Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Maxime Bono

Réunion du 17 juin 2008 à 15h00
Réforme portuaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaxime Bono :

Barcelone, Gênes, Anvers et bien sûr Rotterdam ou Shanghai ont bénéficié d'investissements sans commune mesure avec ceux de nos ports. Bien évidemment, les collectivités locales ont dû pallier massivement ces insuffisances. Elles sont régulièrement appelées en financement, tant pour les ports autonomes que pour les ports d'intérêt national. Et la situation qui se dessine après votre projet de loi n'augure rien de bon pour elles. J'ai noté que certains de nos collègues UMP préparaient un « Livre noir des collectivités locales ». Celles-ci sont d'ailleurs régulièrement désignées par le Gouvernement comme responsables de l'endettement actuel de notre pays. Il faut quand même un certain cynisme pour pratiquer ainsi lorsque l'on mesure les charges que chaque jour vous faites peser sur elles ! Et votre projet est à ce titre un exemple éloquent.

Vous prévoyez d'exonérer totalement de taxe professionnelle pendant deux ans, puis progressivement les trois années suivantes, les sociétés privées qui se porteront acquéreur de l'outillage portuaire. Outre les conditions trop peu définies dans lesquelles cette cession s'exercera – vous ne prévoyez qu'une vague commission d'évaluation des actifs cédés –, rien n'est prévu au profit des collectivités en termes de compensation de cette exonération de taxe professionnelle. En revanche, on entend dire, de-ci, de-là, qu'en cas de difficultés de l'un des opérateurs intervenant sur un terminal portuaire, il ne lui serait pas impossible de solliciter le soutien des collectivités.

En clair, vous privatisez à la hâte, dans des conditions d'opacité telles qu'elles génèrent un risque de monopole sur les terminaux portuaires. Et, dans le même temps, vous mettez les collectivités locales dans la situation d'avoir à soutenir une activité portuaire, un peu comme elles sont trop souvent tenues de le faire avec certaines lignes low cost sur certains aéroports – je suis sûr que cela rappelle quelque chose à certains d'entre nous ! Car vous n'excluez pas que l'on puisse demander aux opérateurs de s'engager sur des trafics. Mais qui sera sollicité en cas de pression d'opérateurs qui feront monter les enchères pour amener de nouveaux trafics, sinon les collectivités locales ? Et comment y résister ?

Votre projet de loi reste silencieux, voire discret sur tous ces points. Et alors que nous savons tous que la hauteur des investissements réalisés par les entreprises est la meilleure garantie de leur implication durable, les conditions de cession des actifs portuaires, trop floues au regard de ces enjeux, ne sont pas de nature à nous rassurer.

D'ailleurs, s'agissant d'actifs très souvent financés par les collectivités territoriales, j'observe que rien n'est prévu comme clause de retour financier à leur profit, alors même que votre projet de loi prévoit expressément le versement de dividendes de la part des grands ports maritimes à l'État.

Monsieur le secrétaire d'État, ces quelques exemples montrent bien combien ce projet bâti à la hâte, voté dans l'urgence, ne peut répondre à la situation dans laquelle se trouvent nos ports aujourd'hui. Certes, les sénateurs ont pu améliorer le texte, en particulier au regard du statut des personnels transférés.

D'autres orateurs ont excellemment évoqué le problème social ou le feront encore. Je n'y reviendrai donc pas dans le court laps de temps dont je dispose.

Nous déposerons, bien sûr, des amendements visant tant à garantir les droits des personnels transférés qu'à protéger les finances locales du désengagement croissant de l'État dans le financement de nos grandes infrastructures. Mais le sort que leur a, d'ores et déjà, réservé la commission des affaires économiques ne nous rassure pas sur leur avenir.

Vous comprendrez donc que nous abordions ce texte trop vite conçu, trop mal préparé et sans doute, demain, trop vite voté, avec les plus extrêmes réserves, et le sentiment que nous avons manqué l'occasion d'offrir à nos ports les moyens de se développer.

En résumé, défaut d'investissement à terre en matière de pré- et de post-acheminements, insuffisance des investissements prévus sur le domaine portuaire lui-même, conditions de cession des actifs marquées du sceau de l'opacité, avenir des personnels transférés trop incertain, absence de représentation réelle des personnels de manutention, recours d'ores et déjà programmé à l'investissement massif des collectivités locales, que vous stigmatisez par ailleurs : voilà déjà six bonnes raisons de s'opposer au texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion