…le Gouvernement dans lequel vous siégiez avait fixé par arrêté le montant des sommes à lui verser par les ports autonomes.
Ainsi, pour Le Havre, cela représentait non seulement la totalité du boni de l'exercice 2005, mais aussi une ponction sur le fonds de réserve, soit, au total, 9,6 millions d'euros.
Pour l'ensemble des ports concernés, cela avait représenté près de 24 millions d'euros et autant en moins pour les investissements. Quelle est aujourd'hui la situation, monsieur le secrétaire d'État ?
Actuellement, la maîtrise publique permet un équilibre global entre les recettes et les dépenses des ports autonomes, entre les différentes activités et les différentes professions au sein du domaine portuaire. Le secteur portuaire doit répondre aux exigences d'un véritable service public, afin de garantir une cohésion sociale et territoriale. En ce sens, les ports sont de formidables outils d'aménagement du territoire et des milliers d'emplois induits sont en cause.
En transférant les opérations commerciales au secteur privé, le Gouvernement prive les établissements des recettes engendrées par les redevances d'outillage et reporte tout sur les droits de port et les redevances domaniales. Rien n'est prévu pour évaluer les conséquences d'une telle perte.
De plus, il n'est question à aucun moment d'évaluer les biens qui sont la propriété de personnes publiques susceptibles d'être cédés. Rien n'est prévu non plus pour garantir que l'opérateur privé se maintiendra durablement sur le site où il aura bénéficié de ces cessions. L'armateur Maersk a ainsi annoncé qu'il divisait par deux le nombre de ses conteneurs transitant par le port autonome de Dunkerque, ce qui entraîne une perte sèche de 700 millions d'euros et fragilise les emplois existants.
Se pose ensuite la question de savoir quelles entreprises pourront réellement assurer ce transfert d'outillages et de personnels. Seuls quelques grands groupes déjà en place en auront les moyens. Comme cela nous a été indiqué dans plusieurs ports de l'Atlantique, les petites entreprises ne pourront plus louer aux ports, pendant quelques jours, les matériels nécessaires à leur activité.
Les opérateurs privés accepteront-ils de continuer à exercer les activités dites « peu rentables », du fait de la faiblesse des volumes et des cadences ? Pourtant, ce sont souvent des trafics qui génèrent des activités industrielles essentielles à la vie des territoires. Citons le cas d'une entreprise de la région nantaise – et je salue ici le maire de Nantes – qui fait venir, par navire, sa matière première une fois par mois. Avec ce texte, l'opérateur pourrait décider de ne plus continuer à assurer ce service ou de pratiquer des tarifs tels qu'ils mettraient en péril l'avenir de cette société. Actuellement, les ports diminuent les coûts pour certains usagers, conscients de l'importance de ces trafics de niche pour l'économie locale, et assument ainsi une véritable mission de service public. Auront-ils les moyens de continuer, y compris avec le système des filiales que vous voulez mettre en place ?
Pour ce qui est du transfert du personnel, les choses ne seraient-elles pas déjà bouclées ? On peut se le demander en lisant le courrier que le directeur du port de Nantes-Saint-Nazaire a adressé, il y a quinze jours, à l'ensemble des salariés pour leur annoncer d'ores et déjà « une période de retour de sept ans pour les salariés faisant l'objet d'un transfert », comme si le passage devant notre assemblée ne changeait rien au cours des choses. Mais peut-être M. Marendet savait-il que le texte ne bougerait pas après la premier lecture au Sénat ?
Au-delà de cette anecdote, il importe de souligner que ce texte n'apporte aucune garantie aux salariés concernant leur avenir. J'ai évoqué, au début de mon propos, une réforme idéologique, dont l'étape actuelle a pour objectif principal la poursuite de la privatisation des ports. Cette fois, ce sont les personnels attachés aux matériels privatisés qui sont destinés à rejoindre les entreprises de la manutention.
Les modalités de la gouvernance que vous voulez mettre en place sont d'ailleurs calquées sur celles des entreprises privées et je ne m'étendrai pas sur le choix du terme de « directoire ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je noterai simplement que le recours à cette dénomination est significatif : le Directoire, à la fin du XVIIIe siècle, a en effet permis à la bourgeoise d'établir son pouvoir.