La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Michel Herbillon, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
La semaine dernière, les Irlandais ont rejeté par référendum le traité européen de Lisbonne.
Même si, pour nombre d'observateurs, les considérations de politique intérieure propres à l'Irlande ne sont pas étrangères à ce résultat, ce vote est néanmoins un fait politique. Il montre que beaucoup d'Européens ne se retrouvent plus dans la construction européenne, qu'ils jugent trop abstraite et éloignée de leurs préoccupations quotidiennes.
Après celui des Français et des Néerlandais en 2005 sur le précédent traité, ce nouveau non traduit un décalage entre les citoyens et l'Europe, impose de rendre le projet européen plus lisible et de combler le profond déficit d'information sur l'Europe.
Bien sûr, nous ne pouvons que respecter le choix exprimé par les Irlandais, mais nous devons, de la même manière, respecter le choix des dix-huit pays qui ont déjà ratifié le traité de Lisbonne, exprimant ainsi leur volonté de sortir l'Europe de l'ornière institutionnelle dans laquelle elle se trouve depuis tant d'années.
Parce qu'elle a beaucoup oeuvré pour l'élaboration du traité simplifié et parce qu'elle prendra dans quelques jours la présidence de l'Union européenne, la France aura une responsabilité particulière pour sortir l'Europe de la difficulté dans laquelle elle se trouve.
Pendant sa présidence, notre pays veut promouvoir l'Europe des projets, l'Europe concrète, dans des domaines qui concernent directement la vie des Français et des Européens. Je pense à la lutte contre le réchauffement climatique, au pacte européen sur l'immigration, à la réforme de la politique agricole, à la mise en oeuvre d'une véritable Europe de la sécurité et de la défense. Nos concitoyens attendent aussi des résultats concrets dans le domaine de l'énergie, face à l'envolée des prix des carburants.
C'est aussi durant notre présidence que doivent être jetées, à l'initiative du Président de la République, Nicolas Sarkozy, les bases de ce projet innovant qu'est l'Union pour la Méditerranée.
Aussi, monsieur le Premier ministre, à quelques jours de cette présidence française, j'ai deux questions à vous poser. Considérez-vous que, à la suite du vote irlandais, l'Europe est aujourd'hui en panne ? Ce vote remet-il en cause les conditions de la présidence française de l'Union européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les Irlandais ont décidé de voter non à la ratification du traité de Lisbonne. Ce que nous devons faire en premier lieu, c'est prendre acte de leur décision et leur dire que nous la respectons. D'autant qu'elle intervient deux après que la France et les Pays-Bas eux-mêmes ont refusé la ratification du traité constitutionnel, ce qui, comme vous l'avez indiqué, montre que le décalage est persistant entre, d'un côté, le débat institutionnel, qui est nécessaire au bon fonctionnement de l'Europe élargie, et, de l'autre, les attentes des citoyens européens, qui veulent une Europe qui décide et qui agit pour protéger les habitants du continent.
C'est la raison pour laquelle, au début de sa présidence, la France entend apporter une première réponse à la décision irlandaise, en proposant à tous nos partenaires d'aller plus loin et plus vite sur les questions de fond. Ainsi, en matière d'immigration et d'asile, nous voulons parvenir à un accord au tout début de l'automne. Nous voulons que l'Europe soit, avec toutes les régions françaises, en tête de la lutte contre le réchauffement climatique. En matière d'énergie, nous voulons qu'elle se penche non seulement sur les questions de sécurité énergétique, mais qu'elle réponde à la question soulevée par la France sur la fiscalité liée au pétrole. De même, elle doit se pencher sur la question de la sécurité alimentaire, au moment où, dans le monde entier, se pose le problème de la pénurie.
Certes, cela ne résout pas la question institutionnelle, mais c'est notre manière de dire aux Irlandais : vous avez exprimé un doute sur la capacité de l'Europe à tenir compte de vos attentes ; nous vous avons entendus et nous vous répondons.
En même temps, le processus de ratification va se poursuivre. Nous attendons, demain, une décision très importante de la Grande-Bretagne. Le Conseil européen se réunira jeudi, entendra le Premier ministre irlandais et prendra les décisions qui s'imposent, en particulier sur la manière d'engager un dialogue avec l'Irlande, pour sortir de la crise.
En tout état de cause, cette nouvelle difficulté dans le processus de réforme des institutions européennes ne saurait remettre en cause l'une des plus belles et l'une des plus grandes réussites politiques et économiques de ce siècle, une réussite que nous envient bien d'autres régions dans le monde et que nous allons continuer à mettre en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
De nombreux Français ont sincèrement cru au slogan « Travailler plus pour gagner plus », mais, un an plus tard, ils constatent que leur salaire stagne et que leur pouvoir d'achat régresse. Pour avoir un revenu décent, il faut multiplier les heures supplémentaires, voire les emplois ; pour espérer bénéficier d'une retraite convenable, il faudra travailler quarante et un ou quarante-deux ans, c'est-à-dire bien au-delà de soixante ans.
Demain, avec votre future loi, un accord minoritaire pourra fixer dans chaque entreprise la durée effective du travail et, avec la directive européenne sur « le temps de travail », que vous avez approuvée, il pourra même y avoir des « dérogations personnelles » autorisant une durée hebdomadaire allant jusqu'à 60, voire 65 heures.
La désillusion est forte, et plus encore chez les travailleurs précaires. Car, non seulement votre politique ne s'attaque pas à la précarisation du marché du travail, mais elle en fait le moteur de la baisse des statistiques. Demain, chacun sera contraint d'accepter une offre d'emploi précaire sous peine d'être sanctionné.
Monsieur le ministre, vous vous vouliez le chantre du dialogue social. Aujourd'hui, plus personne n'est dupe. Sous des dehors patelins, c'est une potion amère que vous administrez à notre pays : celle de la déréglementation et de l'individualisation des rapports sociaux.
Après avoir réécrit le code du travail et restreint le droit de grève, vous instrumentalisez la question de la représentativité pour diviser les syndicats et déconstruire la législation sur le temps de travail.
Pensant assurer votre avenir en flattant la majorité UMP, vous trahissez les partenaires sociaux pour passer en force. Notre pays gronde et le dialogue social est en panne. Monsieur le ministre, nous vous demandons de renoncer à vos funestes projets et de rouvrir les négociations.
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Monsieur le député, merci d'avoir rappelé que « Travailler plus pour gagner plus » est toujours d'actualité. (« Ce n'est pas vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) Ainsi, les 5 millions et demi de Français qui font des heures supplémentaires ont, chaque mois, 80 euros de plus sur leur fiche de paie. Une majorité de ceux qui ne font pas d'heures supplémentaires mais ont des journées de RTT font le choix de se les faire racheter pour augmenter leur pouvoir d'achat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) C'est ce que cette majorité a voté.
Nous voulons rester fidèles à un principe – certes très différent de celui que, en son temps, avait adopté l'opposition. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicain.) Nous ne voulons pas d'une loi qui impose d'en haut ; nous voulons une loi qui apporte des garanties et laisse davantage la liberté de choix au plus près du terrain, notamment dans les entreprises.
Voilà pourquoi celles et ceux qui, dans les entreprises, veulent rester à 35 heures pourront le faire. Par contre, celles et ceux qui sont bloqués par les 35 heures pourront travailler davantage et gagner davantage. Dans certaines branches, comme la parfumerie, le nombre d'heures supplémentaires est limité à 130 par an. Quand il y a un afflux de commandes, que doit-on faire ? Refuser les commandes ? Refuser le travail ? Refuser d'augmenter les salariés ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Avec le plus grand pragmatisme, nous voulons tout simplement permettre que l'on se libère de ce carcan des 35 heures imposées, avec une garantie : ce sont des accords passés avec les représentants du personnel qui permettront de valider la possibilité de travailler davantage. N'oubliez pas que le chiffre qui a été retenu dans le projet de loi pour fonder la représentativité dans l'entreprise est le même que celui qui avait été choisi par les partenaires sociaux. Vous pouvez également le rappeler.
Vous avez enfin parlé des salariés à temps partiel. Le texte de loi leur offre une avancée qui n'existait pas auparavant. Celles et ceux qui travaillent à temps partiel pourront désormais avoir des journées de RTT et se les faire payer s'ils le souhaitent. Ce n'était pas possible auparavant.
Sur tous ces points, vous voyez bien la différence. Il y a dix ans, c'était le choix de l'idéologie. Aujourd'hui, nous faisons le choix du pragmatisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Temps de travail
La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Monsieur le ministre, il est scandaleux de profiter de la « Position commune sur la représentativité », signée par la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME, pour introduire un bouleversement de la durée du temps de travail pour des raisons purement idéologiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Votre esprit revanchard ne se limite pas à supprimer les lois Aubry. Votre projet de loi autorise la semaine de 48 heures, par accords d'entreprises. Ce sont toutes les luttes sociales – celles qui, en 1936, avaient permis d'établir la semaine de travail à 40 heures – que vous faites voler en éclats. (Mêmes mouvements.) Vous nous ramenez à 1919 et à la première convention internationale sur la semaine de 48 heures.
Suppression des repos compensateurs ; modulation à l'année décidée arbitrairement par les employeurs ; extension aux non-cadres des régimes de forfaits en heures à l'année ; négociations de gré à gré entre employeur et employé sur le temps de travail ainsi que sur le dépassement des forfaits en jours, alors que, pour ces derniers, l'article L. 3121-45 du code du travail permet de dépasser les dix heures journalières et les quarante-huit heures hebdomadaires.
Des études ont établi la relation évidente entre temps de travail prolongé et accidents du travail. Nous assistons déjà à une augmentation des maladies professionnelles, qui conduisent à l'inaptitude au travail, ou à une augmentation des suicides.
Cumulée aux quarante et un ans pour partir en retraite, cette hausse globale du temps de travail aura des conséquences néfastes pour la santé des travailleurs.
Vous dénoncez les 35 heures, mais le temps libéré a permis de développer des activités comme le tourisme, le bricolage ou le jardinage. Avec les 48 heures, ces secteurs économiques seront fragilisés. Les 35 heures, c'est du temps dégagé pour s'occuper des enfants, ou pour aider les parents âgés dépendants. Les 48 heures, c'est un coup porté contre la famille. Les 35 heures ont dégagé des milliers de bénévoles pour les associations sportives, culturelles, sociales ou humanitaires. Les 48 heures, c'est la fin des solidarités sociales. Le temps de travail entreprise par entreprise, c'est la casse des accords collectifs, c'est la porte ouverte au dumping social.
Monsieur le ministre, vous ne laissez aux salariés que le choix entre détruire leur santé en travaillant plus ou se serrer la ceinture. Allez-vous retirer ce projet de loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Madame la députée, une accumulation de contrevérités n'a jamais fait une vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Dans ce texte, la durée légale du travail reste à 35 heures, et, comme aujourd'hui, on pourra payer les heures supplémentaires à partir de la trente-sixième heure. La durée maximale du travail reste inchangée en France, de même que le temps de repos quotidien et la durée du repos hebdomadaire.
Toutefois, il faut songer à ce que j'ai vu hier, avec Chantal Brunel, dans une entreprise de Seine-et-Marne où les représentants du personnel m'ont dit que, s'il y avait davantage de place pour la négociation dans l'entreprise, ils sauraient et voudraient faire en sorte de permettre une certaine souplesse en cas de besoin.
Si dans une entreprise il y a un peu plus de travail au mois de mars et que les salariés sont prêts à travailler plus, en échange de contreparties salariales, ils sont preneurs. Alors qu'aujourd'hui, tels qu'ils sont fixés, les contingents d'heures supplémentaires ne leur offrent pas cette possibilité.
À l'époque, vous avez voulu mettre dans la même case toutes les entreprises de France, quels que soient leur secteur d'activité et leur taille. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Cela ne marche pas ! Les 35 heures ont freiné l'économie, elles ont empêché la progression des salaires des Français, elles ont désorganisé le travail dans nombre d'entreprises.
Ce que nous voulons, nous, c'est que l'on puisse trouver les bonnes solutions au sein de l'entreprise, avec cette garantie qu'apportera un accord des représentants du personnel.
Nous sommes et nous resterons, avec les parlementaires de la majorité, ouverts aux suggestions et aux remarques des uns et des autres.
Mais une chose est sûre : nous, nous avons trouvé la solution juste et équilibrée (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) pour répondre aux attentes des entreprises et des salariés français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
En 2004, M. Douste-Blazy, alors ministre de la santé, avait proposé la création du dossier médical personnel, le DMP.
Celui-ci avait un double objectif : d'une part, une aide au diagnostic et à la coordination des soins pour en améliorer la qualité et l'efficacité ; d'autre part, une recherche d'économies, estimée à trois milliards d'euros dès 2007. Mais, dès l'origine, il était évident que l'absence de prise en compte du respect de la liberté du malade poserait des problèmes difficiles à surmonter. Ce dossier médical était-il personnel, c'est-à-dire sous la responsabilité du malade, qui autorisait ou non l'inscription des données, ou devait-il être partagé, à l'usage des professionnels et des gestionnaires, dans une perspective économique ? Ce débat n'a pas été tranché.
Saisi par vous-même, madame la ministre, le Comité consultatif national d'éthique a rendu des conclusions très fermes. Il considère qu'en l'état de sa conception, le dossier médical personnel ne correspond pas aux objectifs poursuivis.
Toujours selon le Comité, il devrait n'être proposé qu'aux volontaires atteints de maladie au long cours et nécessitant l'intervention de nombreux professionnels de santé. Le Comité conclut que le DMP devrait faire l'objet d'une nouvelle évaluation d'ici trois à cinq ans, en vue d'une éventuelle extension à l'échelle nationale, réservée aux seuls volontaires.
Beaucoup d'autres difficultés ne sont toujours pas résolues, alors que l'objectif, je le rappelle, était de réaliser une économie de 3 milliards d'euros dès cette année.
Madame la ministre, le Nouveau Centre s'interroge de nouveau sur le DMP.
Va-t-il devenir un dossier médical partagé plutôt qu'un dossier médical personnel ? Combien a-t-il déjà coûté ? Quel est son avenir ? Sa finalité ? Quels sont les moyens prévus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Monsieur le député, j'ai en effet sollicité, le 19 mars dernier, l'avis du Conseil consultatif national d'éthique sur la question du dossier médical personnel. Le Conseil national m'a transmis un certain nombre d'observations.
J'en tiendrai, évidemment, le plus grand compte.
La première observation du Conseil national d'éthique, c'est que le dossier médical personnel est une démarche pertinente pour améliorer la qualité des soins et rendre effectif l'accès aux données du dossier médical. Accéder à son dossier médical est un droit qui a été proclamé il y a plus de trente ans, mais, aujourd'hui, ce droit est toujours virtuel. Grâce au dossier médical personnel, il deviendra effectif. Ce dossier permettra en outre de mieux suivre le parcours de soins d'un malade. C'est donc une méthode de qualité des soins tout à fait pertinente.
Le Conseil national d'éthique a par ailleurs observé qu'on s'était plus intéressé, dans la démarche initiale, aux techniques qu'aux pratiques. Je partage tout à fait cet avis, et j'en tiendrai le plus grand compte. Par exemple, plutôt que s'intéresser aux moyens informatiques, il vaudrait mieux s'intéresser au contenu, comme le suivi d'un diabétique, qui exige une approche pluridiplinaire.
D'autres observations du Conseil national d'éthique me paraissent moins fondées, en particulier l'augmentation du coût du dossier médical personnel si celui-ci était généralisé. En fait, ce sont surtout les infrastructures qui coûtent, pas le nombre de dossiers traités.
Enfin, le Conseil national d'éthique s'est largement penché sur la sauvegarde et la confidentialité des données personnelles – c'est un élément important. Ces données doivent être garanties et cela justifie pleinement l'implication de l'État comme pilote du projet du dossier médical personnel. Je compte donc suivre avec le plus grand soin les avis rendus par le Conseil national d'éthique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, hier, les transporteurs routiers ont lancé un cri de colère légitime face à l'augmentation du prix des carburants, qui concerne, nous le savons tous, l'Europe entière.
Aujourd'hui, se déroule une manifestation, diversement suivie puisque, aux dernières nouvelles, il y a moins de monde dans les rues que le 22 mai dernier pour s'opposer à la réforme du temps de travail. Pourtant, celle-ci nous permettra de sortir du carcan des 35 heures, qui avaient été imposées – nous nous en souvenons ici – uniformément et autoritairement par Mme Aubry sur tout le territoire, sans aucun discernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Comment, madame Billard, peut-on soutenir, d'un côté, des revendications sur le pouvoir d'achat et, de l'autre, refuser à ceux qui veulent travailler plus de gagner plus ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le 26 décembre dernier, monsieur le ministre, le Gouvernement adressait un document d'orientation, une feuille de route, aux partenaires sociaux. Ceux-ci ont répondu sur la représentativité, mais d'une manière seulement très partielle sur le problème du temps de travail. Dans quelques jours, ce sera au Parlement d'être saisi, à la suite de l'initiative prise la semaine dernière par le président du groupe UMP, Jean-François Copé.
Nous avons essayé d'instaurer une nouvelle forme de dialogue entre les parlementaires et les partenaires sociaux. Tous ceux qui sont favorables à une revalorisation du rôle du Parlement considéreront avec moi que c'est bien au Parlement de se saisir de la nouvelle organisation du travail, en particulier pour élargir le champ de la négociation collective, sur le terrain, aux accords d'entreprise. Mais nous considérons, dans le même temps, qu'il revient aux partenaires sociaux de définir leur rôle dans cette négociation sur le terrain, entreprise par entreprise.
Ma question est donc simple : monsieur le ministre, quel rôle, quels repères et quelles garanties allez-vous donner aux partenaires sociaux pour pouvoir participer activement à ces négociations d'entreprise, dans l'intérêt du développement de l'entreprise bien sûr, mais également pour répondre aux attentes des salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Monsieur le député, quel doit être le rôle des partenaires sociaux ? Une chose est sûre, ce rôle sera, demain, plus important qu'aujourd'hui, et il ira croissant dans les entreprises.
Ce que nous voulons, c'est permettre aux partenaires sociaux, toutes les garanties étant données en matière de santé et de sécurité au travail, de négocier la possibilité de dépasser des contingents d'heures supplémentaires – aujourd'hui, ils sont, bien souvent, beaucoup trop bas – et de simplifier la durée du travail, ce qui, en France, est compliqué. L'annualisation, la modulation, tout semble figé. Mais aucun chef d'entreprise ne pourra changer les règles tout seul ; il devra obtenir l'accord des représentants du personnel et il faudra qu'une majorité de salariés ne s'y opposent pas.
Cela permettra d'augmenter le pouvoir d'achat. Les cadres qui sont au forfait jour auront ainsi la garantie d'être payés, et mieux, quand ils dépasseront ce forfait, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
Sur tous ces sujets, nous renforçons le dialogue social dans les entreprises. C'était d'ailleurs la démarche des syndicats signataires de la position commune que de partir de l'entreprise pour renforcer la légitimité syndicale. Nous partons également de l'entreprise, même si, bien sûr, la loi est là pour protéger.
Nous voulons donner plus de marges de manoeuvre. En aucun cas, il ne s'agit d'opposer la responsabilité politique à la responsabilité sociale. Celles-ci se complètent, même si l'une peut aller plus loin que l'autre parce que vous bénéficiez d'une légitimité. Celle-ci est liée au pacte de confiance signé avec les Français, qui nous avaient demandé de sortir du statu quo sur les 35 heures. C'est ce que nous faisons. Chose promise, chose due. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Renaud Muselier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. le Premier ministre a répondu tout à l'heure sur la position de la France après le vote des Irlandais sur l'Europe. Demain, un débat important doit se tenir ici au Parlement à quinze heures. Mais je voudrais profiter de cette séance pour attirer l'attention de l'Assemblée sur le lancement solennel de l'Union pour la Méditerranée, les 13 et 14 juillet. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
En effet, il est important de valider ce grand projet politique, cette vision, à laquelle le Président de la République a réussi à faire adhérer les Européens. Ce sera l'objet de la réunion qui se tiendra à Paris les 13 et 14 juillet. Tous les pays se retrouveront pour mettre en place cette Union pour la Méditerranée, qui est une nécessité pour le développement et la paix. Cinquante-quatre Chefs d'État, Chefs de Gouvernement ou Présidents seront là, autour du Secrétaire général des Nations unies. Ils assisteront au défilé du 14 juillet, auquel participeront les Casques bleus. Le Président israélien et le Président syrien seront assis côte à côte. Il est essentiel que des personnes qui ne se parlent pas, ou peu, puissent valider des projets aussi essentiels pour le développement de nos rives que l'eau, la dépollution de la Méditerranée, l'Université, la gouvernance.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, pouvez-vous faire le point sur la préparation de ce sommet solennel, qui se tiendra dans moins d'un mois, pour que ce soit une vraie victoire diplomatique, faisant de Paris la capitale de la paix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Quarante-trois pays, monsieur le député, seront en effet représentés – tous les Européens et tous les pays riverains de la Méditerranée. Cet événement marquera, s'il est réussi, une date très importante dans l'histoire même de l'Europe et dans celle de la Méditerranée. Ce « pont » entre l'Europe et la Méditerranée est nécessaire. Il n'y a pas de frontières aux problèmes de la pollution de la Méditerranée, pas plus qu'au plan solaire que nous voulons proposer ou aux autoroutes de la mer. Quarante-trois Chefs d'État ou de Gouvernement ont été invités. Pour l'heure, le colonel Kadhafi n'a pas exprimé son besoin de venir – il a même, pour le moment, refusé l'invitation qui lui était faite.
Les autres seront là, et, comme vous l'avez dit, le Président de la Syrie sera assis à la même table que le Président d'Israël. Et c'est ainsi que nous l'entendons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Si nous ne faisions la paix qu'avec les gens qui ne se battent pas, ce serait certes plus facile, mais ce n'est pas le problème.
Ce jour-là, même si l'objet de la réunion n'est pas de faire la paix, nous souhaitons profiter de cette occasion pour que des personnes qu'une hostilité oppose se parlent, se rencontrent. La période est favorable puisqu'un Président vient d'être élu au Liban, grâce aux Syriens en particulier, et que des pourparlers entres les Israéliens et les Syriens viennent d'être annoncés. Certains peuvent ne pas trouver ça bien ; pour notre part, nous nous en réjouissons. Nous espérons que cette réunion sera l'occasion pour les Syriens et les Israéliens de se parler, s'ils le souhaitent.
Le 4 juillet, je recevrai Walid al-Mouallem, ministre syrien des affaires étrangères, avec lequel que je me suis entretenu tous les mois pour parler de l'élection au Liban.
Nous avions dit très clairement que si un président était élu au Liban, la France ferait une ouverture qui étonnerait. Cette ouverture aura lieu le 13 et le 14 juillet, et elle s'appelle l'Union pour la Méditerranée ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Serge Letchimy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, vous n'ignorez pas qu'une proposition de directive relative au traitement des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier sera soumise au vote du Parlement européen ce 18 juin.
Cette proposition, dite « directive retour », a déjà provoqué l'indignation générale de nombreuses organisations attachées au respect des droits de l'homme. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Elle a même été qualifiée de « directive de la honte », tellement elle risque de porter atteinte à la dignité humaine. Certaines de ses dispositions invalident, en effet, non seulement des principes fondamentaux du droit, mais aussi des valeurs essentielles sans lesquelles toute civilisation renoncerait à elle-même ! Et quand une civilisation commence à renoncer à elle-même, c'est une porte qui s'ouvre vers de redoutables régressions.
Quand on y découvre qu'une personne qui n'a en réalité commis aucun délit pourra éventuellement être détenue jusqu'à dix-huit mois, quand on lit que cette même personne pourra être bannie de l'espace européen durant cinq ans, sans véritable recours face à une telle « damnation », quand on lit qu'il sera possible d'expulser n'importe qui n'importe où, sans tenir compte du pays d'origine, et que des enfants mineurs pourront être soumis au même traitement, eh bien, monsieur le Premier ministre, on mesure à quel niveau notre phobie des migrants nous fait descendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Au moment où la France s'apprête à assumer la présidence de l'Union européenne, ne croyez-vous pas, monsieur le Premier ministre, qu'il y a là une occasion pour elle de retrouver son image historique en assumant une rupture tant avec la politique française de l'immigration qu'avec ses prolongements européens ?
Une politique digne de ce nom veillerait surtout à ne renoncer à aucune noblesse de coeur dans les modalités de régulation de ces flux de souffrance. La France ne doit-elle pas rappeler à tous que l'on ne saurait réussir un développement économique sans développement humain, c'est-à-dire sans la plus haute des exigences morales et le respect le plus intransigeant des droits de la personne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Monsieur le député, votre question est très utile, car elle permet de rappeler ce que l'Europe peut décider et ce que la France veut appliquer.
Ce projet de directive comporte trois points.
Le premier point concerne la durée de maintien dans les centres de rétention des immigrés irréguliers. Aujourd'hui, dans sept pays d'Europe, cette durée est illimitée. Le projet de directive vise à ramener à dix-huit mois la durée maximale. Pour la France, je vous l'indique très clairement, il n'est pas question de modifier la durée maximale, qui est de trente-deux jours, durée moyenne effective qui est en réalité limitée à douze jours.
Le deuxième point traite la situation des immigrés en situation irrégulière reconduits dans le pays d'origine auxquels serait opposée une interdiction de retour de cinq ans. Avec Bernard Kouchner et Jean-Pierre Jouyet, nous avons négocié et obtenu que cette durée puisse être diminuée, voire supprimée. Je le dis sans détour : la France n'est pas favorable à des politiques de bannissement.
Le troisième point est relatif aux enfants mineurs sans papiers isolés. La France estime qu'il n'est pas possible de les renvoyer dans leur pays d'origine. Néanmoins, certains pays pratiquent ce renvoi et le projet de directive vise à atténuer cette possibilité en demandant des garanties. Mais, là non plus, cela ne change rien pour la France.
Je précise que ce projet remonte à 2005,…
…donc qu'il n'est pas récent, que c'est une initiative de la Commission européenne, et qu'il a été adopté par tous les chefs d'État et de Gouvernement en Conseil européen, quelles que soient leur couleur politique, leur sensibilité ou leur philosophie.
Aujourd'hui en discussion au Parlement européen, le texte sera mis aux voix demain en première lecture. J'insiste sur le fait que son adoption ne changerait en rien la politique protectrice, équilibrée, ferme et juste que le Gouvernement mène en matière d'immigration. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Claude Greff, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, mon collègue Jean Leonetti a été rapporteur de la loi du 22 avril 2005 sur la fin de vie qui a été votée à l'unanimité par notre assemblée. Il conduit aujourd'hui une mission d'évaluation de cette loi à la demande du Premier ministre.
Une société s'honore de permettre à chacun de terminer sa vie dans des conditions dignes et humaines. Après d'importants progrès réalisés depuis la loi de 2005, la France est cependant toujours en retard sur ses voisins européens pour le développement de l'offre de soins palliatifs, à l'hôpital comme en ville.
Le nombre de places en soins palliatifs a certes progressé de 700 à 3 000 en cinq ans. Les équipes mobiles sont passées de 200 à 350 et les réseaux se sont multipliés – on en compte désormais une centaine. C'est bien, mais ce n'est pas assez !
Face à ce constat, le Président de la République a choisi de faire des soins palliatifs l'un de ses trois grands chantiers, avec le cancer et la maladie d'Alzheimer, et a pris un engagement très clair : doubler les capacités d'accueil en soins palliatifs d'ici à la fin de la législature. Avec les franchises médicales, il s'est donné les moyens financiers de cette ambition. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la ministre, vous étiez vendredi dernier à Bourges aux côtés du Président de la République pour annoncer le plan de développement des soins palliatifs. Pouvez-vous nous dire quelles en sont les principales mesures et les moyens qui y seront consacrés ? Mais, au-delà de l'aspect quantitatif, comment entendez-vous promouvoir une véritable culture palliative en France auprès des soignants et des familles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Madame la députée, effectivement, avec le Président de la République, nous avons présenté à Bourges, vendredi dernier, le plan de développement des soins palliatifs qui permettra d'accompagner demain 200 000 personnes au lieu de 100 000 aujourd'hui, et de mobiliser 230 millions d'euros jusqu'en 2012.
Ce plan vise d'abord à augmenter les capacités d'accueil dans tous les secteurs, qu'il s'agisse des unités de soins palliatifs, des lits identifiés ou des équipes mobiles, si importantes pour instiller la culture du soin palliatif dans tous les lieux de soin, y compris les maisons de retraite. Il tend aussi à développer la recherche et la formation à la culture palliative des personnels soignants, des bénévoles, des associations. Enfin, il insiste sur l'accompagnement des familles, et je veux à cet égard rendre un hommage tout particulier à Jean Leonetti (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) pour sa remarquable loi sur la fin de vie qu'il faut mieux faire connaître aux familles.
En outre, certaines mesures très concrètes seront prises. Je veux notamment développer les réseaux et la culture de l'échange, essentielle en ce domaine. Je serai aussi très attentive à la question des soins palliatifs pédiatriques, car c'est un drame considérable pour les parents que de devoir accompagner un enfant jusqu'à la mort. Je souhaite mobiliser 14 millions de crédits pour développer les soins palliatifs pédiatriques. Enfin, nous allons ouvrir, dans quelques mois, un numéro d'information à quatre chiffres pour donner des renseignements pratiques à toutes les personnes concernées par les soins palliatifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Christian Kert, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de la culture et de la communication, la presse française connaît une crise, que le Président de la République a dénoncée et à propos de laquelle il a souhaité que des états généraux se tiennent au mois de septembre.
Cette réflexion est indispensable, car la presse écrite affronte une concurrence nouvelle avec les chaînes de la TNT, l'Internet et la presse gratuite. Elle doit aussi faire face à la mutation du paysage publicitaire français, à laquelle la commission présidée par Jean-François Copé va essayer d'apporter des solutions.
Il faut rendre hommage à l'ensemble des groupes de presse écrite, quelle que soit leur forme, qui ont consenti de grands efforts pour s'adapter à ces mutations et ont beaucoup investi pour la modernisation de leurs outils, y compris de diffusion.
Madame la ministre, comme nous tous ici, nous vous savons attachée à l'idée d'une presse écrite libre, pluraliste, qui participe au fonctionnement de la démocratie. (« Genestar ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Pour sauver cette presse, l'effort doit porter dans plusieurs directions. Tout d'abord, le portage des journaux, au sujet duquel la profession attend toujours un décret d'application qui facilitera la vie quotidienne des porteurs. Votre détermination à influer sur La Poste dans la négociation des tarifs de portage sera également essentielle. Il vous faut aussi régler le conflit permanent et les blocages aux NMPP qui paralysent pour partie la diffusion de la presse écrite. Enfin, il vous faudra apporter une solution à la question des droits d'auteur des journalistes.
Madame la ministre, souhaitez-vous accompagner le développement des télévisions locales, dont les groupes de presse sont devenus les partenaires privilégiés ? Considérez-vous, comme nous, que les états généraux de septembre prochain doivent aboutir à « recibler » l'ensemble des aides accordées à la presse écrite ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le député, vous avez très justement rappelé que la presse était en crise, pour toutes les raisons que vous avez décrites. C'est justement pour l'aider à affronter cette crise que nous sommes fortement à ses côtés dans le plan de modernisation des NMPP « Défi 2010 ». Ce plan vise notamment à mieux former les kiosquiers, à numériser tous les titres, à multiplier les points de vente, l'objectif étant de passer de 29 000 à 33 000 – il faut se féliciter des 600 points de vente nouveaux ouverts en 2007 –, et enfin à diminuer le nombre des dépôts. Un plan extrêmement généreux, doté de 60 millions d'euros, a par ailleurs été ouvert pour financer 300 départs. Cela montre une grande générosité et rend choquants les mouvements extrémistes menés par certains acteurs du Syndicat du livre qui a régulièrement fragilisé la situation de la presse. L'État, lui, a pris ses responsabilités en faisant passer son aide de 8 millions à 12 millions d'euros.
Au-delà, il faut pérenniser un modèle, renouveler le lectorat, et je ferai prochainement des propositions dans ce sens. Il faut aussi finaliser de nouveaux accords entre la presse, La Poste et l'État, les accords actuels arrivant à échéance fin 2008. J'ai chargé Marc Schwartz d'une mission à ce sujet en espérant aboutir à une signature dans les semaines qui viennent. Il faut aussi relancer le portage, qui existe en Alsace et en Île-de-France, mais presque pas ailleurs. C'est le seul moyen d'avoir son journal chez soi tous les matins, et c'est ce que veulent les gens. Cela exige des mesures sociales et fiscales, et, comme vous l'avez dit, le décret d'application attendu. Il faut également agir pour la presse en ligne, à laquelle nous consacrons actuellement 50 millions par an, redéfinir le statut de l'oeuvre multimédia et sécuriser le droit d'auteur des journalistes.
Ce sont de grands sujets qui font aujourd'hui l'objet de réflexions. Nous allons naturellement agir sur tous ces fronts. Beaucoup de dossiers sont très avancés. Ce sera l'objet des états généraux de l'automne prochain, souhaités par le Président de la République. Nous ne manquerons pas ce grand rendez-vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, nous voici donc à la veille du lever de rideau de cette somptueuse mise en scène, tant attendue, chargée de tant d'ambitions, riche de tant de promesses, l'acte central de ce règne médiatique : la présidence française de l'Union européenne. On nous promet un spectacle inoubliable, une superproduction à deux cents millions d'euros, mais nos partenaires et la Commission, peu sensibles à l'annonce de ces fastes, se demandent seulement comment nous allons respecter nos engagements de retour à l'équilibre budgétaire.
Le projet de loi de règlement des comptes pour 2007 parle de « vertu », de « performance », de « maîtrise », voire de « chaînage vertueux » de nos rapports de performance, ce qui ne veut à peu près rien dire, mais sonne joliment à nos oreilles.
La Cour des comptes est moins lyrique mais plus précise. Elle évalue le solde budgétaire négatif de 2007 à 44 milliards d'euros, auquel il faut ajouter « les dépenses qui auraient dû être payées en 2007 et qui, ne l'ayant pas été, souvent en raison de l'insuffisance des crédits ouverts, se sont retrouvées purement et simplement reportées sur l'exercice 2008 » – manière polie de parler de cavalerie – pour un montant, toujours selon la Cour, de 5,5 milliards d'euros.
En clair, le déficit de l'État s'est creusé de près d'un cinquième d'une année à l'autre, et le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires considère, dans l'avertissement qu'il vient de vous adresser, que le déficit public dépassera, l'an prochain, en France, le seuil de 3 % du PIB.
Monsieur le Premier ministre, il y a quelques mois, vous avez évoqué avec lucidité « les caisses vides » et « l'État en faillite ». Votre gouvernement, après avoir chargé la barque de 15 milliards, du fait d'un paquet fiscal injuste (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui n'a pas produit le moindre « choc de croissance », prend maintenant des décisions difficiles et parfois, il faut le reconnaître, courageuses.
Ne croyez-vous pas qu'il faut tenir à nos partenaires européens un langage de vérité, et leur apporter les preuves tangibles de nos efforts de rigueur, plutôt que de se cramponner à des prévisions de croissance auxquelles nul ne peut croire dans un monde en crise – l'une des plus graves depuis cinquante ans – et à des affirmations comptables démenties par notre autorité nationale de certification ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur le député, les preuves tangibles de la volonté qu'a la France de parvenir à l'équilibre de nos finances publiques, ce sont les réformes que nous menons chaque jour (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) et sur lesquelles vous interrogez sans cesse tous les ministres présents dans l'hémicycle, qui vous en indiquent l'objectif et le calendrier.
La présidence de l'Union, que la France assumera à partir du 1er juillet, est préparée d'une façon sérieuse, avec des ambitions et des objectifs politiques très forts. J'ai le sentiment que l'on pourrait au moins aboutir à un consensus à cet égard. Souhaitons bonne chance à la présidence française ! Les six mois qui viennent seront extrêmement importants pour notre pays, et vous me permettrez de ne pas ironiser sur ce sujet comme vous l'avez fait.
Quant au déficit public, la loi de règlement, dont nous allons débattre dans quelques jours, l'établit à 38,4 milliards d'euros, ce qui est inférieur au chiffre prévu pour 2007 dans la loi de finances initiale. Là encore, on peut s'en réjouir, même si ce déficit est évidemment trop lourd. Nous en débattons souvent. Au fil du temps, nous franchirons un certain nombre de paliers pour le réduire.
Notre projet pour 2009, vous le vérifierez lorsque nous en discuterons, est d'améliorer notre résultat, en termes de déficits publics, de 0,5 % du PIB, ce qui est difficile et nécessite un effort partagé par l'ensemble de la nation. Nous y parviendrons ensemble.
Sachez toutefois que, si la Cour des comptes a réévalué notre déficit de 38 à 44 milliards, c'est qu'elle a reçu des explications très claires, que je lui ai fournies. Elle a réintroduit dans les dépenses budgétaires le remboursement de la dette contractée par l'État, le 31 décembre 2006, auprès de la sécurité sociale, et qui s'élevait à 5,1 milliards d'euros. Il ne s'agit pas d'une dépense budgétaire et il aurait d'ailleurs été bien difficile de la comptabiliser en 2007, puisque cette dette avait été contractée sur des exercices passés.
Par ailleurs, les remboursements des plans d'épargne logement, dus à un changement de législation, ne concernent pas l'exercice 2007. Ils n'ont d'ailleurs pas fait l'objet de décaissements budgétaires.
Progressivement, nous devrons réduire notre déficit, qui est actuellement de 38,4 milliards, afin de pouvoir, grâce aux réformes et à la croissance, le faire disparaître en 2012. En effet, un État qui retrouve l'équilibre de ses finances publiques retrouve en même temps des marges de manoeuvre politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Philippe Maurer, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, notre système de santé est l'un des meilleurs du monde, et les enjeux de son adaptation nous paraissent aujourd'hui importants. En effet, le vieillissement de la population, les progrès de la médecine et la spécialisation croissante ont considérablement modifié le paysage sanitaire.
Pour faire face à ces nouveaux enjeux, notre politique en faveur de la santé doit s'adapter, prévenir pour mieux guérir et davantage fédérer l'ensemble des acteurs et des équipements de santé, afin d'obtenir plus d'efficacité et de réactivité, tout en maîtrisant les coûts.
La santé est véritablement devenue un enjeu de territoire, urbain ou rural, qui nous concerne tous. De ce fait, il est plus que jamais nécessaire de penser la politique de santé, pour mieux équilibrer l'offre de soins sur l'ensemble de nos territoires, dans le souci de toujours mieux servir le patient par une offre de soins de qualité. Des pathologies telles que la maladie d'Alzheimer ou le sida nécessitent des moyens suffisants si l'on veut développer la recherche, les traitements, ainsi que la prise en charge des malades et de leurs familles, et mettre en place une véritable politique de prévention.
Il est certain que nos concitoyens rencontrent des difficultés dans l'accès aux soins quelquefois inégalement répartis, pour des raisons tant géographiques que financières. Les services d'urgence des hôpitaux apparaissent parfois comme le seul recours, et la population a du mal à s'orienter dans le système de soins. Parallèlement, les comportements ont évolué. Les addictions semblent plus courantes. Ainsi, le surpoids, notamment des jeunes, pose un véritable problème de société et de santé publique.
Face à ces nouveaux défis, nos concitoyens attendent des réponses concrètes. Je sais que vous préparez pour l'automne un projet de loi « patients, santé, territoires ». Je souhaiterais, madame le ministre, que vous nous précisiez ses grandes orientations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Monsieur le député, les Français sont fiers, à juste titre, de leur système de santé. Celui-ci montre néanmoins des fragilités et rencontre des difficultés. Il nous faut tenir compte de ce diagnostic pour le réformer en profondeur.
Ces difficultés, nous les connaissons. Les inégalités territoriales se traduisent par une espérance de vie de cinq ans de moins dans la région les moins dotées, comme le Nord-Pas-de-Calais. Du fait de l'existence de déserts médicaux, nos compatriotes ont d'ores et déjà du mal à trouver un médecin généraliste ou spécialiste dans certains territoires, à certaines heures de la nuit ou à certains moments du week-end. Le système hospitalier connaît de grandes difficultés budgétaires ou organisationnelles : s'il y a trop de lits en court séjour, les familles ont du mal à faire héberger une personne âgée atteinte de la maladie d'Alzheimer. Enfin, le pilotage est devenu de plus en plus compliqué, de sorte que plus personne ne s'y retrouve.
Le texte de loi dont nous discuterons ensemble à l'automne a pour but de remédier à ces fragilités et à ces difficultés. Je l'ai bâti avec des spécialistes et des acteurs de terrains, mais aussi avec des parlementaires. Le rapport de votre collègue M. Flajolet sur les inégalités territoriales de santé nous permettra de mener une véritable politique de santé publique et de prévention. En travaillant avec les états généraux de l'organisation de la santé et avec les professionnels de santé, nous avons bâti une politique visant à assurer une démographie médicale harmonieuse sur le territoire. Sur la base du rapport du sénateur Larcher, nous allons réformer l'hôpital, en lui donnant un patron, en prévoyant des communautés hospitalières de territoire pour graduer les soins hospitaliers et en cherchant à rendre attractifs les métiers de l'hôpital. Enfin, la création des agences régionales de santé simplifiera le dispositif de pilotage en l'unifiant et en le responsabilisant.
Oui, nous avons un bon système de santé, mais il ne faut pas nous endormir sur nos lauriers. Nous devons combattre ses fragilités. C'est ce que je vous proposerai de faire, au moyen de ce texte de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean Launay, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
En adoptant, le 30 décembre 2006, la loi sur le développement de la participation et de l'actionnariat salarié, vous avez créé le chèque transport. Depuis, vous en avez vous-même admis le caractère inopérant. Si le dispositif n'a pas fonctionné – nous vous l'avons maintes fois rappelé –, c'est parce qu'il est facultatif, les entreprises pouvant décider de l'appliquer ou non.
La proposition de loi que j'avais défendue, le 29 novembre dernier, au nom de notre groupe, prévoyait d'engager une négociation nationale et interprofessionnelle pour mettre en place un chèque transport obligatoire, au bénéfice de l'ensemble des salariés. À l'époque, vous n'aviez pas voulu en discuter.
Pourtant, la question du pouvoir d'achat est de plus en plus préoccupante pour de nombreux Français. En outre, elle est aggravée par la hausse probablement structurelle du prix des carburants. Hier, partout en France, et jusque dans le Lot profond, les routiers, les ambulanciers et les taxis, après les marins-pêcheurs et les agriculteurs, ont manifesté, par des opérations escargots et des barrages filtrants, leur désarroi face au prix du gazole, qui flambe, et leur attente de mesures concrètes.
Aujourd'hui, vous annoncez une aide directe pour permettre aux salariés de faire face à la hausse des carburants. Il était temps ! Quel que soit le nom du dispositif – chèque transport obligatoire ou aide directe –, la seule chose qui compte est d'apporter aux Français une solution rapide et concrète, pour faire face à la hausse du prix du pétrole. La contribution symbolique que vous avez mendiée à Total ne fera pas le compte, et vous ne pourrez pas vous défausser plus longtemps de vos responsabilités.
Ma question est simple : combien – quelle somme – comptez-vous apporter au financement de cette aide, qui n'a que trop tardé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur le député, vous avez eu raison de rappeler, comme l'a fait tout à l'heure M. Daubresse, qu'un certain nombre de professions, dans notre pays – les transporteurs routiers, les ambulanciers, les artisans…
J'allais y venir !… et tous ceux qui utilisent un véhicule professionnel –, sont touchés par cette hausse, ainsi que tous ceux qui se servent d'un véhicule à des fins professionnelles ou personnelles.
Le Premier ministre, qui avait annoncé, le 12 juin, à la télévision, une aide à la personne, a écrit ce matin à tous les responsables des organisations syndicales. Pour définir les conditions de cette aide, il leur demande de mettre en place une négociation qui devra être achevée à la rentrée.
Vous avez rappelé, monsieur le député, l'existence du chèque transport. C'était peut-être une bonne idée, nous l'avions d'ailleurs crue telle. Malheureusement, comme sa matérialisation était complexe, il n'a pas fonctionné.
Nous voulons nous inspirer d'un dispositif que connaissent bien tous les élus franciliens de l'Assemblée nationale. Il s'agit d'un système qui apparaît sur la feuille de paie, qui est simple et qui s'adresse directement au salarié, avec une participation des entreprises et de l'État.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. De combien ?
Je ne vous répondrai pas : vous faites fi de la concertation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), alors que le Gouvernement, lui, travaille avec les organisations syndicales et ne décide pas tout seul.
Le dispositif sera prêt peu après la fin de la concertation. Mais il faut trouver un moyen pour que, dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, il favorise le transport collectif plutôt que la voiture individuelle. Cette aide au transport sera le produit de la concertation, et nous comptons sur toutes les bonnes idées que nous apportera le Parlement pour nous aider à trouver le meilleur dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Aides gouvernementales en faveur du transport
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de modernisation de l'économie (nos 842, 908, 895, 905).
Avant de passer aux explications de vote, je donne la parole à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le président, messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, nous avons parlé de coproduction en amont de cette loi de modernisation, et, effectivement, le rythme a été celui d'un tournage. Nous avons travaillé de jour comme de nuit – j'oserai même parler de « nuit américaine »…
Je voulais d'abord vous remercier, quel que soit le côté de cet hémicycle où vous siégez, d'avoir consacré votre temps et votre énergie à discuter et à améliorer cette réforme essentielle pour la croissance, l'emploi et le pouvoir d'achat dans notre pays.
Cette discussion a été un modèle de débat démocratique, vigoureux et rigoureux, au service de l'intérêt général.
Je voudrais vous faire part de deux bonnes nouvelles.
Première bonne nouvelle : le nombre de créations nettes d'emplois salariés dans le secteur marchand au premier trimestre 2008 a été significativement revu à la hausse jeudi dernier, pour atteindre 70 700. Le rythme est donc maintenu après une année 2007 pendant laquelle la création nette d'emplois s'était élevée à 352 000.
Deuxième bonne nouvelle : le Consensus Forecast, qui effectue la moyenne de toutes les prévisions de croissance établies par la place, a relevé la semaine dernière sa prévision pour la France à 1,7 %, ce qui est conforme à la fourchette basse de la prévision du Gouvernement pour 2008.
Plus de créations d'emplois, plus de créations d'entreprises, plus de croissance : c'est exactement dans cette logique que s'inscrit le projet de loi de modernisation de l'économie.
Je voudrais procéder maintenant à un exercice qui est parfois rituel, mais dont je souhaite souligner l'importance aujourd'hui, tant pour moi que pour toute mon équipe. Je voudrais, en effet commencer par des remerciements.
Que vous dire, sinon merci ? Merci pour les 1 600 amendements et les deux semaines de débats, souvent passionnés, toujours constructifs, qui ont eu pour seul fil rouge la volonté de rendre les mesures proposées plus efficaces et plus opérationnelles sur le terrain.
J'aimerais rendre un hommage particulièrement appuyé à M. le rapporteur, Jean-Paul Charié, pour son travail inlassable de pédagogie et de fine analyse : vous n'avez pas compté vos heures…
…pour ciseler les rouages de ce texte et les rendre conformes à la mécanique complexe de l'économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je rends également hommage à Patrick Ollier pour son art consommé de la négociation,…
…ainsi que pour son soutien sans faille au texte présenté par toute notre équipe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Par son sens reconnu du dialogue, sa parfaite maîtrise du contenu du texte et son expérience de l'orchestration parlementaire, il a su tenir le cap de la réforme et garantir la sérénité des débats.
Je remercie également les rapporteurs pour avis, Nicolas Forissier et Eric Ciotti, pour avoir enrichi notre réflexion par des propositions claires et de bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous devons beaucoup à Jean-François Copé et à son équipe, pour avoir su initier, accompagner et mettre en scène cette véritable coproduction en préservant l'harmonie nécessaire dans la majorité.
Cette méthode, gage de réussite, sera, je l'espère, la matrice d'une nouvelle coopération entre le Gouvernement et le Parlement. Tout le monde gagne à ce que les textes ne sortent pas tout prêts à l'emploi des cabinets ministériels, mais simplement soient porteurs d'amélioration et de changement au fil du débat.
Merci à tous ceux qui se sont battus pour ce texte, comme Catherine Vautrin, l'oratrice du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, Lionel Tardy, Michel Bouvard, Michel Piron, Christian Jacob, Jean Dionis du Séjour, Charles Amédée de Courson et Serge Poignant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Merci aussi à François Brottes et à Jean-Pierre Balligand, pour leur contribution aux débats et la manière dont ils ont su nous faire évoluer au fil du texte, et parfois nous rejoindre.
Comme ses collègues qui ont présidé avant elle, Marc Le Fur, Marc-Philippe Daubresse, Marc Laffineur et Jean-Marie Le Guen, je voulais remercier la vice-présidente, Mme Catherine Génisson, qui, jeudi dernier, a conduit la discussion avec tact et diplomatie, jusqu'à une heure avancée de la nuit – ce qui prouve que la France qui se lève tôt peut aussi souvent se coucher tard – en permettant aux débats de s'accélérer.
Vous êtes bien sûr remercié, vous aussi.
Je remercie évidemment mes amis députés : Frédéric Lefebvre, Olivier Carré, Serge Grouard, Jean-François Lamour, Martial Saddier, Bernard Reynès, Chantal Brunel, Vincent Descoeur, Patrice Debray, Xavier Breton, Franck Gilard, Françoise Branget, Jean Grenet, Marc Joulaud, Gabrielle Louis-Carabin, Jean-Pierre Nicolas, Sophie Delong, Yanick Paternotte, François Scellier, Richard Dell'Agnola. Pour la qualité des débats, pour la hauteur des idées, vous avez tous été véritablement les coauteurs de ce texte.
Je pense aussi, dans les rangs de l'opposition, à Marylise Lebranchu, Annick Girardin, François Brottes, Jean Gaubert, Sandrine Mazetier ou Jean-Pierre Balligand. Merci à vous tous d'avoir participé à l'élaboration de ce texte.
Je n'oublierai dans mes remerciements ni M. Muzeau ni M. Brard, en particulier pour la finesse de leurs traits d'esprit et pour l'attention qu'ils ont manifesté lors de l'examen de toutes les dispositions de ce texte.
Pour aller plus loin, et puisque j'ai parlé de « coproduction », je vous propose de mettre en place de la « post-coproduction ». Nous avons besoin d'instances de suivi où les parlementaires auront une place centrale. Il s'agit de mieux associer le Parlement à la mise en oeuvre de la loi, pour que les élus puissent, au fil du temps, savoir comment celle-ci est appliquée, comment elle est relayée sur le terrain, au fur et à mesure, et que vous puissiez ainsi mesurer l'effectivité des dispositions que vous avez votées.
Je n'évoquerai pas les principaux points sur lesquels votre travail a permis d'enrichir considérablement ce texte.
Je mentionnerai les innovations majeures que sont le tarif social pour le téléphone mobile et la prolongation jusqu'au 1er juillet 2010 du tarif réglementé transitoire d'ajustement au marché pour l'électricité, dit TARTAM.
Des améliorations ont été également apportées au fil des titres du projet de loi, avec, dans le titre Ier : la modification du seuil de la micro-entreprise ; l'extension de la fiducie pour ce qui concerne le patrimoine d'affectation ; la réflexion sur la réserve spéciale d'autofinancement ; le seuil d'exemption des droits de mutation transformés en abattements.
Dans le titre II, je citerai l'équilibre que l'adoption de trois amendements – dont l'amendement n° 767 –, permettant une combinaison de préemption, de saisine et de recours, a permis de retrouver, alors que le seuil d'autorisation pour l'installation des surfaces commerciales passe de 300 à 1 000 mètres carrés ; le principe de la libre négociation des prix, assorti de davantage de transparence ; la vérification des abus de position dominante à l'initiative des maires, mais aussi les mesures concernant les pratiques commerciales déloyales et les clauses abusives.
Pour ce qui est du titre III, vous avez amendé le texte en prévoyant l'exemption de cotisations d'assurance vieillesse pour certaines catégories de salariés étrangers.
Enfin, pour le titre IV, vous avez renforcé le droit opposable au compte, et je relève l'obligation pour les banques d'utiliser les ressources du livret A non centralisées au bénéfice des petites et moyennes entreprises ; la réaffirmation du principe de l'affectation de la collecte au logement social et à la politique de la ville ; le renforcement grâce à l'amendement de Didier Migaud et Gilles Carrez du contrôle interne des banques pour éviter des accidents comme celui de la Société générale et la transposition par ordonnance de la directive européenne antiblanchiment.
Bref, toute une série de mesures ont contribué à enrichir ce projet de loi que le Sénat doit maintenant examiner. En conséquence, je ne doute pas que les sénateurs le trouveront de bien meilleure qualité que celui qui vous a été soumis.
Quelle est l'économie générale de ce texte ? Je vous avais indiqué que son coût serait de l'ordre de 300 millions d'euros. Grâce au relèvement des seuils de la micro-entreprise, qui passe dorénavant à 80 000 euros pour les activités commerciales et à 32 000 euros pour les activités de services, le coût de cette loi s'élèvera à 400 millions d'euros, et à 425 millions d'euros si l'on tient compte de l'indexation des seuils.
C'est néanmoins, me semble-t-il, un petit prix à payer pour les bénéfices que procurera cette réforme. Je vous rappelle qu'en année pleine, à partir de 2009, nous avons chiffré le supplément de croissance résultant de la loi de modernisation de l'économie à 0,3 %, et le nombre de créations d'emplois à 50 000 emplois supplémentaires chaque année.
Ce projet de loi est donc fondé sur le triptyque croissance, liberté et équilibre. Il s'agit d'un texte harmonieux et riche que vous avez considérablement contribué à enrichir, et qui va tout à la fois, simplifier la vie des entrepreneurs, améliorer le choix des consommateurs, renforcer les principes de concurrence et aménager des chemins d'épargne différents ; bref, changer la vie quotidienne des Français, et leur donner plus d'emplois et plus de pouvoir d'achat.
Je ne saurais terminer sans remercier les services de l'Assemblée. Chaque jour et chaque nuit, monsieur le président, ils ont été au rendez-vous, comme vous tous l'avez été. Chacun de nos concitoyens s'en souviendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Monsieur le président, pour paraphraser Sophocle, je dirai qu'un État où sont impunis l'insolence et la liberté de tout faire finirait par sombrer dans l'abîme.
J'ai parfaitement conscience, au moment où nous votons le projet de loi de modernisation de l'économie, du travail accompli et des enjeux.
Le projet de loi, qui comportait à l'origine 44 articles, en compte aujourd'hui 122, soit trois fois plus. Deux tiers des 1 600 amendements examinés furent déposés par la majorité. Loin de s'apparenter à de l'obstruction, les débats ont soulevé de vrais problèmes, sur de vrais sujets.
Rapporteur à temps plein depuis plus de trois mois, je ne me suis jamais écarté de mes cinq objectifs. Premièrement, remettre l'homme au centre de l'économie de marché : l'avenir du capitalisme passe par l'éthique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Deuxièmement, sortir de l'économie administrée par les puissances financières. Troisièmement, revenir au juste prix. Quatrièmement, revenir à la vraie compétitivité des PME, des artisans, des commerçants de proximité. Cinquièmement, remettre la libre et loyale concurrence au service d'une société à taille humaine.
En ayant totalement conscience du travail qui reste à entreprendre pour faire comprendre et appliquer la loi que nous allons voter, je veux, avec beaucoup d'humilité, exprimer deux sentiments : la confiance et la gratitude.
Confiance dans les consommateurs, car la loi de modernisation de l'économie et les engagements pour les actions de groupe, c'est le retour au juste prix. Confiance dans les distributeurs, car la loi de modernisation de l'économie, c'est le retour aux origines. Marcel Fournier, le fondateur de Carrefour, disait : « Il y a plus à gagner à bien vendre qu'à grignoter 0,5 % aux fournisseurs. » Confiance aussi dans les maires et dans les gestionnaires de la cité, car leur pouvoir de gérer les permis de conduire sera renforcé et la concurrence loyale à dimension humaine valorisera la compétitivité des commerces de centre ville des quartiers et des villages. Confiance enfin dans les commerçants de proximité, les PME et les artisans, qui, avec ce projet de loi, avec le renforcement du FISAC et la libre négociabilité, qui marque également la fin des déséquilibres significatifs – car négocier n'est pas arnaquer –, retrouveront les nobles moyens d'une juste concurrence.
Face à ce brillant résultat, j'éprouve un sentiment de gratitude. Alors que la politique est trop souvent discréditée, je vous remercie, au nom de tous, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, pour la qualité de votre écoute et votre respect de notre autorité. Les rapports des experts, c'est bien ; l'expertise des députés, c'est mieux, car elle permet un acte fondateur.
Je remercie également mes collègues des groupes UMP et du Nouveau Centre, en particulier Catherine Vautrin, qui a constamment su faire passer l'intérêt général avant les intérêts particuliers (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), le travail d'équipe avant les prises de position individuelles, et Patrick Ollier, qui a su si bien orchestrer les débats.
Enfin, je remercie les députés de l'opposition. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Sur bien des sujets, nous avons su dépasser les clivages binaires, primaires et politiques. Il nous faut moderniser l'économie et remettre l'homme au coeur de l'économie de marché ; telle est notre conviction commune. Nos débats et notre vote auront confirmé la justesse de cette pensée de René Char : « Toute l'autorité, la tactique et l'ingéniosité ne remplaceront pas une parcelle de conviction au service de la vérité. » (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pour ne pas faire de jaloux, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le rapporteur, je voudrais associer tous les députés à vos remerciements.
La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre, vous avez accepté de réaliser, avec nous, la première coproduction législative, dont le résultat est – vous l'avez souligné vous-même – particulièrement intéressant. Les députés du groupe UMP qui ont collaboré au groupe de travail mis en place après la publication du rapport Attali apprécient que leurs propositions aient été entendues, reconnues et acceptées. Au-delà des satisfactions personnelles, nous nous félicitons que le Gouvernement ait pris des engagements importants et nous participerons bien volontiers à la « post-coproduction » que vous nous avez annoncée.
Nous avons en effet trois rendez-vous extrêmement précis. Le premier concerne la mise en oeuvre du patrimoine d'affectation, grâce à la fiducie. Le deuxième, auquel nous sommes tous très attachés, concerne la possibilité d'intenter des actions de groupe, car il nous faut garantir à la fois la liberté de la concurrence et la protection des consommateurs. Le troisième rendez-vous, qui doit intervenir « dans six mois, pas un jour de plus », selon la formule de Jean-François Copé, c'est le projet de loi qui intégrera l'urbanisme commercial dans l'urbanisme général. Dans la nuit de jeudi à vendredi, nous avons déterminé ensemble une phase transitoire. L'urbanisme commercial est un élément de l'attractivité d'un territoire et il doit être envisagé à l'échelle du territoire.
Le projet de loi comportait 44 articles ; nous avons débattu pendant 65 heures et examiné 1 600 amendements. Je voudrais saluer à mon tour le travail réalisé, sous l'autorité du président de la commission, Patrick Ollier, par Jean-Paul Charié, qui, pendant toutes ces semaines, nous a permis de constituer avec vous cette boîte à outils qu'est le projet de loi de modernisation de l'économie.
Nous avons désormais les moyens d'agir sur tous les leviers dont notre croissance a besoin. Nous avons en effet facilité en effet la vie de celles et ceux qui entreprennent, en adoptant de nombreuses mesures portant sur le statut de l'entrepreneur, les délais de paiement – domaine dans lequel notre pays accusait un véritable retard – et le renforcement de la concurrence. Nous sommes parvenus à une approche beaucoup plus claire en matière de négociabilité. Comme l'a rappelé Jean-Paul Charié, négocier, ce n'est pas arnaquer mais, au contraire, construire une relation de confiance. C'est pourquoi nous avons été très vigilants quant à la définition du rôle de la Haute Autorité de la concurrence, véritable garant de cette notion de confiance.
Notre pays avait également besoin, pour renforcer l'attractivité de nos territoires, de progresser dans le déploiement du très haut débit. Mais nous sommes nombreux, madame la ministre, à vouloir continuer de travailler sur le haut débit, dont certaines parties de notre territoire restent privées.
Enfin, l'attractivité du territoire, c'est aussi son attractivité financière. Vous venez de rappeler que l'élargissement du livret A ne modifierait pas sa destination : celui-ci demeure l'outil de référence du financement du logement social, et vous savez combien nous y sommes attachés.
Parce que le projet de loi fait rimer croissance, liberté et équilibre avec emploi et pouvoir d'achat, le groupe UMP votera ce texte et participera, à vos côtés, à la phase de post-coproduction. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, après le paquet fiscal de l'été dernier, qui coûte au pays près de 15 milliards d'euros chaque année (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous nous avez présenté, avec le projet de loi LME, un festival libéral et anti-social, une coproduction assumée entre l'UMP et le Gouvernement !
Pendant que le bon M. Bertrand fait sauter les derniers verrous de la protection sociale – hier, les franchises médicales, qui limitent le droit d'accès aux soins ; aujourd'hui, la durée légale du travail, négociable entreprise par entreprise, c'est-à-dire individu par individu ; et, demain, pourquoi pas, la suppression du salaire minimum –, pendant ce temps-là, donc, le Gouvernement profite d'une énième loi de modernisation de l'économie pour démanteler le droit syndical, avec le lissage des seuils, précariser les salariés, fragiliser les plus démunis et servir quelques amis puissants, les autres ayant le tort d'être misérables.
Dans ce dernier exercice, je veux saluer le one-man-show de Frédéric Lefebvre. Ce député influent de l'UMP aura réalisé, au cours de ce festival libéral, plusieurs numéros d'artiste qui, s'ils ne furent pas toujours aboutis, devraient, à force de répétitions, lui permettre de s'imposer.
Je pense à l'amendement, que j'ai qualifié « du pied dans la porte » et dont le vote a été reporté, sur la fin du financement du sport éducatif par le sport professionnel ou à l'amendement bidon du tarif social pour la téléphonie mobile, qui n'a aucune chance de voir le jour, faute de base juridique, mais qui dédouane nos trois opérateurs, en oubliant de dire que les ventes aux enchères des prochaines licences de téléphonie mobile vont coûter cher aux consommateurs. Je pense également à l'amendement hypocrite sur l'action de groupe, qui est une véritable tartufferie puisqu'il laisse croire à l'opinion que l'UMP y est favorable alors que, depuis des mois, vous refusez nos propositions en la matière, en reportant l'échéance. Je pense enfin à l'amendement « Fouquet's », qui repousse sans vergogne les limites des seuils anti-concentration en matière de télévision, afin que les Bouygues et Bolloré continuent à s'épanouir et à garder la maîtrise du jeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Quant aux acteurs du réseau bancaire, je ne doute pas qu'ils vous seront éternellement reconnaissants d'avoir banalisé le livret A, leur permettant ainsi de distribuer un produit sur lequel ils pourront faire de nouveaux profits, sans avoir l'obligation, comme la Banque postale, d'accueillir tous les clients qui en font la demande. Comme on dit chez moi, ils auront le beurre et l'argent du beurre.
Je ne doute pas non plus que les acteurs du secteur de la grande distribution vous voueront une admiration sans nom puisqu'ils pourront, comme ils le demandaient ardemment, étrangler leurs fournisseurs et s'implanter où ils voudront sans véritable contrainte. Le commerce de proximité, lui, attendra. En effet, le FISAC, qui peut théoriquement soutenir, sous différentes formes, ce type de commerces, ne sera abondé qu'à hauteur d'à peine 15 % du produit de la taxe sur les grandes surfaces. Cherchez l'erreur ! Quant à l'augmentation des crédits de ce fonds, qui correspond à 500 ou 550 euros de plus par commune, le moins que l'on puisse dire est qu'elle traduit une ambition modérée.
Vous avez refusé de vous attaquer efficacement au monopole vertical des centrales d'achat et, sous prétexte de supprimer les marges arrière, vous avez renoncé à exiger la transparence sur la pratique du référencement, qui impose aux fournisseurs de payer un bakchich pour être autorisés à vendre par l'intermédiaire d'une centrale d'achat : autant d'aveux qui démontrent que ce texte est taillé sur mesure pour Michel-Édourad Leclerc et ses peu nombreux camarades de jeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La baisse des prix, si elle a lieu, ne sera donc que passagère.
En matière d'accès à la précarité pour tous – un nouveau droit ! –, je dois avouer que vous avez été très imaginatifs. Avec le statut d'auto-entrepreneur, salariés, retraités et candidats à l'emploi – je reprends votre formule, madame la ministre – ne seront pas obligés de se déclarer sur un registre, ils n'auront pas de charges à payer jusqu'à 30 000 euros, n'auront pas besoin de qualification ou d'agrément professionnel et pourront se localiser n'importe où – premier étage, rez-de-chaussée – sans que cela se sache.
Auto-entrepreneurs, c'est-à-dire entrepreneurs virtuels, ils pourront donc se livrer à une concurrence tout à fait déloyale, ne seront pas repérables et seront dans l'incapacité d'apporter une garantie de bonne fin à leurs clients.
Soyons sérieux : chacun a bien compris qu'il s'agit surtout de favoriser l'externalisation du salariat. C'est l'avènement du « tous patrons, tous tâcherons, donc tous précaires » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Il ne sera même plus nécessaire de supprimer la durée légale du travail, puisque, entreprise par entreprise, on aura progressivement éliminé le statut de salarié.
Quant aux plus démunis, ils vont y perdre deux fois, et ce n'est pas le droit au compte ni le droit au logement qui leur donneront les garanties qu'ils sont en droit d'attendre. Avec votre projet de loi, leur accès à la bancarisation est réellement menacé, et la sanctuarisation du financement du logement social l'est tout autant, ainsi que l'a parfaitement démontré M. Balligand. Dans quelques années, nous constaterons que le siphonnage du financement du logement social aura été l'une des conséquences de cette loi.
Cependant, ma bonne foi et mon objectivité m'obligent à saluer votre courtoisie, madame la ministre. Nous nous félicitons également d'avoir perçu un frémissement dans votre volonté de développer le haut débit au-delà du coeur des villes et d'avoir été entendus lorsque nous avons indiqué qu'il était urgent de prolonger les tarifs réglementés – le fameux TARTAM – pour préserver l'emploi industriel qui souffre partout dans le pays. À ce propos, je rappelle que notre groupe a demandé la création d'une commission d'enquête sur la constitution des prix de l'énergie, à la pompe comme au radiateur.
Hélas ! madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, le compte n'y est pas ! Ce projet de loi consacre la loi du plus fort ; il impose les conditions générales d'achat au lieu des conditions générales de vente ; il place les maires dans une situation impossible de régulateurs de la concurrence et il déstructure un peu plus les rapports sociaux dans l'entreprise. Je ne sais pas s'il contribuera à aller chercher 0,3 % point de croissance « avec les dents », mais, pour tous ceux qui trouvent aujourd'hui que la fin du mois arrive trop tôt, ce texte sera bien une loi de modernisation des illusions. C'est la raison pour laquelle, avec résolution, nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans la suite des explications de vote, la parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le rapporteur Charié, mes chers collègues, nous déplorons l'organisation du travail parlementaire que le Gouvernement nous a imposée. Il n'est pas acceptable de légiférer dans la précipitation, en quelques semaines et, la nuit, jusqu'à trois heures, voire cinq heures du matin, sur des textes aussi importants que la modernisation de l'économie ou la réforme des institutions, réforme qui fera peut-être « pschitt » dans quelque temps.
Je ne partage pas votre optimisme sur ces conditions de travail, madame la ministre. En tout état de cause, ce ne sont pas des conditions favorables à un véritable débat démocratique et transparent, ni pour les députés que nous sommes, ni, plus grave encore, à l'égard de nos compatriotes, qui sont en droit d'être éclairés sur les enjeux de ces débats et sur le sens de nos décisions.
Votre précipitation à légiférer témoigne en réalité de votre volonté d'aller au plus vite dans la politique de « rupture » de la société française, chère à Nicolas Sarkozy, dont le premier acte s'est joué voilà un an, lorsque vous avez accordé 15 milliards d'euros aux plus fortunés.
À creuser toujours davantage le sillon des inégalités au sein de notre société, ne soyez pas étonnés que des centaines de milliers de salariés soient en grève aujourd'hui et manifestent dans toutes les villes de France.
Nous ne voterons pas ce projet de loi de modernisation de l'économie ou, devrais-je préciser, d'une économie ultra-libérale. En effet, l'esprit général de ce projet de loi est traversé par une analyse dogmatique et idéologique de la situation française.
Le Gouvernement affiche l'objectif de relancer l'économie française, de faire gagner 0,3% de croissance à notre pays et de créer 50 000 emplois, des intentions qui ne sont louables qu'en apparence car elles se fondent sur une politique de relance par l'offre qui ne cesse de démontrer son inefficacité depuis vingt-cinq ans.
Vous faites le choix de la déréglementation et de la concurrence. Mais pour quels résultats ? À cet égard, votre texte est assez édifiant. En ce qui concerne les délais de paiement, l'objectif de ce projet de les limiter à 45 jours « fin de mois » ou 60 jours calendaires est trop modeste. Or, les délais de paiement constituent une question cruciale pour la survie du réseau français de petites entreprises : 21,6 % des défaillances des PME sont dues aux retards de paiement. Cette situation se détériore, comme en témoignent les conclusions édifiantes du rapport annuel de l'Observatoire des délais de paiement. Dès lors, je regrette que notre assemblée n'ait pas adopté les amendements que nous avions déposés, fixant par exemple les délais de paiement à 7 jours pour les produits frais et périssables et à 30 jours pour les autres types de bien. Ces dispositions allaient pourtant dans le bon sens. A contrario, vous avez mis en place un régime dérogatoire qui vide de son contenu le principe même d'une durée légale de paiement.
En ce qui concerne la négociabilité des conditions générales de vente, ce projet de loi redéfinit les rapports distributeurs-fournisseurs, sans prendre en compte les inégalités du rapport de forces. En introduisant la libre négociabilité des prix entre distributeurs et fournisseurs, le projet de loi place ces derniers dans une situation de dépendance vis-à-vis des distributeurs. Il aurait fallu, au contraire, réaffirmer les règles des conditions générales des ventes et renforcer les sanctions en cas de non-respect de ces règles. Vos choix vont à l'inverse, en libéralisant le système et en diminuant de façon drastique les moyens alloués à la direction générale de la répression des fraudes.
Nous nous opposons aussi à la déréglementation de l'urbanisme commercial. Dorénavant, un distributeur pourra installer sans autorisation un magasin jusqu'à 1 000 mètres carrés. Cette disposition ouvre des possibilités accrues pour les distributeurs, notamment en ce qui concerne leur implantation en centre-ville. La déréglementation de l'urbanisme commercial sera dramatique pour les petits commerces, en dépit de l'adoption d'amendements tendant à conférer aux maires un certain pouvoir de contrôle. De plus, les dispositions contenues dans l'article 27 du présent projet de loi n'auront qu'un effet marginal sur la baisse des prix.
En outre, je regrette que l'Assemblée n'ait pas adopté l'amendement de notre groupe tendant à intégrer des critères sociaux tels que les salaires ou les types de contrat à la procédure d'autorisation d'implantation. Cette disposition aurait sans doute permis d'améliorer conséquemment le pouvoir d'achat des salariés de la grande distribution.
Enfin, concernant le livret A, je ne reviendrai pas sur la profonde injustice de votre réforme et aux dangers qu'elle fait courir au logement social. Je regrette cependant que les différents amendements déposés par l'opposition aient été systématiquement rejetés.
Mais si, malheureusement ! Je pense notamment à ceux tendant à ce que la Banque Postale ne devienne pas la « banque des pauvres ». Concernant le taux de centralisation du livret A, l'adoption de l'amendement n° 21 , contre l'avis du Gouvernement, est certes un moindre mal au vu du projet initial. Il n'augure cependant rien de bon concernant l'évolution générale du système d'épargne populaire français.
Mais je n'ai pas terminé !
Je tenais à exprimer notre profond désaccord avec l'amendement Aboud. Nous regrettons, enfin, que M. Novelli ait renvoyé à une discussion ultérieure la mise en place du cadre législatif d'une action de groupe à la française.
Pour conclure, seule une augmentation générale des salaires, des retraites et des minima sociaux permettrait de relancer vigoureusement l'économie française. Les députés communistes et républicains ne voteront pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les députés du Nouveau centre tiennent d'abord à exprimer des remerciements et des réserves.
Nos remerciements vont à Mme la ministre, aux secrétaires d'État Luc Chatel, Éric Besson et Hervé Novelli, pour la qualité du dialogue entre le Gouvernement et le Parlement. Le Gouvernement, mais aussi le rapporteur et le président Ollier, ont su faire preuve d'écoute, de professionnalisme et, ce qui ne gâte rien, d'une certaine gentillesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous avons également des réserves à exprimer sur l'organisation des débats. Les contraintes de notre calendrier parlementaire nous ont obligés à terminer à la va-vite des débats importants en utilisant des procédés de réécriture d'articles ayant pour effet de faire tomber des dizaines d'amendements. Certes, cette pratique a été utilisée par tous les gouvernements quelles que soient leurs sensibilités, mais elle n'est ni glorieuse ni très démocratique – d'autant que nos débats se sont parfois prolongés jusque quatre heures et demie du matin. Alors que se profile un agenda très chargé pour la rentrée de septembre, nous attirons l'attention du Gouvernement pour que d'autres solutions que celles-ci soient trouvées.
Sur le fond, le Nouveau centre approuve les mesures contenues dans le titre Ier à destination des auto-entrepreneurs et des PME. Ce titre rassemble un certain nombre de progrès très concrets et significatifs. Charles de Courson et moi-même, nous nous permettons d'insister sur l'importance qu'il y aura à donner aux dispositions concernant le patrimoine d'affectation et à la réserve spéciale d'autofinancement.
En ce qui concerne le titre II, consacré aux relations commerciales, nous approuvons le coeur de l'article 21, à savoir la mise en place de la négociabilité. En effet, celle-ci achève trois ans de législation dont l'objectif était la suppression des marges arrière. Comme nous l'avons toujours dit au Nouveau Centre, la loi Galland a abouti à des dérives aux effets ravageurs ! Nous ne nous faisons pas d'illusions sur le rapport de forces existant entre le monde de la distribution et le monde de la production en France. Ce nouveau dispositif devra être évalué, mais c'est sans aucun état d'âme que nous tournons la page des marges arrière.
Notre approche est empreinte du même pragmatisme en ce qui concerne la mise en place de la Haute Autorité de la concurrence et les modifications des règles d'urbanisme commercial. Au centre, nous avons toujours été pour une ouverture à la concurrence sous l'autorité d'un régulateur fort. Nous sommes donc favorables à la création de la Haute autorité. Cependant, cette position de principe ne nous empêche pas de faire preuve de pragmatisme et de lucidité. Nous verrons lors de l'approbation du contenu de l'ordonnance si le destin de cette structure est d'être un « machin » de plus, pour reprendre le bon mot du général de Gaulle, ou bien d'être le régulateur fort dont a besoin la vie commerciale de notre pays.
Le révélateur sur ce point sera ce que vous ferez, madame la ministre, de l'amendement initié par le Nouveau Centre, qui donne le pouvoir à la Haute Autorité d'ordonner au groupe en situation de monopole sur un bassin de vie locale la cession de magasins. Le Nouveau Centre sera d'une vigilance absolue sur ce point. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La même lucidité et le même pragmatisme nous ont guidés sur la question du relèvement du seuil d'examen par la CDAC. Nous soutenons ce relèvement, d'abord parce que nous savons que, dans cette strate de magasins de 300 à 1 000 mètres carrés, les CDEC étaient devenues des « machines à dire toujours oui, et lentement », ensuite parce que l'on ne peut pas dénoncer l'absence de concurrence dans trois quarts des bassins de vie locaux et ne pas faire le nécessaire pour ouvrir, ne serait-ce que modestement, ces bassins de vie à la concurrence.
Sur le titre III, et plus précisément sur la fibre optique, le texte, concentré sur la seule partie du réseau comprise entre le pied de raccordement à l'immeuble et la prise utilisateur est utile mais, pour tout dire, modeste et très parisien, madame la ministre ! Nous l'avons, je crois, amélioré par nos amendements, qui ont imposé que la localisation du point de mutualisation se situe clairement en dehors des limites privées de l'immeuble à desservir, en un endroit accessible à tous. Cela dit, ne faisons pas passer ce texte pour ce qu'il n'est pas, à savoir l'élaboration d'une véritable politique nationale du déploiement du très haut débit, alors qu'il devient urgent de la construire, compte tenu des enjeux à venir : télévision sur Internet, vidéo à la demande, jeux vidéo en ligne, c'est-à-dire tous les usages structurants de notre vie sociale et économique dans les années qui viennent.
Enfin, les députés du Nouveau Centre approuvent l'ouverture de la collecte du livret A, ainsi que les dispositions modernisant la gouvernance de la Caisse des dépôts et celles renforçant l'attractivité de l'industrie financière française.
Pour conclure, le Nouveau Centre sera vigilant quant à la construction gouvernementale de la Haute Autorité, lucide et pragmatique sur la manière dont les acteurs économiques s'adapteront à la nouvelle législation en matière de relations commerciales. Toutefois, nous ne serons pas ambigus dans notre soutien à cette loi, qui va clairement dans le bon sens : les députés du Nouveau Centre lui apporteront leur soutien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 559
Nombre de suffrages exprimés 551
Majorité absolue 276
Pour l'adoption 321
Contre 230
Le projet de loi est adopté.
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi portant réforme portuaire soumis ce jour à l'Assemblée nationale poursuit un objectif simple : il vise à relancer la compétitivité de nos ports, à leur redonner la place qui devrait être la leur sur le marché européen.
La France, avec ses trois façades maritimes – pour ce qui concerne sa partie métropolitaine – et compte tenu de sa situation de carrefour en Europe, devrait figurer au premier rang des pays portuaires européens. Or il n'en est rien. Tous les rapports, toutes les études sur nos ports s'accordent à constater la dégradation globale de leurs parts de marché en Europe, une dégradation qui va, hélas, en s'accentuant.
Alors que le marché des conteneurs – celui qui connaît la plus forte croissance et dont la valeur ajoutée est la plus forte – se développe à grande allure en Europe, les parts de marché de nos ports ont été quasiment divisées par deux entre 1989 et 2006.
Comment analyser cette perte de compétitivité ? Les raisons en sont simples et je vous les exposerai rapidement. Comme le montre l'excellent rapport de Jean-Yves Besselat, la productivité des grands ports maritimes français est, d'une manière générale, inférieure à celle de leurs concurrents européens. Le temps d'attente, le temps de déchargement et de chargement y sont supérieurs. Or, dans un marché mondialisé, où l'importance des ports chinois n'est plus à démontrer, le temps est un facteur essentiel pour les armateurs, qui, compte tenu du coût d'immobilisation d'un navire, optent pour les ports belges, néerlandais, voire espagnols, dans lesquels les opérations de chargement et de déchargement sont effectuées beaucoup plus rapidement.
Le manque d'efficacité de nos ports résulte pour une bonne part de l'absence de commandement unique sur les terminaux.
L'organisation du travail de manutention reste éclatée entre les entreprises, pour la manutention horizontale, et les services d'outillage des ports autonomes, pour la manutention verticale.
En effet, depuis la courageuse réforme de 1992 – et je rends hommage à Michel Delebarre et à Jean-Yves Le Drian –, les entreprises de manutention emploient librement les dockers pour les activités à quai. Mais elles n'ont généralement pas la maîtrise des grues et des portiques, et pratiquement jamais celle du personnel qui y opère – ces derniers relevant de la compétence du port autonome.
L'absence d'unité de commandement du personnel portuaire et de l'outillage est une spécificité, une originalité française. Elle explique pour une large part le manque, hélas ! de fiabilité et de productivité de nos ports. Il est donc indispensable de réformer le mode de gestion de l'outillage.
Ensuite, la compétitivité des ports passe par leur capacité à entretenir des liaisons efficaces avec l'arrière-pays. Or la politique portuaire ne s'est guère souciée ces dernières décennies, quels que soient les gouvernements, d'améliorer quantitativement et qualitativement la desserte terrestre des ports.
L'insuffisance et le mauvais fonctionnement des débouchés vers l'intérieur du pays ont largement contribué à la dégradation de la compétitivité des ports français. Il convient donc de recentrer la politique portuaire sur la gestion de l'interface entre le port et l'hinterland.
La perte de compétitivité des grands ports maritimes ne pourra être enrayée qu'en en réformant l'organisation générale et en les dotant de moyens conséquents. Aussi, cette loi de réforme est complétée par un renforcement substantiel du plan d'investissement de nos ports et par un doublement de la participation financière de l'État pour la période allant de 2009 à 2013, c'est-à-dire celle, grosso modo, des contrats de projet.
La hauteur des efforts est à la mesure des enjeux que représente le bon fonctionnement de nos ports.
Les enjeux sont en effet cruciaux pour l'emploi et pour l'économie. Je le dis avec force : au sein même des ports, nous voulons protéger les emplois existants et en créer de nouveaux. Nous estimons que ce plan de relance permettra la création de quelque 30 000 emplois dans les secteurs du transport et de la logistique – il s'agit d'une estimation des experts maritimes, et non du Gouvernement.
Si le Parti communiste n'en veut pas, c'est son problème ! Il est vrai qu'il a l'habitude d'être un peu en arrière-plan dans le domaine de l'emploi !
De manière plus générale, les ports sont le lieu où bat le pouls économique d'un pays.
Tout à l'heure, votre assemblée a voté la loi de modernisation de l'économie, et je suis convaincu que cette compétitivité retrouvée stimulera la capacité d'exportation de nos entreprises et qu'elle aura un impact bénéfique énorme sur l'ensemble de l'économie de notre pays. Il n'est pas normal que l'on déverse une partie des marchandises utiles à notre économie dans les ports d'Anvers, d'Amsterdam ou d'ailleurs, et pas dans les ports français.
On pourrait le faire aussi bien à Dunkerque, au Havre, à Rouen ou ailleurs : à Marseille, naturellement, mais aussi Bordeaux, La Rochelle et Nantes. Je pense également aux ports bretons décentralisés, monsieur Goulard.
Les enjeux de cette réforme sont également des enjeux de développement durable – nous allons d'ailleurs débattre ensemble du Grenelle de l'environnement. En effet, elle s'inscrit dans notre politique de report modal, de promotion des modes de transport alternatifs à la route : le transport maritime, bien sûr – le ministre des affaires étrangères a évoqué cet après-midi, en réponse à une question sur l'Union de la Méditerranée, le développement des autoroutes de la mer –, mais également le transport ferroviaire et fluvial, dans les dessertes terrestres des ports.
Le projet de loi comporte trois grandes séries de mesures visant toutes à rendre nos ports plus compétitifs. Les premières portent sur les missions des grands ports maritimes. Les deuxièmes s'attachent à leur système de gouvernance et à la coordination que nous envisageons d'établir entre les grands ports d'une même façade maritime ou d'un même axe fluvial – idée que m'a donnée Michel Delebarre. Les troisièmes redéfinissent l'organisation de la manutention. Après vous avoir présenté les trois séries de mesures et leurs objectifs, je vous parlerai du plan d'investissement qui accompagnera ce projet de loi.
Première série de mesures : recentrer le port sur ses missions publiques essentielles.
Il revient aux autorités du port de promouvoir la place portuaire auprès des chargeurs, des armateurs, etc., d'en améliorer la compétitivité dans un environnement de plus en plus concurrentiel, d'investir dans les dessertes terrestres, en particulier ferroviaires et fluviales. Le développement économique du port doit aller de pair avec la promotion d'une politique de transport multimodale et le respect de l'environnement. C'est là toute la logique du développement durable. Il a été décidé, au terme du Grenelle de l'environnement, de doubler les dessertes non routières des grands ports maritimes. Ce n'est qu'en perfectionnant les liaisons des terminaux portuaires avec l'arrière-pays que notre politique de report modal prendra toute son envergure.
Les ports seront donc recentrés sur leurs missions régaliennes d'aménagement du territoire et de gestion de la place portuaire. Je le dis clairement : ils n'interviendront plus dans la manutention, sauf cas exceptionnel ; ils concentreront leurs efforts et leurs moyens sur leur développement. À cette fin, les grands ports deviendront propriétaires de plein droit de leur domaine. Ils auront à charge d'harmoniser le développement de leur territoire, en concertation avec les collectivités sur lesquelles ils sont implantés.
Le projet de loi prévoit la rédaction par chaque port d'un projet stratégique prenant en compte les spécificités locales. Et je souhaite naturellement que les maires des villes portuaires, les présidents de conseil général, de conseil régional et d'intercommunalité soient partenaires de ces projets stratégiques.
Ce projet stratégique envisagera le développement du port en y intégrant les infrastructures, l'outillage, l'aménagement du territoire, la gestion foncière, la politique économique et commerciale, la trajectoire financière et l'environnement.
J'insiste à dessein sur ce dernier point : ce projet stratégique s'applique à prendre en compte l'environnement de la place portuaire. La Haute Assemblée a d'ailleurs souhaité améliorer le dispositif proposé dans le projet de loi initial en matière de gestion des espaces naturels, suite aux remarques faites, à juste titre, par le Conservatoire du littoral. Les grands ports maritimes – puisque tel sera le nom de nos actuels ports autonomes si ce texte de loi est voté – devront établir, dans le cadre de leurs projets stratégiques, un document graphique faisant notamment apparaître les zones ayant des enjeux naturels.
En outre, des conseils scientifiques d'estuaire seront créés dans les estuaires de la Gironde, de la Loire et de la Seine. Ils seront obligatoirement consultés par les grands ports maritimes pour leurs aménagements ayant un impact sur les estuaires. Je pense à un projet assez stupide sur l'estuaire de la Gironde qu'il sera intéressant de faire étudier par le conseil scientifique d'estuaire.
Sans a priori, monsieur Goulard !
Ce projet stratégique mis en place par chaque port et sur lequel les salariés seront bien entendu consultés devra donner une vision à moyen terme du développement du port. C'est là un élément essentiel de cette réforme.
Deuxième série de mesures : moderniser la gouvernance des grands ports maritimes, qui n'a pas évolué depuis 1965. Il est temps de la moderniser.
Afin d'améliorer la réactivité des établissements portuaires, afin ensuite de dissocier clairement la gestion courante de l'établissement des missions de contrôle, seront créés un conseil de surveillance et un directoire, sur le modèle de l'entreprise, et un conseil de développement. Je présenterai rapidement chacune de ces instances.
Le conseil de surveillance a fait l'objet d'un intéressant débat au Sénat, la Haute Assemblée ayant souhaité modifier la composition proposée par le Gouvernement. Elle propose d'y ajouter une cinquième personnalité qualifiée et surtout de préciser que devraient figurer parmi ces personnalités un représentant des chambres consulaires et un représentant du monde économique. Le conseil de surveillance comprendrait ainsi dix-sept membres dont cinq représentants de l'État, quatre représentants des collectivités locales – car il est important que la place des collectivités soit réaffirmée –, trois représentants des salariés de l'établissement et cinq personnalités qualifiées.
Le directoire comprendra deux à quatre membres selon les ports. La participation au sein de ces équipes de direction de personnes provenant d'autres ports européens, et plus généralement du monde de l'entreprise, serait enrichissante.
Ce directoire – la direction générale, donc – et ce conseil de surveillance – dont les fonctions correspondent à celles de son nom – s'appuieront sur les avis d'un conseil de développement, rassemblant l'ensemble des autres acteurs de la place portuaire : des représentants des salariés et des collectivités, des organisations professionnelles, des acteurs économiques, des associations de défense de l'environnement et les acteurs du transport terrestre… Ce conseil de développement ne sera pas une chambre d'enregistrement : il sera obligatoirement consulté sur toutes les décisions les plus importantes du grand port maritime, et notamment sur sa politique tarifaire et sur le fameux projet stratégique de l'établissement – entre le port, l'État et les collectivités – que j'ai évoqué tout à l'heure. Ce projet donnera lieu ensuite à contractualisation avec l'État et avec les collectivités locales, si elles le souhaitent. Et je suis persuadé que toutes les grandes collectivités locales passionnées par le développement de leur port – elles le sont toutes – le souhaiteront.
J'ajouterai que ce projet stratégique devra, dans certains cas, se conformer aux grandes orientations d'un document cadre établi par un conseil de coordination rassemblant les ports situés sur un même axe fluvial ou sur une même façade maritime. Cela veut dire que sur la façade atlantique, par exemple, il faut que Nantes, Saint-Nazaire, La Rochelle et l'ensemble des ports de l'estuaire de la Gironde, du Verdon jusqu'à Bordeaux – jusqu'à Bassens –, fonctionnent ensemble.
Cela veut dire que, sur la Seine, le port du Havre et celui de Rouen puissent travailler ensemble. Que, dans le Nord aussi, le port de Dunkerque et le port fluvial de Lille puissent travailler ensemble. Si, bien sûr, des ports de collectivités décentralisées, gérés par les régions, les départements, souhaitent s'associer à cette coordination, je le souhaite également de tout coeur. L'objectif sera de faire quelques économies d'échelle et de rendre cohérente la gestion des investissements et de la politique commerciale. Il est idiot qu'un armateur soit démarché par La Rochelle et par Bordeaux quand il part de la façade américaine et va vers l'est de l'Atlantique ; peu importe d'ailleurs sa destination, il faut que les choses soient coordonnées.
Troisième série de mesures : mettre en place un commandement unique pour les activités de manutention.
Je l'ai dit en commençant : le manque de productivité de nos ports s'explique en bonne part par l'absence de coordination sur les terminaux de manutention. Afin d'y remédier, nous devons instituer des opérateurs de terminaux intégrés, ayant en charge l'ensemble de l'outillage et de la manutention.
Les sept grands ports maritimes devront en conséquence transférer les outillages qu'ils possèdent à des opérateurs dans les deux ans suivant l'adoption de leur projet stratégique. Après l'adoption de la loi, sa promulgation, les textes d'application et les projets stratégiques, un espace de deux ans permettra de faire du coup par coup et de traiter terminal par terminal selon les situations locales sans a priori, sans idéologie et sans schéma préétabli par l'État. Il ne s'agit pas de passer d'un monopole public à des monopoles privés. La priorité sera donnée aux opérateurs économiques locaux faisant appel, à l'heure actuelle, aux services du port pour la manutention verticale.
Chaque port ayant ses spécificités, nous confions aux acteurs portuaires la responsabilité de définir dans leur projet stratégique les modalités de ce transfert. Je le dis clairement : ce projet de loi laisse donc la souplesse et la marge de manoeuvre nécessaires pour déterminer la manière dont cette unité de commandement sera réalisée.
Ainsi, peut-être n'y aura-t-il pas, penseront certains d'entre vous, pour tel ou tel terminal, ou telle ou telle partie d'un terminal, d'initiative privée pour reprendre l'activité. Le projet de loi prévoit ce cas de figure et donne aux ports la possibilité d'agir, si le projet stratégique le justifie, par l'intermédiaire de filiales. Il leur permet également de détenir des participations minoritaires dans les opérateurs intégrés de terminaux, ou encore de traiter – si nécessaire – de manière spécifique les terminaux qui relèveraient de l'intérêt national. Il autorise enfin un traitement particulier de la maintenance.
Depuis que le Premier ministre a annoncé ce projet de loi à Marseille, messieurs les députés élus dans cette belle ville, le 14 janvier 2008,…
…la voie de la concertation et de la négociation a été privilégiée. Nous souhaitons que les partenaires sociaux définissent les conditions dans lesquelles les agents des ports affectés aux activités de manutention intégreront les opérateurs des terminaux.
À cette fin, le projet de loi confie aux partenaires sociaux le soin de parvenir à un accord-cadre d'ici au 31 octobre 2008 – et ils s'y emploient jour après jour. Cet accord-cadre déterminera les conditions ainsi que les mesures d'accompagnement social de la réforme.
Certes, ce projet de loi pose des principes de méthode, mais il laisse ensuite une réelle marge de manoeuvre aux partenaires sociaux, auxquels il incombe de fixer les modalités d'intégration sur chaque place portuaire. Le groupe de travail, présidé par Yves Cousquer, ancien collaborateur de Paul Quilès et ancien président de La Poste et d'Aéroports de Paris, se réunit jour après jour pour faire avancer ce dossier.
Nous comprenons tous, sur les bancs de cette assemblée, les inquiétudes des agents, et je tiens à rappeler les propos du Président de la République et du Premier ministre : personne ne sera laissé sur le quai. Les agents qui ne seront pas transférés au sein des opérateurs resteront salariés des grands ports maritimes ou de leurs filiales, où ils évolueront vers de nouvelles missions.
Outre cette garantie d'emploi, le projet de loi comporte d'autres mesures de protection sociale. Il prévoit notamment – c'est une disposition que l'accord cadre pourra améliorer – de protéger les agents transférés au sein des opérateurs. Pour être plus précis, le salarié qui serait licencié pour des raisons économiques bénéficiera d'un droit de retour au grand port maritime pendant une période que la Haute Assemblée, grâce à un amendement voté à l'unanimité, a porté à sept ans, au lieu des cinq ans prévus initialement.
D'autre part, le Gouvernement a voulu, en déposant un amendement au Sénat, ouvrir une deuxième négociation entre partenaires sociaux. Celle-ci aura pour objet de définir le champ d'une nouvelle convention collective prenant en compte les traits communs des métiers exercés par les travailleurs portuaires dans la manutention, l'exploitation d'outillages ou la maintenance des outillages de quai. Cette négociation, distincte de celle de l'accord cadre, s'étendra sur une période de temps plus longue, l'objectif étant d'aboutir à une nouvelle convention collective avant le 30 juin 2009. Cet amendement, voté à l'unanimité au Sénat, répond à une forte préoccupation des travailleurs portuaires.
Vous le voyez, nous tenons à protéger les salariés et à leur donner des garanties sur leur avenir en matière d'emploi, de retour, de salaire et de formation.
J'en viens au volet financier. Le dispositif prévu dans le projet de loi s'inscrit dans une dynamique de relance de nos ports, et nous sommes décidés à le compléter par une politique d'investissement ambitieuse. Pour la période allant de 2007 à 2013, les investissements publics et privés seront considérablement accrus : ils atteindront 2,7 milliards d'euros, dont 445 millions seront à la charge de l'État. En complément des contrats de projet signés entre l'État et les régions, qui atteignaient déjà un montant sans précédent, l'État a décidé de doubler sa participation sur la période 2009-2013.
Il renforcera en outre sa participation à l'entretien des accès maritimes des grands ports, c'est-à-dire au dragage : cette participation sera portée à 75 millions d'euros d'ici à cinq ans. L'État en assurera le financement total pour l'ensemble de nos ports. Comme je l'ai dit tout à l'heure à quelques parlementaires, ce projet ne concerne pas seulement Le Havre ou Marseille, qui sont nos deux plus grands ports, et auxquels nous accordons beaucoup d'importance ; ce sont les sept grands ports maritimes prévus par la loi qui bénéficieront de ces financements.
Je voudrais, avant de terminer, insister sur le fait que ce projet de loi n'est qu'une étape dans le processus de relance des ports français. Nous avons mené une phase de concertation fructueuse, nous avons pris note des soucis de chacun et nous souhaitons vivement qu'un accord cadre soit conclu avant le 31 octobre 2008. C'est un délai raisonnable que nous donnons aux partenaires sociaux pour parvenir à un accord finalisé. La négociation a commencé dès le 8 avril et, fin juin ou début juillet, je réunirai à nouveau l'ensemble des partenaires sociaux pour faire le point sur l'avancement des discussions. Il est essentiel à mes yeux qu'à cette date, les grandes lignes d'un accord aient pu être tracées.
Ensuite, mesdames et messieurs les députés, si vous votez ce texte, les grands ports maritimes seront créés avant la fin de l'année, dès que les textes réglementaires, en préparation, auront été publiés. Dans les trois mois suivant leur mise en place, ils élaboreront leur projet stratégique, qui permettra de mettre en oeuvre la réforme de la manutention dans les deux ans.
Vous le voyez, le processus est progressif – nous sommes loin du rouleau compresseur – et le projet du gouvernement est ouvert, laissant aux partenaires sociaux une grande latitude. Ceux-ci, par leurs discussions, peuvent enrichir le contenu social du texte qui vous est soumis cet après-midi et demain. J'invite tous les acteurs à poursuivre les négociations et leur travail auprès d'Yves Cousquer. Je suis en effet persuadé que la réussite de cette réforme appelle la participation de tous les acteurs portuaires.
Au terme de mon propos, je voudrais remercier plus particulièrement le président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée, Patrick Ollier, qui connaît bien ce sujet et qui s'est beaucoup impliqué dans son travail, et Jean-Yves Besselat, élu d'un département qui accueille deux grands ports maritimes, et donc, comme nombre de députés dans cet hémicycle, spécialiste des affaires maritimes et portuaires. Son rapport montre sa profonde connaissance de l'économie portuaire et constitue un instrument de travail essentiel à notre débat.
On parle beaucoup, et depuis longtemps, de la réforme des ports. Le Gouvernement la met en oeuvre, avec le soutien de sa majorité. J'ai noté, au Sénat, une attitude constructive de la part d'une des grandes formations de l'opposition, en l'occurrence le parti socialiste. Le parti communiste a, lui aussi, largement participé à la discussion, en restant toujours courtois. Je suis persuadé que nos débats se dérouleront dans le même état d'esprit et que nous pourrons dès demain proposer aux Françaises et aux Français un projet de loi qui donne souffle et espoir à nos ports. Notre pays en a grand besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Yves Besselat, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, chers collègues, je vais tenter d'être concis, parce que M. le secrétaire d'État a dit beaucoup de choses et les a très bien dites. Comme vous pouvez vous en douter, je soutiens ce projet de loi, et je vais concentrer mes propos sur les faits essentiels de la réforme, en vous disant que si je soutiens la position du Gouvernement, c'est que je trouve ce texte de bon sens, équilibré et porteur d'avenir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
J'évoquerai d'abord le contexte économique et politique de cette réforme.
Comme l'a dit Dominique Bussereau, depuis dix ou quinze ans, le trafic des ports français ne s'accroît que de 2 % par an, alors que celui des ports concurrents de la mer du Nord ou de la Méditerranée augmente chaque année de 6 à 7 %. Pour citer un exemple, l'ensemble des grands ports maritimes français, au nombre de sept, ne représente que 390 millions de tonnes par an, soit l'équivalent du trafic du port de Rotterdam à lui seul.
Face à cette situation, et compte tenu de notre position géographique, comme l'a dit Dominique Bussereau, il est nécessaire de réagir et de poser dans un texte refondateur des principes visant à rendre le travail sur les quais plus efficace et plus flexible pour permettre à la France de gagner en compétitivité.
S'agissant de la politique maritime de notre pays depuis 2002, je salue François Goulard, qui a été durant deux années secrétaire d'État à la mer, avant que Dominique Bussereau ne reprenne le flambeau. Cela montre que la France n'est pas restée les bras ballants face à une situation délicate, et je vais rappeler à cette occasion les principaux éléments de sa politique maritime.
Nous avons stoppé l'effondrement du pavillon français. Désormais, la France compte 250 navires sous pavillon français et peut en escompter 300 avec le rétablissement du GIE fiscal. Nous avons développé la formation des marins. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez initié des tables rondes qui ont permis de définir une stratégie dont l'objectif est de tripler en cinq ans les effectifs des écoles de la marine marchande. En matière de sécurité maritime, la France est, depuis sept ans, devenue exemplaire grâce à une institution, très enviée des pays étrangers : les préfets maritimes. Notre pays a mis en place les éléments d'une véritable politique maritime, et aujourd'hui, sous votre impulsion, monsieur le secrétaire d'État, nous allons engager la réforme des ports.
J'irai à l'essentiel en en indiquant les cinq points principaux.
D'abord, la réforme redéfinit et conforte le rôle de l'État ; elle met en place un commandement unique dans les terminaux – c'est ce que vous avez appelé la flexibilité et l'amélioration de la productivité du travail ; elle laisse une large place au dialogue social – il y a un chapitre sur la gouvernance, et j'y reviendrai ; enfin, elle prévoit un plan ambitieux d'investissement qui permettra aux ports de développer leurs zones de chalandise et, donc, de devenir plus efficaces.
S'agissant de la redéfinition du rôle de l'État, je reprendrai vos propos, monsieur le secrétaire d'État, les grands ports maritimes sont recentrés sur leurs missions régaliennes – contrairement à ce qu'auraient pu laisser croire, chers collègues, vos discours parfois craintifs. L'autorité portuaire a pour mission la construction des quais, des terre-pleins, le dragage des chenaux, l'arrivée à quai des navires, la sécurité et la sûreté. En outre, ce texte permet aux ports de devenir propriétaires, aménageurs et gestionnaires des territoires qui étaient jusqu'à présent propriété de l'État. Le rôle d'aménageur dévolu aux ports est fondamental, car l'espace en matière économique est l'une des données fondamentales du développement des ports et des activités économiques. Le projet de loi permet aussi à l'État de prendre des participations majoritaires ou minoritaires, notamment dans les ports secs, qui se trouvent à l'intérieur des terres et où peuvent être créées des zones logistiques. Rien n'interdit désormais à l'État de prendre des participations minoritaires pour appuyer l'effort des investisseurs privés.
Le deuxième volet du texte institue un commandement unique pour les activités de manutention. C'est le point nodal, qui retient l'attention générale, et notamment celle des médias, à juste titre, bien qu'il y ait d'autres questions importantes. Le commandement unique est de bon sens. La loi de MM. Le Drian, Josselin et Delebarre…
…a opéré le transfert des dockers dans les entreprises de manutention et les a mensualisés. Nous élaborons aujourd'hui le deuxième volet. Les portiqueurs et les grutiers seront transférés dans les entreprises de manutention. Pour ce qui est de la maintenance, il y a débat et, comme Dominique Bussereau, je peux comprendre l'inquiétude des salariés qui se demandent comment les choses vont évoluer.
Cela étant, la réforme est déjà entrée dans les faits dans les grands terminaux, que ce soit au Havre, ou à Marseille. Il est important de légiférer maintenant pour marquer clairement quelle est notre volonté.
Par ailleurs, la place de la négociation et du dialogue social est très importante. Parallèlement à l'examen de ce projet de loi devant l'Assemblée a lieu la négociation d'un accord cadre. Je souligne le caractère particulièrement habile de cette double discussion, qui permet au Parlement de s'exprimer démocratiquement et aux partenaires sociaux, dans le cadre de la discussion de l'accord cadre, sous l'autorité de M. Cousquer, d'affiner l'ensemble des dispositions que nous allons, je l'espère, adopter dans les plus brefs délais. C'est un dispositif particulièrement original, qui mérite d'être salué.
L'article 8 du texte définit les conditions du dialogue entre le directeur du port et l'ensemble des salariés susceptibles d'être transférés, et l'article 11 bis prévoit, pour l'ensemble des personnels transférés, une convention unique qui reste à négocier. Il s'agit là de mesures sociales, qui permettent aux acteurs et aux partenaires sociaux de parler au fond de cette réforme.
S'agissant de la gouvernance, le conseil de surveillance, que nous allons mettre en place, a de véritables pouvoirs. La définition d'un plan stratégique, c'est à mes yeux, monsieur le secrétaire d'État, la définition d'objectifs de trafic et de moyens.
S'agissant des objectifs de trafic, j'ai pu observer, dans le cadre de mes auditions, que chacun des grands ports maritimes savait ce qu'il avait à faire, ce qu'il souhaitait faire. Nul n'est besoin de mener des études chères et longues. Chaque port sait à peu près où il veut aller. Il faut naturellement que l'État procède à une synthèse. Cet objectif stratégique doit reposer sur un objectif de croissance de trafic. Il faut évidemment que l'autorité portuaire et les entreprises portuaires se parlent. À cet égard, les salariés ont raison de dire que les opérateurs privés doivent s'inscrire dans un système où l'augmentation qu'ils pourront capter figure dans des documents qui seront rendus publics.
Je ne reviens pas sur les autres aspects de la gouvernance. Le président du directoire et le conseil de développement complètent intelligemment ce dispositif. Contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, le conseil de surveillance a un vrai pouvoir. Pour l'exercer, il est assisté d'un président de directoire et d'un conseil de développement, qui équilibrent le poids qu'il doit avoir.
Enfin, vous avez dit à juste titre, monsieur le secrétaire d'État, qu'à travers ce projet de loi, l'État faisait un effort spécifique et important de développement des investissements. Il faut souligner et saluer cet effort. Je le fais en tant que rapporteur.
J'ai déposé un amendement – je vous ai d'ailleurs informé de mes intentions, monsieur le secrétaire d'État –, dont l'objet est le suivant. Chaque grand port maritime a un projet stratégique. Or, il me semble opportun et souhaitable que l'État synthétise ces projets.
Il doit le faire, premièrement, en voyant, pour chaque port, quels sont les objectifs d'investissement qui sont raisonnables et tenables.
Deuxièmement, pour ce qui est du pré- et du post-acheminement, l'État doit pouvoir statuer sur les investissements routiers et ferroviaires. Je salue d'ailleurs le travail remarquable du président de la SNCF, M. Pepy. Quant au transport fluvial et aux autoroutes de la mer, c'est un sujet que vous portez ardemment, monsieur le secrétaire d'État.
Port par port, l'État a les moyens de connaître rapidement les projets stratégiques de chacun des sept grands ports maritimes. Je pense qu'il est de son rôle d'aménageur du territoire nationale de synthétiser ces projets. Je suggère donc que, dans l'année qui suit la publication de cette loi, un comité interministériel d'aménagement du territoire portuaire puisse se tenir, de façon à faire la synthèse des projets stratégiques des grands ports maritimes, afin que l'État puisse, établissant une hiérarchie, définir sur cinq ans ses priorités et les mettre en oeuvre.
Enfin, je crois que l'unanimité se fera au sein de l'Assemblée pour estimer que la qualité du dialogue social mené par Dominique Bussereau et l'énergie qu'il a mise dans ce projet méritent d'être saluées. C'est ce que je fais, de tout mon coeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Philippe Duron, pour une durée ne pouvant excéder trente minutes.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, le rapport présenté par notre collègue Besselat nous fournit une analyse du commerce maritime et de la situation des ports que nous pouvons en partie partager.
La mondialisation de l'économie et le développement de pays émergents – en tout premier lieu celui de la Chine, qui, depuis deux décennies, est devenue une puissance industrielle fortement exportatrice et le nouvel Emporium de nos sociétés de consommation – ont dopé les échanges mondiaux et le commerce maritime, qui se développent à un rythme double de la croissance économique.
Le développement des échanges maritimes s'est accompagné d'une transformation des modalités du transport. La conteneurisation s'est imposée comme le mode de transport dominant de marchandises diverses. Comme le montre bien notre rapporteur, cela a des conséquences en termes d'organisation du trafic et de manutention.
Enfin, ces évolutions nous amènent à reconsidérer la géographie des ports et du transport maritime.
Le développement des ports asiatiques – Singapour, Shangaï, Xiamen – est plus rapide que celui des ports européens.
Une nouvelle hiérarchie des ports s'est instaurée. Nous voyons apparaître sur le marché de nouveaux et puissants opérateurs portuaires, comme Dubai Ports World, ou la Maritime and Port Authority of Singapour.
Cette évolution n'est pas sans effet sur les ports européens, sur leur fonctionnement, leurs résultats et l'évolution de leur trafic, ni sur les performances des ports français.
Dans cet environnement particulièrement concurrentiel, ces derniers ont été distancés par leurs concurrents européens, comme vous l'avez bien montré tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État. Les ports de la mer du Nord – Rotterdam, Anvers, Zeebrugge –, ou ceux de la Méditerranée occidentale que sont Gênes et Barcelone, ont vu leur trafic progresser de 8 % par an, quand celui de Marseille et des autres ports français ne progressait que de 2 % par an.
Et pourtant, la France bénéficie de façades maritimes généreuses. Mais les trafics interocéaniques passent devant les ports de la Manche, de Cherbourg à Dunkerque, et leur préfèrent souvent Anvers ou Rotterdam.
Cette situation constitue un handicap pour notre économie et pour notre commerce extérieur. Alors que les transports et la logistique qui s'appuient sur des ports modernes et bien organisés représentent près de 11 % du PIB au Bénélux, ils n'en créent qu'un peu plus de 6 % dans notre pays. On mesure là l'enjeu pour la croissance et pour l'emploi.
Une partie importante de nos approvisionnements et de nos exportations échappent aux ports français, dont la part de marché en Europe est passée, de 1989 à 2006, de 17,8 à 13,9 %. Sur les 7,5 millions de conteneurs qui arrivent chaque année en France, 2 millions seulement transitent par des ports nationaux. De plus, 50 % des exportations et 30 % des importations de la région Rhône-Alpes passent par des ports étrangers. Et ne dit-on pas qu'Anvers est le premier port de l'Île-de-France ? Barcelone vient aujourd'hui chercher son fret jusque dans la vallée du Rhône.
Les causes de ce retard, les handicaps des ports français, sont aujourd'hui bien connus. Des rapports nombreux les ont identifiés, analysés, expliqués : les rapports de la Cour des comptes de 1999 et 2006, le rapport Gressier, et les deux rapports de l'Assemblée et du Sénat présentés par nos collègues Besselat et Revet, bons connaisseurs de la situation des ports autonomes.
Je retiendrai trois causes principales à ces difficultés.
La première, me semble-t-il, est le sous-investissement chronique dont sont victimes nos ports depuis plus de quinze ans. Alors que les quatre premiers ports belges ont investi plus de 250 millions d'euros chaque année, l'ensemble des ports autonomes français n'a pu mobiliser que 150 millions par an.
Et nous le constatons, quand un port a les moyens de sa modernisation, quand il est en capacité d'offrir des prestations comparables à celles de ses concurrents, sa situation se redresse, sa croissance s'accélère, les résultats sont au rendez-vous. Le Havre, que notre rapporteur, mais aussi notre collègue Daniel Paul, connaissent bien, a vu la croissance du trafic de conteneurs augmenter de 26 % l'an dernier, après la mise en service de Port 2000.
La deuxième cause concerne bien sûr la relation à l'hinterland, l'efficacité du pré- et du post-acheminement, la possibilité d'utiliser commodément la voie d'eau et le rail.
S'agissant de la voie d'eau, il a fallu attendre le début de cette décennie pour qu'on l'utilise plus systématiquement pour la desserte des grands marchés métropolitains. Sur le Rhône comme sur la Seine, la croissance du trafic a atteint des pourcentages à deux chiffres. Sur le réseau grand gabarit, le trafic fluvial a progressé de 43 % en dix ans.
Quant au fret ferroviaire, on connaît les difficultés de l'opérateur historique, le manque de sillons, l'insuffisance des moyens de traction, la difficulté à contourner les grandes agglomérations. Le retard est considérable, le chantier ne l'est pas moins.
Ce retard, qui nous coûte tant en compétitivité, et qui est source de tant d'émissions de CO2, est également et indiscutablement lié à ce sous-investissement. Il est donc urgent d'intervenir dans le sens d'une amélioration des dessertes ferroviaires de nos ports, d'une optimisation du trafic fluvial. Nous ne pouvons pas ignorer plus longtemps les conséquences environnementales et économiques du transport « tout routier » à l'heure d'une nouvelle flambée des prix du pétrole.
Sur ce point encore, nous nous accordons avec les conclusions du rapport Besselat, lequel souligne à juste titre qu' « il s'agit d'abord d'une mauvaise insertion des ports français dans les réseaux de desserte continentale, et par là même de la faiblesse de la liaison des ports français avec leur hinterland ».
La troisième cause du retard de nos ports tient à leur organisation et à leurs performances. La mauvaise maîtrise du facteur temps – vous l'avez indiqué, monsieur le secrétaire d'État – pour les opérations de chargement et de déchargement des bateaux vous amène à rechercher une unité de commandement pour la gestion de ces opérations. Là, nous pouvons vous suivre. Ces nouvelles formes d'organisation ont fait leurs preuves en Europe, mais aussi en France, là où elles ont été expérimentées.
Nous nous accordons donc à dire, avec vous, qu'il fallait légiférer, qu'il fallait améliorer la gouvernance des ports, qu'il fallait moderniser l'organisation du travail de manutention. C'était d'ailleurs, comme l'a rappelé notre rapporteur, le second volet de la réforme Le Drian.
Mais nous ne pouvons malheureusement pas dire avec vous que ce projet de loi constitue une réponse à la hauteur des enjeux. Nous ne pouvons pas dire avec vous que cette loi est une loi d'orientation, qu'elle trace le chemin d'une véritable politique portuaire et maritime, qui nous fait pourtant si cruellement défaut.
Nous savons d'ores et déjà que cette loi sera très largement insuffisante, nous savons déjà qu'elle n'a pas l'ambition que méritent nos sept ports autonomes maritimes et nos ports décentralisés. Nous savons déjà qu'elle ne sera pas à la hauteur de l'objectif qu'elle se fixe, et que nous partageons, celui d'une véritable, profonde et durable relance de la croissance des ports français.
Pour nous, les députés du groupe SRC, ce projet de loi souffre de trois insuffisances graves.
Si la modernisation institutionnelle des ports est à votre portée, il n'en est pas de même pour la réalisation des nécessaires investissements dont ont besoin les ports français. Vous avez annoncé une augmentation des financements prévus dans les contrats de projets État-région. Vous les portez à 445 millions d'euros d'investissement de l'État entre 2009 et 2013. C'est mieux, il est vrai, que les 347 millions d'euros contractualisés, mais c'est encore loin du compte.
De plus, on sait les difficultés qu'éprouve l'État à exécuter les contrats de projets dans les temps. Cela sera d'autant plus vrai demain, quand on connaît l'impasse financière dans laquelle se trouve l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, laquelle aura épuisé cette année les 4 milliards d'euros qui lui viennent de la privatisation des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes. À partir de 2009, les recettes de l'Agence ne dépasseront pas les 800 millions d'euros, quand les besoins de financement s'élèveront à 2,8 milliards d'euros chaque année. L'impasse financière s'élève d'ores et déjà à 926 millions d'euros en 2008. Elle atteindra 2 milliards d'euros en 2009, pour exploser à 10 milliards d'euros de besoins consolidés en 2013.
De plus, et comme souvent avec le Gouvernement, la réforme se fait au pas de charge. Votre concertation porte plus sur la forme que sur le fond. Vous savez bien, monsieur le secrétaire d'État, qu'une des clés de la réussite du transfert des salariés des ports autonomes vers des opérateurs privés, c'est une concertation, un dialogue social approfondi et attentif, un dialogue social qui prenne en compte les inquiétudes et les intérêts des salariés. Dunkerque nous offre l'exemple d'une concertation réussie.
Les députés du groupe socialiste, radical et citoyen ont mesuré, tout au long des auditions qu'ils ont menées – avec la Fédération nationale des ports et docks, la CFDT Ports, la CFE-CGC Ports, la CNTPA, l'UPACCIM, l'UNIM, et le président directeur général de la Générale de Manutention –, la nécessaire modernisation des ports. Mais nous entendons aussi l'inquiétude des salariés et leur volonté de garanties, quant à leur emploi et à leur avenir.
Votre démarche, monsieur le secrétaire d'État, n'associe pas encore au bon niveau, comme il convient, les ouvriers des ports dans le conseil de surveillance des ports autonomes ou des grands ports maritimes.
La modification substantielle du contrat de travail n'est pas suffisamment assortie de garanties. Si les grutiers et les portiqueurs ont vu leur droit de retour amélioré au Sénat – et vous l'avez rappelé –, qu'adviendra-t-il des salariés transférés dans les filiales si celles-ci rencontrent des difficultés ?
Je soulignerai également le fait que votre projet de loi introduit un risque fort de distorsion de concurrence entre les ports autonomes et les ports décentralisés. Rappelons que la gestion de ces derniers a été transférée aux collectivités locales par la loi du 13 août 2004, transfert qui a été effectif à compter du 1er janvier 2007.
Ces collectivités ont souvent reçu des ports qui étaient dans un état de délabrement assez avancé. Elles n'ont pas obtenu les moyens de leur mise à niveau, notamment dans les discussions portant sur la fin des contrats de plan État-région ou sur la préparation des futurs contrats de projets.
Pour donner un exemple que je connais bien, je rappellerai que le syndicat mixte Ports normands associés, que nous avons créé avec Bernard Cazeneuve et qui regroupe les départements de la Manche et du Calvados, a dû adopter un programme de 100 millions d'euros sur les dix ans à venir pour les ports de Caen-Ouistreham et de Cherbourg. Pour que de tels investissements portent leurs fruits, encore faut-il que ces ports évoluent dans un environnement concurrentiel équitable avec les ports autonomes. Certes, vous avez ouvert au Sénat la possibilité de coopérations avec les ports autonomes dans le cadre de conseils de coordination interportuaires, mais cela ne peut être utile que si les ports décentralisés ont la capacité de fixer leurs tarifs et d'affecter librement les recettes des droits de port.
Ce projet de loi pourrait être l'occasion d'une modernisation du code des ports maritimes. Cette dernière est nécessaire et nous l'appelons de nos voeux, car la réforme doit bénéficier aussi aux autres ports que les ports autonomes et être étendue aux ports décentralisés. Les députés du groupe SRC regrettent que leurs amendements en ce sens aient tous été rejetés en commission...
…de même que ceux qu'ils ont présentés au titre de l'article 88, rejetés de nouveau sans débat. Or nous souhaitons que ce projet de loi puisse prendre en compte ces propositions.
Une première série d'amendements concernait la gouvernance. Nous vous demandons, monsieur le secrétaire d'État, d'accepter la présence des représentants des manutentionnaires au sein du conseil de surveillance. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Il est également indispensable que les collectivités territoriales de la circonscription des ports soient associées, à la hauteur des investissements qu'elles consentent, à la modernisation des ports autonomes aujourd'hui et des grands ports maritimes demain. Elles ne doivent pas non plus être « flouées » par la cession des biens fonciers et d'outillages qu'elles ont souvent contribué à financer. C'est pourquoi les députés du groupe SRC souhaitent que l'évaluation de la valeur des outillages cédés aux opérateurs privés soit faite dans la plus grande transparence, que les collectivités locales soient représentées dans les commissions chargées de cette évaluation, et surtout que le produit de la cession des biens fonciers et immobiliers revienne aux collectivités au prorata de leurs investissements.
Il apparaît évident à tous que nous ne pourrons pas faire l'économie d'une analyse écologique du développement et de la croissance portuaires. Dans ce sens, nous avons proposé trois amendements qui ont, malheureusement, été rejetés en commission. Ils tendaient à autoriser les ports autonomes à confier la gestion des espaces naturels de leur domaine à des organismes ou associations spécialisés, à permettre à des organismes ayant pour objet la protection de l'environnement de siéger au sein du conseil de développement, et à prévoir que le projet stratégique élaboré par chaque port autonome comporte une évaluation de son impact environnemental.
Cette réforme ne doit pas se limiter aux seuls ports autonomes et certaines de ses dispositions doivent pouvoir s'étendre aux autres ports. Ce projet de loi offre l'occasion de toiletter le code des ports maritimes pour les mettre en cohérence avec les ports d'intérêt national et avec les intérêts des collectivités territoriales. Ainsi, l'affectation des droits de port devrait relever des groupements dont ils dépendent aujourd'hui. Le mode actuel de fixation et d'affectation des tarifs portuaires par voie réglementaire nous semble en effet contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales.
De plus, ce projet de loi va à l'encontre du principe constitutionnel de sécurité juridique. En effet, les employés des ports autonomes, au moment de leur embauche, bénéficiaient d'un statut proche de celui des fonctionnaires. Or ils vont subir un changement radical de type de contrat de travail, ce qui doit s'accompagner de garanties nettement plus solides afin de ne pas contrevenir au principe de sécurité juridique.
Par ailleurs, nous regrettons que nos amendements tendant à améliorer le droit de retour aient été jugés irrecevables à l'Assemblée nationale alors qu'il n'en avait pas été de même au Sénat.
Enfin – faut-il le rappeler ? –, le Préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie du bloc de constitutionnalité, donne aux salariés le droit de déterminer leurs conditions de travail. Or cette loi va clairement à l'encontre de ce principe constitutionnel, dans la mesure où les salariés des ports autonomes se voient transférés à des opérateurs privés. Dès lors, il est difficile d'affirmer qu'ils sont encore en mesure de déterminer leurs futures conditions de travail, d'autant qu'ils ne seront plus représentés dans les organes de direction des ports – conseil d'administration et conseil de surveillance.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles le groupe SRC soutient cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt M. Duron, avec qui je travaille depuis de nombreuses années sur les problèmes de transport et dont j'apprécie la connaissance qu'il a de ce domaine et ce qu'il fait dans sa région.
Franchement, monsieur Duron, je vous le dis en toute cordialité, vous avez dû beaucoup pagayer pour trouver des arguments à l'appui de l'irrecevabilité ! (« Oh non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Mon expérience de dix ans à la commission des lois de cette assemblée m'a permis d'apprécier un bel exercice de gymnastique juridique…
…et des qualités d'imagination que je salue. Le rappel au Préambule de la Constitution était un grand moment d'intelligence politique dont je tenais à vous féliciter. (Sourires.)
Je ne reviendrai pas sur vos amendements puisqu'ils n'ont pas été acceptés par la commission – peut-être pourront-ils être rediscutés en séance. Je répondrai à vos trois arguments principaux, en gardant l'aspect juridique pour la fin.
S'agissant du financement, vous avez raison de dire que l'on peut toujours faire mieux. Et je voudrais vous rassurer, ainsi que le président du conseil régional de Basse-Normandie : nous travaillons à celui de l'AFITF. Si nous voulons réaliser les objectifs du Grenelle de l'environnement – notamment les 2 000 kilomètres de voies ferrées nouvelles à l'horizon 2020, puis 2 500 kilomètres, ou le canal Seine-Nord cher à M. Delebarre –, il faudra bien trouver des ressources supplémentaires. Ce n'est pas, en effet, avec celles dont dispose actuellement l'AFITF que nous pourrons réaliser les grands investissements structurants en matière de transport. Des propositions très concrètes seront faites au Parlement dans le cadre des projets de loi relatifs au Grenelle de l'environnement.
Pour ce qui est de la concertation, le Président de la République a évoqué ce sujet pour la première fois à Roissy, au mois de juin de l'année dernière, puis à Marseille le mois suivant. Le Premier ministre, pour sa part, y a fait référence en janvier. Et vous savez fort bien qu'elle a été longue, non seulement avec les maires et les autres élus des villes portuaires de toutes sensibilités politiques, mais aussi avec les organisations syndicales, qui sont reçues en permanence depuis le début du mois de janvier. En dehors du groupe de travail, j'ai tenu plusieurs réunions avec tous les ports. Ainsi, Mme Fourneyron a assisté à celle qui concernait Rouen – à l'époque, ce n'était pas encore en qualité de maire de cette belle ville. Nous les avons rencontrés soit sur place, soit à Paris, où leurs représentants avaient eu l'amabilité de se transporter pendant la période de réserve que les membres du Gouvernement devaient observer sans pouvoir se déplacer. La concertation a donc été longue et se poursuivra puisque le groupe de travail fonctionnera jusqu'au 31 octobre sous la présidence d'Yves Cousquer.
Par ailleurs, je vous rassure sur le sort des salariés : les ports demeurant majoritaires dans les filiales, les salariés qui travailleront dans celles-ci ne connaîtront pas le problème que vous avez évoqué.
Enfin, je souscris tout à fait à votre idée de faire profiter les ports décentralisés, auxquels vous êtes attaché – et votre région en compte de très beaux, comme Caen ou Cherbourg –, d'une modernisation du code des ports maritimes, qui améliorerait leur statut. Notre politique portuaire a autant besoin des grands ports maritimes que des ports décentralisés. Je suis prêt, monsieur Duron, à y travailler avec vous.
En attendant, j'engage la majorité, dans son immense sagesse,…
…à rejeter une exception d'irrecevabilité qui retarderait l'adoption d'une loi à laquelle, j'ai cru le comprendre, malgré ce que j'ai entendu au fil du discours de M. Duron, le groupe socialiste n'est pas aussi opposé que cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Daniel Fidelin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur Duron, la première partie de votre intervention, consacrée à l'analyse de la situation, posait un constat qui faisait consensus sur l'ensemble de ces bancs, et l'on a pu croire un moment que le groupe SRC allait voter le projet de loi, ce dont nous nous réjouissions.
Mais il y avait une deuxième partie, dans laquelle vous avez affirmé que le projet de loi n'était pas à la hauteur et comportait des insuffisances. Je rappelle que le projet de loi de 1992 ne concernait que les dockers…
…alors que le texte proposé aujourd'hui par le Gouvernement appréhende le sujet dans sa globalité.
Il traite non seulement de l'unicité de commandement mais aussi des différentes infrastructures, ce qui est extrêmement important.
Je ne suis pas d'accord avec vous sur certaines insuffisances que vous avez relevées. Si les investissements que propose le Gouvernement ne sont pour l'instant pas à la hauteur, ils iront croissant à l'avenir. Vous dites que nous agissons au pas de charge, mais il y a urgence à stopper la chute considérable du trafic des conteneurs et à assurer la compétitivité de nos ports. Quant à la concertation, elle existe depuis quelque temps déjà et durera jusqu'au 31 octobre. Elle porte sur des dispositions de nature à rassurer complètement les salariés des ports autonomes qui seront transférés vers les entreprises de manutention.
Je ne partage pas non plus votre avis sur la distorsion de concurrence qui existerait entre les grands ports maritimes et les ports décentralisés. L'instance de coordination permettra, au contraire, de faire jouer une complémentarité, tout le monde travaillant ensemble. Ainsi, le port du Havre, que je connais bien, travaillera en bonne coordination avec les ports environnants.
Vous fondez votre exception d'irrecevabilité sur la modification de statut des employés qui, de salariés des ports autonomes deviendront des salariés du privé. Mais c'est exactement ce que vous aviez fait en 1992 lorsque vous aviez transféré les contrats des dockers. Cet argument n'est donc pas recevable.
Le projet de loi est particulièrement intéressant par sa souplesse et par la place qu'il fait à la négociation. C'est pourquoi le groupe UMP rejettera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine .
Monsieur le secrétaire d'État, si je comprends bien, vous avez fait, pendant toute la présentation de votre projet de loi, le procès de la politique portuaire qui a été poursuivie pendant les quelques dizaines d'années couvrant le dernier quart du XXe siècle.
J'ai rendu hommage à M. Delebarre !
Je l'ai dit en commission, pendant toute une période, la France n'a pas eu de politique portuaire et navale digne de la puissance maritime qu'elle fut et qu'elle reste. Pendant que nous prenions du retard en tournant le dos à nos ports, ceux du Nord investissaient massivement. À partir des années soixante-dix, le trafic conteneurisé est arrivé puis s'est accéléré avec la mondialisation. Ces ports, en particulier Rotterdam ou Anvers, étaient alors parfaitement prêts pour en cueillir l'intégralité des fruits. Pendant que Rotterdam et Anvers se reliaient au centre de l'Europe, attirant jusqu'à la SNCF du fait de la massification des trafics, nous échouions à relier Le Havre et Marseille à leurs hinterlandsprofonds. Il n'y avait même pas d'autoroute pour Le Havre avant 1984 : la seule autoroute que le premier port de France pour les conteneurs – le deuxième pour le trafic – voyait passer était celle qui desservait Deauville ! C'était la priorité du Gouvernement de droite de l'époque.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué Port 2 000. Ce sont surtout les collectivités locales et les emprunts du port qui ont couvert les financements. Vous le savez parfaitement, tout comme notre rapporteur.
Vous prenez aujourd'hui prétexte des insuffisances de vos prédécesseurs pour tenter, non de rattraper le retard, mais de faire porter sur les salariés une responsabilité qui n'est, en aucun cas, la leur. C'est en ce sens que le projet de loi est idéologique, car il ne cherche pas à répondre aux vrais problèmes.
Ce texte se situe au surplus dans un contexte européen et national marqué par des politiques libérales. J'aurai l'occasion de revenir sur ce point, dans quelques instants, lors de la défense de la question préalable déposée au nom de mon groupe.
Il est significatif que l'un des résultats de votre projet soit d'empêcher les dockers et les 2 000 salariés portuaires concernés par votre texte d'être représentés dans les organismes mis en place dans les grands ports maritimes.
Il est significatif que le droit au retour soit limité à sept ans. Cela prouve que vous savez que, dans sept ans, le paysage portuaire aura énormément évolué.
Je crois que ce projet de loi n'est qu'une étape, après celle de 1992 – sur laquelle je ne porte d'ailleurs pas tout à fait les mêmes appréciations que vous, ni que d'autres députés présents dans cet hémicycle.
Je regrette que cette réforme soit accomplie au pas de charge. Vous ne dissimulez pas vos intentions de n'accepter aucun amendement, afin que le projet de loi soit adopté conforme, comme on dit dans le jargon parlementaire, et qu'il ne soit même pas nécessaire de réunir une commission mixte paritaire, pour que le texte soit adopté le plus tôt possible.
Après les dispositions que vous avez voulu faire adopter concernant les droits du Parlement, je pense que l'exemple que vous nous donnez avec ce texte n'est pas bon.
Nous voterons, bien évidemment, pour l'exception d'irrecevabilité présentée par notre collègue Philippe Duron et contre votre projet de loi.
La parole est à M. Maxime Bono, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il est vrai que l'on peut se demander pourquoi des explications sont nécessaires après l'excellente intervention de notre collègue Philippe Duron, qui a parfaitement montré que ce texte recelait de nombreuses insuffisances et même quelques incohérences en matière constitutionnelle.
Je ne reprendrai pas les insuffisances constatées en ce qui concerne les investissements, les difficultés du pré-acheminement, du post-acheminement, bref les insuffisances de votre projet. Je ne répéterai pas que la bataille des ports se gagne à terre.
Des améliorations pouvaient être apportées en matière de gouvernance, de représentation des manutentionnaires au sein du conseil de surveillance. Il semble difficile de refuser à ceux qui sont quotidiennement sur le port, qui en connaissent pratiquement tous les recoins, qui participent à la vie de la communauté portuaire, l'accès au conseil de surveillance et de les cantonner dans un vague conseil de développement, ou même de ne pas leur laisser la place qu'ils pouvaient occuper en tant que représentants des salariés, leur octroyant simplement une place de personnes qualifiées.
Nous avons déposé des amendements en ce sens ainsi que sur la transparence de la cession des actifs portuaires – qui me semble bien trop floue pour être rassurante. Vous avez rejeté nos amendements.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez refusé de répondre à la question des ports décentralisés, mais vous venez cependant de nous donner une information, dont nous prenons acte.
Cependant, tous nos amendements, je le répète, ont été refusés. Au-delà des insuffisances excellemment démontrées par notre collègue Philippe Duron, il reste deux points, qui ne relèvent pas du « pagayage » mais bel et bien d'une étude fine et documentée qui traduit la façon à la fois modérée, sérieuse et étayée avec laquelle le projet que vous nous présentez a été examiné par notre groupe.
Il n'en demeure pas moins que le principe de la libre administration des collectivités locales se trouve affecté par la question des tarifs, comme le principe de la sécurité juridique se trouve affecté par le statut des employés.
Je pense donc, chers collègues, que, après le travail remarquable de M. Duron, vous ne manquerez pas de voter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je serai bref : je souhaite que la discussion se poursuive.
Compte tenu de l'importance du projet de loi, le groupe Nouveau Centre votera contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
J'ai reçu deM. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Daniel Paul.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en 2002, dans un rapport que j'avais rédigé à l'occasion de la tentative de déréglementation des ports européens par la Commission européenne, je débutais mon introduction en posant une question : « L'avenir des ports européens passe-t-il par la déréglementation ? » Bien évidemment, ma réponse était négative. Cette directive n'a finalement pas été adoptée, les institutions européennes ayant dû reculer face à la mobilisation de l'ensemble des salariés du secteur portuaire de l'ensemble des ports européens. Il faut noter que le secteur portuaire est d'ailleurs l'un des rares, sinon le seul, où un projet de directive ait été retiré compte tenu de la force de la protestation.
Face à cette mobilisation, vous cherchez à contourner l'obstacle ! La directive a été retirée, mais les différents États membres concernés par la politique portuaire vont adapter le projet européen et l'adopter dans leur législation interne. Vous avez même décidé d'utiliser la procédure d'urgence, moyen – pensez-vous – d'en finir avec cette réforme quelque peu « encombrante ».
Ainsi va la construction européenne ! En contournant les peuples ! Comment s'étonner que, lorsqu'ils ont la parole, comme ce fut le cas en 2005 lors du référendum sur la Constitution européenne et il y a quelques jours avec le référendum irlandais sur le traité de Lisbonne, l'effet boomerang soit garanti ? Dans le domaine portuaire comme dans les autres, les peuples refusent de plus en plus les réponses ultralibérales qui leur sont proposées comme des « solutions ». Ils refusent aussi la concurrence exacerbée comme avenir pour les salariés et les territoires. Ils savent, si tel n'était pas le cas auparavant, à qui cela profite et qui sont les perdants.
Mais si votre texte est dans la droite ligne des orientations européennes, il est aussi tout à fait conforme à vos exigences en matière de politique publique nationale. Il répond, en ce sens, au credo libéral de la réduction de l'intervention publique, des emplois et des investissements qui l'accompagnent.
Dans ce même rapport, j'indiquais qu'il convenait de remettre l'ouvrage sur le métier, en procédant à la concertation la plus large possible et en s'attachant à promouvoir d'autres orientations, davantage axées sur la défense de l'intérêt général, plutôt que sur les intérêts des seuls groupes internationaux, qui cherchent à dominer et à se partager le secteur portuaire.
Ces remarques sont malheureusement encore d'actualité. J'ajouterai : hélas !
Hélas, car je considère que le texte que nous examinons aujourd'hui est le fruit d'un incroyable gâchis.
Des négociations étaient entamées, mais le Gouvernement, en accélérant le calendrier et en précipitant la présentation de ce projet, a cassé un processus qui aurait certainement permis de surmonter les difficultés principales, notamment sur la question du commandement unique, à laquelle les syndicats n'étaient pas hostiles – ce qu'ils vous ont confirmé depuis, monsieur le secrétaire d'État. Le système de la mise à disposition, qui faisait ses preuves au Havre, ou même la solution du détachement, proposée par les syndicats eux-mêmes, ont été très vite écartés au profit d'une réforme que je qualifie d'idéologique, fondée sur le dogme du zéro outillage public.
Il s'agit, je le disais tout à l'heure, d'une deuxième étape, la première étant la réforme du statut des dockers de 1992, pour aboutir, à terme, à la privatisation totale des ports. Réforme appelée de leurs voeux par les entreprises du secteur portuaire, mais je ne suis pas certain qu'elles cautionnent toutes – j'en ai rencontrées qui ne le font pas – et totalement la méthode employée.
Je citerai quelques propos entendus ici ou là : « Le cadre français n'est pas assez intéressant pour les investisseurs privés, qui ne s'y sentent pas en sécurité, alors qu'ils veulent avoir la maîtrise totale de l'outil, donc la maîtrise totale de leur personnel. »
Le Président de la République n'a pas hésité, pour justifier cette réforme, à tomber, sans doute involontairement, dans la caricature, en voulant démontrer le manque de productivité des grutiers ou des portiqueurs français, qui ne travailleraient que 2 000 heures par an contre 4 000 heures en Espagne. Je me suis livré à un rapide calcul : 4 000 heures par an, cela correspond à un temps de travail hebdomadaire de soixante-seize heures. Même Mme Parisot n'oserait pas utiliser un tel argument et rêver de tels horaires hebdomadaires !
M. Jacques Saadé, patron emblématique de CMA-CGM, s'est livré à une comparaison sur le nombre de mouvements par heure : 50 à Fos, 90 au Havre, 110 à Hambourg, 148 à Shanghai. Il a appelé de ses voeux – et tout porte à croire qu'il ait été exaucé – une grande réforme qui donnerait plus d'autonomie aux ports et à leurs présidents, qui séparerait les tâches – : le régalien au public, le commercial au privé. Il a, bien évidemment, des idées très arrêtées quant à la gestion du personnel employé sur les terminaux dont CMA-CGM est actionnaire.
Il a cité Le Havre et Marseille comme exemples possibles. Mais il s'est demandé si Marseille ne méritait pas une « solution spécifique », avec un réajustement des revenus liés à la performance, mais surtout pas de grève sans tentative de négociation, ce qui est normal, ni sans préavis d'au moins une semaine.
Monsieur le secrétaire d'État, il ne faut pas annoncer que, loin d'être idéologique, cette réforme était censée rendre aux ports leur pleine et entière compétitivité. Depuis des semaines, les syndicats ont fait des propositions concrètes qui visent l'harmonisation et l'uniformisation de l'organisation du travail, le rapprochement des textes conventionnels, mais qui sont aussi relatives aux qualifications, aux conventions d'exploitation des terminaux et à des possibilités de coopération et de contractualisation entre entreprises de manutention et le port dont dépendent les grutiers et les portiqueurs.
Le problème du manque de compétitivité des ports français n'est pas nouveau. La réforme de 1992 était censée y remédier. Le Gouvernement de l'époque annonçait la reconquête des parts de marché par les ports français, ainsi que la création de milliers d'emplois, directs et indirects. Aujourd'hui, les résultats sont loin d'être ceux qui étaient annoncés. Les effectifs des dockers ont été divisés par deux. Ils étaient 8 000 ; ils sont aujourd'hui 4 000. En 1991, 297 millions de tonnes de marchandises transitaient par les ports maritimes français ; en 2006, il y en a eu à peine 303 millions. Le gain a été de 6 millions de tonnes.
Pourtant, de substantiels gains de productivité ont été réalisés, dégageant une manne financière sans doute importante. Où sont passés ces fonds ? Où ont-ils été réinvestis ? Ont-ils permis de diminuer les coûts de passage dans les ports ? Ou ont-ils été simplement versés sous forme de dividendes, dans certains cas à quelques actionnaires, à l'État lui-même lorsqu'il s'agit des ports autonomes.
Ce qui reste de la réforme de 1992, ce n'est pas une relance de la compétitivité des ports – de ce point de vue, le texte a été un échec –, mais le transfert des dockers au sein des entreprises de manutention, cela a été dit par la majorité de cette assemblée. Et c'est ce qui arrivera certainement avec le projet dont nous discutons aujourd'hui, mais cette fois-ci pour les salariés portuaires. La suppression d'un poste sur deux dans les ports est-elle la solution aux problèmes de compétitivité des ports français ?
Comment ne pas comprendre les inquiétudes légitimes des salariés des ports autonomes face à cette réforme, laquelle s'appuie sur le rapport Gressier, qui part du postulat selon lequel la réforme de 1992 relative au statut des dockers et l'expérience de Dunkerque a été positive et doit par conséquent servir de référence – je m'en excuse auprès du maire de Dunkerque.
Pourtant, aucune évaluation permettant de justifier ce postulat n'a, à ce jour, été rendue publique. Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d'État, que la réforme de 1992 imposait qu'un rapport relatif au bilan de celle-ci soit présenté chaque année devant le Parlement. Cela n'a pas été fait. Pourquoi ?
L'exemple de Dunkerque, qui a fait office de laboratoire, laisse d'ailleurs perplexe puisque c'est le seul port dont le bilan soit négatif : moins 6 % pour les conteneurs et moins 4 % pour le trafic global.
Pour ce qui est du statut des dockers, la situation est loin d'être idyllique, contrairement à ce que vous laissez entendre. Si l'on prend l'exemple du port autonome de Rouen, on compte 60 dockers professionnels, 5 dockers intermittents et près de 400 dockers intérimaires embauchés en fonction de la demande, parfois pour une journée. Ces derniers ne bénéficient pas de la convention collective de la profession, car la loi de 1992 prévoit qu'elle ne s'applique qu'aux personnes titulaires d'un contrat à durée déterminée ou indéterminée, pas à l'intérim. Inutile de préciser qu'ils ne bénéficient pas des formations obligatoires, ce qui les expose à toutes sortes de risques en matière se sécurité, l'exercice de cette profession étant particulièrement dangereux.
Il m'a d'ailleurs été indiqué qu'une entreprise installée sur ce même port aurait trouvé la solution pour disposer d'un pool de personnes disponibles en permanence : elle exerce à la fois les activités de manutentionnaire et d'agence d'intérim ! Est-ce normal, monsieur le secrétaire d'État ?
Sur un autre site, un manutentionnaire a même décidé de gérer ses ressources humaines au mépris du respect de la convention collective, laquelle impose la priorité laissée à la détention de la carte G.
Les dockers rouennais viennent d'ailleurs de décider d'exercer un recours devant les tribunaux pour manquement dans l'application de la législation de 1992 en ce qui concerne l'application des 35 heures et celle du régime de prévoyance.
Dans ces conditions, puisque, seize ans après, votre loi n'est toujours pas appliquée, comment avoir la certitude que les quelques garanties sociales prévues dans votre texte – et elles sont peu nombreuses – seront, elles, appliquées ?
Dans un autre domaine, mais qui touche toujours à l'activité portuaire, comment pouvez-vous penser que les salariés des ports, dans leur diversité, auront confiance dans vos promesses, lorsqu'ils constatent qu'au Havre une entreprise de remorquage peut, pendant des mois, bafouer les règles sociales en vigueur dans notre pays, afficher et proclamer sa volonté de remettre en cause le code du travail maritime et que les pouvoirs publics ne font rien pour mettre fin à ces agissements alors qu'ils en auraient les moyens en s'appuyant sur les rapports accablants de l'inspection du travail ? Votre volonté de déréglementation du secteur est-elle si grande ?
Vous mettez en avant un défaut de productivité. Alors que ce sont souvent les matériels et les investissements qui sont en cause et que votre politique en est responsable, vous visez à augmenter la productivité des hommes en mettant en cause leurs droits de salariés à travers leur statut social.
Or, si l'on souhaite – et nous le souhaitons tous – que nos ports retrouvent leur place parmi les grands ports internationaux, il ne faut surtout pas se tromper de diagnostic. La France doit engager une véritable politique portuaire et de transport maritime et non se livrer à une basse manoeuvre idéologique fondée sur l'idée que le privé serait plus opérationnel que le public.
Car, si les supporters de cette réforme se plaisent à comparer la productivité des ports français à celle des autres places portuaires européennes, il faut également comparer les financements publics ! Pour les sept ports français, la contribution nette de l'État aura été, sur la période 2000-2006, de 140 millions d'euros, soit l'équivalent de 13 % de l'effort d'investissement, ce qui est peu par rapport à ce qui était prévu ; à Anvers, il est de 42 %. Pour la deuxième phase de Port 2000, l'État versera – je cite les documents de votre ministère – 62 millions d'euros alors que le port devra faire face à un emprunt de 253 millions d'euros. C'est cela la réalité de votre politique !
En fait, la France a manqué, pendant des dizaines d'années, d'une véritable politique portuaire comme elle a manqué d'une politique maritime et d'une politique de construction et de réparation navales ! Et pendant que les gouvernements successifs restaient – sauf à de rares moments – l'arme au pied, d'autres pays investissaient massivement, aussi bien dans les ports que dans les liaisons terrestres et fluviales !
Et lorsque la mondialisation des échanges a fait exploser les trafics, en particulier de conteneurs, ces places étaient prêtes à les accueillir, quand en France, les études se terminaient pour Port 2000, que la liaison Seine-Nord n'était pas encore décidée, et encore moins, bien sûr, la liaison Seine-Est, sans oublier les carences en liaisons ferroviaires dignes de ce nom avec la région parisienne, l'Est et le Centre de la France – et je pourrais continuer la liste.
Faut-il rappeler que la première autoroute de Normandie a soigneusement évité le port du Havre pour servir Deauville…
Heureusement que le maire du Havre a changé !
Il a suffisamment protesté et vous aviez refusé, à l'époque, de le soutenir dans le combat qu'il menait pour doter Le Havre de la bretelle d'autoroute nécessaire.
Enfin, M. Rufenacht est arrivé !
…avec Charles Fiterman comme ministre des transports, qui ont fait le nécessaire pour que le port du Havre soit relié à l'autoroute de Normandie. (M. Michel Delebarre applaudit.)
Faut-il rappeler que la bretelle qui a permis de la joindre au premier port français de conteneurs a été payée par la chambre de commerce et d'industrie du Havre avec l'aide des collectivités territoriales ?
Faut-il rappeler que le pont de Normandie, qui relie le port du Havre au Sud de la Seine, a été payé par les résultats du pont de Tancarville, sans un sou de l'État, lequel a, bien sûr, prélevé la TVA !
Et quand l'urgence d'un rattrapage devient cruciale, vous vendez les autoroutes, privant l'agence de financement des infrastructures de transport de sa principale ressource : qui, demain, monsieur le secrétaire d'État, paiera ces investissements ?
À l'évidence, il existe une relation de cause à effet entre ces investissements et la productivité des ports qui en bénéficient. En 2007, Anvers a traité 181,5 millions de tonnes, soit autant que Le Havre et Marseille. Or, sur la période 1997-2005, les crédits d'intervention directe et de concours financiers aux ports belges ont été trois fois supérieurs à ceux des ports français.
Le manque de « fiabilité » sociale serait-il responsable du manque de productivité des ports français ? Sauf cas particulier, liés aux spécificités locales, dans l'ensemble des ports, les mouvements sociaux ne peuvent être tenus pour responsable des problèmes de fiabilité. Sur cette même période, il y eut également des mouvements sociaux de grande ampleur dans plusieurs grands ports européens, en Allemagne, en Belgique et en Hollande. Mais les gouvernements concernés se sont efforcés de remonter à la source du conflit pour y remédier plutôt que de le monter en épingle. Cela n'a rien à voir avec la politique d'un État qui se met systématiquement en recul, voire se désolidarise des ports, alors qu'il en est l'actionnaire principal ; un État qui, durant toutes ces années, a, à chaque conflit impliquant des personnels portuaires et dockers, stigmatisé les grévistes et leurs organisations syndicales, tout en répétant que la solution résidait dans la libéralisation portuaire, pour mieux se défausser de ses propres responsabilités.
Le rapport Gressier pointe d'ailleurs l'absence de l'État. Il souligne l'absence d'une réelle « politique portuaire établie par le Gouvernement. L'État ne donne aucun cadrage, ou aucune orientation. [...] Chaque port continue ainsi à définir ses propres orientations sans que celles-ci soient validées. La politique portuaire se limite à la gestion de l'interface mer-terre. Or la desserte terrestre des ports devrait constituer l'un des principaux éléments de la politique portuaire, la compétitivité des ports passe aussi par leur capacité à améliorer les liaisons avec leur hinterland ».
Ce manque de vision globale de développement des ports français et de leur desserte ne leur a pas permis d'être à la hauteur des enjeux posés par la mondialisation des échanges. On le sait, le choix du port d'importation est déterminé par la situation géographique et par la qualité des installations portuaires et de la desserte terrestre. La croissance du trafic des conteneurs exige un développement ferroviaire et fluvial important, lequel engendre des trafics massifiés sur les quais.
Alors que le développement de la fonction logistique est devenu le pendant de la mondialisation de l'économie et des délocalisations des entreprises de l'Europe vers le Sud-Est asiatique, la France n'accueille aujourd'hui que 5 % du total des entrepôts de distribution de produits asiatiques en Europe, contre 56 % aux Pays-Bas, 22 % en Allemagne et 12 % en Belgique.
L'argument de la fiabilité sociale ne saurait donc expliquer la baisse de la productivité des ports autonomes.
De plus, contrairement à une idée très répandue, nos coûts portuaires ne sont pas supérieurs à ceux de nos concurrents européens. Hélas, avec moins de moyens matériels et de logistique, la qualité de l'offre est forcément plus faible.
Pourtant, on le sait, si des investissements lourds sont réalisés, si l'on s'en donne les moyens, les résultats sont positifs, comme en témoigne le cas de Port 2000, leader en matière de croissance du trafic des conteneurs en Europe, puisqu'il a enregistré une augmentation de 26 % dans ce domaine en 2007.
Nous sommes tous d'accord, monsieur le secrétaire d'État, pour reconnaître qu'une réforme est nécessaire. Il faut cependant être objectif dans l'identification des causes réelles de notre retard, pour ensuite les traiter correctement. Or le présent projet ne répond pas à cette problématique. Il constitue simplement une nouvelle étape dans l'adaptation de nos ports aux exigences du capitalisme mondialisé, qui prend toute sa place dans les processus d'externalisation en cours dans les établissements publics, de réduction des moyens de l'État, et dans la révision générale des politiques publiques.
L'effort d'investissement et la réforme de l'organisation portuaire sont, selon le Président de la République, les deux piliers du plan de relance devant permettre à nos ports de reconquérir d'importantes parts de marché. Permettez-moi de douter de l'efficacité des mesures proposées.
Sur le plan financier, cette réforme est censée être accompagnée d'un important plan d'investissement. En complément des contrats de projet 2007-2013, l'État devrait doubler sa participation pour cette période. Au total, les investissements devraient, selon les annonces gouvernementales, atteindre 2,69 milliards d'euros, dont 445 millions à la charge de l'État.
Chacun sait bien que l'État ne s'est pas donné les moyens de tenir ses engagements dans le passé et que sa politique actuelle ne permet pas le moindre optimisme de ce point de vue. Vous auriez pu, monsieur le secrétaire d'État, annoncer le double ou le triple de cette somme, cela n'aurait sans doute pas changé grand-chose pour l'avenir de nos ports. Vous ne pouvez pas donner ce que vous n'avez pas. Ce n'est pas en consentant des exonérations ou des réductions d'impôts que vous pouvez être en mesure de mener dans le même temps des politiques publiques ambitieuses.
Vous nous parlez d'un recentrage du port autour de ses missions régaliennes. Mais ce recentrage, comme vous le nommez, des missions du port sur les activités de service public en termes de police, d'aménagement, d'entretien des infrastructures ou d'investissement pose la question des moyens financiers qui resteront au port pour mener à bien lesdites missions !
Ainsi, les ports autonomes sont mis à contribution par l'État à qui ils doivent verser ce que, dans les entreprises privées, on appelle des dividendes. Il serait d'ailleurs bienvenu que, dans le cadre d'un débat sur la réforme portuaire, ces « contributions » soient connues.
Pour éclairer cette question, je rappellerai qu'entre les fêtes de la fin de l'année 2006, espérant que cela passerait inaperçu, …
…le Gouvernement dans lequel vous siégiez avait fixé par arrêté le montant des sommes à lui verser par les ports autonomes.
Ainsi, pour Le Havre, cela représentait non seulement la totalité du boni de l'exercice 2005, mais aussi une ponction sur le fonds de réserve, soit, au total, 9,6 millions d'euros.
Pour l'ensemble des ports concernés, cela avait représenté près de 24 millions d'euros et autant en moins pour les investissements. Quelle est aujourd'hui la situation, monsieur le secrétaire d'État ?
Actuellement, la maîtrise publique permet un équilibre global entre les recettes et les dépenses des ports autonomes, entre les différentes activités et les différentes professions au sein du domaine portuaire. Le secteur portuaire doit répondre aux exigences d'un véritable service public, afin de garantir une cohésion sociale et territoriale. En ce sens, les ports sont de formidables outils d'aménagement du territoire et des milliers d'emplois induits sont en cause.
En transférant les opérations commerciales au secteur privé, le Gouvernement prive les établissements des recettes engendrées par les redevances d'outillage et reporte tout sur les droits de port et les redevances domaniales. Rien n'est prévu pour évaluer les conséquences d'une telle perte.
De plus, il n'est question à aucun moment d'évaluer les biens qui sont la propriété de personnes publiques susceptibles d'être cédés. Rien n'est prévu non plus pour garantir que l'opérateur privé se maintiendra durablement sur le site où il aura bénéficié de ces cessions. L'armateur Maersk a ainsi annoncé qu'il divisait par deux le nombre de ses conteneurs transitant par le port autonome de Dunkerque, ce qui entraîne une perte sèche de 700 millions d'euros et fragilise les emplois existants.
Se pose ensuite la question de savoir quelles entreprises pourront réellement assurer ce transfert d'outillages et de personnels. Seuls quelques grands groupes déjà en place en auront les moyens. Comme cela nous a été indiqué dans plusieurs ports de l'Atlantique, les petites entreprises ne pourront plus louer aux ports, pendant quelques jours, les matériels nécessaires à leur activité.
Les opérateurs privés accepteront-ils de continuer à exercer les activités dites « peu rentables », du fait de la faiblesse des volumes et des cadences ? Pourtant, ce sont souvent des trafics qui génèrent des activités industrielles essentielles à la vie des territoires. Citons le cas d'une entreprise de la région nantaise – et je salue ici le maire de Nantes – qui fait venir, par navire, sa matière première une fois par mois. Avec ce texte, l'opérateur pourrait décider de ne plus continuer à assurer ce service ou de pratiquer des tarifs tels qu'ils mettraient en péril l'avenir de cette société. Actuellement, les ports diminuent les coûts pour certains usagers, conscients de l'importance de ces trafics de niche pour l'économie locale, et assument ainsi une véritable mission de service public. Auront-ils les moyens de continuer, y compris avec le système des filiales que vous voulez mettre en place ?
Pour ce qui est du transfert du personnel, les choses ne seraient-elles pas déjà bouclées ? On peut se le demander en lisant le courrier que le directeur du port de Nantes-Saint-Nazaire a adressé, il y a quinze jours, à l'ensemble des salariés pour leur annoncer d'ores et déjà « une période de retour de sept ans pour les salariés faisant l'objet d'un transfert », comme si le passage devant notre assemblée ne changeait rien au cours des choses. Mais peut-être M. Marendet savait-il que le texte ne bougerait pas après la premier lecture au Sénat ?
Au-delà de cette anecdote, il importe de souligner que ce texte n'apporte aucune garantie aux salariés concernant leur avenir. J'ai évoqué, au début de mon propos, une réforme idéologique, dont l'étape actuelle a pour objectif principal la poursuite de la privatisation des ports. Cette fois, ce sont les personnels attachés aux matériels privatisés qui sont destinés à rejoindre les entreprises de la manutention.
Les modalités de la gouvernance que vous voulez mettre en place sont d'ailleurs calquées sur celles des entreprises privées et je ne m'étendrai pas sur le choix du terme de « directoire ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je noterai simplement que le recours à cette dénomination est significatif : le Directoire, à la fin du XVIIIe siècle, a en effet permis à la bourgeoise d'établir son pouvoir.
Modernisez vos références !
C'est ce qui m'a été dit sur les quais car j'y suis allé pour écouter ce qui pouvait s'y dire.
Par de très vieux retraités alors !
Aujourd'hui, l'objectif est d'établir le pouvoir des grands groupes censés apporter les trafics et les emplois.
Les salariés n'y croient pas et estiment que cette réforme dissimule, fort mal d'ailleurs, une remise en cause de leurs droits. C'est pourquoi ils veulent que la négociation continue et que la loi n'impose pas de tels transferts. Pourquoi refuser ces demandes, monsieur le secrétaire d'État ? Pourquoi ce gâchis que provoque votre entêtement à aller vite, dans l'urgence, alors qu'il faut, au contraire, prendre le temps de discuter, de négocier, de répondre aux inquiétudes des personnels comme aux défis auxquels doivent faire face les places portuaires ?
Est-il acceptable d'inscrire dans la loi ces transferts de personnels alors que les négociations ne sont encore pas achevées, qu'elles n'ont décidé d'aucune évolution et qu'elles n'ont pas déterminé où iraient ces personnels ? Comme souvent, ce sont les personnels eux-mêmes qui mettent en évidence le danger qu'il y aurait à tout transférer au privé : le port ne conserverait aucune capacité d'intervention si le privé se montrait défaillant – car ce sont des choses qui arrivent, vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'État. Si un port français est intéressé par un trafic susceptible de développer une activité industrielle au niveau régional alors qu'un opérateur dispose du même trafic dans un autre port européen par lequel il souhaite que tout passe, que se passera-t-il ? Quels intérêts prévaudront ? Ceux de l'aménagement du territoire, de nos industries et de nos emplois ou ceux de l'opérateur ? Et de quels moyens disposera la puissance publique pour faire peser les intérêts de l'État, de la région, du département ?
Ces questions sont aussi derrière la lutte que mènent les salariés pour obtenir des garanties sur les possibilités de retour dans les services techniques portuaires, non pas pendant cinq ou sept ans, mais pendant toute la durée de leur carrière. Les expériences vécues par des salariés d'anciens services publics, les pressions qu'ils ont subies pour leur faire abandonner leurs droits, comme à France Télécom, montrent combien il importe d'être vigilant et exigeant, même si les ports ne sont pas, d'un point de vue administratif, des services publics.
Comment accepter que la réforme aboutisse à exclure de fait les salariés des instances de gouvernance des ports ? Car le résultat est bien là : les dockers et les salariés portuaires – les « portiqueurs », comme on les appelle –, transférés, n'auront plus leur place dans ces instances.
Monsieur le secrétaire d'État, votre réforme est dictée par le dogme libéral qui vous guide : moins de public, plus de privé, avec pour variable d'ajustement les salariés et leurs droits. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cette réforme est une étape supplémentaire vers la mainmise des grands groupes financiers sur les ports. Nous ne pensons pas qu'elle soit de nature à répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés et à prendre en compte le rôle central des ports dans l'activité économique de notre pays. C'est pourtant cet enjeu qui devrait être au coeur d'une véritable réforme portuaire, que nous demandons. Nous en sommes loin avec ce projet de loi ! Ce texte n'est pas celui dont nous devrions discuter. Non seulement il n'apporte pas les réponses appropriées, mais il confirme votre volonté d'adapter les droits des salariés et l'économie des ports aux exigences de la loi de la rentabilité maximale et immédiate.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur Paul, je vous ai écouté attentivement, et même si je ne partage pas votre engagement, je le respecte. Cela dit, j'ai été effaré par le conservatisme de vos propos. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) À vos yeux, la réforme de Michel Delebarre et de Jean-Yves Le Drian n'a pas donné de résultats. Pourtant, sans elle, la France n'aurait plus de ports du tout.
Ce ne sont pas cent trains que la SNCF affréterait chaque semaine vers Anvers, mais, hélas ! des centaines et des centaines.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
La présente réforme poursuit la précédente, selon des modalités que nous avons essayé de définir dans la concertation. Je comprends que, pour des raisons liées à votre électorat et à des engagements de diverses natures, vous en restiez à des positions conservatrices.
Sachez que je regrette qu'un homme de progrès comme vous défende des arguments aussi conservateurs.
Et moi je regrette de n'avoir aucune réponse aux questions que j'ai posées !
Pour cette raison, je demande à la majorité et à tous les hommes et les femmes de progrès de cette assemblée de voter contre cette question préalable.
Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Daniel Fidelin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur Paul, je vous ai bien écouté. Vous avez mis en cause la procédure d'urgence. Pourtant, il y a bien urgence. Aujourd'hui, les bateaux passent au large, loin du Havre ou de Marseille – où soixante-dix navires sont aujourd'hui bloqués. Le port d'Anvers a atteint 120 % de ses capacités de trafic ; les entreprises françaises sont obligées de faire revenir leurs conteneurs par camion, ce qui occasionne des coûts supplémentaires alors que beaucoup d'entre elles sont en difficulté.
Alors, oui, il y a urgence !
Vous avez parlé d'une réforme « encombrante ». Il n'en est rien. Elle est le nécessaire prolongement de la réforme de 1992 – et nous pouvons rendre hommage aujourd'hui à son auteur ici présent. Par ailleurs, le « non » irlandais au référendum n'a rien à voir avec la question car la compétition aujourd'hui n'est pas européenne, mais mondiale. Si des grands groupes internationaux investissent aujourd'hui en France, je m'en réjouis car ce sont grâce à eux que des projets tels que 3XL et 4XL, à Marseille-Fos, Port 2000 au Havre peuvent voir le jour, en collaboration avec les entreprises des régions concernées.
Vous parlez encore d'idéologie. Mais je crois qu'elle est surtout de votre fait. Vous ne voulez rien changer et l'on sait à quels résultats cela aboutit. Pour ma part, je fais confiance aux syndicats car, comme vous l'avez fort justement souligné, ils ont fait des propositions auxquelles le secrétaire d'État a répondu. Je ne doute pas du sens des responsabilités dont ils ont fait preuve.
S'agissant des dockers, j'aimerais citer quelques chiffres. Au Havre, la réforme de 1992 s'est traduite par le départ de 1 091 dockers et la mensualisation de 1 034 autres, ce qui les a mis à l'abri du chômage et de la précarité. Aujourd'hui, 1 800 emplois sont mensualisés et 200 dockers font partie du pool. Autrement dit, nous avons retrouvé les effectifs de 1993,…
…et je ne doute pas qu'avec les nouveaux investissements nous irons encore plus loin.
La réforme était inachevée. Il importe de la poursuivre en prenant en compte les grutiers et autres personnels des ports autonomes. C'est le but de ce projet de loi, qui se veut global.
Quant aux infrastructures, je rappelle que Port 2000, au Havre, a été lancé par Jacques Chirac.
Le port est un formidable outil d'aménagement du territoire, avez-vous encore indiqué. Je suis tout à fait de votre avis. Aujourd'hui, 80 % du commerce international se fait par voie maritime et il faut pouvoir en capter le maximum. D'où la nécessité de ce projet de loi.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai écouté avec attention votre réponse à mon ami Daniel Paul et je suis surpris du ton que vous avez employé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Peut-on encore exprimer son point de vue dans cette assemblée sans être constamment interrompu, chers collègues ?
Vous ne m'aviez pas habitué à ce genre de raccourcis, d'autant que la démonstration de Daniel Paul était excellente. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous souriez trop, monsieur Vaxès !
Je vais devoir y revenir car je vois bien que vous n'en êtes pas convaincus. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il faudra ajouter au moins cinq minutes à mon temps de parole, monsieur le président !
Nous nous retrouvons au moins sur un point : le constat de la dégradation de la situation des ports français et de leur recul sur le marché européen.
Mais nous ne sommes d'accord ni sur le diagnostic ni, bien sûr, sur le remède à prescrire.
M. le rapporteur, qui s'est absenté, …
Il s'est absenté pour deux minutes. Le président de la commission ne vous suffit-il pas ?
Je ne sais si vous avez eu l'occasion de relire un texte très intéressant paru dans Le Marin du 7 juin 2002, dans lequel MM. Pierre Hannon et Xavier Galbrun, respectivement président et délégué général de l'Union nationale des industries de la manutention, déclaraient, pour célébrer dix années durant lesquelles, en dépit des promesses faites en 1992, on n'avait cessé de régresser : « Reste tout un travail à faire en matière de répartition entre public et privé sur les quais. Le désengagement budgétaire des pouvoirs publics en matière portuaire » – ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'UNIM ! – « va entraîner un recentrage des établissements publics portuaires sur leur mission régalienne, au détriment de leur mission commerciale. » Et ils ajoutaient : « S'ouvre un nouveau grand chantier, avec un travail de redéfinition des missions assumées par les ports et les opérateurs portuaires, qu'il s'agisse du financement des équipements ou de la gestion des grutiers et des portiqueurs. »
Nous y sommes ! Le patronat a demandé, le Gouvernement s'exécute ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Car c'est bien de cela qu'il s'agit, et nous prenons un grand risque…
Je vais vous le dire, cher collègue, mais vous le sauriez si vous aviez écouté Daniel Paul.
Prenons un exemple : la société Maersk a décidé de quitter Dunkerque parce que ce port ne lui rapportait pas assez.
Elle a été remplacée par CMA-CGM !
Qui vous dit que demain, après qu'on leur aura confié l'outillage, les opérateurs privés ne suivront pas leurs logiques habituelles : si cela m'intéresse, je reste, sinon je m'en vais là où cela m'intéresse davantage ? C'est cette logique qui a conduit aux délocalisations ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'en ai presque terminé, monsieur le président.
Nous prenons donc ce risque-là, et cela n'a rien à voir avec les personnels.
Je conclurai sur l'exemple de Marseille. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le projet Fos 2XL, en cours de réalisation et qui sera achevé en 2009, représente un investissement total de 400 millions d'euros, composé pour moitié par des investissements publics, notamment dans les infrastructures, et pour moitié d'investissements privés. Or l'État n'y participe qu'à hauteur de 27 millions, contre 151 millions pour le port autonome !
Le problème de l'investissement est donc majeur, et quand vous dites, monsieur le secrétaire d'État, qu'une enveloppe est prévue, je me rappelle à votre bon souvenir, car il y a le port, mais il y a aussi son hinterland. Or vous savez très bien que les infrastructures routières autour du port de Fos ne sont pas réalisées. Il va y avoir une augmentation de 35 % du trafic routier, sans qu'on possède les infrastructures correspondantes.
On vous a bien compris, mon cher collègue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vous remercie de m'applaudir pour m'interrompre, mais j'irai jusqu'au bout ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Votre temps de parole est de cinq minutes, mon cher collègue. Il y a un règlement !
Monsieur le secrétaire d'État, je n'ai toujours pas obtenu de réponse de votre part, bien que ma demande traduise l'attente unanime de tous les acteurs de l'activité portuaire de Fos. Peut-être me répondrez-vous tout à l'heure, mais, dans le cas contraire, vous comprendrez que nous soyons très dubitatifs quant à votre volonté réelle de réaliser des investissements publics dans les ports pour soutenir leurs nouvelles missions, d'autant que vous les privez d'une partie de leurs ressources en leur enlevant l'outillage et la part commerciale.
Bien évidemment, les élus communistes voteront la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Michel Delebarre, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous avons toujours intérêt à écouter avec beaucoup d'attention Daniel Paul – et c'est ce que, comme la plupart d'entre vous, j'ai fait.
D'abord, parce qu'il faut arriver à séparer ce qui relève d'une appréciation par trop idéologique du contenu même du propos – et il y a eu un peu d'idéologie dans celui de Daniel Paul. Ainsi, il convient de distinguer l'appréciation qu'il porte sur les résultats de Dunkerque et la réalité locale – du reste, je suis prêt à l'inviter pour qu'il puisse voir comment les choses se passent réellement : depuis plusieurs années, le port de Dunkerque bat tous les ans ses records de tonnage et de résultats.
Cela n'est pas négligeable, et je reviendrai tout à l'heure sur les conséquences de la réforme de 1992.
Il est une chose qu'on ne peut dénier à Daniel Paul, c'est son affection pour les enjeux portuaires, car ce n'est pas la première fois qu'il intervient sur le sujet. (Sourires.)
Reconnaissons même qu'il en est, à l'Assemblée, un des principaux praticiens, et sur un port important.
On ne peut non plus lui dénier sa volonté que les choses s'améliorent. Même si l'on peut contester certaines de ses propositions, il reste que, sur un enjeu aussi important, il a soulevé plusieurs préoccupations que nous pouvons partager – Philippe Duron les a d'ailleurs évoquées en défendant l'exception d'irrecevabilité.
En premier lieu, nous ne pouvons nous satisfaire que persistent des interrogations sur le devenir de certains personnels et sur leur participation à la gestion du port. Cela mérite qu'on soulève le problème.
Ensuite, on ne peut être libéré de toute inquiétude concernant les infrastructures dont ont besoin nos différentes places portuaires. Sur ce sujet, on est en droit d'attendre un concours important de l'État. Or, monsieur le secrétaire d'État, en dépit de l'attention que vous portez à nos interventions et, sans doute, de votre souhait d'examiner attentivement l'intégralité de nos amendements, nous devons dire que les choses se déroulent de manière précipitée et que les éléments de réponse que vous auriez pu donner sont passés sous silence.
C'est pourquoi la question préalable se justifie : non en raison d'une quelconque idéologie, mais parce que des interrogations restent en suspens et que nous souhaiterions poursuivre le débat.
Je suis de ceux qui pensent que l'enjeu portuaire est essentiel pour l'avenir de notre pays et qu'il est dommage qu'à l'occasion d'un tel débat, les seuls députés présents dans l'hémicycle soient, pour l'essentiel, ceux qui sont directement concernés par le sujet ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'aurais préféré, mes chers collègues, que tous nos collègues éloignés du littoral participent à ce débat pour faire corps avec nos préoccupations. Il y en a marre d'être considérés, parce que nous sommes du littoral, comme des surfaces à bronzer pendant l'été ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Et c'est le maire de Dunkerque qui parle ! C'est encore plus valable pour les autres.
Les enjeux sont pourtant tout autres : nous représentons sans doute l'un des plus formidables potentiels d'avenir pour notre pays.
Tout à fait !
Et pourtant, nous débattons entre nous ! Je préférerais quant à moi que, sur un sujet de cette importance, tout le monde fasse chorus.
Dans cette optique, la question préalable est parfaitement fondée. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie par avance de différer de trois mois l'examen de ce projet de loi (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), de manière qu'on ait le temps de conduire dans le pays le débat nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je mets aux voix la question préalable.
(La question préalable n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, Michel Delebarre vient de le dire, la politique portuaire devrait être un grand sujet pour notre pays, qui est l'un de ceux qui comptent le plus de côtes en Europe. La tradition maritime de la France est forte et ancienne.
Je sais, monsieur le secrétaire d'État, que vous êtes un grand amateur des albums de Tintin : vous vous souvenez sans doute que le capitaine Haddock, bien qu'inventé par un auteur belge, va prendre le bateau au port de Saint-Nazaire pour se rendre en Amérique du Sud.
Deux ports français sont mentionnés dans Tintin : Saint-Nazaire et La Rochelle !
Malheureusement, le déclin de la flotte française et un certain décrochage des ports français par rapport à d'autres ports européens sont les deux manifestations les plus visibles du désintérêt des gouvernements français pour la question maritime en général, et pour la politique portuaire en particulier.
Je ne rappellerai pas les propos méprisants à l'encontre des Bretons que l'actuel Président de la République avait tenus, durant la campagne présidentielle, lors de la visite d'une installation de surveillance des côtes et du trafic maritime. Cela en disait déjà long sur son état d'esprit à l'égard des professionnels de la mer et de la politique maritime.
Plus grave à nos yeux est l'absence, une nouvelle fois, d'un véritable ministère de la mer et des affaires maritimes dans le gouvernement actuel, pourtant plusieurs fois remanié – peut-être ce titre vous serait-il revenu, monsieur le secrétaire d'État. Il n'y a pas eu d'affichage de cette nature, qui aurait concrétisé un début de volonté politique.
Élu d'un département qui porte l'appellation « atlantique » dans son nom – la Loire-Atlantique –, je ne peux faire que ce triste constat : l'État a trop tendance à tourner le dos à sa façade maritime, qui est pourtant une source de richesses inestimable, laquelle, je suis d'accord avec Michel Delebarre, va bien au-delà d'un indéniable potentiel touristique. Encore faut-il avoir une vision claire de son avenir et proposer une gestion durable.
En tant qu'écologiste, je me suis toujours battu pour le développement du transport maritime qui, s'il est sûr et contrôlé – c'est important de le préciser –, est sans aucun doute le mode de transport le plus écologique, dans la mesure où il est celui qui consomme le moins d'énergie. Il représente aujourd'hui les trois quarts, voire 80 % du volume des échanges internationaux de marchandises et connaît une forte progression, de 4 % par an en moyenne, depuis dix ans. C'est un secteur en pleine expansion, et pourtant les ports français n'en tirent pas tout le profit qu'ils pourraient en tirer. On peut même dire, hélas, qu'ils restent à la traîne de leurs voisins européens : dans le classement mondial des ports, Rotterdam se situe en troisième position et Anvers en quinzième, alors que Marseille n'est qu'à la vingt-quatrième place et Le Havre à la trente-neuvième.
La France jouit pourtant d'un avantage inégalé en Europe, puisqu'elle possède trois façades maritimes : l'Atlantique, la mer du Nord et la Méditerranée, ce qui devrait en toute logique lui permettre d'être l'une des principales portes d'entrée pour les marchandises à destination de l'Europe continentale.
Dans la mesure où le cadre juridique date de 1965, il est logique qu'il y ait une réforme de l'organisation des ports français : c'était sans doute nécessaire. Ce constat est d'ailleurs largement partagé. Un rapport de la Cour des comptes sur les ports français identifiait en 2006 deux problèmes principaux : la sous-performance industrielle des terminaux à conteneurs et le défaut d'insertion des ports dans les chaînes de transport et les chaînes logistiques terrestres.
S'agissant de la conteneurisation, sans doute les ports français ont-ils tardé à s'y mettre. Certes, il y a eu des évolutions, notamment au Havre ; le problème, c'est qu'ailleurs on persévère dans l'erreur. Étant élu nantais, cela ne vous étonnera pas que je cite l'exemple du port autonome de Nantes-Saint-Nazaire, où l'État continue, envers et contre tout, à vouloir faire une extension pour le vrac, alors que chacun sait que ce n'est pas là que sont les marchés et les activités de demain.
C'est le projet dit de Donges-Est, récemment remis en cause par l'Europe et maintes fois attaqué par des associations de protection de l'environnement. Il est de plus en plus désavoué par les principales collectivités locales. Je vous demande solennellement, monsieur le secrétaire d'État, de nous dire si, oui ou non, le Gouvernement est enfin prêt à arrêter ce projet inutile et à réorienter les investissements de l'État vers des projets plus utiles pour le transport maritime en général et le port de Nantes-Saint-Nazaire en particulier.
J'en profite pour vous demander si le Gouvernement s'engage – enfin ! – clairement et fortement en faveur du projet d'autoroute de la mer entre le port de Nantes-Saint-Nazaire – à Montoir précisément – et Bilbao en Espagne. Il n'est pas normal qu'il soit freiné par les gouvernements successifs – je me souviens des propos de M. Estrosi, alors ministre délégué à l'aménagement du territoire, qui avait dit que la France ne considérait pas ce projet comme prioritaire –...
…alors qu'il répond pleinement aux objectifs du Grenelle de l'environnement et qu'il bénéficie du soutien des professionnels du transport et de la logistique et de toutes les collectivités locales, contrairement à d'autres projets beaucoup plus contestés. Rappelons qu'il s'agit d'alléger le trafic routier sur l'axe, très chargé, entre Nantes et Bordeaux et, surtout entre Bordeaux et l'Espagne. On sait les congestions qui existent autour de Bordeaux et à la frontière franco-espagnole, congestions auxquelles contribue fortement le trafic de camions.
À l'heure où tout le monde parle de crise du transport routier, où tout le monde parle des économies nécessaires de carburant – et c'est une urgence –, je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'État, j'insiste, de prendre un engagement clair et net sur ce projet d'autoroute de la mer qui, encore une fois, va dans le sens du développement durable.
Je reviens au rapport de 2006 de la Cour des comptes qui attirait notre attention sur un problème que nous avons déjà pu constater depuis longtemps en tant qu'élus : celui de la connexion des ports français avec les réseaux notamment ferroviaires et fluviaux. Certes, le présent projet donne aux grands ports maritimes la prérogative en matière de « promotion de l'offre de dessertes ferroviaires et fluviales en coopération avec les autres opérateurs concernés ». Vous admettrez néanmoins que cette phrase est tout de même assez générale et assez floue, et que ce n'est pas cette disposition qui suffira à rendre les infrastructures plus compétitives pour desservir les ports français. Or aujourd'hui certains transporteurs routiers, certaines organisations de transporteurs routiers le disent eux-mêmes : dans la crise que nous vivons actuellement, il faut préparer le transfert de la route vers le rail pour un certain nombre de transports de marchandises.
Il ne suffit pas pour cela de donner aux grands ports maritimes la possibilité de discuter de la question, même avec des opérateurs de transport ferroviaire. Il faut mettre à niveau les infrastructures, ce que seul l'État peut réaliser grâce à Réseau ferré de France. Jamais un grand port n'investira dans des infrastructures situées en dehors de son périmètre.
Si je prends l'exemple de la desserte du port de Nantes-Saint-Nazaire, que je connais bien, nous savons qu'il existe au moins trois points faibles : la traversée d'une raffinerie par des convois de marchandises et de passagers ; le passage d'un tunnel sous la ville de Nantes – le seul possible pour des convois de matières dangereuses – ; enfin, la saturation de l'axe Nantes-Angers. Là aussi, nous souhaitons obtenir des engagements clairs et concrets de l'État sur ces investissements dans les infrastructures. L'une des différences de nos ports avec les ports du Nord, c'est que ces derniers sont bien connectés au réseau ferroviaire.
Bien sûr, l'investissement public ne suffira pas et il est tout à fait souhaitable de recourir à des investissements privés. Reste qu'en la matière, on le sait, les investisseurs privés ne se mobiliseront que dès lors que l'État et les collectivités locales auront amorcé la pompe, si l'on peut dire, et s'ils font preuve d'un volontarisme et d'une ligne directrice claire pour l'avenir – ce sera vrai demain pour l'outillage. Je ne vois pas pourquoi des investisseurs privés iraient financer de nouveaux développements de l'outillage s'ils constatent qu'il n'existe pas de nouveaux débouchés importants pour les ports où ils seraient prêts à investir.
Je voudrais prononcer maintenant quelques mots sur la gouvernance de ces nouveaux grands ports maritimes. La composition du conseil de surveillance, telle que prévue par le texte, pose problème. Je ne comprends pas pourquoi la règle des « quatre quarts », initialement proposée, a été modifiée. Je présenterai un amendement dans ce sens car on devrait bien davantage mobiliser les salariés et les collectivités locales autour de leur port plutôt que d'assurer une hégémonie de l'État, hégémonie d'autant plus anachronique qu'il n'apporte plus aujourd'hui les financements nécessaires. Je trouve inacceptable qu'il n'y ait que trois représentants du personnel au sein de ce conseil, d'autant qu'il n'est fait nulle mention explicite des dockers.
De même, on ne comprend pas pourquoi les collectivités locales n'auraient que quatre représentants tandis que l'État en aurait cinq. Et cela alors que nous nous accordons tous pour considérer que les collectivités locales jouent un rôle crucial dans le développement des ports, d'autant plus qu'elles ont hérité d'un certain nombre de ports d'intérêt national et que nous gagnerions à oeuvrer à une future coopération entre les grands ports maritimes et les ports d'intérêt national.
La politique portuaire générale devrait viser un meilleur équilibre entre les ports en France. Nous sommes, je l'ai dit, très mobilisés en Loire-Atlantique autour du port de Nantes-Saint-Nazaire. Il constitue une richesse dont nous sommes pleinement conscients, non seulement en ce qui concerne l'activité propre, mais aussi et surtout pour ce qui est des effets induits, évalués à 2,7 milliards d'euros par an et à plus de 25 000 emplois dans la région.
En même temps, nous ne nous réjouissons pas de cette situation car nous voyons, comme d'autres, s'accroître le déséquilibre entre Le Havre et Marseille, d'une part, et les autres ports français, d'autre part. Cela n'a aucun sens pour nous de déshabiller Paul pour habiller Jacques.
Nous devrions au contraire faire bloc face aux autres ports de la façade nord de l'Europe car on sait que la congestion des trafics vers les ports du Nord de l'Europe pose des problèmes de sécurité maritime en Mer du Nord et qu'il y a une certaine absurdité à voir des conteneurs être débarqués en Belgique, en Hollande ou en Allemagne pour revenir en France souvent par la route, ou par le rail puis la route. Il serait tout de même plus logique qu'ils passent directement par la France, voire que des trafics intercontinentaux débarquent en France pour ensuite irriguer le centre de l'Europe ou l'Italie. Ce serait bien plus logique. Encore faudrait-il, encore une fois, une ambition claire en matière d'interconnexion des réseaux de transports terrestres avec nos ports.
Je souhaite ajouter un mot sur la question de l'environnement. Nous sommes inquiets, monsieur le secrétaire d'État, de constater qu'on délègue la gestion des espaces naturels sensibles, notamment dans les estuaires, à ces nouveaux grands ports maritimes, autrefois les ports autonomes, qui seront dirigés par un conseil de surveillance et un directoire où, justement, les représentants des associations de protection de l'environnement sont totalement absentes.
Je ne vous cache pas que l'absence totale de réaction de la part de la présidence ou de la direction du port autonome de Nantes-Saint-Nazaire lorsque s'est produite une fuite à la raffinerie Total qui a provoqué une marée noire dans l'estuaire de la Loire, limite la confiance qu'en matière d'environnement nous pouvons avoir dans les structures portuaires. Il nous paraîtrait plus logique, compte tenu, notamment, du travail du Conservatoire du littoral, de séparer les rôles. Nous présenterons des amendements allant dans ce sens. Pour nous, opposer le développement économique des ports et la protection de l'environnement dans les estuaires est dépourvu de sens.
Enfin, dernier point, le titre III concerne la situation des personnels, domaine dans lequel les syndicats sont aujourd'hui très présents dans les ports français. Si, pour nous, la logique du commandement unique ne paraît pas contestable, il y a une fois encore un problème de méthode. L'article 9 du projet de loi mentionne l'accord-cadre actuellement en négociation, qui doit présider au transfert des personnels. Comment valider, monsieur le secrétaire d'État, un accord-cadre par un projet de loi alors que la négociation est encore en cours ?
On peut estimer que ce projet n'aborde qu'un aspect du développement des ports français – et encore, à nos yeux, d'une façon très contestable. Changer le mode de décision et de gestion des ports autonomes est une chose, mais avoir une politique portuaire globale ambitieuse en est une autre. Nous attendons toujours – malheureusement – cette grande ambition maritime et portuaire dont la France aurait pourtant bien besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi dont nous devons débattre aujourd'hui a une grande ambition : celle de redonner à nos ports une place centrale en Europe et dans le monde. L'objectif est clair et ambitieux : augmenter de 3,5 à 10 millions le trafic de conteneurs d'ici à 2015 et créer 30 000 emplois sur l'ensemble de nos sept grands ports maritimes, notamment dans les activités de transport et de logistique.
Cette réforme apparaît aujourd'hui comme nécessaire tant notre potentiel est grand. La France bénéficie d'atouts géographiques incomparables que la grande majorité des pays d'Europe et du monde nous envient. Avec nos trois façades maritimes, notre territoire peut parfaitement aspirer, en termes de trafic maritime, à être parmi les premiers en Europe.
Nous bénéficions également d'un positionnement stratégique de nos ports au long de ces trois façades maritimes qui devrait nous permettre de réaliser des parts de marché beaucoup plus importantes qu'aujourd'hui – je pense notamment au port de Marseille, parfaitement bien situé pour capter la majeure partie de l'activité portuaire dans le bassin méditerranéen. De même, le port du Havre constitue la porte d'entrée de l'Europe pour les navires en provenance de l'Atlantique. Il bénéficie de dessertes ferroviaires et fluviales de même qualité que celles des ports européens de la façade Nord, et offre un accès nautique privilégié qui permet aux gros navires d'accoster à tout moment de la journée. Je pense également au port de Rouen.
En effet, je n'ai pas terminé.
De façon générale, les observateurs relèvent que les terminaux et les zones d'activité portuaire français ne sont pas saturés, contrairement à nos concurrents européens, qui réalisent de bien meilleurs résultats, mais qui souffrent de problèmes d'engorgement.
Malgré ces atouts et dans un contexte mondial de forte croissance des échanges maritimes, la concurrence directe notamment des ports du Nord de l'Europe est trop forte et les ports français souffrent d'un réel manque de compétitivité. La part de marché des ports français en Europe a chuté de 17,8 % en 1989 à 13,9 % en 2006. Dans le trafic européen des conteneurs, celles-ci sont passées de 11,6 % à 6,2 % pour la même période. Pis encore : dans certaines régions, les trafics des ports français sont presque totalement captés par les ports étrangers concurrents.
Les flux commerciaux à destination du territoire national sont en constante diminution. Les détournements de trafic au profit des autres ports européens sont estimés à environ 30 % des importations et des exportations françaises.
La situation de notre plus grand port est, à elle seule, révélatrice de ces lacunes. Le port de Marseille a perdu un tiers de sa part de marché depuis 1990 et est aujourd'hui distancé par les autres ports du bassin méditerranéen pour le trafic de conteneurs. Il est passé de la première à la onzième place entre 1985 et 2005.
Voilà pour le constat. Il est grave mais pas désespéré, tant il est vrai qu'il nous faut absolument trouver des solutions pour redresser une activité en expansion dans le monde et essentielle pour notre commerce extérieur. C'est l'objet de votre projet de loi et je vous en félicite, monsieur le secrétaire d'État.
Il me paraît tout d'abord impensable d'envisager un plan de relance des ports maritimes sans que nous nous occupions également de notre arrière-pays naturel et de la faiblesse de la desserte terrestre. L'amélioration de la gestion et de l'organisation des ports restera lettre morte tant qu'elle ne s'accompagnera pas de mesures concrètes et efficaces, visant à développer un véritable maillage d'infrastructures de transport de marchandises efficace et éco-responsable.
En France, l'essentiel des pré- et post-acheminements des ports se fait par la route et concerne un hinterland beaucoup trop restreint : 85 % du trafic portuaire est assuré par un nombre sans cesse croissant de poids lourds qui encombrent nos routes et ont un impact négatif sur l'environnement. Cette situation s'explique par la faiblesse des dessertes ferroviaires et fluviales, qui sont utilisées de façon extrêmement marginale.
L'ordonnance du 2 août 2005, qui donne compétence aux autorités portuaires pour construire et gérer les voies ferrées dans leur circonscription, devrait contribuer à améliorer le transport de marchandises par le rail, mais elle ne constitue pas une avancée suffisante.
La voie fluviale reste également trop faiblement utilisée, contrairement aux ports d'Europe du Nord qui disposent, il est vrai, d'un environnement plus favorable. Il n'empêche qu'il est aujourd'hui primordial d'améliorer la desserte de nos ports pour augmenter nos capacités d'acheminement, mais également pour respecter les engagements pris à l'occasion du Grenelle de l'environnement.
En proposant la création d'un conseil de développement au sein de chaque grand port maritime, le projet de loi que nous examinons propose une réponse à ce type d'exigences. Composé des représentants des milieux professionnels, sociaux et associatifs, ainsi que des collectivités territoriales, il permettra la représentation des associations de défense de l'environnement et des entreprises et gestionnaires d'infrastructures de transport terrestre. Il sera obligatoirement consulté sur le projet stratégique du port qui devra être compatible avec les orientations nationales en matière de dessertes intermodales.
Ce conseil pourra également émettre des propositions et demander que des questions soient inscrites à l'ordre du jour. La question de l'environnement prendra donc une place bien plus importante dans la stratégie de développement du port.
Par ailleurs, la possibilité qu'offre le texte de créer un conseil de coordination interportuaire destiné à assurer la cohérence du développement des grands ports maritimes sur une même façade maritime ou sur un même axe fluvial devrait également permettre de privilégier les dessertes fluviales et ferroviaires.
La deuxième avancée majeure de ce projet de loi consiste à mettre fin à une exception française singulière : l'absence de commandement unique dans les grands ports maritimes.
La réforme engagée en 1992 n'a pas été menée jusqu'à son terme et, aujourd'hui, seuls les dockers sont salariés des entreprises de manutention, les portiqueurs et les grutiers étant restés salariés de droit privé du port autonome.
Afin de leur rendre le rang qu'ils méritent, il est logique et essentiel que chaque établissement dispose de terminaux portuaires intégrés, qui maîtrisent l'ensemble des outils et de la main-d'oeuvre. Cette unité de commandement permettra un gain d'efficacité très important.
Le Nouveau Centre soutient donc…
…la nécessité de mettre en place, dans les ports français, des opérateurs de manutention pleinement responsables de cette activité, afin que les gestionnaires des ports se recentrent sur leurs missions régaliennes et d'aménagement.
Mais je souhaite rassurer les grutiers et les portiqueurs qui exercent un métier particulièrement pénible et difficile, et dont beaucoup voient dans ce plan de relance une menace pour la stabilité et les conditions d'exercice de leur métier. Le texte apporte des garanties en leur faveur, et j'y suis attaché. Ainsi, lors du transfert des agents d'un GPM vers des opérateurs privés, un accord collectif sera passé entre le président du directoire et les organisations syndicales, afin d'établir une liste de critères de transfert qui corresponde aux exigences de chaque port.
De plus, dans la limite de sept années après son transfert dans le secteur privé, un salarié victime de licenciement économique pourra demander à poursuivre son contrat avec le GPM par un nouveau transfert, après consultation des institutions représentatives du personnel de l'entreprise.
Je soutiens également l'amendement que le Gouvernement a déposé, lors de l'examen du texte au Sénat, et qui prévoit la mise en place d'une convention collective couvrant l'ensemble des activités de manutention, qu'elles soient exercées dans les ports ou dans les entreprises de manutention. Issue de négociations entre les partenaires sociaux des ports, elle devra être conclue avant le 30 juin 2009. Fidèle au principe de la liberté individuelle, le groupe Nouveau Centre se félicite de l'introduction de cette disposition dans le projet de loi, qui fait primer le contrat et la volonté des parties sur la règle de droit contraignante et impersonnelle. Cet amendement devrait répondre à beaucoup d'inquiétudes relatives au statut des manutentionnaires.
Je dirai un dernier mot sur la modernisation des règles de gouvernance des GPM. Actuellement, le partage des fonctions entre l'État, le port autonome et les entreprises privées est ambigu et nécessite d'être clairement réaffirmé. En outre, l'organisation actuelle des instances de gestion du port est pesante et ne permet pas de définir et de mettre en oeuvre une stratégie efficace.
Pour finir, je tiens à féliciter le Gouvernement qui a compris que cette réforme risquerait de rester vaine sans un soutien financier adéquat et qui s'est donc engagé à augmenter de façon substantielle les investissements publics pour la réfection et la réalisation de nouvelles infrastructures portuaires.
Parce que ce projet de loi nous semble équilibré et qu'il apporte un ensemble de réponses nécessaires à la relance de la compétitivité de nos grands ports maritimes, tout en offrant des garanties satisfaisantes aux personnels de manutention, le Nouveau Centre le soutiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis que nous ayons, aujourd'hui, à examiner ce texte. Il traduit en effet la volonté que le Président de la République, soucieux que les ports français puissent affronter la concurrence européenne, a exprimée dans son discours de Roissy, le 26 juin 2007. Très attendu par tous les professionnels, il est essentiel pour la filière portuaire.
En effet, le constat est cruel : 7,5 millions de conteneurs accèdent à notre territoire national, mais seulement 2 millions par les ports français. À l'heure de la mondialisation des échanges et alors que le marché mondial des conteneurs est en pleine expansion, la part de marché de nos ports est passée de 11,7 % à 6,2 %. Nous sommes au vingt-huitième rang mondial pour le tonnage. Les ports du Havre et de Marseille ne sont qu'aux cinquième et sixième rangs, derrière le port d'Anvers, notre voisin, et aux trente-sixième et soixante-dixième rangs des ports à conteneurs. Je n'oublie pas, bien sûr, les autres ports, notamment, monsieur Delebarre, celui de Dunkerque.
Après ce triple constat, on pourrait légitimement s'interroger : à quoi bon ? Le retard pris par rapport à nos concurrents du Nord de l'Europe peut-il se rattraper ? N'est-il pas trop tard ? Je ne le crois pas. Au contraire, nous avons aujourd'hui la possibilité de transformer en victoire ce que l'on peut considérer comme un certain échec. Nous avons en effet de la place, du potentiel et une position géographique stratégique, au centre de l'Europe.
Il faut savoir que 80 % du commerce international transite par la mer. Cent conteneurs transitant dans un port, c'est un emploi créé dans la logistique et le transport. Avec l'objectif de 10 millions de conteneurs en 2015, nous pouvons espérer créer 30 000 emplois. Quelles que soient les difficultés actuelles, l'évolution de l'économie mondialisée nous conduit à penser que les trafics internationaux et massifiés ont encore de beaux jours devant eux.
Notre objectif doit être de nous donner les moyens et les outils pour assurer la compétitivité de nos ports. Les grands ports européens connaissent des difficultés de saturation et de croissance. Les ports anglais, eux aussi, sont saturés et les ports français peuvent jouer un rôle important pour la desserte de ce marché au travers du tunnel sous la Manche et des liaisons ferries.
Vous le voyez, mes chers collègues, nous pouvons être optimistes, d'autant que, au travers de cette réforme portuaire, le Gouvernement a choisi la bonne méthode,…
…celle qui consiste à examiner la problématique dans sa globalité et à adjoindre à ces dispositions les moyens financiers qui ont si cruellement fait défaut ces vingt dernières années.
La réforme permettra des investissements complémentaires à l'achèvement de Port 2000, au projet Fos 3XL, aux extensions futures du port de Marseille. Aujourd'hui, il s'agit bien de remettre à plat un système qui a montré ses limites.
Vous l'avez constaté, ce texte s'articule autour de trois grandes séries de mesures.
Les ports autonomes qui porteront désormais le nom de « grands ports maritimes » vont voir leurs attributions recentrées sur les missions régaliennes d'aménageurs et de gestionnaires du domaine. La disparition du mot « autonome » signifie que les ports sortent de leur enceinte fermée : il me semble que c'est plutôt positif.
La clarification du rôle des acteurs publics et des acteurs privés est l'un des éléments clés de cette réforme. Conformément à l'objectif de doublement des dessertes non routières fixé par le Grenelle de l'environnement, les grands ports maritimes devront développer leur territoire, dont ils deviendront propriétaires de plein droit.
Nous attendons beaucoup de cette évolution, notamment en termes d'aménagement des dessertes terrestres par voies fluviales ou ferroviaires, car c'est à terre que se gagnera la bataille portuaire.
La faiblesse en infrastructures de l'arrière-pays industriel et logistique – l'hinterland – des ports français est un véritable obstacle à leur développement. Les voies de communication qui convergent vers nos ports doivent être rapidement améliorées, amplifiées, que ce soit par voie d'eau ou par fer.
Aussi est-il indispensable que soit créé un schéma national de desserte des ports, qui pourrait s'inscrire dans un CIADT, évoqué dans le rapport du Grenelle de l'environnement.
Deux chiffres permettront d'établir une comparaison avec les ports étrangers. La part du fluvial dans les ports de Rotterdam et d'Anvers représente 50 % du trafic, et celle des conteneurs 30 %. Pour les ports maritimes français, nous en sommes à 10 % en moyenne, toutes marchandises confondues, et à 8 % au maximum au Havre pour les conteneurs. L'investissement de l'écluse fluviale du Havre doit donc être une priorité. Sachez qu'une barge fluviale équivaut à 300 camions de vrac. Or M. Bordry m'a précisé que l'on pouvait augmenter de manière considérable le transport fluvial sur la Seine.
Ces aménagements indispensables, ces infrastructures, ces questions d'environnement, cette politique commerciale, tout cela sera retranscrit dans un projet stratégique. Cet outil est indispensable si nous voulons avoir une vraie visibilité, tant pour l'État que pour les collectivités territoriales. Nous ne pouvons que nous réjouir de voir le rôle de celles-ci s'accroître et l'importance de leur financement reconnue. Vous nous avez rassurés, monsieur le secrétaire d'État, les EPCI, les communautés urbaines ou d'agglomération, ne seront pas absents des conseils de surveillance. Comme ils ont la compétence économique, leur rôle est déterminant pour donner une valeur ajoutée en créant des espaces d'accueil d'entreprises. Les conteneurs arrivés sur le port ne doivent pas faire que passer.
La deuxième série de mesures est relative à la modernisation de la gouvernance des grands ports. Sur le modèle des grandes entreprises, il nous est proposé de mettre en place un conseil de surveillance, un directoire et un conseil de développement. Nous devons être attentifs à ce qu'un équilibre soit trouvé entre l'État, les collectivités territoriales, les salariés et les entreprises utilisatrices. N'oublions pas que ce sont elles qui connaissent parfaitement les marchés et qui créent la richesse et l'emploi.
Aussi, je me réjouis de l'amendement du Sénat qui permet au monde économique et aux chambres consulaires d'être présents dans le conseil de surveillance.
Autre élément important, le Gouvernement a perçu l'intérêt majeur de faire se concerter les ports d'une même façade maritime ou d'un même axe fluvial. À défaut d'avoir pu retenir quatre grands ports maritimes français, il est essentiel qu'une vraie coordination se mette en place. Nous ne pouvons assister impuissants à une concurrence absurde, à des demandes d'investissements identiques, comme nous l'avons vu trop souvent.
La complémentarité et la mutualisation des moyens doivent être recherchées. J'irai même plus loin en espérant qu'une coordination puisse s'établir avec les ports départementaux et régionaux issus de la décentralisation.
J'en arrive à la dernière série de mesures, qui concerne la réorganisation et la rationalisation de la manutention.
Je vous l'ai dit tout à l'heure, il était essentiel de clarifier le rôle des acteurs publics et des acteurs privés. L'éclatement des responsabilités que nous connaissons en France sur les terminaux portuaires entre dockers et grutiers n'existe plus dans la plupart des ports du monde. Un terminal portuaire dans le domaine des conteneurs doit être capable de décharger et charger 2 000 boîtes en quelques heures, ce qui est extrêmement complexe en termes d'organisation. L'armateur ne doit plus à avoir à s'adresser à deux interlocuteurs pour la manutention.
Le temps des navires à quai et donc le temps de déchargement et de chargement est aujourd'hui déterminant dans le choix d'une escale. Cet élément est crucial alors qu'actuellement sont en construction des porte-conteneurs pouvant transporter 15 000 boîtes.
C'est pourquoi nous tenions, à l'instar de ce qui se fait dans l'Europe entière, à la mise en place d'opérateurs de terminaux intégrés qui auront autorité sur l'ensemble de la main d'oeuvre et des outils. À ce sujet, permettez-moi de saluer le Gouvernement qui, depuis le lancement de cette réforme, a choisi la voie du dialogue et de l'écoute et pris l'engagement que « personne ne serait laissé sur le bord du quai ».
Pourtant, comme en 1992, des inquiétudes se sont manifestées de la part des agents concernés par cette réforme, mais je ne doute pas que les partenaires sociaux arriveront à conclure, d'ici au 31 octobre 2008, un accord-cadre. En effet, il est prévu de laisser aux salariés la possibilité d'un retour pendant sept ans, grâce à un amendement du Sénat, en cas de licenciement, et de garantir le maintien du salaire. Toutes les inquiétudes semblent désormais levées.
Pour tout vous dire, j'espère même que cet accord interviendra le plus rapidement possible car aujourd'hui, sur le port du Havre que je connais bien, on constate une perte d'activité de l'ordre de 35 % à 40 % et, sur Marseille, la perte serait de près de 50 %, avec toutes les conséquences que vous pouvez imaginer.
Si je comprends les inquiétudes, je mesure également l'impérieuse nécessité de cette unité de commandement.
Quant au transfert des outillages, chers collègues, vous le constaterez, il n'est pas question de remplacer un monopole public par un monopole privé, comme je l'ai entendu ici ou là. Les opérateurs économiques locaux seront privilégiés et, à défaut d'initiative privée, les ports pourront agir par l'intermédiaire de filiales, dont ils seront majoritaires.
Une grande souplesse a également été souhaitée par le Gouvernement pour ces transferts puisque les grands ports maritimes disposeront d'un délai de deux ans après l'adoption de leur projet stratégique.
En conclusion, mes chers collègues, le groupe UMP se réjouit de cette réforme qui, je le répète, est très attendue. Il espère pouvoir constater rapidement les effets de sa mise en place. Permettre à nos grands ports français de retrouver le peloton de tête qu'ils n'auraient pas dû quitter au regard de notre situation stratégique en Europe, voilà une vraie ambition. C'est pourquoi le groupe UMP votera ce texte essentiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, j'ai une requête à vous présenter de la part de mes collègues qui, comme chacun ici, s'intéressent éminemment au dossier portuaire.
Monsieur le président, vous allez sans doute lever la séance quand j'en aurai terminé. Or le match France-Italie ne commence que dans quarante-cinq minutes, et le secrétaire d'État nous a invités à partager son buffet.
Avec un téléviseur ! (« Ah ! merci ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous avons la réponse à la question que nous nous posions. Voilà, monsieur le secrétaire d'État, une contribution intelligente au débat ; ne vous étonnez pas si je vous en demande quelques autres dans mon intervention.
Ministre des transports et de la mer du gouvernement de Michel Rocard – excusez-moi de faire un point d'histoire –, j'initiais la réflexion qui, au terme d'une longue période de gestation, devait déboucher sur la réforme de la manutention portuaire adoptée au printemps 1992.
Jean-Yves Le Drian et Charles Josselin, qui se succédèrent au secrétariat d'État à la mer, eurent la lourde charge d'élaborer un projet de loi difficile, dans un contexte économique et social particulièrement tendu. Bon nombre de ports, celui de Dunkerque plus que d'autres encore, compte tenu de sa confrontation permanente à la plus forte concentration portuaire européenne – Rotterdam, Anvers, Zeebrugge – subissaient la désaffection de leurs clients par manque de fiabilité et de compétitivité. Le constat était alarmant, mais les orientations à prendre pour tenter d'inverser la tendance ne faisaient pas l'unanimité. Les résistances étaient fortes, y compris, parfois, dans les rangs de la majorité d'alors.
L'organisation de la manutention de 1947 devait être revue, non pas par idéologie, mais parce que la profession de docker avait profondément changé, de par la nature des tâches elles-mêmes, leur organisation, leur technicité et, bien sûr, parce que le rythme des escales et les exigences des clients avaient évolué, et elles évoluent encore. La réforme a eu un prix, mais c'était un investissement stratégique pour préparer l'avenir.
L'avenir, nous avons, collectivement, trop tardé à nous en préoccuper. La réforme de 1992 devait être une étape, pas une finalité.
Or, à l'exception d'un décret pris par le gouvernement de Lionel Jospin en 1999, qui autorisait la mise en place de conventions d'exploitation de terminaux à travers le rapprochement d'acteurs publics et privés, prémices du « commandement unique » que propose aujourd'hui le Gouvernement, peu d'initiatives visant à amplifier le mouvement de réforme engagé en 1992 ont été prises.
L'unicité de commandement constitue l'un des objectifs premiers du projet de loi dont nous débattons aujourd'hui. Force est de constater que, exception faite de l'expérience menée dès 1999 à Dunkerque sur un puis deux terminaux et, plus récemment, mais sous une forme différente, sur les quais de Port 2000 au Havre, aucun des autres ports nationaux, à l'exception de Saint-Nazaire, n'est parvenu à tirer profit de ce que le décret de 1999 leur permettait de faire. Pourtant, bien plus que le concept de commandement unique, dont chacun s'accorde à dire qu'il est nécessaire, ce sont les modalités de sa mise en oeuvre qui font débat.
Si la méthode idéale, uniformément applicable dans tous les ports, n'existe vraisemblablement pas, je peux néanmoins témoigner de la réussite de l'expérience dunkerquoise.
Je ne m'étendrai pas sur les statistiques de trafics de l'un et l'autre des deux terminaux concernés car, si leur exploitation sous commandement unique constitue un élément important de leur développement, bien d'autres facteurs extérieurs peuvent venir impacter leur activité. Je précise cependant que, sur le terminal à pondéreux, les volumes manutentionnés ont progressé de 50 % depuis la mise en place du nouveau mode d'exploitation, apportant ainsi la preuve que l'unicité de commandement est davantage un atout qu'un frein. Je tiens en revanche à m'arrêter sur deux éléments de bilan qui illustrent pleinement le bien-fondé du passage au commandement unique.
Sur le plan de la productivité, tout d'abord : pour les deux terminaux, les gains sont réels. La professionnalisation des personnels et leur polyvalence ont permis de supprimer les temps morts et, par conséquent, d'accroître le temps de travail effectif. Ainsi, alors que près de dix-huit heures travaillées étaient nécessaires à la manutention de mille tonnes de pondéreux en 1997, à peine plus de dix le sont aujourd'hui. Il en va de même pour les conteneurs, où le nombre d'heures travaillées nécessaires à la manutention d'un « équivalent vingt pieds » est passé de 2,7 en 1997 à 1 aujourd'hui ! Il importe de préciser que tout cela s'est mis en place sans heurts, dans un climat social apaisé et que, sur la centaine d'agents du port autonome transférés vers des entreprises de manutention, seuls deux ont souhaité réintégrer l'établissement public.
Sur le plan des investissements, ensuite : il est indéniable que la création des opérateurs unifiés en a accéléré le rythme et, probablement, le volume. Aussitôt le transfert de l'outillage et des personnels réalisé, les entreprises ont déclenché effectivement des investissements. Sur le terminal à pondéreux, par exemple, pas moins de 40 millions d'euros ont été investis au cours des deux premières années. Et le même scénario s'est produit sur le terminal à conteneurs. Ainsi, un peu plus de 120 millions d'euros ont été déboursés par le secteur privé pour l'acquisition de portiques, de grues et autres engins de manutention terrestres, depuis que les opérateurs unifiés ont vu le jour.
Alors oui, à la lueur de l'expérience que j'ai vécue à Dunkerque, je pense pouvoir dire que le commandement unique est un élément important de la relance de l'activité des ports. Pour autant, je le répète, je ne prétends pas que les recettes dunkerquoises soient bonnes pour tous. Laissons à chaque place portuaire la possibilité d'employer les voies et moyens qui lui conviennent. Que le Gouvernement prenne garde d'ailleurs à ne pas rendre les règles du jeu trop restrictives. Les ports sont de taille différente, ils ont des spécificités historiques, territoriales, économiques ou sociales qui leur sont propres. Ce qui est vrai à Dunkerque ou à Marseille ne l'est pas forcément à La Rochelle ou à Bordeaux. On ne bâtit pas une politique portuaire sur de la théorie, mais sur les réalités de l'économie maritime telle qu'elle se vit dans la diversité de nos ports.
Le concept du commandement unique que promeut ce projet de loi n'est donc pas un problème à mes yeux, même si certains aspects de sa mise en oeuvre, cela a été dit, peuvent susciter l'interrogation, notamment en ce qui concerne les modalités du transfert de l'outillage et des personnels.
Ce ne sont pas non plus les évolutions proposées en matière de gouvernance, de coopération interportuaire ou l'extension du périmètre d'intervention des établissements portuaires qui, demain, pourront investir au-delà de leur circonscription dès qu'ils y auront intérêt.
Non, ce qui pose problème aujourd'hui – excusez-moi, monsieur le secrétaire d'État – c'est l'absence manifeste d'une véritable politique portuaire. À quoi bon faire un Grenelle de l'environnement pour, quelques mois plus tard, présenter un projet de loi sans souffle, sans ambition, déconnecté des grands enjeux de la problématique des transports en Europe et dans notre pays ? Les ports ne sont-ils pas un maillon essentiel de la chaîne des transports et, par conséquent, déterminant dans la définition d'une politique de développement durable digne de ce nom ? Où est donc la transversalité ?
Comme ce fut déjà le cas lors de la décentralisation des ports d'intérêt national en 2005, aucune réflexion de fond préalable n'a été menée. Il n'était pas question à l'époque de s'opposer au principe de la décentralisation, mais sur quelles bases, sur quels critères ? Il eût été nécessaire, à l'échelon national, de poser le problème en termes d'aménagement du territoire et de politique des transports. Quelles motivations, monsieur le secrétaire d'État, ont-elles pu conduire le gouvernement d'alors à créer précipitamment, et en dehors de toute concertation, un nouveau port autonome à La Rochelle dans les tout derniers jours de décembre 2004 ? Je me suis interrogé.
Je vais vous répondre.
Je suis arrivé à la conclusion suivante : si l'accession de La Rochelle au rang de port autonome apparaissait justifiée – vous voyez que j'ai fait un effort –…
Pas suffisamment !
…au regard de son volume d'activité, de son potentiel de développement et dans la perspective d'une mise en synergie avec Bordeaux et Nantes-Saint-Nazaire – vous voyez, j'ai appris ma leçon…
…et je joue presque votre rôle – pourquoi donc ne pas avoir examiné de la même manière le cas de chacun des vingt-deux autres ports d'intérêt national avant de s'en désengager ?
N'est-il pas pour le moins surprenant que l'État ait abandonné un port comme Calais ? Deuxième port de voyageurs d'Europe, premier pour les échanges commerciaux entre le continent et le Royaume-Uni, ce port n'est-il pas d'intérêt national ? Et Boulogne-sur-Mer, monsieur le secrétaire d'État, premier port de pêche français, principale plate-forme de traitement et de valorisation des produits de la mer, n'est-il pas, lui aussi, d'intérêt national ? N'y avait-il pas là matière à faire, avec Dunkerque, un grand pôle portuaire au nord de la France, à l'image de ce qui se dessine sur la façade Atlantique ? On a vraiment le sentiment que le Gouvernement ne s'est pas posé la question.
En 2005, l'État s'est délesté de ses ports d'intérêt national, aujourd'hui, il déleste ses ports autonomes de leur manutention. Cela peut paraître réducteur mais, finalement, qu'y a-t-il d'autre dans ce projet de loi que le transfert des opérations de manutention au secteur privé ?
Je fais quasiment du Daniel Paul dans le texte.
L'unicité de commandement sur les terminaux, dont j'ai dit d'ailleurs tout le bien, à la différence de Daniel Paul, est un indéniable facteur de redynamisation de nos ports, mais ce ne peut être une finalité !
Quels sont les objectifs que se fixe la France pour le développement de ses ports à l'échéance de dix ou quinze ans ? Quels moyens financiers seront dégagés pour permettre à chaque place portuaire de mener à bien ses projets ?
Le système portuaire français a en effet besoin d'une stratégie de développement et de moyens.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, sur la base de l'analyse que je viens de vous présenter, j'aurais aimé, je suis sincère, pouvoir m'abstenir sur ce projet de loi – je me voyais déjà sénateur. (Sourires.)
Ça viendra !
J'aurais souhaité pouvoir convaincre mes collègues de la justesse de cette position et, pourtant, je comprends l'appréciation négative qui a dominé nos débats au sein de notre groupe.
Cela a déjà été dit, et cela sera répété par d'autres orateurs, monsieur le secrétaire d'État, il y a encore trop d'incertitudes, trop d'inquiétudes. Bon nombre d'amendements répondaient à cet objectif. Encore eût-il fallu que nous puissions les examiner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Est-il opportun de consacrer l'évolution de la manutention en rendant impossible la présence de représentants de celle-ci au conseil de surveillance des ports réformés ?
Est-il judicieux de reconnaître le rôle des collectivités territoriales et le partenariat souhaité avec elles sans leur permettre de retrouver une partie de leurs apports lorsque les biens – foncier ou équipements – réalisés par l'ex-port autonome avec leur concours font l'objet d'une vente ? Ne pourrait-on pas décider, une fois pour toutes, que les produits d'une transaction faite par l'autorité portuaire ou les dividendes obtenus, pour ce qui concerne l'État actionnaire, du fait de résultats positifs, seront réinvestis au service de l'avenir du port, les collectivités territoriales et l'État abandonnant leur éventuelle « récupération » financière ? Cela deviendrait une forme de prime aux résultats ou à une meilleure gestion. Cela serait un complément positif à votre réforme.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, vous annoncez un comité interministériel prochain pour arbitrer sur les investissements indispensables à l'avenir de nos ports.
C'est bien, mais les chiffres envisagés au menu de ce comité interministériel sont tragiquement insuffisants pour répondre à la mesure des demandes qui doivent impérativement s'apprécier port par port. Quand on voit les investissements réalisés dans les places portuaires qui sont directement concurrentes dans le Nord de l'Europe de nos sites portuaires, je crains que nous ne soyons en dessous de la ligne de ce qui serait nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il importe également que ce comité interministériel puisse se prononcer sur les investissements que feront la SNCF, RFF et Voies navigables de France,…
…c'est-à-dire sur tout ce qui peut concourir à l'amélioration des relations entre nos ports et leur hinterland. Cet enjeu est essentiel et directement complémentaire de la réforme que vous proposez.
Monsieur le secrétaire d'État, c'est sur le défi d'une grande politique portuaire que nous souhaiterions pouvoir vous juger et nous vous apprécions tellement que nous aimerions vous voir réussir. Mais, pour cela, encore faudrait-il que l'État consacre des moyens suffisants, bien supérieurs à ceux qui sont envisagés ! Encore faudrait-il que ce débat intéresse toute la représentation nationale ! Sans doute n'y êtes vous pour rien, mais quel dommage ! L'enjeu qui nous rassemble est plus qu'une grande cause nationale. C'est, à mes yeux, l'un des points de passage obligé pour le développement économique de la France en Europe. C'est formidable de pouvoir y contribuer, mais faites encore un effort ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui est indispensable. Cette réforme est nécessaire. Elle est urgente. Pourquoi ?
Parce que le statut des ports autonomes date de 1964, qu'il est obsolète et qu'il est indispensable de relancer la compétitivité de nos ports. Comme l'a déclaré le Président de la République, en juin 2007, « leur organisation d'un autre siècle, ça va changer ».
Parce que la France est un grand pays maritime qui possède trois façades maritimes. Nous devons donc valoriser ce potentiel sachant que les taux de croissance des ports français sont très faibles en comparaison de ceux de nos principaux voisins européens.
Vous n'êtes pas sans savoir que la logistique est un atout clé du développement et que le commerce mondial a augmenté depuis quinze ans deux fois plus vite que la production mondiale, signe de l'interpénétration croissante des économies. Dans ce contexte, plus de 80 % des marchandises circulant aujourd'hui sur la planète transitent par mer.
Les trafics de conteneurs ont crû régulièrement de 10 % en Europe sur les dix dernières années, soit un doublement tous les sept ans. Faut-il pour autant rappeler la douloureuse réalité ? L'exemple de Marseille-Fos est criant : ce port est passé de la vingt-quatrième place mondiale à la quatre-vingt-quatrième pour les trafics de conteneurs, de la sixième européenne à la vingtième et de la première en Méditerranée à la onzième, et cela en moins de vingt ans.
Nous devons reposer les éléments du diagnostic de cet échec en commençant par le manque de fiabilité et de compétitivité. Ce manque de fiabilité est chronique, qu'il soit social, avec des grèves à répétition, ou technique. Par exemple, entre 2000 et 2004, une escale sur cinq de navires porte-conteneurs a fait l'objet d'un incident sur le port de Marseille.
Soulignons l'insuffisance de cette compétitivité avec des performances médiocres sur certains trafics « phares ». Les coûts de passage sont un tiers plus cher que chez nos voisins européens. Regardons la productivité de l'escale et faisons des comparaisons sur la performance : Marseille affiche 20 mouvements par heure d'escale et Fos 50, contre 90 mouvements pour le terminal Port 2 000 du Havre. Pour Hambourg, c'est de 110 à 150 mouvements, et il y a des pointes à plus de 200 à Shanghai.
Nous sommes dans l'incapacité d'inspirer la confiance dans la fiabilité et l'efficacité opérationnelle. Voilà le terrible constat. Il nous faut donc absolument cette réforme. En quoi consiste-t-elle ?
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez articulé votre projet autour de quatre axes essentiels.
Recentrer les missions pour des ports plus compétitifs : les ports seront recentrés sur leurs missions d'aménageur et de gestionnaire du domaine. Ils n'interviendront plus dans les activités de manutention. Les activités de manutention portuaire vont passer sous le contrôle d'opérateurs privés, comme cela a été le cas pour les dockers en 1992, non sans douleur, particulièrement à Marseille. M. Delebarre et M. Le Drian ne sont pas allés jusqu'au bout. Il leur manquait l'ambition collective nécessaire pour la communauté portuaire, mais, parallèlement, M. Le Drian a payé très cher, sur le plan électoral, son engagement, puisqu'il a été laminé par ses camarades. L'objectif, dans le recentrage de ces missions, est de doubler la part de marché des transports ferroviaire et fluvial dans la desserte des ports.
Vous voulez aussi mettre en place un commandement unique pour les activités de manutention afin d'améliorer la productivité, de développer l'investissement privé et de rétablir la confiance des clients des ports – armateurs et chargeurs.
La réforme vise également à moderniser le mode de gestion pour une meilleure réactivité afin de moderniser une gouvernance qui date de 1964 et à optimiser la coordination entre les ports pour plus d'efficacité.
Bien sûr, cela suscite des craintes légitimes, mais qui ne justifient pas les grèves actuelles. En effet, fort du diagnostic, votre projet de loi est l'aboutissement d'une large période de concertation qui a compté plus de cent réunions et des rencontres avec l'ensemble des acteurs économiques de chaque port, les principaux élus concernés et les organisations syndicales.
Rappelons qu'il ne s'agit pas d'une privatisation. Les grands ports maritimes seront des établissements publics d'État, comme le sont actuellement les ports autonomes.
Le projet de loi vise à moderniser nos ports : le passage des activités de manutention portuaire et des personnels qui y travaillent sous le contrôle d'opérateurs privés a pour but la mise en place d'un commandement unique du propriétaire sur ces terminaux, condition sine qua non d'une compétitivité nouvelle. Il s'agit de poursuivre la réforme engagée en 1992, mais ce commandement unique doit permettre à la France de traiter, d'ici à dix ans, 10 millions de conteneurs par an contre 3,5 millions en 2007, et de créer dans le même temps 30 000 emplois.
Et si les agents concernés par les transferts sont inquiets, nous devons les rassurer en leur rappelant qu'ils sont à l'heure actuelle des salariés de droit privé des ports autonomes. Ces agents vont changer d'employeur mais pas de statut ! Pour les personnels transférés, vous avez même prévu une clause de retour pendant sept ans pour le salarié en cas de difficultés économiques de l'entreprise dans laquelle se poursuivent les contrats de travail.
La loi prévoit l'ouverture de négociations, qu'il faudra conclure avant le 31 octobre 2008. À défaut d'accord, elle s'imposera. Et nous, les responsables politiques, vous nous rassurez en donnant une cohérence à l'organisation des ports et à la relance de leur compétitivité.
Sur le plan financier, la réforme prévoit, en complément des contrats de projets 2007-2013, un programme d'investissement sans précédent !
L'État va doubler sa participation pour la période 2009-2013. Au total, les investissements atteindront 2,69 milliards d'euros, dont près de 500 millions à la charge de l'État.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons cette réforme urgente et nécessaire pour notre pays, nos villes portuaires, et le port de Marseille-Fos. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le secrétaire d'État, le texte soumis à notre appréciation nous est présenté comme un texte de modernisation. Ne le nions pas, il comporte, particulièrement dans son article 1er, des éléments novateurs qui pourraient se révéler porteurs d'avancées pour nos ports. C'est le cas, par exemple, de la possibilité nouvelle offerte aux ports d'investir désormais hors de leur circonscription, ou encore de la nouvelle proposition de gouvernance, organisée en directoire sous le contrôle d'un conseil de surveillance, accompagné d'un conseil de développement. Il en est de même de l'établissement rapide d'un projet stratégique déterminant les grandes orientations et les modalités d'action du port, ainsi que de la volonté de coordonner l'action des ports d'une même façade maritime. Mais là s'arrêtent les mérites de votre texte !
Car, même si le principe de l'unicité de commandement sur les terminaux portuaires n'est pas en soi scandaleux et qu'il aurait pu faire l'objet d'un certain consensus, y compris avec les organisations syndicales, votre précipitation – l'urgence déclarée sur le texte en témoigne – compromet lourdement la réussite de la réforme indispensable de nos ports. C'est en effet un projet bâti à la hâte qui nous est présenté, tant nombre de dispositions demeurent imprécises.
Quelques rappels tout d'abord.
La bataille des ports se gagne à terre, chacun le sait, et nos ports sont trop peu et trop mal reliés à leur hinterland. Si les parts de marché de nos ports nationaux sont à la baisse, comme chacun le sait aussi, c'est avant tout du fait d'un sous-investissement chronique de l'État.
Barcelone, Gênes, Anvers et bien sûr Rotterdam ou Shanghai ont bénéficié d'investissements sans commune mesure avec ceux de nos ports. Bien évidemment, les collectivités locales ont dû pallier massivement ces insuffisances. Elles sont régulièrement appelées en financement, tant pour les ports autonomes que pour les ports d'intérêt national. Et la situation qui se dessine après votre projet de loi n'augure rien de bon pour elles. J'ai noté que certains de nos collègues UMP préparaient un « Livre noir des collectivités locales ». Celles-ci sont d'ailleurs régulièrement désignées par le Gouvernement comme responsables de l'endettement actuel de notre pays. Il faut quand même un certain cynisme pour pratiquer ainsi lorsque l'on mesure les charges que chaque jour vous faites peser sur elles ! Et votre projet est à ce titre un exemple éloquent.
Vous prévoyez d'exonérer totalement de taxe professionnelle pendant deux ans, puis progressivement les trois années suivantes, les sociétés privées qui se porteront acquéreur de l'outillage portuaire. Outre les conditions trop peu définies dans lesquelles cette cession s'exercera – vous ne prévoyez qu'une vague commission d'évaluation des actifs cédés –, rien n'est prévu au profit des collectivités en termes de compensation de cette exonération de taxe professionnelle. En revanche, on entend dire, de-ci, de-là, qu'en cas de difficultés de l'un des opérateurs intervenant sur un terminal portuaire, il ne lui serait pas impossible de solliciter le soutien des collectivités.
En clair, vous privatisez à la hâte, dans des conditions d'opacité telles qu'elles génèrent un risque de monopole sur les terminaux portuaires. Et, dans le même temps, vous mettez les collectivités locales dans la situation d'avoir à soutenir une activité portuaire, un peu comme elles sont trop souvent tenues de le faire avec certaines lignes low cost sur certains aéroports – je suis sûr que cela rappelle quelque chose à certains d'entre nous ! Car vous n'excluez pas que l'on puisse demander aux opérateurs de s'engager sur des trafics. Mais qui sera sollicité en cas de pression d'opérateurs qui feront monter les enchères pour amener de nouveaux trafics, sinon les collectivités locales ? Et comment y résister ?
Votre projet de loi reste silencieux, voire discret sur tous ces points. Et alors que nous savons tous que la hauteur des investissements réalisés par les entreprises est la meilleure garantie de leur implication durable, les conditions de cession des actifs portuaires, trop floues au regard de ces enjeux, ne sont pas de nature à nous rassurer.
D'ailleurs, s'agissant d'actifs très souvent financés par les collectivités territoriales, j'observe que rien n'est prévu comme clause de retour financier à leur profit, alors même que votre projet de loi prévoit expressément le versement de dividendes de la part des grands ports maritimes à l'État.
Monsieur le secrétaire d'État, ces quelques exemples montrent bien combien ce projet bâti à la hâte, voté dans l'urgence, ne peut répondre à la situation dans laquelle se trouvent nos ports aujourd'hui. Certes, les sénateurs ont pu améliorer le texte, en particulier au regard du statut des personnels transférés.
D'autres orateurs ont excellemment évoqué le problème social ou le feront encore. Je n'y reviendrai donc pas dans le court laps de temps dont je dispose.
Nous déposerons, bien sûr, des amendements visant tant à garantir les droits des personnels transférés qu'à protéger les finances locales du désengagement croissant de l'État dans le financement de nos grandes infrastructures. Mais le sort que leur a, d'ores et déjà, réservé la commission des affaires économiques ne nous rassure pas sur leur avenir.
Vous comprendrez donc que nous abordions ce texte trop vite conçu, trop mal préparé et sans doute, demain, trop vite voté, avec les plus extrêmes réserves, et le sentiment que nous avons manqué l'occasion d'offrir à nos ports les moyens de se développer.
En résumé, défaut d'investissement à terre en matière de pré- et de post-acheminements, insuffisance des investissements prévus sur le domaine portuaire lui-même, conditions de cession des actifs marquées du sceau de l'opacité, avenir des personnels transférés trop incertain, absence de représentation réelle des personnels de manutention, recours d'ores et déjà programmé à l'investissement massif des collectivités locales, que vous stigmatisez par ailleurs : voilà déjà six bonnes raisons de s'opposer au texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous pouvons tous nous rejoindre sur un constat : malgré l'augmentation constante du trafic portuaire européen depuis le début des années quatre-vingt-dix, les parts de marché des ports français n'ont cessé de se réduire, notamment pour le trafic conteneurs, qui est pourtant le segment le plus dynamique. Parallèlement, l'activité de nos voisins et concurrents européens s'est, elle, puissamment développée, au point qu'on ait malheureusement pu présenter Anvers comme « le premier port français ».
Si nous nous accordons sur le constat, nous divergeons pourtant lorsqu'il s'agit de diagnostiquer les causes de cette détérioration, ou plutôt nous n'identifions pas les mêmes priorités. Monsieur le secrétaire d'État, vous faites du commandement unique, de la gouvernance, de la coopération interportuaire les seuls remèdes à administrer à nos ports et la seule ordonnance pour soigner leur manque de compétitivité.
Mais le plan de relance des ports et la somme que vous prévoyez d'y affecter ne sont pas au niveau des investissements réalisés ailleurs en Europe, et je ne peux pas croire qu'il soit suffisant à vos yeux. Nous attendions plus. Les ports autonomes, comme les ports nationaux, attendaient plus. Les personnels portuaires attendaient plus et surtout mieux. Cette réforme n'est pas à la hauteur des enjeux économiques et sociaux qu'elle représente pour notre pays.
Prenons la gouvernance – ce mot refuge que le Gouvernement agite comme une potion miracle, qu'il s'agisse d'hôpitaux, d'universités ou de ports.
S'agissant de la gouvernance des ports, vous instaurez un directoire dont la composition reste particulièrement floue. Quant au conseil de surveillance, vous en excluez les représentants du personnel manutentionnaire, bien que ceux-ci, transférés aux entreprises privées, conservent une voix participative dans l'entreprise portuaire et interviennent dans ses décisions stratégiques. Vous refusez que nous partagions des responsabilités dans la désignation des personnalités qualifiées.
Je vous rappelle que nos amendements ont été refusés !
Vous instaurez, entre l'État, le port et les collectivités territoriales, un contrat pluriannuel. Celui-ci « a pour objet de préciser les modalités de mise en oeuvre du projet stratégique dans leurs domaines de compétences respectifs. Ce contrat porte également sur la politique de dividendes versés à l'État ». Mais j'ai envie de vous dire d'aller jusqu'au bout, monsieur le secrétaire d'État, afin de donner toute leur autonomie aux ports. Ainsi, en matière de dividendes portuaires, il est particulièrement dommageable que, tous les ans, ils aient à restituer à Bercy leur excédent budgétaire. Cette loi, qui vise à les doter d'un nouveau dispositif de gouvernance, devrait leur permettre de disposer de la réalité des marges de manoeuvre nécessaires. J'espère que nous pourrons y revenir au cours du débat.
Venons-en à la question des personnels et de leur transfert aux entreprises privées. Un commandement unique simplifierait la coordination entre dockers, grutiers et portiqueurs. Soit ! Pourtant, les conditions du transfert ne sont pas satisfaisantes, mes collègues ont eu l'occasion de le signaler. Négociation terminal par terminal, conséquences incertaines sur l'emploi, risque de formation de monopoles en matière de manutention, les zones d'ombre sont nombreuses. Et ne parlons pas de l'illusion que constitue le droit de retour : sa durée a, certes, été allongée à sept ans par le Sénat, mais comment faire valoir un droit de retour vers une activité qui n'existe plus ? Les personnels sont légitimement inquiets. Les amendements que nous avons proposés auraient pu leur offrir des garanties qui les auraient rassurés.
Le texte prévoit le transfert des outillages vers le privé. Les outillages suivent les personnels ou les personnels, les outillages, comme on voudra. Les entreprises seront incitées à l'achat par la perspective d'un abattement fiscal pendant deux ans. En l'espèce, il s'agit de la taxe professionnelle, qui, Maxime Bono l'a rappelé, ne représente, à vous en croire, qu'une part « négligeable » du volet « recettes » du budget des collectivités territoriales. Encore celles-ci ont-elles bien souvent participé à l'achat, dans une proportion parfois importante. Dès lors, vous comprendrez que nous vous demandions quelques garanties. La moindre des choses serait de compenser tant les investissements passés que les exonérations proposées.
De même, les collectivités, qui ont parfois cédé le foncier à titre gracieux, devraient aujourd'hui le racheter pour leurs propres opérations d'aménagement urbain.
Plusieurs passages du texte auraient mérité d'être amendés. Les moyens consacrés à l'investissement de nos ports ne sont pas à la hauteur de ce que nous attendions, pas plus qu'ils ne correspondent aux engagements pris par les collectivités territoriales dans les contrats de projets État-régions.
Aujourd'hui, les régions sont largement sollicitées. Dans le port de Rouen, qui est celui que je connais le mieux, la région, le département et l'agglomération financent à plus de 57 % les opérations du contrat de plan État-région. Mais les collectivités ne sont pas des distributeurs automatiques de billets fournis par des contribuables intarissables. Leurs efforts doivent être reconnus et soutenus.
C'est pour cela, monsieur le secrétaire d'État, que notre déception est grande : nous n'aurons pas l'occasion d'améliorer le texte avec vous, au terme d'échanges et d'un débat de qualité sur les amendements que nous avons proposés – en même temps que certains de nos collègues de l'UMP –, et de nous doter ainsi d'une ambition collective sur la politique portuaire nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le secrétaire d'État, mes premiers mots seront pour vous remercier, vous et vos collaborateurs, du travail que vous avez accompli depuis un an, et dont le résultat peut enfin se concrétiser dans cet excellent projet de loi.
En juillet 2007, c'est avec raison que le Président de la République a souhaité que le Gouvernement réforme le statut de nos ports. Il me paraît inutile d'insister sur le constat ayant conduit à une telle décision. Mais on peut s'interroger à juste titre sur la compétitivité des ports français, quand on sait que l'ensemble des sept grands ports de notre pays réalise 22 millions de tonnes de moins que le seul port de Rotterdam.
Le premier port français, Marseille, qui était en 1985 le premier port européen pour les conteneurs, est passé à la onzième place en 2005.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est incroyable !
Quant à notre productivité, il suffit de comparer les résultats d'un portique du port de Marseille, qui assure 46 000 mouvements par an, à ceux de Valence, qui en assurent 76 000, ou d'Anvers, qui en sont à 100 000 ou 150 000.
Les causes de notre manque de compétitivité sont multiples, depuis la faiblesse constante des investissements de l'État jusqu'à la mauvaise organisation de la manutention, en passant par les grèves à répétition qui, chaque jour, découragent un peu plus les clients. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est pourquoi on ne peut que se réjouir du projet de loi sur la réforme portuaire proposé par le Gouvernement. À cet égard, je me contenterai de quelques commentaires.
Commençons par la gouvernance. La future organisation autour d'un directoire, d'un conseil de surveillance et d'un conseil de développement constitue un progrès très sensible par rapport au régime actuel, même si, personnellement, j'aurais préféré une organisation plus audacieuse que l'établissement public, qui aurait autorisé la désignation du président du directoire par le conseil de surveillance, afin qu'il soit le plus indépendant possible de l'État.
Quant aux missions, la séparation entre les missions régaliennes, relevant de la compétence de l'établissement public, et les missions concurrentielles, confiées aux opérateurs privés, avec transfert du personnel, répond aux principes de l'efficacité et de l'unicité de commandement indispensable à la bonne organisation de la manutention portuaire, à l'exemple de ce qui se fait dans tous les ports du monde.
Cependant, même quand une loi est bonne, il faut se méfier des effets pervers de son application. En effet, la loi proposée doit servir de cadre à la négociation port par port qui a été prévue. Mais qu'en sera-t-il de son application ?
À cet égard, je voudrais faire part de l'inquiétude que j'éprouve, quand le directeur du port de Marseille, pour citer l'exemple que je connais le mieux, annonce à la presse un futur plan stratégique actant le transfert d'environ 270 agents du port vers des opérateurs privés de manutention…
…en même temps que la création de cinq filiales : une sur le vrac liquide ; une autre sur la maintenance de l'outillage ; une autre sur la réparation navale ; une autre encore sur la gestion des terminaux passagers et croisières ; une dernière sur l'exploitation mutualisée des grues mobiles.
Une telle proposition me semble contraire à l'esprit et à la lettre de la loi : elle revient à faire cinq nouveaux ports et à enterrer la réforme.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, avoir votre avis à ce sujet.
Vous l'aurez !
La filiale est-elle bien exceptionnelle et doit-elle être créée seulement en cas de carence du privé etou pour un motif d'intérêt national ? À ce sujet, le pétrole est-il systématiquement d'intérêt national et les terminaux ne peuvent-ils pas être gérés par un GIE privé ou une société privée, dont le capital serait, suivant un cahier des charges, ouvert obligatoirement à tous les opérateurs ?
Quant à la maintenance du matériel et de l'outillage, les agents ne doivent-ils pas être systématiquement transférés à des opérateurs privés ou, à défaut, à une société créée par eux ?
Quoi qu'il en soit, il est clair que le temps presse. Il importe de mener la réforme rapidement, car les entreprises souffrent. Vous avez par conséquent raison d'aller vite. Je vous remercie par avance de répondre à toutes mes interrogations sur les applications de la future loi, que je voterai bien entendu avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
À la lecture du projet de privatisation des grands ports malades du Gouvernement, je ne vois rien d'autre qu'un démantèlement programmé du service public et du domaine public maritime. Votre analyse des difficultés économiques des ports ne tient pas la route, monsieur le secrétaire d'État : elle ne vous sert qu'à justifier des choix idéologiques.
Comme l'a si justement souligné la Cour des comptes en 1999, on peut douter que l'État ait une politique en matière portuaire. C'est lui qui est responsable du retard pris par nos ports et certainement pas l'organisation de la manutention. À Marseille, par exemple, le secteur d'activité du transport et de la logistique représente 6 % de l'économie du port, contre 11 % aux Pays-Bas, 9 % en Belgique et 7 % en Allemagne.
Le trafic du port autonome est très faible au regard de grands ports européens que sont Rotterdam, Hambourg, Anvers, Valence, Barcelone ou Gênes.
Il représente moins de 1 million d'EVP – équivalents vingt pieds – , alors que, dans les ports que je viens de citer, il varie entre 9 et 2 millions.
Les grands ports européens que vous prenez en exemple dans le préambule du projet de loi portant réforme portuaire ont bénéficié de larges soutiens publics, leur permettant ainsi de réaliser des investissements de grandes envergures. Entre 1997 et 2005, les ports belges ont bénéficié de concours financiers de plus 350 millions d'euros, alors que le soutien aux ports français s'élève, à peine, à 120 millions.
Barcelone et Gênes, concurrents historiques de Marseille, situés à la croisée des lignes Europe-Asie, Europe-Afrique et Méditerranée-Amérique du Nord ont vu leur trafic augmenter, respectivement, de 1,5 et 1,3 million d'équivalents vingt pieds.
C'est ainsi que le port de transbordement de Gioia Tauro, en Calabre, est devenu le premier port de la mer Méditerranée avec un trafic de plus de 3 millions d'EVP. Algésiras, avec 20 % des parts de marché de la façade maritime, a connu une augmentation de son trafic de près de 2 millions d'EVP au cours des quinze dernières années. À Malte, le port de Marsaxlokk traître un volume de 1,5 million d'EVP. En France, le trafic n'a fait que doubler et cette faible évolution se traduit par une perte des parts de marché.
Sur sa façade maritime, pourtant en fort développement, Marseille a vu sa part de marché passer de 10,7 à 5,5 % pour les conteneurs. Le port de Marseille a perdu la moitié de sa part de marché et la baisse se poursuit inexorablement.
Pourquoi un tel recul ? Dans les années quatre-vingt, les collectivités locales investissaient notamment grâce aux subventions européennes. Aujourd'hui, les caisses des collectivités sont vides et vous savez pourquoi. En réalité, l'État n'a pas de vraie politique portuaire ou, plutôt, il ne souhaite pas en avoir ; il se retourne donc vers les opérateurs privés.
En 2006, 200 millions d'euros d'investissements publics ont été réalisés sur l'ensemble des ports français, l'État en a versé 60 au titre des infrastructures et des subventions mais, dans le même temps, il en a récupéré 27,5 au titre des dividendes.
Heureusement, les régions, avec 20 millions d'euros d'investissements,…
…et, surtout, les ports eux-mêmes, avec 150 millions d'euros d'investissements, complètent les carences de l'État.
Sur les 400 millions d'euros investis en 2007 sur l'ensemble des ports français, Marseille, Le Havre, Dunkerque, Calais, Nantes-Saint-Nazaire, Rouen, La Rochelle et Bordeaux, l'État donne 100 millions pour les seules infrastructures ; l'Europe, 13 millions ; les collectivités territoriales, 50 millions, et les ports, 200 millions.
Un petit pays comme la Belgique investit 400 millions d'euros par an et consacre plus 150 millions de subventions chaque année au seul port d'Anvers. Alors que 1,1 milliard d'euros est investi à Hambourg et 2,9 milliards d'euros à Rotterdam, votre projet de réforme donne le chiffre de 387 millions d'euros !
Je vous laisse apprécier le fossé qui existe entre l'engagement de l'État en France et celui de la puissance publique chez nos voisins européens. Et vous appelez cela un plan de relance !
Vous auriez pourtant pu vous inspirer des expériences du passé. Je pense à la réforme de 1992, axée sur la compétitivité de l'ensemble de la filière portuaire dans tous ses maillons. Mais non ! Le projet de loi qui nous est présenté manque singulièrement d'ambition, de dimension financière et de prospective à moyen et à long terme.
Pour ce qui est de l'organisation portuaire, vous recentrez les missions des grands ports maritimes sur les activités régaliennes et sur la fonction d'aménageur de leur domaine portuaire. Les activités d'exploitation des terminaux portuaires se voient confiées à des opérateurs du secteur privé, le projet stratégique du port devant faire l'objet d'une contractualisation avec l'État et, si les ports le souhaitent, avec les collectivités locales. Mais quel traitement réserver aux collectivités locales lorsque l'on connaît le niveau de leurs investissements – par exemple, à Marseille, près de 30 millions d'euros pour Fos 2XL ? En cette matière, vos choix se confirment lorsque l'on voit la place marginale que vous laissez aux collectivités dans le système de gouvernance.
Puisque nous parlons de traitement, évoquons maintenant celui que vous réservez aux personnels en les transférant dans une filiale, ou chez un opérateur.
Selon votre projet de loi, les partenaires sociaux devront s'entendre, d'ici au 31 octobre 2008, sur un accord-cadre pour déterminer les mesures d'accompagnement social de la réforme. Une fois de plus, s'inspirer des exemples passés aurait été une bonne chose et aurait permis de concentrer les efforts sur la généralisation des conventions d'exploitation de terminal.
Le bénéfice accordé aux salariés d'un droit de retour dans le grand port maritime en cas de suppression de son emploi consécutive à des motifs économiques, constitue bien une garantie, mais nous ne pouvons nous contenter du seul motif du licenciement économique.
En effet, qu'en est-il du salarié qui fait valoir ce droit, mais dont l'activité n'existe plus dans le port ? Quelle garantie apportez-vous à ce dernier ? Dans quelles conditions d'emploi et conditions sociales les personnels vont-ils être transférés ? À toutes ces questions, qui sont aujourd'hui particulièrement importantes pour nous, nous ne trouvons pas de réponse dans votre projet de loi.
J'en termine, monsieur le président.
La réforme portuaire n'a pas été construite avec les personnels, mais contre les personnels. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La place que vous leur réservez dans les instances de décision, comme l'éviction en règle des dockers – acteurs essentiels de la vie du port et de son dynamisme – à laquelle vous procédez, en est la preuve. Le seul os que vous leur laissez à ronger est une place au conseil de développement, dont les pouvoirs sont bien maigres.
Les salariés ne sont, dans votre projet, que les outils qui permettront de garantir le profit des entreprises privées, et probablement la création de graves situations de monopole car, nous le savons très bien, peu d'entreprises pourront assumer le transfert des personnels et de l'outillage.
C'est pourquoi mes chers collègues, je vous demande de voter « non » à ce projet de privatisation des grands ports malades ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures quinze :
Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, portant réforme portuaire.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures trente-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma