La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, chaque jour, 1,4 million de Franciliens empruntent les transports en commun ; chaque jour, ils vivent ce qu'ils appellent « la galère des transports ».
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et les grèves ?
Savez-vous que le nombre d'heures de travail chômées pour cause de retards et d'incidents techniques est supérieur – et de loin – au total des heures de grève ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pourriez-vous estimer le coût économique des retards sur l'ensemble du réseau d'Île-de-France ?
Sur la ligne B du RER, chaque jour au mois de janvier, un train sur quatre était en retard – et près d'un sur trois sur la ligne D !
Le manque de personnel affecté à l'entretien et à la sécurité du réseau est manifeste.
Quant au coût du transport, l'inégalité est la règle en Île-de-France. Quand un Parisien paie 55 euros par mois, un habitant de Sevran ou d'Argenteuil débourse 90 euros, et un habitant des Mureaux jusqu'à 122 euros.
Autrement dit, plus vous habitez loin de votre lieu de travail, plus vos revenus sont faibles, et plus vous devez payer.
La mise en place d'un tarif unique pour l'Île-de-France coûterait 700 millions d'euros, soit seulement 0,2 % des 360 milliards que le Gouvernement a accordés aux banques, sans contrepartie. Cette mesure socialement juste et économiquement utile redonnerait du pouvoir d'achat aux dix millions de Franciliens. Pourquoi ne fait-elle pas partie de votre plan de relance, qui, par ailleurs, renonce définitivement à la progression du pouvoir d'achat attendue par les Français, comme l'ont exprimé des millions de manifestants la semaine dernière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et SRC.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Le constat de la détérioration de la qualité des transports en Île-de-France, récente mais continue, est malheureusement partagé par tous.
M. le Premier ministre a récemment visité la ligne A et a annoncé des mesures. Le Président de la République l'a, ce matin encore, constaté lors de sa visite à L'Isle-Adam : l'investissement dans l'organisation de l'Île-de-France a pris du retard, et ce quels que soient les gouvernements, quelles que soient les collectivités ! Je rappelle que c'est aujourd'hui la région Île-de-France qui est chargée des transports. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Pour notre part, nous n'avons pas l'intention de rejeter la responsabilité sur les uns ou les autres, mais d'apporter des réponses précises à la galère des Franciliens qui empruntent les transports en commun.
De nombreuses pannes sont survenues cette semaine encore, sur les lignes A et B du RER…
En effet, toutes les lignes sont concernées.
Que faire ? Tout d'abord, à la demande du Président de la République, Christian Blanc a engagé, avec Jean-Louis Borloo, une réflexion sur une nouvelle organisation de l'Île-de-France : c'est la réponse à long terme. À court et à moyen termes, il faut augmenter les investissements : ainsi les achats de voitures pour le RER sont en augmentation, la RATP se modernise.
Pour ce qui est du coût, il faut bien réfléchir : les usagers en payent 29 %, le reste étant partagé entre les entreprises, les collectivités et l'État, à titre de compensation. Or, ce n'est pas le moment d'alourdir les charges des entreprises et des usagers.
Au lieu d'apporter des réponses démagogiques et de court terme, le moment est venu, comme le souhaite le Président de la République, d'investir et de disposer d'un plan d'ensemble pour l'Île-de-France. C'est un enjeu pour notre pays : on ne peut pas laisser durer la galère des Franciliens dans les transports en commun. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, après avoir mis en place le plan de soutien au secteur automobile, l'État a annoncé un nouveau plan d'aide, destiné cette fois-ci au secteur aéronautique.
Après plusieurs années fastes, la crise économique mondiale risque de se traduire par une chute de plus de 50 % des commandes d'avions dès 2009 : les compagnies aériennes ont en effet de plus en plus de difficultés à trouver des crédits relais et à lever des fonds auprès des banques pour financer l'achat d'appareils.
Le mécanisme que vous avez retenu au sein du Gouvernement pour ce plan de soutien consiste à injecter, via la Société de financement de l'économie française, 5 milliards d'euros d'aides dans le circuit des banques opérant sur le financement aéronautique. Les députés du groupe Nouveau Centre applaudissent sans réserve cette initiative volontariste du Gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Toutefois, madame la ministre, il nous semble indispensable, à l'image de ce que le Premier ministre a demandé pour le secteur automobile, de conditionner ces aides à un engagement clair d'Airbus et de sa maison mère EADS de ne pas délocaliser une partie de sa production hors de France, notamment dans des pays à bas coûts.
Je pense bien sûr, vous l'avez compris, au projet de la nouvelle filiale d'EADS, Aerolia, de construire un parc aéronautique en Tunisie chargé de la production de sous-ensembles de structures. Cette délocalisation aura, à court ou moyen terme, des conséquences très négatives sur l'emploi en France, notamment chez les sous-traitants.
Madame la ministre, ma question est donc aussi courte que simple : oui ou non, aurez-vous les mêmes exigences pour l'aéronautique que pour l'automobile ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur Roy – mais vous n'êtes pas seul dans ce cas –, les interpellations et les cris donnent de notre institution, comme de ceux qui les profèrent, une image déplorable. Je vous demande donc de veiller à ne pas recommencer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, ne mélangeons pas tous les secteurs industriels : si le secteur automobile est effectivement en difficulté, le secteur aéronautique présente en revanche un certain nombre de caractéristiques qui le rendent exemplaire.
D'abord, c'est un secteur stratégique, dont les prévisions de croissance sont d'à peu près 60 % pour les commandes et la production d'ici à 2011. Ensuite, c'est un secteur qui fournit beaucoup d'innovations, lesquelles irriguent évidemment autour de l'aéronautique stricto sensu, ce qui génère d'autres innovations. Enfin, c'est un secteur qui emploie aujourd'hui, si l'on englobe tous les sous-traitants, à peu près 200 000 personnes.
Nous nous sommes mobilisés très tôt en sa faveur. Le Premier ministre, vous vous en souvenez sans doute, avait créé deux fonds, Aérofund I et Aérofund II, destinés, dans le cadre d'un partenariat entre l'État d'un côté, les constructeurs aéronautiques et les équipementiers de l'autre, à soutenir le secteur et de participer à la structure de la filière aéronautique. Je crois que nous y sommes bien parvenus.
Les diagnostics, le soutien, par le biais des avances remboursables dont bénéficient tous les grands équipements et les nouveaux avions, le plan de soutien à la filière, et notamment la prise de participation dans le capital de Daher par le fonds stratégique d'investissement, constituent autant d'exemples d'une démarche très structurée et organisée, visant à soutenir l'ensemble de la filière.
Vous avez parlé d'une injection de 5 milliards d'euros. Il faut savoir qu'un certain nombre d'acheteurs éprouvent des difficultés pour financer leurs acquisitions, au risque de devoir annuler des commandes. Aussi avons-nous adopté la démarche suivante : nous avons demandé aux banques, dans le cadre de leur mobilisation pour l'économie, d'affecter 7 milliards d'euros au financement des exportations. Sur ces 7 milliards d'euros, 5 milliards seront consacrés à l'aéronautique. Ainsi, nous soutenons le financement des acquisitions, nous accompagnons l'activité des grands industriels français et nous encourageons l'emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance.
Monsieur le ministre, la crise financière a suscité une réaction rapide et vigoureuse du Gouvernement à la fin de l'année dernière. Nous entrons maintenant dans la crise économique, et la loi instaurant le plan de relance a été votée par le Parlement dans un délai record de moins d'un mois. Hier, le Premier ministre a annoncé, à Lyon, un plan de mobilisation nationale rapide et concret, selon ses propres termes, pour lutter contre la crise.
Avec le Premier ministre, vous avez annoncé 1 000 projets identifiables concrètement sur le terrain qui s'appliquent non seulement à la métropole, mais aussi aux départements et territoires d'outre-mer. Vous avez annoncé des projets qui recouvrent l'ensemble de la dynamique de l'investissement et de l'emploi, en particulier sur les infrastructures, le logement, la rénovation urbaine, l'habitat indigne, la recherche, le patrimoine, la culture, les universités, et j'en passe !
Quelles mesures concrètes allez-vous annoncer rapidement ? Vous avez en effet dit que, sur les 26 milliards du plan de relance, nous devions mobiliser très vite 10 milliards. Quelle méthode allez-vous utiliser pour que cet argent massivement investi pour relancer l'investissement et l'emploi trouve une traduction concrète et arrive le plus vite possible sur le terrain ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance.
Monsieur Daubresse, vous avez parfaitement raison. Le Président de la République a annoncé le plan de relance le 4 décembre 2008. Moins de deux mois après, la loi est votée ; 1 000 projets ont été sélectionnés et annoncés hier par le Premier ministre ; les décrets de simplification ont été pris. Ce matin, j'ai signé la délégation des financements ; ils seront donc dans les circuits administratifs dès la fin de cette semaine. Au cours de la semaine suivante, nous verrons déjà symboliquement l'ouverture de quelques premiers chantiers. Au début du mois d'avril, le Gouvernement mettra en place la diffusion des 200 euros pour 3,8 millions de personnes au titre du RSA en préfiguration. Dans le même temps, nous instaurons le système d'évaluation et de suivi des 1 000 projets annoncés qui vont donner lieu à des ouvertures de chantiers. Il y aura des comptes rendus systématiques et un suivi avec des comités d'élus. Je me rendrai d'ailleurs dans tous les départements pour faire, avec les élus de tous bords, l'évaluation du suivi et l'anticipation de ce qui se passera dans un deuxième temps. Lorsque des projets n'auront pas démarré dans le temps imparti, le dégagement d'office qui a été prévu donnera lieu à de nouveaux projets qui seront distribués. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Plan de relance
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mes chers collègues, je prends la parole au nom du groupe SRC dans des conditions qui n'échappent à personne. Dans toute démocratie digne de ce nom, l'opposition se doit d'être prise en considération. Prise en considération dans ses droits, qu'elle est libre de faire valoir comme elle l'entend, dans son expression, qu'elle est légitime à avoir, comme dans ses propositions, qu'elle n'est pas moins légitime à formuler.
Certains, qui président aux destinées du pays et en assurent la fonctionnement, semblent avoir oublié ce devoir, tandis que M. le président de l'Assemblée nationale semble avoir imparfaitement assumé un rôle que tous ses prédécesseurs ont toujours eu jusqu'alors, quelles qu'aient été les pressions de leurs amis politiques. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nous savons que ces pressions ont toujours existé.
Un devoir oublié, un rôle imparfaitement assumé, là – et là seulement – réside la cause du boycott des questions au Gouvernement de la semaine dernière, alors que, pour tout le reste, c'est-à-dire sur les textes que notre assemblée avait à examiner, nous avons siégé en commission et en séance publique.
Ma question, qui s'adresse au Premier ministre, a naturellement trait à la crise économique et sociale que connaît notre pays. Cette crise est d'une gravité extrême, au point que vous-même, monsieur le Premier ministre, après beaucoup d'autres, en avez appelé à l'unité nationale.
Le problème, c'est que les modalités qui nous sont suggérées sont difficilement acceptables dès lors qu'elles nous commanderaient d'accepter les choix politiques qui sont les vôtres, comme les décisions que vous avez prises. Nous ne pouvons pas vous suivre sur ce chemin.
Dans cette enceinte, aujourd'hui, nous préférons porter la voix de celles et ceux, très nombreux, qui ont manifesté leur désaccord la semaine dernière. C'est aussi en leur nom que je me permets de prendre la parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Au demeurant, comment croire en vos promesses d'aujourd'hui quand celles d'hier ont été si peu tenues ?
Plusieurs députés UMP. La question !
Vous nous aviez annoncé le retour au plein emploi ; c'est le chômage de masse qui s'installe depuis maintenant plusieurs mois.
Plusieurs députés UMP. La question !
Le candidat Nicolas Sarkozy avait fait de la hausse du pouvoir d'achat la pierre angulaire de sa candidature.
J'y viens, monsieur le président. (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Vous-même, monsieur le Premier ministre, avez proposé, semble-t-il, une politique en ce sens. Mais du pouvoir d'achat il n'en est plus question, ou alors seulement pour constater qu'il est douloureusement érodé, pour les retraités comme pour les salariés. (Interruptions sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Plusieurs députés UMP. La question !
Monsieur le Premier ministre, vous aviez promis le maintien et la sauvegarde des services publics ; malheureusement, notamment dans le Sud-Ouest…
Quelle est votre question, monsieur Cahuzac ? Vous avez dépassé votre temps de parole de plus d'une minute. (Mêmes mouvements.)
…alors que les agents font montre d'un courage et d'une conscience professionnelle indiscutables, force est de reconnaître que les moyens à leur disposition ne sont pas à la hauteur des missions qui leur sont confiées.
Vous avez présenté un plan de relance. La question est donc : quand allez-vous nous proposer un autre plan ?... (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Mesdames et messieurs les députés, je voudrais tout d'abord dire à M. Cahuzac combien je trouve déplacés les commentaires qu'il vient de faire sur la présidence de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Les seuls reproches légitimes sont ceux qui s'adressent à ceux qui ont cru que l'on pouvait bloquer indéfiniment les travaux de l'Assemblée (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC), alors que ceux-ci, je vous le rappelle, résultent du choix des Français.
Monsieur Cahuzac, vous entendiez parler tout à l'heure au nom de ceux qui manifestaient ; les parlementaires ici présents parlent au nom du peuple français dans son ensemble ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous nous dites que vous ne pouvez pas répondre à l'appel à l'unité nationale que nous avons à plusieurs reprises lancé face à la gravité de la crise que notre pays affronte, comme tous les autres pays développés. Mais cet appel à l'unité nationale ne date pas d'aujourd'hui, ni même d'hier : depuis le début de la crise financière, nous vous avons à maintes reprises invités, sans vous faire renoncer à aucune de vos convictions,…
…sans chercher à vous faire approuver la politique du Gouvernement et de la majorité, à faire ce que font toutes les oppositions dans les pays européens, c'est-à-dire à accompagner l'effort mené par le Gouvernement pour sauver le système financier et appuyer l'effort de relance, qui passe, pour une large part, par l'engagement de vos collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Quellse réponses nous avez-vous apportées ? L'obstruction et la censure ! Comment voulez-vous que nous puissions tendre la main à ceux qui, il y a quatre jours, voulaient tout simplement censurer le Gouvernement ? Y a-t-il un autre pays en Europe où, en ce moment, au coeur de la crise, l'opposition cherche à déclencher une crise politique en censurant le Gouvernement ? (« Hou ! » sur les bancs des groupes UMP et NC.) Pas un seul !
Je veux considérer que votre retour dans cet hémicycle signe la fin de cet épisode et que nous allons pouvoir discuter ensemble des conditions de la mise en oeuvre du plan de relance voté il y a quatre jours par le Parlement, c'est-à-dire par les représentants du peuple français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Chantal Bourragué, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Installé en Gironde depuis 1973, Ford y fabrique des boîtes automatiques destinées au marché américain. Son usine de Blanquefort compte 1 600 salariés et, avec les sous-traitants, près de 6 000 emplois sont concernés.
Après l'annonce de la fermeture de ce site en 2011, Alain Juppé vous a demandé de mener une action soutenue afin d'éviter une catastrophe pour l'emploi dans notre région. Vous avez alors constitué un comité de pilotage, ayant pour objectif le maintien de l'activité industrielle et de l'emploi. À vos côtés, la direction de Ford, ses salariés, les élus ont fait front commun pour qu'émerge une solution pérenne.
Hier, lors de la réunion du comité de pilotage à Bordeaux, vous avez annoncé la reprise de l'activité et de l'ensemble du personnel par des investisseurs allemands. Nous nous réjouissons tous du sauvetage de cette entreprise. Après des mois d'angoisse pour les salariés et pour leurs familles, c'est la preuve de la compétitivité de l'industrie française et de l'attractivité de l'agglomération bordelaise. Le savoir-faire des salariés a fait la différence par rapport à des offres venant de pays à moindre coût de main d'oeuvre. Avec Alain Juppé et mes collègues girondins présents, je souhaite à HZ holding de réussir, pour faire de ce site un nouveau pôle d'excellence.
Comme l'ont souligné l'ensemble des élus de Gironde, votre implication personnelle dans ce dossier a largement pesé. Pourtant, vous ne pouvez pas suivre chacun des dossiers d'entreprise en difficulté dans la période tourmentée que traverse notre économie.
Aussi, madame le ministre, comment s'inspirer de ce succès pour accompagner d'autres entreprises vers le redressement et préserver ainsi le savoir-faire et les emplois de milliers de salariés inquiets ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Hier, avec Hubert Falco, nous nous sommes rendus à Bordeaux.
Ce fut un moment de réconfort pour l'ensemble des salariés, pour le vendeur, l'acquéreur et l'ensemble des partenaires qui se sont impliqués dans ce dossier. Il s'agissait en effet d'un site menacé de fermeture. Depuis plus de deux ans, avec les élus, les organisations syndicales, d'autres partenaires locaux, nous avons tout mis en oeuvre pour trouver un repreneur et pour engager tous les acteurs dans la voie du changement.
Désormais, le site est préservé avec ses 1 600 emplois et les sous-traitants. C'est une bonne nouvelle, et ce serait encore mieux si l'on pouvait traiter chaque dossier de cette façon. Quelle leçon en tirer ? D'abord qu'il faut du temps ; ensuite qu'il faut de la cohésion et un effort collectif pour aboutir à une solution de ce type ; enfin que tous les partenaires doivent faire un effort d'adaptation : les salariés de Ford à Blanquefort vont continuer pendant un certain temps à fabriquer des boîtes automatiques, mais fabriqueront également des pièces pour éoliennes. Pour ce faire, ils bénéficieront de la formation professionnelle, qui est un de nos grands chantiers pour 2009.
Si nous avons réussi sur ce dossier, c'est que tous les partenaires, tous les élus locaux ont montré, en ce temps de crise – parce que le pays, leur région, leur bassin d'emploi souffrait –, qu'ils étaient capables de se donner la main, comme François Fillon vient de nous y inciter. Et j'aimerais que, parfois, dans cette Assemblée, ce soit aussi ce spectacle que l'on donne aux Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et de nombreux bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Philippe Goujon, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, mesdames et messieurs les ministres, ma question s'adresse à M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.
Quand un syndicat décide, unilatéralement, de bloquer la première gare de France, au mépris de la loi sur le service minimum dans les transports, il porte atteinte aux droits des usagers et à l'idée même d'un dialogue social responsable. (Approbations sur les bancs du groupe UMP.)
Que dire alors de l'attitude d'un maire, celui de la plus grande ville de France, pourtant chargé de faire respecter l'obligation scolaire et qui, après avoir appliqué à deux reprises, sans difficulté aucune, la loi sur le service minimum d'accueil, décrète soudainement que ce n'est plus possible et appelle massivement les parents d'élèves à ne pas emmener leurs enfants à l'école, pénalisant les foyers les plus modestes ? (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Mes chers collègues, la loi a été violée. Le tribunal administratif a tranché : il vient en effet d'annuler la décision du maire de Paris – vous l'aurez reconnu – de ne pas appliquer le service minimum d'accueil, et de reconnaître l'illégalité de celle-ci. Le tribunal a ainsi décidé que l'allégation de difficultés d'organisation n'autorisait, en aucun cas, la ville de Paris à refuser de mettre la loi en oeuvre. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Qui peut comprendre que lorsque 18 000 communes, sur les 22 000 concernées, mettent en place, même partiellement, un dispositif d'accueil, le maire de Paris s'obstine à refuser ce service aux familles, et aille même jusqu'à empêcher les maires d'arrondissement – plusieurs d'entre eux sont présents dans cet hémicycle – de s'en charger comme la loi le permet ?
Monsieur le ministre, vous avez montré sur ce sujet votre volonté d'ouverture et de dialogue avec les représentants des communes. Pouvez-vous nous exposer les raisons pour lesquelles, malgré les efforts accomplis dans de nombreuses communes, y compris dans celles dirigées par une majorité de gauche, les habitants de la capitale n'auraient pas les mêmes droits que les habitants des autres villes de France ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Effectivement, monsieur Philippe Goujon, le tribunal administratif vient de rappeler à M. Delanoë, maire de Paris, une réalité cruelle : la ville de Paris n'est pas seulement une ville agréable pour les touristes, pour ceux qui bronzent l'été sur les quais (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR), ou ceux qui y passent des nuits blanches.
Pour que Paris reste magique, il faut aussi qu'elle le soit toute l'année, et en particulier pour ceux qui y travaillent, qui y élèvent une famille et perdent assez de temps, les jours de grèves, dans les transports en commun, sans avoir, de surcroît, à chercher le moyen de faire garder leurs enfants.
Je regrette formellement devant l'Assemblée nationale que la ville de Paris, au nom de crispations idéologiques, ait refusé, une fois de plus, d'appliquer la loi et de rendre aux familles le service dont elles avaient besoin. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je le regrette d'autant plus que, lors du dernier mouvement social, 18 000 maires sur les 22 000 concernés ont mis en place, au moins partiellement, le service minimum d'accueil : je leur rends hommage. Parmi eux, on compte d'ailleurs des maires qui appartiennent au même camp politique que M. Delanoë.
En fait, à Paris, il s'agit de s'opposer, pour des raisons idéologiques à l'application de la loi ; il s'agit de ne pas rendre aux familles le service qu'elles attendent ; pis encore, il s'agit d'empêcher les maires d'arrondissement, qui sont prêts à organiser le service minimum d'accueil, de le faire…
On nous parle de responsabilité, de faisabilité, et on évoque des obstacles de toute nature. Le tribunal administratif vient de balayer ces arguties en montrant que ce qui est possible ailleurs (« Périgueux, Périgueux ! »sur plusieurs bancs du groupe SRC) doit l'être aussi dans la ville la plus riche de France. Si le maire de Paris ne veut pas prendre ses responsabilités, qu'il laisse les maires d'arrondissement les assumer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Alain Rousset, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, la démocratie s'exprime par la voix de tous et l'unité nationale n'est l'apanage de personne. Du reste, il me semble que, dans le cadre du plan de relance, la forme qu'a prise la consultation des collectivités locales, dont dépend en grande partie le succès de ce plan, aurait pu être améliorée.
J'en viens à ma question, qui concerne l'extraordinaire ouragan qui a frappé l'Aquitaine et ses conséquences. Je tiens tout d'abord à remercier mes collègues députés qui, sur tous les bancs, nous ont assurés de leur solidarité. Je veux également exprimer mon émotion, en tant que président de la région Aquitaine, à tous les hommes et à toutes les femmes qui vivent dans les territoires touchés par ces intempéries. Enfin, je souhaite féliciter les pompiers, les renforts de l'armée, ainsi que les collectivités territoriales et leurs élus, qui ont fait preuve d'un immense courage. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Aujourd'hui, un certain nombre de questions se posent. Premièrement, on peut s'interroger sur la récurrence de tels événements climatiques.
Deuxièmement, il est nécessaire d'améliorer le fonctionnement de nos grandes entreprises, anciennement de service public, comme EDF et France Télécom, car l'absence de référents territoriaux a retardé les réparations.
Troisièmement, 300 000 hectares de forêt sont par terre, au coeur du plus grand massif forestier d'Europe, c'est-à-dire de son plus grand poumon, puisque les arbres captent le CO2 pour le transformer en oxygène. Dix ans après la tempête de 1999, comment allons-nous témoigner ensemble, collectivités locales et État, de nos encouragements par l'indemnisation et l'octroi de moyens financiers ? Comment allons-nous en sortir, alors que nous traversons une crise économique qui frappe d'abord les filières du papier et de l'emballage ?
Monsieur le Premier ministre, je vous propose de réfléchir à des mesures fiscales qui permettraient de sortir le bois, en encourageant l'utilisation de la biomasse et, surtout, la construction bois. N'est-il pas temps de mettre un terme au dispositif Robien, qui a entraîné une inflation et une surchauffe immobilières dans toutes nos communes (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC),et de le transformer en une incitation fiscale en faveur de la construction de maisons en bois ? Une telle mesure serait efficace, tout en étant fidèle à l'esprit du Grenelle de l'environnement.
Quid de l'indemnisation et de la mise en oeuvre de nouveaux dispositifs fiscaux qui permettraient de sortir 50 millions de m3 de bois, répartis sur 300 000 hectares, couchés dans les forêts des Landes et d'Aquitaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
J'ajoute, monsieur le président, que je suis également ministre de la forêt.
Monsieur le président Alain Rousset, le Gouvernement a immédiatement pris la mesure de la tragédie économique, humaine et sociale qui a frappé votre région, ainsi que celles de Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées, comme en témoignent la visite que le Président de la République – j'étais à ses côtés, avec d'autres membres du Gouvernement, dont Jean-Louis Borloo – a effectuée sur place le lendemain même de la tempête et la réunion que le Premier ministre organise dans deux jours avec l'ensemble des élus du sud-ouest. J'ai moi-même convoqué, quatre jours après la tempête, une réunion avec les représentants de l'ensemble de la filière forêt et bois, que je dois rencontrer à nouveau après-demain.
Nous travaillons dans quatre directions. Notre première préoccupation est de sortir le bois. Pour ce faire, il nous faut rétablir les accès et assurer le drainage dans les parcelles inondées. Un premier crédit de 5 millions d'euros a été dégagé afin d'accompagner cet effort d'évacuation des bois. Plusieurs équipes venant de toute la France sont aux côtés des agents forestiers de l'ONF, des communes forestières et des entreprises.
Notre deuxième priorité est le stockage et la conservation des bois. Nous essayons donc de déterminer, avec les experts et les acteurs de votre région, quels sont les bons outils de stockage.
Troisième priorité : la valorisation du bois. Sur ce point, j'irai un peu plus loin que vous, puisque je suis en train d'identifier les pays vers lesquels nous pouvons exporter ces pins et les entreprises nationales, voire régionales, qui ont besoin de les consommer. Avec Jean-Louis Borloo, nous pouvons réfléchir à des mesures de valorisation de ce bois, non seulement dans le secteur de l'énergie, mais également dans celui de la construction.
Enfin, il nous faut assurer la reforestation. Je rappelle que celle qui a été décidée après la tempête de 1999 n'est pas encore achevée.
Telles sont les directions dans lesquelles nous travaillons. En outre, nous avons sollicité, tout comme vous, monsieur Rousset, le Fonds européen de solidarité – que je connais bien, pour l'avoir créé en 2002 lorsque j'étais commissaire européen – afin qu'il contribue aux travaux de reconstruction.
En conclusion, le Premier ministre va recevoir les élus du Sud-Ouest et nous travaillons dans les quatre directions que je viens d'évoquer. J'ajoute que le Président de la République annoncera probablement certaines mesures très fortes concernant la filière bois et la valorisation de la forêt française, pour les dix ans qui viennent, dans les secteurs de l'énergie et de la construction. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Pierre Soisson, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
La France souffre à nouveau du chômage. Ainsi, dans une ville moyenne comme la mienne, Auxerre,…
…cinq cents emplois ont été ou vont être supprimés. La lutte pour l'emploi doit constituer pour nous tous la priorité absolue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
À la suite d'un accord intervenu avec les partenaires sociaux, le Gouvernement vient de prendre une excellente mesure, qui consiste à porter le taux d'indemnisation du chômage partiel de 50 % à 60 % de la rémunération brute. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Pour ce qui concerne les salariés privés d'emploi, le Gouvernement a créé en 2006 une mesure qui constitue sans doute le dispositif le mieux adapté à la crise actuelle : le contrat de transition professionnelle.
Il s'agit d'un contrat passé entre le service public de l'emploi et le travailleur, qui prévoit une indemnisation pouvant aller jusqu'à 80 % du salaire brut pendant un an, des incitations financières à reprendre un emploi, enfin et surtout une formation professionnelle adaptée aux besoins du salarié et à ceux de l'économie locale.
Sept bassins d'emploi avaient été retenus à l'origine. D'autres sont prévus dans le budget de 2009, et le Président de la République vient de souhaiter que la mesure soit étendue à tous les bassins marqués par une dégradation de l'emploi. Monsieur le secrétaire d'État, je vous demande de mettre cette extension à l'étude pour tous les bassins d'emploi qui se trouvent dans une situation fragile – étant précisé que j'aimerais que vous n'oubliiez point Auxerre et sa région !
Monsieur Wauquiez, si vous répondiez à ma prière et s'il existait un paradis pour les jeunes ministres, nul doute que vous y auriez gagné votre place ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le député, mon objectif n'est pas de gagner ma place au paradis, fût-ce celui des jeunes ministres. Plus modestement, je m'efforce de répondre aux situations difficiles en matière d'emploi – ce qui constitue déjà une lourde tâche dans la période actuelle.
Plus sérieusement, vous avez fait référence aux outils de la politique de l'emploi. En prenant un peu de recul, il est évident qu'il se trouve, sur tous nos territoires, de plus en plus d'entreprises menacées par des plans de licenciement. Jusqu'à présent, toute notre politique de l'emploi était trop souvent concentrée sur l'objectif consistant à repousser l'inéluctable à plus tard, au lieu d'accompagner les salariés ayant perdu leur emploi afin de leur permettre de rebondir dans de nouveaux secteurs.
Le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité que nous puissions travailler sur la meilleure manière d'accompagner ces personnes ayant perdu leur emploi – ainsi les salariés de l'entreprise Fulmen d'Auxerre. Faire en sorte que ces personnes puissent rebondir, c'est toute la philosophie du contrat de transition professionnelle, destiné à donner du temps et une bonne indemnisation à ceux qui ont perdu leur emploi, tout en permettant une bonne mobilisation des outils de la formation, afin qu'ils puissent retrouver un emploi dans les secteurs qui embauchent, car il y en a aussi – je pense notamment au secteur du développement durable, dont Christine Lagarde a donné une très bonne illustration en citant le cas de Ford.
Si les CTP s'adressent aux bassins les plus touchés, il ne faut pas oublier pour autant tous les autres Français frappés par le chômage, qui ont également besoin de notre accompagnement. Dans ce cadre, nous mobiliserons la convention de reclassement personnalisé, elle aussi améliorée et qui, se combinant avec des actions de formation professionnelle, est destinée à permettre à nos concitoyens de rebondir, où qu'ils soient sur le territoire.
Comme vous le voyez, notre obsession est de disposer d'outils au niveau national – c'est l'objectif du plan de relance –, mais également de pouvoir décliner ces outils au plus près du terrain, dans tous vos départements, vos circonscriptions, vos communes, qui en ont besoin. Nous ne promettons pas de faire des miracles…
..mais nous engageons au moins à être aux côtés de ceux qui ont perdu leur emploi afin de leur permettre de rebondir. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous n'allez que là où il n'y a pas de problèmes ! Vous n'êtes pas venu chez Goodyear !
J'espère que, sur un sujet comme celui-ci, nous pourrons tous nous retrouver. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. René-Paul Victoria, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
Monsieur le secrétaire d'État, je viens d'apprendre que le maire d'Antananarivo a été démis de ses fonctions par le ministre de l'intérieur malgache, qui a nommé, à sa place, un administrateur provisoire.
Depuis quelques jours, Madagascar connaît en effet une crise sociale et politique majeure, marquée par une vague de manifestations, de pillages et d'incendies sur l'ensemble du territoire, qui ont conduit, selon votre propre estimation, à un triste bilan provisoire de plus de quatre-vingts morts.
Le maire de la capitale malgache, démocratiquement élu en décembre 2007 avec plus de 62 % des voix, défie le Président de la République, réélu démocratiquement en décembre 2006 avec plus de 54 % des voix. Samedi, après plus d'une semaine de manifestations, le maire a déclaré assurer la gestion du pays. Or, il vient d'être destitué : la situation est donc confuse.
La France, puissance de l'océan Indien par ses territoires de La Réunion et de Mayotte, est une amie traditionnelle de Madagascar. Elle ne peut rester insensible à une situation dramatique qui secoue un État francophone majeur de l'océan Indien, où réside une forte communauté française de plus de 20 000 personnes.
Dans ce contexte, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous informer la représentation nationale de la situation actuelle à Madagascar et de la manière dont la France agit, notamment pour la protection de ses ressortissants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député René-Paul Victoria, je confirme les informations que vous avez données.
La situation à Madagascar évolue d'heure en heure, puisque nous avons appris la destitution du maire quelques instants avant que ne débute cette séance de questions d'actualité.
Je confirme malheureusement que le bilan des manifestations et des émeutes de ces derniers jours est bien de quatre-vingts morts. Pour ce qui concerne l'action de la France, nous avons immédiatement réaffirmé notre attachement à l'État de droit, en même temps que nous appelons au dialogue politique entre les différentes parties au conflit. Nous avons également renforcé notre ambassade sur place, afin de prendre les décisions qui s'imposent, concernant notamment les 20 000 ressortissants français qui vivent sur l'île.
Avec le ministre de la défense, nous avons également mobilisé des moyens sur l'île de La Réunion, toute proche, et nous suivons l'évolution de la situation d'heure en heure, depuis le centre de crise du Quai d'Orsay. Bernard Kouchner (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et moi-même sommes en contact aussi bien avec le Président de la République malgache qu'avec le maire d'Antananarivo.
Tout en restant prudent dans mes pronostics, je puis vous dire que, pour le moment, la situation est plutôt calme et qu'il semble que, malgré la destitution du maire, nous nous dirigions vers une reprise du dialogue.
Il nous faut du temps pour analyser la situation exacte. Cela ne nous empêche pas d'être particulièrement attentifs. Sans dramatiser, nous entendons prendre toutes les précautions nécessaires afin d'assurer la sécurité des 20 000 ressortissants français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
À mon tour, monsieur le Premier ministre, de dire que vous voulez bâillonner nos débats par le règlement de l'Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Pourtant, notre temps de parole, c'est la voix des Français. Vous ne nous ferez jamais taire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR –- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je pose cette question au nom de notre groupe, solidaire de la Guadeloupe, et tout particulièrement de nos collègues députés Victorin Lurel, Jeanny Marc et Éric Jalton ainsi du sénateur Jacques Gillot, dont je salue l'esprit de responsabilité devant une crise sociale gravissime.
Fidèle à sa méthode, le Gouvernement a joué le pourrissement de la situation sociale en Guadeloupe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Là-bas comme ici, comme partout dans la République, c'est quand les mouvements sociaux sont déterminés, que le Gouvernement consent à se préoccuper de nos concitoyens et de leurs difficultés quotidiennes.
La population de Guadeloupe soutient la grève générale contre la vie chère et pour le pouvoir d'achat, malgré les désagréments et la paralysie de l'île.
Quelle est la réalité ? Là-bas comme ailleurs, mais plus qu'ailleurs sans doute, c'est la vie chère, des produits de consommation deux à trois fois plus chers qu'à Paris, une économie sous le contrôle de monopoles souvent proches du pouvoir.
La réalité, c'est aussi un ministre de l'outre-mer qui arrive deux semaines trop tard pour recycler des décisions déjà prises depuis longtemps sur le RMI, le RSA ou les billets d'avion. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, je vous demande, devant la représentation nationale, que la solidarité et la justice soient enfin rétablies en faveur de la Guadeloupe et de tous les départements d'outre-mer. Je vous demande que l'égalité sociale avec les outre-mers, oubliée depuis 2002, redevienne la loi de la République (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et que des décisions très concrètes sur les salaires, le SMIC, les minima sociaux, les hôpitaux, les baisses de TVA, et contre les discriminations soient annoncées dès aujourd'hui par votre Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
C'est bien de faire de grandes déclarations, monsieur Christian Paul ; c'est encore mieux d'agir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Et c'est bien d'action qu'il est question et c'est précisément ce que nous faisons sur le terrain !
Il est vrai que cette crise sociale est le reflet de l'inquiétude de nos concitoyens de Guadeloupe pour leur niveau de vie et leur pouvoir d'achat. Contrairement à ce que vous venez d'affirmer, monsieur Paul, le Gouvernement ne s'est pas désengagé de cette crise.(« Absolument ! » sur les bancs du groupe UMP.) Dès le départ, le préfet a tout fait pour entretenir le dialogue entre les collectivités territoriales et les catégories socioprofessionnelles ! (« Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Et c'est bien ce qu'il fallait faire !
Il est vrai que, pour diverses raisons, cela n'a pas abouti. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est la raison pour laquelle nous avons, avec Yves Jégo, pensé qu'il était nécessaire qu'il se rende sur place. Il a ainsi obtenu que, dès demain, les stations service soient rouvertes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C'était un point de blocage important, désormais levé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Par ailleurs, le secrétaire d'État a annoncé une série de mesures destinées à aider nos compatriotes. En ce qui concerne le RSA, les 63 000 concitoyens qui vont en bénéficier apprécieront votre haussement d'épaule, messieurs de l'opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) En ce qui concerne l'aide aux plus défavorisés, ce sont 40 000 d'entre eux qui bénéficieront de billets à tarif réduit pour leur permettre de venir voir leur famille en métropole.
Pour ce qui est du niveau des prix pratiqués en Guadeloupe, j'ai mandaté une commission (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) chargée d'évaluer la situation, d'identifier les abus et de comprendre les raisons objectives pour lesquelles les prix sont plus élevés en Guadeloupe qu'ils ne le sont en métropole.
Lors de mon dernier voyage aux Antilles, je rappelle que j'ai pu signer avec les représentants de la grande distribution à la Martinique, un accord permettant de faire baisser les prix. Je regrette qu'il n'ait pas été possible alors de faire de même en Guadeloupe.
J'ajoute enfin que de nombreuses dispositions du plan de relance vont s'appliquer à la Guadeloupe,…
…notamment seize d'entre elles, y compris la restructuration de l'ancien hôpital pour l'université.
Le Gouvernement s'étant engagé, je souhaite, monsieur Paul, que l'ensemble des élus de Guadeloupe soient prêts eux aussi à s'engager pour aider nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, alors que la France affichait jusqu'en mai 2008 un rythme de création d'emplois inégalé depuis 2000, la crise financière, parce qu'elle touche de plein fouet l'activité économique, affecte directement l'emploi.
Un rapport du Gouvernement sur les exonérations introduites fin 2007 afin d'encourager le recours aux heures supplémentaires a été dévoilé jeudi par un quotidien.
Un député du groupe SRC. Propagande !
Ce dispositif d'exonération sociale et fiscale partielle des heures supplémentaires est de toute évidence un moyen de distribuer du pouvoir d'achat aux Français (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR) qui font des heures supplémentaires au moins une fois par an, soit environ quatre salariés à temps complet sur dix.
Selon le rapport, la réforme aurait ainsi un effet favorable de 0,15 % sur le PIB et se traduirait dès 2009 par « une baisse du coût du travail et des effets d'entraînement qui joueront positivement sur l'investissement des entreprises, donc sur l'emploi ». (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Cela montre une nouvelle fois, mes chers collègues, que les réformes engagées dès 2007 par le Gouvernement permettent aujourd'hui de limiter les conséquences de la crise économique.
Madame la ministre, pouvez-vous réaffirmer devant la représentation nationale l'engagement du Gouvernement dans la lutte contre le chômage (Protestations sur les bancs du groupe GDR), véritable fléau économique, et détailler les mesures concrètes qui seront prochainement adoptées à cette fin ?
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame Dalloz, j'aimerais simplement rétablir quelques chiffres concernant la réforme des heures supplémentaires, qui mérite – vous avez raison de le dire – un bon procès, et non un mauvais procès.
Ces chiffres, les voici : 5 millions et demi de salariés ont bénéficié du régime des heures supplémentaires ; celles-ci ont augmenté de 35 % ; le salarié typique qui en bénéficie, dont le salaire annuel est de 18 000 euros…
…, jouit chaque année, grâce aux heures supplémentaires, d'une augmentation de 10 %, soit 1 800 euros à la fin de l'année. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Manifestement, cette réforme fonctionne (Même mouvement. – M. Maxime Gremetz brandit les pages « Économie » du Figaro) : elle permet à 5 millions et demi de salariés d'accroître leur pouvoir d'achat.
Vous m'interrogez sur ce que nous avons fait. Nous avons instauré, avec vous, le revenu de solidarité active. Nous avons organisé un meilleur service grâce à Pôle emploi. Vous avez adopté le texte sur les droits et les devoirs des demandeurs d'emploi. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) En outre, vous avez inscrit dans la loi, en permettant ainsi l'application, le principe de la flexsécurité issu des discussions entre partenaires sociaux.
Voilà ce qui a été fait, et nous irons plus loin grâce à vous.
Vous avez instauré les exonérations de charges sociales pour les toutes petites entreprises afin d'encourager l'emploi. (M. Maxime Gremetz brandit à nouveau Le Figaro. – « Le paquet fiscal ! » sur les bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous mettons en oeuvre l'accompagnement individualisé des salariés par Pôle emploi. Nous avons mis en place, ensemble, l'amélioration du régime du chômage partiel, les contrats de transition professionnelle et les conventions de reclassement personnalisé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Philippe Briand. Très bien !
Pourquoi ? Pour soutenir tous nos concitoyens lorsqu'ils sont confrontés à de graves difficultés du fait d'un licenciement économique. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous avez voulu nous faire croire qu'en travaillant moins, il y aurait moins de chômage ; cela n'a pas fonctionné. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Il faut simplement, en travaillant plus, pouvoir gagner plus et avoir plus de pouvoir d'achat ! (« Très bien ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. le Premier ministre n'est plus là mais je le dis à mon tour : vous voulez bâillonner nos débats ; notre temps de parole, c'est la voix des Français, vous ne nous ferez pas taire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Huées sur les bancs du groupe UMP.) Non, vous ne nous ferez pas taire !
Il y a tout juste un an, le Président de la République était à Gandrange, dont Michel Liebgott et moi-même sommes élus, et il a parlé aux ouvriers – souvenez-vous : « Gandrange, il n'y a pas mieux comme voyage de noces… » Souvenez-vous : « Je préfère que l'on mette de l'argent pour qu'une usine reste ouverte plutôt que pour les gens restent chez eux en préretraite ou au chômage ». Aujourd'hui, le chômage explose et atteint un triste record.
De tout cela, Gandrange fut le sinistre annonciateur.
Souvenez-vous enfin : « Je reviendrai pour annoncer moi-même le plan, pour que chacun soit sûr que la situation de Gandrange est vue au plus haut niveau de l'État ». Mais à Gandrange, les salariés n'attendent plus que le Président de la République tienne enfin sa parole. Gandrange a été un test pour votre politique économique, industrielle et sociale. Il restera un symbole : celui des noces du mensonge et de la trahison ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Partout où le Président passe, de Sandouville à Vesoul, en passant par la Moselle, les promesses fleurissent, puis vient le temps de la désillusion.
Vous avez voulu affirmer votre volontarisme ; vous n'avez fait que décrédibiliser la parole politique.
Drôle d'anniversaire ! Dans les contrats de revitalisation et d'ancrage territorial que l'on nous propose, que reste-t-il des serments de l'an passé ? Une formation pour vingt jeunes, un tiers du budget consacré à un cabinet de conseil, deux projets de centrale électrique volatilisés, l'arrêt du deuxième haut-fourneau de Florange, plusieurs milliers de sous-traitants sur le carreau.
Votre désinvolture fut criminelle, votre imposture est patente. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Lorsque l'on voit le sort réservé à un préfet pour quelques sifflets, on peut se demander s'il ne serait pas finalement préférable que le président ne revienne pas à Gandrange : l'acier de la colère y est encore trop fumant ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.
Madame la députée, je vous remercie de me donner l'occasion de rétablir quelques vérités sur ce dossier. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il y a ceux qui parlent, il y a ceux qui gesticulent, il y a ceux qui invectivent et puis il y a ceux qui travaillent et apportent des réponses, comme le fait le Gouvernement. (« Zéro ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
Dans quelques jours, je serai en Lorraine pour la signature de deux conventions qui concrétiseront les engagements pris par le groupe Arcelor Mittal devant le Président de la République.
La première est une convention de revitalisation, qui prévoit un investissement de 3 millions d'euros pour la création de 682 emplois dans le bassin de Gandrange.
Je précise qu'il s'agit du maximum du plafond légal autorisé, conformément à ce que nous avions voulu, avec Arcelor Mittal, pour le bassin de Grandrange.
La deuxième convention, qui tient compte des difficultés spécifiques du bassin de Gandrange, est une convention d'ancrage territorial. Elle comprend une mesure attendue : un investissement de près de 30 millions d'euros d'Arcelor Mittal, qui permettra notamment la rénovation des creusets, seul moyen de pérenniser l'emploi sur le site. Elle prévoit également un autre investissement du groupe dans un centre de formation, qui accueillera à terme 120 apprentis, ce qui est très important pour la formation à l'échelle du bassin de vie. Enfin, elle contribuera à créer un fonds lorrain des matériaux, doté d'une vingtaine de millions d'euros, financé à parité par le groupe Arcelor Mittal et par la collectivité publique. À cet égard, j'observe que le président du conseil régional a sur ce sujet une attitude beaucoup plus constructive que la vôtre, madame la députée. Il a d'ailleurs mis le doigt sur un sujet important sur lequel nous travaillons : le captage de CO2.
L'étude de faisabilité démontre la pertinence du lieu. Il faudra maintenant qu'Arcelor Mittal retienne ce site plutôt qu'un autre.
Alors, madame la députée, devant la gravité de la situation économique, devant les difficultés éprouvées par les salariés de Gandrange, je crois qu'il y a mieux que vos invectives. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je ne peux pas vous laisser dire, comme vous l'avez fait ce matin, que si le Président de la République revenait à Gandrange, il serait accueilli non par des grains de riz mais par des boulons. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Ce sont des propos totalement irresponsables ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Avenir de l'usine Arcelor Mittal de Gandrange
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Rudy Salles.)
M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de charger Mme Henriette Martinez, députée des Hautes-Alpes, d'une mission temporaire auprès de M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
La parole est à M. Christian Kert, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, madame la ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, c'est presque avec bonheur que nous nous retrouvons ici,...
...dans ce climat apaisé, pour évoquer les délibérations de la commission mixte paritaire, qui s'est réunie mercredi dernier à l'Assemblée nationale, sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Cette réunion, je crois pouvoir le dire, s'est déroulée dans la sérénité et le souci de continuer à enrichir le texte de façon constructive.
Le Sénat avait déjà eu à coeur, dès la première lecture du projet de loi, de prolonger les réflexions entamées à l'Assemblée nationale, de sorte que le travail ainsi réalisé en commun aille dans un même sens : construire un service public moderne et dynamique de l'audiovisuel. Il s'agissait bien, dans l'esprit de chacun, d'inventer la télévision de service public du XXIe siècle, de lui donner un visage nouveau, plus différencié de l'offre privée, de refléter la diversité de la création audiovisuelle dans notre pays et de donner à voir différents regards, différentes facettes de notre société.
Dès la première lecture, nous avons eu à coeur d'apporter de nombreuses améliorations à ce texte.
Je ne citerai que les principales.
Ainsi, le CSA et la HALDE devront rendre compte au Parlement des efforts des sociétés nationales de programme pour améliorer la diversité, tant à l'antenne que dans leur politique de ressources humaines, conformément au souhait de nombre de nos collègues, quel que soit le banc sur lequel ils siègent.
À l'article 1er, nous avons tenu à réaffirmer la vocation régionale de France 3, mais également à éviter tout phénomène de guichet unique du fait de la réorganisation de France Télévisions en une société unique.
À l'article 4, nous avons tenu, à l'unanimité, à réaffirmer que l'État doit détenir la totalité du capital de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur.
Aux articles 5, 6 et 7, nous avons précisé que les personnalités qualifiées nommées au conseil d'administration des sociétés nationales de programme doivent être indépendantes de ces sociétés. Cette précision nous a paru importante.
À l'article 9 a été prévu un avis des commissions parlementaires, venant après celui du CSA, sur le retrait du mandat d'un président de l'audiovisuel public, par parallélisme avec la procédure prévue à l'article 8 pour la nomination.
À l'article 16, il a été réaffirmé, à l'unanimité, que le service public doit continuer à retransmettre les débats du Parlement.
Aux articles 20 et 21, nous avons tenu à mieux moduler les taxes pour prendre en compte les difficultés économiques actuelles. Malheureusement, l'actualité nous donne raison sur ce point. Nous connaissons maintenant les conditions publicitaires des chaînes publiques et privées.
À l'article 27, nous avons tenu à prévoir que le CSA pourrait exercer son contrôle sur la publicité en ligne. Toutefois, le Sénat est revenu sur cette disposition en prévoyant simplement la remise d'un rapport sur le sujet.
Nous avons également adopté un certain nombre d'articles additionnels visant à actualiser le cadre de mise en oeuvre de la télévision numérique terrestre, de la télévision en haute définition et de la radio numérique.
Le dialogue constructif que nous avons eu avec les sénateurs en commission mixte paritaire, et singulièrement avec les deux rapporteurs, a permis de parachever cette réforme. À cet égard, les députés membres de la commission mixte paritaire tiennent à remercier leurs collègues sénateurs pour cet excellent état d'esprit.
Quelques points faisaient encore débat en commission mixte paritaire.
À l'article 1er, en vue d'une plus grande cohérence avec l'objectif de l'entreprise commune, il a été prévu que « lorsqu'ils diffusent des journaux télévisés, les services de la société France Télévisions disposent d'une ligne éditoriale indépendante ». Parallèlement, la reprise des dispositions conventionnelles protectrices des journalistes de l'audiovisuel public dans la loi permet de rassurer les rédactions.
À l'article 9, l'innovation juridique introduite par les sénateurs sur les modalités de retrait du mandat des présidents de l'audiovisuel public nous faisait encourir un risque certain de censure. C'est pourquoi a été acté le retour à la rédaction de l'Assemblée nationale, tout en intégrant l'apport du Sénat sur le vote du CSA, rétablissant ainsi le parallélisme des formes entre la nomination des présidents organisée par la loi organique et le retrait de leur mandat.
L'article 14 bis C, qui prévoyait un rapport du CSA sur le financement de l'audiovisuel public, a été supprimé. Il nous a semblé, suivant en cela les conclusions des travaux du rapporteur spécial de la commission des finances sur les problèmes d'audiovisuel, M. Patrice Martin-Lalande, qu'il dessaisissait les parlementaires que nous sommes d'une prérogative fondamentale, celle de contrôler chaque année les modalités de fonctionnement et de financement des sociétés nationales de programme.
À l'article 18, la commission mixte paritaire a réintroduit la suppression de la publicité sur RFO au plus tard le 30 novembre 2011, sous réserve d'une offre de télévision privée diffusée en clair par voie hertzienne terrestre. Comme nous l'avons dit tout au long des débats, cette disposition se justifie par un marché publicitaire très étroit et par la nécessité d'une unité de cible.
Sur la question sensible de la redevance, une rédaction de compromis a pu être adoptée, redevance rebaptisée « contribution à l'audiovisuel public ». Elle sera indexée, dès 2008, sur l'inflation. En revanche, l'arrondi à l'euro supérieur et l'extension du champ de son assiette n'ont en définitive pas été retenus.
À l'article 49 AA, différentes dispositions relatives aux clauses de rendez-vous et aux rapports ont été fusionnées et intégrées dans les missions du comité de suivi. Ce comité, issu des débats sénatoriaux, doit devenir un organe de contrôle et d'évaluation de la mise en oeuvre de la présente loi. Il sera notamment chargé, et c'est fondamental, de vérifier l'adéquation entre les moyens alloués à France Télévisions et les besoins réels de la télévision publique. Il évaluera également annuellement la pertinence de l'assiette et du taux des deux taxes et rendra un rapport avant chaque examen du projet de loi de finances au Parlement. Il pourra utilement solliciter à tout moment l'expertise des uns et des autres, c'est-à-dire du CSA, de la Cour des comptes, du contrôleur général, économique et financier chargé de l'audiovisuel public, ou encore de l'Inspection générale des finances.
Un décret doit préciser les conditions de sa mise en place. Nous espérons, madame la ministre, qu'il sera très rapidement publié. Nous serons très attentifs au bon fonctionnement de ce comité, dont nous devrons, conjointement, nous saisir. Je précise que l'opposition y aura d'ailleurs toute sa place.
Voilà l'essentiel des apports de la commission mixte paritaire.
Je vous invite naturellement, mes chers collègues, à adopter le projet de loi ainsi modifié qui, comme j'ai eu l'occasion de le dire à de nombreuses reprises lors de nos débats, redonne une grande ambition à notre service public de l'audiovisuel.
La richesse, la qualité de nos échanges, l'ardeur que tous ici avons mise, parfois sous des formes différentes,...
...à présenter et à défendre nos points de vue et nos convictions sur cette question, ainsi que la participation permanente et personnelle de Mme la ministre,...
...auront été, je le pense, le signe de l'importance de ce texte dans la vie culturelle de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous arrivons au terme de l'examen ce projet de loi, dont je pense profondément qu'il s'agit d'une grande réforme culturelle, ayant pour particularité de toucher l'ensemble des Français. Il n'est que de voir comment nos compatriotes se la sont appropriée, adoptant très rapidement les nouveaux horaires, profitant de programmes qui commencent désormais à vingt heures trente-cinq, d'un journal télévisé du soir qui a lieu à vingt-deux heures trente, d'émissions et de débats à caractère culturel qui commencent à vingt-trois heures, bref, de programmes de grande qualité, représentant une offre plus importante et plus accessible aux enfants.
Cette réforme, déjà familière à tous, apparaîtra sans doute dans quelques mois comme ayant toujours existé, et il faut s'en réjouir.
Après un mois et demi de débat au Parlement, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord pour proposer un ensemble d'améliorations. Rappelons d'ailleurs la richesse du débat parlementaire, même si celui-ci a été long. Nous aboutissons à un texte amélioré et enrichi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je rappelle notamment que la représentation de la diversité de la population française est maintenant mieux assurée, à la fois sur les écrans et dans la politique de ressources humaines de l'audiovisuel public.
La discussion a permis d'apporter des précisions quant aux conditions de nomination et de retrait de mandat des présidents de l'audiovisuel, avec le rôle clé dévolu au CSA mais aussi aux commissions parlementaires, garantissant un débat public plus riche et plus exigeant.
Les téléspectateurs du service public seront désormais intéressés directement à la vie de l'entreprise France Télévisions grâce à la création d'un conseil consultatif des programmes.
La richesse et la diversité des projets d'investissement dans la création audiovisuelle seront sans doute mieux garanties par une sélection collégiale.
Les conditions de suppression totale de la publicité sur France Télévisions d'ici à la fin de 2011 ont été précisées, avec une clause de rendez-vous le 1er mai 2011 au plus tard, qui permettra de faire un état des lieux de la situation.
Les conditions de la suppression de la publicité sur RFO, en fonction de l'extinction de la diffusion analogique et de l'existence d'une offre privée concurrente, ont été définies.
Le financement de l'audiovisuel public est conforté par l'indexation de la redevance, rebaptisée « contribution à l'audiovisuel public », sur l'inflation. Comme votre rapporteur l'a rappelé, cette indexation court à partir de juin 2008, conformément aux préconisations de la commission Copé.
La taxe sur les chaînes de télévision privées a été aménagée, ce qui était logique puisqu'il fallait tenir compte des surplus réels dont elles pourraient bénéficier avec la fin de la publicité sur France Télévisions. Je signale au passage que, forts des chiffres dont nous disposons en matière de publicité, nous n'avons pas fait de cadeaux extraordinaires aux chaînes privées,…
…qui se heurtent aujourd'hui à de grandes difficultés. Comme nous l'avons dit, le fait d'avoir garanti par des ressources publiques le financement de l'audiovisuel public est un atout remarquable au moment où la crise affecte le marché publicitaire.
Nous avons donc veillé à aménager la taxe sur les sociétés de télécommunications afin de ne pas pénaliser les investissements des opérateurs dans les réseaux pour qu'ils contribuent à la réduction de la fracture numérique.
Des propositions ont été faites pour améliorer la protection des mineurs vis-à-vis des contenus diffusés sur l'ensemble des médias.
Le droit à l'information est mieux garanti, notamment en matière sportive, dans le respect des intérêts des ayants droit.
Vous avez permis la mise en oeuvre des accords interprofessionnels – qui ont succédé au décret Tasca –, signés par l'ensemble des chaînes historiques, les producteurs audiovisuels et les sociétés d'auteur, en respectant les identités éditoriales de chaque antenne.
Enfin, le rapporteur l'a rappelé, il est créé un comité de suivi, composé de parlementaires et chargé d'évaluer la présente loi, notamment les mesures de financement de l'audiovisuel public. Ainsi que l'a demandé Christian Kert, le décret sera pris dans les meilleurs délais.
La discussion de ce projet a été particulièrement passionnée, commentée. Je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui l'ont défendu, en particulier la commission spéciale et son rapporteur, dont on a rappelé le talent. Ce fut un débat très intéressant, sur une réforme qui, je le redis, touche chacun d'entre nous. Le service public sera de meilleure qualité encore qu'il n'est aujourd'hui. Grâce à ce texte il sera plus libre, plus audacieux. On peut inventer de nouvelles formes de service public, c'est une question de programmation. Tout un processus a été lancé dont nous attendons beaucoup. Nous serons en tout cas aux côtés du service public pour le soutenir dans son oeuvre culturelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Patrick Bloche.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l'exception d'irrecevabilité que je suis amené à défendre au nom du groupe socialiste, radical et citoyen vise à vous convaincre – une ultime fois – que le texte issu de la CMP reste, plus que jamais, un mauvais texte.
Mauvais texte parce qu'il n'est, finalement, qu'un retour à la case départ. Après une première lecture à l'Assemblée nationale au cours de laquelle tous nos amendements ont été rejetés ; après un passage au Sénat qui aura montré, au-delà des modifications apportées, combien votre projet divise jusque dans les rangs de votre majorité, la CMP n'aura visé qu'à un seul objectif : revenir à la version adoptée en Conseil des ministres.
Nous retiendrons du débat dans les deux assemblées que l'unique boussole qui s'impose désormais à tout ministre, député ou responsable de l'UMP est la parole de Nicolas Sarkozy – en l'espèce le fait du prince. En ce qui concerne l'audiovisuel – car, hélas, nous le savons désormais, tous les domaines sont un jour touchés par une déclaration présidentielle impromptue –, il faut donc revenir un an en arrière. Depuis l'annonce brutale par Nicolas Sarkozy de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques jusqu'au vote que nous allons émettre aujourd'hui, l'année a en effet été rude pour le paysage audiovisuel français.
À l'inquiétude légitime des salariés de l'audiovisuel public et aux interrogations des citoyens-téléspectateurs, le Président de la République a d'abord répondu par la mise en place d'une commission. Non pas une commission de réflexion sur les missions et les besoins de France Télévisions et sur le financement pour les assurer, mais une commission ayant pour seul objet d'assurer le service après-vente de la parole élyséenne, avec Jean-François Copé comme chef de rayon.
Il fallait, au sein de cette commission, travailler vite, mais hélas, quelques semaines, c'est encore trop long pour le chef de l'État. C'est pourquoi, le 27 mai dernier, avant même la remise officielle du rapport de la commission qu'il avait lui-même créée, Nicolas Sarkozy a craqué et rendu ses premiers arbitrages, un beau matin, sur une radio périphérique. Pour nous, députés et sénateurs de gauche membres de la commission Copé, la mascarade n'avait que trop duré et nous avons alors quitté la commission.
Nous avions bien compris que nous participions, aux côtés de professionnels reconnus, à un jeu de dupes amenant, d'un côté, à formuler des préconisations inévitablement coûteuses en termes de contenus et de diversification et, de l'autre, à supprimer des ressources.
Nous ne pouvions décemment plus continuer à participer à une commission alibi, si révélatrice du mode de gouvernance du chef de l'État que nous dénonçons avec force aujourd'hui sur bien d'autres sujets. Nicolas Sarkozy est en effet le premier Président de la République à considérer que sa seule parole, sitôt prononcée, doit avoir force de loi, d'où son mépris pour le Parlement, enceinte dont la seule fin consisterait à lui faire perdre du temps. On connaît la suite : le projet de loi organique et son article 13.
Oui, nous l'assumons, nous nous sommes fortement opposés à la majorité, durant près de quatre semaines dans cet hémicycle, quitte à appeler Casimir à la rescousse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Oui, nous nous sommes opposés à un texte pour lequel l'urgence avait été déclarée et qui vise à mettre l'audiovisuel public sous une double tutelle, budgétaire et politique.
Mise sous tutelle budgétaire, d'abord, dans la mesure où, pour l'année 2009, la suppression de la publicité après vingt heures devrait être compensée à hauteur de 450 millions d'euros. À budget équivalent, France Télévisions devra donc dégager, dans la journée, des revenus publicitaires de l'ordre de 350 millions d'euros, objectif qui, compte tenu du dumping tarifaire pratiqué par les chaînes privées, est d'ores et déjà hors d'atteinte.
Les ressources de France Télévisions vont donc baisser cette année, alors même que le groupe doit faire face à des dépenses supplémentaires. Le budget pour 2009 doit notamment prendre en compte le financement des nouveaux programmes destinés à occuper les créneaux libérés par la publicité. Il a dû intégrer les coûts consécutifs au renforcement de la stratégie éditoriale visant à proposer un nombre croissant de programmes à vocation culturelle à des heures de grande écoute. Parallèlement, France Télévisions doit poursuivre son effort d'investissement en faveur de la création audiovisuelle française et européenne. À ces investissements s'ajoutent ceux nécessaires à la diffusion des contenus sur les différents supports numériques, ce qu'on appelle communément la diversification.
Conséquence logique : le déficit prévu pour le budget de France Télévisions en 2009 s'élève d'ores et déjà à 135 millions d'euros.
Pour notre groupe, la question essentielle est là. Nous rejetons, en effet, la vision binaire, simpliste que vous avez voulu nous imposer en opposant ceux qui seraient favorables à la publicité sur les chaînes publiques et ceux qui seraient contre. Nous la rejetons d'autant plus que votre entêtement à vouloir faire croire qu'une bonne télévision doit nécessairement se faire sans publicité n'a aucun fondement. Il y a, nous le savons, de très bonnes télévisions qui diffusent de la publicité, et de très mauvaises télévisions qui s'en passent. La suppression de la publicité n'est, en aucun cas, en matière de programmes, une garantie automatique de qualité.
Le débat doit plus que jamais, pour nous, s'articuler autour de la seule question qui vaille : voulons-nous ou non un audiovisuel public réellement financé à la hauteur de ses missions ?
C'est sur cet objectif prioritaire que les députés de notre groupe se sont mobilisés avec autant de détermination. En effet, à l'arrivée, et vous le savez, le compte n'y est pas, et de loin ! Les taxes compensatoires prévues, si elles ne sont pas invalidées par le juge constitutionnel, sont par nature aléatoires puisque fondées pour certaines sur les chiffres d'affaires des opérateurs. Or, dès à présent, le secteur de la haute technologie est confronté à une vague de plans sociaux sans précédent depuis l'éclatement de la bulle Internet au début des années 2000. Rien que le 26 janvier dernier, une dizaine de sociétés ont annoncé quelque 75 000 licenciements aux États-Unis et dans le reste du monde. Et, tout au long de l'année 2009, la tendance va s'amplifier.
Nous nous sommes aussi élevés, évidemment, contre la mise sous tutelle politique de l'audiovisuel public avec la nomination – et, pire encore, la révocation ! – des présidents de France Télévisions, de Radio France et d'Audiovisuel extérieur de la France par le Président de la République,…
…bafouant ainsi les principes d'indépendance des médias et de pluralisme de l'information, pourtant inscrits dans la Constitution.
Alors, oui, nous avons défendu nos positions et nos propositions, durant près de quatre semaines, dans cet hémicycle. Quatre semaines, rendez-vous compte ! Le Président ne l'a pas supporté.
Le Parlement n'entérine-t-il pas assez vite ? Qu'à cela ne tienne, on va faire appel au président de France Télévisions pour qu'il supprime lui-même la publicité à partir de vingt heures sur les chaînes du service public à compter du 5 janvier, puisque tel est le bon vouloir du Président de la République !
Il faut bien du vice, chers collègues, pour contraindre celui qui n'avait pas montré un enthousiasme fou pour cette réforme – c'est un euphémisme – à l'appliquer, en un mot à se faire hara-kiri. Combiné avec le légitime mécontentement des sénateurs de voir un texte mis en oeuvre avant même qu'ils en soient saisis, le doublé est tellement révélateur de la manière dont nous sommes gouvernés depuis le printemps 2007. In fine, une loi n'était donc manifestement pas nécessaire pour supprimer la publicité sur France Télévisions.
En revanche, l'urgence de détenir le pouvoir de nommer et de révoquer à sa guise et sans contrôle réel, l'urgence d'offrir des cadeaux de fin d'année à ceux qui ont cheminé si allègrement aux côtés de Nicolas Sarkozy du Fouquet's à l'Élysée, oui, ces urgences-là étaient bien réelles.
Le 7 janvier, les sénateurs ont commencé l'examen du texte. Le 15 janvier, ils ont notamment adopté, contre l'avis du Gouvernement, la pose d'un verrou parlementaire à la révocation des présidents des sociétés de l'audiovisuel public, l'exclusion de RFO de la suppression de la publicité, une hausse de 4 euros de la redevance, et ce malgré les conséquences annoncées – et, semble-t-il, alors assumées – de ce choix sur la personne même – entendez bien – du président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, qui avait bien imprudemment déclaré : « Moi vivant, il n'y aura pas d'augmentation de la redevance télé. » Ainsi, la vie ne tient parfois, chers collègues, qu'à un amendement sénatorial... (Sourires.) Le 16 janvier, le Sénat a adopté le texte après un scrutin très serré ; adopté certes, mais dans une version modifiée.
Il n'a pas été possible de convaincre les sénateurs ? Soit, il faudra les contraindre ! Et, là encore, comment ne pas s'alarmer de la façon dont le Parlement est désormais appelé à légiférer, non seulement dans l'urgence, mais la main – la main même qui écrit les lois – fermement tenue par l'exécutif. Tous les arbitrages ont été ainsi rendus la veille de la réunion de la commission mixte paritaire, lors d'une rencontre à Matignon, en suivant pas à pas les instructions de l'Élysée.
Dès lors, la CMP n'a été qu'une formalité, un habillage un peu laborieux, une étape supplémentaire, en tout cas, du passage du rouleau compresseur présidentiel.
Évacué, le maintien de la publicité sur RFO ; supprimé, l'encadrement plus strict du pouvoir de révocation des présidents des sociétés de l'audiovisuel public ; éliminée, l'obligation pour France Télévisions de maintenir des rédactions propres dans ses chaînes diffusant des journaux télévisés ; écartée, la demande d'un rapport sur l'opportunité de supprimer la publicité destinée aux enfants durant la diffusion des programmes qui leur sont consacrés ; laissée de côté, la reprise de la convention collective garantissant aux journalistes le droit de ne pas céder aux pressions et de protéger leurs sources.
Une seule, je dis bien une seule proposition sénatoriale aura finalement été retenue au plus haut sommet de l'État : l'augmentation de la redevance, qui fait aujourd'hui de M. Copé un mort vivant.
Une nouvelle étape va être franchie dans les prochaines semaines au Conseil constitutionnel pour garantir tout simplement l'indépendance des médias et le pluralisme de l'information apportés par l'élection de François Mitterrand en 1981, et que les lois que nous avons votées depuis n'ont fait que renforcer.
Mes chers collègues, durant l'examen de ce texte, le Gouvernement a dressé, jusqu'à l'ivresse, une liste de belles intentions, tout en se payant le luxe, du moins jusqu'à présent, de ne pas sortir un centime d'euro de sa poche ! Mais qu'en sera-t-il demain lorsqu'il s'agira de garantir, et seulement pour les trois ans qui viennent, les 450 millions de perte de recettes publicitaires ? Quelle assurance avons-nous, dans le contexte de récession qui frappe aujourd'hui notre pays, que cet engagement ne sera pas remis en cause pour répondre à des demandes sociales jugées plus prioritaires ?
Pour que l'audiovisuel public remplisse pleinement les missions que la loi lui fixe, il faut le doter d'un financement pérenne. Nous en sommes loin.
Depuis vingt-cinq ans, le paysage audiovisuel français s'est structuré autour de deux pôles, l'un public et l'autre privé, luttant plus ou moins à armes égales. En imposant le fait du prince, Nicolas Sarkozy a choisi de dynamiter cet équilibre, en rendant les groupes audiovisuels privés toujours plus puissants et en affaiblissant dangereusement l'audiovisuel public,…
C'est le contraire ! Jamais le financement n'aura été plus solide pour l'audiovisuel public !
…fragilisant ainsi un peu plus la création en France, alors que le cinéma et la production audiovisuelle dépendent en grande partie des obligations de production imposées aux opérateurs audiovisuels.
Quant à l'audiovisuel extérieur de la France, on comprend mal le choix qui a été fait de remettre en cause le caractère public de Radio France Internationale. Nous dénonçons toujours le fait que l'intégration de RFI au sein de la société Audiovisuel extérieur de la France, ouverte aux capitaux privés, s'accompagne de la fermeture programmée de nombre de stations à l'étranger ou de leur basculement sur Internet, comme, par exemple, dans la Russie de Poutine où les réseaux sont filtrés.
Vous étiez alors restée vague, madame la ministre, dans vos réponses, tout en minimisant à dessein les conséquences d'un tel choix. Et puis, le 15 janvier dernier, la direction de RFI a annoncé, sous couvert d'un plan dit « de modernisation », la suppression de 20 % de ses effectifs, confirmant hélas combien les craintes que nous avions exprimées ici même étaient fondées.
Nous redoutons, dès lors, pour les 11 000 salariés de France Télévisions, que les appels à la modernisation sociale de France Télévisions lancés de façon si provocatrice par certains membres de la majorité ne produisent les mêmes effets.
Ce serait ainsi la démonstration implacable que le maintien de l'actuel périmètre de France Télévisions est une digue bien fragile face à l'étouffement budgétaire de la télévision publique que vous avez programmé. Il est à craindre qu'il faille donc de nouveau la réformer. Profondément, cette fois.
J'en ai presque terminé, monsieur le président.
Comment ne pas redouter, en effet, des restructurations internes successives qui auraient pour conséquence la disparition progressive de certaines de nos chaînes publiques ? Voilà cette vérité que le Gouvernement n'arrive pas à nous dire avec ce projet de loi, comme on l'a vu avec RFI. Oui, nous nourrissons les plus vives inquiétudes pour un avenir qui verrait l'État s'alléger d'une partie de sa télévision publique afin, comme le veut la formule, de la « recentrer sur ses missions », formule pudique pour dire justement que des missions, elle en aura de moins en moins.
Mais l'arbre de la suppression de la publicité ne cache plus aujourd'hui la forêt des mauvais coups portés à la télévision publique, à la culture et à la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'en ai fini, monsieur le président. Notre débat aura eu le mérite et l'utilité d'ouvrir les yeux de nos concitoyens, qui sont autant de téléspectateurs, sur les noirs desseins de l'actuelle majorité à l'égard de l'audiovisuel public dans notre pays.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de voter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Michel Herbillon, pour une explication de vote au nom du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Nous pouvions au moins espérer que notre collègue nous présente quelques éléments nouveaux. Au lieu de cela, M. Bloche et ses amis du groupe socialiste nous refont le débat qui a déjà eu lieu. Il n'y a absolument rien de nouveau. Tous les arguments avancés aujourd'hui ont déjà été entendus,…
…rebattus, semaine après semaine.
Nous nous attendions à un minimum d'arguments d'ordre juridique à l'appui de cette exception d'irrecevabilité. Eh bien, non. Notre collègue refait le débat, il refait l'histoire, en revenant aux mêmes obsessions, que nous connaissons bien.
Il y a l'obsession du chef de l'État, l'obsession de Nicolas Sarkozy, si largement répandue…
…sur tous les bancs du groupe socialiste. Cela se comprend, d'ailleurs, puisque les socialistes sont écartés de l'Élysée depuis 1995.
Cette obsession relève donc quasiment de la psychanalyse. On comprend que les socialistes se focalisent sur le Président de la République, comme pour se dédouaner de tant d'échecs lors des élections à la magistrature suprême.
Ensuite, nous avons eu droit à des explications embarrassées et laborieuses pour justifier l'injustifiable, et d'abord pour justifier l'obstruction massive et systématique à laquelle le groupe socialiste a eu recours à seule fin de refuser le débat, de le confisquer. La réforme de l'audiovisuel méritait pourtant un vrai débat, un débat approfondi, un échange d'arguments plutôt que d'invectives.
Nous comprenons l'embarras du groupe socialiste. Face à cette réforme importante de l'audiovisuel, il a fait preuve, une fois de plus, de conservatisme et de dogmatisme. La gauche a toujours rêvé de faire cette réforme, mais c'est nous qui l'avons faite.
Nous n'avons jamais rêvé de faire nommer le président de France Télévisions par le Président de la République !
Et l'on voit que cette réforme, à peine mise en oeuvre, suscite une très forte adhésion des Français : 80 % d'entre eux approuvent la suppression de la publicité ; 80 % approuvent…
La nomination du président de France Télévisions par le Président de la République ?
…le début des soirées à vingt heures trente-cinq. Oui, on comprend l'embarras de nos collègues socialistes.
On comprend aussi leur embarras face aux propositions de la majorité en ce qui concerne le financement. Il s'agit en effet de substituer aux recettes publicitaires, aléatoires comme on le voit en ce moment du fait de la crise, des recettes pérennes, garanties. C'est là une idée de bon sens, qui aurait dû faire l'unanimité. Les socialistes, une fois de plus au rebours de l'histoire, ont voté contre.
Alors, il reste les sempiternels appels à la peur, celle de l' « atteinte aux libertés ». On connaît la rengaine concernant la nomination et la révocation des présidents des sociétés de l'audiovisuel public. Vous passez évidemment sous silence, chers collègues socialistes, l'existence de deux verrous : le verrou du CSA (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC)…
…et celui des commissions parlementaires, puisque, pour la première fois, les commissions des affaires culturelles du Sénat et de l'Assemblée auront à donner leur avis sur la nomination du président de France Télévisions. Vous prétendez, la main sur le coeur, défendre les droits du Parlement, mais vous oubliez de rappeler que vous avez voté contre la révision constitutionnelle qui lui donne plus de pouvoir.
Mes chers collègues, ce n'est plus l'heure de refaire ce débat. Vous comprendrez que pour toutes ces raisons, ainsi que pour d'autres, que je n'ai pas le temps d'évoquer, le groupe UMP ne votera pas l'exception d'irrecevabilité présentée par le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Nous l'avons déjà beaucoup entendu, mais il va maintenant pouvoir s'exprimer officiellement, au nom de son groupe. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
Je n'ai pourtant encore rien dit, puisque j'écoutais, avec un intérêt partagé par mes collègues, l'excellente motion défendue par Patrick Bloche. Nous étions tous subjugués par la force de ses excellents arguments.
Cette loi est une loi scélérate. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Elle a été décidée, un jour de janvier 2008, par le seul Président de la République, qui s'est réveillé, un matin, en disant : « Il faut réformer l'audiovisuel et faire un cadeau à mes amis avec lesquels j'ai excellemment dîné, un soir d'élection, au Fouquet's, sur les Champs-Élysées, à Paris. ». (Même mouvement.)
Ce qui prouve que cette loi est scélérate, c'est que le Gouvernement a déclaré l'urgence. Je me demande vraiment quels arguments vous pouvez avancer pour justifier cette urgence !
Cette loi est à l'évidence une loi qui étrangle, assassine, torture le service public. Son financement, vous le savez, n'est pas assuré, loin de là, comme l'ont souligné durant quatre semaines mes collègues siégeant de ce côté-ci de l'hémicycle. Il s'agit d'un cadeau fait au service privé de la télévision, notamment à TF1. Et Mme la ministre, il y a moins d'une demi-heure, l'a avoué à la tribune : « C'est un cadeau que nous avons fait à la télévision privée ». Cela figurera au Journal officiel. Elle vient de le déclarer elle-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Dans cette loi, outre le cadeau fait aux amis, il y a évidemment des dispositions liberticides, une nouvelle attaque contre la République, à savoir la nomination et la révocation du président de France Télévisions. Jamais, dans une démocratie, on n'a assisté à une telle régression, et c'est vous, députés de la majorité, qui en êtes les auteurs, qui tenez le poignard contre la République. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est un scandale, et un sondage – dont M. Herbillon n'a pas fait état – montre que le pays est carrément hostile à cette nomination-révocation par le seul Président de la République.
Et puis, alors que cette loi n'a même pas été votée – elle ne le sera, peut-être, si vous n'êtes pas pris d'un remords, que dans quelques instants –, elle est déjà partiellement, et sinon totalement, appliquée. En effet, dès le début du mois de janvier, on a vu la disparition de la publicité sur le service public, et ce en vertu de la seule décision du Président Sarkozy, qui l'a ordonnée au président de Carolis. Celui-ci, aux ordres, a mis lui-même la tête sous la guillotine. Là encore, c'est tout à fait scandaleux.
Enfin, je voudrais dire à M. Copé, qui vient d'arriver et n'a donc pas pu écouter M. Bloche, combien j'ai été heurté, scandalisé, traumatisé, par l'attaque personnelle que lui et ses amis ont dirigée contre notre collègue, en caricaturant ses propos. Quand M. Bloche cite pendant quelques secondes Casimir et Saturnin (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), il le fait pour introduire un peu d'humour dans les longs débats de notre assemblée. Et vous, en passant en boucle ces quelques propos, en ignorant les longues heures qu'il a consacrées au débat avec beaucoup de sérieux, vous donnez du Parlement une image totalement tronquée. Il s'agit là d'un acte de calomnie, et je mesure mes propos. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous voterons évidemment contre ce texte, en soutenant l'exception d'irrecevabilité défendue par Patrick Bloche, qui a rappelé à juste titre, en outre, que la CMP était revenue sur les quelques petites avancées que le Sénat avait essayé d'introduire dans ce projet de loi : le Gouvernement et la majorité les ont balayées d'un revers de main. Nous ne laisserons pas la télévision publique se faire assassiner par la majorité gouvernementale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe du Nouveau Centre.
Notre collègue Patrick Bloche a repris l'ensemble de la critique du parti socialiste sur ce texte. C'est son droit, mais ce n'est pas vraiment l'objet d'une exception d'irrecevabilité.
Nous, au Nouveau Centre, nous n'avons pas trouvé d'arguments nouveaux qui fonderaient l'irrecevabilité de ce texte. Nos réserves quant à sa constitutionalité, nous les avons exprimées dans le débat, notamment en ce qui concerne l'instauration des deux nouveaux impôts. Nous verrons ce qu'il en sera lors de l'examen du texte par le Conseil constitutionnel.
En tout cas, le Nouveau Centre ne pense pas qu'il soit utile de prolonger artificiellement ce débat. Nous dirons dans un quart d'heure quelle est notre analyse du texte définitif tel qu'il résulte des travaux de la CMP. Dans l'attente des explications de vote sur l'ensemble du projet de loi, nous ne voterons pas l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Pendant les trois semaines et un jour qu'a duré le débat dans l'hémicycle, nous avons tenté de vous convaincre que ce projet de loi était un mauvais coup porté à la radio et à la télévision publiques. Notre collègue Patrick Bloche vient encore d'essayer, une dernière fois, en défendant l'exception d'irrecevabilité.
Nous la voterons, naturellement.
Contrairement à ce qu'a dit M. Herbillon tout à l'heure, quelques nouveautés sont apparues depuis l'examen du texte par l'Assemblée nationale, il y a un mois et demi.
À nos arguments sur le manque à gagner pour France Télévisions et pour certaines radios comme RFI, vous avez répondu par des propos visant à rassurer sinon l'opposition, du moins les personnels. J'y reviendrai tout à l'heure dans la discussion générale, mais la réalité c'est que l'on en voit dès aujourd'hui les conséquences : un plan social est en effet déjà programmé à RFI.
Monsieur Herbillon, que 80 % des Français soient satisfaits de la suppression de la publicité à la télévision publique après vingt heures, c'est possible. Mais ce n'est pas parce qu'ils y sont favorables aujourd'hui qu'ils le seront demain,…
…si France Télévisions n'a pas les moyens de continuer à diffuser des programmes de qualité après vingt heures.
Déjà, l'audience de France 2 et de France 3 a baissé de 2,5 % en janvier.
Si ces 80 % de Français favorables à la suppression de la publicité boudent la télévision publique, c'est que quelque chose ne doit pas bien aller.
Il serait intéressant de voir si cette baisse d'audience est comparable après vingt heures.
M. Herbillon a souligné le rôle du CSA. Or je m'aperçois que, dans vos rangs mêmes, on le considère comme amoindri. Dans une récente déclaration, François Baroin estime que le CSA « est amputé de la moitié de ses pouvoirs. Non seulement le CSA, mais le principe même d'une autorité de régulation est remis en question ». Jusque sur vos propres bancs, certains s'inquiètent du rôle que jouera le CSA dans l'avenir !
Pour toutes ces raisons, et pour d'autres que j'évoquerai tout à l'heure à la tribune, notre groupe votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
…………………………………………………………….
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'exception d'irrecevabilité.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 223
Nombre de suffrages exprimés 223
Majorité absolue 112
Pour l'adoption 72
Contre 151
(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Marcel Rogemont.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà au terme d'un long périple, si long même pour certains qu'il justifierait – mais est-ce la véritable raison ? – l'introduction du « temps guillotine » dans l'hémicycle. Là se trouve peut-être l'essentiel, cet essentiel qui avance caché, cherchant dans les événements les habits pour plaire et faire croire.
Ainsi, un débat de 70 ou 80 heures sur un tel projet de loi serait trop long et mériterait châtiment, alors même que ce temps passé dans l'hémicycle a levé, l'espace d'un instant, le voile sur une volonté de mettre au pas ce qui pourrait gêner l'expression d'un pouvoir assumé solitairement. Cela, pour répondre au peuple au rythme de l'instant, au risque de confondre sans cesse le temps politique avec le temps médiatique, le temps long de la décision et de sa mise en oeuvre, et le temps de l'instant.
On ne peut construire une société au rythme d'une opinion publique façonnée par l'émotion. Nous devons, nous parlementaires, réclamer le temps nécessaire au travail bien fait, qui se conjugue rarement avec la précipitation de l'instant.
C'est aussi le message que nous avons essayé, avec mes collègues et par le biais des 70 heures de débat, de faire passer : se donner du temps, le temps de la sagesse et du respect de nos institutions.
Ceux qui douteraient de mon propos n'ont qu'à se remémorer les décisions prises par le Gouvernement, non pas par le Président de la République, avant même la remise du rapport de la commission créée pour faire des propositions. C'est d'ailleurs pourquoi mes collègues socialistes avaient quitté cette commission, qui aura eu pour seule finalité de faire taire les critiques suscitées par l'annonce péremptoire du 8 janvier 2008, de diviser, de faire croire qu'on est utile, qu'on participe à la construction de la nouvelle télévision du XXIe siècle, alors que tout était joué, ficelé. Pas une once de liberté pour examiner la loi venue d'en haut, qu'il faut voter sans coup férir, en féaux !
En ce sens, il est permis de parler de tartuferie. Car il y a tartuferie à prôner la transparence et la fin de l'hypocrisie quand il ne s'agit que de donner au Président de la République, et à lui seul, le pouvoir de nommer, et plus encore de révoquer, des responsables de l'audiovisuel dont le sort se trouve, à tout instant, entre les mains d'une seule personne.
Cela n'est pas sans rappeler une certaine ORTF, qui s'appellerait plutôt aujourd'hui ORTS : office de radiodiffusion-télévision sarkozyste.
Il y a également tartuferie à dire que le pouvoir d'un seul serait contrôlé par des majorités fantômes, qui, soit s'imposent d'elles-mêmes lorsqu'il s'agit du CSA, soit n'existent pas lorsqu'il s'agit du Parlement.
Il y a tartuferie à dire que la suppression de la publicité permettrait enfin, ce que les Français espéraient depuis des lustres, aux émissions de première partie de soirée de commencer à vingt heures trente-cinq. Chacun sait, en effet, que la fixation des horaires de diffusion ne relève que d'une décision de gestion, dans laquelle la publicité n'interfère nullement. Aucune loi ne fixe le début de soirée, ce n'est qu'une pratique, un usage.
Il y a tartuferie encore à supprimer la publicité à partir de vingt heures, lorsque les enfants se couchent, et à leur permettre de s'en gaver durant toute la journée. Permettez-moi de rappeler ici que, s'agissant de la suppression de la publicité à la télévision, les socialistes n'ont fait qu'une proposition : une chaîne jeunesse sans publicité. Elle n'a pas été acceptée.
On supprime la publicité mais, dans le même temps, on renforce sa présence pour les appellations génériques et plus encore avec le placement de produit. Bref, on dit : « halte à la publicité repérable » et on ouvre grandes les portes à la publicité insidieuse.
Et il y aussi tartufferie à dire que le Gouvernement garantit le financement lié à la suppression de la publicité lorsque, dans les coulisses, ce même gouvernement négocie un nouveau contrat d'objectifs et de moyens réclamant 700 millions d'euros d'économies à France Télévisions entre 2009 et 2012. Ainsi, d'un côté on garantirait 450 millions, et de l'autre on récupérerait 700 millions.
Il y a tartuferie à parler de financement pérenne lorsque, à peine énoncé le principe d'une taxation, on en réduit les taux, et donc la portée, sans autre forme de procès, sans étude d'impact, sans même un regard sur les conséquences de ce que l'on décide, mettant plus que jamais l'audiovisuel public dans la main du Gouvernement, ou plutôt du Président de la République.
Mais, me direz-vous, il y a la redevance. C'est vrai, sauf qu'en supprimant, dans la loi de finances, l'adjectif « public » après le mot « audiovisuel », on en permet désormais le siphonage. Et cela commence, puisque ce sont plus de 218 millions d'euros qui, en trois ans, cessent d'aller à l'audiovisuel public pour financer les dépenses ordinaires de l'État : le passage au numérique, nous dit-on pour aujourd'hui, mais que sera-ce demain ? Faisons confiance à Bercy pour avoir des idées !
Comment ne pas voir dans l'augmentation de la redevance – car elle augmente, n'en déplaise à M. Copé, qui est toujours vivant et n'en est pas à une couleuvre près – le signe d'un trou béant creusé dans le financement de notre télévision, qu'il faut boucher coûte que coûte ?
Car il y a tartuferie encore à vouloir à tout prix voter une loi lorsque ses dispositions les plus médiatisées sont déjà en application, et ce depuis le 5 janvier dernier ! Où est donc l'urgence ? Peut-être s'agit-il en vérité, derrière le faux prétexte d'une meilleure organisation de l'audiovisuel public mieux organisé, d'une loi pour l'audiovisuel privé. Au point où nous en sommes, il ne reste plus guère, en effet, outre la question des nominations, que le passage de six à neuf minutes des écrans publicitaires sur les chaînes privées, soit une augmentation de 50 % du temps de publicité.
Il y a enfin tartuferie à réaffirmer le financement de la création par France Télévisions lorsqu'une partie de ses ressources lui viendront désormais de la taxation de l'Internet, alors que le produit de celle-ci aurait dû être affecté entièrement à la création.
Il faut que tous ceux qui, d'une façon ou d'une autre, diffusent des productions cinématographiques ou audiovisuelles soient traités de façon semblable. Or, vous avez décidé que cet argent qui aurait dû aller à la création financera en fait l'un des financeurs de la création ; ce n'est pas la même chose. Il y a là une perte phénoménale pour la création, mesurée par la différence entre le montant des taxes affecté à la télévision publique et l'augmentation effective du financement de la création par France Télévisions.
Vous me direz sans doute que ce propos n'a rien à voir avec une question préalable à l'examen du texte sorti de la commission mixte paritaire. Malheureusement, si !
Regardons la réforme de l'audiovisuel public telle qu'elle est : elle ressemble à une sorte de pièce de théâtre dont l'acte I serait le pouvoir donné à un seul, l'acte II le cadeau fait aux amis de la télévision privée et l'acte III la purge annoncée pour la télévision publique.
Pourquoi voter l'acte I ? On se prévaut de l'« hypocrisie » d'hier pour justifier le changement de la procédure de nominations. Mais cela revient à dire que les nominations étaient déjà dans les mains du Président de la République. Dans ces conditions, à quoi bon légiférer ?
Et pourquoi voter l'acte II ? Les cadeaux peuvent, en grande partie, être accordés sans qu'il y ait besoin de loi pour cela, puisque les 450 millions d'euros de publicité, qui seront bientôt 800 millions, sont déjà disponibles. Hélas, ils seront financés par des impôts supplémentaires, que nous paierons tous, à un moment où l'argent serait nécessaire pour d'autres politiques que la suppression de la publicité sur France Télévisions.
Enfin, pourquoi voter l'acte III ? A-t-on besoin d'une loi pour réduire la voilure de France Télévisions ? Et France Télévisions n'aurait-elle pas justement besoin d'être renforcée dans sa confrontation avec le média global ?
Vous conviendrez donc que, sur l'essentiel, il n'y a pas lieu, ou plus lieu, de légiférer.
Mais d'autres questions se posent. Où est le Gouvernement qui, aux termes de la Constitution, « détermine et conduit la politique de la nation » ? Comment peut-il, sans prêter à sourire, revendiquer la paternité de cette loi alors que, le 8 janvier 2008, il travaillait à mettre en oeuvre les promesses électorales du Président de la République, c'est-à-dire une augmentation du temps de publicité sur France Télévisions et l'absence d'augmentation de la redevance, et que c'est exactement le contraire que l'on fait aujourd'hui ?
Où est le Sénat qui devait, nous a-t-on dit, encadrer le pouvoir de révocation du Président de la République ? Où est le Sénat qui devait étendre l'assiette de la redevance ? Où est le Sénat qui nous donnait l'impression de faire feu de tout bois contre ce projet de loi, et qui n'a agité qu'un écran de fumée ? Car, de circonvolution en circonvolution, il est venu sur les positions de l'Assemblée nationale : un lieu étrange où l'on ne doit rien dire de peur de déplaire, où l'on ne décide de rien qui ne soit décidé par la force obscure d'un déni institutionnel.
M. Raffarin déclarait : « Ce qui est assez désagréable, c'est que c'est ou le vote ou la crise, puisque la décision est prise. » Quant à M. Poniatowski, il n'hésitait pas à affirmer : « Dans cette affaire on a le sentiment d'être pris pour un zozo ou d'être le dindon de la farce. » Pour notre part, nous préférons encore la crise. La crise de quoi, d'ailleurs ? De qui ? En tout état de cause, nous préférerons la crise, si crise il doit y avoir, plutôt que d'être les dindons de la farce.
C'est pourquoi, mes chers collègues, la question préalable mérite d'être votée. Ce faisant, vous affirmerez la nécessité d'un Parlement qui vote la loi en disposant du temps et de la compétence utiles à un bon travail législatif.
Nous pouvons, avec le temps pour ami, légiférer calmement et avec clairvoyance. En votant la question préalable, vous affirmerez le pouvoir du Parlement, et singulièrement de l'Assemblée nationale, et, partant, madame la ministre, celle du gouvernement de la France, dans le respect de nos institutions.
Alors, mes chers collègues, levez-vous et dites non à cette loi néfaste. Levez-vous et dites non à la dépense qu'elle entraîne, à un moment où l'argent serait nécessaire à d'autres politiques. Levez-vous pour dire simplement que le Parlement existe ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Nous voterons la question préalable. Sans doute n'y a-t-il jamais eu d'aussi fortes raisons de le faire, puisque son but est de démontrer qu'il n'y a pas lieu de délibérer d'un projet de loi. Il n'y a plus lieu, en effet, de délibérer, puisque l'objet principal du texte qui nous est soumis est déjà en place : il s'agit de la suppression de la publicité. Les historiens se pencheront sur la question, mais c'est sans doute une première sous la Ve République et même sous la République tout court.
Nous connaissions les lois qui, plusieurs années après avoir été votées, n'étaient toujours pas appliquées. Nous connaissons maintenant les lois appliquées avant d'être votées. Rarement gouvernement sera allé aussi loin dans la volonté de décrédibiliser le Parlement, dans la volonté de vider de sa substance même le débat parlementaire.
Je voudrais reprendre un ou deux arguments utilisés par M. Rogemont, pour expliquer pourquoi nous voterons la question préalable.
En ce qui concerne l'indépendance, je vous ai entendue, madame la ministre, dire tout à l'heure : « C'est formidable, on peut déjà voir les effets de ce projet de loi, puisque la suppression de la publicité est déjà effective. » Mais vous oubliez une chose : nous n'avons pas encore vu les effets des pertes de recettes sur les programmes de France Télévisions.
J'ai discuté avec des professionnels de l'audiovisuel. Tout le monde sait que les programmes courts se développeront. Ils seront parrainés – ce sera toujours autorisé. Non seulement il n'y aura pas plus d'indépendance, mais on assistera à une mainmise des groupes privés sur un certain nombre de programmes courts diffusés aux heures de grande écoute. Je m'attends déjà – en la matière, je ne suis pas très optimiste – à un programme sur l'écologie ou le développement durable sponsorisé par Areva ou Total…
La vraie révolution aurait consisté à garantir l'indépendance des chaînes privées vis-à-vis des grands groupes industriels ou financiers, en interdisant clairement à ces derniers de posséder tout ou partie du capital d'une chaîne privée. Voilà qui serait allé dans le sens de l'indépendance des médias, qu'ils soient publics ou privés.
La vraie révolution aurait consisté aussi à renouveler les cahier des charges, y compris ceux des chaînes privées, que ce soit en matière de création culturelle ou d'expression citoyenne.
Ne nous leurrons pas. Nous savons que la suite logique de ce projet, c'est une augmentation des taxes – elle est déjà rampante par le biais de la taxation des abonnements à Internet et au téléphone – pour financer le service public, ou la privatisation d'une ou plusieurs chaînes du service public, car l'État n'aura plus les moyens de les financer. Il est même à craindre que ces scénarios se réalisent tous les deux.
Nous disons clairement que les Français n'ont pas à payer la facture des caprices télévisuels du Président de la République. C'est pourquoi nous voterons la question préalable.
La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Il faut, mes chers collègues, voter la question préalable défendue par Marcel Rogemont. C'est, en quelque sorte, un service qu'il vous rend, madame la ministre, car vous accolerez, sinon, votre nom à une loi liberticide. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous serez en quelque sorte l'anti-Fillioud. Nous sommes en effet quelques-uns à avoir eu la chance et la fierté de voter, au début des années quatre-vingt, des lois audiovisuelles qui confortaient la création, ainsi qu'un élément majeur de la vie démocratique, et qui n'existait pas jusqu'alors : la liberté d'expression et d'information.
Trente ans plus tard, vous vous apprêtez à voter une loi de régression, de négation, une loi de mainmise du pouvoir politique sur l'audiovisuel, une loi d'étouffement, une contre-réforme, une loi de complaisance à l'égard de vos amis des télévisions privées.
Patrick Bloche et Marcel Rogemont ont dit ce qui convenait s'agissant des ressources de la télévision publique. Mais la disposition la plus grave – vous le savez, même si ne le dites pas, ou vous le dites parfois dans les couloirs – est celle relative à la nomination et à la révocation des dirigeants de l'audiovisuel public par le Président de la République.
M. Herbillon a dit tout à l'heure qu'il y avait des « garde-fous », terme qui n'est d'ailleurs pas très flatteur pour celui qui décide.
Mais il n'y a pas de garde-fous dès lors que vous transformez progressivement les membres du CSA en valets de chambre du pouvoir. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Il n'y a pas davantage de garde-fous au Sénat. Le déroulement de la dernière commission mixte paritaire en est une triste illustration, puisque les velléités d'un certain nombre de sénateurs sont passées à la trappe, après qu'ils furent repris en main.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons vous rendre service en votant la question préalable défendue par Marcel Rogemont. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe du Nouveau Centre.
Il a présenté son opposition de manière frontale, et c'est son droit. Une vraie différence d'appréciation oppose le groupe SRC et le groupe Nouveau Centre. Vous estimez que le texte n'a pas bougé, qu'il n'y a pas eu de dynamique ; nous estimons que, sur le sujet qui était le nôtre, à savoir celui du financement, les lignes ont bougé : il y a une dynamique, et cela nous intéresse.
Nous nous en expliquerons tout à l'heure ; en attendant, nous ne voterons pas la question préalable de nos collègues socialistes.
La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
La réforme de l'audiovisuel – que nous espérons tous, ou presque, voter dans quelques instants – apporte quatre progrès majeurs.
Disons-le clairement : jamais le financement de l'audiovisuel public, et notamment de France Télévisions, n'aura été aussi solidement assuré. Le vrai cadeau, c'est celui qui bénéficie – à juste titre – au service public.
En effet, France Télévisions va remplacer une recette publicitaire aléatoire, et en régression comme partout dans le monde, par une recette certaine de 450 millions, puis de 850 millions, apportée et garantie par l'État, puisqu'elle sera gagée sur l'ensemble des recettes du budget général.
France Télévisions remplace aussi une recette publicitaire qui pèse sur les choix de programmation par une recette de l'État qui les libère.
Je le répète, jamais le financement de France Télévisions n'aura été aussi solidement assuré, puisqu'il sera en très large majorité couvert par deux ressources publiques garanties : d'une part, la redevance, qui va enfin voir sa valeur maintenue grâce à son indexation sur l'inflation, et d'autre part, la compensation intégrale de la perte de publicité, garantie par l'ensemble des recettes du budget général de l'État.
Nous avons entendu, sur ce sujet, beaucoup d'approximations – pour dire les choses gentiment – et de craintes. Il faut le redire : la compensation est totalement découplée des produits des deux nouvelles taxes. Celles-ci alimenteront le budget général de l'État au même titre que toutes les autres recettes non affectées ; c'est l'ensemble des recettes du budget qui garantissent les dépenses de l'État, parmi lesquelles figurera dorénavant la compensation intégrale de la perte de publicité de France Télévisions.
Le deuxième progrès majeur apporté par cette réforme de l'audiovisuel, c'est le nouveau mode de nomination du président de France Télévisions. Elle ne sera plus décidée par une seule autorité, mais codécidée par trois autorités : l'exécutif, tout d'abord, c'est-à-dire le Président de la République, élu par tous les Français…
C'est le Gouvernement qui devrait gouverner, pas le Président de la République !
…et qui nomme tous les chefs d'entreprises publiques, propose la nomination des présidents de France Télévisions et de Radio France. Ensuite intervient l'autorité administrative indépendante, c'est-à-dire le CSA, qui donne un avis conforme et dispose donc d'un pouvoir de veto. Enfin, le législatif – en l'occurrence les trois cinquièmes des membres des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat – donne également son accord, et dispose donc également d'un droit de veto.
À qui fera-t-on croire que la codécision par trois autorités, dont l'une est une autorité administrative indépendante et l'autre est le pouvoir législatif, est moins démocratique que la nomination par une seule autorité ?
Le troisième progrès majeur, ce sont les dispositions, issues des directives européennes, qui encadrent le développement des services à la demande.
Le quatrième progrès majeur, enfin, c'est la refondation de l'audiovisuel extérieur de la France. Il avait fait l'objet de nombreuses critiques, notamment de la Cour des comptes, et j'avais eu l'occasion d'en rendre compte ici. Les premiers résultats de cette réforme lancée par le Président de la République sont déjà visibles dans la nouvelle stratégie de l'audiovisuel extérieur et dans le nouvel outil que constitue la holding qui regroupe France 24 et TV5. L'audiovisuel extérieur de la France doit exercer toute sa mission, qui est vaste.
C'est pourquoi le groupe UMP votera contre cette motion qui n'a aucun fondement, et votera dans peu de temps cette réforme de l'audiovisuel qui apporte les progrès majeurs dont notre pays a besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marietta Karamanli, première oratrice inscrite.
Le constat a été établi à partir d'un certain nombre d'enquêtes menées dans l'ensemble des pays européens par des chercheurs indépendants : le déclin de la qualité des programmes des chaînes privées et publiques s'explique autant par l'absence d'ambitions autres que commerciales des télévisions privées, et parfois publiques, que par l'inefficacité de la régulation de l'État.
Face à un tel constat, il eût été logique pour le Gouvernement de s'inspirer d'exemples étrangers : ailleurs, des chaînes publiques ont su s'imposer, et continuent à le faire, par des politiques équilibrées de création, de production et de diffusion de différents types de programmes.
C'est notamment le cas en Allemagne et en Grande-Bretagne.
Il aurait été tout aussi logique que notre pays, qui souhaite être le meilleur et qui aime donner l'exemple, choisisse de moderniser notre télévision publique en s'inspirant des meilleures pratiques, que celles-ci visent à assurer l'indépendance des chaînes publiques vis-à-vis du pouvoir politique, à garantir des recettes mixtes et pérennes, ou encore à établir l'indépendance éditoriale de ces médias.
Il n'en est rien. Le Président de la République, et le Gouvernement, ont systématiquement choisi le moins bon pour la télévision publique.
Je prendrai trois brefs exemples. Lorsque la plupart des pays européens tendent à confier le pouvoir de nomination des présidents des sociétés de diffusion à des organes au statut indépendant, le choix fait en France a été inverse : la nomination des dirigeants de la télévision publique est confiée par les articles 8 et 9 de la loi à une instance purement politique, après un avis – et non un vote – conforme du CSA et des parlementaires.
Les avis prévus ne me paraissent d'ailleurs pas constituer des garanties suffisantes pour la mise en oeuvre de l'objectif à valeur constitutionnelle qu'est la préservation du caractère pluraliste de l'audiovisuel public.
Mon deuxième exemple a trait au financement et au modèle économique de développement de l'audiovisuel public. Dans la plupart des États, le financement de ce service public repose sur un modèle mixte, combinant des revenus qui proviennent de différentes sources – redevances payées par les contribuables, financements provenant du budget de l'État, revenus commerciaux de la publicité. Le financement des opérateurs des services publics par les seules finances de l'État, choisi ici, est généralement perçu comme le modèle le plus hasardeux, notamment lorsque la culture de l'impartialité est difficile à pratiquer : un tel modèle crée en effet une dépendance du diffuseur vis-à-vis du politique et de l'État. Là où les taxes et redevances existent, elles demeurent indépendantes du budget de l'État.
L'article 18 prévoit bien une compensation de la suppression partielle de la publicité ; les articles 20 et 21 prévoient bien un financement complémentaire grâce à une nouvelle taxe perçue sur les recettes publicitaires des chaînes ainsi qu'une taxe payée par les opérateurs de téléphonie, donc par les consommateurs. Mais il n'y a de garantie ni quant à la sincérité de l'évaluation, ni quant à la pérennité de la ressource, ni quant à l'affectation de celle-ci aux services à financer.
Il aurait fallu – comme c'est le cas en Allemagne – que les besoins financiers de l'audiovisuel public soient évalués par une commission indépendante, qui aurait ensuite estimé le montant des ressources correspondantes. À tout le moins, les ressources auraient dû être affectées exclusivement à ce service audiovisuel et réévaluées en contrepartie des progrès de qualité attendus.
Le dernier exemple que je voudrais donner de ces choix inquiétants, c'est celui du problème de l'indépendance éditoriale des chaînes. Dans la plupart des pays, celle-ci est liée à un financement solide, que ne garantit en aucune façon le modèle économique choisi aujourd'hui. Parler d'indépendance éditoriale, c'est mettre en oeuvre les principes d'impartialité, de rigueur, de représentation équitable de tous les groupes sociaux et des individus dans leur diversité d'opinions. L'indépendance éditoriale est en effet étroitement liée à l'indépendance financière et au mode de gestion des opérateurs publics.
En réalité, ces choix, qui auraient dû être exemplaires, sont des expédients destinés à s'adapter à la décision du président de faire sa réforme de la télévision. Comble d'innovation présidentialiste, cette réforme que nous n'avons pas encore adoptée est déjà pour partie mise en oeuvre ! C'est dire la considération dans laquelle le Parlement est tenu.
On nous a promis la télévision du futur ; mais le modèle de télévision publique qui nous est livré aujourd'hui, sous influence politique, sans moyens garantis, affaiblit l'indépendance éditoriale des chaînes : c'est un modèle déjà périmé.
Pour toutes ces raisons, et comme les autres députés socialistes, radicaux et citoyens, je voterai contre le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui et je vous invite tous, sans exception, à en faire autant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous voici donc au terme de la discussion parlementaire relative à la réforme de l'audiovisuel public. Cette discussion a donné lieu à une longue controverse, mêlant sauvegarde d'une certaine idée du service public et défense des derniers pouvoirs qui sont encore les nôtres : c'est le droit des parlementaires, en effet, que de discuter, d'échanger, en un mot d'amender le texte qui nous est proposé.
Les trois semaines de débats à l'Assemblée l'ont prouvé, nous n'avions qu'une idée en tête : faire comprendre les enjeux réels de cette réforme proposée dans une urgence inappropriée, arrêter d'essayer de lire entre les lignes et pousser le Gouvernement à dire clairement son jeu. Ce fut en vain. Le Sénat a réussi à encadrer certains dispositifs, avant que ses amendements ne soient écartés par une commission mixte paritaire aux ordres du Gouvernement.
Nous ne devons décidément pas avoir la même conception de la concertation. Ici, vous obligez les professionnels de l'audiovisuel à réfléchir selon des postulats trop bien définis pour être revus, et corrigés. Là, vous n'écoutez pas les conclusions d'une commission que vous avez pourtant convoquée.
Les débats de la semaine dernière ont sonné le glas. Les conclusions avaient déjà été écrites, plus haut, ailleurs, du côté du Gouvernement. Les quelques avancées proposées par le texte adopté au Sénat ont été rayées d'un trait de plume pour convenir à l'exécutif, ainsi qu'aux promesses de certains ténors des majorités. Le requiem que j'évoquais en novembre dernier est plus que jamais d'actualité.
Je reviendrai, jeudi matin, sur les conditions de révocation des présidents des entreprises publiques de l'audiovisuel.
Quant à la redevance – M. Copé n'est pas dans l'hémicycle, j'espère qu'il n'est pas mort…
Il n'est pas loin, il va revenir ! Il est en pleine santé, en pleine santé démocratique !
M. Copé, donc, nous avait assuré que, lui vivant, il n'y aurait pas d'augmentation de la redevance ; or, même si celle-ci est plus ou moins déguisée, elle existe.
Elle est indexée sur l'inflation, ce n'est pas un drame, tout de même !
Je voudrais revenir sur ces fameuses taxes nouvelles que vous entendez mettre en place sans avoir, d'ailleurs, vérifié au préalable leur constitutionnalité. Non seulement leur taux n'a cessé de diminuer depuis qu'elles ont été évoquées, mais surtout nous ne savons toujours pas, aucune étude n'ayant été commandée, quel en sera le montant. Comment prendre sérieusement une telle décision quand elle n'est étayée par rien ?
Ce projet de loi a été, qui plus est, vidé de son sens au cours du mois de décembre, alors que nous étions en train d'en discuter et que le Sénat n'en avait pas encore été saisi ; entre-temps, le président de France Télévisions s'est autosaisi, via un conseil d'administration aux ordres, et a supprimé lui-même la publicité. La publicité a ainsi disparu des écrans dès vingt heures sur France Télévisions, alors que la loi n'a toujours pas été votée – et qu'elle ne l'est toujours pas.
Lors de la discussion générale de novembre dernier, j'étais revenu sur le manque à gagner de France Télévisions, qui s'élevait à 800 millions d'euros ; mais vous refusiez de parler chiffres. Tout au long des discussions parlementaires, ici comme au Sénat, l'opposition, voire une partie de votre majorité, n'ont eu de cesse de revenir sur ce manque à gagner, de vous questionner, de vous relancer. Vous avez esquivé, évité toute réponse constructive et cohérente.
Nous ne savons toujours rien ni des coûts des programmes de remplacement, ni des effets inflationnistes sur les achats de programmes de France Télévisions, ni de la non-prise en compte financière de la modernisation de la holding, ni de l'harmonisation sociale et salariale, ni du très probable plan social à venir.
Votre réforme installe durablement France Télévisions dans la précarité et dans la dépendance financière. Ce projet de loi déshabille Pierre pour habiller Paul. Autrement dit, il déstructure le public pour servir les intérêts strictement privés.
Vous avez beau jeu de nous assurer qu'aucune chaîne ne disparaîtra, que leurs missions seront respectées à la lettre. Les promesses ne sont que des promesses, puisqu'elles ne sont pas gravées dans le marbre de la loi.
D'ailleurs, ces derniers temps, des annonces clarifient la donne, comme celle, le 15 janvier 2009, du licenciement d'un cinquième du personnel de Radio France Internationale : 206 postes supprimés sur un total de 945, six rédactions de langues fermées sur dix-sept, la moitié du personnel technique et de réalisation évincée, tous les secteurs étant touchés.
Malheureusement, ce texte va être voté pour mieux enterrer un service public audiovisuel qui, il y a encore un an et un mois, se portait relativement bien par rapport à ses concurrents du secteur privé. Car nous ne comptons plus les cadeaux à peine voilés – seconde coupure de pub, augmentation de la durée des créneaux de pub, placements de produits – et cette dernière sortie de Nicolas de Tavernost, qui rappelle à qui de droit que les chaînes privées sont le seul secteur à ne pas être aidé en France. À quand un plan de relance pour les télévisions privées ?
Cette mise sous tutelle à tous les niveaux sous prétexte de redorer l'image de la télévision publique est inadmissible. Il s'agit en réalité de contenir la concurrence des chaînes publiques en limitant et en piégeant leur financement. Nous ne pouvons accepter le principe d'un financement pour lequel la seule certitude est qu'il sera totalement aléatoire et tributaire de taxes sur produits privés et du contexte politique et budgétaire.
Je termine, monsieur le président.
La bataille que nous avons menée n'avait pas d'autre but que de sauver le service public audiovisuel.
J'ai du mal à croire, madame la ministre, que la mort programmée de France Télévisions ait reçu votre aval. C'est pourtant le sort que, à plus ou moins long terme, ce texte de loi va lui réserver. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pas maintenant et pas comme ça ! Tel est, en résumé, la position qu'avait adoptée le groupe Nouveau Centre de l'Assemblée, à l'issue des débats en première lecture. Il avait ainsi été amené à voter majoritairement contre ce projet de loi tel qu'il nous était présenté à cette époque, c'est-à-dire fin décembre. Le mercredi 17 décembre, nous avions donné rendez-vous au Gouvernement et au Parlement après les travaux du Sénat et ceux de la commission mixte paritaire, en espérant une modification profonde des arbitrages faits à l'Assemblée nationale.
L'heure est venue de dresser le bilan définitif et de se prononcer sur la dernière version du texte approuvé par la commission mixte paritaire.
Soyons clairs, le texte définitif est proche de celui adopté le 17 décembre à l'Assemblée nationale, sauf sur un point – mais un point central à nos yeux –, celui de la redevance audiovisuelle.
En effet, en adoptant la hausse de la redevance à 120 euros au 1er janvier 2010, la commission mixte paritaire a non seulement confirmé l'indexation de la redevance sur l'évolution des prix, mais aussi retenu le principe d'un rattrapage indépendant de 2 euros supplémentaires pour contribuer directement au financement de l'audiovisuel public.
En agissant ainsi, la commission mixte paritaire vient enfin de lever un vieux blocage franco-français qui paralysait l'évolution de notre service public audiovisuel.
Cette avancée, même si elle est timide, a une portée symbolique forte. En effet, la redevance est la seule recette fiscale qui soit directement affectée à France Télévisions.
C'est donc un impôt lisible et légitime qui restera le socle du financement de l'audiovisuel public. D'ailleurs, le texte adopté en CMP affirme avec force dans son article 1er que la redevance doit continuer à jouer ce rôle central.
Les centristes ont joué dans cette affaire un rôle décisif par l'intermédiaire de leurs deux groupes parlementaires, à l'Assemblée nationale et au Sénat. Nous voulons ici saluer les orateurs centristes au Sénat, Hervé Maurey et Catherine Morin-Desailly, rapporteure du texte au Sénat.
Nous rendons également hommage à l'ouverture et au sens du compromis dont ont fait preuve nos collègues de l'UMP. Nous constatons avec bonheur que le président Copé est non seulement vivant, mais qu'il est en pleine forme.
Nous n'avons cessé de le répéter, l'augmentation de la redevance n'est pas un drame. Ce déblocage et cette décrispation laissent d'ailleurs bien augurer de la suite du travail de modernisation de la redevance.
Dans l'ensemble, l'examen de ce projet de loi en commission mixte paritaire n'a pas permis d'autres avancées majeures que celle sur la redevance. L'honnêteté intellectuelle nous oblige à reconnaître que, par la faiblesse de son évolution, l'avancée obtenue ne change pas l'équilibre global du texte. Mais c'est une avancée symbolique et, en politique, les symboles, ça compte ! C'est un tabou du débat public français qui est levé : nous allons enfin pouvoir parler de manière raisonnable de l'évolution de la redevance.
Cette avancée doit nous permettre d'ouvrir la voie à un réel travail de modernisation sur la contribution à l'audiovisuel public. Nous avons à construire un impôt moderne, en l'étendant aux nouveaux supports de diffusion – nous savons que nous devrons franchir ce pas, comme l'ont fait les Anglais et les Allemands –, et surtout un impôt socialement juste, qui prenne en compte, mieux qu'aujourd'hui, les ressources des ménages.
En première lecture, nous avons fait de la revalorisation du montant de la redevance le coeur de nos propositions alternatives aux solutions retenues dans ce projet de loi. Le Gouvernement et le Parlement ont accepté de modifier leur projet dans notre direction, même si ce n'est que modestement.
Certains, dont je suis, qui s'étaient prononcés contre ce texte en première lecture réfrènent un peu leur enthousiasme devant la levée du tabou en constatant la modestie de l'avancée : 2 euros. Ils se demandent si le bel élan durera. Une minorité d'entre nous se contentera donc de s'abstenir, tandis que la majorité du groupe Nouveau Centre, qui se veut optimiste et entend saluer la dynamique nouvelle sur la redevance, se prononcera pour ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la réforme de l'audiovisuel public que le Président de la République appelait de ses voeux il y a un an nous est aujourd'hui proposée. À bien des égards, le texte qui est soumis à notre approbation, et qui est issu des travaux de la commission mixte paritaire, est exemplaire.
Le groupe UMP souhaite exprimer sa satisfaction d'avoir pu, lors de la phase d'élaboration du texte, prendre part à un important travail préparatoire, durant plusieurs mois, au sein de la commission pour la nouvelle télévision publique qui, présidée par Jean-François Copé, a regroupé professionnels et parlementaires de toutes tendances.
Depuis plusieurs mois, nous nous sommes employés à préparer en amont avec le Gouvernement les textes qui nous sont soumis, dans un esprit de dialogue. Cette co-production législative nous semble indispensable. Ce texte de loi illustre cet état d'esprit. Il propose une réforme ambitieuse, qui va transformer en profondeur le paysage audiovisuel public : nous nous en réjouissons.
Supprimer progressivement la publicité à l'antenne était une nécessité tant économique que culturelle. En effet, il est temps de donner une nouvelle ambition à la télévision publique : diffuser des programmes de qualité, populaires, qui fédèrent tous les publics au lieu de les segmenter et qui abordent des thématiques encore trop souvent oubliées aux heures de grande écoute – l'Europe, l'environnement, la science, l'économie, la politique –, des programmes qui feront preuve d'audace et d'innovation.
Parmi les questions que nous avons eu à résoudre, la pérennité du financement de France Télévisions a été, pour tous, l'une des plus importantes. Car si nous avons décidé la suppression de la publicité, c'est aussi pour des raisons économiques.
En quelques années, le nombre de chaînes de télévision a été démultiplié ! Des acteurs toujours plus nombreux, rejoints par les nouveaux médias d'internet et de la téléphonie mobile, se partagent le marché publicitaire. Pouvions-nous faire comme si rien ne s'était passé ? Pouvions-nous maintenir coûte que coûte ce système qui risquait d'appauvrir, année après année, l'ensemble du monde de l'audiovisuel ?
Surtout, pouvions-nous ignorer les risques qu'il faisait courir à France Télévisions ?
Sur ce point, la crise nous convainc que nous avons fait le bon choix.
La baisse du marché publicitaire a des répercussions immédiates pour France Télévisions. Que les chaînes privées soient soumises aux aléas du marché publicitaire, c'est bien naturel. Mais est-ce normal pour la télévision publique ?
Élaborer la loi suppose un échange, une négociation, un équilibre entre les aspirations des deux chambres, le souhait du Gouvernement et la volonté politique des groupes. Nous sommes heureux d'avoir trouvé, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, des rédactions qui conviennent aux deux assemblées.
Ainsi en est-il de la question de la redevance. Nous avions sur ce point une divergence avec nos collègues sénateurs. La position des députés est simple et n'a pas varié : oui à l'indexation, non à l'augmentation.
L'indexation de la redevance sur l'inflation était l'une des préconisations de la commission pour la nouvelle télévision publique. Il est normal qu'elle figure dans ce projet de loi. L'indexation est juste et légitime : sans elle, le produit de la redevance diminue en valeur, année après année, faisant courir un risque d'appauvrissement de la télévision publique.
En revanche, les députés UMP ne sont pas favorables à une augmentation pure et simple de la redevance au-delà de l'inflation.
Un tel choix serait, à nos yeux, un mauvais coup porté au pouvoir d'achat des Français. Il serait par ailleurs injustifié, puisque nous avons trouvé des financements garantis et pérennes pour la télévision publique.
L'accord trouvé entre les députés et les sénateurs consiste donc en une indexation dès l'année 2008, année de lancement de la réforme, année des annonces du Président de la République, année des travaux de la commission pour la nouvelle télévision publique et année de la présentation du projet de loi au Parlement.
Concrètement, la redevance était de 116 euros l'an dernier ; elle sera de 118 euros en 2009, et elle sera portée au 1er janvier 2010 à 120 euros afin de rattraper l'indexation de 2008 que nous n'avions pu prendre en compte auparavant, puisque la rétroactivité est interdite en droit fiscal. Ensuite, la redevance évoluera au même rythme que l'indice des prix, ni plus vite ni moins vite.
Ce choix de l'indexation exclut toute autre augmentation, mais aussi tout élargissement de l'assiette. C'est un bon choix, pour l'Assemblée nationale comme pour le Sénat, pour le contribuable comme pour la télévision publique.
Le débat que nous avons eu nous a réservé bien des surprises, et pas seulement avec la suppression de la publicité. Nous avons regretté que l'opposition ait refusé le débat ; pis, qu'elle ait voulu le confisquer, en pratiquant, en organisant constamment une obstruction massive.
Quelle démonstration plus éclatante de la nécessité d'améliorer les conditions d'examen des textes que l'attitude stérile à laquelle nous avons dû faire face de la part de l'opposition !
Malgré les incidents de séance, nous, nous avons le sentiment d'avoir accompli notre travail de députés aux côtés du président de la commission spéciale, Jean-François Copé, et de notre excellent rapporteur, Christian Kert.
Oui, nous sommes fiers de cette réforme. Elle a déjà profondément transformé les soirées des téléspectateurs en les faisant commencer dès vingt heures trente-cinq.
Notons que 80 % des Français y sont favorables, de même que 80 % des Français sont pour la suppression de la publicité.
Cette réforme réorganise France Télévisions en entreprise unique, plus moderne et plus efficace.
Elle crée un média global puissant, avec des programmes attractifs et de qualité, sur tous les supports, non seulement sur les chaînes que nous connaissons, mais aussi sur internet et la télévision mobile.
Cette réforme renforce la cohérence et l'efficacité de l'audiovisuel extérieur de la France autour de RFI, TV5 Monde et France 24.
Cette réforme assure enfin un meilleur financement de tout l'audiovisuel, en particulier un financement clair, pérenne et cohérent de France Télévisions, qui permettra à la fois de compenser la suppression de la publicité et d'assurer le développement de l'entreprise.
Oui, n'en déplaise à certains collègues, le compte y est ! Oui, le plan de financement est bouclé, grâce à la taxe sur les recettes publicitaires des chaînes privées et à celle sur les opérateurs de téléphonie mobile et les fournisseurs d'accès à internet, ces nouveaux acteurs de la télévision.
Nous avons ainsi prouvé que nous pouvions faire cette réforme sans faire payer l'usager.
Au nom du groupe UMP, je tiens à vous remercier très sincèrement, madame la ministre, pour votre écoute, votre engagement, votre résistance et pour votre humeur agréable, égale à toute heure du jour et de la nuit !
Je tiens à féliciter et à remercier le rapporteur Christian Kert pour la qualité de son travail et sa convivialité. Je tiens aussi à saluer le travail de l'ensemble des personnels et des administrateurs de l'Assemblée nationale.
Je tiens à remercier le président de la commission spéciale, Jean-François Copé, et, à travers lui, l'ensemble de nos collègues du groupe UMP pour leur confiance et leur soutien.
Le groupe UMP votera avec enthousiasme cette réforme sans précédent de l'audiovisuel public. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà sans doute le dernier épisode d'une très mauvaise tragicomédie qui, selon les périodes, a ressemblé tout à la fois à un pathétique mélo ou à une grotesque farce orchestrée par le président Copé, à un coup de force imposé par TF1, à un oukase assené par le Président Sarkozy.
Tout a commencé il y a un peu plus d'un an, lorsque Sarkozy a lancé son pavé dans l'écran avec son projet annoncé avec fracas de suppression de la publicité sur le service public pour aider Bouygues et consorts. D'ailleurs, on se demande quelle mouche l'a piqué, puisqu'il avait axé toute sa campagne présidentielle sur l'audiovisuel en disant qu'il faudrait deux coupures de publicité par film diffusé sur le service public ! Mais tout le monde a le droit de changer d'avis. Malheureusement, cette fois, c'était dans le mauvais sens !
On est passé, en treize mois, d'une réforme annoncée comme « historique » à un tour de passe-passe, à une pantalonnade où tout le monde est berné, forcé, humilié, discrédité, effacé.
Berné : la commission Copé et les professionnels de l'audiovisuel dont les recommandations ont été rayées d'un trait de plume.
Forcé : Patrick de Carolis contraint de faire adopter la suppression de sa publicité par son conseil d'administration.
Humilié : le Sénat qui débat d'un texte déjà en application.
C'est votre faute : vous avez fait de l'obstruction pendant quatre semaines !
Discrédité : les sénateurs centristes qui, en CMP, abandonnent en deux minutes leur volonté de mettre des garde-fous à l'exercice par le Président de la République de la possibilité de révoquer le patron de France Télévisions.
Effacé : le rôle du CSA, qui bénéficie d'ailleurs ce soir de la visite du Président de la République pour lui faire oublier qu'on l'a privé de toute prérogative – ce CSA qui confond toujours indépendance et obéissance.
Y avait-il urgence ? Pourquoi ne pas avoir laissé le débat démocratique aller à son terme ? Où était le risque de voir certains articles amendés, voir retoqués, dans une deuxième lecture ?
Pourquoi fallait-il faire l'économie d'une réflexion globale sur la fonction de la télévision dans notre société ? Pourquoi ne pas s'être interrogé sur l'ensemble du fonctionnement de l'audiovisuel ? Pourquoi ne pas avoir réfléchi aux droits et devoirs des chaînes privées ?
C'est tout simplement parce que, pour le chef de l'État, en première ligne sur le front de cette réforme comme sur beaucoup d'autres, cela était inenvisageable. II fallait faire vite, puisqu'il en faisait une affaire personnelle. Il fallait faire vite, puisque son amour propre était en jeu.
En quelques semaines, Nicolas Sarkozy a transformé avec désinvolture cette réforme en un acte idéologique, en un acte possessif, en un acte puéril, faisant passer au second plan les intérêts des producteurs, des professionnels, des journalistes, des salariés et surtout des téléspectateurs.
L'enjeu de la réforme de l'audiovisuel était pourtant clair. Ou bien l'État garantissait au service public les moyens de son indépendance et de sa qualité, ou bien ce dernier finira par s'étioler et sera soit marginalisé, soit privatisé.
Outre la pub, Nicolas Sarkozy a cadenassé France Télévisions à double tour : tour politique – c'est évident –, mais aussi tour financier puisque, chaque année, le président de France Télévisions devra mendier auprès de l'État la reconduction des 450 millions prévus pour compenser la disparition de la pub après vingt heures. D'ailleurs, les lobbies ont raboté ces taxes dont nos amis centristes se ventent pour ramener les 450 millions à 325 millions.
Tel un « petit garçon », selon l'expression de Poivre d'Arvor, le Président a décidé de faire de la télévision son joujou personnel en s'octroyant le soin de nommer et de révoquer lui-même le patron de France Télévisions. Ainsi, on sacrifie le droit des Français à des médias indépendants pour permettre à un Président incontrôlable de contrôler les médias du service public.
Qui aura le courage d'expliquer au Président que la France n'est pas une entreprise privée au service d'un homme ou d'un parti, que les médias publics doivent rester indépendants au service de tous les Français pour garantir le pluralisme des idées ?
Les chaînes publiques sont-elles condamnées soit à basculer dans une télévision officielle politiquement et culturellement correcte, soit à singer les chaînes privées avec moins de moyens ?
Je sais que, pour la droite, lorsque nous parlons de formes d'expression et de création, cela paraît comme une coquetterie d'élus égarés qui auraient une vision totalement dépassée, obsolète.
Cette loi, cependant, conduit à mettre en place un audiovisuel public fragilisé, une structure bancale, un financement aléatoire.
Franchement, l'indépendance des médias, ce n'est pas un gros mot, et la paupérisation du service public, ce n'est pas un dégât collatéral. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a donc tout juste un an, Nicolas Sarkozy, sans aucune concertation préalable, ni des professionnels ni du Parlement, encore moins de sa majorité, ni même, paraît-il, de sa ministre – autant de personnes qu'il semble tenir dans un grand mépris –, annonçait la fin de la publicité sur le service public de la télévision.
Après la mise en place de la commission, que je serais tenté de qualifier de décorative, présidée par Jean-François Copé, nous avons eu droit à cette manipulation, qu'il faut bien qualifier d'anti-démocratique, consistant à imposer un changement avant que la loi ne soit définitivement votée.
J'entends bien différents orateurs de la majorité dire que tout le monde est content depuis la suppression de la publicité, que les soirées sont maintenant merveilleuses. À entendre M. Herbillon, nous vivons dans le meilleur des mondes !
Si l'on offrait à l'un de nos concitoyens une maison toute neuve, en lui assurant qu'il n'aura rien à payer, mais qu'au bout d'un an on lui présente la facture en lui disant, en sus, qu'une ou deux pièces seront supprimées, croyez-vous qu'il serait toujours content ? On le sait bien, c'est un leurre qui ne va durer qu'un temps !
En réalité, ce projet de loi déshabille France Télévisions et offre dans le même temps aux grands groupes privés ce dont ils rêvaient depuis si longtemps.
C'est complètement faux ! Jamais financement n'a été aussi bien assuré !
Avec le projet de loi organique sur la nomination des présidents de l'audiovisuel public par le Président de la République lui-même, en débat dans quelques jours, ce projet représente un tout cohérent où affaiblissement et mise au pas du service public de la télévision se conjuguent. Tout est désormais régi par le bon vouloir présidentiel. Si une émission de télévision lui déplaît, faut-il s'attendre à un limogeage immédiat du président de France Télévisions,…
Le Président ne s'est-il pas lui-même vanté d'avoir suggéré tel ou tel nom pour présenter le journal télévisé ? Nous n'inventons donc rien ! Nous prenons le Président de la République au mot, malheureusement !
Nous assistons, avec ce projet, à la destruction lente, mais programmée, du service public de l'audiovisuel. Ce projet supprime une partie de son financement, sans compensation réelle et durable.
Demain, le président de cette nouvelle « voix de la France », nommé sur ordre de l'Élysée, ne sera à la tête que d'un ersatz de service public réduit à la portion congrue et devenu un grand corps malade. Dans quelques mois ou dans quelques années, on nous annoncera que France 2 ou France 3 n'est plus rentable et qu'il faut s'en séparer rapidement pour en faire une chaîne privée,…
…comme cela a été fait pour TF1 – nous avons de la mémoire ! – avec le groupe Bouygues, dont le fils – comme par hasard – est l'un des patrons les plus proches du Président de la République !
Alors que les Français passent en moyenne plus de trois heures et demie par jour devant leur poste de télévision, n'est-il pas primordial qu'en retour ce média leur propose des réflexions plurielles, des regards diversifiés, des découvertes ? N'est-il pas indispensable que soit préservé de la tutelle politique et des intérêts des groupes privés un secteur qui doit être un facteur de cohésion, d'intégration sociale et qui garantisse une réelle démocratie ?
En votant ce texte, la majorité UMP avaliserait le contrôle de l'information par l'exécutif et fragiliserait définitivement le financement de l'audiovisuel public, qui est le seul vrai gage de son indépendance. Et le pseudo-débat, que nous avons encore eu il y a quelques minutes, sur le fait de savoir s'il fallait modifier la redevance de plus ou moins 2 euros a réduit la question cruciale du financement du service public de la télévision à un mauvais épisode d'un jeu du type du Juste prix ou d'une émission comme Combien ça coûte !
Quelle urgence y avait-il à démanteler le service public de la télévision en le privant de ses ressources ? Manifestement, pour le Président de la République, l'urgence consiste surtout à remercier d'abord ceux qui l'ont fait roi : les Bouygues, Bolloré, Lagardère, Dassault et autres, qui ont aidé à l'ascension de l'ancien maire de Neuilly. Il fallait payer cash dès le début du quinquennat.
Nicolas Sarkozy nommera et pourra donc révoquer comme bon lui semble le président de France Télévisions, puisque la CMP n'a même pas retenu l'amendement adopté à ce sujet par le Sénat.
La suppression de la publicité sur les chaînes publiques, loin d'être un gage d'indépendance vis-à-vis de la dictature de l'audimat, n'est que l'alibi présidentiel qui masque mal la volonté délibérée d'affaiblir la télévision publique et de la placer sous tutelle du pouvoir politique. C'est pourquoi nous vous appelons, une nouvelle fois, à voter contre ce projet de loi.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je voudrais en préambule regretter que notre collègue Herbillon n'ait pas cru bon de remercier les députés du groupe SRC, du groupe GDR, et certains du Nouveau Centre, récemment convertis à d'autres choix, d'avoir alimenté ce vrai débat, long et nécessaire pour tous ceux qui étaient sensibles à l'indépendance des chaînes de télévision publique par rapport à l'État.
Les sénateurs ont à leur tour discuté âprement, mesurant la dangerosité du projet de loi sur le nouveau service public de la télévision, au point de ne voter l'ensemble du texte qu'à onze voix de majorité.
Prétextant de l'urgence, une commission mixte paritaire composée de sept députés et de sept sénateurs a été créée. Nous sommes amenés à nous prononcer sur ses conclusions. Le groupe SRC votera contre pour les raisons que je vais évoquer.
Nous aurions pu espérer que la remise en cause des libertés publiques dénoncée par les parlementaires, l'opinion publique et les professionnels, infléchisse sensiblement le rapport de cette commission. Que découvre-t-on à la lecture de ce texte ? Malgré l'excellence du rapporteur, que je veux saluer, on découvre un rapport frileux qui reprend quelques amendements du Sénat, quelques formulations heureuses, mais qui ne remet nullement en cause la mainmise du Président de la République sur la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel et, pis, sur leur révocation.
Vous avez cité des chiffres selon lesquels les Français seraient favorables à la suppression de la publicité. À la mi-décembre, un rapport du CSA montrait que 70 % d'entre eux étaient opposés à la mainmise du Président de la République sur les nominations.
Une seule nouveauté : en fait, un compromis, trouvé avec les parlementaires de l'UMP, au péril de la vie de M. Copé, pour augmenter la redevance de 2 euros, afin de rallier à la cause les sénateurs favorables à cette augmentation.
Par contre, si ce texte issu des travaux de la CMP est voté, il faut être conscient que l'on sert aux chaînes privées, notamment TF1 et M6, 450 millions d'euros et que l'on renforce la dépendance de la télévision publique à l'égard du Président de la République.
La nomination des présidents-directeurs généraux de France Télévisions, de Radio France et d'AEF se fera désormais en Conseil des ministres, après avis conforme du CSA et des commissions des affaires culturelles des deux assemblées.
L'avis du CSA, normalement instance de régulation, ne devrait pas être un obstacle majeur, puisque son président sera nommé lui aussi par le Président de la République, ce dont l'actuel titulaire du poste, M. Michel Boyon, s'est d'ailleurs félicité.
Il faut savoir aussi que le temps de parole du Président de la République n'est toujours pas décompté, alors que celui de l'opposition est restreint.
Enfin, pour les télévisions régionales, la commission mixte paritaire cède à une réforme sans ambition, qui risque même d'aboutir à un démantèlement des chaînes telles que France 3, alors que nos concitoyens demandent davantage de proximité, à l'heure où bien des télévisions locales connaissent de grandes difficultés.
Pour finir… (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et NC.) Merci de ce réflexe courtois, délicat, inspiré par un vif sens de la démocratie ! Mais nous y sommes habitués.
Pour finir, je voudrais souligner que les conclusions sur ce projet de loi sont inquiétantes, car elles manifestent la mise en cause de la démocratie et du régime parlementaire, qui nous concerne tous, à droite comme à gauche.
Même au centre, tout à fait ; je ne vous ai pas oubliés, car, d'où je suis, je ne vois que vous !
On peut supposer que le chef de l'État a, cette fois, vu la grève, mais il fait fi de l'avis de l'opinion publique. À l'Assemblée, avec la loi organique, c'est l'opposition que l'on veut museler. Si nous n'y prenons garde, quel espace restera-t-il aux libertés publiques ?
Peut-être, si nous ne réagissons pas, allons-nous passer de la démocratie à ce que Laurent Joffrin appelle la « monarchie élective ».
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est qui ?
Il n'a pas dit que c'était nouveau, mais elle est remise au goût du jour…
Nous ne sommes pas dans des questions-réponses, mais dans la discussion générale.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture, pour répondre aux orateurs.
Quelques mots seulement pour vous redire ma conviction qu'il s'agit d'une réforme importante et de grande ampleur.
La création d'une société unique est en soi un projet extrêmement intéressant, qui a d'ailleurs été approuvé sur pratiquement tous les bancs, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, car tout le monde a bien conscience que c'est en créant cette société unique que nous pouvons réellement développer des synergies et des mutualisations afin de faire évoluer l'audiovisuel.
Nous revenons à l'ORTF : merci de nous rajeunir de quarante ans ! C'était 1968 !
L'audiovisuel extérieur avait également grand besoin de retrouver de la cohérence, car il avait été construit par empilement. Cette réforme nous permet de disposer d'un audiovisuel extérieur plus solide.
Ensuite, ce n'est pas la même chose de faire une télévision avec ou sans publicité ; nous le voyons d'ores et déjà dans les programmes. Nous pouvons être plus audacieux et ne pas rechercher systématiquement l'audimat. C'est une garantie de liberté, et cela peut être en tout cas la chance donnée à la qualité.
Comme l'ont souligné différents orateurs, en particulier Patrice Martin-Lalande, les financements sont assurés. Et il est étrange de préférer les aléas des marchés publicitaires, dont nous voyons en ce moment à quel point ils peuvent être volatiles, à des ressources publiques reposant sur des taxes clairement définies.
Vous n'allez pas nous faire croire que vous entendez pénaliser Bouygues !
Tout cela s'inscrit en outre dans une ambition culturelle. Les accords interprofessionnels qui ont été signés traduisent un engagement fort de France Télévisions en direction de la culture : par exemple, la création audiovisuelle doit passer de 365 millions à 420 millions d'euros d'ici à 2011.
On ne peut pas, d'un côté, demander une société unique et, de l'autre, chercher à ressusciter juridiquement les différentes chaînes, comme la gauche n'a cessé de le faire au cours des débats. On ne peut pas non plus prétendre vouloir une télévision courageuse et de qualité sans aller jusqu'au bout de la logique s'agissant de la publicité.
En l'occurrence, nous faisons preuve de cohérence, de responsabilité, de courage et de modernité, tout en respectant le paysage audiovisuel tel qu'il est, dans sa diversité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d'abord appeler l'Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisi.
Je suis saisi de deux amendements, nos 1 et 2 du Gouvernement, qui suppriment respectivement l'alinéa 14 de l'article 15 et l'alinéa 11 de l'article 19 ter, en vue de lever les gages.
(Les amendements nos 1 et 2, acceptés par la commission, sont adoptés.)
Nous en venons maintenant aux explications de vote sur le texte issu de la CMP.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe du Nouveau Centre.
Comme je l'ai dit à la tribune, le groupe NC votera majoritairement ce texte, parce que, sur le point central de notre argumentation – à savoir la redevance –, il y a eu, entre la fin de nos travaux à l'Assemblée nationale et la commission mixte paritaire, du mouvement. Et j'aimerais que les uns ou les autres n'essayent pas d'habiller cela de différentes manières. Un accord est intervenu, sous l'autorité du Gouvernement. Il prévoit l'indexation et deux euros de rattrapage pour augmenter la redevance. C'est cela qui est important à nos yeux et qui nous conduit à voter ce texte.
Vous vous êtes un peu fossilisés, dans l'opposition ! Nous choisissons, quant à nous, le mouvement et la dynamique.
La majorité de notre groupe votera ce texte. Un certain nombre d'entre nous considère toutefois que cette hausse est modeste et, demandant à voir si l'élan sera prolongé, s'abstiendra.
Voilà le coeur de notre position. Il y a eu un mouvement, et nous faisons le pari qu'il permettra enfin à la redevance de devenir l'axe central du financement de l'audiovisuel public. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes NC et UMP.)
Je veux mettre fin à un insoutenable suspens : le groupe UMP va voter ce texte ! (« Ah ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, quelques mots pour vous expliquer – car je ne suis pas sûr que vous l'ayez bien compris – que le groupe SRC votera contre ce texte. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
Ce jour est un double symbole, car nous sommes près d'un an après les déclarations du Président de la République et, surtout, quelques jours après les manifestations du jeudi 29 janvier.
Il est intéressant de songer, après cette mobilisation due à l'angoisse du pays, angoisse reconnue par Nicolas Sarkozy lui-même, que vous vous apprêtez à dépenser 800 millions d'euros d'argent public pour satisfaire les caprices du Président de la République.
Nous trouvons cette irresponsabilité de la part de la majorité condamnable, et nous l'avons dit avec force. Nous avons mené un combat parlementaire, lequel a manifestement provoqué l'ire présidentielle, puisque l'on a été jusqu'à vouloir réformer le règlement de l'Assemblée pour éviter que la majorité soit de nouveau confrontée à de telles difficultés.
C'est au fond le même raisonnement qui a prévalu pour la nomination des présidents de l'audiovisuel public : « Puisque c'est hypocrite avec le CSA, supprimons l'intervention du CSA ! » Et quand le Parlement gêne, alors il faut supprimer le Parlement, ou en tout cas le droit de parole de l'opposition !
L'impuissance face à la crise se traduit en offensive contre les contre-pouvoirs.
Puisque la CMP est pratiquement revenue au texte initial, je veux revenir sur les trois grandes raisons qui nous ont conduits à nous opposer à ce texte avec fermeté.
Il y a tout d'abord la soumission financière et politique de la télévision publique.
Il y a soumission financière, car vous supprimez à terme 800 millions d'euros de recettes pour la télévision publique ; et personne ne peut croire, monsieur Herbillon, que l'État, dans la situation actuelle, sera capable de les compenser. Et quand bien même il le serait, il n'en serait pas moins scandaleux qu'au moment où les hôpitaux publics annoncent un déficit de 850 millions d'euros, on se garde de venir à leur secours pour la raison qu'il faut satisfaire les voeux du Président de la République…
Cette soumission financière repose sur une vision totalement absurde de la suppression de la publicité. Alors que vous interdisez la publicité après vingt heures sur les chaînes publiques, vous la maintenez dans les émissions pour l'enfance et la jeunesse du mercredi matin. C'est une décision parfaitement illégitime.
Le coeur de ce projet de loi est la nomination et la révocation des présidents de l'audiovisuel public au bon vouloir du Président de la République, par décret présidentiel. C'est une mesure sans précédent, et nous saisirons donc, dans les heures qui viennent, le Conseil constitutionnel, considérant que cette disposition consacre un recul des libertés publiques.
La jurisprudence constante du Conseil constitutionnel refuse toute marche arrière en matière de libertés publiques.
Le pouvoir de révocation n'a pas de précédent dans notre pays ni dans aucun autre pays démocratique. Des précédents existent peut-être dans la Roumanie de Ceaucescu ou l'Albanie d'Enver Hodja (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais jamais en France on n'a considéré normal que le Président de la République puisse révoquer à son bon vouloir les dirigeants de la télévision publique. Quand le titulaire de la magistrature suprême en vient à licencier un préfet parce que des sifflets lui sont parvenus aux oreilles, on conçoit le stress dans lequel va vivre le prochain président de l'audiovisuel public ! (Mêmes mouvements.)
Le troisième pilier de ce projet de loi, peu évoqué dans la presse, est la fausse transposition de la directive « télévision sans frontières », qui ouvrira les vannes à un déluge de publicité sur les chaînes privées, ce qui est tout aussi scandaleux.
Au bout du compte, vous aurez abaissé le niveau général de la télévision : celui de la télévision publique, car elle sera soumise, appauvrie et n'aura plus les moyens d'être une télévision premium, en particulier avec France 2, mais aussi celui de la télévision privée, parce que, avec l'absence de l'aiguillon de la concurrence publique, nous pouvons prévoir les pires dérives commerciales. Vous faites donc une mauvaise action contre la télévision dans son ensemble, contre la culture et contre la population de notre pays, parce que 800 millions d'euros pour ça, maintenant, c'est indigne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Cela ne vous surprendra pas : le groupe GDR votera également contre ce projet de loi.
En première lecture, un certain nombre de nos collègues de l'UMP et du Nouveau Centre avaient également voté contre ou s'étaient abstenus, refusant d'adopter un texte aussi inutile que dangereux.
Nous en appelons à tous les députés qui refusent cette fuite en avant vers une forme d'étatisme et d'affairisme, et n'acceptent pas que l'on fasse payer à la télévision publique la facture des caprices télévisuels du Président de la République. Nous les appelons à nous rejoindre sur ce vote !
Pour nous, le véritable enjeu, le seul enjeu de ce projet de loi est celui de l'indépendance. La question fondamentale pour l'audiovisuel public, sur laquelle nous n'avons cessé de progresser depuis quelques dizaines d'années, c'est en effet celle de l'indépendance. Aujourd'hui, on nous propose une régression, non seulement parce que viendra le texte sur la nomination du président de France Télévisions – on sait que l'indépendance se joue en grande partie dans la procédure de nomination, et cela vaut pour d'autres secteurs, comme la justice –, mais aussi parce que – et c'est la question de l'autonomie budgétaire – le président de France Télévisions sera demain obligé d'aller quémander des ressources pour financer ses programmes, ce qui le rendra totalement dépendant du pouvoir politique.
Je voudrais répondre à nos collègues du Nouveau Centre, qui ont bien du mal à expliquer pourquoi ils ont mangé leur chapeau (Exclamations sur les bancs du groupe NC), ainsi qu'à M. Dionis du Séjour, que j'ai connu plus convaincant et plus brillant. Je me pose une question toute simple : 2 euros de redevance valent-ils deux sièges sur les listes UMP aux européennes, car j'ai bien l'impression que c'est de cela qu'il s'agit ? (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC. - Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La suppression de la publicité cache mal les nouveaux privilèges accordés aux grandes chaînes privées, TF1 et M6 – comme si elles n'en avaient pas déjà assez : deuxième coupure publicitaire, passage de six à neuf minutes de publicité par heure, placement des produits dans les téléfilms. Enrichir les chaînes privées pour mieux assécher le financement des chaînes publiques, telle est la logique de ce projet de loi. François Mitterrand avait, en son temps, rendu la liberté à l'audiovisuel français. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nicolas Sarkozy a décidé de le cadenasser. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Sur le vote de l'ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
…………………………………………………………….
Nous allons maintenant procéder au scrutin.
Je vais donc mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l'Assemblée.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 248
Nombre de suffrages exprimés 241
Majorité absolue 121
Pour l'adoption 166
Contre 75
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures cinq.)
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 385 à l'article 3 bis.
Je suis saisi d'un amendement de suppression n° 385.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
Hier soir, juste avant que la majorité, faute d'être majoritaire, n'ait été conduite à se retirer pour se reconcentrer, nous avions entamé la discussion de l'article 3 bis. Intervenant, au nom de mon groupe, j'ai rappelé dans lesquelles circonstances cet article a été introduit dans le projet de loi, à la suite du vote, par le Sénat, d'un amendement déposé par Dominique Braye.
Son objet est de corriger les malfaçons commises par le Gouvernement en transférant des financements de l'Agence nationale de l'habitat, suivant une stratégie qui ne visait qu'à désengager le budget de l'État : la loi de finances ne faisait plus mention de financements destinés à la lutte contre le logement insalubre, alors même que cette politique se retrouve désormais intégrée dans les obligations du 1 % logement auquel revient la charge de financer l'ANAH.
Le dispositif de l'article 3 bis vient corriger la malfaçon en permettant à l'ANAH de remplir cette nouvelle mission. Nous contestons cette manière de faire : l'État doit maintenir son engagement dans la lutte contre le logement insalubre, en mobilisant tous les instruments légaux – qu'il s'agisse de l'arsenal pénal ou des pouvoirs de police confiés aux maires par la loi ENL –, propres à lutter contre les agissements délictueux des logeurs malintentionnés et à sanctionner les infractions liées aux logements insalubres, mais également en maintenant, sinon en accentuant ses engagements financiers à travers des stratégies de coopération, par exemple avec les propriétaires, ou des stratégies de renouvellement urbain, à l'exemple des OPAH.
L'élargissement des missions de l'ANAH à la lutte contre le logement insalubre, avec un financement provenant du 1 % est, selon nous, inacceptable. Non seulement les objectifs fixés par le Parlement ne pourront jamais être respectés dans ces conditions, mais il ne pourra en résulter qu'une confusion des compétences – nous le verrons lorsque nous examinerons les amendements du rapporteur. En conséquence, nous défendons l'amendement n° 385 qui vise à supprimer l'article 3 bis.
La parole est à monsieur Michel Piron, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour donner l'avis de la commission.
L'amendement n° 385 consistant purement et simplement à supprimer tout ce qui nous est proposé, j'aurai du mal à y souscrire…
Je rappelle d'abord que les compétences de l'ANAH ont été élargies…
Ses moyens aussi, mais laissez-moi poursuivre, monsieur Cacheux !
L'ANAH a dorénavant des compétences élargies et des objectifs clairs,…
…et, à ce jour, je ne sache pas qu'elle s'en plaigne, bien au contraire ! Nous avons suffisamment évoqué hier soir, comme la semaine dernière, la nécessité de respecter les partenaires sociaux pour nous réjouir que l'ANAH bénéficie de compétences supplémentaires en matière de logements à loyers maîtrisés – voire de logements très accessibles aux populations les plus fragiles.
Par ailleurs, je constate que, en même temps que le périmètre de ses missions, l'ANAH voit ses moyens augmenter d'à peu près 10 %, sauf erreur de ma part : elle devrait disposer, pour 2009, d'environ 550 millions d'euros.
Alors que l'ANAH est d'accord pour assurer ses nouvelles missions et qu'elle en a les moyens, je ne vois pas pour quelles raisons nous supprimerions l'article 3 bis du projet de loi. En conséquence, la commission est défavorable à l'amendement n° 385 .
La parole est à Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, pour donner l'avis du Gouvernement.
Monsieur le rapporteur, vous êtes, j'en suis certain, attaché, tout comme nous, aux missions de l'ANAH, et je veux bien vous croire lorsque vous prétendez que les crédits de l'ANAH progressent en même temps que ses compétences. Mais, si nous regardons le texte de plus près, ainsi que l'évolution de ses moyens, nous ne pouvons qu'être très inquiets.
L'ANAH joue un rôle primordial dans la mise en place et la conduite des opérations programmées d'amélioration de l'habitat. Comme de très nombreux maires, nous nous demandons si, demain, cette mission pourra être poursuivie, et même développée.
Madame la ministre, vous-même le reconnaissez et nous le regrettons comme vous : les crédits affectés au logement social dans votre budget sont en baisse de 7 %, au minimum – en fait, avec vos chiffres, il est difficile de savoir si la baisse est de 7 ou de 9 %, mais tenons-nous en à la fourchette basse. Vous diminuez donc de 7 % la possibilité de construire du logement social neuf en France ; or, vous le savez comme moi, ces crédits pour 2009 ne se traduiront en logements neufs qu'en 2012 ou en 2013. En revanche, pour répondre au besoin criant de logement social, il y a moyen d'aller un peu plus vite en mettant en place des OPAH : une rénovation ne prend guère qu'un ou deux ans. Près de 7 millions de personnes en France ne disposent pas d'un logement convenable ; en permettant le développement des OPAH, vous leur donneriez la possibilité d'améliorer leurs conditions de logement.
Augmenter les crédits de l'ANAH destinés aux OPAH, voilà une belle action à inscrire dans un plan de relance ! Non seulement cette mesure donnerait du travail aux entreprises et aux artisans locaux, ainsi qu'à tous les corps de métiers du bâtiment, qui souffrent actuellement de la crise, mais – et je sais que, comme nous, vous y êtes sensible, madame la ministre – vous mèneriez ainsi une action sociale en favorisant l'accès à un logement social de qualité. En outre, nos communes – qui en ont bien besoin – feraient des économies dans le cadre de leurs projets de revitalisation des centres-villes ou des centres-bourgs, puisque les travaux de VRD sont déjà réalisés.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, pouvez-vous affirmer devant la représentation nationale que les crédits de l'ANAH permettront de réaliser autant, voire davantage d'opérations programmées d'amélioration de l'habitat que les années précédentes, afin de répondre plus rapidement au besoin criant de logement social dans ce pays ? Ma question est claire ; j'attends une réponse claire.
M. Néri a du retard à l'allumage... Mais, avant de l'aider à mettre à jour ses informations, je veux remercier Mme Boutin d'avoir conforté, depuis plusieurs mois, l'action de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat et d'avoir lutté pour que l'inscription de crédits supplémentaires en faveur de la rénovation urbaine et de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat figure parmi les actions prioritaires du plan de relance.
Pour répondre aux questions précises de M. Néri, j'indique qu'au cours de la réunion qu'il a tenue la semaine dernière, le conseil d'administration de l'ANAH a pris un certain nombre de décisions, bien évidemment en étroite concertation avec le Gouvernement,…
…qui a d'ailleurs impulsé ces actions, et avec le 1 % logement, qui devient un financeur essentiel de l'ANAH. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Monsieur Néri, vous avez posé des questions précises sur le plan de relance et les OPAH ; je vais y répondre.
C'est au Gouvernement que j'ai posé ces questions. Vous n'êtes plus ministre, monsieur Daubresse !
Je ne suis plus ministre, mais j'ai été désigné, en tant que parlementaire, président de l'ANAH ; à ce titre, j'ai des informations qui datent de la semaine dernière à porter à la connaissance de la représentation nationale.
Il me semble utile que vous ayez connaissance de ces informations, qui ont trait aux dernières délibérations du conseil d'administration de l'ANAH, prises sous l'impulsion de Mme la ministre du logement, avant que nous ne nous prononcions sur l'amendement de suppression de l'article 3 bis.
Je rappelle que nous nous battons tous pour pouvoir rénover les centres anciens et pour aider les propriétaires les plus modestes ainsi que les populations les plus défavorisées. Sur les 200 millions d'euros gérés par l'ANAH et destinés à créer de l'activité économique supplémentaire, 100 millions permettront d'aider les propriétaires modestes à réaliser des travaux de rénovation thermique, soit un programme de 50 000 logements, 50 millions seront destinés à aider les copropriétés dégradées à réaliser des travaux de rénovation, soit 25 000 logements, et 50 millions contribueront à la rénovation de logements indignes pour les populations les plus en difficulté dans le cadre des OPAH.
Cela signifie, monsieur Néri – et nous avons encore eu une réunion de travail avec le Gouvernement sur ce sujet la semaine dernière –, que la capacité d'engagement supplémentaire des OPAH par rapport à 2008 sera majorée, selon les régions, de 30 à 40 %. Si ce n'est pas une augmentation du budget de l'ANAH, expliquez-moi ce que c'est ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Par ailleurs, le nombre de dossiers supplémentaires à instruire sera de l'ordre de 50 à plus de 70 %, avec un produit phare, dans le cadre du plan de relance, pour tout ce qui a trait à l'énergie ; quant aux procédures, elles seront accélérées.
À la question précise que vous avez posée, monsieur Néri, je réponds, en tant que président de l'ANAH et parlementaire, qu'il faut remercier Mme Boutin car, grâce à elle, l'ANAH bénéficie de moyens inégalés pour aider les populations les plus en difficulté en cette période de crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, vous me refusez la parole avant même que je la demande ! Fort bien !
Monsieur Le Bouillonnec, chacun peut demander la parole pour s'exprimer mais vous ne pouvez pas menacer la présidence, d'une façon ou d'une autre.
Je ne vous menace pas, mais je vous ai demandé la parole et vous me l'avez refusée.
Je vous l'ai refusée, parce que M. Gosnat l'avait demandée avant vous, pour répondre au Gouvernement.
La parole est à M. Pierre Gosnat.
Tout d'abord, je souscris totalement à l'amendement défendu par mes collègues du groupe socialiste. Ensuite, il me semble que l'intervention de M. Daubresse pose plusieurs problèmes.
Premièrement, on nous donne, ce soir, des éléments d'information dont personne ne dispose.
Écoutez, mon cher collègue, non seulement le texte est examiné selon la procédure d'urgence, ce qui nous prive d'une deuxième lecture, mais vous nous présentez un paquet-cadeau déjà tout ficelé : tout cela ne me paraît très satisfaisant du point de vue de la transparence…
Deuxièmement, M. Daubresse prétend que Mme la ministre nous donne tous les moyens dont nous avons besoin. Or n'oublions pas de rappeler que ces crédits ne proviennent pas de l'État, mais qu'ils sont pompés dans les caisses du 1 %.
Vous savez très bien que cette concertation n'existe pas et que tout cela s'est réalisé dans des circonstances pour le moins opaques. Quoi qu'il en soit, nous souhaiterions que nous soit communiqué le document dont vous nous avez parlé.
Mesdames, messieurs les députés, notre débat fut apaisé jusqu'à présent et je souhaite qu'il le reste. Je suis à votre entière disposition pour répondre à toutes les questions que vous souhaiterez me poser et je remercie M. Daubresse, président de l'ANAH, de nous avoir donné ces informations.
Je ne vais pas revenir sur la discussion que nous avons eue hier à propos de la participation du 1 % ; beaucoup de choses ont été dites, même si ce n'est peut-être pas suffisant. Il est vrai que le budget de l'ANAH sera abondé par le 1 % à hauteur de 480 millions, mais le plan de relance permet d'y ajouter 200 millions supplémentaires. Compte tenu de ces mesures nouvelles, le conseil d'administration de l'ANAH s'est réuni aussi tôt que possible afin de décider des affectations des crédits provenant à la fois du 1 % et du plan de relance. Cette réunion a eu lieu la semaine dernière ; elle pouvait difficilement se tenir plus tôt.
Il me paraît normal que ces informations vous soient communiquées en séance publique. Pour ma part, je n'appréciais guère, lorsque j'étais parlementaire, d'apprendre ce genre de chose par la presse…
Encore faudrait-il que le Président de la République ne se répande pas en déclarations dont vous n'ayez connaissance que par la presse !
Telles sont les informations que je peux vous donner. En tout état de cause, je ne peux pas laisser dire que l'ANAH est dépourvue de moyens. On peut contester cette mesure – nous en avons discuté hier : reste que, cette année, son budget est abondé à hauteur de 400 millions par le 1 %, auxquels s'ajoutent les 200 millions supplémentaires du plan de relance.
Si j'ai répondu rapidement tout à l'heure en émettant un avis défavorable à l'amendement de suppression de l'article 3 bis, c'est parce que je ne peux pas imaginer que l'on supprime des dispositions qui visent à rénover l'habitat indigne et à humaniser les centres d'accueil.
La parole est à M. Étienne Pinte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Le plus important, c'est de mobiliser tous les crédits disponibles en faveur du logement social, quelles que soient, à la limite, les lignes budgétaires. Il faut optimiser, autant que faire se peut, les crédits mis à notre disposition.
En ce qui concerne les OPAH, il est évident que cette année comme les années précédentes, l'utilisation des crédits qui leur sont affectés ne dépend pas uniquement de l'ANAH. Les collectivités locales ont un droit de tirage sur ces crédits, mais les propriétaires privés également, de manière indirecte, pour peu qu'ils souhaitent entrer dans une OPAH – c'est une affaire de liberté individuelle. Un propriétaire privé peut ne pas souhaiter bénéficier de ces crédits ; de surcroît, il faut que la collectivité lui en ait offert la possibilité. Ma seule crainte est donc que ce droit de tirage ne soit pas totalement exercé, autrement dit que les lignes budgétaires réservées aux OPAH pour la rénovation des logements indignes ne soient pas entièrement consommées.
Je tenais à apporter cette précision, car j'ai vécu cette situation durant de longues années. Il ne suffit pas que le Gouvernement mette des crédits sur la table pour que ceux-ci soient consommés. Nous souhaitons qu'ils le soient, mais cela ne dépend pas uniquement du Gouvernement ni de l'ANAH.
Je regrette que nos débats n'intéressent pas davantage de monde, car on verrait de quelle manière l'Assemblée sait travailler. Il s'agit ici, pour nous, de décliner une pensée collective, en faisant en sorte que l'on continue à se comprendre.
Alain Néri a soulevé le problème des financements, qui a déjà été évoqué en partie hier, lorsque nous nous sommes interrogés sur la capacité du 1 % à assumer ses obligations et lorsque, à la question de savoir ce qui passera dans trois ans, Mme la ministre m'a répondu : « On verra bien ! » – ses propos figurent au Journal officiel. Nous avons dénoncé cette attitude : un ministre, qui engage l'ensemble du Gouvernement de la République, ne peut tenir de tels propos s'agissant d'un domaine aussi important que celui de l'habitat et du logement. Cette question a été posée par tout le monde, y compris par les anciens membres du conseil d'administration lorsqu'ils ont appris ce qui se passait. Il s'agit donc d'un véritable problème.
Par ailleurs, je souhaiterais, dans un souci de cohérence intellectuelle, que l'on prenne les choses dans l'ordre. Qu'est-ce que l'ANAH ? Aux termes du code de la construction, l'Agence nationale de l'habitat a pour mission, dans le respect des objectifs définis à l'article L. 301-1, de promouvoir le développement et la qualité du parc existant de logements privés. L'ANAH a donc été conçue pour le logement privé. Elle était destinée à concentrer les capacités d'action sur du patrimoine privé – dans lequel aucun fonds public ne doit normalement prendre part –, en s'appuyant sur des stratégies territoriales auxquelles participaient les communes, parfois les conseils généraux, parfois même des associations.
Cette stratégie a porté ses fruits, même si elle s'est heurtée à deux obstacles. Tout d'abord, comme l'a très justement rappelé Étienne Pinte, elle repose sur le volontariat des propriétaires qui, s'ils ne veulent pas participer à l'amélioration de l'habitat, ne peuvent être contraints d'agir qu'en cas d'insalubrité. Ensuite, elle dépend de la capacité à réunir les moyens financiers nécessaires et, sur ce point, les niveaux de financement de l'ANAH étaient conçus de telle manière que les plafonds de ressources des propriétaires étaient sans nul doute incompatibles avec l'effort qu'ils devaient fournir.
Si nous contestons que l'ANAH s'ouvre à d'autres compétences que celles que la loi lui a données jusqu'à maintenant, ce n'est pas par archaïsme ou conservatisme, mais parce que l'enjeu fondamental est le logement privé – comme, de la même façon, l'article 55 de la loi SRU concerne avant tout le logement locatif social.
Lors de la création de l'ANRU dans le cadre de la loi Borloo de 2003, nous avions nous-mêmes critiqué le principe de l'instauration d'une nouvelle agence…
…craignant que l'État ne s'en désengage progressivement jusqu'à ne plus assurer le financement de ses actions – ce qui est malheureusement le cas aujourd'hui.
Parallèlement, dans le domaine de la cohésion sociale, on a créé l'ACSÉ, dont l'objectif de mener des actions hors budget. Comment les procédures de la politique de la ville seront-elles initiées, dès lors que l'on ne sera pas dans une stratégie ANRU et notamment de réussite éducative, leitmotiv pourtant de ce gouvernement ? On est en droit de se poser la question.
Aujourd'hui, il est démontré qu'à chaque fois que l'État confie une stratégie d'action publique à une agence, il sera amené, à plus ou moins brève échéance, à abandonner ce champ d'action et son financement. Ce constat donne raison à ceux qui, sur de nombreux bancs, avaient prédit que les choses se passeraient ainsi.
En l'état actuel, nous contestons que l'ANAH se voie confier la compétence en matière d'insalubrité de l'habitat, une compétence qui doit rester aux mains de l'État, dotée de ses propres lignes budgétaires et des instruments permettant d'agir, qu'il s'agisse du procureur de la République, des services d'hygiène et de salubrité, de l'accompagnement des familles ou encore du recours à l'interdiction de reloger. À nos yeux, attribuer à l'ANAH une compétence en matière d'insalubrité de l'habitat met cette action en danger.
Pour la même raison, il nous paraît inconcevable de faire entrer dans les missions de l'ANAH les actions relatives à l'amélioration des structures d'hébergement – ce qui est l'objet du prochain amendement. Une vraie politique publique de l'hébergement doit être intégralement confiée à l'État – agissant en liaison avec les collectivités –, et non à une agence qui, demain, pourra être confrontée à des choix difficiles en raison d'un manque de moyens. L'action publique ne peut et ne doit pas être divisée dans ces domaines, c'est pourquoi nous soutenons cet amendement de suppression de l'article 3 bis. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mon cher collègue, vous nous ressortez toujours le même argument (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Selon vous, lorsqu'on confie de nouvelles responsabilités à tel ou tel organisme, il est inévitable que l'on coure à la catastrophe dans deux ou trois ans, si ce n'est dès l'année prochaine ! N'en avez-vous pas assez de jouer ainsi les oiseaux de mauvais augure ?
Je voudrais vous rappeler deux choses. Il me semble qu'en proférant votre sinistre diagnostic au sujet de l'ANRU – limité à la constatation que cette agence manque parfois de moyens – vous passez sous silence les conditions de sa création et l'audace qu'a eue Jean-Louis Borloo de croire, envers et contre tous, qu'il était possible de requalifier des quartiers que tout le monde pensait définitivement voués à la misère et à la violence, afin de faire en sorte qu'ils se mettent à générer du « bien vivre ensemble ».
Pour mener à bien son projet, Jean-Louis Borloo a mis en oeuvre un outil qui ne visait, à l'époque, qu'environ 170 quartiers. Depuis, le dispositif a tellement bien marché que, de façon étrange, il se trouve aujourd'hui beaucoup plus de personnes déclarant y avoir toujours été favorables qu'il n'y en avait à l'origine ! Et de 170 quartiers concernés, nous sommes passés à plus de 700 ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
On peut toujours parler de moyens, mais il faudra que vous m'expliquiez comment nous avons fait pour multiplier les objectifs par cinq si les moyens étaient insuffisants ! Vous obstination à ne voir que la bouteille à moitié vide finit, à la longue, par être aussi inexplicable que désolante. Pour ma part, je me félicite que nous ayons obtenu des résultats bien au-delà de nos engagements et que le pari que nous avions fait soit en train de se transformer en une formidable réussite.
À un moindre degré, dire que l'insalubrité ne relèverait pas du savoir-faire et des compétences de l'ANAH (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…
…me paraît tout à fait injustifié quand on se réfère au travail accompli depuis des années dans ce domaine par l'ANAH, un travail bénéficiant notamment aux propriétaires occupants impécunieux, à qui l'Agence évite, grâce à son savoir-faire, de voir l'insalubrité gagner leurs logements. Pour ma part, je suis convaincu qu'élargir les compétences de l'ANAH dans ce domaine relève simplement, non du pari, mais du bon sens. Nous pouvons, pour les années à venir, nous reposer sur cet outil qui, bénéficiant d'un bon maillage territorial et entretenant d'excellentes relations avec l'ensemble des collectivités locales, ne manquera pas d'obtenir dans les années à venir des résultats bien meilleurs à ceux constatés jusqu'à présent. La commission est donc évidemment défavorable à la suppression de l'article 3 bis.
(L'amendement n° 385 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement du Gouvernement, n° 976.
La parole est à Mme la ministre.
L'amendement n° 976 a pour objet d'élargir les compétences de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat à l'amélioration des structures d'hébergement. En effet, le Gouvernement a engagé au cours de l'année 2008 d'importants travaux d'amélioration et d'humanisation des centres d'hébergement, en mobilisant pour ce faire l'ensemble des partenaires concernés. La complexité de certaines opérations de réhabilitation très lourdes nécessite aujourd'hui de faire appel à un opérateur solide, doté notamment d'une compétence en matière d'assistance à maîtrise d'ouvrage.
Compte tenu de ses compétences reconnues sur le parc privé, l'ANAH peut se voir confier les actions d'amélioration des structures d'hébergement, étant précisé que le projet de loi de finances pour 2009 a prévu le transfert à l'Agence des crédits correspondants. Cette structure nous paraît être, par son savoir-faire, la plus à même de mener à bien ces actions d'humanisation. Tel est, par conséquent, l'objet de l'amendement n° 976 .
Les députés communistes sont en désaccord avec cette proposition – tout en reconnaissant qu'il serait utile d'engager une vraie politique en matière d'amélioration des centres d'hébergement, d'une capacité insuffisante et dont l'état est souvent déplorable.
Pour autant, cette mission ne relève pas du métier ni du savoir-faire de l'ANAH, comme l'a très bien expliqué notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est la raison pour laquelle le groupe GDR votera contre cet amendement.
Madame la ministre, chacun connaît votre attachement à l'humanisation des centres d'hébergement et sa volonté – que nous soutenons – d'en faire des lieux plus accueillants, ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, et offrant une chambre par personne, afin que la dignité humaine soit préservée. Je voudrais vous poser une question : quelles vont être les sommes allouées à l'ANAH afin de permettre ce transfert de compétences – vraisemblablement assorti d'un transfert juridique ? Plusieurs montants ont été évoqués, sans que l'on sache auquel se fier. Je crois savoir que vous avez annoncé une somme de 110 millions d'euros. Or l'ANAH avance plutôt le chiffre de 80 millions d'euros avec le plan de relance. Il me paraît pour le moins nécessaire que la représentation nationale soit éclairée sur ce point.
Par ailleurs, plusieurs centres d'hébergement parisiens – si je ne cite que des exemples concernant Paris, c'est parce que je sais que vous les connaissez aussi bien que moi – sont actuellement en cours de rénovation. Pour le centre Emmaüs du boulevard Pereire, dans le 16e arrondissement, le coût estimé sera d'au moins 14 millions d'euros ; pour celui de La Mie de Pain, on parle de 34 millions d'euros. Rien qu'avec ces deux exemples, que vous connaissez comme moi, de rénovations à entreprendre en urgence, on s'aperçoit que les sommes allouées à l'ANAH risquent de se révéler rapidement insuffisantes – d'autant que l'humanisation des centres, que vous appelez de vos voeux, entraînera d'autres frais très importants. Nous aimerions que vous nous donniez quelques précisions à ce sujet, madame la ministre, afin de nous permettre d'y voir plus clair entre les sommes consacrées au plan de relance, celles du budget 2009 et celles qui seront allouées à l'ANAH dans le cadre de ce projet de loi.
Madame Lepetit, je vous remercie d'avoir souligné l'intérêt particulier que je porte, parmi les actions menées par le ministère que je dirige, à l'humanisation des centres d'hébergement. Vous avez eu raison d'évoquer les centres parisiens et n'avez pas à vous en excuser : les deux tiers des problèmes relatifs à l'hébergement concernent en effet la région parisienne, en particulier Paris, où de gros efforts restent à accomplir.
Je connais bien, effectivement, les deux centres que vous avez cités. Pour ce qui est des sommes allouées aux actions d'humanisation, 120 millions d'euros sont prévus pour 2009, 30 millions d'euros pour 2010 et 20 millions d'euros pour 2011, ce qui fait 170 millions d'euros au total. Ces sommes devraient permettre de mener des actions importantes, dans les proportions que vous avez indiquées tout à l'heure.
Je suis saisi d'un amendement de la commission, n° 102.
La parole est à M. Michel Piron, pour le soutenir.
L'article 3 bis de la loi complète les missions de l'Agence nationale de l'habitat, en précisant qu'elle participe à la lutte contre l'habitat indigne. Il vous est proposé de préciser cette extension de mission, en indiquant de façon plus explicite les nouvelles missions confiées par l'État à l'Agence.
Sur le fond, cet amendement ne pose pas de difficultés particulières. Nous estimons toutefois que son périmètre est d'ordre réglementaire plutôt que législatif ; d'où un avis défavorable.
Nous regrettons que le texte du projet de loi ainsi que les amendements proposés confient sans cesse de nouvelles responsabilités à l'ANAH – responsabilités dont les pouvoirs publics se délestent. Ainsi, après la lutte contre l'habitat indigne et l'amélioration des structures d'hébergement, voilà qu'il est question, avec l'amendement n° 102 , de confier à l'ANAH l'exécution d'opérations de résorption d'habitat insalubre et de requalification d'immeubles et d'îlots d'habitat privé dégradé.
On nous reproche de faire un procès d'intention sur les moyens qui seront alloués à l'ANAH en contrepartie de ses nouvelles missions. Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous rappeler que ce que nous disions en 2004 au sujet de l'engagement de l'État dans l'ANRU – plus exactement, du désengagement qui était à craindre – s'est malheureusement confirmé en 2009. Alors que les centaines de millions d'euros initialement alloués à l'ANRU étaient censés être sanctuarisés, à l'heure actuelle, le désengagement de l'État est quasiment total !
Quant aux moyens complémentaires prévus – fort heureusement – par le plan de relance, rappelons qu'ils sont exceptionnels, autrement dit non pérennisables, à moins d'imaginer un nouveau plan de relance tous les quinze jours. On peut dès lors s'interroger légitimement sur les moyens l'ANAH disposera à terme, alors que les missions qui lui sont confiées s'élargissent à chaque amendement !
J'écoute avec intérêt mes collègues socialistes et communistes : j'ai pour eux, ils le savent, beaucoup d'estime, mais je les trouve d'un conservatisme torride !
Comment se caractérise la politique du logement depuis quelques années ? Par une complexité qui fait intervenir sur tous les axes de cette politique six ou sept interlocuteurs. C'est d'autant plus vrai depuis la décentralisation, qui a fait rentrer dans le jeu les collectivités locales, les départements et les agglomérations mais aussi les régions. Il faut aussi compter avec le 1 % logement – les partenaires sociaux – et avec le monde associatif. Ce fut d'ailleurs tout le sens de l'engagement de Mme Boutin, à l'époque où elle était parlementaire. Ce n'est donc plus l'État et son bras séculier qui produisent la politique du logement ; celle-ci résulte désormais d'un multipartenariat.
J'étais à votre place, monsieur le président, le 1er août 2003 lorsque l'Assemblée a voté la loi de Jean-Louis Borloo. C'est à lui que l'on doit l'émergence de ce partenariat qui réunit autour d'une même table l'ensemble des acteurs pour qu'ils s'entendent sur des objectifs prioritaires. Les ministres qui lui ont succédé ont poursuivi cette politique, et j'en remercie tout particulièrement Mme Boutin, dont on connaît la ténacité et les convictions.
J'entends des choses hallucinantes ! Comment prétendre, par exemple que le fait que l'ANRU s'occupe de plusieurs quartiers en rénovation signifie que l'État se désengage ! Arrêtez ! Monsieur Cacheux, voulez-vous que je vous donne la liste des dernières opérations ? Crachez-vous sur les 130 millions d'euros que la ville de Mons-en-Baroeul, municipalité de gauche, vient d'obtenir de l'ANRU ? et sur les financements obtenus par Tourcoing, elle socialiste aussi ?
Est-ce que les chantiers de l'ANRU se sont arrêtés ? Dans mon pays ch'ti, ma grand-mère avait ce proverbe : « Un morciau avalé n'a pus d' goût ! » Eh bien, non seulement vous l'avez avalé ce morceau, mais vous l'avez même bien intégré ! Combien Mme Aubry a-t-elle reçu pour la ville de Lille ? Entre 300 et 400 millions d'euros !
Je ne dis pas que c'est l'argent de l'État, (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) je dis que le 1 % logement concourt à ce financement, ainsi qu'en ont décidé les partenaires sociaux pour participer à la solidarité nationale.
Je vous dis aussi que l'ANAH est une agence publique. Quand Voies navigables de France, établissement public, s'occupe de faire du service public sur les berges de nos rivières, personne ne crie au désengagement de l'État ! Nous avons simplement des bras armés, mieux adaptés que d'autres pour ce genre de tâches. C'est dans cette optique que le Gouvernement entend s'appuyer sur l'expérience qu'a acquise l'ANAH au fil des années dans la lutte contre l'habitat indigne, mais cela ne signifie nullement que l'État cesse de s'en préoccuper.
Nancy Bouchet, qui vient de prendre sa retraite, s'était attachée pendant des années à promouvoir ces idées, et c'est bien à la demande de l'État qu'elle a conduit ses actions, comme c'est à la demande de l'État que des expérimentations ont été faites dans plusieurs départements. Vous raisonnez, au contraire, comme si l'État incarnait seul l'action publique.
Désormais, les collectivités territoriales et les élus nationaux seront amenées à prendre une place plus importante dans le conseil d'administration de l'ANAH, pour une gestion tripartite, associant l'État, les partenaires associatifs et les collectivités locales.
Libre à vous, le moment venu, de vérifier si les moyens seront ou non au rendez-vous. Pour l'heure, un contrat d'objectifs sera signé, assorti d'une clause de revoyure tous les trois ans, et les parlementaires ont demandé à pouvoir vérifier chaque année la réalité des engagements financiers.
De grâce, évoluez! Nous sommes au XXIe siècle, et une politique du logement ne peut se conduire que dans le cadre d'un partenariat respectueux du rôle des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Madame la ministre, vous avez émis un avis défavorable sur notre amendement, qui intègre dans les compétences de l'Agence la résorption de l'habitat insalubre, au motif qu'il serait de nature réglementaire. Dans ce cas-là, l'amendement n° 976 que vous venez de présenter et qui élargit les compétences de l'ANAH à l'amélioration des structures d'hébergement l'est tout autant. Et puisque nous l'avons accepté, je vous demande d'accepter également l'amendement n° 102 que la commission a adopté.
Il me semble que nous assistons à un extraordinaire renversement de situation ! Qui oserait nier que les besoins étaient considérables, que ce soit en matière d'hébergement ou en matière de rénovation des quartiers dégradés ? Personne ne l'a fait, ni dans la majorité ni dans l'opposition. Nous affirmons au contraire – et peut-être plus fort que vous – qu'ils sont énormes.
Pour ce qui est des outils, vous ne pouvez pas dire que nous critiquons l'ANRU ou l'ANAH. Nous répétons simplement que vous les mettez à mal.
Pourquoi ? Parce vous leur faites jouer tous les rôles possibles. Vous voulez tout y fourrer… J'en veux d'ailleurs pour preuve le différend entre le rapporteur et le Gouvernement, qui témoigne bien que nous ne sommes pas les seuls à qui cela pose problème.
La question est la suivante : quels moyens dotez-vous aujourd'hui ces instruments ?
Vous ne leur donnez plus des crédits d'État, mais vous piquez dans la caisse du 1 % de l'argent qui devait servir de financements complémentaires.
Nous voulons davantage de crédits…
… et nous voulons faire jouer à l'ANAH comme à l'ANRU le rôle qui est le leur.
Je m'étonne d'ailleurs du silence de Jean-Louis Borloo sur la question, même si ce n'est plus tout à fait sa tasse de thé. Que pense-t-il de tout cela, lui à qui l'on avait garanti la sanctuarisation des crédits ?
Cela me fait penser aux pyramides d'Égypte : de grands sanctuaires, mais complètement pillés ! Il aurait été intéressant de l'entendre, lui qui fut l'initiateur de tout cette affaire.
J'ai suivi votre démonstration, cher collègue Daubresse, à ceci près qu'au XXIe siècle, il ne faudrait pas perdre de vue l'arithmétique des vingt siècles passés, sans compter ceux qui ont précédé notre ère ! Vous avez omis en effet de préciser que, jusqu'à présent, nous avions les crédits de l'État et ceux des collectivités territoriales, auxquels s'ajoutaient les crédits du 1 %. Aujourd'hui, en revanche, ne restent que les crédits des collectivités territoriales et les crédits du 1 %.
Passer de trois à deux ne me semble pas constituer un progrès, même au XXIe siècle !
Ce qui nous chagrine, pour employer un terme doux, c'est que vous êtes incapables – Mme la ministre l'a admis hier soir – de nous dire ce qu'il adviendra dans trois ans de l'ensemble de ces crédits, et plus particulièrement des crédits de l'État, aujourd'hui réduits à néant dans la loi de finances que nous avons examinée à la fin de l'année dernière.
On nous annonce des crédits supplémentaires dans le cadre du plan de relance, mais qui peut nous en garantir la pérennité ? Personne.
Quant au partenariat, nous y sommes bien entendu favorables, mais encore faut-il avoir des partenaires.
Aujourd'hui, le 1 % ou les collectivités territoriales cherchent en vain le partenariat de l'État.
Ce que nous contestons c'est l'engagement initial de l'État pour l'ANRU à hauteur de six milliards d'euros ramené à 750 millions d'euros. Sans sanctuarisation des crédits, nous ne pouvons accepter que l'ANAH se voit sans cesse confier des missions supplémentaires.
D'autant qu'il y a dans ce processus un effet sournois. Les fonds du 1 % avaient été mis en place il y a une cinquantaine d'années comme un mécanisme de solidarité entre salariés d'une même entreprise ou d'une même branche. Les utiliser comme vous le faites aujourd'hui revient à étendre cette solidarité des salariés à l'ensemble de la population.
Nous avons débattu hier de la pertinence d'étendre l'utilisation des fonds du 1 % aux demandeurs d'emploi, ce qui rend, de fait, les salariés solidaires de l'ensemble de la population active. Je n'aurai donc qu'une question : Quand allez-vous exiger de l'ensemble des citoyens non salariés de ce pays un effort de solidarité équivalent à celui que vous exigez des salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 102 est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma