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Intervention de Renaud Muselier

Réunion du 17 juin 2008 à 15h00
Réforme portuaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRenaud Muselier :

Vous n'êtes pas sans savoir que la logistique est un atout clé du développement et que le commerce mondial a augmenté depuis quinze ans deux fois plus vite que la production mondiale, signe de l'interpénétration croissante des économies. Dans ce contexte, plus de 80 % des marchandises circulant aujourd'hui sur la planète transitent par mer.

Les trafics de conteneurs ont crû régulièrement de 10 % en Europe sur les dix dernières années, soit un doublement tous les sept ans. Faut-il pour autant rappeler la douloureuse réalité ? L'exemple de Marseille-Fos est criant : ce port est passé de la vingt-quatrième place mondiale à la quatre-vingt-quatrième pour les trafics de conteneurs, de la sixième européenne à la vingtième et de la première en Méditerranée à la onzième, et cela en moins de vingt ans.

Nous devons reposer les éléments du diagnostic de cet échec en commençant par le manque de fiabilité et de compétitivité. Ce manque de fiabilité est chronique, qu'il soit social, avec des grèves à répétition, ou technique. Par exemple, entre 2000 et 2004, une escale sur cinq de navires porte-conteneurs a fait l'objet d'un incident sur le port de Marseille.

Soulignons l'insuffisance de cette compétitivité avec des performances médiocres sur certains trafics « phares ». Les coûts de passage sont un tiers plus cher que chez nos voisins européens. Regardons la productivité de l'escale et faisons des comparaisons sur la performance : Marseille affiche 20 mouvements par heure d'escale et Fos 50, contre 90 mouvements pour le terminal Port 2 000 du Havre. Pour Hambourg, c'est de 110 à 150 mouvements, et il y a des pointes à plus de 200 à Shanghai.

Nous sommes dans l'incapacité d'inspirer la confiance dans la fiabilité et l'efficacité opérationnelle. Voilà le terrible constat. Il nous faut donc absolument cette réforme. En quoi consiste-t-elle ?

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez articulé votre projet autour de quatre axes essentiels.

Recentrer les missions pour des ports plus compétitifs : les ports seront recentrés sur leurs missions d'aménageur et de gestionnaire du domaine. Ils n'interviendront plus dans les activités de manutention. Les activités de manutention portuaire vont passer sous le contrôle d'opérateurs privés, comme cela a été le cas pour les dockers en 1992, non sans douleur, particulièrement à Marseille. M. Delebarre et M. Le Drian ne sont pas allés jusqu'au bout. Il leur manquait l'ambition collective nécessaire pour la communauté portuaire, mais, parallèlement, M. Le Drian a payé très cher, sur le plan électoral, son engagement, puisqu'il a été laminé par ses camarades. L'objectif, dans le recentrage de ces missions, est de doubler la part de marché des transports ferroviaire et fluvial dans la desserte des ports.

Vous voulez aussi mettre en place un commandement unique pour les activités de manutention afin d'améliorer la productivité, de développer l'investissement privé et de rétablir la confiance des clients des ports – armateurs et chargeurs.

La réforme vise également à moderniser le mode de gestion pour une meilleure réactivité afin de moderniser une gouvernance qui date de 1964 et à optimiser la coordination entre les ports pour plus d'efficacité.

Bien sûr, cela suscite des craintes légitimes, mais qui ne justifient pas les grèves actuelles. En effet, fort du diagnostic, votre projet de loi est l'aboutissement d'une large période de concertation qui a compté plus de cent réunions et des rencontres avec l'ensemble des acteurs économiques de chaque port, les principaux élus concernés et les organisations syndicales.

Rappelons qu'il ne s'agit pas d'une privatisation. Les grands ports maritimes seront des établissements publics d'État, comme le sont actuellement les ports autonomes.

Le projet de loi vise à moderniser nos ports : le passage des activités de manutention portuaire et des personnels qui y travaillent sous le contrôle d'opérateurs privés a pour but la mise en place d'un commandement unique du propriétaire sur ces terminaux, condition sine qua non d'une compétitivité nouvelle. Il s'agit de poursuivre la réforme engagée en 1992, mais ce commandement unique doit permettre à la France de traiter, d'ici à dix ans, 10 millions de conteneurs par an contre 3,5 millions en 2007, et de créer dans le même temps 30 000 emplois.

Et si les agents concernés par les transferts sont inquiets, nous devons les rassurer en leur rappelant qu'ils sont à l'heure actuelle des salariés de droit privé des ports autonomes. Ces agents vont changer d'employeur mais pas de statut ! Pour les personnels transférés, vous avez même prévu une clause de retour pendant sept ans pour le salarié en cas de difficultés économiques de l'entreprise dans laquelle se poursuivent les contrats de travail.

La loi prévoit l'ouverture de négociations, qu'il faudra conclure avant le 31 octobre 2008. À défaut d'accord, elle s'imposera. Et nous, les responsables politiques, vous nous rassurez en donnant une cohérence à l'organisation des ports et à la relance de leur compétitivité.

Sur le plan financier, la réforme prévoit, en complément des contrats de projets 2007-2013, un programme d'investissement sans précédent !

L'État va doubler sa participation pour la période 2009-2013. Au total, les investissements atteindront 2,69 milliards d'euros, dont près de 500 millions à la charge de l'État.

Pour toutes ces raisons, nous soutenons cette réforme urgente et nécessaire pour notre pays, nos villes portuaires, et le port de Marseille-Fos. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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