupation temporaire. Il faudra d'ailleurs, madame des Esgaulx, simplifier tout cela dans une étape ultérieure. C'est là un chantier intéressant pour le groupe d'études sur les PPP que vous présidez.
Monsieur Muzeau, je vous le redis, il n'y a dans ce texte nulle intention maligne du Gouvernement. Nous avons seulement le souci de faire vite et bien pour répondre aux besoins de nos concitoyens. Il n'y a aucune raison de se priver de l'apport des entreprises privées pour la résolution de problèmes qui ne trouveraient pas de solutions si nous nous confinions à la simple démarche publique.
Monsieur de Courson, vous m'avez demandé de prendre trois engagements qu'il ne me semble pas impossible de vous donner. L'évaluation préalable est indispensable. S'agissant de la déconsolidation, il faut en effet regarder le problème de près. Mais cela ne poserait de réel problème, notamment au regard des critères de Maastricht, que si les PPP devenaient la norme en matière de commande publique. Or tel n'est ni le cas ni l'objectif. L'engagement pris par Mme Lagarde et l'ensemble du Gouvernement de rétablir l'équilibre budgétaire à l'horizon de notre mandature devrait vous tranquilliser. Quant aux PME, je vous ferai la même réponse qu'à tous ceux qui se sont interrogés à ce sujet. La moitié des mesures du projet de loi de modernisation de l'économie, que vous avez adopté ici même en première lecture, concerne les petites et moyennes entreprises. Pensez-vous que le Gouvernement serait schizophrène au point de vouloir, d'un côté, prendre toutes ces mesures en faveur des PME et, de l'autre, désavantager celles-ci dans l'accès à la commande publique ? La réponse est évidente, et je vous serais reconnaissant de ne pas en douter !
Monsieur Jean-Michel Clément, vous vous êtes livré à une analyse excessivement critique du projet de loi, mais vous n'étiez déjà pas favorable aux PPP avant même que nous proposions d'en faciliter l'usage. Vous êtes attaché à une conception un peu ancienne de la commande publique. Or, si nous nous interdisions de recourir à des solutions innovantes comme les PPP, avec les garde-fous que nous avons prévus, il y a peu de chances que nous puissions, nous au niveau de l'État et vous dans vos collectivités, satisfaire les besoins de nos concitoyens. J'ajoute, comme l'a excellemment relevé Claude Goasguen, que le recours aux contrats de partenariat n'est pas l'apanage des collectivités de droite. Celles de gauche n'y répugnent pas.
Le groupe d'études sur ce sujet présente un caractère trans-courants. Les députés socialistes qui y siègent ne m'ont pas semblé hostiles à ces contrats, au contraire. La maire de Lille elle-même – c'est un exemple qui a été cité à de nombreuses reprises – a eu recours à un PPP pour la construction du grand stade.
Non, la présidente de la communauté urbaine ! Demandez à la maire de Lille son avis sur le PPP !
Monsieur Mancel, vous avez souhaité, dans votre excellente intervention, que le Gouvernement aille plus loin et insuffle encore davantage de liberté dans les mécanismes économiques, y compris ceux qui régissent nos collectivités nationales ou territoriales. Simplement, à chaque jour suffit sa peine ! Qui eût dit que seulement trois ans après l'adoption de l'ordonnance régissant les contrats de partenariat nous pourrions déjà faire adopter un texte élargissant encore le recours à cette forme innovante de la commande publique ?
En conclusion, je me félicite de la qualité de ce débat comme des travaux des rapporteurs, qui font honneur au Parlement.
J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.
Nous abordons l'examen d'amendements portant articles additionnels avant l'article 1er.
Je suis saisi d'un amendement n° 84 .
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.
Selon vous, monsieur le secrétaire d'État, les contrats de partenariat constituent une solution d'avenir aux exigences de développement local et national. Il conviendrait donc de mettre en oeuvre ce type de contrat de manière plus fréquente et massive.
En vérité, on ne peut manquer de s'interroger sur la conversion subite du Gouvernement à l'usage extensif de ces partenariats publics, mouvement qui s'inscrit dans le droit-fil de l'ordonnance du 17 juin 2004 prise par le précédent gouvernement pour des motifs analogues qui tiennent aux impasses de votre politique économique.
L'engouement pour les PPP procède avant tout de l'état préoccupant des comptes publics tels qu'ils étaient au sortir de la législature 2002-2007 et tels qu'ils sont toujours aujourd'hui. Certes, pour pouvoir se développer, la France a besoin de consentir un effort d'investissement en infrastructures et en équipements publics très important, sans compter que, dans bien des cas, avant de concevoir de nouveaux équipements, il faut déjà maintenir en état de fonctionnement ceux qui existent ou les rénover. Je pense notamment à la situation désastreuse des réseaux ferrés en Île-de-France et, d'une manière générale, à celle des réseaux de transport en commun dans lesquels le STIF a besoin d'investir lourdement après le désengagement de l'État.
Comme la France dépasse, et de loin, les niveaux de déficit public et de dette publique autorisés par les engagements européens, l'État, que vous privez en outre de ressources essentielles, n'est sans doute pas ou plus en situation de contribuer davantage au financement des équipements et infrastructures collectifs.
Vous avez décidé par conséquent, comme vos prédécesseurs, de recourir aux contrats de partenariat, d'organiser en fait la privatisation de la réalisation des équipements publics, moyennant, bien entendu, des dépenses qui seront – on aura tôt fait de le constater – plus importantes que prévu, leur seule « qualité » étant de ne pas alourdir la dette publique et de ne figurer que dans les dépenses de fonctionnement de l'État. L'analyse de M. de Courson sur ce point a été très pertinente.
Le rapport de la Cour des comptes de 2008 a beau expliquer, preuves à l'appui, sur la foi de l'expertise de situations concrètes, notamment pour ce qui concerne le service des archives diplomatiques et la direction centrale du renseignement intérieur, que les contrats de partenariat sont porteurs de dépenses futures plus importantes que les prétendues « économies » réalisées au départ, vous passez outre ! On le comprend, puisqu'il y va de la crédibilité de votre politique économique et de l'amélioration conjoncturelle de vos résultats.
Dénonçant cette stratégie de fuite en avant, nous proposons d'abroger l'ordonnance à l'origine de ce tour de passe-passe dont les conséquences à long terme pourraient se révéler désastreuses pour les finances de l'État, des collectivités, et par voie de conséquence pour le portefeuille des contribuables, et, comme vous aimez tant à le dire, des générations futures.
Avis défavorable. Je tiens toutefois à souligner la cohérence du groupe communiste, qui avait refusé l'ordonnance de 2004. Il persiste et en fait un débat idéologique. C'est son droit le plus absolu. Je note néanmoins que, à la différence des socialistes qui découvrent maintenant les vertus de cette ordonnance contre laquelle ils ont voté, le groupe communiste reste fidèle à ses options !
Cela dit, nous divergeons sur les principes. La commission a donc repoussé cet amendement.
Même avis que la commission. Cet amendement vise à supprimer purement et simplement le contrat de partenariat, alors que nous souhaitons en élargir le recours. Le Gouvernement ne peut donc que lui être défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 96 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le soutenir.
Cet amendement concrétise une position que nous ne cessons de défendre depuis le début du débat. Nous prenons acte que les contrats de partenariat existent. Encadrés par la décision du Conseil constitutionnel, ils peuvent répondre à certains besoins.
Puisque vous nous faites l'amabilité de citer régulièrement le PPP de la région lilloise, monsieur le rapporteur, je vous invite à vous rapprocher de la maire de Lille, aujourd'hui présidente de la communauté urbaine. Je suis certain que son avis vous éclairera et que vous cesserez de l'invoquer à l'appui de votre thèse.
Si nous proposons cet article additionnel avant l'article 1er, c'est que, selon nous, le Gouvernement entend contourner la décision du Conseil constitutionnel, qui nous paraît sage, au sens où elle maintient la procédure d'exception pour les contrats de partenariat. Nous ne voyons pas pourquoi le fait d'étendre le recours aux PPP à six secteurs nouveaux serait une mesure banale, et nous sommes opposés à la suppression du caractère dérogatoire de ces contrats.
Vous avez prétendu que les petites et moyennes entreprises n'avaient pas lieu de s'inquiéter des contrats de partenariat. Mais nous avons lu certains articles de presse. Par ailleurs, nous avons reçu et auditionné des représentants d'entreprises ou de syndicats, qui ne sont pas réputés pour soutenir habituellement les thèses que nous défendons. Ils ont fait preuve de la plus grande vigilance en découvrant votre texte.
Enfin, puisque vous avez évoqué le rapport du National Audit Office, qui date de 2003, j'imagine que vous connaissez comme moi le dernier rapport du Trésor, qui remonte à mars 2006. Vous aurez noté comme moi combien ce rapport, qui fait le point sur les 200 PFI prévus jusqu'en 2010, pour un montant de 26 milliards de livres, invite à regarder les PPP avec précaution. Il note en effet que, à la lumière de la difficulté croissante de respecter le calendrier de remboursement, le modèle du PPP est sur la sellette. Le rapport qualitéprix est difficile à évaluer, vu l'incroyable complexité juridique des appels d'offres et des contrats.
Ce rapport souligne aussi le caractère surdimensionné de la plupart des dossiers. Il s'appuie essentiellement sur ce qui a été fait en matière de financement mixte des hôpitaux, pour illustrer l'escalade croissante du coût pour l'État de ces méga-projets de financement mixte.
La commission a émis un avis défavorable.
Monsieur Urvoas, vous êtes tout à fait dans la logique que j'ai évoquée tout à l'heure. Vous prenez désormais pour référence une ordonnance que vous n'avez pas votée. Vous en venez même à rappeler les dispositions du Conseil constitutionnel la concernant. C'est bien : vous progressez sur la voie des contrats de partenariat !
Je vous rappelle néanmoins que le fait de stipuler dans un texte de loi des dispositions du Conseil constitutionnel ne change strictement rien à l'affaire. Ce rappel n'ajoute pas de force normative aux dispositions prises par cette instance sur un autre texte. Il est parfaitement redondant et inutile.
Je répète une fois encore que le contrat de partenariat n'est pas un contrat de droit commun. On l'a dit tout à l'heure : les dispositions du Conseil constitutionnel portant sur l'ordonnance de 2004 ne sont pas exclusives. « Tel que » signifie en effet que l'énumération peut continuer, exactement comme si des points de suspension figuraient en fin de phrase. Vous savez que le Conseil constitutionnel a la langue sévère…
…et rigoureuse. Il utilise par conséquent « tel que » comme équivalent des points de suspension.
Cela dit, je me félicite que vous reconnaissiez, quelques années plus tard, le bien-fondé de l'ordonnance de 2004, et je suis sûr que, dans quelques semaines, vous ferez de même à l'égard de cette loi.
Celle-ci relancera le contrat de partenariat. C'est du moins ce que pensent certains de vos collègues, qui l'ont déjà réclamée en votre nom. Et cela, je suis prêt à le parier, car, pour le coup, j'ai déjà gagné mon pari.
Si cette déclaration avait pu trouver sa place dans le texte, c'est plutôt dans l'exposé des motifs, car j'ai rappelé tout à l'heure notre attachement au respect des principes constitutionnels de la commande publique. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement émet, comme la commission, un avis défavorable.
Sur l'article 1er, je suis saisi d'un amendement n° 91 .
La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.
Je serai bref, car j'ai déjà évoqué la proposition présentée par l'amendement au cours de la discussion générale. L'idée que je défends est qu'il faut éviter que les PPP excluent les PME. Pour cela, il y a plusieurs solutions.
La première est que les PME se regroupent, mais il s'agit d'une procédure relativement complexe, et je ne crois pas beaucoup aux groupements de PME en matière de PPP.
Une autre solution consisterait à admettre les PPP en y introduisant des clauses de sous-traitance minimale. Dans ce cas, cependant, on se heurterait à un problème de droit communautaire, car on ne peut agir dans ce sens que sur des PME innovantes,…
…puisque le dispositif approprié a été adopté, par amendement, dans le cadre de la LME. Tant que nous n'aurons pas trouvé de solution au niveau communautaire, il me semble que nous nous heurterons à cet obstacle.
L'amendement n° 91 propose donc d'adopter le système anglais, en fixant, pour recourir à un PPP, un seuil à 50 millions d'euros, soit l'équivalent des 30 millions de livres sterling. Ce dispositif répondrait à l'objection de beaucoup de structures qui défendent les PME.
La commission a repoussé l'amendement pour une raison simple : le seuil de 50 millions est trop élevé. Rendez-vous compte qu'un collège représente 20 millions. Certains contrats de partenariats portent sur des sommes bien inférieures : celui d'Auvers-sur-Oise, sur l'éclairage public, recouvre 2 millions. On peut parfaitement imaginer que, en fonction de la nature même du contrat provisionné par la collectivité locale, les choses se fassent tout naturellement : je ne vois pas un gros groupe financier se mêler de concurrencer une PME sur un contrat de deux ou trois millions.
Je répète que le seuil de 50 millions que vous proposez est beaucoup trop élevé. D'ailleurs, celui qui s'applique en Grande-Bretagne se situe plutôt autour de 20 millions.
Cela ne servirait à rien ! La nature fait bien les choses : je ne vois pas un très gros groupe partir à Auvers-sur-Oise pour un contrat de seulement deux millions. Cela ne peut se produire que par exception. Laissons donc jouer la concurrence. L'équilibre se fera tout naturellement.
L'inquiétude des PME est grande, j'en conviens. Nous avons entendu leurs représentants lors des auditions. Elle s'explique aussi par le changement du système, mais les PME seront défendues par les conditions qui garantissent la transparence.
Ce qu'elles craignent, en réalité, c'est qu'une sorte de cartel se crée entre les collectivités locales et les grandes entreprises. Seules la transparence, l'information et la clarté décourageront toute velléité d'abuser du contrat de partenariat. Elles seront plus efficaces que des dispositions de seuil, auxquelles je n'ai jamais cru dans quelque domaine que ce soit, et encore moins dans le cas présent.
Avis défavorable.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission. Citons quelques exemples qui montrent qu'il peut être très utile, pour des collectivités territoriales, de souscrire à des partenariats public-privé pour des montants bien inférieurs au seuil que l'amendement fixe – vous en convenez, monsieur de Courson – de manière un peu arbitraire.
L'équipement réalisé par la commune de Saint-Raphaël, qui combine dans un même ensemble parking souterrain, gare routière et complexe cinématographique, représente un montant inférieur à 20 millions d'euros. Les pôles énergie des hôpitaux de Roanne et d'Alès correspondent à des montants respectifs de 5 et 7 millions d'euros. Enfin, pour prendre un exemple qui m'est cher pour des raisons géographiques, la piscine de Loches a été réalisée pour un budget de l'ordre de 6 millions d'euros.
Les partenariats public-privé sont fort utiles pour les collectivités territoriales. Les en priver en fixant un seuil, qui créerait, comme tous les seuils, des effets pervers, ne me semble pas une bonne idée.
Je suis sensible à la réflexion que vous menez dans ce domaine, monsieur de Courson, mais je vous suggère de retirer votre amendement, au bénéfice des explications que je vous ai fournies et des exemples que je viens de citer.
Cet amendement est réclamé par la CAPEB. Notre groupe a d'ailleurs été tenté, pour répondre à son voeu, de déposer un amendement allant dans le même sens. Si nous ne l'avons pas fait, c'est que nous constatons que certains PPP ont été conclus pour des montants plus bas, y compris – mais seulement dans trois cas – par des groupements de PME.
Après tout, s'il est possible à des PME, à de moyennes entreprises ou à des groupements de PME de conclure des partenariats, ce sera évidemment pour des montants inférieurs à 50 millions d'euros. Elles n'iront pourtant pas très loin dans ce domaine. Même si elles peuvent se regrouper pour des sommes de quelques millions d'euros, des petites entreprises n'auront pas la surface suffisante pour s'endetter de manière à assumer un risque.
Par ailleurs, je voudrais répondre à M. Goasguen, qui a essayé à plusieurs reprises de nous mettre en contraction avec nous-mêmes, suggérant que les socialistes adoreraient maintenant ce qu'ils avaient brûlé auparavant.
Mais si nous avions voté initialement contre l'ordonnance, c'était en partie au vu de l'expérience de la Grande-Bretagne. On annonçait alors que le partenariat public-privé concernerait l'État et porterait sur la réalisation d'équipements complexes. Or, en Grande-Bretagne, on en vient aujourd'hui à reconsidérer ce dispositif, notamment pour l'hôpital. Le bénéfice à moyen et à long terme pour les finances publiques est de moins en moins évident. C'est pourquoi, nous ne voterons pas l'amendement, non que nous voulions contrer les bonnes intentions de M. de Courson, mais parce que l'essentiel est de limiter la généralisation des PPP, dont les conséquences s'avéreront extrêmement aventureuses, à moyen et à long terme, pour nos successeurs. Cessons de faire supporter continuellement le poids de nos dettes par les générations futures !
L'amendement de M. de Courson me semble excellent. Il précise et clarifie certaines dispositions du texte qui concernent spécifiquement les PME, dont nous connaissons toute l'importance dans le tissu économique des villes, des départements et des régions.
Au vu des propos du rapporteur comme du secrétaire d'État, il semble que le seul problème posé par l'amendement concerne la fixation du seuil. C'est pourquoi je propose un sous-amendement tendant à le réduire de 50 à 10 millions. On concilierait ainsi le principe judicieux soutenu par M. de Courson et le montant des opérations pratiquées en la matière.
Le secrétaire d'État n'a pas répondu à la question que j'ai posée en soutenant l'amendement, mais à une autre, en nous faisant savoir qu'il y avait des PPP d'un montant plus faible, de 6, 5, voire 3 millions. Il a cité plusieurs cas. Mais, en l'espèce, étaient-ce des PME qui avaient emporté ces contrats ?
Je mets aux voix le sous-amendement n° 164 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 97 .
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour le soutenir.
J'en reviens aux propos de M. le rapporteur, qui prétend que le groupe socialiste a changé de position. Je ne siégeais pas dans cet hémicycle lors de la dernière législature, mais il n'est pas interdit de faire un peu d'histoire.
Notre position est demeurée conforme, puisqu'une décision de Conseil constitutionnel est intervenue, depuis cette époque, pour encadrer le dispositif. Nous l'avions en effet saisi à cette fin. Que l'on cesse donc de prétendre que nous avons évolué. Nous sommes au contraire demeurés constants dans nos principes.
Par ailleurs, l'objet de cet amendement est de préciser que la procédure de passation de contrat de partenariat doit, dès lors qu'il s'agit de la réalisation d'un bâtiment public, être précédée d'un concours d'architecture qui permette à la personne publique de conserver le choix de son projet, tout en favorisant la mise en oeuvre d'une véritable concurrence entre les différents groupements qui concourent.
Le concours d'architecture apporte une garantie. Il maintient un lien entre les décideurs publics et les concepteurs, et offre un moyen de se protéger par rapport aux différents acteurs qui vont concourir à la production. Nous ne souhaitons pas que soit signé un contrat avec un partenaire qui serait juge et partie. L'architecte, placé entre les deux signataires du contrat, serait à la fois un conseil et un concepteur pour le compte de la collectivité publique.
En faisant appel aux professionnels reconnus que sont les architectes, nous prenons aussi en considération le mode de production de notre environnement bâti et paysager. Ils seront les garants de la qualité de l'architecture et de celle de notre cadre de vie.
Entre le conseil à la collectivité locale et son rôle en matière de qualité de la production architectural, l'architecte permet de garantir le caractère équilibré des contrats de partenariat public-privé.
Défavorable. Malgré la remarque de M. Urvoas, qui m'y incite, je ne rappellerai pas le passé.
Il est clair que le contrat de partenariat choisi par la collectivité publique est un contrat global. Si nous devons le décomposer en négociant avec les architectes, pourquoi ne pas le faire avec les informaticiens ou les urbanistes ?
Les architectes eux-mêmes y sont opposés. Certains architectes, extérieurs aux grands groupes, ont peur d'être laissés pour compte. Ce débat concerne, certes, le regard que nous devons porter sur cette profession, mais il n'a pas à intervenir dans le cadre du contrat de partenariat.
Il y a des architectes dans les grands groupes, et il est probable que si une PME se porte concurrente…
…elle aura elle-même un architecte.
N'introduisons pas une obligation quand tout se déroule de façon évidente. Laissons les architectes régler leur problème entre eux avant de nous préoccuper de l'avenir de cette profession.
Le contrat de partenariat est global, et il est choisi comme tel par les collectivités. Il leur est toujours possible d'opter pour une autre formule qui permette de faire exister chacune des professions impliquées, les unes à côté des autres.
Le Gouvernement partage l'avis du rapporteur. J'ajoute que dans la procédure prévue par le projet de loi initial, que le Sénat a adoptée, les personnes publiques sont autorisées à confier tout ou partie de la conception d'un projet à un partenaire privé. Ce dernier pourra donc reprendre des contrats passés par la personne publique, qui conserve ainsi le choix de lancer, si elle le souhaite, un concours d'architecture avant la mise en concurrence pour le contrat de partenariat – ce fut le cas, pour deux projets culturels, à Rambouillet et à Perpignan.
Lorsque la personne publique choisit de confier toute l'opération à un partenaire privé, elle ne perd pas la maîtrise du geste architectural puisque cet aspect du contrat fait l'objet, tout au long du dialogue compétitif, de discussions avec l'architecte de chacun des candidats. Une telle démarche a, par exemple, été menée, avec un entier succès, dans le cadre du contrat de partenariat, en date du 21 décembre 2006, portant sur la rénovation de l'Institut national du sport et de l'éducation physique, l'INSEP.
Monsieur Goasguen, vous avez déjà affirmé, lors de la réunion de la commission des lois, qu'il en était des architectes comme de tous les autres corps de métiers. Nous ne partageons pas cette opinion, et nous ne sommes pas les seuls puisque, le 12 septembre 2007, le Président de la République, lors de l'inauguration de la Cité de l'architecture et du patrimoine du Palais de Chaillot, déclarait : « L'architecture est au coeur de nos choix politiques. C'est une orientation politique que je vais assumer tout au long de ce quinquennat, car l'architecture a un rôle majeur à jouer dans le destin individuel et collectif des hommes. L'architecture et l'urbanisme sont des leviers profonds d'une politique de civilisation. »
Nous souhaitons, comme le Président de la République, que la France continue d'assumer une production architecturale publique de qualité. Dès lors qu'il s'agit de construire un bâtiment public, la procédure de partenariat public-privé doit donc être précédée d'un concours d'architecture. Il permet à la maîtrise d'ouvrage de conserver le choix de son projet, et donc de garantir le meilleur service public à nos concitoyens.
Je suis saisi d'un amendement n° 98 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le soutenir.
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 8 de l'article 1er du projet de loi, qui n'a pour seul effet que d'entretenir l'ambiguïté sur le partage des tâches entre la personne publique et la personne privée.
Cet alinéa étend le champ du contrat de partenariat à l'encaissement des prestations dues à la personne publique. Or la rédaction retenue n'est ni satisfaisante ni suffisante. Qu'advient-il, par exemple, quand l'entreprise partenaire, grâce à une importante opération de refinancement, réalise des gains non anticipés ? Comment se fait l'éventuel partage ? Quel impact sur les indemnités de rupture anticipée du contrat ?
Prenons l'exemple d'un établissement pénitentiaire britannique, un prestataire privé a connu, par rapport aux prévisions initiales, une embellie de 61 % en matière de rentabilité. Dans un cas similaire en France, à l'instar de ce qui s'est passé outre-manche, l'État ou la collectivité publique ne récupéreront-elles qu'un vingtième des profits en question ? La collectivité publique devra-t-elle assumer les risques inhérents aux stratégies financières du partenaire privé sans avoir le droit de bénéficier des excédents éventuels ?
En tout état de cause l'alinéa 8 de cet article mérite d'être supprimé tant sa rédaction n'est pas limpide.
La commission a rejeté cet amendement. M. Urvoas a une lecture trop « anglaise » de l'alinéa 8 de l'article 1er du projet de loi.
Il permet de confier aux partenaires privés un mandat d'encaissement des paiements, ce qui constitue une clarification importante. Le projet de loi sécurise une pratique qui n'est pas aujourd'hui explicitement autorisée par la loi, et dont on a pu craindre qu'elle ne soit qualifiée de « gestion de fait ».
Les dispositions en question sont précises, et sans ambiguïtés, puisqu'il est bien indiqué que les recettes sont perçues « pour le compte de la personne publique ». Il n'y a donc aucune inquiétude à avoir sur le sujet.
En prenant tout à l'heure des exemples en matière de défense – les heures de vol d'hélicoptères ou la construction de chars d'assauts –, M. de Courson poussait jusqu'à son extrême limite la logique du contrat de partenariat public-privé.
Imaginons maintenant un contrat public-privé portant sur la perception de l'impôt. Une société privée pourrait être chargée de l'encaissement de l'impôt : nous atteindrions le domaine de l'absurde ! Voilà pourquoi nous tenons à la suppression de cet alinéa.
Je suis saisi d'un amendement n° 99 .
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour le soutenir.
Cet amendement vise à lever l'ambiguïté de l'alinéa 4 de l'article 1er du projet de loi, qui dispose que le contrat de partenariat peut avoir pour objet « des prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée ».
En déposant cet amendement, nous invitons le Gouvernement à faire preuve de clarté. Pour nous, la gestion d'un service public ne saurait être confiée au cocontractant de la personne publique. La formule concernant les prestations « concourant à l'exercice » ne semble pas de nature à clarifier l'article 1er.
La définition du contrat de partenariat ne permet pas de bien appréhender la nature juridique des contrats cédés, ni les prérogatives transférées aux partenaires privés de la collectivité. Ces critiques concernant la définition des contrats de partenariat à l'article 1er sont également formulées par l'Association des maires de France.
La gestion d'un service public peut-elle, selon vous, être totalement déléguée à un partenaire privé dans le cadre d'un contrat de partenariat ? Que reste-t-il alors comme levier d'action à la puissance publique en cas de défaillance ? Notre amendement n° 99 vous invite à répondre à ces questions. Nous voulons, en effet, lever l'ambiguïté de cet article.
Défavorable. Il n'y a pas d'ambiguïté dans la rédaction de l'alinéa 4. «Prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public » ne veut pas dire délégation de gestion publique. Celle-ci ne peut d'ailleurs être accordée que par une délégation de service public.
Une différence terminologique et juridique existe bien, et je le confirme par les propos que je tiens devant vous : il ne s'agit pas ici d'empiéter sur la notion de gestion du service public, mais de contribuer par un service annexe, en quelque sorte, à la mission de service public.
Cet amendement est inutile car le contrat de partenariat est bien défini à l'article 1er de l'ordonnance du 17 juin 2004 : il ne s'agit pas d'une délégation de service public.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 99 .
Je suis saisi d'un amendement n° 7 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement répond à la volonté commune du Gouvernement et de la commission des lois d'être le plus efficace possible en matière d'évaluation.
L'amendement n° 7 propose que, lorsque plusieurs personnes publiques passent une convention pour conclure en commun un contrat de partenariat – pour investir, ces regroupements sont aujourd'hui de plus en plus fréquents –, la personne publique chef de file soit chargée de réaliser l'évaluation préalable.
Le projet de loi prévoit déjà que le chef de file est chargé de conduire la procédure de passation, de signer le contrat et d'en suivre l'exécution. Il est logique qu'il soit également responsable de l'évaluation préalable. Cette disposition s'inscrit parfaitement dans la démarche de transparence que nous défendons tout au long de ce projet de loi.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui allège la procédure en permettant à une personne publique, représentative de toutes celles qui sont concernées, de réaliser l'évaluation préalable globale du projet.
Je suis saisi d'un amendement n° 8 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)
Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 1er.
Je suis saisi d'un amendement n° 100 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le soutenir.
Ces deux amendements relèvent de la même philosophie et nos arguments ne surprendront personne.
Nous souhaitons en effet garantir la mise en concurrence et craignons que le contractant ne pratique des politiques relativement coercitives à l'égard de ses sous-traitants. Nous suggérons donc d'assujettir l'attributaire des contrats au code des marchés publics : la transparence des procédures serait ainsi garantie, et nous nous serions prémunis contre les dérives potentielles.
Ce que proposent ces amendements n'est pas très original puisqu'ils ne font qu'instaurer une symétrie avec la loi du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d'ouvrage public, qui assujettit le maître de l'ouvrage mandataire, même privé, au régime applicable à la personne publique.
Voilà qui est intéressant !
Si nous adoptions ces deux amendements, les entreprises privées qui signeraient des contrats de partenariat se retrouveraient, en réalité, soumises à des règles de comptabilité publique. Selon vous, le fait de passer un contrat de partenariat avec une personne publique rend publique l'entreprise privée !
En soumettant l'entreprise privée à une règle de comptabilité publique, vous demandez quasiment sa nationalisation de fait. Vous conviendrez tout de même qu'il s'agit d'une conception du partenariat assez extensive !
La commission est défavorable aux amendements nos 100 et 101 .
Même avis que la commission. Ces amendements imposeraient des contraintes excessives aux titulaires de contrats de partenariats.
Je suis saisi d'un amendement n° 85 , tendant à supprimer l'article 2.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir cet amendement.
L'article 2, qui crée une nouvelle catégorie de contrats de partenariat dont la justification repose uniquement sur une comparaison des performances des différentes procédures, revient à banaliser le recours à cet outil en le transformant en procédure de droit commun. Or je rappelle une nouvelle fois que, dans sa décision du 26 juin 2003, le Conseil constitutionnel a délimité très strictement le recours à la procédure de contrat de partenariat, en affirmant que celle-ci doit rester exceptionnelle, au risque « de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics ».
Qu'ils émanent de l'État ou des collectivités territoriales, la grande majorité des projets présentés à la MAPPP – la Mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat – sont élaborés dans le cadre de la procédure dite complexe, même dans les cas où l'urgence semble avérée. La décision de créer un troisième voie – autre que la complexité ou l'urgence – pour banaliser le recours à cette procédure a toutes les chances d'être annulée par le Conseil constitutionnel pour les motifs que je viens de rappeler.
Bien entendu, les majors des secteurs économiques concernés attendent avec impatience que les vannes soient ouvertes, afin de profiter d'une utilisation effrénée du contrat de partenariat, sans entraves réglementaires inutiles ni réel contrôle par le pouvoir adjudicateur. En effet, le contrat de partenariat, présenté par ses promoteurs comme la panacée de la gestion publique, reste actuellement une procédure dérogatoire aux cadres juridiques classiques que sont les marchés publics et les délégations de service public.
L'oligopole des majors du bâtiment et des services, seules à même de répondre aux offres présentées, se frotte donc les mains. Vous les servez en effet sur un plateau, quitte à priver les PME de marchés publics et à transformer pour quelques années les parlementaires en simples comptables, réduits à constater la croissance continue des redevances acquittées par l'État aux opérateurs privés.
Selon nous, une véritable politique d'investissements publics nécessite le recours aux fonds publics ainsi qu'à l'expertise des agents et techniciens du service public et elle devrait, par essence, participer à la mise en oeuvre d'une politique nationale, donc égalitaire, de développement économique et social sur l'ensemble du territoire. Dans ces conditions, vous comprendrez que nous proposions la suppression de l'article 2.
Défavorable. On a le sentiment, en écoutant M. Muzeau, que les grands groupes auxquels il fait allusion sont sevrés de commandes publiques, qu'ils ne participent pas aux marchés publics des collectivités territoriales ou de l'État et que c'est la raison pour laquelle nous créons une nouvelle procédure.
Or je ne crois pas que ces groupes se plaignent des possibilités offertes par la législation actuelle en matière de contrats de la commande publique. En revanche, je suis persuadé que si certaines réticences se manifestent, c'est parce que ces changements vont troubler des habitudes qui ne sont pas toujours des plus reluisantes – et je ne citerai pas les collectivités auxquelles je pense.
Je suis saisi d'un amendement n° 51 .
La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour le soutenir.
Cet amendement de la commission des finances vise à compléter la deuxième phrase de l'alinéa 2 de l'article 2, afin de préciser les conditions de l'évaluation préalable. En effet, l'appréciation de l'intérêt d'un partenariat public-privé suppose une évaluation sérieuse, menée selon des méthodes rigoureuses, afin d'assurer une gestion optimale des fonds publics.
Le Sénat a modifié l'article 2 du présent projet de loi, en précisant que « chaque organisme expert élabore dans son domaine de compétence une méthodologie déterminant les critères d'élaboration de cette évaluation ». Or il nous semble qu'une dispersion de ces méthodes serait préjudiciable à l'efficience de cette évaluation et qu'il est indispensable de déterminer un référentiel d'évaluation des partenariats public-privé commun à l'ensemble des autorités adjudicatrices.
La définition d'un tel référentiel pourrait être confiée à la Mission d'appui aux partenariats public-privé du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. L'encadrement de la méthodologie assurerait un formalisme et un cadre juridique communs, sans distinction de la personne publique contractante et du montant du contrat.
L'amendement proposé par Mme des Esgaulx apporte une amélioration importante au texte adopté en première lecture au Sénat. Il permettra en effet à la MAPPP de définir une méthodologie commune pour l'évaluation des projets de contrat de partenariat, quel que soit l'organisme expert compétent. L'unification de la méthodologie évitera ainsi des écarts non justifiés dans l'analyse des projets, contribuera à une économie de moyens et obligera les acteurs à s'interroger sur les critères d'évaluation les plus pertinents.
Le Gouvernement ne peut que soutenir une proposition qui contribue à la simplification et à l'amélioration des performances des procédures d'évaluation.
Cet amendement a été accepté par la commission des lois. Moi qui ne dis pas toujours du bien du ministère des finances, je veux souligner à quel point le travail accompli par la MAPPP depuis plusieurs années nous a fait beaucoup progresser dans ce domaine. C'est donc en toute confiance que nous nous en remettons à cet organisme pour la définition d'un barème et d'une évaluation, qui peuvent être très positifs.
Je suis saisi d'un amendement n° 117 .
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour le soutenir.
Aux termes de l'article 2, « l'évaluation comporte une analyse comparative de différentes options, notamment en termes de coût global hors taxe ». Or il nous paraît essentiel que l'analyse comparative de l'appréciation préalable prenne en compte le coût global actualisé ainsi que la qualité du service rendu. L'évaluation doit prendre en compte certaines préoccupations récentes, notamment le développement durable. Comment espérer que le partenaire privé satisfera aux exigences de qualité si celles-ci ne figurent pas dans l'évaluation préalable ?
La commission a émis un avis défavorable, car le terme général de « performances » nous paraît suffisant. Pour le reste, il s'agit d'une appréciation méthodologique qui n'a pas à figurer dans le texte de la loi.
Le Gouvernement estime que cet amendement n'est pas nécessaire, car un amendement de la commission des finances prévoit de préciser, après l'alinéa 4 de l'article 7 du présent projet de loi, les éléments pris en compte pour déterminer le coût global. Cette définition comprend non seulement, comme le fait le présent amendement, la qualité du service rendu, mais aussi l'ensemble des coûts suscités par le projet de partenariat, que ce soit la conception, la construction, le financement, l'exploitation ou la maintenance.
Cette rédaction étant plus à même de donner une vision la plus complète possible du coût global, je vous propose de retirer votre amendement, qui est satisfait au fond par celui de la commission des finances. À défaut, j'en demanderai le rejet.
Je suis saisi d'un amendement n° 102 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le soutenir.
Cet amendement vise à supprimer la possibilité, prévue dans le projet de loi, de se contenter d'une évaluation succincte lorsqu'il s'agit de faire face à une situation imprévisible. Il ne nous paraît en effet ni logique ni concevable de diminuer le niveau d'exigence et la vigilance de la puissance publique au prétexte que la situation serait imprévisible – je ne reviendrai pas ici sur le débat qui m'a opposé au rapporteur à propos de la différence entre « imprévu » et « imprévisible ». Comment justifier que l'imprévisibilité d'une situation impose quasi automatiquement une évaluation que l'on dit succincte, mais qui sera en réalité tronquée ?
L'évaluation est un élément important et elle doit être la plus approfondie possible. Il ne nous paraît pas concevable qu'une collectivité locale s'engage sur vingt ou quarante ans sur la base d'une évaluation succincte. L'imprévisibilité ne peut justifier tous les raccourcis, voire toutes les entorses.
Le terme « imprévisible » est très clair. En ce qui concerne l'évaluation, la loi offre toutes les garanties. En cas d'urgence, l'évaluation succincte suffit. Avis défavorable de la commission.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Une évaluation peut être à la fois succincte, pour des raisons tenant à l'urgence, et rigoureuse dans l'analyse du projet.
Prochaine séance, aujourd'hui, jeudi 26 juin, à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux contrats de partenariat.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 26 juin 2008, à une heure dix.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma