Aujourd'hui, l'objectif est d'établir le pouvoir des grands groupes censés apporter les trafics et les emplois.
Les salariés n'y croient pas et estiment que cette réforme dissimule, fort mal d'ailleurs, une remise en cause de leurs droits. C'est pourquoi ils veulent que la négociation continue et que la loi n'impose pas de tels transferts. Pourquoi refuser ces demandes, monsieur le secrétaire d'État ? Pourquoi ce gâchis que provoque votre entêtement à aller vite, dans l'urgence, alors qu'il faut, au contraire, prendre le temps de discuter, de négocier, de répondre aux inquiétudes des personnels comme aux défis auxquels doivent faire face les places portuaires ?
Est-il acceptable d'inscrire dans la loi ces transferts de personnels alors que les négociations ne sont encore pas achevées, qu'elles n'ont décidé d'aucune évolution et qu'elles n'ont pas déterminé où iraient ces personnels ? Comme souvent, ce sont les personnels eux-mêmes qui mettent en évidence le danger qu'il y aurait à tout transférer au privé : le port ne conserverait aucune capacité d'intervention si le privé se montrait défaillant – car ce sont des choses qui arrivent, vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'État. Si un port français est intéressé par un trafic susceptible de développer une activité industrielle au niveau régional alors qu'un opérateur dispose du même trafic dans un autre port européen par lequel il souhaite que tout passe, que se passera-t-il ? Quels intérêts prévaudront ? Ceux de l'aménagement du territoire, de nos industries et de nos emplois ou ceux de l'opérateur ? Et de quels moyens disposera la puissance publique pour faire peser les intérêts de l'État, de la région, du département ?
Ces questions sont aussi derrière la lutte que mènent les salariés pour obtenir des garanties sur les possibilités de retour dans les services techniques portuaires, non pas pendant cinq ou sept ans, mais pendant toute la durée de leur carrière. Les expériences vécues par des salariés d'anciens services publics, les pressions qu'ils ont subies pour leur faire abandonner leurs droits, comme à France Télécom, montrent combien il importe d'être vigilant et exigeant, même si les ports ne sont pas, d'un point de vue administratif, des services publics.
Comment accepter que la réforme aboutisse à exclure de fait les salariés des instances de gouvernance des ports ? Car le résultat est bien là : les dockers et les salariés portuaires – les « portiqueurs », comme on les appelle –, transférés, n'auront plus leur place dans ces instances.