La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 14.
La parole est à Mme Marylise Lebranchu, inscrite sur l'article.
Monsieur le président, monsieur le ministre de la défense, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, l'article 14 du projet de loi de programmation militaire fixe les conditions d'intervention de la commission consultative du secret de la défense nationale. Nous souhaitions, et nous souhaitons encore – c'est pourquoi nous avons déposé une série d'amendements – redonner tout son sens collégial et collectif à cette commission.
En effet, le texte que vous nous présentez ne reconnaît comme interlocuteur que le président de la commission, les autres membres n'ont de pouvoirs que si le président est empêché – c'est en tout cas la lecture que nous en faisons. La décision ne peut reposer sur une seule personne. Nous souhaitons que soit introduite une collégialité de la décision. Nous sommes malgré tout conscients qu'il est impossible de prévoir le déplacement de toute la commission dès lors qu'une perquisition est engagée. C'est pourquoi nous vous proposons une procédure d'appel lorsque la décision est le fait du président seul ou de son représentant.
Nous vous suggérons également d'augmenter le nombre de membres de la commission, nous en avons parlé tout à l'heure, pour améliorer son efficacité afin qu'elle puisse être en mesure de répondre aux sollicitations nombreuses dont elle va faire l'objet avec l'extension du secret défense que vous avez portée dans les articles précédents, même largement amendés par la commission des lois.
Je suis saisi d'un amendement n° 84 .
La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
Il est rare de procéder ainsi mais la nouvelle procédure m'y conduit : au lieu de défendre l'amendement n° 84 , je voudrais savoir si, compte tenu des rectifications qui ont été adoptées dans les articles précédents, cet amendement a toujours lieu d'être.
La question que nous posons à travers cet amendement nous semble importante. Il peut y avoir un avis négatif porté à la connaissance du magistrat, mais cet avis est porté par le président de la commission, ou son représentant si celui-ci est empêché, donc par une seule personne.
Comme il est difficile d'établir une procédure de recours devant une commission consultative, volontairement nous n'avons pas utilisé le mot « recours ». Toutefois, il nous semble que le magistrat qui persiste et qui signe, si vous me permettez cette expression populaire, doit pouvoir demander un nouvel examen par la commission consultative du secret de la défense nationale qui serait réunie en urgence pour que celle-ci confirme ou infirme l'avis négatif de demande de déclassification qui aurait été émise par le président ou son représentant.
La parole est à M. Yves Fromion, rapporteur de la commission de la défense et des forces armées, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 78 .
Cette question avait été évoquée en commission mais l'amendement avait été retiré. Je comptais que la sagesse l'emporte encore ce soir, mais je crois comprendre que ce n'est pas le cas.
Je ne peux pas donner un avis favorable, je suis désolé, madame Lebranchu, parce que je serais moi-même en contradiction avec la commission.
L'amendement prévoit que, lorsque le président de la CCSDN donne un avis négatif, cet avis est porté à la connaissance du magistrat qui peut demander un second examen de sa demande par la commission réunie en urgence. Cette proposition nous semble totalement incompatible avec la confiance nécessaire qui doit régner entre le président de la CCSDN et le magistrat.
Le recours à une décision du président a été privilégié afin de permettre une déclassification rapide du lieu en question. S'il fallait, chaque fois qu'il y a une saisine, réunir la commission dans sa totalité, cela allongerait les délais.
Nous serions en contradiction avec l'objectif de rapidité de la procédure que nous avons voulu atteindre avec la décision rendue par le président. Instaurer une possibilité de recours pour cet avis ralentirait nécessairement toute la procédure car il faudrait prendre le temps de réunir la commission.
Au-delà de cet argument, qui pourrait être jugé secondaire car le retard pourrait être l'affaire de quelques jours, le magistrat, qui, par définition, ne peut rien connaître du lieu classifié, ne semble pas en situation de contester une décision du président de la commission qui a été prise en connaissance de cause et, je le rappelle, en toute indépendance.
Voilà un magistrat qui ne sait pas ce qui se trouve dans le lieu où il veut aller. Il fait une demande pour pouvoir y pénétrer et aller rechercher les documents qui lui paraissent utiles pour son enquête. Si on lui refuse cet accès, sur quel motif fondera-t-il sa demande de recours ? Cela me paraît assez compliqué. C'est pourquoi je vous propose de retirer à nouveau cet amendement. Dans le cas contraire, je serais obligé de demander à mes collègues de voter contre.
La parole est à M. Hervé Morin, ministre de la défense, pour donner l'avis du Gouvernement.
Cette procédure ne concerne que les lieux classifiés, elle ne concerne pas la totalité de la procédure de perquisition.
D'après ce que l'on sait de la procédure, c'est une demande écrite qui parvient au président de la commission. Dans ces conditions, il ne paraît pas anormal que le magistrat qui souhaite perquisitionner puisse demander à s'expliquer devant ladite commission.
J'ai bien conscience que le magistrat ne sait pas ce qu'il y a dans les lieux. Mais, s'il explicitait les termes de sa demande devant la commission réunie collégialement, la procédure ne s'en trouverait pas considérablement alourdie.
Si l'on oppose un refus à sa demande écrite, pourquoi ne pourrait-il pas demander à s'expliquer oralement devant la commission ?
Ces explications dépassent largement le cadre de l'amendement, lequel ne prévoit pas que le magistrat s'explique devant la commission. Nous sommes donc sortis du sujet.
En outre, l'amendement me semble encore moins pertinent, à présent que j'ai entendu votre intervention. Pourquoi irait-on mettre le président de la CCSDN ou toute la commission en difficulté, alors que la matière même de l'investigation n'est pas connue du magistrat ? C'est surréaliste !
Nous n'aurions pas besoin d'avoir ce débat si le texte avait été rédigé dans l'ordre. Certaines dispositions de l'article 13 devraient figurer avant l'article 12, et celles de l'article 14, qui décrit le début de la procédure, auraient dû apparaître plus tôt.
Monsieur le rapporteur, si votre argument est juste, à quoi sert la commission ? Son président ne peut-il pas éprouver un doute sur sa propre réponse ? Le cas qu'il doit trancher n'est pas banal : ce n'est pas tous les jours qu'un magistrat demande une déclassification. Il peut lui-même s'être longuement interrogé avant de formuler une telle requête. Il ne s'agit donc pas de défiance. Simplement, il peut être intéressant de débattre collégialement.
Mais si vous pensez l'inverse, si vous croyez vraiment que le président de la commission n'aura jamais besoin de discuter avec l'ensemble de la commission sur l'opportunité d'une demande de classification, supprimez donc la commission et désignez un responsable unique.
Qui vous dit que le président n'aura pas consulté les membres de la commission avant de rendre sa décision ? Il ne faut pas déformer les choses. En revanche, il est inutile de le mettre en difficulté en prévoyant que le magistrat retourne devant lui une fois que la décision aura été rendue.
(L'amendement n° 78 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 46 .
La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
Je conviens, monsieur le rapporteur, que l'avis du président a pu être soumis au préalable à la commission. L'amendement n° 46 va précisément dans ce sens, car il propose de substituer aux mots : « son avis », les mots : « l'avis de la commission ».
Avis défavorable. La proposition n'est pas cohérente avec le dispositif prévu à l'article 12.
C'est bien la preuve que les articles du texte ne sont pas dans l'ordre !
Le fait que l'avis soit émis par le président de la CCSDN permet de réagir rapidement à la demande du magistrat, ce qui ne serait pas possible s'il fallait réunir toute la commission. Encore une fois, les auteurs de l'amendement ont préjugé de son fonctionnement.
(L'amendement n° 46 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 79 rectifié .
La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
Cet amendement vise à supprimer la prérogative accordée au président de se prononcer seul sur une demande de classification temporaire. Mais je pense qu'il est tombé.
Le service de la séance n'en a pas jugé ainsi mais je suis tout prêt à vous donner raison.
(L'article 14 est adopté.)
Les articles 15 et 16 à 16 quinquies ne font l'objet d'aucun amendement.
(Les articles 15 et 16 à 16 quinquies, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 96 portant article additionnel après l'article 16 quinquies.
La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau.
Cet amendement, qui concerne la piraterie maritime, s'inscrit dans la droite ligne d'un rapport sur le financement des OPEX, que j'ai eu l'honneur de rédiger avec M. Louis Giscard d'Estaing. Il nous semble important que l'on puisse naviguer sur toutes les mers du globe non seulement en toute liberté, mais aussi en toute responsabilité.
À cet égard, l'amendement a une vocation pédagogique car, si nous appuyons l'action de la France dans la lutte contre la piraterie, nous entendons responsabiliser ceux qui peuvent être arraisonnés par des pirates, ce qui déclenche aussitôt une intervention des fusiliers marins, des commandos ou du GIGN.
Quand il s'agit de sauver des vies, c'est l'honneur et le devoir de nos forces armées d'y parvenir. Il ne saurait dans ce cas être question d'une rémunération quelconque. En revanche, à partir du moment où l'on sauve un bien, qu'il s'agisse d'un navire marchand ou d'un navire de plaisance, nous proposons que le ministère de la défense puisse facturer le coût de sa récupération, pour qu'il ne soit pas supporté par les contribuables, à l'armateur ou à l'assureur du bateau, notamment quand il est établi que le skipper ou le commandant ont fait fi des recommandations – par exemple, de naviguer en convoi – qu'ils avaient reçues.
Cet amendement inspiré des pratiques de la SNSM, que les Bretons connaissent bien, vise à mettre en lumière le coût d'une telle opération pour la collectivité et à dissuader chacun de faire courir des risques inutiles aux forces armées.
La parole est à M. Patrick, Beaudouin, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 96 .
La lutte contre la piraterie maritime est d'actualité, puisque la commission de la défense a récemment approuvé le rapport de M. Christian Ménard sur ce sujet.
L'amendement ouvre au ministère de la défense la possibilité de facturer aux propriétaires de bateaux pris en otage par des pirates et libérés par les forces armées françaises tout ou partie des opérations de récupération des bien matériels.
Mais, si l'idée est intéressante quand les consignes de sécurité pour la navigation dans les zones à risques ont été enfreintes, la rédaction de l'amendement et le cadre juridique retenu ne sont pas adaptés. Pour lutter contre la piraterie, la France agit dans le cadre des résolutions des Nations unies, en particulier pour l'opération européenne Atalante. Elle ne peut donc pas adopter des règles propres, qui risqueraient en outre de compliquer ses interventions. Que faire, par exemple, si un armateur refuse d'être secouru par la marine française au motif qu'il ne veut pas payer le coût de l'intervention ? Que deviendrait alors l'obligation de lutter contre la piraterie prévue par le droit international de la mer ? N'y aurait-il pas non-assistance à personne en danger ? Ce sont des questions que l'on peut se poser. J'émets donc un avis défavorable.
Néanmoins, l'idée est intéressante. Elle pourrait être portée par le gouvernement français auprès des instances internationales et européennes compétentes.
Pour être honnête, je dois dire que j'ai essayé de défendre cette position quand nous avons décidé de l'opération Atalante. Mais nous intervenons sur mer en vertu d'une résolution des Nations unies et d'une décision de l'Union européenne, qui prévoit la gratuité dans le cadre d'une opération militaire. En outre, la proposition formulée dans l'amendement poserait des difficultés juridiques et techniques importantes.
Cela dit, je vous propose que deux parlementaires – pourquoi pas un député de la majorité et un de l'opposition, ou deux députés de commissions différentes ? – travaillent avec nos services pour monter un dispositif juridiquement tenable.
Dans ces conditions, retirez-vous l'amendement n° 96 , madame Olivier-Coupeau ?
J'entends la proposition de M. le ministre et je retire mon amendement, mais je rappelle que notre proposition ne s'appliquerait pas dans le cas où des vies humaines seraient sauvées.
Ne serait-ce que pour clarifier le débat, je reprends l'amendement n° 96 , qui me semble marqué au coin du bon sens. Quand j'entends dire que des décisions ont été prises au niveau européen pour que de telles opérations soient gratuites, les bras m'en tombent. Comme si l'Union européenne devait se mêler de ce genre de choses ! Quand on a mis en garde quelqu'un qui est passé outre, par pure fanfaronnade, il est légitime que la collectivité publique puisse récupérer tout ou partie des frais engagés pour la libération des otages. Disons clairement à nos concitoyens qu'il y a des limites à ne pas dépasser.
Dès lors qu'on évoque l'Union européenne, M. Myard réagit vivement. Mais il ne s'agit pas seulement de prévoir que l'État puisse récupérer les sommes dépensées pour libérer des hommes ou des femmes qui auraient commis une imprudence. Dans la plupart des cas, les pilotes des bâtiments piratés n'ont commis aucune imprudence. Le cadre de réflexion est donc beaucoup plus vaste que celui envisagé dans l'amendement.
Je souhaiterais donc que celui-ci soit retiré. À défaut, je demanderai son rejet.
La première explication était mauvaise, mais la seconde m'a convaincu.
(L'amendement n° 96 est retiré.)
L'article 16 sexies ne fait l'objet d'aucun amendement.
(L'article 16 sexies est adopté.)
L'article 17 ne fait l'objet d'aucun amendement.
(L'article 17 est adopté.)
Cette loi de programmation militaire pour la période 2009-2014 est un texte essentiel, car l'avenir de notre pays réside avant tout dans sa capacité de défense.
La mission de défense est simple : défendre nos intérêts, l'intégrité du pays, sa souveraineté, son indépendance. À cette fin, nous devons être prêts à toute éventualité, y compris à l'imprévisible… Or la situation internationale, loin d'être imprévisible, est au contraire grosse de certitudes tragiques. Le monde est de plus en plus risqué, chaotique, et il ne s'agit pas de jouer les oiseaux de malheur mais bien de faire preuve de lucidité.
En effet, les crises régionales se multiplient, que ce soit au proche et au Moyen-Orient ou en Asie, je pense bien sûr à l'Afghanistan. Le Pakistan est de plus en plus fragile, les tensions entre les deux Corée croissent, l'Afrique est devenue très instable. Les ruptures géostratégiques s'accentuent, suscitant des déséquilibres démographiques et économiques qui vont engendrer d'importantes migrations sur fond d'incompréhensions politiques, culturelles et religieuses croissantes susceptibles de provoquer des actions terroristes. Les trafics illégaux de drogues et d'armes prospèrent, organisés par des réseaux de plus en plus puissants. Tout cela, pour reprendre la formule que vous connaissez bien, dans un monde devenu un village planétaire.
À ce tableau rapide de la situation internationale, il convient d'ajouter, sans pour autant donner dans le fantasme, le risque de prolifération des armes de destruction massive. Face à cette situation, la France se doit de ne pas baisser la garde. De plus, si, comme toujours, elle doit resserrer ses alliances, c'est d'abord sur ses propres forces qu'elle doit compter, ainsi que l'aurait dit Mao Tsé-toung.
Toute nation qui néglige ses armées, plaçant sa sécurité dans l'alliance avec un puissant, est inéluctablement vassalisée. S'il est nécessaire d'entretenir des alliances, gardons-nous de nous laisser entraîner dans des querelles qui ne sont pas les nôtres.
J'aborderai par conséquent trois points : nos concepts stratégiques, les moyens mis en oeuvre et le jeu de nos alliances.
Les concepts stratégiques de notre défense se fondent sur cinq éléments : connaître et anticiper – tâche qui incombe au renseignement –, dissuader – c'est le coeur de notre indépendance –, prévenir par des bases avancées, protéger la population française et, enfin, intervenir à l'extérieur en tant que de besoin.
Si l'on ne peut que souscrire à ces objectifs, quels sont les moyens de leur mise en oeuvre ? Il s'agit d'abord des moyens financiers. Je regrette qu'ils croissent très légèrement, à savoir de 4 % en euros 2008, passant de 29 à 30,9 milliards d'euros. On peut même qualifier cet effort de minime puisqu'il correspond à 1,7 % du PIB alors qu'il devrait au moins atteindre 2 %. Quant aux ressources exceptionnelles, elles décroîtront rapidement à partir de 2010 et l'on peut d'ailleurs les comparer à un fusil à un coup.
Beaucoup plus inquiétante est la cure d'amaigrissement des effectifs, qui passent de 314 200 à 276 000 hommes. Cette réduction est des plus préoccupantes, monsieur le ministre.
…même si des économies de structure sont possibles avec la création de bases de défense. Réduire nos forces à 276 000 hommes avec une force de projection d'à peine plus de 30 000 hommes, mêmes dotés d'une puissance de feu inégalée à ce jour, constitue à mes yeux une faute que nous risquons de payer très cher.
Reste à évoquer le cadre international de nos actions, autrement dit nos alliances. Nous avons rejoint l'OTAN…
…au moment où cette organisation militaire devenait un instrument d'intervention en dehors du territoire couvert par ses États membres.
Dans ce contexte, il apparaît clairement que la réorganisation de notre défense, en privilégiant la fonction de projection et d'intervention, transforme nos forces en corps expéditionnaire.
Cette évolution pose deux problèmes d'ordre militaire et politique. Même si nous conservons la maîtrise de la décision de l'utilisation de nos forces, en rejoignant l'OTAN sous la pression amicale du consensus otanien, nous serons amenés à participer à des conflits qui ne sont pas les nôtres, comme l'illustre bien le cas de l'Afghanistan.
Mais le risque n'est pas seulement militaire, il est aussi politique, car la France a déjà largement payé le développement du concept de corps expéditionnaire dont le destin est de se couper de la nation. Il est regrettable, à ce titre, que nombre de villes aient perdu leur régiment. L'évolution actuelle risque donc d'aboutir à une coupure entre la nation et son armée.
Il est évident que la baisse quantitative de nos forces conduira à privilégier la projection dans un corps expéditionnaire. C'est une faute, tout comme leur emploi au sein de l'OTAN, machine exclusivement américaine. Aussi m'abstiendrai-je sur ce texte.
Monsieur le président, monsieur le ministre de la défense, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, de tout temps, la puissance d'une nation est allée de pair avec sa puissance navale.
C'est la bataille d'Actium qui a permis à Rome d'asseoir sa domination pour plusieurs siècles sur le bassin méditerranéen. À Lépante, les galères espagnoles ont sauvé l'Europe de la domination turque.
Seule l'invincible Armada pouvait permettre à l'Espagne de vaincre l'Angleterre et seule la puissance navale britannique, l'Angleterre des cinq ports, pouvait la tenir en échec. Bien plus que la défaite de Russie ou Waterloo, la bataille de Trafalgar a, en 1805, scellé le sort de l'empire napoléonien. Enfin, sans la puissance navale américaine, jamais les alliés n'auraient pu, en 1944, libérer l'Europe.
Ce qui était vrai hier l'est encore davantage aujourd'hui, dans un monde où 85 % de la population vit dans ce qu'il est convenu d'appeler la frange maritime et dans lequel, au cours des dernières décennies, presque toutes les grandes crises se sont déroulées.
Pour les résoudre, il est indispensable à une nation ou à une coalition de disposer de forces navales puissantes et structurées n'ayant besoin, grâce aux importantes capacités opérationnelles de leurs groupes aéronavals, que d'un nombre limité de points d'appui. Elles doivent disposer d'une capacité de projection de forces grâce à une composante amphibie mais aussi d'une capacité de frappe à terre, notamment grâce à leurs missiles de croisière. Enfin elles doivent s'assurer d'une maîtrise sans faille du milieu sous-marin afin de sécuriser et d'accompagner les opérations de surface.
Pour la France, une marine puissante doit répondre à plusieurs impératifs.
Seule la construction d'un second porte-avions est à même de garantir notre capacité de projection et de préserver l'importance du groupe aéronaval qui en constitue le coeur.
Nous avons beaucoup de chance, tant en ce qui concerne notre image internationale qu'en ce qui concerne nos capacités d'intervention, de n'avoir été confrontés à aucune crise majeure au cours des dix-huit derniers mois.
À l'issue de l'IPER du Charles-de-Gaulle, nous avons hâte de retrouver nos capacités. Reste que nous ne pouvons accepter de courir ce risque à intervalles réguliers. Aussi attendons-nous avec impatience la décision concernant le PA 2 qui sera prise en 2011 ou 2012. En attendant, les études doivent se poursuivre, en particulier en matière de propulsion, tout en tenant compte de l'initiative d'interopérabilité aéronavale européenne qui vise à accroître la capacité de l'Europe dans ce domaine.
Mais la projection n'est pas tout. La dissuasion reste le coeur de notre défense et de notre sécurité, l'assurance-vie de notre nation, comme aime à le rappeler notre Président de la République Nicolas Sarkozy. Elle est la garantie ultime de la sécurité et de l'indépendance de la France. L'articulation de notre dissuasion en deux composantes complémentaires, renouvelées et strictement dimensionnées, océanique et aéroportée, est une exigence à même de répondre à la diversité nouvelle des menaces.
Au regard des besoins de protection et des divers scénarios envisagés dans le Livre blanc, une défense antimissile balistique navale permettra à la France de disposer d'une capacité complémentaire de celle de nos partenaires européens.
Cependant, une puissance navale repose avant tout sur une cohérence d'ensemble et la LPM doit participer de cette démarche. Le présent texte couvre la première étape de la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de sécurité nationale définie par le Livre blanc. Si elle s'inscrit dans un contexte de maîtrise des finances publiques, elle n'en amorce pas moins une réforme profonde des armées qui se traduit en particulier par la conclusion de nouveaux contrats opérationnels. Elle poursuit et adapte la modernisation des forces et vise à disposer des ressources humaines nécessaires, en nombre et en compétences.
Pour la fonction dissuasion, le contrat exige d'assurer au moins un SNLE à la mer en permanence, des moyens de sûreté assurant la liberté d'action des SNLE et des moyens d'accompagnement et de soutien de la composante aéroportée.
Pour la fonction prévention, nous devrons disposer de forces prépositionnées sur les façades occidentale et orientale de l'Afrique, d'une présence renforcée dans le Golfe arabo-persique et d'une capacité de projection régionale dans certains DOM-TOM. L'inauguration de la base navale d'Abou Dhabi répond parfaitement à cette obligation.
La fonction protection, quant à elle, contribue à protéger la population face aux risques et aux menaces de toute nature, en particulier terroriste, en renforçant notre dispositif de sauvegarde maritime.
Les armées devront être capables de projeter jusqu'à 7 000 ou 8 000 kilomètres une force navale ou aéronavale de combat de deux à trois groupes d'intervention et tenir prête en permanence et sous bref préavis une capacité de réaction constituée d'unités d'intervention terrestre, aérienne et bien sûr maritime.
La réussite de la modernisation de notre appareil de défense dépend aussi de l'attention qui sera portée aux professionnels qui servent la défense. L'enjeu essentiel de cette politique des ressources humaines est de réussir la transformation des armées tout en assurant la continuité de leur capacité d'engagement et la tenue des contrats opérationnels.
Une armée jeune et préservant sa capacité opérationnelle, un équilibre entre les personnels de carrière et les personnels sous contrat adaptés aux besoins des armées, la concentration des personnels militaires sur les missions opérationnelles sont autant de principes qui devront être respectés pour espérer atteindre les objectifs fixés.
Cette onzième LPM me semble à même de répondre à cette espérance. Ainsi, la France pourra rester parmi les premières nations d'Europe dans le domaine de la défense ; ainsi, l'État offrira une véritable vision maritime de la France et soutiendra une politique à la hauteur de cet immense rêve des océans si cher à Victor Hugo.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes interrogations coulent de source.
Dimanche se tenaient les élections européennes.
Les prochaines auront lieu dans cinq ans, en 2014 ; il s'agit de la même durée que celle couverte par le présent texte. Pourquoi donc, monsieur le ministre, au cours de la campagne électorale, le Gouvernement et les responsables politiques ont-ils pris un soin méticuleux à ne pas parler de l'Europe de la défense ?
Dans cet ordre d'idée, je me pose la question de savoir pourquoi on ne trouve pas le moindre mot sur l'Europe de la défense dans le texte que nous examinons.
Je trouve cette absence des plus inquiétantes. Nous avons en effet voté le retour de la France au sein du commandement intégré de l'OTAN – je n'étais pas de ceux qui y étaient favorables –, retour qui devait s'assortir, nous avait-on garanti, de la poursuite de la construction de l'Europe de la défense.
Or cette question a été aussi peu abordée au cours de la campagne pour les élections européennes qu'elle ne l'est aujourd'hui, alors que nous devrions être en train de discuter en premier lieu de ce grand et beau projet qui seul garantira l'Europe politique.
Ensuite, monsieur le ministre, quid du second porte-avions ? Nous demeurons tous très attentifs à cette question. Un des orateurs précédents a affirmé que la décision de le construire serait prise en 2010 ou 2011 ; j'ignore où il a bien pu le lire puisque nulle part je n'ai moi-même lu ni entendu dire que le Gouvernement allait nous l'annoncer à ce moment précis.
Nous l'appelons tous de nos voeux puisqu'il permettra à la France d'être présente sur toutes les mers, de répondre à toutes les attaques, mais aussi d'apporter la paix puisque ce bâtiment sera investi de missions humanitaires. C'est la France dans toute sa splendeur. Il ne me paraîtrait pas incongru que le Gouvernement nous laisse quelque espoir en la matière, le texte prévoyant tout de même des engagements financiers pour les cinq prochaines années.
Je souhaite ensuite vous poser une question, monsieur le ministre, sur la base d'Abou Dhabi. Nous manquons d'éléments quant aux motivations géostratégiques du Gouvernement de construire une telle base. Peut-être ce soir allez-vous expliquer à une représentation nationale certes clairsemée pour quelles raisons le Président de la République et son Gouvernement ont décidé d'ouvrir cette base.
J'ai lu qu'il s'agissait d'une vitrine de notre technologie. J'ose espérer que c'est plus que cela. À quelques kilomètres de l'Iran, le signe fort donné par l'ouverture de cette base mérite une explication précise. Et sachez qu'en tant que gaulliste j'écouterai la réponse avec la plus grande attention.
Monsieur Vitel, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer longuement à propos du second porte-avions. En toute logique, puisque la République française a décidé de le construire, il sera construit. J'ai déjà dit hier ici même qu'il convenait d'appréhender cette question dans le cadre d'une approche globale de nos crédits. Construire un second porte-avions dès à présent reviendrait à engager des tranches d'environ 500 millions d'euros.
Aussi convient-il d'abord d'absorber l'ensemble des grands programmes en cours, programmes que vous attendez, d'ailleurs, comme le NH 90, comme le sous-marin Barracuda dont vous faites la promotion, ou comme les frégates multimissions dont vous vantez également les mérites. La construction d'un second porte-avions se fera donc dans des conditions financières acceptables pour nos armées et la décision du Président de la République à cet égard sera prise en temps voulu avant d'être soumise à l'approbation de la représentation nationale.
L'ambition européenne, monsieur le député, a été tellement affichée par la France que, d'une part, elle a été l'un des grands succès de la présidence française, et reconnue comme telle, et que, d'autre part, Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui définit la stratégie de défense du pays, consacre la bagatelle d'un chapitre entier à l'ambition européenne de la France.
Cette ambition est bien entendu intégrée dans la loi de programmation. Elle l'est de façon un peu plus brève, mais vous y retrouverez la volonté de la France de faire en sorte que, progressivement, l'Union européenne se dote d'une capacité militaire autonome lui permettant de mener des actions militaires robustes, et permettant à l'Europe de porter…
Et à ce moment, est-ce que nous quitterons l'OTAN, monsieur le ministre ?
Écoutez, ce débat a déjà eu lieu. Nous n'allons pas le refaire une deuxième fois.
Quant à la création de la base d'Abou Dhabi, j'ai eu l'occasion de répondre, dans l'hémicycle comme devant la commission de la défense. Il y a eu au moins une, sinon deux questions d'actualité sur ce sujet. Si vous le souhaitez, je peux y revenir quelques instants.
Cette base d'Abou Dhabi, c'est la volonté de la France de reprendre toute sa place dans une zone géostratégique majeure. Si la France veut y jouer un rôle majeur, elle doit y retrouver toute son influence.
Sous Chirac, ce n'était pas le néant, monsieur le ministre. Nous n'avions pas de base, et cela ne nous a pas empêchés de ne pas aller en Irak. Nous avions une vraie politique étrangère.
Monsieur le député, pour terminer, je me permets de vous signaler que cet accord de défense qui nous lie à Abou Dhabi date de 1994, et qu'il a été cosigné par François Mitterrand et Édouard Balladur. J'imagine que vous deviez vous reconnaître aussi dans cette majorité.
Ah bon. Très bien. Dans personne, donc.
Il n'empêche que la France est liée par cet accord de défense, qui nous engage auprès d'Abou Dhabi et dans la sécurité des Émirats arabes unis. La France manifeste, à travers cette base, la volonté de s'impliquer pleinement dans cette zone, dont on sait à quel point elle peut être sujette à des convulsions. La France a la volonté d'en faire une zone de stabilité et de sécurité. Vous qui vous affirmez gaulliste, monsieur Grand, permettez-moi de vous dire qu'être gaulliste c'est faire en sorte que la France puisse jouer tout son rôle et tenir toute sa place sur la scène internationale,…
…et non pas qu'elle reste dans ses frontières.
Monsieur Cazeneuve, vous avez demandé la parole. Je ne vous la donne pas, parce que le règlement ne me permet pas de vous la donner. La discussion sur l'article est terminée. Je vous rappelle la règle : les orateurs inscrits ont la parole, et après que le ministre a répondu, c'est terminé.
(L'article 1er est adopté.)
Sur l'article 2 et le rapport annexé, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à M. Jacques Lamblin.
Je voulais surtout intervenir sur le rapport annexé à l'article 2. Je n'ai pas le souffle de mon collègue Vitel et je ne veux pas entrer dans le détail de l'article 2. Je voudrais surtout dégager ce qui est à mon sens la qualité principale qui ressort de ce rapport annexé lorsqu'on l'examine avec un certain recul.
Il me semble que cette qualité principale, c'est l'anticipation. Et l'anticipation, c'est un enjeu majeur. Je suis élu de Lorraine : dans mon secteur eurent lieu les premiers combats de la guerre de 14. Il y a eu, certains jours, dix mille morts. Ces morts portaient les pantalons rouge garance. Un peu plus au nord, il y a les derniers bâtiments de la ligne Maginot. Notre histoire montre que nous n'avons pas toujours su anticiper les événements.
Or il est clair que ce texte, par les propositions qu'il contient, tout en étant pragmatique, s'efforce d'anticiper. De toute évidence, il bénéficie d'un gros travail de réflexion prospective en amont.
Cette réflexion prospective a dégagé les hypothèses les plus probables sur l'évolution du monde, sur l'émergence de nouvelles puissances, en particulier au Moyen-Orient et vers l'Extrême-Orient.
Il y a aussi une analyse prospective des risques les plus probables, au premier rang desquels, bien entendu, l'islamisme radical, le terrorisme islamiste.
De ce socle prospectif découlent tous les choix du Président de la République, du Gouvernement, du ministère de la défense : les choix diplomatiques et stratégiques, et en particulier la base d'Abou Dhabi ; les choix en matière de stratégie et de sécurité nationale ; les choix en termes de politique de défense et d'adaptation de nos moyens de défense à ces risques probables qui ont été recensés.
Dans la mesure où nous avons une anticipation de qualité, et sous réserve que, malgré la conjoncture difficile, les projets contenus dans ce texte soient mis en oeuvre, nous aurons une garantie de qualité en matière de défense nationale.
Monsieur le ministre, vous savez comme moi que, fin juillet, interviendra la fermeture du centre de santé des armées de Mondeville. La question qui m'importe est de savoir quel sort on va réserver aux derniers personnels civils, qui vont se retrouver, fin juillet, avec des propositions de reclassement inacceptables parce que souvent à l'autre bout du territoire national, et pour lesquels aucune amélioration n'a été introduite dans cette loi de programmation militaire.
On vous a dit, et en particulier dans le rapport de MM. Cazeneuve et Cornut-Gentille, que le PAR, le plan d'accompagnement des restructurations, aurait pu, aurait dû être amélioré au niveau social. Cette loi de programmation militaire pouvait en fournir l'occasion. C'est malheureusement une occasion manquée. Je vais vous indiquer les deux points sur lesquels il aurait pourtant été nécessaire d'améliorer ce PAR.
D'une part, ne peuvent pas bénéficier de l'indemnité de départ volontaire les ouvriers d'État qui sont à moins de deux ans de la retraite. C'était pourtant un moyen de permettre une sortie digne pour ce personnel dont l'âge moyen, je le rappelle, est de cinquante-trois ans. Le versement de cette indemnité sans condition d'ouverture du droit à pension aurait permis d'apporter une solution à un certain nombre de situations.
D'autre part, je voudrais que vous éclairiez la représentation nationale sur le sort qui sera réservé aux quelques ouvriers d'État – ils sont maintenant six ou sept – pour lesquels des propositions ont été faites par le ministère, mais qui souvent inacceptables. Elles sont en général trop éloignées, ou elles sont faites à des gens qui sont trop près de l'âge de la retraite. Si une offre du ministère n'est pas acceptée par eux, ce sera le licenciement sec. Il faut bien voir que ces ouvriers d'État travaillent en moyenne depuis une trentaine d'années pour le ministère de la défense, souvent de père en fils, et ils vont être purement et simplement licenciés sans même avoir droit aux indemnités ASSEDIC.
Je voudrais donc que vous m'expliquiez, si c'est possible, quel sort on va réserver à ces salariés, ouvriers d'État, le jour de la fermeture de Mondeville.
Je voudrais interroger M. le ministre sur deux points.
Le premier fait écho à la question de notre collègue Vitel, et me conduit à demander à M. le ministre, s'il est d'accord, d'approfondir la réponse qu'il a faite sur le deuxième porte-avions.
Vous avez indiqué tout à l'heure, monsieur le ministre, que ce deuxième porte-avions pourrait éventuellement faire l'objet d'une décision ultérieure qui permettrait, avec les deux porte-avions qui sont indispensables au bon déroulement de nos opérations, d'être, sur les théâtres où nous sommes appelés à intervenir, dans une situation plus favorable que celle dans laquelle nous sommes aujourd'hui. Mais vous avez également indiqué que les sommes en cause sont extrêmement lourdes et qu'elles pourraient, si elles étaient engagées dans la durée de la programmation, remettre en cause les équilibres budgétaires dont vous avez dit hier qu'ils étaient assurés tout en reconnaissant qu'ils étaient contraints.
En premier lieu, je voudrais que vous nous indiquiez si la nécessité opérationnelle justifie que l'on engage ce programme pendant la période de la programmation militaire. Si oui, quels sont, en deuxième lieu, les financements que vous envisagez d'y affecter, et comment les rendrez-vous compatibles avec la programmation militaire ? En troisième lieu, je me souviens que le Président de la République, à l'occasion de la parution du Livre blanc, avait évoqué la possibilité d'une décision rendue en 2011 ou 2012. Cela signifie-t-il que, lorsque cette décision sera prise, les études seront engagées dans la foulée, ou est-ce que, de toutes les façons, cette affaire ne sera examinée que dans la prochaine loi de programmation militaire, c'est-à-dire à compter de 2014 ?
Ma deuxième question concerne l'OTAN et l'Union européenne. Nous avons été un certain nombre, au sein de cette assemblée, à ne pas accompagner la volonté, portée par le Président de la République, de voir la France réintégrer le commandement de l'OTAN, et ce pour plusieurs raisons.
La première raison, c'est que nous ne souhaitions pas – peut-être à tort, l'histoire nous le dira – que cette réintégration sans conditions puisse être perçue comme une renonciation à construire l'Europe de la défense, et qu'elle s'explique, finalement, par le constat, que de nombreux gouvernements avaient fait auparavant, de l'impossibilité de construire cette Europe de la défense en dehors du cadre de l'OTAN.
Nous n'avons pas souhaité non plus accompagner cette décision parce que nous avions pu constater que la France, hors le cadre de l'OTAN, parvenait à garder une qualité de relation avec l'Alliance et les États-Unis tout en ayant un rôle moteur singulier, qui la positionnait de façon intéressante en Europe, pour prendre des initiatives visant à accélérer et à renforcer la construction de l'Union européenne. C'est d'ailleurs ce que nous avions fait à Saint-Malo, dans le cadre d'une initiative franco-britannique qui avait permis, sur un certain nombre de sujets, même si, ultérieurement, les choses se sont enlisées, de faire progressivement l'Union européenne.
Enfin, nous n'avions pas voulu accompagner ce mouvement parce que le positionnement de la France en dehors du commandement intégré, mais dans l'OTAN, qui marquait notre spécificité, faisait l'objet d'un large consensus, que nous avions eu du mal à construire dans le temps long de l'histoire, et qu'il ne nous paraissait pas opportun de le rompre.
Vous évoquez les stratégies qui seraient celles du Gouvernement, en matière de construction de l'Europe de la défense, en faisant référence à quelques pages du Livre blanc. Mais il s'agit là de considérations très générales. Et à partir du moment où le Président de la République a pris la décision de réintégrer l'OTAN, je voudrais que vous puissiez nous indiquer, très concrètement, quel est l'agenda du Gouvernement et du Président de la République pour construire, dans ce cadre stratégique nouveau, l'Europe de la défense. Quelles sont les initiatives concrètes que vous entendez prendre ?
S'agissant du deuxième porte-avions, Bernard Cazeneuve a très clairement posé un certain nombre de questions. J'ai bien peur que ce porte-avions, comme à l'habitude, fasse l'objet d'annonces avant des élections et disparaisse juste après. L'histoire nous en a donné plusieurs exemples.
Je voulais surtout, à l'occasion de cet article 2, parler des zones de défense, qui font partie des éléments très objectivement inscrits dans cette programmation militaire. Cela va de pair avec la suppression des 54 000 emplois et avec les restructurations des équilibres entre le civil et militaire, qui entraînent une recomposition, sur le territoire français, de l'organisation de nos forces comme de leur fonctionnement même.
Ces zones de défense, il y en a onze. Elles sont expérimentales. Elles sont de dimension tout à fait différentes. De mémoire, la plus importante représente entre 18 000 et 19 000 personnes. C'est celle, entre autres, de Brest, qui est une base essentiellement marine. Il en irait de même pour Toulon. C'est assez logique, étant donné les restructurations que l'on a vues dans ce domaine au cours des dernières années. D'autres bases, beaucoup plus « armée de terre », sont de l'ordre de 1 500 hommes.
On entend aujourd'hui beaucoup de chiffres. C'est vrai que nous en sommes à un stade expérimental. Vous serez demain, monsieur le ministre, sur la base de défense de Brest. Nous avons assisté, avec quelques parlementaires, dont Marguerite Lamour, à une présentation – fort intéressante, d'ailleurs – faite par l'amiral de Brest. Un certain nombre de questions m'interpellent.
Avez-vous déjà une vision de ce que seront ces bases de défense de demain ? Auront-elles une dimension militaire, c'est-à-dire en nombre d'hommes, ou territoriale définie selon une pertinence régionale ou interrégionale ? Tout cela est pour l'instant assez flou. Déjà, certaines expériences nous laissent à penser que le nombre de bases de défense annoncées pourrait tomber de quatre-vingt-dix à une quarantaine, voire moins. Nous avons besoin de telles précisions, indispensables pour apprécier la façon dont elles vont s'inscrire dans la construction de la RGPP, et dans l'organisation qui découle du Livre blanc.
Je vois bien, sur le terrain, que ce cheminement va prendre un peu de temps. S'il est très facile de parler de zones de défense lorsqu'une seule armée est concernée, on voit bien, quand sur un même territoire sont présentes par exemple la marine et l'armée de terre ou l'armée de l'air et l'armée de terre, que la création de ces zones a un peu de mal à se mettre en place. J'espère que nous y arriverons parce qu'il y a dans cet objectif de bonnes idées intéressantes à développer. J'aimerais avoir quelques précisions sur le nombre de ces zones de défenses.
Je voudrais aborder un sujet important, dont d'ailleurs nous reparlerons dans quelques semaines à l'occasion d'un autre texte : la gendarmerie.
La gendarmerie assume des fonctions à caractère militaire qui ne sont pas prises en compte dans le cadre de ce texte, ce qui est fort dommage. J'avais proposé un amendement – prêtant malheureusement trop le flanc à l'article 40 –, qui, après l'article 9, dans le cadre des missions et moyens accordés, prévoyait une force de stabilisation post-conflit dans le cadre de la force de gendarmerie européenne.
Dans l'engagement des forces, il faut distinguer deux notions : la prise de terrain et la stabilisation post-conflit. En cette deuxième matière, nos forces de gendarmerie de manière générale et nos forces mobiles en particulier, ont un savoir-faire particulièrement important et très reconnu. On l'a vu sur le théâtre de Côte d'Ivoire, où la présence des forces mobiles a été un élément particulièrement favorable au rétablissement de situations de calme et de stabilité. De fait, la nature même de l'engagement des forces armées et de la gendarmerie est différente. Pour prendre une métaphore sportive, on ne peut pas demander à des attaquants de devenir défenseurs et vice-versa.
Ce rôle spécifique des forces mobiles ainsi que celui de la gendarmerie sur certains pans de notre défense, notamment la sécurité nucléaire et toutes les autres missions qui resteront, monsieur le ministre de la défense, sous votre contrôle, il est assurément dommage que la loi de programmation militaire ne les prenne pas en compte.
Nous avons longuement parlé hier de la mise en place du futur Conseil de sécurité nationale, avec la volonté, que je partage et qui me paraît tout à fait légitime, de maintenir un continuum entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, dans le droit fil des conclusions du Livre blanc. Il est dommage que l'on n'ait pas plus affirmé certaines choses, ne serait-ce que symboliquement, dans cette loi de programmation militaire.
Nous en venons aux amendements à l'article 2.
Je suis saisi d'un amendement de suppression, n° 2.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
Le rapport annexé qu'il nous est demandé d'approuver est un rapport atlantiste et sécuritaire, qui organise également un gigantesque plan social dans la défense et la privatisation de notre défense.
Atlantiste, ce rapport réclame un rapprochement avec l'OTAN et sa doctrine belliciste. Le Président de la République a pris la décision, seul et sans aucun consensus, d'engager la France dans une position pro-américaine. Sécuritaire, il reprend les habituels poncifs sur les menaces terroristes d'inspiration djihadiste, la multiplication des risques, la nécessité de renforcer la sécurité intérieure et la sécurité civile. Gigantesque plan social de la défense, ce rapport préconise la suppression de milliers d'emplois – 54 000 – dans une vision où le facteur humain n'a aucune place.
Une véritable modernisation aurait dû se traduire par une politique de gestion des emplois et des compétences, ce qui n'est pas le cas. La politique d'externalisation, de privatisation et de dégraissage continue. Le matériel et les nouvelles technologies font l'objet de dizaines de pages, qui sont pain bénit pour les marchands d'armes, les amis du chef de l'État. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
En dépit des voeux pieux sur le nécessaire multilatéralisme, la coopération, la prévention, la non-prolifération ou le désarmement, c'est bien à une logique belliciste qu'obéit ce rapport, avec la part belle faite au nucléaire. Compte tenu de ses conséquences humaines et financières, nous sommes très défavorables à l'approbation de celui-ci. Pour vider de sa substance ce projet inique de LPM, nous proposons de supprimer le rapport annexé. Il n'est pas trop tard pour bien faire, mes chers collègues !
Comme il est de tradition, les articles du projet de loi de programmation militaire sont accompagnés d'un rapport annexé qui comporte, pour celui-ci, 503 alinéas détaillant les orientations de la politique de défense et les moyens qui lui sont consacrés. Le rapport en question innove en proposant des perspectives au-delà de la période de programmation et en couvrant tous les titres de la mission « Défense ».
L'amendement proposé par M. Candelier n'est pas constructif. Outre qu'il est choquant d'entendre que les hommes politiques français, les responsables institutionnels seraient des trafiquants d'armes, cet amendement viderait le projet de loi de sa substance, nous priverait du pouvoir d'amender et donc d'orienter la politique de défense du pays. La commission l'a donc rejeté.
Je me joins au rapporteur pour trouver choquant le propos de notre collègue Candelier et ses attaques personnelles contre le Président de la République.
Ce n'est pas la première fois que l'on entend ce type d'attaque au Parlement. Le Président de la République est le représentant de la nation et, en tant que parlementaires et citoyens de ce pays, nous devons le respect à la fonction comme à la personne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Par ailleurs, s'agissant de la question de la dissuasion nucléaire, on peut lire, dans l'exposé sommaire de cet amendement, que c'est une stratégie d'un autre âge. Dans le contexte de prolifération nucléaire que nous connaissons aujourd'hui, notamment avec la Corée du Nord, il serait complètement absurde de renoncer à la dissuasion nucléaire, qui a été la garantie de notre sécurité et de notre indépendance nationales depuis que nous la possédons.
J'ajoute qu'elle donne à l'acteur international qu'est la France une liberté de décision sans laquelle elle n'aurait aucune crédibilité sur la scène mondiale.
Enfin, dans un contexte de croissance forte des dépenses militaires conventionnelles, une ascension aux extrêmes est toujours possible – la loi de programmation l'évoque d'ailleurs avec beaucoup de lucidité –, face à laquelle il restera le pouvoir égalisateur de l'atome. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 2 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 36 .
La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Pour la première fois, un projet de loi de programmation ne se borne pas à fixer des objectifs et des orientations des armées pour les six années à venir, mais apporte aussi un éclairage sur la politique de défense à long terme. En effet, le projet de loi qui nous est soumis nous informe des projets d'équipements lourds des armées non seulement pour l'actuelle loi de programmation 2009-2014, mais également pour la suivante 2015-2020, ainsi que, dans le cas des équipements les plus significatifs, pour la période post-2020, ce que résume très bien le tableau de l'alinéa 303.
Comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer dans mon propos introductif, il s'agit d'un progrès tout à fait significatif, qui apporte une meilleure vision non seulement à la représentation nationale et aux forces armées, mais également aux industriels et, plus globalement, aux acteurs de la sphère militaire. Cette évolution mérite d'être soulignée et inscrite à l'article 2 de la loi de programmation militaire. C'est le point de vue de la commission des finances, qui a adopté cet amendement,
La commission de la défense a accepté les arguments présentés par M. Giscard d'Estaing et donné un avis favorable à cet amendement.
Avis favorable.
(L'amendement n° 36 est adopté.)
J'appelle maintenant les amendements au rapport annexé.
Je suis saisi d'un amendement n° 47 .
La parole est à Mme Patricia Adam.
Cet amendement tend à supprimer les alinéas 8 à 50 du rapport annexé, qui font référence à la politique de défense dans la stratégie de défense nationale. Nous sommes particulièrement attachés à l'ordonnance de 1959 et à la notion de défense globale, et nous proposons, ainsi que nous l'avons exposé dans la discussion générale, la suppression de cette conception nouvelle et de cette forme de stratégie sans débat autour du concept de sécurité nationale.
Il ressort de ce qui nous est proposé que la défense devient un sous-ensemble de la sécurité nationale, ce qui engendre une confusion, une vision totalement sécuritaire de l'ensemble de l'organisation de l'État et de la réponse apportée aux questions de sécurité. Ce concept avait été proposé dans les réflexions de la commission désignée pour élaborer le Livre blanc, qui avait reçu pour mission de travailler sur la notion de sécurité nationale et de défense. Mais ce n'est pas le Livre blanc, comme je l'entends régulièrement ici, qui a défini cette stratégie.
Cet amendement signe le refus de la notion de sécurité nationale.
La stratégie de sécurité nationale se caractérise par la mise en oeuvre d'une réponse collective adaptée aux répercussions sur notre territoire des évolutions de notre environnement géopolitique, dont le caractère instable, imprévisible et brutal est marqué. Le rapport annexé rappelle l'articulation entre la sécurité nationale et la politique de défense qui y concourt. La stratégie de sécurité nationale requiert la mobilisation, à des degrés divers et en fonction des circonstances, des moyens civils, économiques, militaires, diplomatiques ou sanitaires. À cet égard, cette orientation ne fait que compléter les dispositions actuelles de l'ordonnance de 1959 qui, je le souligne, font de la défense militaire une déclinaison de la politique générale aux côtés de la défense civile et de la défense économique.
La politique de défense n'est ni plus ni moins rabaissée dans l'orientation actuelle. Loin de correspondre à la logique du tout-sécuritaire, cet article organise au contraire la répartition des actions opérationnelles. Au ministère de la défense échoit la politique de défense, dont le rapport annexé fixe les orientations en fonction du contexte de nos obligations internationales et de nos intérêts.
L'adoption de cet amendement aboutirait à nier les fonctions stratégiques et les contrats opérationnels qui caractérisent désormais la politique de défense.
Enfin, la politique de défense doit aussi s'articuler de façon cohérente avec les autres politiques publiques. Avec la création du Conseil de défense et de sécurité nationale, c'est la complémentarité des actions qui est recherchée, afin d'apporter une réponse cohérente et coordonnée sous la responsabilité du Président de la République, mais aussi du Premier ministre, dont il est rappelé qu'il dirige l'action du Gouvernement en la matière, et naturellement le ministre de la défense.
Rien ne serait plus irresponsable que de nier les implications multiples d'un seul et même événement, qu'il s'agisse d'une agression armée ou d'une catastrophe naturelle. La commission de la défense, cohérente avec le vote à l'article 5, a aussi repoussé cet amendement.
Nous avons déjà évoqué ce sujet hier soir.
(L'amendement n° 47 n'est pas adopté.)
Mme Marylise Lebranchu. J'avais demandé la parole sur cet amendement.
L' amendement n° 60 pourrait apparaître comme un simple amendement de vocabulaire. Il concerne la fin de l'alinéa 19. Cependant, le vocabulaire est parfois très important et symbolique. Le groupe SRC pense que le vocabulaire est porteur d'un symbole important.
Vous savez, monsieur le ministre, que notre défense est essentiellement, et même uniquement, destinée à promouvoir la paix, pour que nos concitoyens puissent vivre en pleine sécurité, sans conflit, dans le respect des peuples du monde.
Plusieurs organisations oeuvrent pour que nous ayons cette paix souhaitée dans le respect plein et entier des peuples du monde À nos yeux, l'ordre établi n'est pas, loin s'en faut, suffisant pour que l'on puisse hiérarchiser l'importance de ces organisations.
Il nous paraît essentiel de citer d'abord les Nations unies, parce que c'est la plus importante organisation mondiale et que son action n'est plus à démontrer et à valoriser.
Nous plaçons ensuite l'Union européenne, parce qu'elle nous a apporté la paix. Tous ceux qui peuvent formuler des critiques sur l'Union européenne se retrouvent sur le fait que, grâce à elle, nous vivons en paix, du moins dans les frontières intérieures de l'Europe, depuis le début de la construction européenne.
Il faut terminer cette énumération par l'Alliance atlantique – organisation beaucoup plus discutable –, dont la garantie en matière de paix, sans vouloir polémiquer, est sujette à débat.
L'amendement n° 60 , de vocabulaire, est symbolique. Compte tenu de sa simplicité et de la portée de ce symbole, il va recueillir, je l'imagine, un agrément consensuel sur tous les bancs, ainsi que celui de M. le rapporteur et du Gouvernement.
Chacun a compris que cet amendement modifie l'ordre de l'énumération des instances internationales participant à la sécurité collective.
Actuellement, le texte prévoit l'Union européenne, l'Alliance atlantique et les Nations unies. M. Roy nous a proposé de placer les Nations unies en première position, l'Union européenne en seconde et, en dernière position, l'Alliance atlantique.
La commission a adopté cet amendement : il me revient donc d'émettre un avis favorable.
Je me dois cependant d'évoquer l'observation que notre collègue Serge Grouard a formulée en commission, soulignant que seule l'Union européenne constitue une communauté de projet et qu'à ce titre il pourrait paraître justifié de la placer en tête des instances internationales mentionnées.
Courageux, je vais donc me tourner vers M. le ministre.
Monsieur Grouard, vous avez parfaitement raison. L'Union européenne n'est pas simplement une communauté de projet. Pour l'Européen convaincu que je suis, c'est aussi une communauté de destin.
À mon sens, nous devons commencer l'énumération par l'Union européenne.
Monsieur le ministre, vous l'avez compris : nous voulions surtout placer l'Alliance atlantique en dernière position. Si le fait de mettre l'Union européenne en première position permet de recueillir l'accord unanime de notre assemblée, placer les Nations unies en deuxième position nous paraît alors tout à fait acceptable. L'important nous semble de mettre l'Alliance atlantique en dernier.
Je ne sais pas comment il faut procéder techniquement.
M. Roy a vu poindre la contradiction dans laquelle il risquait de s'enferrer, puisque, il y a quelques instants, certains sur les bancs du groupe socialiste ont regretté que l'on ne parle pas davantage de la politique européenne de sécurité et de défense. Dans un second temps, on proposait de rétrograder l'Union européenne derrière les Nations unies, ce qui était, vous en conviendrez, quelque peu contradictoire.
Je pense qu'il est absolument nécessaire de laisser l'Union européenne en tête car, comme l'a dit M. le ministre, il s'agit d'une communauté de projet, mais plus fondamentalement d'une communauté de destin. Il est essentiel pour le signe politique qui est donné que l'Union européenne figure en premier.
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 60 rectifié , que je mets aux voix.
(L'amendement n° 60 rectifié est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n°19 .
La parole est à M. Daniel Garrigue.
Monsieur le ministre, si la France est sortie de l'OTAN en 1966 pour des raisons essentiellement nationales – la volonté de créer la force de dissuasion et de ne pas être entraînée de façon automatique dans des conflits qui n'étaient pas les siens – , le consensus qui s'était développé depuis un certain nombre d'années sur le non-retour dans l'OTAN répondait à des aspirations européennes, et principalement à trois idées.
D'abord, en maintenant cette posture nous permettions d'offrir à nos partenaires la base, le fondement d'une défense européenne future.
Ensuite, ce positionnement – car, on oublie parfois que beaucoup de nos partenaires européens ne sont pas membres de l'OTAN, ni même de l'Alliance – permettait d'entretenir un dialogue avec un certain nombre de ces pays.
Enfin, dans un monde multipolaire, ce positionnement nous permettait d'exercer une influence que nous risquons de perdre aujourd'hui.
Jusqu'à ces derniers mois, monsieur le ministre, la position officielle de la France était précisément de se réclamer de cette défense européenne. C'était vrai dans le traité de Lisbonne, puisque l'article 28 A passe en revue les étapes successives qui devraient mener à une défense commune de l'Union européenne.
C'était vrai dans le Livre blanc. Vous avez rappelé que dans celui-ci les développements consacrés à la défense européenne étaient relativement importants.
C'était vrai dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne. Monsieur le ministre, vous avez été celui qui a le plus exprimé l'idée qu'il fallait faire progresser la défense européenne. Vous affirmez encore ce soir que vous avez réussi à obtenir un certain nombre de progrès dans cette direction.
Enfin, lorsque l'on a commencé à parler du retour dans le commandement intégré de l'OTAN, le principal argument invoqué, en particulier par le Premier ministre à cette tribune le 26 juin 2008, puis de nouveau le 17 mars 2009, c'était précisément de dire que l'objectif que l'on poursuivait en revenant dans l'OTAN était de pouvoir accélérer l'édification de la défense européenne. On pouvait contester la voie choisie, mais l'objectif était affirmé avec une très grande force.
Monsieur le président, il s'agit d'un sujet important. Il mérite que l'on en discute.
Certes, monsieur Garrigue, mais le règlement est le même pour tout le monde.
Depuis quelques mois, il s'est produit un événement. Est-ce l'annonce effective du retour dans l'OTAN qui fait que vous ne voulez plus désormais entendre parler de défense européenne ?
Nous avons discuté une série d'amendements en commission de la défense. Chaque fois qu'il était question de défense européenne, ces mots ont été écartés.
Vous avez accepté un amendement de notre collègue Folliot qui traite de politique commune de sécurité, mais ce n'est pas tout à fait la même notion que celle de défense européenne.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer clairement pour quelles raisons vous n'acceptez plus que l'on parle de défense européenne ?
L'amendement de M. Garrigue, comme ceux d'un certain nombre d'autres collègues, vise à répéter que nous ne voulons pas de la défense européenne ou que OTAN et défense européenne s'excluent mutuellement.
Si cette opinion était défendable voici quelques années, je ne pense plus que ce soit vrai aujourd'hui. Je m'appuierai à cet égard sur une déclaration de M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État chargé des affaires européennes, devant la commission. Il y a encore quelques années, soulignait-il, l'administration américaine vivait tout renforcement de la défense européenne comme une agression plus ou moins directe contre l'OTAN et l'ensemble des alliés de l'Alliance atlantique. Ce n'est plus le cas et le discours de Jo Biden à la Wehrkunde de Munich a été très clair. Il en ressort que le renforcement de la défense européenne ne pose plus aucun problème aux Américains, qui estiment au contraire qu'il est de l'intérêt de l'Alliance de pouvoir compter sur une défense européenne plus forte. Au contraire, OTAN et défense européenne se renforcent mutuellement. Je crois pouvoir affirmer que le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'OTAN rassure un certain nombre de nos partenaires, en particulier les pays d'Europe centrale et orientale.
De façon plus générale, le renforcement de la défense européenne est incontestablement une priorité française. Nous l'avons vu au dernier Conseil européen de décembre. Il reste encore à convaincre nos partenaires européens de cette nécessité, qui passe notamment par des budgets de la défense plus conséquents ou la création d'un commandement unique, et vous y travaillez, monsieur le ministre.
C'est la tâche de la diplomatie française : inscrire l'objectif dans le projet n'aurait qu'une valeur déclaratoire. Ce qui est réellement important, ce sont les progrès concrètement accomplis. Pour s'en tenir à la période récente, il s'agit de la présidence française de l'Union européenne, du lancement de plusieurs opérations civiles et militaires de grande ampleur en Géorgie, au Tchad, au Kosovo ou au large de la Somalie. Ce sont aussi plusieurs décisions structurantes pour l'avenir qui ont été prises l'an dernier. L'Union européenne devrait désormais être en mesure de planifier et de conduire simultanément plusieurs opérations, de créer une capacité civilo-militaire unique de planification stratégique, de conclure un accord entre des États-membres sur une dizaine de projets capacitaires structurants. L'importance de ces événements permet de parler de l'année 2008 comme d'un deuxième tournant dans la construction de l'Europe de la défense, dix ans après le sommet de Saint-Malo. Tout cela s'inscrit dans le cadre d'une complémentarité de la rénovation des relations de la France avec l'OTAN.
Les dispositions du traité de Lisbonne – clauses de solidarité et d'assistance mutuelle, coopération, structures permanentes voulue par la France – illustrent le fait que la PESD et la création d'une défense européenne constituent toujours un objectif partagé.
L'amendement de M. Garrigue traite du 1.2 du rapport annexé : l'ambition européenne et internationale de la France en matière de défense. C'est parce que nous construisons une défense française qu'elle pourra participer pleinement à la défense européenne. Il comprend logiquement trois paragraphes : le premier consacré à l'ambition européenne, le deuxième à la relation transatlantique et le troisième au multilatéralisme.
Vouloir remplacer la mention « ambition européenne » par « défense européenne » met certes l'accent sur la construction d'une Europe de la défense, mais cette formulation réduit le champ du paragraphe. En effet, l'article 42-1 du traité de Lisbonne précise clairement que la défense européenne est l'une des composantes de la politique de sécurité et de défense commune. L'expression « ambition européenne » permet donc de traiter tous les enjeux liés à la défense et à la sécurité, ce que ne permettrait pas l'amendement proposé par notre collègue.
La commission a donc rejeté cet amendement.
Même si je n'ai pas totalement compris ce long exposé, j'ai bien saisi la difficulté.
Il me semble que la réponse qui vient de nous être apportée permet d'accepter l'amendement.
La contradiction n'est pas flagrante au point qu'il faudrait repousser cet amendement. Son propos est compatible avec le traité de Lisbonne, les engagements français ainsi que le discours sur la démarche de la France concernant l'OTAN. En fait, adopter cet amendement tendrait à apaiser certaines tensions.
Je profite de l'occasion pour faire une remarque sur l'alinéa 13 du rapport annexé : « La France, son territoire et sa population sont directement exposés à des menaces à caractère militaire ou quasi militaire, en particulier le terrorisme djihadiste ».
Je m'interroge sur l'opportunité de caractériser la nature du terrorisme dans un texte qui est destiné à couvrir une période assez longue. En outre, le terrorisme n'est pas dans tous les cas d'inspiration djihadiste, même lorsqu'il émane de la périphérie de ce mouvement. Est-il judicieux de faire de la publicité à cette « philosophie » hautement contestable, qui conduit un certain nombre de personnes, des jeunes notamment, au terrorisme ?
C'est par ailleurs réducteur dans la mesure où ne sont pas évoquées d'autres sources d'inspiration.
Nous avons tous la volonté de construire une défense européenne, monsieur Garrigue. Dans la mesure où vos amendements suivants portent tous sur le même sujet, je suggère que nous trouvions un point d'accord. Vous pourriez retirer l'ensemble de vos amendements suivants dès lors que je prends l'engagement d'intégrer les mots « défense européenne » dans le projet de loi. Cela étant, on ne peut réduire l'ambition européenne de la France à ces seuls mots !
Si vous voulez construire une communauté de destin, si vous voulez que la France soit capable de compter dans le concert des nations du XXIe siècle, il faut construire une Europe qui nous permettra de peser face aux grandes puissances d'aujourd'hui et aux puissances émergentes de demain. Or l'ambition européenne ne peut se limiter à la défense ; elle se fonde aussi sur une politique étrangère commune,…
, sur notre capacité à peser dans la réduction de la fracture entre le Nord et le Sud et de contribuer à développer les zones fragiles et instables. L'ambition européenne de la France ne se limite donc pas à la défense européenne, loin s'en faut.
Si vous acceptez de renoncer à l'ensemble de vos amendements qui abordent le même sujet, dont nous avons déjà largement discuté,…
… je vous propose d'intégrer les mots « défense européenne » dans le projet de loi
À Mme Mme Lebranchu, je voudrais faire remarquer que notre propos est plus nuancé qu'elle ne le prétend. Cela étant, force est de reconnaître que le terrorisme émane « en particulier » des mouvements djihadistes. J'en ai, hélas, tous les jours la preuve et je peux vous dire que la menace pour la France s'appelle aujourd'hui AQMI, c'est-à-dire Al-Qaïda Maghreb islamique, qui est bien un mouvement djihadiste. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Vous prétendez, monsieur le ministre, qu'il s'agit d'une discussion purement sémantique. Cela étant, nous avons assisté à un changement manifeste dans le discours. Dans le cadre de la présidence française de l'Union, la défense européenne était un objectif affiché. Dans le traité de Lisbonne, plusieurs étapes sont clairement évoquées : la politique de sécurité et de défense commune, puis la définition d'une politique de défense commune qui doit conduire à une défense commune. Il y a donc une gradation dans la définition.
Au cours du débat sur le retour de la France au sein de l'OTAN, vous avez à maintes reprises répété que l'objectif consistait à avancer avec nos partenaires vers une défense européenne. Il suffit pour s'en convaincre de reprendre les très nombreuses déclarations du Président de la République ou du Premier ministre en ce sens.
Je ne comprends donc pas pour quelles raisons, selon vous, il faut viser une ambition plus large : le premier objectif d'une loi de programmation militaire doit tout de même être la défense.
Vous êtes prêt, dites-vous, à faire figurer les mots « défense européenne » dans le texte mais, pour l'heure, je n'ai pas connaissance d'un tel amendement !
(L'amendement n° 19 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 18 .
La parole est à M. Daniel Garrigue.
Cet amendement propose ce qui pourrait être la définition d'une défense européenne. J'ai déposé plusieurs amendements en ce sens, je ne vais pas me battre sur chacun d'eux. Je souhaite que la notion de défense européenne ne soit pas écartée, dans la mesure où cela a fait partie des ambitions de la France affichées depuis de longues années. Y renoncer ne serait pas sans signification.
L'amendement de notre collègue témoigne d'une volonté forte de construire une Europe de la défense opérationnelle et efficace assurant la protection des ressortissants et l'intégrité des territoires de l'Union. Il ne faudrait pourtant pas considérer – M. le ministre vient de le rappeler – que la politique française de défense se réduit à la construction d'une défense européenne. Le traité de Lisbonne précise qu'il appartient aux États de définir progressivement une politique de défense commune – article 42-2. En outre, la rédaction proposée entretient une confusion entre les responsabilités de la France et celles de l'Union. Il s'agit bien dans ce paragraphe de définir le champ de compétences de l'Union et non de dire que la défense française n'est qu'une partie de cet ensemble plus global que constitue la défense européenne. C'est la raison pour laquelle la commission a rejeté cet amendement.
On ne peut qu'émettre un avis défavorable à cet amendement qui va jusqu'à évoquer la question de la dissuasion nucléaire. Être européen consiste à partager un projet commun aux différents États et populations. Vous ne faites pas l'Europe tout seul avec pour seul horizon un « nationalo-centrisme ».
Or vous savez que certains partenaires européens majeurs ne partagent pas notre point de vue sur la dissuasion. Vous êtes là en contradiction avec vos propres convictions. Pour construire un projet commun, il faut qu'il soit partagé par tous.
Pour vous convaincre que le Gouvernement et la majorité souhaitent allers vers la défense européenne commune que vous appelez de vos voeux, je suis prêt à accepter votre amendement n° 20 , si la commission y est favorable.
Tout en considérant que cet amendement ne s'intègre pas parfaitement après l'alinéa 20 du rapport annexé, la commission estime que nous pouvons l'adopter dans la mesure où il traite de la participation de la France à l'Europe de la défense.
J'ai bien entendu la réponse de M. le ministre à la remarque de Mme Marylise Lebranchu sur la menace djihadiste. Le texte que nous allons adopter va nous suivre pendant toute la durée de l'exécution de la loi de programmation militaire. Il me semble préjudiciable, dans un tel texte, de qualifier une menace terroriste avec autant de précision, car cela revient à faire de la publicité à un mouvement précis. La commission sur le Livre blanc, qui a longuement discuté sur ce sujet, a fait le choix de ne pas faire figurer une telle précision dans le texte, l'origine du terrorisme étant diverse. Il serait sage de supprimer la mention « d'inspiration djihadiste », ce qui n'enlève rien à votre analyse, monsieur le ministre.
Je me rallie à la position du Gouvernement sur l'amendement n° 20 de M. Garrigue. Je rappelle cependant que nous élaborons la loi, laquelle s'intègre à une hiérarchie des normes. Dans le droit français, les traités internationaux ont une valeur supra-législative. Je fais enfin remarquer que l'intitulé même de l'amendement n° 20 est déjà contenu dans des traités dûment signés et ratifiés par la France. L'amendement de M. Garrigue est donc superfétatoire.
Je le retire, car il est satisfait en partie.
(L'amendement n° 21 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 22 .
La parole est à M. Daniel Garrigue.
S'agissant de la dissuasion nucléaire française, n'est-il pas envisageable de discuter des conditions d'utilisation de notre doctrine en la matière avec nos partenaires ? Cela fut le cas, à plusieurs reprises, avec les Britanniques qui disposent également d'une force nucléaire de dissuasion. L'idée de dissuasion élargie évoquée par le passé est une idée qui va beaucoup trop loin. En revanche, l'idée d'une dissuasion concertée est intéressante car elle peut contribuer à faire progresser la défense européenne. Je propose que nous en discutions avec nos partenaires.
M. Garrigue est en train de mener un combat d'arrière-garde qui n'a rien à voir avec notre débat. Nous légiférons sur la loi de programmation militaire de la nation française. Nous ne sommes pas dans le cadre de l'élaboration d'une loi de programmation militaire européenne.
Nous sommes au coeur du pouvoir régalien avec la défense.
Il me semble que toutes les formulations du texte destinées à rappeler cette ambition européenne se justifient par elles-mêmes. Elles marquent une volonté d'aller de l'avant, volonté partagée par le Président de la République et une vaste majorité dépassant les clivages entre la droite et la gauche.
L'idée d'un fardeau partagé est fort ancienne, elle occupe les discussions depuis de très nombreuses années. Quant au nucléaire, il met en jeu de façon très complexe les pouvoirs régaliens. Il relève d'accords d'État à État à l'intérieur de l'Europe et non d'une loi interne de programmation militaire.
Sur ce sujet, nous savons que les Britanniques ont déjà montré des réticences, pour des raisons que je n'exposerai pas ici, et que l'Allemagne et d'autres pays ont exprimé leur désaccord.
Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer : cet adage devrait guider notre attitude à l'égard de l'Europe. Nous avons connu des déboires dans l'avancée de l'Europe de la défense. Certains programmes, on le sait, ont été soumis à rude épreuve. Je pense à l'A 400 M, au deuxième porte-avions, « échoué » sur les côtes anglaises – Bernard Cazeneuve a souligné son coût – ou encore au NH 90.
Cela dit, la défense européenne est un objectif incontournable vers lequel la France, en toute responsabilité, doit s'acheminer. Cela implique de valoriser l'Agence européenne de défense, malheureusement encore trop embryonnaire, et de développer des coopérations structurées, notamment avec nos amis allemands, sans doute plus ouverts que d'autres en ce domaine.
Le nucléaire stratégique est fondamentalement une responsabilité française, qui ne peut être partagée avec d'autres pays : certains ne le veulent d'ailleurs pas. Tant qu'il n'y aura pas d'Europe fédérale, il en sera ainsi. On ne peut donc envisager cette hypothèse.
(L'amendement n° 22 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 23 .
La parole est à M. Daniel Garrigue.
Cet amendement porte sur un sujet très actuel : la défense anti-missiles. La France a rejoint depuis peu le commandement intégré de l'OTAN. Or notre allié principal, les États-Unis, a envisagé, hors du cadre de l'Alliance atlantique, l'installation de systèmes de défense anti-missiles dans certains États membres de l'Union européenne, eux-mêmes membres de l'OTAN.
On ne peut nier que cette initiative affecte directement les enjeux de la défense européenne. Dans ces conditions, il me semble indispensable de débattre de ce sujet : je ne demande pas que l'on adopte cet amendement, je souhaiterais seulement une discussion.
Plusieurs problèmes se posent. Les initiatives des États-Unis risquent tout d'abord d'interférer avec notre propre doctrine et notre propre système de défense. Par ailleurs, compte tenu de l'évolution des menaces, il faut se demander si, raisonnablement, nous pouvons créer nos propres défenses anti-missiles. À mon sens, il n'y a pas forcément de contradiction à cela. La doctrine n'est plus seulement celle de la dissuasion du faible au fort, mais aussi de celle de la dissuasion du sage au fou, compte tenu du fait que nous pouvons être victimes d'agressions tout à fait inattendues.
La défense anti-missiles, parce qu'elle met en jeu nos relations avec les alliés et la conception que nous devons avoir de notre propre système de défense, est un sujet que nous devons aborder. Quand pourra-t-on le faire, monsieur le ministre ?
Nous partageons l'intérêt de notre collègue pour cette question ô combien importante. La France a toujours eu une position très réservée s'agissant des défenses anti-missiles et le ministre nous a répondu hier de façon très précise à ce sujet après la discussion générale.
Cela dit, il nous paraît dangereux de mentionner certains pays, notamment la Russie, parmi les partenaires de cette discussion. Une telle rédaction constituerait un véritable carcan diplomatique et militaire et nuirait à la liberté et à la qualité du dialogue.
La question de la défense anti-missiles mérite d'être examinée autrement que dans le cadre d'un simple amendement. Comme je l'ai souligné hier, il s'agit de savoir quelles en sont les ambitions et les financements ainsi que de cerner les menaces qui la justifient. Intégrer une telle rédaction dans le texte serait totalement incongru.
(L'amendement n° 23 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 24 .
La parole est à M. Daniel Garrigue.
Je suis saisi d'un amendement n° 63 .
La parole est à M. Gilbert Le Bris.
Il me semble paradoxal que l'alinéa 21 fixe à l'Union européenne l'objectif de devenir un acteur de la gestion des crises et de la sécurité internationale sans évoquer la paix en Europe, qui est pourtant le but premier.
Cet amendement veut faire de l'Union européenne un acteur majeur de la paix en Europe et de la sécurité internationale. Je saisis mal la nuance ainsi faite entre les concepts. Par ailleurs, consacrer « le rôle européen de l'Union européenne » constitue quasiment un pléonasme.
Défavorable.
(L'amendement n° 64 n'est pas adopté.)
Défendu !
(L'amendement n° 62 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 25 .
La parole est à M. Daniel Garrigue.
Cet amendement vise à faire ressortir l'importance des synergies à établir en matière de recherche civile et de recherche de défense. J'ai cru comprendre que cette idée était reprise dans l'une des dernières parties du rapport annexé. Je retire donc mon amendement.
(L'amendement n° 25 est retiré.)
Sagesse.
(L'amendement n° 61 est adopté.)
Cet amendement est retiré, ainsi que le suivant.
(Les amendements nos 27 rectifié et 28 sont retirés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 29 .
La parole est à M. Daniel Garrigue.
Il s'agit d'un amendement très important que je vais m'attacher à défendre.
Les deux dernières phrases de l'alinéa 26 de l'article 2 du rapport annexé précisent que « l'OTAN et l'Union européenne sont toutes deux nécessaires face aux menaces et aux crises ; elles sont complémentaires. Le renforcement de la politique de sécurité et de défense commune et la rénovation de l'OTAN constituent donc les deux volets d'une même démarche. »
Vouloir faire coïncider de la sorte l'Union européenne et l'OTAN me paraît constituer une grave erreur pour deux raisons.
D'abord, certains États européens ne sont pas membres de l'OTAN. La rédaction retenue affecterait donc très fortement nos relations avec la Finlande et la Suède, qui sont dans ce cas. Je vous retourne le reproche adressé tout à l'heure à mes amendements, censés avoir une incidence directe sur les relations que nous entretenons avec certains pays.
Ensuite, il ne faut pas oublier que certains pays attendent de rentrer dans l'Union européenne. Laisser cette rédaction en l'état impliquerait que leur entrée dans l'Union passe par l'appartenance à l'OTAN. Qu'en serait-il de certains pays proches de la Russie ?
La rédaction de l'alinéa 26 renvoie au traité de Lisbonne. L'amendement réécrirait des parties du rapport annexé consacré aux relations entre la France, l'Union européenne et l'OTAN. Il est indispensable de maintenir la rédaction du projet de loi qui rappelle que l'OTAN et l'Union européenne sont complémentaires. Le renforcement de l'Union européenne et la rénovation de l'OTAN constituent les deux volets d'une même démarche.
C'est pourquoi la commission a rejeté cet amendement.
Le traité de Lisbonne lui-même évoque, pour assurer la sécurité de l'Europe, la PESD et l'Alliance atlantique, dont nous sommes membres depuis 1949 et aux objectifs de laquelle nous souscrivons en totalité. Je vous renvoie à l'article 5.
Je comprends la pugnacité de M. Garrigue. Les extraits du rapport annexé qu'il a cités s'apparentent à un simple commentaire journalistique. Comment parler d'une même démarche alors que nous sommes en présence de deux démarches distinctes qui ne sont même pas dépendantes l'une de l'autre ? Ou alors il s'agit d'un nouveau principe, mais il faudrait le présenter comme tel.
(L'amendement n° 29 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 31 .
La parole est à M. Daniel Garrigue.
S'agissant des conditions d'un rapprochement avec la structure de commandement intégré de l'OTAN, à la formulation « devrait s'effectuer », un peu lâche, nous préférons « ne peut se faire que », qui substitue à l'hypothèse une obligation.
En commission, je vous le rappelle, la formulation de l'alinéa 27 a été améliorée. Nous avons considéré que le présent de l'indicatif valait impératif. Je vous demande donc de retirer cet amendement, monsieur Garrigue.
Je suis saisi d'un amendement n° 30 .
La parole est à M. Daniel Garrigue.
Cet amendement vise à inclure parmi les principes qui doivent encadrer le retour dans le commandement intégré de l'OTAN « la libre détermination de nos concepts stratégiques et de nos scénarios de crise ». Certes, nous devons garder l'indépendance complète de notre force nucléaire de dissuasion mais, si nous n'avons plus la maîtrise de nos concepts stratégiques et de nos scénarios de crise et que nous nous en remettons à l'OTAN, nous perdrons notre indépendance et notre liberté.
Avis défavorable. Je reprends les termes du ministre qui parlait de « pure redondance » à propos de cet amendement.
Défavorable.
(L'amendement n° 30 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 32 .
La parole est à M. Daniel Garrigue.
L'amendement n° 32 tend à préciser les conditions dans lesquelles une unité française peut être placée sous commandement de l'OTAN. Le texte qui nous est proposé indique que cela ne peut être le cas de manière permanente « en temps de paix ». Or, les notions de « temps de paix » et de « temps de guerre » sont souvent très difficiles à cerner. Je préfère donc préciser qu'une force française ne peut être « placée qu'exceptionnellement, et en raison des circonstances particulières de l'opération à laquelle elle participe, sous un commandement de l'OTAN ». Il me semble plus logique de faire le lien avec une opération précise et identifiée – comme c'est le cas pour nombre d'opérations où la France est engagée et le commandement de l'OTAN justifié – plutôt qu'avec le « temps de paix », notion insaisissable dans bien des conflits.
Selon la commission, la rédaction actuelle du projet de loi indique clairement que les forces françaises ne sauraient être placées en permanence sous le commandement de l'OTAN en temps de paix. L'amendement de M. Garrigue tend à aller plus loin, en n'autorisant la participation française à une opération réalisée sous l'égide de l'OTAN que dans « des circonstances particulières ». Cette rédaction est à la fois trop vague et trop restrictive : avis défavorable.
Même avis : il n'y a aucun engagement automatique des forces françaises dans l'Alliance atlantique. Il appartient à l'État français d'en prendre la décision souveraine : c'est lui qui engage quand il le veut nos forces dans le cadre de l'Alliance.
Je suis saisi d'un amendement n° 101 .
La parole est à M. Philippe Folliot.
L'un des arguments brandis à l'appui de la réintégration de la France dans le commandement intégré de l'OTAN avait trait à la problématique de la réforme de l'OTAN, y compris la réactivation de son pilier européen tel qu'il était prévu à l'origine.
Nous avons tous en mémoire les mots du président Kennedy qui, à Berlin, avait pris des engagements clairs en faveur d'une OTAN établie sur deux piliers, l'un européen et l'autre nord-américain. En pratique, le pilier autonome européen n'a jamais vu le jour. C'est pourquoi cet amendement vise à prendre en compte cette préoccupation légitime.
L'amendement de M. Folliot tend à ce que la réintégration de la France dans le commandement intégré de l'OTAN ne puisse se faire que si l'organisation atlantique est réformée en profondeur – ce qui est non seulement envisageable, mais déjà envisagé – et si un pilier européen est créé.
Cette dernière proposition est délicate, pour deux raisons principales. D'abord, son adoption immiscerait le rapport annexé dans les débats internes de l'OTAN en imposant un axe unique d'évolution. Ensuite, la rédaction de l'amendement est difficilement compatible avec les dispositions antérieures du rapport annexé, qui insistent précisément sur la complémentarité entre l'OTAN et la défense européenne – nous venons d'en débattre. La commission propose donc le rejet de l'amendement.
Même avis. Je comprends votre démarche, monsieur Folliot, mais je crains qu'elle ne soit contre-productive. L'idée que vous évoquez date quelque peu – du discours de Kennedy de 1962, il y a près de cinquante ans – et renvoie à l'initiative européenne de sécurité et de défense – initiative américaine présentée au sommet de Washington en 1999, qui est tout le contraire de ce que souhaitent la France, M. Garrigue et vous-même, puisqu'il s'agit de construire une sorte d'entité européenne au sein de l'Alliance atlantique. Au contraire, nous voulons à la fois mener une politique européenne de sécurité et de défense autonome, qui permette à l'Europe de disposer de sa propre capacité militaire, et jouer pleinement notre rôle au sein de l'Alliance atlantique. C'est parce que nous serons plus forts au sein de l'Europe que nous pourrons peser davantage au sein de l'Alliance atlantique.
Je suis saisi d'un amendement n° 33 .
La parole est à M. Daniel Garrigue.
Cet amendement fait écho aux préoccupations qui s'expriment aujourd'hui au sujet de l'OTAN, très consommatrice de cadres et d'officiers. Nous savons en effet que leur nombre n'est pas illimité. Dans les postes diplomatiques, j'entends ceux d'entre eux qui sont engagés dans des missions de coopération bilatérale manifester leur vive inquiétude de voir une partie de leurs effectifs prélevés pour être intégrés – eux aussi – dans les structures de l'OTAN.
Je ne maintiendrai pas cet amendement, car il n'a pas de portée législative.
Je le reconnais. Néanmoins, monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous donniez votre point de vue, car le risque est réel pour notre présence à l'échelle internationale.
Outre le fait que ce sujet concerne le pouvoir exécutif et non le pouvoir législatif, je précise que, dans le cadre des réformes que nous avons engagées au sein du ministère de la défense, j'ai décidé de rationaliser le dispositif à l'étranger – non pas parce que nous réintégrons le commandement de l'Alliance atlantique, mais pour rendre ce dispositif plus opérationnel et efficace. Désormais, au lieu de disposer d'un côté des attachés de défense et, de l'autre, des attachés de l'armement, c'est le même homme qui, dans chaque ambassade, sera responsable de la coopération militaire et de la coopération d'armement, afin de renforcer notre efficacité et d'éviter la présence de deux hommes qui, parfois, ne dialoguent pas assez ensemble et, ce faisant, empêchent la France de jouer pleinement son rôle.
Je suis saisi d'un amendement n° 102 .
La parole est à M. Philippe Folliot.
Cet amendement peut paraître anecdotique, mais il est très important, pour la simple raison que la notion de « territoire » cache celle de « souveraineté ». On estime souvent que la souveraineté territoriale s'arrête où s'arrêtent les terres. Or, les zones côtières et les zones économiques exclusives, dites ZEE, font partie intégrante de la souveraineté territoriale et doivent être prises en compte. La défense de notre territoire et de nos intérêts vitaux ne se limite pas à la zone terrestre.
J'y reviendrai à l'occasion d'un amendement ultérieur : on oublie trop souvent qu'avec une ZEE de 10,5 millions de kilomètres carrés, notre pays dispose du deuxième domaine maritime au monde. Les enjeux stratégiques y sont nombreux. Il me semble donc essentiel que la loi de programmation militaire fasse mention de notre volonté de défendre nos intérêts, non seulement sur terre, mais aussi sur mer, dans nos ZEE.
Notre protection va bien au-delà des ZEE !
L'alinéa 34 de l'article concerne la protection de la population et du territoire. L'amendement proposé par M. Folliot tend à préciser que le territoire est terrestre, maritime, métropolitain et d'outre-mer.
Une telle rédaction est surprenante, car elle laisse supposer qu'il existe différentes sortes de territoires au sein de la République française, dont j'ai déjà rappelé en commission qu'elle est une et indivisible.
Vous semblez faire erreur, monsieur le rapporteur. L'amendement que je viens de défendre n'est pas celui que j'avais présenté en commission : sa rédaction ne fait référence qu'au territoire terrestre et maritime, et toute allusion à la métropole ou à l'outre-mer en a été supprimée, car j'ai bien entendu l'argumentation que vous m'avez opposée en commission. Cette nouvelle rédaction répond à votre souci de ne pas distinguer entre métropole et outre-mer.
Même dans ces conditions, la nouvelle rédaction laisse supposer que différentes sortes de territoires coexistent ; la commission a donc rejeté l'amendement.
(L'amendement n° 102 n'est pas adopté.)
Ces deux amendements coïncident hélas avec l'actualité. Il me semble difficile que cette loi de programmation militaire ne fasse pas mention des accords que nous avons conclus avec un certain nombre d'États d'Afrique, comme c'était le cas dans les précédentes LPM. Que pense le Gouvernement de cette regrettable lacune ? L'amendement n° 35 évoque un système d'alliances évolutif et, à ce titre, est peut-être trop ambitieux. Quoi qu'il en soit, il serait dommageable que le texte ignore ces accords qui nous lient traditionnellement à un certain nombre d'États africains – même s'ils doivent parfois faire l'objet de davantage de transparence.
Avis défavorable. La définition de la politique étrangère de la France envers les États africains ne relève pas du champ de la loi de programmation militaire. Les alinéas 118 à 120 du texte sont spécifiquement consacrés aux accords de défense. Les propositions de M. Garrigue dépassent donc le périmètre du présent projet, sont redondantes avec certaines de ses dispositions et manifestement insérées au mauvais endroit.
Par ailleurs, l'amendement n° 35 semble ignorer l'existence d'organisations de coopération entre les États africains – je pense en particulier à l'Organisation de l'unité africaine, devenue Union africaine en 2002, laquelle entretient des contacts réguliers avec l'Union européenne. Ainsi, au sommet de Lisbonne en 2007, l'accent fut mis sur le partenariat « paix et sécurité ».
La commission a donc rejeté les deux amendements.
(Les amendements nos 34 et 35 , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 99 .
La parole est à M. Philippe Folliot.
Dans le droit fil de mon amendement précédent, celui-ci vise à attirer l'attention de la représentation nationale sur les ZEE, et en particulier sur un point totalement ignoré par le texte, alors qu'il est essentiel.
Les zones économiques exclusives jouxtant la métropole s'étendent sur 349 000 kilomètres carrés, sur un total de 10,5 millions. La France possède donc une surface de ZEE ultramarines plus de trente fois plus étendue que la ZEE métropolitaine.
J'ajoute que le texte oublie complètement certains territoires à statut particulier – je pense à l'île de Clipperton, par exemple. La France ne se réduit pas à la seule métropole. (L'orateur déploie un planisphère.) Je me suis procuré auprès du secrétariat d'État à l'outre-mer ce document qui décrit et situe l'ensemble des zones sur lesquelles la République exerce sa souveraineté, avec les enjeux qu'elles représentent. Certes, le projet de loi fait mention des départements et des collectivités d'outre-mer – la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Néanmoins, il oublie complètement la Polynésie française, Wallis-et-Futuna, les Terres australes et antarctiques françaises et l'îlot de Clipperton.
Clipperton peut faire sourire, mais la ZEE qui l'entoure s'étend sur 440 000 kilomètres carrés – soit davantage que celle de la métropole ! De même, dans les Terres australes et antarctiques françaises, l'île Tromelin est assortie d'une ZEE de 280 000 kilomètres carrés.
Nous avons bien compris le sens de votre amendement. Concluez, je vous prie.
Soit, j'aurai ainsi défendu, pour que nous allions plus vite, un autre amendement, identique mais placé différemment, mais il me semblait essentiel de préciser cet enjeu.
Avis défavorable. La commission a examiné la question des territoires d'outre-mer et rejeté les amendements les concernant, car les dispositions de la LPM s'appliquent à tout le territoire français, lequel intègre bien évidemment les territoires d'outre-mer. M. Folliot souhaite attirer notre attention sur les zones exclusives économiques, mais le pillage des ressources naturelles est visé à l'alinéa 174, et cette notion recouvre l'ensemble de ces zones.
M. Folliot semble découvrir avec le zèle du nouveau converti l'importance de nos zones économiques maritimes. Il est vrai qu'elles sont essentielles, mais la disposition qu'il se propose d'ajouter serait surabondante.
En revanche, il conviendrait, pour défendre notre souveraineté sur l'ensemble de ces territoires maritimes, de renouveler nos avisos A 69, qui arrivent en fin de course. La loi de programmation ne le prévoit malheureusement pas
(L'amendement n° 99 n'est pas adopté.)
L'alinéa 119 du rapport annexé, tel qu'il est rédigé, tend à ce que seuls les accords de défense à venir soient communiqués à la représentation nationale. L'amendement 50 vise à ce que les accords de défense déjà conclus soient également transmis aux commissions parlementaires permanentes en charge de la défense et des affaires étrangères.
Cet amendement vise à accroître l'information du Parlement sur les accords de défense. Naturellement, nous partageons cette ambition, comme en ont témoigné les débats en commission. Cependant, la formulation retenue imposerait la même procédure pour tous les textes, y compris ceux requérant un haut degré de confidentialité.
Dans son rapport d'information sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures du 8 mars 2000, M. François Lamy proposait que « soient transmis pour information aux assemblées par l'intermédiaire des commissions concernées les accords de coopération militaire qui ne présentent aucun caractère secret », car « l'intérêt diplomatique de la France impose parfois que des clauses soient tenues secrètes ».
Pour toutes ces raisons, nous avons proposé, avec Yves Fromion, une nouvelle rédaction visant à ce que le Parlement soit tenu informé de la conclusion comme des orientations de ces accords. Ce dispositif permet, dans le cas des clauses confidentielles, de ne transmettre ces informations qu'aux présidents des commissions concernées. Ainsi, nous ménageons nos marges de manoeuvre diplomatiques tout en contraignant le Gouvernement à justifier ce choix auprès des présidents.
Je vous invite, chère collègue, à renoncer à cet amendement, les modifications adoptées en commission traduisant les engagements du Président de la République, ainsi que les préconisations du rapport Lamy.
La commission a rejeté cet amendement.
Je ne retirerai pas mon amendement car le Président de la République s'était engagé à ce que ces informations ne soient plus soumises au secret et soient communiquées.
De surcroît, si vous maintenez votre rédaction, vous devez au moins supprimer le terme « désormais » pour que les accords de défense déjà conclus soient également visés et pas seulement ceux à venir.
(L'amendement n° 50 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n°100 .
La parole est à M. Philippe Folliot.
J'ai déjà défendu l'amendement 100 , mais je voudrais répondre à M. Le Bris qui m'a qualifié de « fraîchement converti ». Trop souvent, les questions maritimes sont réservées aux spécialistes, aux gens du littoral. Tant que cette situation n'évoluera pas, la France n'aura pas de véritable vocation maritime. J'ajoute pour sa culture que, de La Pérouse à Jean-Louis Etienne, le département du Tarn a donné quelques marins de renom. (Sourires.)
(L'amendement n° 100 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n°106 .
La parole est à M. Philippe Folliot.
Les opérations civilo-militaires jouent un rôle clé dans le succès des opérations extérieures en ce qu'elles permettent, comme on l'a récemment vu en Afghanistan, de gagner la confiance des populations locales et d'obtenir ainsi de précieux renseignements sur les forces ennemies. Elles contribuent de surcroît à véhiculer une bonne image de l'armée française dans le monde.
L'amendement n° 106 tend à faire établir un bilan complet des forces et des faiblesses de ces opérations afin d'en améliorer l'efficacité.
(L'amendement n° 106 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 49 .
La parole est à Mme Patricia Adam.
Il s'agit d'un amendement de précision. Le Gouvernement nous a donné des assurances, en matière budgétaire sur la mise en place d'une filière de déconstruction des bâtiments de guerre de surface et des sous-marins. Pourrait-il également nous confirmer que nous respecterons les accords que nous avons signés selon lesquels la déconstruction s'opère au plus près des bâtiments concernés ? Il ne s'agirait pas de déplacer à nouveau ces bâtiments comme cela s'est produit pour le Clemenceau.
Cet amendement participe de la volonté commune de créer une filière française de déconstruction, mais sa rédaction est ambiguë. Nous proposons à Mme Adam de le retirer au profit de l'amendement n° 12 , dont nous allons bientôt discuter.
Oui, mais il permettra d'obtenir une réponse plus globale du ministre sur le sujet.
Même avis.
(L'amendement n° 49 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n°59 .
La parole est à M. Gilbert Le Bris.
Le vénérable porte-hélicoptères Jeanne d'Arc, qui est le plus ancien bâtiment de la marine nationale et qui a formé des milliers d'officiers, fera sa dernière campagne de formation l'année prochaine sans qu'aucune solution pérenne de remplacement soit prévue.
Le troisième BPC sera livré mi-2012, ce qui est une excellente nouvelle. L'amendement n° 59 vise à l'affecter en priorité à la formation des officiers de marine. La formation de nos élites ne saurait en effet se déplacer d'un bateau à l'autre, année après année. J'ai entendu parler de « containers formation », sortes de kits. Je n'y crois pas. Si l'on veut une formation européanisée, il faudra mettre en place des laboratoires de langues, qui devront rester à demeure. Il en va de même des modules de simulation. Le confort même des officiers, sans pour autant être émollient, impose cette solution.
Bien évidemment, cette affectation n'exclurait pas les missions opérationnelles.
Pour remplacer le Jeanne d'Arc, l'état-major de la marine envisage en effet, dans les premiers temps, d'utiliser par séquences un BPC, ces bâtiments présentant l'avantage d'un coût d'exploitation réduit et d'une véritable polyvalence puisqu'ils peuvent accueillir des aménagements différents selon leur utilisation. N'oublions pas cependant que les BPC ont avant tout vocation à remplir des missions de projection, de force et d'assistance, surtout tant que la cible complète des quatre BPC que nous souhaitons avoir ne sera pas atteinte. Il serait trop rigide de figer dans la LPM une solution qui doit être regardée comme provisoire, l'objectif étant que le groupe école dispose à terme d'un bâtiment en propre, éventuellement dans un cadre européen. La commission a rejeté cet amendement.
Cette question ne relève pas du législatif mais du ministre de la défense. Par ailleurs, il ne s'agit pas de disposer d'un bâtiment dédié, mais d'un bâtiment qui puisse remplacer la « Jeanne ». Il y a de fortes chances, évidemment, pour que ce soit un BPC.
(L'amendement n° 59 n'est pas adopté.)
L'amendement n° 51 tend à ce que le tableau des cibles et livraisons d'équipements communiqué au Parlement soit actualisé tous les trois mois.
L'amendement impose au Gouvernement de transmettre tous les trois mois au Parlement un tableau à jour des commandes et livraisons des grands programmes d'armement. Ces opérations visées étant par nature de très longue durée, le délai de trois mois apparaît restrictif.
De surcroît, grâce au travail du président de la commission de la défense, M. Teissier, nous disposons de l'examen trimestriel de l'exécution des crédits, et le ministère de la défense présente d'ores et déjà les indicateurs sur ces programmes.
Avis défavorable.
(L'amendement n° 51 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n°37 .
La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Cet amendement tend à rectifier une erreur matérielle concernant le nombre de systèmes de détection et de contrôle aérien : 3 et non pas 7.
(L'amendement n° 37 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n°38 .
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.
Il s'agit de la version marine du NH90. Le nombre d'exemplaires commandés pour la marine dès 2002 est fixé à 27 et les premiers devraient être livrés en février 2010, soit avec cinq ans de retard. Et encore, il ne s'agira que d'une version limitée à un emploi de recherche et de sauvetage en mer, certes indispensable à la marine nationale pour remplacer les derniers Super Frelon, mais dotée d'un radar qui ne disposera pas des modes évolués ni des systèmes d'armes pourtant prévus dans le contrat. La version qui rendra cet appareil apte au combat ne sera pas au point avant encore deux ans, au moins.
De surcroît, l'industriel italien, qui développe par ailleurs avec son partenaire américain une version concurrente du NH90, ne semble guère pressé de surmonter les difficultés qu'il rencontre en matière de systèmes d'armes. La marine nationale, confrontée au retrait de ses appareils les plus anciens, doit faire face à un dilemme : accepter les livraisons à compter de 2010 d'appareils limités à des missions logistiques ou admettre un nouveau retard des livraisons dans l'attente de l'hypothétique version apte au combat.
C'est probablement cette difficulté qui a conduit le Gouvernement à déposer dans le projet de loi de programmation militaire un tableau qui ne fait pas référence à cet appareil pourtant commandé et attendu depuis sept ans. Par une curieuse coïncidence, le Livre blanc sur la défense et la sécurité a également omis de mentionner cet appareil – probablement furtif. (Sourires.) Les difficultés de mise au point rencontrées par l'industriel ne doivent pas occulter ce programme indispensable à la marine.
Je reconnais que le Gouvernement ne peut pas nous fournir aujourd'hui l'échéancier de livraison exact de l'hélicoptère NH 90 dans sa version marine définitive. Toutefois, ce programme ne doit pas être retiré de la loi de programmation militaire. Il incombe à la représentation nationale d'en suivre avec attention le devenir. Je souhaite qu'il soit rétabli dans le texte.
Favorable.
(L'amendement n° 38 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 39 .
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.
Cet amendement concerne la décision d'attribution des décorations, notamment de la médaille militaire et de la médaille de la défense nationale, qui exige de longs mois. Dans certains cas, le processus décisionnel peut durer jusqu'à deux ans, ce qui est très long comparé aux autres armées de l'OTAN.
De plus, le fait qu'une médaille soit attribuée à une personne qui a quitté le théâtre d'opérations, voire l'uniforme, nuit à la lisibilité de la récompense. La longueur de la procédure est particulièrement regrettable s'agissant de décorations remises à des officiers étrangers qui coopèrent avec les forces françaises sur un théâtre extérieur. C'est avant le départ du théâtre que la décoration doit être remise et non pas lorsque l'intéressé a regagné son pays.
Pour accélérer le processus, le responsable d'un théâtre d'opérations devrait pouvoir disposer d'un contingent de décorations susceptibles d'être remises de manière déconcentrée et rapide lorsque les circonstances l'exigent. Cette mesure allant dans le sens d'une plus grande efficacité serait largement appréciée de la communauté militaire et, de surcroît, ne coûterait rien aux finances publiques.
La commission a naturellement émis un avis favorable à cet amendement, mais se tourne vers M. le ministre pour obtenir une réponse définitive sur cet engagement.
Je partage votre souci d'attribuer dans les meilleurs délais les distinctions que méritent les militaires pour les services qu'ils rendent en opération extérieure. Je souhaite, comme vous, l'accélération des procédures : en effet, entre le moment où, revenant d'un théâtre d'opérations extérieures, comme l'année dernière après notre intervention au Tchad, j'évoque les récompenses que doivent recevoir certains de nos militaires et je prends la décision de principe, et le moment de l'attribution effective, le délai est à mes yeux trop long. Toutefois, il convient de préserver la rigueur nécessaire si on veut conserver à ces décorations le sens et la valeur que nous leur attribuons.
Quant à la délégation, nous y recourons dans certains cas. Toutefois, décider d'affecter des contingents, voire des stocks de médailles pour tel ou tel théâtre d'opérations et déléguer de manière déconcentrée la remise de ces décorations risque d'en affaiblir la portée. J'ai le sentiment que nous ferions perdre beaucoup de valeur à l'expression de notre reconnaissance.
(L'amendement n° 39 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 40, présenté par la commission des finances.
(L'amendement n° 40 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 41 .
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.
La loi de programmation militaire souffrant de certaines omissions, cet amendement vise à y inscrire l'importante question de la réserve opérationnelle de façon précise afin, notamment, d'éviter qu'une procédure d'arbitrage budgétaire n'obère en cours d'exercice les moyens consacrés à cette réserve.
Cet amendement consacre avec raison l'importance de la réserve opérationnelle en rappelant que ses moyens doivent évoluer de manière équilibrée par rapport à ceux de l'ensemble des forces. J'ajoute que Louis Giscard d'Estaing s'intéresse avec beaucoup de raison à cette réserve pour laquelle des décisions d'actions nouvelles ont été prises aujourd'hui même.
La commission a donc émis un avis favorable à cet amendement ainsi qu'aux amendements nos 42 et 43 .
La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.
Avec l'accord du ministre, je déclare que le Gouvernement est favorable à cet amendement qui s'inscrit dans la démarche de renforcement de la réserve opérationnelle, actuellement engagée avec l'état-major des armées. Cette démarche permettra du reste de répondre à d'autres questions que vous serez amenés à nous poser à ce sujet, également essentiel sur le plan opérationnel.
(L'amendement n° 41 est adopté.)
Je tiens à remercier M. le rapporteur d'avoir émis un avis favorable à ces deux amendements, ce qui prouve que la commission de la défense et la commission des finances ont travaillé de manière constructive sur le projet de loi de programmation militaire. Il était important, à mes yeux, de le souligner à cette heure de la nuit.
L'amendement n° 42 vise à inscrire dans le texte, où aucun chiffre ne figurait, ce que doit être l'objectif en matière de nombre de réservistes : je propose 40 000 réservistes hors gendarmerie et hors DGA.
L'amendement n° 43 vise, quant à lui, à indiquer la durée d'activité moyenne d'un réserviste, qui devrait être de l'ordre de vingt-cinq jours par an. Une telle durée serait conforme à l'objectif du Gouvernement.
La commission a déjà donné un avis favorable aux deux amendements.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Favorable, évidemment.
Il me semble que deux des amendements que nous venons de voter ne sont pas placés là où il le faudrait.
La commission des finances n'aurait-elle pas fait son boulot ? (Sourires.)
Non ! Ces amendements sont bien placés.
Je suis saisi d'un amendement n° 109 .
La parole est à M. Philippe Folliot.
L'alinéa 399 prévoyant que « les domaines tels que l'habillement, la restauration ou les infrastructures feront l'objet d'externalisations qui permettront de réaliser des économies en bénéficiant de la performance économique des prestataires externes », cet amendement a pour objectif de remplacer le mot : « feront » par les mots : « pourront faire ». En effet, s'il est important de chercher à bénéficier de la performance économique des prestataires externes, il convient de conserver une capacité militaire autonome – notamment, en cas d'opérations extérieures, en matière d'alimentation. Il en est de même dans les domaines de l'habillement ou des infrastructures.
L'externalisation est un choix de gestion qui n'est fondamentalement ni bon ni mauvais. Il faut donc y recourir de façon pragmatique.
L'amendement n° 109 va dans le bon sens, car il rend l'externalisation possible sans pour autant l'imposer. De plus, la commission avait demandé à M. Folliot de le réécrire, ce qu'il a fait dans le sens qu'elle lui avait suggéré. En conséquence, elle a émis un avis favorable.
Même avis.
(L'amendement n° 109 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 44 .
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.
Il s'agit d'un amendement de précision concernant la recherche de partenariats public-privé. Si nous estimons qu'ils doivent être recherchés, nous contestons qu'ils puissent être systématiquement privilégiés. Cet amendement vise donc à substituer au mot : « privilégiés » le mot : « recherchés ».
Cet amendement vise à renforcer la sincérité budgétaire de la loi de programmation militaire en introduisant le coût de déconstruction dans l'ensemble des coûts d'acquisition et de possession des matériels, afin que ce coût ne vienne pas se surajouter sans avoir été préalablement budgétisé.
L'amendement de M. Cazeneuve prévoit que l'évaluation du coût des programmes prenne en compte, outre les coûts de possession, les coûts de déconstruction, et ce dès le lancement de l'opération.
Même si on peut partager la volonté de notre collègue de mieux prendre en compte la déconstruction, notamment les aspects environnementaux qui y sont liés, il me semble difficile, voire impossible, de déterminer dès le départ le coût de la déconstruction. Les programmes d'armement ayant une durée de vie très longue, les connaissances industrielles risquent d'avoir à tel point évolué entre le lancement et la date effective de déconstruction que les estimations initiales n'auraient plus de sens.
Lors de l'examen du texte en commission, cet amendement avait été retiré au profit d'un autre relatif au démantèlement. La commission a émis un avis défavorable.
Nous essayons autant que possible de prendre en compte l'ensemble des coûts liés à un programme – construction, utilisation et déconstruction. Toutefois, comme l'a souligné le rapporteur, les normes et les process industriels évoluant, ce calcul demeure très difficile.
Sachez toutefois, monsieur le député, que votre amendement est en quelque sorte d'ores et déjà satisfait puisque, j'y insiste, lorsque nous lançons un programme, nous essayons d'évaluer la totalité des coûts qu'il peut engendrer.
Défavorable.
(L'amendement n° 56 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 64 .
La parole est à M. Jean-Claude Viollet.
Le chapitre 3 du rapport annexé évoque « la transformation de la défense » et son sous-chapitre 3.7, « l'amélioration de la conduite des programmes d'armement ». Des outils sont mis en place à cette fin, dont le comité ministériel des investissements de défense et le comité financier associant le ministère chargé du budget. Il existe donc bien une réelle volonté de mieux maîtriser les programmes de défense.
Nous avons la même volonté d'associer le Parlement à ce travail en créant une mission permanente de suivi des opérations d'équipement, à laquelle serait communiqué l'ensemble des éléments nécessaires à ses travaux.
Cet amendement vise à imposer à la commission de la défense la constitution d'une mission d'information permanente. Outre le fait que le président Guy Teissier s'est déjà engagé sur ce point lors de l'examen du texte en commission, il convient impérativement d'écarter cet amendement du fait que la loi ne saurait s'immiscer dans le fonctionnement interne de l'Assemblée.
Si une telle disposition était retenue, elle permettrait au Sénat de contraindre l'Assemblée dans son activité de contrôle, ce qui est inenvisageable.
La commission, monsieur Viollet, a donc repoussé votre amendement.
Défavorable, cela me paraît tellement évident !
Au bénéfice de l'engagement d'effectuer ce travail au sein de la commission de la défense, nous sommes prêts à retirer l'amendement.
(L'amendement n° 64 est retiré.)
Défavorable.
(L'amendement n° 89 n'est pas adopté.)
Défavorable.
(L'amendement n° 57 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n°12 .
La parole est à M. Bernard Cazeneuve.
Cet amendement prolonge le débat que nous avons déjà eu au cours de l'examen du projet de loi de programmation militaire sur la nécessité que le ministère de la défense s'inscrive dans la perspective du développement durable.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué hier que vous aviez provisionné 100 millions d'euros afin que la deconstruction des matériels de la défense, notamment celle des bâtiments de surface et des sous-marins pour ce qui concerne la marine nationale, puisse s'effectuer dans la période couverte par la loi de programmation militaire. Il s'agit d'un point extrêmement important. En effet, il serait fort préjudiciable pour l'image du ministère de la défense, et pour l'efficacité de nos politiques publiques en matière de développement durable, que le ministère ne participe pas à ces politiques en assurant, dans les meilleures conditions et avec les processus les mieux maîtrisés, la déconstruction des bâtiments en fin de vie. Une telle préoccupation rejoint d'ailleurs celle exprimée par le Gouvernement dans le cadre du Grenelle de l'environnement.
J'ajoute que l'on comprendrait mal que la déconstruction des sous-marins qui sont le vecteur de notre dissuasion, et dont certains des éléments technologiques doivent rester secrets, soit confiée à d'autres établissements que ceux qui les ont construits.
Dès lors que vous avez prévu de financer cette politique, l'amendement n° 12 permet d'abord au Gouvernement d'affirmer qu'il entend s'engager dans la voie du développement durable et assurer la maîtrise de la déconstruction de ces matériels de guerre, notamment des sous-marins. Ensuite, cet amendement permet de garantir que Cherbourg, site qui fabrique les sous-marins, sera chargé de leur déconstruction. Finalement, cette solution préservera l'intérêt du ministère de la défense, puisqu'elle garantira que les secrets de fabrication seront bien gardés. Elle permettra aussi à un chantier dont l'évolution de la charge de travail est très cyclique de bénéficier de la déconstruction pour lisser cette charge et préserver l'emploi dans ses établissements. Enfin, l'articulation des compétences d'acteurs publics et privés se trouvant à proximité du site de Cherbourg permettrait au ministère d'assurer cette déconstruction pour des coûts très minorés. La vente de l'acier issu de la déconstruction garantit en effet la rentabilité de l'opération.
Monsieur le ministre, en toute rationalité, je ne vois donc aucune raison pour que cet amendement fort bien reçu par la commission de la défense ne soit pas aussi bien reçu par vous.
Effectivement, monsieur Cazeneuve, la commission a « bien reçu » votre amendement, parce nous sommes convaincus de l'importance de la constitution d'une filière française de démantèlement des équipements de défense.
À ce titre, la question des SNLE est emblématique car elle touche à la fois l'une des composantes centrales de notre souveraineté et un sujet sensible : le nucléaire.
L'amendement n° 12 propose que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur le sujet, ce qui me semble positif. Cependant, même si Cherbourg est un site central en ce domaine, il conviendrait d'étendre la réflexion aux autres implantations.
Je rappelle qu'avec M. Fromion nous avions présenté un amendement, adopté par l'Assemblée nationale, qui met déjà l'accent sur ce point. L'enjeu est considérable, nous souhaitons tous qu'il soit pris en compte.
Monsieur le ministre, si vous pouviez compléter notre amendement qui affirme la nécessité de disposer d'une filière française de démantèlement de tous les équipements militaires, et si vous vous engagiez à ce que le Gouvernement nous remette un rapport global sur la question, l'amendement de M. Cazeneuve serait, en quelque sorte, satisfait.
Il y a eu un amendement dit « Fromion » ; il y a eu le rapport d'information de Mme Marguerite Lamour ; il y a aussi une volonté du Gouvernement : il n'y a donc aucun problème pour qu'un rapport soit remis au Parlement.
Toutefois, même si nous avons la même région d'origine, monsieur Cazeneuve – c'est encore plus vrai pour vous que pour moi qui suis pourtant normand depuis des siècles – et si j'attache beaucoup d'importance à ce que la Normandie puisse bénéficier de sa créativité industrielle, nous ne pouvons limiter ce rapport au seul site de Cherbourg. Je m'engage à ce qu'il porte globalement sur la question. Il réunira non seulement la Basse et la Haute-Normandie, comme nous le souhaitons tous les deux, mais aussi l'ensemble des ports de la République française.
Je remercie le ministre pour son ouverture d'esprit.
Pour montrer ma bonne volonté, je retire mon amendement. Je le fais d'autant plus volontiers que je viens d'apprendre que le ministre se penchait sur la question depuis des siècles, ce qui n'est pas mon cas. (Sourires.)
J'insiste toutefois sur le fait que nous ne traitons pas seulement de la déconstruction, mais aussi de la sécurisation de la dissuasion lorsque ses vecteurs sont démantelés.
Je souhaite très sincèrement que nous puissions tenir compte des préoccupations stratégiques dans les réflexions qui vont s'engager. Elles doivent avoir toute leur place quand nous parlons de déconstruction. Dès lors, je vois mal comment nous pourrions envisager que le démantèlement des sous-marins nucléaires et des sous-marins nucléaires d'attaque – dont les coeurs sont déposés au centre ville de Cherbourg, ce qui témoigne bien de la difficulté d'assurer le transport de ces équipements – puisse être effectué ailleurs que sur le site industriel qui les a fabriqués. Je voudrais notamment que l'on puisse acter qu'il serait fort dommageable de confier cette déconstruction au secteur privé.
(L'amendement n° 12 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 98 rectifié .
La parole est à M. Philippe Folliot.
Les PME, notamment celles exerçant leur activité dans le secteur de la défense, jouent un rôle majeur en France en matière d'emploi et de dynamisme économique puisqu'elles représentent, à elles seules, 55 % de l'emploi et plus de 95 % des entreprises. Cependant, en 2006, la part des PME dans les marchés publics passés par l'État s'est limitée à 12 %, contre 23 % aux États-Unis. Pour combler ce retard, la loi de modernisation de l'économie a créé des outils au service du développement des PME. Elle a même permis d'accomplir un premier petit pas vers la mise en place d'un Small business Act à la française, en donnant notamment la possibilité de leur réserver une certaine part des marchés publics.
Les marchés de la défense répondent à des logiques particulières : ils mettent en présence des PME et des grands groupes industriels très puissants. Il est donc souhaitable d'apporter à ces dernières une aide particulière supplémentaire.
Monsieur le ministre, en décembre 2007, vous avez lancé un plan utile et ambitieux en faveur des PME de la défense. Les mesures prises dans ce cadre pourraient faire l'objet d'un rapport détaillé afin d'évaluer les résultats obtenus. Tel est l'objet de cet amendement.
M. Folliot s'exprime à ce sujet comme le ministre lui-même : la commission a donné un avis favorable à son amendement.
Je vais sans doute m'exprimer contre ma paroisse, mais je pense qu'il ne serait pas inutile que les rapports de cette nature émanent du Parlement plutôt que de l'exécutif.
Sur de tels sujets, j'ai besoin que les parlementaires servent d'aiguillon. Si l'administration du ministère de la défense rédige un rapport, elle constatera que le plan du ministre est formidable et que tout va très bien ; un rapport parlementaire serait plus utile.
Bien sûr, si vous souhaitez que ce rapport émane de l'exécutif, nous nous exécuterons. Toutefois il me semble que la commission de la défense pourrait s'emparer du sujet pour assurer le suivi de mesures issues des voeux de la majorité.
La proposition de M. le ministre est très intéressante pour les parlementaires que nous sommes, et plus particulièrement pour la commission que j'ai l'honneur de présider.
Cependant, pour l'honorer, il nous serait utile, monsieur le ministre, de disposer de moyens humains supplémentaires. Vous le savez, la commission de la défense produit à l'heure actuelle de très nombreux rapports, qui occupent d'ores et déjà la quasi-totalité de ses administrateurs.
Voilà qui me semble plus sage, même si, bien entendu, nous réfléchissons à la question. (Sourires.)
(L'amendement n° 98 rectifié est retiré.)
Il est défendu, de même que l'amendement n° 54 rectifié .
(L'amendement n° 58 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 54 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 2 et le rapport annexé, amendés, sont adoptés.)
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier pour défendre l'amendement n° 3 , visant à supprimer l'article 3.
L'article 4 du projet de loi de programmation militaire décrète que plus de 54 000 emplois seront détruits d'ici à 2015.
Les fédérations syndicales ont raison de mettre en exergue le paradoxe selon lequel l'État est le premier contributeur à l'augmentation du chômage, alors qu'il dénonce verbalement la casse de l'emploi dans le privé.
Une telle saignée n'est pas justifiée financièrement, puisque, dans le même temps, les crédits de paiement de la défense continuent et continueront d'augmenter.
Comme à l'accoutumée, on joue sur les mots. Les restructurations socialement désastreuses sont baptisées « valorisation des métiers de la défense », « dynamisation des parcours professionnels », ou encore « amélioration de la condition militaire ». Ici, comme dans l'ensemble de la fonction publique, la suppression massive de postes est censée permettre une revalorisation des statuts et des conditions de travail. En réalité, le personnel attend toujours.
Des territoires entiers, déjà durement éprouvés par la casse des industries ces dernières décennies, et maintenant malmenés par la crise du capitalisme, verront leur taux d'emploi à nouveau attaqué par ce plan destructeur et par la nouvelle carte militaire. Aux milliers de suppressions de postes viendront s'ajouter, en cours de programmation, après les phases de mutualisations et de rationalisations, d'autres milliers de suppressions d'emplois au titre de l'externalisation des activités. Aucune possibilité de reclassement n'existe.
La crise mériterait que soit reconsidéré le dogme de la suppression de postes. Tous les syndicats le disent : il est temps de les écouter. Au moins, n'aggravons pas les conséquences sociales de la crise que notre pays subit de plein fouet.
Ce n'est pas une surprise : nous sommes opposés à cette politique injustifiée et socialement désastreuse de casse de l'emploi. En conséquence, nous demandons la suppression de cet article.
La parole est à M. Bernard Cazeneuve, pour soutenir l'amendement n° 67 .
Le ministre propose 54 000 suppressions d'emplois, dont 46 000 durant la période d'application de la loi de programmation militaire, entre 2009 et 2014. Cela nous pose plusieurs problèmes.
Tout d'abord, elles interviennent dans un contexte de décroissance structurelle de notre économie, alors que l'augmentation très forte du chômage risque de rendre impossible, ou pour le moins très difficile, le reclassement des personnels de la défense dans le secteur privé.
Nous redoutons que ce plan – le plus grand plan social que connaîtra la France, toutes entreprises confondues, publiques et privées – ne vienne aggraver la situation de l'emploi.
Nous craignons également que ces suppressions d'emplois ne reposent davantage sur une logique comptable que sur une réalité opérationnelle – nos discussions avec les états-majors dans le cadre de la mission de suivi de la réforme du ministère de la défense en témoignent. Nous pourrions nous retrouver dans une situation où ceux qui s'en iraient seraient les meilleurs parmi les personnels civils et militaires du ministère de la défense.
Ensuite, monsieur le ministre, les réponses que vous nous avez faites hier au sujet du reclassement des personnels de la défense dans la fonction publique ne nous ont pas semblé suffisamment concrètes pour que nous puissions nous rallier à votre discours. Nous sommes préoccupés par les conditions dans lesquels les statuts pourraient être harmonisés, et la diminution du nombre de militaires reclassés dans la fonction publique nous inquiète. Ils étaient mille entre 2000 et 2006, mais on en comptait six cents à la fin de la dernière période – alors que vous proposez d'en reclasser mille cent par an, ce qui nous paraît être un objectif hors de portée. Nous redoutons que, de ce point de vue, la « manoeuvre RH » soit extrêmement difficile.
Enfin, j'évoquerai à nouveau les mises à disposition compensées. Vous nous avez répondu hier sur ce point, mais nous serons très vigilants. Nous doutons en effet que ces mises à disposition puissent concerner les effectifs prévus par votre ministère.
Pour toutes ces raisons, parce que la « manoeuvre RH » nous semble de nature à faire perdre au ministère des compétences précieuses ; parce que, dans un contexte de décroissance et de chômage, les suppressions d'emplois prévues risquent d'aggraver les difficultés du pays ; parce que nous ne pensons pas que les recettes attendues en cumulé seront réalisées et que cela remet en cause l'équation globale de la loi de programmation militaire, nous proposons de supprimer l'article 4 et de remettre l'ouvrage sur le métier.
Je rappelle que l'article 4 décrit l'évolution des plafonds d'emplois de la mission « Défense » pour la période de programmation, ainsi que la réduction des effectifs qu'elle suppose, année par année. Les économies qui en découlent seront entièrement réaffectées à l'amélioration de la condition des personnels et à la modernisation des équipements. L'adoption de ces amendements viderait donc notre réforme de toute substance. C'est pourquoi la commission les a rejetés.
La réduction des effectifs est, certes, conséquente ; elle représente un effort important pour la communauté de défense : je ne le cache pas et je le dis chaque semaine dans les unités où je me rends. Mais cet effort nous permettra de retrouver une proportion de personnels affectés à l'administration générale et au soutien plus proche de celle qui prévaut dans l'armée britannique. Je rappelle qu'actuellement, ce secteur mobilise 60 % du personnel du ministère de la défense, contre 40 % en Grande-Bretagne.
En outre, grâce à cet effort, et en dépit du coût des mesures d'accompagnement social – 150 millions d'euros – et des coûts d'infrastructures extrêmement élevés liés à la réorganisation du ministère, nous pourrons dégager, pour la seule loi de programmation militaire 4 milliards d'euros supplémentaires : 350 millions seront destinés à l'amélioration de la condition du personnel civil et militaire, le reste sera consacré aux équipements.
M. Cazeneuve ne peut pas, parce qu'il est de Cherbourg, réclamer le programme Barracuda et la déconstruction – ou M. Le Bris la réalisation d'autres équipements – et, en même temps, accepter que nos charges de fonctionnement demeurent aussi élevées. Au demeurant, on ne peut pas assimiler ces mesures de réorganisation à des destructions d'emplois, puisque, grâce aux 4 milliards d'euros supplémentaires qu'elles vont nous permettre d'investir dans l'équipement, nous allons fournir du travail aux salariés français des bureaux d'études et contribuer ainsi à ce que la France conserve son rang dans le secteur de l'industrie de défense.
Par ailleurs, puisque Mme Dumont – que nous n'avons pas vue pendant les deux jours qu'ont duré nos débats – est passée cinq minutes dans l'hémicycle,…
Monsieur le ministre, nos débats se sont bien déroulés jusqu'à présent !
…je lui rappelle que nous mettons en oeuvre, à Mondeville comme ailleurs, les mesures d'accompagnement qui permettent à des personnels de la défense de se reconvertir dans les collectivités locales en bénéficiant de l'aide différentielle. J'ajoute que le nombre des demandes de pécule est cinq fois plus élevé que celui des offres du ministère de la défense. Enfin, je le répète, en 2008, nous avons réaffecté 1 250 personnes dans la fonction publique ; notre objectif, qui consiste à réaffecter 1 100 personnes par an, est donc raisonnable.
Il était temps d'entreprendre cette mutualisation de l'administration générale et du soutien. Nous dégageons ainsi les moyens nécessaires pour que la France reste une puissance militaire crédible jusqu'à la fin de ces deux lois de programmation militaire, c'est-à-dire jusqu'à 2020. Cette réforme de notre défense était indispensable et, au fond, vous savez qu'il fallait consentir un tel effort. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
(Les amendements identiques nos 4 et 67 ne sont pas adoptés.)
(L'article 4 est adopté.)
Nous avons achevé l'examen des articles. Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 16 juin après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, mercredi 10 juin 2009 à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Deuxième lecture du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 10 juin 2009, à zéro heure cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma