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Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 3 février 2009 à 15h00
Nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

C'est notamment le cas en Allemagne et en Grande-Bretagne.

Il aurait été tout aussi logique que notre pays, qui souhaite être le meilleur et qui aime donner l'exemple, choisisse de moderniser notre télévision publique en s'inspirant des meilleures pratiques, que celles-ci visent à assurer l'indépendance des chaînes publiques vis-à-vis du pouvoir politique, à garantir des recettes mixtes et pérennes, ou encore à établir l'indépendance éditoriale de ces médias.

Il n'en est rien. Le Président de la République, et le Gouvernement, ont systématiquement choisi le moins bon pour la télévision publique.

Je prendrai trois brefs exemples. Lorsque la plupart des pays européens tendent à confier le pouvoir de nomination des présidents des sociétés de diffusion à des organes au statut indépendant, le choix fait en France a été inverse : la nomination des dirigeants de la télévision publique est confiée par les articles 8 et 9 de la loi à une instance purement politique, après un avis – et non un vote – conforme du CSA et des parlementaires.

Les avis prévus ne me paraissent d'ailleurs pas constituer des garanties suffisantes pour la mise en oeuvre de l'objectif à valeur constitutionnelle qu'est la préservation du caractère pluraliste de l'audiovisuel public.

Mon deuxième exemple a trait au financement et au modèle économique de développement de l'audiovisuel public. Dans la plupart des États, le financement de ce service public repose sur un modèle mixte, combinant des revenus qui proviennent de différentes sources – redevances payées par les contribuables, financements provenant du budget de l'État, revenus commerciaux de la publicité. Le financement des opérateurs des services publics par les seules finances de l'État, choisi ici, est généralement perçu comme le modèle le plus hasardeux, notamment lorsque la culture de l'impartialité est difficile à pratiquer : un tel modèle crée en effet une dépendance du diffuseur vis-à-vis du politique et de l'État. Là où les taxes et redevances existent, elles demeurent indépendantes du budget de l'État.

L'article 18 prévoit bien une compensation de la suppression partielle de la publicité ; les articles 20 et 21 prévoient bien un financement complémentaire grâce à une nouvelle taxe perçue sur les recettes publicitaires des chaînes ainsi qu'une taxe payée par les opérateurs de téléphonie, donc par les consommateurs. Mais il n'y a de garantie ni quant à la sincérité de l'évaluation, ni quant à la pérennité de la ressource, ni quant à l'affectation de celle-ci aux services à financer.

Il aurait fallu – comme c'est le cas en Allemagne – que les besoins financiers de l'audiovisuel public soient évalués par une commission indépendante, qui aurait ensuite estimé le montant des ressources correspondantes. À tout le moins, les ressources auraient dû être affectées exclusivement à ce service audiovisuel et réévaluées en contrepartie des progrès de qualité attendus.

Le dernier exemple que je voudrais donner de ces choix inquiétants, c'est celui du problème de l'indépendance éditoriale des chaînes. Dans la plupart des pays, celle-ci est liée à un financement solide, que ne garantit en aucune façon le modèle économique choisi aujourd'hui. Parler d'indépendance éditoriale, c'est mettre en oeuvre les principes d'impartialité, de rigueur, de représentation équitable de tous les groupes sociaux et des individus dans leur diversité d'opinions. L'indépendance éditoriale est en effet étroitement liée à l'indépendance financière et au mode de gestion des opérateurs publics.

En réalité, ces choix, qui auraient dû être exemplaires, sont des expédients destinés à s'adapter à la décision du président de faire sa réforme de la télévision. Comble d'innovation présidentialiste, cette réforme que nous n'avons pas encore adoptée est déjà pour partie mise en oeuvre ! C'est dire la considération dans laquelle le Parlement est tenu.

On nous a promis la télévision du futur ; mais le modèle de télévision publique qui nous est livré aujourd'hui, sous influence politique, sans moyens garantis, affaiblit l'indépendance éditoriale des chaînes : c'est un modèle déjà périmé.

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