Je l'ai dit en commission, pendant toute une période, la France n'a pas eu de politique portuaire et navale digne de la puissance maritime qu'elle fut et qu'elle reste. Pendant que nous prenions du retard en tournant le dos à nos ports, ceux du Nord investissaient massivement. À partir des années soixante-dix, le trafic conteneurisé est arrivé puis s'est accéléré avec la mondialisation. Ces ports, en particulier Rotterdam ou Anvers, étaient alors parfaitement prêts pour en cueillir l'intégralité des fruits. Pendant que Rotterdam et Anvers se reliaient au centre de l'Europe, attirant jusqu'à la SNCF du fait de la massification des trafics, nous échouions à relier Le Havre et Marseille à leurs hinterlandsprofonds. Il n'y avait même pas d'autoroute pour Le Havre avant 1984 : la seule autoroute que le premier port de France pour les conteneurs – le deuxième pour le trafic – voyait passer était celle qui desservait Deauville ! C'était la priorité du Gouvernement de droite de l'époque.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué Port 2 000. Ce sont surtout les collectivités locales et les emprunts du port qui ont couvert les financements. Vous le savez parfaitement, tout comme notre rapporteur.
Vous prenez aujourd'hui prétexte des insuffisances de vos prédécesseurs pour tenter, non de rattraper le retard, mais de faire porter sur les salariés une responsabilité qui n'est, en aucun cas, la leur. C'est en ce sens que le projet de loi est idéologique, car il ne cherche pas à répondre aux vrais problèmes.
Ce texte se situe au surplus dans un contexte européen et national marqué par des politiques libérales. J'aurai l'occasion de revenir sur ce point, dans quelques instants, lors de la défense de la question préalable déposée au nom de mon groupe.
Il est significatif que l'un des résultats de votre projet soit d'empêcher les dockers et les 2 000 salariés portuaires concernés par votre texte d'être représentés dans les organismes mis en place dans les grands ports maritimes.
Il est significatif que le droit au retour soit limité à sept ans. Cela prouve que vous savez que, dans sept ans, le paysage portuaire aura énormément évolué.
Je crois que ce projet de loi n'est qu'une étape, après celle de 1992 – sur laquelle je ne porte d'ailleurs pas tout à fait les mêmes appréciations que vous, ni que d'autres députés présents dans cet hémicycle.
Je regrette que cette réforme soit accomplie au pas de charge. Vous ne dissimulez pas vos intentions de n'accepter aucun amendement, afin que le projet de loi soit adopté conforme, comme on dit dans le jargon parlementaire, et qu'il ne soit même pas nécessaire de réunir une commission mixte paritaire, pour que le texte soit adopté le plus tôt possible.