La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du groupe d'amitié Chypre-France, conduite par M. Démétris Syllouris, membre de la Chambre des Représentants de la République de Chypre. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse au Premier ministre mais, avant de la poser, je veux, en ce 25 novembre, marquer le soutien des députés communistes et républicains, et de l'ensemble du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, à la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.
Sur ce point, nous nous félicitons de la prise en compte de la loi-cadre déposée par Marie-George Buffet et Martine Billard et de la création d'une mission sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Ma question porte sur le grand événement qui occupe l'actualité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il s'agit, bien sûr, du Congrès des maires, (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) qui a ouvert ses portes ce matin. Ce congrès s'est fixé cinq défis majeurs. Le tout premier concerne les finances et la fiscalité. C'est une question d'une extrême gravité pour les collectivités locales, et je pense plus particulièrement aux communes, notamment aux communes rurales.
Je vous le dis avec force, monsieur le Premier ministre : nous n'en pouvons plus ! Nous n'en pouvons plus et nous sommes en colère !
En colère de constater qu'année après année, notre pouvoir d'achat diminue, avec des dotations dont les évolutions ne correspondent pas à la réalité de nos dépenses spécifiques, puisqu'elles marquent un recul de 2 à 3 % par an !
En colère que la taxe professionnelle soit progressivement vidée de sa substance : après le plafonnement de la valeur ajoutée, ce sont désormais les investissements réalisés qui ne seront plus pris en compte.
En colère que les dotations de compensation de la taxe professionnelle se réduisent comme peau de chagrin. Elles seront bientôt comme un couteau sans manche qui aurait perdu sa lame !
En colère que des banques refusent des prêts ou les proposent à des taux inacceptables, alors que l'État a déversé des milliards pour leur venir en aide.
En colère que le fonds de compensation de la TVA soit désormais intégré dans une enveloppe globale et encadrée, alors qu'il s'agit d'un remboursement variable d'une année sur l'autre, suivant les investissements réalisés.
En colère d'être obligés d'augmenter encore et toujours les impôts locaux, pour répondre aux besoins grandissants des habitants de nos communes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, considérez-vous que les communes et, plus largement, l'ensemble des collectivités locales, sont responsables des déficits publics et de l'endettement de la France ? Comptez-vous continuer ce travail de siphonage des ressources des collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Derrière votre bonhomie coléreuse, monsieur le député, se cache une véritable entreprise de désinformation ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Je vais essayer de répondre brièvement aux questions que vous avez posées.
Qui est responsable du déficit ? C'est, bien sûr, l'État. Tout le monde le dit, et nous sommes très clairs sur ce point : sur 2,5 ou 2,6 % de déficit, selon les années, l'État représente 80 % et les collectivités locales 0,2 à 0,3 %. Surtout, la progression du déficit est très forte et, en termes de débat sur les finances publiques, il est naturel de souligner que l'augmentation des dépenses des collectivités locales, aujourd'hui, est trop importante, car très largement au-dessus du niveau l'inflation et, en tout cas, très au-dessus du rythme d'évolution des dépenses de l'État. Il faut bien faire quelque chose, monsieur le député : si nous ne faisons rien contre cela, c'est le contribuable qui paiera.
Vous dites également que l'État se désengage et que les dotations de l'État ne sont pas au niveau. C'est faux ! Durant ces dix dernières années les propres dépenses de l'État ont augmenté de 1,7 ou 1,8 %, alors que les dotations que l'État consacre aux collectivités locales ont progressé de 2,5 à 2,6 %. Il y a un écart. Nous respectons les collectivités locales, mais elles doivent, elles aussi, respecter l'État. C'est de cette façon que l'on peut engager un dialogue constructif.
La proposition du Gouvernement pour 2009 est très favorable aux collectivités locales : nous proposons de suivre l'inflation, avec 1,1 milliard d'euros de plus que l'année dernière. Dans une période de crise, c'est beaucoup, me semble-t-il.
Enfin, s'agissant du fonds de compensation de la TVA, nous assumerons, comme il nous incombe de le faire, le remboursement de la TVA, dont le montant est plus élevé que les années précédentes, du fait des élections. Ce sont 660 millions de plus qui sont aujourd'hui octroyés aux collectivités locales, et il y aura 400 à 500 millions d'euros sur le reste des dotations. L'État fait en sorte que ses engagements soient tenus ; je le dis devant Mme la ministre des collectivités territoriales, Michèle Alliot-Marie.
Enfin, nous avons fait en sorte, avec Christine Lagarde, que l'ensemble du système bancaire puisse continuer à prêter aux collectivités locales.
Engageons un dialogue de responsabilité, monsieur le député, car c'est à cela, en réalité, que nous sommes tenus ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La crise financière qui secoue la planète a aussi des conséquences locales sur l'emploi et sur l'économie réelle.
Dans un premier temps, il fallait sauver le système bancaire français. Vous y parvenez, monsieur le Premier ministre, grâce aux sages décisions que vous avez été conduit à prendre avec le Gouvernement, aux côtés du Président de la République. Mais, aujourd'hui, l'industrie est fragilisée, et plus particulièrement l'automobile. Quatorze sites de production automobile réduisent leur activité pour s'adapter à la baisse de la consommation. On ne compte plus les entreprises qui s'apprêtent à réduire la voilure : Michelin, dans le domaine des pneumatiques, et Rhodia, dans celui de la chimie organique ! En région Bretagne, plus de 1 200 emplois vont être supprimés dans l'agroalimentaire et l'industrie automobile.
De tels événements nous amènent à nous interroger sur les mesures que doit prendre le Gouvernement pour soutenir l'économie industrielle française. C'est une question non seulement française, mais aussi européenne.
Le Président de la République a déclaré fort justement, jeudi dernier, qu'« un pays qui n'a plus d'industrie se prépare à laisser partir ses services ». Il a annoncé la création d'un Fonds stratégique d'investissement français dont le rôle doit être clair aux yeux de nos concitoyens.
Des démarches ont été entamées avec nos partenaires européens, dont l'Allemagne et le Royaume-Uni qui s'apprête à diminuer sa TVA. Aussi, monsieur le Premier ministre, j'aimerais que vous m'apportiez quelques précisions et que vous m'assuriez que les mesures prises dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie s'appliquent. Cela concerne tout d'abord les délais de paiement.
Je souhaite évoquer aussi le rôle des médiateurs du crédit sous l'autorité des préfets et le renforcement de leur mission dans le cadre de la crise actuelle. Il y a des difficultés sur le terrain.
Le plan de relance de grande ampleur annoncé ce matin par le Président de la République pour soutenir l'activité est indispensable.
Pouvez-vous préciser à la représentation nationale quelles initiatives le Gouvernement compte prendre pour accompagner et soutenir l'économie industrielle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député Benoit, vous posez plusieurs questions en une. Vous avez raison parce que c'est sur tous les fronts que nous devons répondre à la situation économique telle qu'elle se présente.
Deux questions pratiques concernent nos concitoyens. S'agissant des délais de paiement, la loi de modernisation de l'économie prévoit leur réduction à soixante jours avec effet au 1er janvier. Elle dispose également que les filières interprofessionnelles peuvent convenir de délais d'étalement de cette mesure pendant une période de deux à trois ans. Hervé Novelli travaille avec les filières. Nous avons intérêt, lorsque c'est nécessaire, à encourager la conclusion de ces accords.
Vous m'avez également interrogée sur le rôle du médiateur. Aujourd'hui, nous souhaitons que les entreprises et les collectivités locales puissent avoir accès au financement. Chaque fois qu'elles ne pourront y accéder, soit directement auprès des banques, soit en faisant appel à OSEO, qui est la véritable banque publique des petites et moyennes entreprises, elles pourront recourir au médiateur du crédit. Aujourd'hui, tous les pouvoirs publics sont mobilisés, qu'il s'agisse des préfets, des trésoriers-payeurs généraux ou des représentants de la Banque de France qui agissent en qualité de médiateurs locaux. C'est, en effet, sur tous les fronts et avec tous les acteurs que nous devons lutter.
Enfin, nous devons, chaque fois que c'est nécessaire, soutenir notre industrie par des politiques sectorielles – par exemple dans l'aéronautique où, sous l'autorité du Premier ministre, nous avons mis en place un plan financé à 500 millions d'euros, et dans le domaine de l'automobile pour lequel nous réfléchissons à un certain nombre de mesures – ou par des politiques structurelles visant à soutenir la recherche et le développement grâce au crédit impôt-recherche et à l'exonération de taxe professionnelle sur les investissements au cours de toute l'année 2009. Nous avons également créé le Fonds stratégique d'investissement. C'est donc ensemble et en nous mobilisant autour de notre industrie que nous parviendrons à l'aider. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Béatrice Pavy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, face à la crise économique, nous pouvons une nouvelle fois nous féliciter de voir que le Président de la République est dans l'initiative et dans l'action alors que l'opposition se perd dans des querelles de personnes au sein de son parti (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC), ce qui est en total décalage avec le fait que les Français attendent des réponses concrètes pour atténuer les effets de la crise que nous vivons. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La semaine dernière, Nicolas Sarkozy a présenté les contours du fonds stratégique d'investissement, une arme anticrise dont le principe avait été dévoilé le 23 octobre dernier. Avec 20 milliards d'euros d'actifs, ce fonds sera placé parmi les vingt premiers investisseurs de long terme dans le monde.
La vocation du FSI sera double : d'une part, conforter des entreprises ne trouvant pas sur le marché l'argent nécessaire à leur développement ; d'autre part, sécuriser le capital d'entreprises stratégiques.
En mettant ainsi de l'argent public dans le travail, Nicolas Sarkozy insiste sur sa volonté d'accomplir le programme sur lequel il a été élu en 2007. Il montre également que le Gouvernement ne laissera pas les citoyens désarmés face à la crise.
Hier, après les déclarations d'intention du G20, la Chancelière allemande et le Président français se sont retrouvées à l'Élysée pour le dixième conseil des ministres franco-allemand. Ils se sont ainsi attachés à faire des propositions concrètes pour sortir de la crise économique et financière. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Baratin !
Pouvez-vous nous détailler les grandes lignes de ce fonds stratégique d'investissement et expliquer à la représentation nationale quelles avancées ont été réalisées sur ce plan de relance européen ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame la députée, le Gouvernement agit sur tous les fronts, sur le court terme et le long terme, en matière de financement et en matière industrielle.
Sur le court terme, il était indispensable de réamorcer les financements et de faire en sorte que le crédit puisse circuler dans l'économie. C'est ce que nous avons fait grâce à la société française de financement de l'économie et grâce à la société de prise de participation de l'État, chaque fois que cela a été et sera nécessaire, dans le secteur bancaire.
Il agit également sur le moyen terme, avec des réformes structurelles concernant le crédit d'impôt recherche ou la taxe professionnelle et, bien entendu, le maintien de la politique des pôles de compétitivité.
Le fonds stratégique d'investissement est doté par l'État de 20 milliards d'euros, en conjugaison évidemment avec la Caisse des dépôts et consignations. Il aura pour vocation d'investir dans le capital d'entreprises dont le développement est menacé ou d'entreprises stratégiques pour l'industrie française. L'État a déjà pris 33 % du capité d'Aker Yards, chantier naval très important pour notre industrie, et 12 % du capital de Daher, sous-traitant essentiel dans le domaine aéronautique.
L'objectif de la société de financement, de la société de prise de participation et du fonds stratégique d'investissement, c'est tout simplement d'armer l'État pour qu'il soit en mesure de soutenir la compétitivité de nos entreprises et d'assurer leur pérennité pendant la crise et après. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations et « Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, lors du débat sur le plan de sauvetage des banques, les députés socialistes avaient demandé que l'Europe conçoive un plan de même ampleur pour soutenir les entreprises, les salariés et les ménages. Il semble qu'avec retard, ce que nous avions préconisé soit enfin à l'ordre du jour. La récession est là, et l'Union européenne semble en avoir pris la mesure, puisqu'elle prépare un dispositif commun de relance de l'économie. L'urgence est évidente ; plus une minute ne doit être perdue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mais la réussite dépend également des États. À plusieurs reprises, notre groupe a proposé d'agir dans trois directions (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) : la baisse de la TVA pour soutenir le pouvoir d'achat ; la baisse de l'impôt des entreprises qui investissent et créent des emplois ; enfin, l'abrogation des 15 milliards du paquet fiscal pour assurer un effort efficace et équitable, et freiner les déficits.
Je suis obligé de constater que vous avez fait la sourde oreille et que vous vous en êtes tenu aux maigres propositions pour l'emploi annoncées par le Président de la République à Rethel.
Or, le Premier ministre Gordon Brown vient d'annoncer la mise en oeuvre en Grande-Bretagne d'un plan de soutien à l'économie reprenant les mesures que nous avions proposées : la baisse de deux points de la TVA – soit l'équivalent d'une hausse annuelle du pouvoir d'achat de 16 milliards d'euros pour les consommateurs –, l'aide à l'investissement des entreprises et l'augmentation de cinq points de l'imposition des plus fortunés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le Premier ministre, vous citez souvent les Britanniques en modèle de votre politique économique. Trop souvent pour le pire ! Êtes-vous prêt, cette fois, à les suivre pour le meilleur et à proposer enfin un plan de relance de notre économie qui redonne confiance aux Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. François Fillon, Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Voilà que, tout d'un coup, Gordon Brown est devenu un exemple pour le parti socialiste !
La baisse de la TVA de deux points aurait dans notre pays – et vous le savez très bien, monsieur le président du groupe socialiste – trois conséquences. Tout d'abord, elle ferait la part belle aux importations et non à l'activité économique nationale.
La Grande-Bretagne ne se trouve pas dans la même situation, car il y a longtemps qu'elle a abandonné son industrie.
Ensuite, il s'agirait d'une baisse absolument équivalente pour tous les niveaux de rémunération, qui ne serait donc pas ciblée sur ceux qui en ont le plus besoin. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC. - Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Quant à l'imposition sur les plus fortunés, si vous êtes prêts à proposer à notre pays de s'aligner sur les niveaux de la Grande-Bretagne, faites cette proposition et nous en discuterons ici, à l'Assemblée nationale !
Monsieur le président du groupe socialiste, vous avez raison de dire que les prévisions économiques mondiales se dégradent de jour en jour. L'OCDE vient d'annoncer, aujourd'hui même, que le taux de croissance mondiale, qui était encore évalué à 5 % il y a quelques semaines, serait désormais de 1 %.
Dans cette conjoncture, la zone euro devrait connaître une récession de 0,6 %, l'Allemagne de 0,8 %, la Grande-Bretagne de 1,1 %, et la France de 0,4 %. En réponse à votre proposition de supprimer les mesures que nous avons prises à l'été 2007, je note que si notre économie résiste mieux que les autres économies européennes, c'est justement parce que nous avons injecté 10 milliards d'euros dans l'économie en 2007, ce qui se retrouve aujourd'hui dans le taux de croissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. - Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mais vous avez également raison de dire qu'après le plan de sauvetage des banques, dont je rappelle que la France a largement été à l'initiative, il faut un plan de relance de l'économie en Europe. Ce plan doit être massif, et c'est pourquoi nous préparons, avec le Gouvernement et sous l'autorité du Président de la République, des propositions qui vous seront soumises rapidement.
Nous souhaitons tout d'abord soutenir massivement l'investissement dans notre pays. Il s'agit de favoriser les investissements dans les infrastructures, les universités, la recherche, la formation, en prenant des mesures pour que tous les projets dont la mise en oeuvre est actuellement bloquée pour des raisons financières ou réglementaires puissent être libérés, de manière à ce qu'ils produisent des effets immédiats sur l'économie.
De même, nous voulons, pour une durée déterminée, lever les contraintes qui pèsent sur les acteurs publics afin qu'ils puissent engager plus rapidement les projets qu'ils ont prévus.
Enfin, nous souhaitons mettre en oeuvre des plans sectoriels, en particulier dans les domaines les plus touchés par la crise économique : le bâtiment, le logement et le secteur automobile. Nous présenterons dans quelques jours des mesures très ambitieuses pour ce dernier secteur. Il se trouve aujourd'hui un million de véhicules en stock chez les constructeurs français ; c'est une situation que nous n'avions pas connue depuis très longtemps. Nous prendrons des mesures, y compris fiscales, pour que le marché redémarre. En même temps, nous investirons dans l'industrie automobile pour que celle-ci soit en mesure de produire les véhicules de l'avenir, électriques et hybrides, qui nous permettront de nous placer en bonne position sur les marchés internationaux.
Pour que ce plan fonctionne, il doit être européen. Il faut donc une coordination entre les plans nationaux et même, si possible, une coordination entre le plan de relance européen et celui que prépare le nouveau gouvernement américain, car c'est ainsi que nous disposerons du levier qui nous permettra de relancer l'économie mondiale.
Dans le cadre des propositions que la France avait faites au Conseil d'octobre, la Commission annoncera demain ses propositions pour un plan de relance, lequel sera débattu au Conseil européen de décembre et entrera en vigueur avant la fin de l'année. Ce plan reprend de nombreuses propositions françaises qui suscitaient beaucoup de scepticisme il y a encore quelques semaines. Par exemple, la Commission insiste sur la nécessité de continuer à baisser les taux d'intérêt en Europe ; à 3,25 %, nous avons encore de la marge.
La Commission propose également de prendre des mesures spécifiques pour les PME, et en particulier d'alléger les contraintes que les règles de la concurrence font peser sur le soutien à ces entreprises. C'est une idée que nous défendons depuis plus d'un an, en particulier avec ce qu'il est convenu d'appeler le Small Business Act à la française.
La Commission propose encore une forte relance budgétaire, ce qui suppose que nous mettions entre parenthèses, dans des limites acceptables, les règles du pacte de stabilité et de croissance.
Monsieur Ayrault, ces mesures sont appelées de leurs voeux par la plupart des pays européens, notamment par de nombreux pays gouvernés par des socialistes.
Nous aimerions que vous les souteniez avec nous, mais cela supposerait que vous choisissiez une ligne politique ; et cela, c'est une autre histoire ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Michel Herbillon, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de la culture et de la communication, depuis vingt ans, personne n'a eu le courage de poser la question de la place et de l'avenir de la télévision publique en France. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Or, en vingt ans, le secteur audiovisuel a été profondément modifié : de nouveaux acteurs sont entrés en jeu et les technologies se sont considérablement développées.
Dans ce paysage audiovisuel bouleversé, très concurrentiel et qui dépend beaucoup de l'état de santé des annonceurs et de leurs exigences en termes d'audience, supprimer progressivement la publicité à l'antenne des chaînes publiques de télévision est une nécessité tant économique que culturelle. Le Président de la République a eu raison d'initier ce débat.
La commission pour la nouvelle télévision publique, qui a réuni professionnels et parlementaires de toutes tendances, au printemps dernier, et que présidait Jean-François Copé, a directement inspiré les préconisations du projet de loi sur l'audiovisuel public dont la discussion va commencer aujourd'hui devant notre assemblée.
Lors de l'examen de ce texte en commission spéciale, des aménagements ont été proposés par les députés.
En particulier, tout en gardant la logique de taxer l'effet d'aubaine dont devraient bénéficier les chaînes privées qui vont récupérer une partie de la publicité supprimée sur France Télévisions, nous avons souhaité prendre en compte la crise économique et ses effets sur les marchés publicitaires. D'où l'idée de moduler cette taxe : d'une part, en créant un plafond pour que son montant n'excède pas la moitié de l'accroissement du chiffre d'affaires ; d'autre part, en fixant un taux plancher de 1,5 % pour garantir un rendement minimal.
Néanmoins, il est bien entendu indispensable que France Télévisions dispose des moyens nécessaires, à la fois pour compenser la perte des recettes publicitaires mais aussi pour se développer. Le projet de loi dont nous allons commencer l'examen cet après-midi prévoit que l'État assurera cette compensation.
Madame la ministre, ma question est donc simple : pouvez-vous nous nous assurer que la perte de recette liée à la modulation de la taxe votée par la commission spéciale sera entièrement compensée par l'État en 2009 et pour les années de transition suivantes, et qu'ainsi les moyens de France Télévisions seront garantis ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur Herbillon, vous avez raison de souligner que la réforme que je vais présenter devant l'Assemblée est certainement la plus importante pour l'audiovisuel public depuis plus de vingt ans. En effet, elle vise à ce que l'on ait une télévision publique qui remplisse complètement ses missions et soit véritablement une télévision de service public, ambitieuse et créative. Pour y parvenir, cette réforme la libère des contraintes de l'audimat.
Tout cela nécessite, bien sûr, des financements stables et pérennes. Ce sera le cas puisque, conformément à une préconisation de la commission pour l'audiovisuel public, il est prévu que 450 millions d'euros seront assurés pour compenser les pertes de recettes publicitaires. Cette somme sera assise sur des taxes : une taxe sur les télécommunications, secteur dont tout le monde sait qu'il est en expansion, et de plus en plus producteur d'images ; et une taxe sur les transferts publicitaires des chaînes. Encore faudra-t-il, bien sûr, que ces transferts aient lieu. C'est pourquoi nous examinerons, selon le principe de progressivité de l'impôt, s'il y a ou non transferts. Il y aura donc une part de taxe assumée, et puis seront taxés les surplus de recettes publicitaires. Je crois que c'est une façon intelligente d'appréhender la question.
En tout état de cause, les 450 millions d'euros sont garantis de façon pérenne…
…pour 2009, 2010 et 2011. C'est l'essentiel ; et c'est un engagement de l'État. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.
Soixante ans se sont écoulés depuis la proclamation de la Déclaration universelle des droits de l'homme, soixante ans pendant lesquels les femmes ont acquis des droits économiques, sociaux et politiques.
Pourtant, l'actualité se charge de nous rappeler régulièrement que les femmes demeurent les victimes privilégiées de la violence sous toutes ses formes : non seulement domestique, mais également infligée durant les conflits armés ou sous couvert de pratiques que certains définissent comme « culturelles ».
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en France, 166 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint en 2007, et 410 000 femmes déclarent avoir subi des violences physiques en 2006. En Île-de-France et dans six départements, 70 000 adolescentes de dix à dix-huit ans sont potentiellement menacées de mariages forcés.
Hors de nos frontières, c'est le même constat. En Russie, par exemple, une femme meurt toutes les quarante minutes, victime de violences conjugales. En République Tchèque, une femme sur six est victime de violences dans son foyer, et une sur cinq connaît le même sort en Suisse. La situation est pire encore dans des pays comme l'Inde ou le Pakistan. En République démocratique du Congo, le viol est érigé en arme de guerre : entre 50 000 et 100 000 femmes ont été violées ou mutilées depuis 2003. Le 12 novembre dernier, quinze écolières afghanes ont été aspergées au vitriol dans la ville de Kandahar, parce qu'elles allaient à l'école. Quant à la traite internationale, elle concerne de 700 000 à deux millions de femmes chaque année, et elle alimente le blanchiment de l'argent.
En cette journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, il m'a semblé important, au nom de la Délégation aux droits des femmes, de rappeler cette réalité. Par conséquent, madame la secrétaire d'État, je souhaiterais savoir comment la France participe, sous votre impulsion, à la lutte contre ce fléau. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.
Madame la députée Zimmermann, les droits des femmes sont au coeur de mon action, car il n'est pas besoin d'être une femme pour comprendre que les droits de l'homme sont d'abord les droits de la femme. Comme le disait soeur Emmanuelle : éduquez un homme, vous éduquerez un individu ; éduquez une femme, vous éduquerez tout un peuple. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Longtemps l'histoire des hommes s'est confondue avec celle de leur violence. Et dans ces noces de sang avec l'histoire, la guerre des hommes a trop longtemps été la lutte contre les femmes.
La réalité sur le terrain est insoutenable. J'ai dû effectuer plus de soixante-dix déplacements en dix-huit mois et, partout, ces violences ont atteint une monstrueuse ampleur : en ex-Yougoslavie, au Rwanda, en République démocratique du Congo, au Liberia, en Sierra Leone, au Soudan. Chaque fois, au sein de l'horreur des populations pourchassées, chemine le cortège insoutenable des femmes mutilées. Voyez la RDC, vous l'avez rappelé : 50 000 à 100 000 femmes violées depuis 2003. Songez aux femmes, en Europe de l'Est, victimes de la traite et des réseaux de prostitution. Voyez, mesdames, messieurs les députés, ces femmes afghanes, admirables de courage devant les poussées de l'obscurantisme dans ce pays où, paradoxalement, il y a plus de députées femmes que dans vos travées. Car en France même – Valérie Létard qui mène un admirable combat ne me démentira pas –, entendez la parole des femmes soumises aux violences conjugales, aux mariages forcés et à l'excision.
J'ai donc souhaité, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, porter une initiative d'envergure. Il s'agit de mobiliser l'ensemble des vingt-sept pays européens autour d'un projet de lignes directrices contre les violences faites aux femmes, qui aboutira d'ici à la fin de l'année, et dont l'objet est de donner instruction à nos ambassades de faire des droits des femmes leur priorité en matière de droits de l'homme.
Contre les violences sexuelles dans les conflits armés, il a fallu aller plus loin en travaillant à intégrer la dimension « genre » dans les opérations de maintien de la paix, et notamment dans la politique européenne de sécurité et de défense.
Notre engagement est également financier puisque plus de deux millions d'euros ont été mobilisés en 2006 par la France pour contribuer au fonds des Nations unies qui lutte contre les mutilations génitales féminines.
Malgré cela, il faut continuer encore et toujours face à cette part d'inhumanité, pour que la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui affirme l'inviolable dignité des femmes et des hommes, soit mise en pratique très concrètement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, et sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, le Congrès des maires de France qui a débuté hier a, ce matin, évoqué l'avenir des territoires ruraux. Suite à ces débats, je souhaite vous poser quelques questions précises et vous faire part de mon analyse.
Croyez-vous, oui ou non, en l'avenir de ces territoires ? (« Oui ! Oui ! » sur quelques bancs du groupe UMP.) Croyez-vous qu'ils ont un rôle essentiel à jouer dans l'équilibre général de notre territoire national ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Les citoyens qui y vivent ont-ils les mêmes droits que les autres (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP) – droit à la santé, à l'éducation et aux transports – ou n'ont-ils que des devoirs ?
Monsieur le Premier ministre, les maires, quelle que soit leur appartenance politique, ont dit ce matin qu'ils se sentaient oubliés et négligés. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Se croyant protégés par la Charte sur les services publics en milieu rural, ils s'attendaient à être des partenaires à part entière des réformes engagées, qu'ils les soutiennent ou non. Or qu'ont-ils constaté ? Aucune concertation n'a eu lieu pour la réforme de la carte judiciaire, et de longs déplacements ont été nécessaires pour avoir la lecture du verdict, sans que la défense ait pu s'exprimer ; bien peu de concertation pour les transports – qu'il s'agisse des arrêts en gare supprimés ou des horaires modifiés – ; aucune concertation pour la carte militaire, sauf si les élus ont pris eux mêmes des initiatives ; aucune information précise, enfin, sur la RGPP, la révision générale des politiques publiques.
On se contente de nous dire qu'il y a des doublons, et que l'on fera mieux avec moins de personnels.
Par ailleurs, on annonce la cessation progressive de l'ingénierie publique dans le champ concurrentiel, et ce au mépris de la circulaire du 22 juillet 2008, qui prévoyait une négociation préalable.
Bref, on supprime les services et on vous explique ensuite comment vous en passer ! Le rouleau compresseur est en marche au nom de la rationalité et de la rentabilité, deux mots qui résonnent dans nos territoires comme de véritables couperets, sans parler des conséquences financières résultant du PLF.
Monsieur le Premier ministre, nos territoires veulent vivre et, surtout, se développer. Comme nous n'avons pas eu ce matin le plaisir d'accueillir Mme la ministre en charge de l'aménagement du territoire, c'est à vous que je pose la question : croyez-vous, oui ou non, aux territoires ruraux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
La politique ne gagne pas à se faire politicienne. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Les vrais sujets méritent d'être traités comme tels.
Il est faux, monsieur le député, d'affirmer que le Gouvernement se désintéresse des territoires ruraux. La preuve : pour répondre à certains propos, j'ai dit et répété que l'État devait être présent, notamment dans les territoires les plus fragiles et les plus isolés ; qu'il n'y aurait pas de suppression de petites sous-préfectures (Murmures sur les bancs du groupe SRC), comme certains le préconisaient, car ce sont précisément les territoires fragiles qui en ont le plus besoin. Idem pour les gendarmeries : l'autorité et le soutien de l'État doivent se manifester là où ils sont indispensables.
Si vous avez bien examiné ces questions, monsieur le député, vous aurez constaté que mon ministère veille à ce que les services publics se rapprochent de nos concitoyens (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR), comme en témoigne la nouvelle procédure d'immatriculation des véhicules ou celle de retrait des passeports, lequel pourra se faire en mairie et non plus en préfecture, comme autrefois. Il en ira de même, d'ailleurs, pour les cartes d'identité électroniques.
Quant à la concertation, c'est le gouvernement de François Fillon (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) qui a créé la conférence nationale des exécutifs, où siègent toutes les associations représentant les petites communes. J'ai moi-même créé, au sein du ministère de l'intérieur, la commission consultative d'évaluation des normes, afin de veiller à ce que de nouvelles normes nationales ou européennes n'amputent pas les budgets des petites communes.
Loin d'abandonner les communes rurales, nous sommes à l'écoute de leurs maires, qu'il s'agisse de réaffirmer la présence de l'État, d'encourager l'utilisation de nouvelles technologies afin de rapprocher les services publics des usagers, ou de poursuivre la concertation, laquelle est plus large que jamais. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous permettrez à l'élue provinciale que je suis, monsieur le député, de réaffirmer que les territoires ruraux font la richesse de la France.
C'est pourquoi, contrairement à certaines politiques autrefois menées par la gauche au nom d'un prétendu aménagement des territoires, nous voulons plutôt enrichir ces derniers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Patrice Verchère, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, et j'y associe M. Dino Cinieri, député de la Loire.
Le 20 novembre 2007, le débat sur le bilan de santé de la PAC s'est ouvert sur la base d'orientations présentées par la Commission européenne qui – soyons francs – n'étaient pas satisfaisantes, loin s'en faut, puisqu'elles prônaient l'affaiblissement des outils de régulation des marchés et la généralisation du découplage des aides directes.
Le 20 novembre dernier, un an jour pour jour après le début des négociations, un accord sur le bilan de santé de la PAC a été obtenu sur le base de propositions améliorées et équilibrées, respectueuses des priorités de la France et d'une majorité d'États membres. On ne peut que se féliciter de cet accord, qui était l'un des objectifs de la présidence française de l'Union.
Cet accord, très attendu par l'ensemble du monde agricole, est une étape importante. Faut-il rappeler que la France reçoit chaque année près de 9 milliards d'euros au titre du premier pilier de la PAC, et 900 millions au titre du second pilier, relatif au développement rural ? En 2007, les aides directes ont représenté 50 % du revenu de la ferme France, et près de 400 000 entreprises agricoles en ont bénéficié. C'est dire l'importance de cette politique commune !
Depuis un an, monsieur le ministre, vous vous êtes battu pour obtenir un accord qui garantisse une PAC marquée par plus de régulation, plus de prévention, plus d'équité et plus d'équilibre territorial. Issu, comme beaucoup d'entre nous, d'une circonscription où l'agriculture et la viticulture façonnent nos territoires, je tiens à vous féliciter devant la représentation nationale pour le combat que vous avez mené ces derniers mois. Vous n'avez pas cédé une once de terrain à ceux qui souhaitaient déréglementer à tous crins.
L'agriculture, comme les autres secteurs de l'économie, aura en 2009 un cap difficile à passer. L'accord que vous avez obtenu aidera certainement nos agriculteurs à relever ce défi.
Toutefois, certains d'entre eux demeurent inquiets, notamment au sujet des quotas laitiers. Pouvez-vous nous préciser le contenu de l'accord du 20 novembre dernier, et les perspectives qu'il ouvre à ces agriculteurs ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Vous avez raison, monsieur le député, de rappeler l'accord obtenu jeudi dernier, au petit matin, à la quasi-unanimité des membres de l'Union – et ce pour la première fois depuis le dernier élargissement.
Le bilan de santé de la PAC est une boîte à outils qui sert un projet agricole, alimentaire et territorial. Cette année, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, je me suis attaché au nom de la France à poursuivre cinq priorités.
Parce que les agriculteurs souffrent de la volatilité des prix et de la crise financière, nous devions préserver la quasi-intégralité des outils de régulation et de stabilisation des marchés : nous y sommes parvenus, comme je l'ai écrit à chacun d'entre vous.
Par ailleurs, les agriculteurs sont, de notre société, les producteurs les plus vulnérables aux aléas climatiques et sanitaires, et ils sont aussi les moins bien protégés. Ce bilan de santé nous offre désormais les moyens de créer des outils d'assurance.
Ensuite, les agriculteurs réclament à raison une répartition plus équitable des aides de la PAC, notamment au titre du premier pilier. Nous pouvons désormais – pourvu que nous en ayons le courage – réorienter certaines aides vers les filières qui en ont besoin : l'élevage ovin, les productions animales à l'herbe, l'agriculture biologique ou la production laitière en zones fragiles, pour ne citer que celles qui vous concernent, monsieur le député.
M. Verchère évoquait les quotas laitiers. Je rappelle que leur suppression a été décidée en 2003 et programmée pour 2014. Dès lors, nous devions prendre les précautions nécessaires pour accompagner cette disparition : c'est chose faite, puisque nous avons obtenu de maîtriser l'augmentation des quotas laitiers d'ici à leur suppression, de tenir compte des marchés et de consacrer des crédits importants à l'accompagnement de la production laitière.
Enfin, il nous faut relever de nouveaux défis, d'ordre écologique et énergétique : avec ce bilan de santé, nous en avons désormais les moyens.
En clair, à nous, dans les semaines qui viennent, d'utiliser cette boîte à outils pour que la PAC devienne en 2010 plus préventive, plus équitable et plus durable ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bernard Depierre, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, depuis quelques semaines, l'économie française et certains secteurs de notre industrie subissent de plein fouet les effets de la crise. En Côte d'or, c'est un symbole qui vole en éclat, avec la fermeture annoncée du site historique d'Amora à Dijon. Cela constitue un cataclysme économique, un drame humain et social puisque plus de 250 emplois sont directement menacés, sans parler de l'impact sur la sous-traitance.
Depuis des mois, le Gouvernement bataille pour soutenir l'économie. Le problème est que, pendant ce temps, dans presque toutes les régions, en Bourgogne en particulier, les élus socialistes aux commandes s'acharnent à vider les poches des entreprises, avec une fiscalité locale en explosion. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
En Bourgogne, les entreprises doivent faire face à une augmentation de 75 % du taux d'imposition de la taxe professionnelle et à Dijon, elles subissent une majoration de 80 % du versement transports.
Croyez-vous que cela soit tenable ? Non, bien sûr.
À Dijon, on produit de la moutarde depuis 1911. Il est capital de protéger ce patrimoine économique et culturel, indissociable de la France. Pour cela, il est fondamental non seulement de soutenir nos savoir-faire mais également de préserver davantage nos appellations et nos marques. Il s'agit d'enjeux déterminants pour la compétitivité de notre industrie.
Monsieur le secrétaire d'État, de quelle manière pouvons-nous encore mieux soutenir nos entreprises et nos fleurons industriels ? Des dispositions peuvent-elles être prises pour encadrer la fiscalité locale qui entrave le dynamisme de nos entreprises ? Ces questions sont simples, je vous remercie d'y répondre. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le député, vous avez raison de souligner la charge symbolique qui s'attache à une telle décision pour Dijon. La fermeture de ce site nous interpelle en effet et nécessite une clarification.
Première observation : le groupe Unilever a décidé de restructurer ses sites de production et de procéder à leur regroupement dans la périphérie de Dijon, le but étant de pérenniser la présence du groupe, donc d'Amora, sur le site de Chevigny-Saint-Sauveur.
Deuxième remarque : il convient de souligner qu'une partie des 265 postes qui devraient être supprimés fera l'objet de transfert, tandis qu'une autre partie sera reclassée à l'intérieur du groupe Unilever. J'ajoute que la moitié des 300 emplois qui seront créés du fait de la construction d'une plateforme logistique dans la périphérie de Dijon sera réservée aux salariés d'Amora.
Voilà, monsieur le député, les premiers résultats.
Cela étant il faut aller plus loin, et vous avez eu raison d'évoquer la nécessité de mener des actions structurelles pour développer nos petites et moyennes entreprises.
De ce point de vue, ni le Gouvernement ni le Parlement, en tout cas sa majorité, n'ont à rougir des décisions qui ont été prises depuis un mois et demi.
Ces actions, vous les connaissez puisque vous les avez votées. Je les énumère rapidement : suspension des effets de seuils financiers pour les PME qui croissent ; réduction des délais de paiement, qui apportera 4 milliards de trésorerie supplémentaire à nos PME ; soutien en fonds propres à nos petites et moyennes entreprises grâce au versement d'une partie de l'ISF – cette disposition a rencontré un franc succès puisque 1 milliard d'euros lui a été consacrée ; absence de taxe professionnelle pour les nouveaux investissements ; soutien au financement bancaire pour les PME, pour près de 22 milliards ; triplement du crédit impôt-recherche.
Telles sont, monsieur le député, les actions structurelles qui ont été menées par cette majorité depuis maintenant près d'un an et demi. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse au Premier ministre.
Nous allons tout à 1'heure engager le débat sur la réforme de l'audiovisuel. Cette réforme est simple : elle consiste à capter les ressources publicitaires de France Télévisions, soit 800 millions d'euros, et à les transférer aux chaînes privées, c'est-à-dire à affaiblir gravement la télévision publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Elle consacre une incroyable régression démocratique en reconstituant l'ORTF et la tutelle directe de l'État sur la télévision (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur quelques bancs du groupe GDR), puisque désormais le président de France Télévisions sera nommé et révoqué par décret présidentiel, mesure qui n'a d'équivalent dans aucun pays démocratique, alors que le pouvoir se mêle déjà quotidiennement du choix des programmes, des animateurs et des journalistes.
Cette réforme ouvrira également une ère de berlusconisation (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC) de la télévision privée en autorisant un déluge de publicité sur ces chaînes, par le biais d'une deuxième coupure dans les films, du relèvement du plafond horaire de publicité, ainsi que de la mesure immorale du placement de produit, autrement dit de la publicité cachée.
Ces mesures coûteront cher aux Français. Il faut trouver 450 millions d'euros dans l'urgence et 800 millions d'ici à 2011, pour satisfaire la lubie personnelle du Président de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Les plans sociaux se succèdent ; la société craque de toutes parts ; des services essentiels comme les hôpitaux ploient sous les déficits, et voilà que le Gouvernement décrète l'urgence pour trouver 450 millions d'euros d'argent public destinés à ce qu'on pourrait appeler le « club du Fouquet's » : MM. Bouygues, Bolloré ou Lagardère. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Pour cela, vous allez créer encore deux taxes supplémentaires, dont l'une sur les abonnements à Internet. Ce sont donc bien les usagers qui paieront l'addition. N'y avait-il ni plus utile ni plus urgent?
Il y a quelques semaines Édouard Balladur – qui n'a rien d'un Che Guevara –, saisi d'incompréhension devant un tel gaspillage d'argent public, en a appelé au bon sens du Gouvernement en lui demandant de surseoir à ce projet inutile. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le Premier ministre, il n'est pas trop tard : allez-vous entendre cet appel et retirer ce projet liberticide, coûteux et illégitime? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le député, il est étrange de voir la gauche défendre soudain avec tant de ferveur le financement de l'audiovisuel public par la publicité, qu'elle a si longtemps combattu,…
…avec tout ce que cela suppose en termes de programmes, de contraintes de l'audimat et d'aléas !
Aujourd'hui, face à une grave crise du marché publicitaire, le Président de la République souhaite une grande réforme culturelle garantissant un financement pérenne de l'audiovisuel public (Protestations sur les bancs du groupe SRC), à hauteur non de 800 millions d'euros, comme vous l'avez dit, mais de 450 millions garantis sur trois ans, ce qui est bien différent.
Dans un an, comme tous les téléspectateurs, vous verrez la différence : les programmes commenceront à vingt heures trente, la seconde partie de la soirée à vingt-deux heures quinze et les programmes, sans doute plus audacieux, iront au bout de la logique du service public.
Vous nous reprochez d'avoir fait des cadeaux aux groupes. Est-ce réellement le cas, lorsque nous instituons des taxes sur les télécom et sur les ressources publicitaires ?
Enfin, vous avez cité le nom de Berlusconi. Je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler dans quelles conditions, pendant les années 80, la Cinq avait été attribuée ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Gérard Hamel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville, la semaine dernière, l'observatoire national des zones urbaines sensibles a rendu public son rapport pour 2008, qui fournit de nombreuses statistiques. C'est donc une bonne occasion de faire le point sur la situation dans les quartiers populaires. En effet ce rapport permet de mieux évaluer les évolutions qui s'y produisent, ainsi que les effets des politiques qui y sont conduites.
D'abord, quel est votre sentiment sur ses conclusions, qui mettent en lumière des évolutions encourageantes dans les zones urbaines sensibles ?
Ensuite, la loi du 1er août 2003 l'ayant créé pour une durée de cinq ans, envisagez-vous de pérenniser cet organisme dont la contribution est très utile à notre expertise et si oui, dans quel cadre ?
La parole est à Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.
Monsieur Hamel, comme vous et comme beaucoup d'acteurs de terrain, j'attendais avec impatience le rapport de l'observatoire. La presse nationale et la presse régionale lui ont d'ailleurs fait largement écho.
Effectivement, il montre un début d'inflexion, une amorce de changement positif. C'est la première fois qu'il discerne des évolutions encourageantes dans les quartiers populaires en ce qui concerne l'éducation, l'habitat et la sécurité.
Nous ne pouvons pas nous satisfaire de ces résultats (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) car nous sommes encore loin des objectifs que nous ont fixés le Président de la République et le Premier ministre.
Toutefois ce rapport me conforte dans le choix de la méthode que j'ai mise en oeuvre, et d'une dynamique qui mobilise tous les acteurs, en premier lieu l'État, dans le cadre d'un programme chiffré d'action triennal de chaque ministère.
L'objectif est de réduire les écarts criants entre les territoires. Tel est le sens de la réforme de la dotation de solidarité urbaine, dont l'augmentation profitera essentiellement aux 150 communes les plus pauvres. C'est également ce que nous continuons de faire avec la dotation de développement urbain qui bénéficiera aussi aux cent villes les plus pauvres. Les conclusions du rapport doivent inspirer notre réflexion sur l'amélioration de la fiscalité locale et sur l'adaptation de la décentralisation.
Nous avons besoin de savoir ce qui fonctionne bien et ce qui ne fonctionne pas. Il faut une boussole pour garder le cap. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ce rapport permet d'aborder avec sérénité les réformes de l'année 2009.
La politique de la ville a besoin de clarté. L'observatoire national des zones urbaines sensibles est devenu un outil indispensable. Je suis favorable à ce qu'il soit pérennisé et à lui donner toute la latitude nécessaire pour vous informer sans aucune concession. Je ferai des propositions en ce sens au prochain conseil interministériel des villes. Je peux vous assurer que, pour atteindre nos objectifs de justice, ma détermination est sans faille. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Jean-René Marsac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Le mercredi 12 novembre, lors des questions aux Gouvernement, j'ai interrogé le Gouvernement sur ses actions en faveur de l'industrie automobile. J'exprimais les inquiétudes de nombreux collègues à propos des conséquences de la crise dans les bassins d'emploi où l'industrie automobile est le principal employeur. Le Gouvernement s'est alors contenté de me faire part d'intentions de portée très générale.
Or, le jeudi 20 novembre, le groupe Peugeot-Citroën a annoncé la suppression de 3 550 emplois sur l'ensemble de ses sites de production. Le site de Rennes-La Janais sera le plus touché avec 1 750 suppressions d'emplois prévues, dont 850 emplois supprimés à la suite de départs prétendument volontaires et 900 emplois supprimés en contrepartie de propositions de mobilité professionnelle vers d'autres sites de PSA, dont chacun sait bien que cette mobilité sera, en fait, impossible pour la très grande majorité des personnes concernées. En tout état de cause, à Rennes, il s'agit bien d'une suppression nette de 1 750 emplois, soit 20 % des effectifs d'une usine qui a déjà perdu 4 000 emplois en CDI depuis 2005 : 12 000 salariés à l'époque, et 8 000 aujourd'hui.
Par ailleurs, dans quelques semaines, ces suppressions d'emplois en entraîneront d'autres dans les entreprises sous-traitantes, puisqu'un emploi chez le constructeur induit un emploi chez les sous-traitants. Ce bilan s'ajoute à la disparition des très nombreux emplois d'intérim au cours de l'année 2008.
Les bassins d'emplois où l'industrie automobile est le principal acteur de l'activité économique locale se trouvent ainsi dans une situation économique et sociale dramatique. C'est le cas dans tout le sud de l'Ille-et-Vilaine où, entre l'agglomération rennaise et le Pays de Redon, se succèdent les usines de sous-traitants implantés pour assurer la mise en oeuvre des livraisons en flux tendu.
Je souhaite savoir quelles mesures concrètes et immédiates le Gouvernement compte prendre pour impulser une nouvelle dynamique industrielle en matière de production d'automobiles de nouvelle génération, pour obtenir du groupe PSA et des groupes sous-traitants qu'ils contribuent financièrement à la réindustrialisation des territoires concernés, et pour redonner des perspectives nouvelles aux milliers de salariés concernés et aux territoires impactés – tout particulièrement en ce qui concerne l'Ille-et-Vilaine. Je souhaite obtenir des réponses très concrètes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur Jean-René Marsac, vous avez raison de souligner la situation difficile dans laquelle se trouve l'économie du secteur automobile, dans le monde entier.
Je remarque toutefois que, depuis le début de l'année, alors que l'ensemble du marché européen enregistre un recul de près de 7 %, le marché français a connu une croissance de plus de 2 %, grâce au dispositif du « bonus-malus ».
Les difficultés sont pourtant là avec leur cortège d'effets : plans de départs, moindre recours à l'intérim, chômage technique… Heureusement, le Gouvernement n'a pas attendu que les problèmes se posent pour agir. Dès juin dernier, Christine Lagarde et Luc Chatel ont signé une charte avec les constructeurs automobiles français pour anticiper, bassin d'emploi par bassin d'emploi, les mutations économiques, au plus près de la situation.
Par ailleurs, l'exonération de la taxe professionnelle permettra de préparer l'avenir. Cette taxe pèse, en moyenne, 150 euros par véhicule, alors que la marge du constructeur, en France, se monte à environ 400 euros par véhicule. Cette mesure qui, l'année prochaine, concernera les nouveaux investissements est donc particulièrement pertinente.
Pour favoriser l'innovation, le crédit impôt-recherche a permis de doubler les fonds alloués à la recherche et au développement dans le secteur de l'automobile.
Pourtant, à l'évidence, ces mesures ne suffisent pas. C'est pourquoi, sur le plan européen, une relance concertée du secteur automobile est à l'ordre du jour. Nous serons fixés sur ce point dans quelques heures. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Suppression d'emplois chez PSA
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Marc Laffineur.)
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion (n° 1232).
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, lorsque vous avez conçu le RSA, personne ne pouvait imaginer l'onde de choc économique et sociale qui allait frapper notre pays après la crise financière que nous avons traversée au mois de septembre. La création puis la généralisation du RSA, qui représentent une réforme majeure des politiques sociales, sont d'autant plus opportunes dans un tel contexte. Le RSA doit en effet améliorer la situation des travailleurs pauvres, garantir l'égalité de traitement de tous nos compatriotes modestes à quotité de travail et à situation de famille égales, et encourager les personnes concernées à reprendre le travail.
Atteindre cet objectif implique, ainsi que je l'avais indiqué lorsque j'ai présenté mon rapport devant l'Assemblée en première lecture, qu'un certain nombre de conditions soient remplies : le dispositif doit procurer à son bénéficiaire reprenant un emploi un surcroît de revenu suffisant pour qu'il ait un intérêt financier à quitter l'assistance ; les droits connexes locaux doivent être pris en compte ; une action volontariste et efficace de lutte contre le temps partiel subi doit être menée ; le RSA doit reposer sur un équilibre entre les droits et les devoirs des bénéficiaires et comporter des mesures de lutte contre les fraudes ; la gouvernance du dispositif doit être simple ; enfin, l'évaluation permanente de celui-ci est nécessaire.
Quant à la question du financement du dispositif, elle supposait la recherche de ressources adaptées, justes et compatibles avec la priorité donnée à la politique du pouvoir d'achat. Il convenait, en outre, de prévoir une compensation loyale des charges transférées aux départements, tout en veillant à l'articulation du dispositif avec la prime pour l'emploi, qui doit être conservée.
Les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale en septembre ont très largement répondu à l'ensemble de ces préoccupations. En effet, je rappelle, sans dresser une liste exhaustive de ses apports, que notre assemblée a, à la demande du groupe communiste, érigé la lutte contre la pauvreté au rang d'impératif national et qu'elle a pris en compte les problèmes spécifiques des jeunes, avec une demande de rapport proposée par le groupe socialiste et qui est allée beaucoup plus loin en commission mixte paritaire. L'Assemblée a également prévu un accès équitable des non-salariés au RSA, à la suite des amendements présentés par Pierre Cardo, et elle a envisagé, à la demande de Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances, la perspective d'une éventuelle intégration de l'ASS au RSA, qui devra faire l'objet d'un rapport.
J'ai moi-même veillé à ce que les règles relatives à l'instruction des dossiers soient clarifiées et que, dans ce cadre, la légitimité des centres communaux et intercommunaux d'action sociale soit réaffirmée. J'ai également obtenu que soit prise en compte la question des droits connexes, en permettant aux collectivités locales d'accéder aux données recueillies par la sécurité sociale afin d'apprécier les ressources des bénéficiaires d'aides locales. Par ailleurs, j'ai soutenu les amendements associant les maisons de l'emploi et les plans locaux d'insertion à la gestion du RSA.
À l'initiative de Dominique Tian et de Benoist Apparu, nous avons institué l'obligation de suspendre, sauf décision motivée, l'allocation des bénéficiaires qui ne respectent pas leurs engagements d'insertion.
S'agissant de la réforme des politiques d'insertion, l'Assemblée nationale a notamment clarifié, afin de les pérenniser, le statut juridique de structures telles que les Compagnons d'Emmaüs, rendu obligatoire le pacte territorial pour l'insertion et assoupli certaines modalités du contrat à durée déterminée d'insertion, par exemple en instaurant des périodes d'immersion en entreprise intégrables à ces contrats.
La question du financement du dispositif a beaucoup occupé notre assemblée. L'examen du projet de loi de finances a permis de concrétiser le principe du plafonnement synthétique des niches fiscales et nous ne pouvons que nous réjouir, Laurent Hénart et moi-même, d'avoir contribué à inscrire cette mesure dans le projet de loi sur le RSA, ainsi que la taxe sur les revenus du capital, qui sera concentrée sur les plus aisés de nos concitoyens et qui devra être réexaminée annuellement en fonction des dépenses de RSA et du rendement du plafonnement des niches.
Par ailleurs, nous avons décidé que la compensation des charges transférées aux départements sera intégrale et que le contrôle en sera assuré par la commission consultative d'évaluation des charges. Enfin, l'article 18, introduit notamment à l'initiative du président de la commission des affaires sociales, Pierre Méhaignerie, comporte une avancée évidente en matière d'évaluation.
Le Sénat a respecté, pour l'essentiel, les apports de l'Assemblée nationale et les a même enrichis. En effet, plusieurs des mesures qu'il a adoptées développent ou reprennent des dispositions non abouties à l'Assemblée. Il a ainsi voté la suppression de la possibilité de réduire le RSA au motif que le bénéficiaire est en établissement d'hébergement, suppression que la commission des affaires sociales avait votée à l'Assemblée, mais qui s'était heurtée à l'article 40 de la Constitution. Le Sénat a également créé un fonds d'appui aux expérimentations en faveur des jeunes, que nous avions appelé de nos voeux et que le Gouvernement a accepté. Il a enfin précisé que les avantages connexes accordés par les collectivités locales ou les caisses de sécurité sociale à titre extralégal devront être attribués de telle sorte qu'ils n'entraîneront aucune discrimination à situation et à ressources égales.
D'autres apports du Sénat sont à saluer, tels que la prise en compte explicite des bénéficiaires de la protection subsidiaire pour le RSA, le principe d'une révision périodique de celui-ci, la prise en charge par l'État de l'allocation de RSA pendant trois mois en cas de conclusion d'un contrat aidé, afin d'assurer la stricte neutralité financière pour les départements, ou la possibilité de prolonger exceptionnellement les contrats dans les structures d'IAE pour les salariés de plus de cinquante ans et pour les salariés handicapés.
En revanche, quelques initiatives sénatoriales ont remis en cause certains choix de l'Assemblée. Le Sénat avait ainsi supprimé la faculté pour les CCAS et les CIAS d'instruire les demandes de RSA sans avoir à être conventionnés par le conseil général et il a fortement réduit le rôle reconnu dans le projet de loi aux plans locaux d'insertion et aux maisons de l'emploi, au motif qu'ils n'ont pas nécessairement la personnalité juridique.
La commission mixte paritaire s'est réunie le 4 novembre. Ses débats se sont déroulés dans d'excellentes conditions, permettant de revenir, sur plusieurs points, au texte de l'Assemblée ou à des solutions de compromis très proches de la conclusion de nos débats en première lecture. Elle a ainsi rétabli la mention des plans locaux d'insertion parmi les organismes associés à la gestion du RSA, en précisant, pour répondre aux objections du Sénat et sur une suggestion très pertinente de Laurent Hénart, que ce sont les personnes morales qui gèrent les PLIE, et non les PLIE eux-mêmes, qui participeront à la mise en oeuvre des politiques d'insertion. La commission mixte paritaire a également rétabli la compétence de droit commun des CCAS et des conseils intercommunaux d'action sociale pour instruire le RSA – ceux-ci n'auront donc pas besoin d'une délégation du conseil général –, en précisant qu'ils devront formellement décider d'exercer cette compétence. Elle a rétabli la mesure votée à l'Assemblée qui donnait une base légale aux groupes économiques solidaires rassemblant diverses structures d'insertion par l'activité. Enfin, la commission a aménagé l'exclusion, décidée au Sénat, du patrimoine professionnel et des éléments de patrimoine pouvant être évalués forfaitairement en cas de taxation selon les éléments du train de vie ; cette exclusion sera plafonnée par décret.
Reste un dernier point, qui nous occupe encore aujourd'hui : les dispositions favorables aux personnes handicapées, que Jean-François Chossy, ici présent, avait proposé d'inscrire dans le projet de loi, comme il le fait à chaque fois qu'un texte est susceptible de concerner les personnes handicapées, et je le remercie pour son indispensable persévérance. Nous avions adopté, à son initiative, deux articles additionnels, qui portaient, l'un, sur l'accomplissement de l'obligation d'emploi par l'accueil de stagiaires, l'autre, sur la manière dont doivent être décomptés les salariés handicapés pour vérifier le respect de l'obligation. Compte tenu de son incidence financière, puisqu'elle est susceptible d'entraîner, pour les entreprises, des versements complémentaires à l'AGEFIPH, cette question du décompte est évidemment très sensible, en particulier lorsqu'il s'agit de stagiaires à temps partiel.
D'un côté, lorsqu'on constate qu'une personne handicapée susceptible de travailler sur quatre est au chômage et que 40 % des entreprises soumises à l'obligation d'emploi n'emploient directement aucun travailleur handicapé et se contentent de financer l'AGEFIPH, on peut penser qu'il faut tout faire pour favoriser l'embauche des personnes handicapées, même en stage, même à temps partiel. De l'autre, la fragilité des personnes handicapées justifie que l'on évite de favoriser les situations d'emploi trop précaires. Il faut donc prendre garde à la manière dont on prend en compte ces situations pour la vérification de l'obligation d'emploi créée par la loi.
C'est sur le fondement de cette préoccupation que, sur la proposition du président de la commission des affaires sociales du Sénat, Nicolas About, la CMP a modifié les dispositions qui avaient été votées, en amendant les articles 13 bis et 13 ter du texte. Si les membres de la CMP ont accepté ces modifications, ils étaient néanmoins conscients de la nécessité de trouver une solution qui ne porte pas atteinte aux légitimes préoccupations de Jean-François Chossy. Le Gouvernement va nous proposer, par voie d'amendement, un compromis qui renvoie en partie à des dispositions réglementaires ; de nouvelles concertations auront lieu avant leur définition. Sans anticiper sur le débat que nous allons avoir dans quelques minutes, il me paraît sage de retenir une option qui permette d'affiner le dispositif en concertation avec le monde associatif.
Sous le bénéfice de ces observations, j'invite l'Assemblée nationale à approuver le texte élaboré par la commission mixte paritaire, afin que soit rapidement mise en oeuvre la réforme du RSA, dont nous avons plus que jamais besoin dans le contexte actuel. Ce dispositif permettra notamment de distribuer du pouvoir d'achat à des travailleurs modestes ou pauvres, qui vont vivre une période difficile, compte tenu de la crise que traversent la plupart des pays industrialisés.
J'ajoute que je suis particulièrement satisfait que nous ayons pu prévoir la création d'un fonds qui permette d'expérimenter les actions RSA en faveur de certains publics jeunes et que ce fonds puisse être mis en place sans tarder, c'est-à-dire dès le lendemain de la promulgation de la loi, comme le propose un amendement du Gouvernement que nous soutiendrons ardemment. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous voici parvenus, après son passage en commission mixte paritaire, le 4 novembre dernier, à l'ultime étape de l'examen du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion, dont vous connaissez les enjeux pour l'ensemble des salariés modestes et des travailleurs pauvres, ainsi que pour les personnes qui perçoivent le revenu minimum d'insertion et l'allocation spécifique de solidarité.
Je souhaite rendre un hommage particulier au travail qui a été réalisé par l'Assemblée nationale, notamment par le président Méhaignerie et les deux rapporteurs, Marc-Philippe Daubresse et Laurent Hénart, qui ont sans cesse oeuvré à l'amélioration et à l'enrichissement du texte qui vous a été soumis. Je tiens également à remercier les députés qui, par la qualité de leurs contributions au débat, ont permis dix avancées majeures.
Première avancée : les garanties données aux départements en matière de compensation du coût de l'extension de compétence liée au RSA ont été considérablement renforcées.
Deuxième avancée : l'aide personnalisée de retour à l'emploi a été créée en complément du revenu de solidarité active, pour prendre en charge tout ou partie des coûts exposés lors de la reprise d'une activité professionnelle. Elle sera financée par l'État à hauteur de 150 millions d'euros.
Troisième avancée : les droits connexes locaux ont été mieux pris en compte. Du reste, de nombreuses collectivités locales, notamment la région Île-De-France, nous disent avoir entamé ce chantier, afin de sortir d'un système absurde qui voulait que, dès la reprise du travail, on paie plein tarif. Le Premier ministre désignera dans les prochains jours un parlementaire en mission, Mme Sylvie Desmarescaux, pour travailler auprès de nous et aider les collectivités locales à harmoniser les droits connexes locaux.
Quatrième avancée, à laquelle le rapporteur a beaucoup contribué : le rôle des centres communaux d'action sociale a été nettement affirmé ; ils sont des partenaires à part entière du nouveau dispositif.
Cinquième avancée : les aides accordées par les collectivités territoriales aux entreprises peuvent désormais être liées à un engagement de ces dernières en matière de création d'emplois, notamment d'emplois à temps plein. Dans le même esprit, un article additionnel prévoit que « l'augmentation de la durée du travail » entre désormais dans le champ de la négociation collective.
Sixième avancée : un statut légal a enfin été reconnu aux organismes qui, telles les Communautés Emmaüs, font participer les personnes qu'ils accueillent à une activité d'économie solidaire. Cela ne faisait jamais que soixante ans que cette demande était exprimée !
Septième avancée : le contrat unique d'insertion pourra être prolongé au-delà de vingt-quatre mois, notamment pour les personnes âgées de plus de cinquante ans. Cette disposition, que nous avons pu obtenir grâce à la pression que vous avez exercée, répond à une demande pressante de nombreux acteurs de l'insertion depuis de trop nombreuses années. Elle évite de renvoyer vers le chômage jusqu'à l'âge de la retraite des personnes qui sont dans l'incapacité de retrouver un emploi classique. Elle sera applicable dès le 1er janvier 2009 pour les contrats aidés actuels.
Huitième avancée : les pactes territoriaux d'insertion ont été rendus systématiques par un amendement voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, renforçant ainsi cet instrument de contractualisation globale sur l'insertion.
Neuvième avancée : un fonds d'expérimentation pour les jeunes a été créé par un amendement voté au Sénat. Dès la promulgation de la loi, la semaine prochaine, ce fonds sera doté par l'État de 10 millions d'euros. Plusieurs régions et départements de divers gauche – de divers bords, voulais-je dire (Sourires)…
…ont déjà fait connaître leur intérêt pour participer à des programmes expérimentaux.
Dixième avancée, enfin : le principe du plafonnement global des niches fiscales a été introduit lors de l'examen à l'Assemblée nationale et a aussitôt été traduit dans une disposition intégrée au projet de loi de finances pour 2009. Quand on dit qu'on le fait, on le fait ! C'est une mesure de justice importante qui a pu se concrétiser grâce au débat sur le financement du revenu de solidarité active.
Comme vous pouvez le constater, non seulement les principes qui sous-tendent la création du revenu de solidarité active et du contrat unique d'insertion ont été respectés et renforcés, mais le projet de loi a permis de répondre à des demandes exprimées sur tous les bancs du Parlement. Il a également permis de répondre aux préoccupations relatives à l'insertion professionnelle des personnes handicapées, prises en compte grâce à deux amendements issus de votre assemblée ; mais nous aurons l'occasion de revenir sur cette question, puisque je vous présenterai un texte de complément qui permettra une évolution de la prise en compte de l'obligation d'emploi des personnes handicapées après un dernier tour de concertation avec vos représentants et ceux des associations.
Vingt ans exactement après la création du revenu minimum d'insertion, ce sont donc des améliorations très sensibles et des réponses nouvelles aux problèmes qui touchent les plus modestes qui ont été apportées.
Je voudrais souligner un fait assez exceptionnel. D'ordinaire, quand on remplace un dispositif par un autre – ce qui est le cas en l'occurrence, puisque le RMI va disparaître au profit du RSA –, le créateur du dispositif initial a toujours tendance à critiquer celui destiné à le remplacer. La réforme que constitue l'instauration du RSA constitue une exception, dans la mesure où elle est soutenue par les pères du RMI. À ce sujet, je vous renvoie à une interview, parue aujourd'hui même, du Premier ministre de l'époque, où celui-ci soutient le passage au RSA. Cela constitue un fait suffisamment rare pour être souligné – mais sans doute, si vous votez ce texte sur le revenu de solidarité active, serez-vous fiers, dans vingt ans, de soutenir à votre tour le dispositif qui le remplacera !
Certains craignaient que le financement du revenu de solidarité active ne se fasse au détriment du financement des contrats aidés : or, les crédits consacrés aux contrats aidés vont également augmenter. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Certains craignaient que les crédits de la prime de Noël ne soient « recyclés » dans le revenu de solidarité active : or, cette prime de Noël a été augmentée pour tenir compte du différentiel entre la revalorisation du RMI et de l'API et le niveau de l'inflation.
Certains craignaient un désengagement de l'État à l'égard des conseils généraux : or, l'État a reconduit à hauteur de 500 millions d'euros le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion qui devait s'interrompre fin 2008 ; ces crédits s'ajoutent aux 1,5 milliard d'euros de crédits nouveaux pour le revenu de solidarité active.
Certains craignaient un manque d'engagement des partenaires dans cette nouvelle réforme : sans attendre, avec l'assemblée des départements de France, nous avons mis en place un comité de pilotage qui réunit très régulièrement, outre l'État et les départements, l'UNCCAS, la CNAF, la MSA et Pôle emploi.
Au regard du contexte économique difficile, le revenu de solidarité active est plus que jamais nécessaire. Il permettra à de nombreux salariés de sortir de la pauvreté ou de ne pas y tomber. Si le revenu de solidarité active favorise le retour à l'emploi – ce qui est confirmé mois après mois, sans exception, dans les programmes expérimentaux –, il soutient aussi ceux dont la situation ne s'améliore pas ou se dégrade temporairement. Si l'on garantit à une personne qu'en cas d'augmentation de ses revenus du fait d'un retour au travail, elle en conservera 62 %, on doit également lui garantir que, en cas de dégradation temporaire de sa situation, sa perte de revenus sera atténuée. Bref, le dispositif du RSA sera utile en bonne comme en mauvaise période à ceux dont on se préoccupe en général le moins.
Au-delà des clivages politiques, au-delà du débat sur les questions fiscales qui a parfois pris le pas sur les enjeux sociaux pour les plus modestes, au moment où vous avez à vous prononcer sur ce projet de loi, je vous invite donc à mesurer les progrès rendus possibles par vos travaux et par l'adoption de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, monsieur le haut commissaire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici réunis une dernière fois pour examiner le projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et portant réforme des politiques d'insertion. L'ambition de ce projet de loi bouscule les clivages partisans, puisque l'enjeu est d'apporter des solutions adaptées pour lutter efficacement contre le fléau de la pauvreté.
Vous le savez mieux que personne, monsieur le haut commissaire, vous qui n'avez cessé d'accompagner les plus démunis de nos compatriotes tout au long de votre parcours associatif et politique : la France compte aujourd'hui plus de 7 millions de personnes qui vivent en deçà du seuil de pauvreté.
Depuis plusieurs années, la pauvreté connaît même un nouveau visage : celui des « travailleurs pauvres », des femmes et des hommes qui se lèvent tous les matins pour aller travailler mais qui ne disposent pas de revenus leur permettant de vivre décemment et de faire vivre leurs familles. Voilà la triste réalité à laquelle nous devons faire face.
Il était donc urgent d'enrayer ce phénomène insupportable et de prendre acte des évolutions sociales pour repenser notre système d'insertion. Depuis vingt ans, ce système se cristallise autour du revenu minimum d'insertion, qui a révélé son inefficacité en enfermant de nombreux bénéficiaires dans un assistanat prolongé.
Le dispositif du RSA parvient à fédérer pragmatisme et solidarité, deux notions qui ont une résonance particulière chez les élus du Nouveau Centre. Solidarité, bien sûr, car il va permettre à ses bénéficiaires de retrouver le chemin de la dignité grâce à un complément de revenu important, mais aussi grâce à un accompagnement et à un suivi personnalisé performant. C'est tout l'intérêt de ce texte : le RSA n'est pas une allocation de plus, mais un tremplin vers la maîtrise retrouvée de son parcours professionnel et personnel.
Pragmatisme également, parce que le dispositif est guidé par une parfaite connaissance des insuffisances de notre système d'insertion, et appuyé sur une expérimentation conduite dans trente-deux départements.
Le mécanisme du RSA est tout simplement de bon sens : toute progression de ressources tirée de l'exercice d'une activité professionnelle se traduira par une baisse du RSA inférieure au montant de la progression. Désormais, les ressources globales de la famille progresseront à raison des revenus d'activité perçus. Il y a donc une réelle incitation au retour à l'emploi, ce qui n'existait pas avec le RMI, malgré les réformes de l'intéressement.
Ce texte fait également disparaître une aberration de notre système actuel, à savoir le principe des droits connexes liés au statut : aujourd'hui, un bénéficiaire qui s'engage sur la voie du retour à l'emploi perd subitement la totalité de son allocation, mais aussi les différents avantages liés à son statut d'allocataire. Dans de nombreux cas, il est donc plus avantageux de rester au RMI et de continuer à bénéficier de droits aussi fondamentaux que l'accueil prioritaire de ses enfants en crèche, ou la possibilité de se soigner grâce à la couverture maladie universelle. Désormais, tous les droits sociaux connexes, qu'ils soient nationaux ou locaux, seront attribués en fonction des revenus du foyer, et non de tel ou tel statut.
À travers l'institution du RSA, les politiques de solidarité se réconcilient enfin avec l'incitation au travail et redonnent tout son sens au mot « insertion ». Lors des débats en première lecture, notre groupe avait exprimé ses vives réticences sur la question du financement qui, par le biais du mécanisme du bouclier fiscal, exonérait quelques-uns des plus fortunés de nos compatriotes de cet effort de solidarité. Cette situation, bien que symbolique, nous semblait contradictoire avec l'ambition du texte consistant à réduire le nombre de pauvres dans notre pays.
Le compromis que nous avons trouvé sur le plafonnement des niches fiscales, porté avec force depuis de nombreuses années par Charles de Courson, est une avancée.
Nous espérons que la voie entrouverte par le vote du plafonnement des niches dans le projet de loi de finances pour 2009 permettra d'aller encore plus loin.
Le volet du texte relatif aux dispositifs d'insertion recueille notre plus grande satisfaction. En instituant le contrat unique d'insertion, il simplifie considérablement le foisonnement des dispositifs existants. Cette réforme était d'autant plus urgente que la crise actuelle nous enjoint d'améliorer l'efficacité de nos outils d'insertion vers l'emploi durable, notamment depuis l'annonce, par le Président de la République, de la création de 100 000 contrats aidés supplémentaires en 2009.
Votre projet de loi, combiné avec la création de Pôle emploi, l'institution d'un véritable accompagnement personnalisé des personnes en difficulté, la modernisation des droits et des devoirs des demandeurs d'emploi et la prochaine réforme de la formation professionnelle, nous offre une occasion historique de moderniser structurellement notre service public de l'emploi et de l'insertion, afin de l'adapter à la réalité du marché du travail du xxie siècle.
Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des dispositions qui sont venues enrichir le texte tout au long de nos débats et qu'a rappelées M. le rapporteur. J'exprimerai simplement la satisfaction du Nouveau Centre qui a vu ici l'adoption d'un nombre substantiel de ses amendements : le plafonnement des niches, bien sûr, mais également les nombreux amendements défendus par Francis Vercamer, dont la grande connaissance des questions d'insertion a permis de perfectionner ce texte pour l'adapter au plus près de la réalité des différents acteurs concernés.
Je pense à la reconnaissance du rôle des Maisons de l'emploi et des PLIE dans l'accompagnement vers l'insertion professionnelle, à la variété introduite dans les contrats d'insertion comme la possibilité pour le bénéficiaire de suspendre son contrat pour accomplir un stage ou une période d'essai chez un autre employeur afin d'optimiser ses chances de retrouver un emploi durable. Je pense, enfin, à l'évaluation de l'impact du RSA sur le recours au temps partiel.
Je voudrais également souligner l'importante contribution des parlementaires de la majorité comme de l'opposition qui, au-delà des divergences sur la question du financement, ont su adopter un nombre considérable d'amendements à l'unanimité. La reconnaissance du statut des compagnons d'Emmaüs en est un bel exemple, tout comme la possibilité, pour les personnes en situation de détresse sociale, de prolonger au-delà de vingt-quatre mois le contrat unique d'insertion.
Pour conclure, monsieur le haut commissaire, je tenais à vous faire part de l'admiration de mon groupe parlementaire pour l'ensemble de votre action au cours de ces dernières années.
En vous battant pour remettre de la dignité là où le désespoir s'installe, vous démontrez avec force que la politique, ce n'est pas seulement appartenir à un camp, c'est avant tout servir l'intérêt de tous…
…et avoir le souci constant de faire progresser la cause de ceux qui souffrent.
C'est donc avec fierté que le Nouveau Centre apporte son soutien à votre projet de loi, et vous encourage à consacrer encore longtemps votre énergie au service de la solidarité nationale.
La barre est placée très haut ! Que peut-on dire de plus pour vous plaire, monsieur le haut commissaire ?
Monsieur le président, monsieur le haut commissaire, mes chers collègues, beaucoup de choses ont été dites lors des différentes discussions sur le RSA, et sans doute n'est-il pas nécessaire de vous rappeler l'avis extrêmement favorable que j'ai déjà exprimé à l'égard de ce projet.
Je ne reviendrai donc pas sur tous les éléments qui ont déjà été largement abordés par mes collègues et les rapporteurs. Je me bornerai à quelques réflexions. Je me félicite d'abord des discussions très positives que nous avons eues en commission mixte paritaire. Un esprit très constructif a présidé à cette réunion entre membres de l'Assemblée et du Sénat. Et, en dépit des différences d'étiquettes politiques, nous sommes parvenus à un accord sur de nombreux principes – ce n'était pas évident surtout lorsqu'on avait en mémoire les débats qui s'étaient déroulés dans cet hémicycle. Le plus intéressant, à présent, sera la mise en oeuvre de ce projet.
La discussion sur l'aspect financier a duré un peu trop longtemps, l'essentiel, selon moi, étant le fond du texte. Mais chacun utilise son temps de parole comme il le souhaite. Le plus important n'est-il pas de savoir comment répondre aux problèmes de pouvoir d'achat, de chômage, d'insertion, de complexité des dispositifs ? S'agissant du financement, fallait-il faire sauter le bouclier fiscal, engagement du Président de la République ?
Fallait-il demander plus à ceux qui rendent déjà 50 % de ce qu'ils gagnent sous forme d'impôt ?
Ou fallait-il faire un autre choix ? La solution a consisté à s'orienter vers le plafonnement des niches fiscales, qui permettaient à de très hauts revenus d'échapper à l'impôt. C'est ainsi que la majorité a décidé de résoudre le problème. Mais on a le droit d'avoir un autre avis. Je ne suis cependant pas persuadé qu'une autre disposition aurait rapporté autant.
Monsieur le haut-commissaire, vous l'avez rappelé, le RMI a été mis en oeuvre il y a une vingtaine d'années. Il a constitué une première évolution dans la façon de traiter le problème de l'exclusion. C'était un filet de sécurité pour ceux qui n'avaient quasiment rien. Tout ce qui relevait plus précisément de l'insertion a cependant connu un succès limité. Surtout, on a assisté à la multiplication des procédures, à l'augmentation du temps administratif pour les services sociaux, avec des personnels qui n'étaient pas forcément formés à cette tâche ni obligatoirement prêts à assumer le « I » de l'insertion. Toujours au titre des effets secondaires un peu négatifs, il en est résulté un surinvestissement du système associatif par rapport aux problématiques de l'insertion, qui ont souvent été sous-traitées par les services sociaux des conseils généraux.
Mais il faut souligner aussi, et c'était très positif, que le RMI a permis de reprendre contact avec des populations qu'on ignorait car elles s'étaient exclues – plus ou moins volontairement d'ailleurs – de la société. C'est à cette époque qu'on a commencé à parler des nouveaux pauvres. On a redécouvert ainsi toute une population qui a elle-même redécouvert notre société.
Au cours de cette période, un secteur a été très sollicité, celui de l'insertion par l'activité économique. On a beaucoup investi notamment dans le secteur associatif. Mais, au fil des années, ce secteur, dont nous avons grandement besoin, a été victime de la multiplicité des dispositifs ainsi que des gels ou augmentations de crédits, ce qui l'a fragilisé.
Aujourd'hui, nous en sommes arrivés au RSA, dont vous avez été, monsieur le haut-commissaire, le concepteur. Dans le domaine de l'action sociale et de l'insertion, c'est le projet le plus cohérent et le mieux adapté à notre société. Je rappellerai à ceux qui ont critiqué ce dispositif qu'il a été précédé de huit mois de concertation, à laquelle plusieurs d'entre nous ont participé. Ce « Grenelle de l'insertion » a constitué une initiative très intéressante qui a permis à tous les partenaires concernés par l'insertion d'apporter leur pierre à l'édifice. Cela n'a pas été simple, car les débats furent riches et fournis.
Le texte, tel qu'il résulte de notre examen, comporte des mesures qui me paraissent très intéressantes. Vous allez d'abord contribuer à la simplification des minima sociaux. Le RMI et l'API se fondent par exemple dans le RSA. Nous aurons un contrat unique d'insertion. Vous avez également répondu aux acteurs de terrain qui vous ont demandé de pouvoir prolonger ces contrats au-delà de vingt-quatre mois pour les personnes âgées de plus cinquante ans. Cela évitera à ces dernières de se retrouver sans activité en fin de contrat. Le temps de travail social pourra ainsi être utilisé autrement, sans parler des heures passées auprès des services de l'emploi pour tenter de régler des problèmes parfois insolubles.
Les aides aux entreprises ont également été moralisées puisqu'elles seront désormais conditionnées aux engagements pris par les entreprises qui devront proposer, en contrepartie, des emplois a priori pérennes.
Ce texte apporte aussi un début de réponse pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans. Le Sénat a introduit un fonds d'expérimentation doté de 10 millions d'euros qui sera activé dès le vote de cette loi. Quant à l'Assemblée, elle a prévu un rapport sur la situation de ces jeunes. Pour ma part, je reste persuadé qu'il faudra, à un moment ou à un autre, nous interroger sur le statut des jeunes de moins de vingt-cinq qui retrouvent un emploi avec un salaire très proche du SMIC et dont la situation s'apparentera alors à celle des travailleurs pauvres. Bénéficieront-ils du même traitement que ces derniers ou devra-t-on toujours les considérer comme des jeunes ?
Actuellement, les jeunes de moins de vingt-cinq ans ayant charge de famille sont concernés par le RMI et seront donc visés par le RSA. Mais, quid de ceux qui, âgés de moins de vingt-cinq et sans charge de famille, travailleront ?
Considérera-t-on comme normal qu'employés dans la même entreprise, ils ne bénéficient pas du même montant de ressources que les travailleurs plus âgés ?
Personnellement, je souhaiterais que les choses évoluent. Je ne dis pas que je veux qu'on donne le RMI aux jeunes.
J'estime cependant que ceux qui travaillent doivent être considérés comme entrant dans le monde du travail et bénéficier dès lors d'un traitement égalitaire dans l'entreprise – ou dans toute structure qui leur apportera une rémunération.
Ce point a fait l'objet de débat. J'espère que, dans le futur, dans le cadre de l'examen du premier rapport sur la situation des jeunes qui sera communiqué à notre assemblée, nous pourrons revenir sur cette question.
J'en viens au traitement des bénéficiaires du revenu de solidarité active dans le monde du travail. Le RSA actuellement expérimenté par les conseils généraux ne concerne que les gens au chômage qui reprennent un emploi. Il s'agit de favoriser le retour à l'emploi en évitant que ceux qui reprennent un travail perçoivent moins que les bénéficiaires d'allocations. Le RSA, tel qu'il résulte de nos travaux, visera tout le monde, les anciens chômeurs et ceux qui sont déjà en activité, dès lors que la rémunération perçue sera considérée comme faible. Il n'y aura pas de traitement inégalitaire dans l'entreprise. Il y aura en revanche une augmentation nette de pouvoir d'achat pour tous. Plusieurs millions de salariés sont concernés par cette mesure.
En cette période de crise, heureusement, monsieur le haut-commissaire, que vous avez permis à nos assemblées de voter ce projet ! Dans les mois, voire les années à venir, l'augmentation du pouvoir d'achat des catégories les moins favorisées de notre pays sera en effet une préoccupation essentielle. Le coût de cette mesure a fait l'objet de longs débats. Mais la société française pouvait bien faire cet effort pour figurer parmi les nations les plus évoluées dans le domaine social.
Absolument !
La déclaration du Président de la République qui, hier, a laissé entendre qu'il pourrait prendre des initiatives pour accélérer la mise en oeuvre du RSA me donne un grand espoir. Peut-être celle-ci interviendra-t-elle avant le second semestre de 2009. C'est tout le mal que je nous souhaite. Merci encore, monsieur le haut-commissaire, pour cette avancée qui marquera l'histoire du social et de l'insertion en France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, nous voilà donc au terme de la procédure législative qui va permettre la mise en oeuvre du revenu de solidarité active. Le discours des socialistes n'a pas varié dans cet hémicycle, au Sénat ou lors de l'examen en commission mixte paritaire. Il s'articule autour de quatre grandes idées : la solidarité, la cohérence, la volonté et le réalisme.
Je ne suis pas surpris que le représentant de l'UMP qui m'a précédé à cette tribune ait considéré que nous ayons débattu trop longtemps, pour reprendre ses termes, de la question du financement du RSA. Elle est essentielle, précisément. Ce n'est pas le contre-feu qui a été allumé avec le plafonnement des niches fiscales qui change quoi que ce soit au problème : vous avez bel et bien choisi d'assurer le financement du RSA en instaurant une taxe de 1,1 % qui n'est pas applicable à tous les contribuables, notamment à ceux bénéficiant du bouclier fiscal.
Le président de votre groupe, Jean-François Copé, a été très clair. Je reprends ici ses propos : « Il me semble que toucher au principe du plafonnement de l'impôt à 50 % des revenus comporterait une dimension particulièrement injuste. » C'est le comble ! Je le rappelle, 10 % des Français les plus aisés en termes de revenus bénéficient de 83 % des remboursements liés au bouclier fiscal. Cette notion méritera d'être examinée dans les rangs de l'UMP. Avec le système de financement choisi, on demande en effet aux plus modestes de payer pour les plus pauvres et de faire un effort sur la PPE, et on épargne les riches. On vient même de recevoir une proposition de loi de l'un de nos collègues de l'UMP qui propose de supprimer l'impôt sur la fortune. Il n'y a pas de limite !
Nous sommes quant à nous attachés à une vraie solidarité. Or le moins qu'on puisse dire, monsieur le haut-commissaire, c'est qu'elle n'est pas assurée par votre plan de financement du RSA, ce que nous déplorons.
S'agissant de la cohérence, comment prétendre lutter contre l'exclusion sans que toutes les politiques publiques contribuent à atteindre cet objectif ? Vous proposez le revenu de solidarité active mais, dans le même temps, le Gouvernement remet en cause les services publics, instaure les franchises médicales, qui pénalisent les plus démunis, diminue le pouvoir d'achat des Français, alors que le Président de la République avait promis de l'augmenter, remet en question la politique de logement en faveur des plus démunis. Les associations qui défendent le droit au logement sont même désormais condamnées pour avoir agi. En la matière non plus, il n'y a pas de limite.
Alors, qui faut-il croire ? Martin Hirsch lorsqu'il défend depuis longtemps – et j'en suis témoin comme d'autres – les principes qu'il énonce aujourd'hui…
Oui !
C'est le même !
… qui cautionne l'ensemble des politiques mises en oeuvre. Est-ce vraiment le même ? Je m'interroge.
S'agissant du principe de volonté, le RSA n'est pas un emploi. Pour réussir, il a donc besoin de partenariats forts, notamment de celui des entreprises, faute de quoi c'est aux collectivités territoriales qu'il reviendra une fois de plus de faire l'effort. Je comprends mieux d'ailleurs pourquoi vous avez subitement proposé 100 000 nouveaux contrats aidés alors que la tendance était plutôt à leur suppression depuis quelques années. Peut-être n'êtes-vous pas totalement sûrs de pouvoir compter sur l'accompagnement des entreprises.
Dans le contexte économique qu'on connaît, avec toutes ces suppressions d'emplois régulièrement évoquées – toutes tendances politiques confondues – dans le cadre des questions au Gouvernement et qui touchent quasiment tous les secteurs, on peut comprendre l'attitude des entreprises. La question est alors de savoir comment les plus démunis vont pouvoir bénéficier des emplois nécessaires à la mise en oeuvre du RSA. Nous attendons de voir ce qu'il en sera.
Enfin, la question des jeunes a été évoquée : je suis ravi que le Sénat ait proposé une mesure d'expérimentation. Je demeure absolument convaincu qu'il est injuste qu'un salarié de moins de vingt-cinq ans ne puisse pas bénéficier de l'accompagnement proposé. N'est-il pas salarié avant d'être jeune ?
Nous avons donc des doutes sur les risques de précarité, sur le risque de favoriser l'emploi à temps partiel, sur le risque d'inciter à maintenir de bas salaires. Aucun de ces doutes n'a été levé par vos propositions. C'est pourquoi le groupe socialiste, radical et citoyen maintient sa position : nous nous abstiendrons, ce qui vous permettra d'expérimenter un peu plus ce dispositif, tout en nous permettant de rester vigilants sur les risques importants qu'il comporte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le haut-commissaire, vous avez écrit à l'ensemble des parlementaires pour les inviter à voter, « au-delà des clivages politiques », en faveur du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active, et à « mesurer les progrès rendus possibles par l'adoption de ce texte ». Vous estimez notamment que le RSA « permettra à de nombreux salariés de sortir de la pauvreté ou de ne pas y tomber ».
J'ai le regret de vous dire que les députés communistes et républicains, dont je suis, ne pourront malheureusement pas répondre favorablement à cet appel. Nous contestons en effet, sur le fond, votre analyse et vos propositions.
La navette parlementaire aura certes permis d'enregistrer quelques avancées : des précisions ont été apportées au texte sur le coût de la mise en place du RSA ; les collectivités locales auront la faculté de subordonner les aides qu'elles accordent aux entreprises à l'engagement de celles-ci en matière de création d'emplois, notamment d'emplois à temps plein. La décision a enfin été prise d'intégrer au contenu de la négociation annuelle obligatoire engagée par l'employeur la question de l'augmentation du temps de travail pour les salariés à temps partiel qui souhaiteraient exercer leur activité à temps plein.
Vous avez vous-même souligné la création d'une aide personnalisée de retour à l'emploi en complément du RSA, la possibilité de prolonger au-delà de vingt-quatre mois le contrat unique d'insertion et la création d'un fonds d'expérimentation pour les jeunes.
Nous ne sous-estimons pas l'intérêt de ces quelques aménagements. Votre texte demeure pourtant fort éloigné de l'objectif qu'il se fixe en termes de lutte contre la pauvreté.
Le RSA ne permettra pas de lutter contre le phénomène de la pauvreté laborieuse. Il s'inscrit dans la continuité des dispositifs, tels que la prime pour l'emploi ou les exonérations de charges patronales sur les bas salaires. Les statistiques sont cruelles : la pauvreté a progressé depuis leur mise en place.
Avec ce texte, les entreprises se trouveront demain un peu plus confortées qu'elles ne le sont déjà dans le recours aux petits boulots mal payés ; elles auront cette fois l'appui financier de l'État, c'est-à-dire que, en échange de quelques dizaines d'euros supplémentaires, les allocataires du RSA seront demain contraints d'accepter n'importe quel emploi, n'importe quelles conditions de travail.
Les moins employables devront probablement renoncer à tout espoir de sortir un jour de la précarité. N'oubliez pas, monsieur le haut-commissaire, que c'est le Gouvernement auquel vous appartenez qui a inventé, il y a peu, le concept d'offre raisonnable d'emploi.
Contrairement à ce dont vous voulez nous convaincre et convaincre les Français, le RSA n'est pas une révolution sociale. Vous prétendez qu'il permettra de réduire la pauvreté, mais rien ne vient appuyer cette affirmation : à court comme à long terme, son effet sera malheureusement négligeable. Rien n'est prévu, en effet, pour les millions de bénéficiaires de minima sociaux qui ne sont et ne seront pas en situation de reprendre un emploi, à commencer par les personnes âgées pauvres et les chômeurs peu ou pas indemnisés.
Le RSA est aussi insuffisamment doté. Ces quelque 1,5 milliard d'euros permettront à peine aux bénéficiaires d'atteindre le seuil de pauvreté – tout en travaillant ! On verra peut-être la pauvreté diminuer dans les statistiques, mais pas dans les faits.
Le débat sur le financement du dispositif aura été éclairant ; il aura permis à nos concitoyens de prendre la mesure de la morgue avec laquelle le Gouvernement et sa majorité s'attachent à défendre les intérêts d'une caste de privilégiés.
Que nous en venions, en République, à considérer que les ménages les plus aisés constituent une classe de citoyens à part, qui n'a aucun devoir de solidarité nationale, tout en exigeant des plus pauvres qu'ils renoncent à leurs droits élémentaires et à voir un jour le bout du tunnel, voilà qui donne le sentiment d'une profonde perversion de l'action publique.
(M. Marc Le Fur remplace M. Marc Laffineur au fauteuil de la présidence.)
L'introduction d'un plafonnement, modeste, des niches fiscales n'a en rien corrigé le scandale de ce financement. Nos concitoyens ne sont pas dupes : votre bonne volonté, monsieur Hirsch, ne parvient pas à masquer l'injustice de la politique conduite par le Gouvernement auquel vous appartenez.
Ce texte se fonde en effet sur le principe scandaleux que les personnes privées d'emploi ne sont pas suffisamment incitées à retrouver du travail, ce qui revient à dire qu'elles sont, d'une manière ou d'une autre, responsables de leur situation, que leur inactivité est un choix !
Non, absolument pas !
À l'heure où la crise économique, dont le Gouvernement doit assumer la responsabilité, s'aggrave des conséquences de la crise financières, à l'heure où des milliers de nos concitoyens sont victimes de plans de licenciement, à l'heure où des milliers d'autres risquent de perdre leur emploi dans les prochaines semaines et les prochains mois, une telle présentation du chômage est proprement indécente.
Dans le contexte actuel de crise financière et de récession économique, vous ne proposez rien d'autre à ces salariés licenciés que de connaître demain, avec le RSA, le même sort que les millions de salariés pauvres, et de vivre, comme eux, d'expédients.
Nous refusons catégoriquement le chantage politique qui consiste à nous demander de voter le RSA comme s'il s'agissait d'allouer une aumône à de prétendus assistés.
Nous refusons de voter un dispositif doté de seulement 1,5 milliard d'euros, quand le Gouvernement octroie aux banques des centaines de milliards d'euros, sans aucune contrepartie sociale, simplement pour renflouer un système qui a gravement failli – économiquement et moralement.
Vous vous opposez à un dispositif qui aide les travailleurs : on aura tout vu !
Ce dont notre pays a besoin, ce que nos concitoyens attendent, ce n'est pas que vous incitiez les entreprises à proposer de petits boulots tout en contraignant les plus pauvres à les accepter ; ils attendent au contraire une authentique politique de l'emploi, une politique de relance de l'économie et de relance du pouvoir d'achat.
La priorité doit être aujourd'hui au relèvement des minima sociaux, au relèvement du SMIC, à la lutte contre l'emploi précaire, à l'amélioration des conditions de travail, à l'amélioration de l'offre de formation, à l'allocation de moyens décents aux politiques d'insertion, et enfin, dans cette période troublée, à l'interdiction des licenciements qui se profilent, tant dans l'industrie que, par exemple, à France Télévisions.
Nous ne voterons pas un RSA qui sert de caution morale à une politique économique qui a conduit directement aux désastres sociaux actuels.
Vous prétendez venir en aide aux plus pauvres, mais vous ne contribuez qu'à faire peser sur eux de nouvelles contraintes, de nouvelles sujétions. Or, nous l'avons dit et répété ici même, la pauvreté est l'affaire de tous. Elle implique que le Gouvernement prenne ses responsabilités, qu'il change de cap et qu'il exige des entreprises et des acteurs économiques qu'ils participent à la croissance et au développement économique de notre pays dans un sens conforme à l'intérêt général.
Nous refusons que le temps partiel demeure l'unique horizon des politiques de l'emploi, l'unique perspective offerte aux salariés privés d'emploi ; nous refusons que la lutte contre la pauvreté soit fondée sur le principe du « travailler peu pour gagner peu ».
Nous, députés communistes et républicains, demeurons convaincus que la crise appelle un tout autre effort en direction des plus pauvres que celui que vous consentez avec le RSA : c'est pourquoi, comme nous l'avons fait en première lecture, nous voterons avec fermeté contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
De sa présentation en urgence par le Gouvernement, le 3 septembre dernier, à la discussion, aujourd'hui, du rapport de la commission mixte paritaire – c'est-à-dire tout au long de la discussion parlementaire – le projet de loi généralisant le RSA aura été fortement marqué, et dépassé, par les événements liés à la crise financière.
Marqué, mais pas dépassé !
Aujourd'hui plus que jamais, nos concitoyens attendent de l'État et de ses représentants des réponses claires et une protection digne.
C'est dans ce contexte particulièrement difficile et incertain que nous nous apprêtons à achever l'examen d'un texte qui aurait pu représenter un début de réponse à la crise sociale majeure qui s'annonce. Je dis bien : qui aurait pu, afin de mieux souligner les manques et les limites d'un dispositif qui aurait, d'abord, mérité qu'aille à son terme la phase d'expérimentation dans quelques départements sélectionnés, avant que ne soit entreprise sa généralisation. Nous regretterons vraisemblablement cette absence de recul, qui nous interdit de tirer toutes les conclusions des expériences menées sur nos territoires dans des contextes économiques différents.
Durant l'ensemble de nos débats, mes collègues du groupe socialiste et moi-même avons fait valoir nos réserves et nos exigences sur le projet.
Nous en avons accepté beaucoup !
L'incitation financière à la reprise d'un emploi est un principe qui doit permettre de dessiner de véritables perspectives de réinsertion professionnelle mais, dans un contexte de récession économique, vous admettrez qu'il est plus difficile d'y parvenir.
Ce n'est pas plus difficile, et c'est plus utile encore !
Au-delà de son principe, le RSA aurait pu recueillir des suffrages de tous les bancs de notre hémicycle – mais à une condition, à une seule condition : il aurait fallu que son financement fût équitable.
Comment nos concitoyens pourraient-ils comprendre que les plus fortunés ne soient pas concernés par cet appel à la solidarité nationale ? Comment comprendraient-ils que la nouvelle contribution de 1,1 % ne s'applique pas aux bénéficiaires du bouclier fiscal ?
Comment pourraient-ils accepter que les bénéficiaires des parachutes dorés, les spéculateurs financiers et tous ceux qui vivent de confortables rentes soient épargnés par la taxe que vous créez, quand tous les autres Français seraient appelés à la générosité ?
Il est injuste de leur permettre d'échapper à ce prélèvement de solidarité. Le mode de financement retenu symbolise une solidarité inversée, où les plus riches ne paient pas pour les plus pauvres : c'est pour ces derniers une véritable double peine, puisqu'ils subissent directement, depuis près de six ans, les chocs antisociaux.
Dans ces circonstances, le bouclier fiscal apparaît moralement, politiquement et socialement insoutenable. Il risque d'entacher la légitimité, voire la bonne foi, de cette réforme. Et, comme l'a démontré monsieur le président de la commission des finances, le plafonnement des niches fiscales ne règle en rien l'iniquité du mode de financement retenu.
Quoi qu'il en soit, le revenu de solidarité active verra bien le jour, et l'on ne peut que souhaiter sa réussite face au choc social qui fait craindre des vagues de licenciements de plusieurs centaines de milliers de salariés. Mais ce n'est pas une formule miracle, et il doit être replacé dans le contexte de la politique de recul des droits sociaux menée depuis le mois de juin 2007, politique qui fragilise encore ceux qui sont déjà les plus fragiles.
Vingt ans après l'instauration du RMI, une nouvelle réforme majeure de l'insertion est lancée à la charge des départements et de l'alliance des acteurs incontournables du pacte territorial de lutte contre la pauvreté : CCAS, associations et chefs d'entreprise.
Dans l'épreuve que traverse notre pays, nous avons besoin – j'en suis persuadée – de retrouver le sens d'un effort collectif et partagé. J'ai la conviction que, au-delà de nos différences, nous aurions pu nous accorder sur cette exigence, ce qui aurait permis que la loi généralisant le RSA soit adoptée à l'unanimité. Mais, en l'absence d'une réelle solidarité nationale, nous resterons sur le principe d'une abstention. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Pourquoi créer le RSA ? Vous avez posé la question, monsieur le haut-commissaire ; et, à plusieurs reprises, vous y avez répondu : à cause de la faillite des politiques menées jusqu'ici, à cause de la faillite du revenu minimum d'insertion.
Je n'ai pas parlé de faillite du RMI !
J'ai les procès-verbaux, monsieur le haut-commissaire.
C'est donc un constat de bon sens : le RMI existe depuis vingt ans, et il y a toujours des pauvres sans emploi. Il est d'ailleurs bien curieux de vouloir fêter l'anniversaire du RMI après avoir tenu des propos si peu flatteurs pour lui. Peut-être la situation économique actuelle vous incite-t-elle à plus de retenue, comme elle a incité le Gouvernement à reprendre les emplois aidés, hier vilipendés : le budget 2008, comme le budget 2009 que nous venons de voter, prévoyait une forte réduction des crédits destinés à ces emplois.
Le retour à l'emploi, sur le plan collectif, dépend avant tout de l'économie ; face à l'économique, le social peut aider ponctuellement, mais il ne remplacera jamais une politique forte en faveur de l'emploi. Le RSA sera, sur ce plan, logé à la même enseigne que le RMI.
Il est faux de dire que le frein essentiel au retour à l'emploi est d'ordre strictement financier. Toutes les analyses témoignent que les questions de logement, de santé, de formation ou de mobilité sont bien plus prégnantes que l'aspect financier. Lorsque cet aspect est mis en avant, nous sommes en droit de nous interroger sur les conditions de travail et sur les salaires dispensés.
Le second motif de création du revenu de solidarité active est l'existence de travailleurs pauvres. Là encore, des questions se posent. Pourquoi renforcer le marquage social, alors que vous semblez lutter contre l'assistanat ? Pourquoi un double système, avec la PPE et le RSA ? Pourquoi un double fichage, l'un pour la PPE, l'autre pour le RSA ? À cause de ce double fichage et de cet assistanat retrouvé, il va vous falloir créer plus de 2 000 postes dans les caisses d'allocations familiales, sans compter ceux à créer dans les conseils généraux.
J'espère, monsieur le haut-commissaire, que vous allez dire aux présidents de la CNAF et des CAF de recruter seulement des allocataires du RMI.
C'était notre idée. Nous avons déjà soulevé cette question.
Pourquoi n'avoir pas seulement aménagé la PPE ? Pourquoi n'avoir pas fait cet effort, qui était possible ?
C'est vous qui n'avez pas voulu !
Pourquoi n'avoir pas attendu le résultat des expérimentations avant de légiférer ?
Les gens ont besoin de ce dispositif !
Vous affirmez que le retour à l'emploi est plus fort dans le cadre des expérimentations. Mais, si vous lisez le rapport de M. Bourguignon, le chiffre de 30 % n'est qu'une moyenne portant sur six mois d'expérimentation. Au début, bien sûr, tout le monde se mobilise. Mais six mois après, les résultats en matière de retour à l'emploi sont comparables à ceux obtenus grâce à d'autres dispositifs.
Non !
Je crains qu'une partie de la réponse, certes, complexe, vienne d'une conception de la société et de la place des personnes dans cette société.
Ainsi, pourquoi, cette année, au moment où vous mettez en place le revenu de solidarité active, la mission « Solidarité, insertion et lutte contre la pauvreté » ne comporte-t-elle plus de volet santé, de volet logement et pas de volet formation ? La lutte contre la pauvreté ne serait-elle qu'une question de retour à l'emploi ? Cela reviendrait à gommer la réalité plus complexe des conditions qui créent la pauvreté et des façons de s'en sortir.
Aux États-Unis, dans les années soixante-dix, une étude avait été réalisée sur la pauvreté. On s'était alors aperçu que les pauvres étaient des enfants de pauvres, lesquels pouvaient être, eux aussi, des enfants de pauvres. La conclusion de cette étude était la suivante : on donne de l'argent aux pauvres pour qu'ils s'en sortent, et ils ne s'en sortent pas ; donc, on donne de l'argent pour rien. Partant de ce constat, M. Reagan, alors gouverneur de la Californie, a taillé en pièces les programmes sociaux, puis, une fois élu Président des États-Unis, a appliqué la même politique au plan national.
Je crains malheureusement que nous ne nous rapprochions de cette conclusion lorsque j'entends le Président Sarkozy, présentant le RSA à Laval, déclarer que, si un pauvre refuse une ou deux offres d'emploi, on lui supprimera les aides sociales.
C'est la politique de Reagan. Si telle est la pente vers laquelle nous allons, je dis « non » à cette conception de la société.
Face à nous, nous avons des personnes. Certes, il faut les responsabiliser sur leur devenir, sur leur retour à l'emploi, mais nous devons en permanence les aider à se construire, à se reconstruire, à cheminer dans notre société, à reprendre un travail, car la très grande majorité des allocataires du RMI veulent travailler, contrairement à ce qui est dit.
La construction de la personne demande temps et compétences, et non des jugements péremptoires qui condamnent. Voilà l'état de perplexité dans lequel me plonge ce texte ! Vous comprendrez aisément que je m'abstienne.
Nous en venons maintenant au texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisi.
Nous commençons par l'amendement n° 1 .
La parole est à M. le haut-commissaire.
Cet amendement vise à clarifier les dispositions adoptées en première lecture sur la place des handicapés.
Nous vous proposons de supprimer, à l'alinéa 2 de l'article 13 bis, les mots «, à temps complet », dans la mesure où il s'agit de stages. Or les stages ne sont pas soumis à un contrat de travail et ne constituent pas un emploi. La notion de temps plein et de temps partiel n'existe donc pas.
La semaine dernière, nous avons fait le point avec les associations, en présence de M. Chossy : elles nous ont demandé de ne pas priver les personnes handicapées de la possibilité d'acquérir, à travers les stages, même à temps partiel, des compétences leur permettant de favoriser leur insertion professionnelle future.
Cependant, il est prévu de fixer à quarante heures mensuelles la durée minimale des stages pris en compte : un consensus s'est dégagé sur ce point. C'est pourquoi nous vous proposons d'adopter cet amendement.
Les mots « à temps complet » figuraient dans le texte de la CMP pour que l'accueil de stagiaires handicapés ne permette pas aux entreprises de s'affranchir à peu de frais de leurs obligations. Vous nous proposez de supprimer ces mots. Pourquoi pas ? C'est en effet une bonne chose que les stagiaires handicapés puissent être accueillis dans les entreprises. Mais pourquoi ne comptabiliser un stage que s'il dure quarante heures au minimum ? Une entreprise de 100 personnes devrait normalement employer six personnes au titre du handicap, mais elle pourrait s'acquitter d'un tiers de son obligation en recrutant des stagiaires pour l'équivalent d'un mois et demi de temps de présence. Si vous supprimez cette notion de « temps complet », pourquoi ne proposez-vous pas une durée minimale de stage supérieure à quarante heures ?
(L'amendement n° 1 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 2 rectifié .
La parole est à M. le haut-commissaire.
C'est la même chose. Il est défendu.
Ce n'est pas le même amendement que le précédent. Le premier porte sur les stages, le second sur les salariés.
Je voulais dire que c'était le même esprit. L'amendement n° 2 rectifié porte sur l'emploi. Nous avons discuté avec les associations et nous vous proposons d'appliquer le droit commun pour les personnes handicapées. Cette disposition leur permettra, quand elles seront au-dessus du mi-temps, de proratiser, dans la limite d'une unité, et, quand elles seront en dessous, dans le cadre de dispositions qui seront examinées en concertation avec les associations de handicapés. Le texte fait foi.
Je ne comprends pas pourquoi l'amendement conditionne la proportion du temps passé dans l'entreprise – qui est un élément très important. Il serait plus simple de préciser que c'est à due proportion du temps passé que l'on calcule le nombre de bénéficiaires de l'obligation d'emploi. Le dispositif que vous nous proposez n'est pas assez contraignant, alors que nous avons besoin d'inciter fortement les entreprises à respecter leurs devoirs.
(L'amendement n° 2 rectifié est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 3 .
La parole est à M. le haut-commissaire.
Cet amendement vise à rendre applicable le fonds d'appui aux expérimentations en faveur des jeunes dès la promulgation de la loi, c'est-à-dire dans les prochains jours, si ce texte est adopté.
Je me dois d'attirer l'attention sur ce qui ne figure pas dans cet amendement : il n'y a rien pour les jeunes qui travaillent, qui ont moins de vingt-cinq ans, et qui ne pourront pas bénéficier des mesures contenues dans le texte. Comme l'a souligné Pierre Cardo, il ne corrige pas cette injustice.
D'ailleurs, je ne sais pas à quoi correspond exactement ce fonds d'appui aux expérimentations en faveur des jeunes. En tout état de cause, il ne favorise pas l'égalité de traitement entre un travailleur pauvre âgé de vingt-cinq ans et trois mois et un travailleur pauvre âgé de vingt-quatre ans et neuf mois.
Ce texte ne prévoyant rien pour les jeunes, l'amendement qui nous est proposé constitue une avancée, et nous allons l'adopter. Néanmoins, je regrette, comme Roland Muzeau, que nous n'ayons pas le courage d'aller au bout de la démarche : comment expliquer, en termes d'équité, qu'un salarié âgé de vingt-six ans puisse bénéficier des éléments contenus dans le texte relatif au RSA, contrairement à un salarié de vingt-quatre ans et demi ? Je ne parle pas de ceux qui recherchent un emploi.
Vous n'avez pas traité ce cas de figure. C'est une erreur et nous allons devoir travailler sur la question de l'accompagnement des jeunes, qui sont les plus touchés par les phénomènes d'exclusion.
Nous avons beaucoup échangé sur ce sujet tout au long du débat. Ce fonds d'appui aux expérimentations va nous permettre de procéder à une évaluation pendant un an. Ensuite, un rapport sera rendu, dans le cadre de l'Assemblée. Monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le haut-commissaire, j'espère que nous aurons, d'ici à l'an prochain, un débat au vu de cette expérimentation, afin de déterminer comment prendre en compte le cas des moins de vingt-cinq ans, salariés, n'ayant pas charge de famille – même si les salariés ne sont pas les seuls concernés par le RSA – et ayant un niveau de revenu insuffisant par rapport à ce que nous estimons être le niveau de ressources leur permettant de sortir de la pauvreté. Je pense que vous pouvez nous rassurer à cet égard.
Quoi qu'il en soit, je voterai cet amendement.
(L'amendement n° 3 est adopté.)
Je veux simplement dire à Martin Hirsch notre fierté de voter ce texte. Il a anticipé la situation que vivent de nombreux Français. La situation économique est difficile, et nombre de nos concitoyens sont confrontés à des difficultés. Nous espérions que le groupe socialiste – pour ne pas le citer – qui s'était abstenu, sous prétexte d'apprécier l'évolution du texte (« Où sont les socialistes ? » sur les bancs du groupe UMP), s'associerait à nous pour voter ce texte.
Martin Hirsch l'a rappelé ce matin, alors même que nous débattons de ce projet dans un contexte économique difficile, c'eût été un symbole fort que de mêler nos voix, sur tous les bancs de cet hémicycle, pour voter un texte qui restera l'un des plus importants de la législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Si M. Lefebvre n'était pas arrivé, selon son habitude, cinq minutes avant la fin de notre débat, il aurait pu entendre les interventions de nos collègues…
Non, et j'en atteste !
Vous auriez entendu, monsieur Lefebvre, si vous aviez été là, quels éléments justifient que le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche s'abstienne.
De ce point de vue, vous feriez mieux d'éviter les remarques ! Nous savons pourquoi vous venez d'arriver dans l'hémicycle. Vous n'étiez guère nombreux tout à l'heure lorsque nous avons débattu du RSA.
Ce dispositif est un outil, qui peut marquer certaines avancées. Mais ce n'est qu'un outil, qui doit être resitué dans le cadre d'une politique globale qui, malheureusement, ne permet pas de lutter contre l'exclusion : je pense à toutes les mesures que vous avez adoptées concernant le pouvoir d'achat, les franchises médicales, le logement.
Nous ramenons donc ce texte à ce qu'il est : un outil. Nous considérons qu'il a malheureusement peu de chances de changer la situation. Nous estimons, enfin, qu'il représente un risque, notamment en matière de travail à temps partiel et pour les politiques salariales. Ces éléments justifient notre abstention.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés.
(L'ensemble du projet de loi, ainsi modifié, est adopté.)
(« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (n°s 1209, 1267) et du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (n°s 1208 rectifié, 1267).
La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les députés, les textes de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui portent un grand projet de société, un grand projet culturel. Ils donnent des moyens à la télévision française, média éminemment populaire, d'aborder une nouvelle page de son histoire.
Cette histoire s'est considérablement accélérée, cette dernière décennie, avec l'arrivée de la TNT qui a triplé le nombre de chaînes accessibles gratuitement ; avec le développement des services à la demande et avec, enfin, l'arrivée dans le quotidien des Français de nouveaux écrans – l'ordinateur, le téléphone mobile – qui bouleversent les usages.
Les projets de loi défendus par le Gouvernement visent à donner à la télévision publique, à la télévision de tous les Français, une singularité marquée, une identité plus forte encore au sein de ce nouveau paysage audiovisuel. Ils visent à amplifier son ambition culturelle, son exigence, ses missions particulières qui justifient son mode de financement par les téléspectateurs eux-mêmes.
Quelles sont ses missions ? Rassembler, informer, éveiller la citoyenneté française et européenne, accueillir le débat, l'organiser, intéresser sans ennuyer, distraire, contribuer à la vitalité et à la diversité de notre cinéma et de notre création audiovisuelle, donner accès à la culture, aux concerts, aux pièces de théâtre, aux opéras.
Le service public de l'audiovisuel doit pouvoir prendre des risques et prendre aussi le temps, ce temps qui manque souvent aux programmateurs pour installer les émissions nouvelles et ambitieuses, pour les améliorer et les perfectionner au fil des semaines, sans que le verdict des régies publicitaires ne commande leur suppression ; le temps nécessaire à la pédagogie, à l'explication de l'actualité dans sa complexité, tout simplement le temps propre au déploiement de la culture. Bref, la télévision publique doit offrir des programmes différents de ceux proposés par les chaînes privées, tout en visant l'audience la plus large.
Le rôle de l'État, c'est de définir ces missions de service public. Elles sont inscrites dans ce projet de loi et déclinées en détail dans le nouveau cahier des charges que nous avons élaboré avec les dirigeants de France Télévisions.
Le rôle de l'État, c'est aussi de faire en sorte que le groupe public ait la possibilité de porter ces missions. On ne peut pas demander à la télévision publique de proposer des programmes qui rassemblent quand la publicité oblige à viser des cibles, des segments de population. On ne peut pas lui demander de prendre des risques quand l'audimat impose ses règles. On ne peut pas lui demander d'offrir des programmes exigeants à des heures accessibles quand ces plages horaires les plus rentables sont supposées précisément accueillir des tunnels de publicité, lesquels relèguent, bien sûr, les émissions de seconde partie de soirée à l'heure où les téléspectateurs bâillent déjà.
Ce projet de loi met fin à cette schizophrénie en supprimant la publicité sur les chaînes publiques, d'abord partiellement, puis totalement à la fin 2011.
Depuis que le Président de la République a annoncé, en janvier, sa volonté d'affranchir la télévision publique de la logique commerciale, un vaste débat s'est engagé ici même, au sein de votre Assemblée. Je veux d'ailleurs rendre hommage à la qualité des travaux de la Commission pour la nouvelle télévision publique présidée par Jean-François Copé, à laquelle certains d'entre vous ont participé activement. En effet, ils ont permis de proposer des orientations novatrices. Le Gouvernement s'est appuyé sur la quasi-intégralité de vos conclusions pour préparer ce projet de loi. Le débat s'est également engagé dans les médias et c'est toute la société qui s'est emparée du sujet avec passion, réagissant sur les sites internet dédiés, sur les forums en ligne.
Mais nous savons tous, en fait, que ce débat est ancien, et qu'il ne date pas de janvier. Sans remonter très loin, rappelons-nous, à la fin des années 1980, le vaste mouvement qui avait uni intellectuels, artistes et parlementaires pour dénoncer la pression morale et commerciale que la publicité faisait peser sur les écrans publics. Je citerai, à ce titre, cette lettre ouverte que des intellectuels aussi éminents que Pierre Bourdieu ou Jacques Derrida, notamment, signèrent dans un grand quotidien, demandant à ce que « la télévision publique, bien public au service du public, qui n'a pas d'objectif lucratif, regagne sa liberté avec des moyens d'existence à la mesure du rôle qu'elle doit jouer dans notre société, rôle dont chacun d'entre nous doit se sentir responsable ». Ce courrier demandait donc au service public de renoncer à ses ressources publicitaires, ces ressources devant « retourner sur le marché au bénéfice de l'ensemble des différents supports. En contrepartie, une contribution culture et communication serait créée, raisonnable, modulée, équilibrée, prélevée sur l'ensemble des investissements publicitaires. » Je note qu'on ne parlait pas, à cette époque, de « cadeaux » au privé, mais bien d'une redistribution vertueuse, au bénéfice de tous et d'abord des créateurs. C'est aussi ce que nous croyons.
Rappelons-nous encore, il n'y a pas si longtemps, les débats également vifs qui avaient entouré l'apparition sur les écrans publics de certains programmes présentés par des animateurs vedettes qui les produisaient à prix d'or, des programmes qui répondaient clairement à des impératifs commerciaux et non à ce qu'on peut attendre d'un service public. À l'époque, de nombreuses voix s'étaient élevées pour s'inquiéter de cette dérive qui remettait en cause l'avenir même de la télévision publique. Comment, en effet, justifier la redevance auprès des Français si les chaînes qu'elle finance ne montrent pas une claire et nette différence avec les chaînes privées ?
Cette époque est aujourd'hui révolue. Or, avec la nouvelle concurrence, notamment celle des chaînes numériques, la tentation pourrait être grande, à un moment donné, de faire appel aux vieilles recettes supposées garantir à l'annonceur que la ménagère de moins de cinquante ans sera fidèle au poste.
Les dirigeants de France Télévisions ont conduit un vrai virage éditorial et, avec ce projet de loi, le Gouvernement entend justement les encourager à aller encore plus loin.
Pour mettre en oeuvre cette grande réforme, ce projet de loi propose six grands chantiers de modernisation.
Le premier concerne la réforme de France Télévisions. Afin de lui donner les moyens de concrétiser sa nouvelle ambition, le projet de loi définit les missions du service public ; transforme le groupe France Télévisions en une entreprise unique dotée d'un nouveau modèle de gouvernance ; supprime la publicité sur ses antennes en deux étapes ; il garantit, enfin, le financement pérenne et dynamique de la télévision publique.
J'ai déjà évoqué, s'agissant les missions de service public, les missions d'information, d'éducation, de décryptage et d'accès à la culture. Mais, au-delà des aspects purement éditoriaux, les chaînes publiques jouent aussi un rôle particulier dans la cohésion sociale. C'est pour cela qu'elles doivent être représentatives de la société, telle qu'elle est, dans sa diversité. Votre rapporteur, mais aussi plusieurs membres de votre assemblée, ont proposé des amendements qui vont dans ce sens. Le service public doit en effet être exemplaire dans ce domaine pour pouvoir entraîner l'ensemble du paysage audiovisuel.
Pour atteindre tous les publics, et notamment les plus jeunes, pour tisser des liens plus solides avec les téléspectateurs, la télévision publique doit également s'appuyer sur les nouvelles technologies de diffusion numérique. Ce projet de loi vise à faire de France Télévisions un média global, qui propose ses programmes sur tous les supports.
La transformation du groupe France Télévisions en une entreprise unique était l'une des propositions phares de la Commission pour la nouvelle télévision publique et une demande ancienne des dirigeants de France Télévisions.
Sur le modèle de Radio France, France Télévisions deviendra donc une société nationale de programme composée de plusieurs antennes – France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO – dont les identités seront renforcées. Elle pourra également développer d'autres services, notamment des services de médias audiovisuels à la demande, que l'on appelle les SMAD. L'identité et les caractéristiques de ces différents services seront définies par son cahier des charges fixé par décret après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Lors de l'élaboration du projet de loi, le Gouvernement a été particulièrement attentif à la garantie de la diversité des programmes, qui est d'ailleurs consubstantielle à la diversité des antennes.
Cette réforme de structure, qui va permettre de réaliser des synergies nécessaires, s'accompagne d'une réforme de la gouvernance. Le Président de la République l'a clairement annoncé le 25 juin dernier. L'État est l'unique actionnaire de France Télévisions et son financeur à plus de 90 %. Il définit les missions de service public. Il est légitime qu'il prenne ses responsabilités en nommant le ou la dirigeante chargé de les porter le moment venu.
Le projet de loi modifie ainsi le mode de désignation des présidents des sociétés nationales de programme. Pour autant, le secteur public de l'audiovisuel n'est pas un secteur public comme un autre. La nomination par l'État est donc soumise, d'une part, à l'avis conforme du CSA et, d'autre part, à l'avis des commissions chargées des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire, ainsi que le prévoit le projet de loi organique qui accompagne le projet de loi ordinaire. L'État assume ses responsabilités, le CSA contrôle et le Parlement se prononce.
Le projet de loi fixe également les modalités de suppression progressive de la publicité sur les antennes de France Télévisions. La publicité est ainsi supprimée dès le lundi 5 janvier 2009 entre vingt heures et six heures, puis totalement à compter de 2011, année de l'extinction définitive de l'analogique sur l'ensemble du territoire métropolitain.
Conformément aux conclusions de la commission pour la nouvelle télévision publique, cette suppression n'est pas générale. Tout d'abord, l'interdiction de diffuser des messages publicitaires ne s'applique pas aux programmes locaux des services de télévision à caractère national, c'est-à-dire aux décrochages régionaux et locaux de France 3, ainsi qu'aux programmes de RFO. Nous serons amenés à reparler de ce dernier point. Ensuite, seule la publicité commerciale est interdite : la publicité pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique, dite « publicité collective », demeure autorisée, de même que le parrainage.
C'est intenable ! Il y a d'ailleurs un excellent amendement de la commission sur ce sujet !
Enfin, les campagnes d'intérêt général, puisqu'elles ne revêtent pas un caractère publicitaire, pourront évidemment continuer d'être diffusées.
L'État s'est engagé à compenser par des ressources publiques le manque à gagner causé par la suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions. Le principe de cette compensation financière est inscrit en toutes lettres dans le projet de loi. Pour fixer son montant, le Gouvernement s'est appuyé sur les travaux menés par la commission pour la nouvelle télévision publique, qui l'a estimé à 450 millions d'euros. Cette somme est garantie par la loi de finances pour 2009. Je tiens à souligner que le projet de loi de finances pour 2009, qui s'inscrit dans un cadre triennal, a également consacré le principe de cette ressource pour les années 2010 et 2011.
Le projet de loi institue, par ailleurs, deux nouvelles taxes : une première taxe sur les recettes publicitaires des services de télévisions ou leurs régies, dont le taux est fixé à 3 % ; une seconde sur le chiffre d'affaires des services de communications électroniques fournis par les opérateurs déclarés auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, dont le taux est fixé à 0, 9 %. Dans les deux cas, un abattement permet d'exempter de la taxe les plus petits opérateurs.
Par ailleurs, afin de faire en sorte que la redevance cesse de diminuer année après année, le projet de loi indexe son montant sur le taux de l'inflation et apporte ainsi une nouvelle garantie de financement du service public de l'audiovisuel.
Autre sujet de la réforme : l'audiovisuel extérieur. Le Président de la République a annoncé dès la fin de l'année 2007 sa volonté de réformer l'audiovisuel extérieur de la France, afin de mieux diffuser la culture française et francophone, mais aussi le regard français sur l'actualité, dans le monde entier.
Le projet de loi vise à améliorer la cohérence de notre politique audiovisuelle extérieure, la lisibilité de ses orientations stratégiques et l'efficacité de chacune de ses entités : RFI, France 24 et TV5 Monde.
Des étapes importantes ont d'ores et déjà été franchies, notamment la création au printemps dernier de la société dénommée « Audiovisuel extérieur de la France » – AEF. Elle a vocation à devenir une société holding rassemblant les participations publiques dans RFI, France 24 et TV5 Monde. À ce titre, le capital de RFI actuellement détenu par l'État est intégralement transféré à AEF par l'article 51 du projet de loi.
Le projet de loi tire les conséquences de cette réforme et remplace RFI par AEF dans la loi du 30 septembre 1986, cette dernière étant désormais chargée du pilotage stratégique et de la coordination des sociétés concernées.
AEF devient donc la société nationale de programme chargée de l'audiovisuel extérieur de la France dont la gouvernance est déterminée par la loi de 1986, à l'instar de celle de France Télévisions et de Radio France. À ce titre, AEF et ses filiales, répondant à des missions de service public, seront soumises à des obligations définies par un cahier des charges fixé par décret. La négociation d'un contrat d'objectifs et de moyens avec l'État devrait débuter prochainement, comme cela a été demandé à plusieurs reprises par certains d'entre vous.
Je le dis clairement, à aucun moment le projet de loi ne remet en cause l'existence et le rôle de RFI, France 24 et TV5 Monde, qui restent les acteurs essentiels du dispositif de l'audiovisuel extérieur de la France.
Au contraire, le projet de loi renforce les moyens de ces sociétés : intégrées à un groupe sur lequel elles pourront s'adosser, elles pourront développer des synergies, dans le respect de leurs identités. Par exemple, la rédaction en arabe de RFI a vocation à se rapprocher de celle de France 24, qui peine, faute de moyens financiers, à augmenter ses temps d'antenne dans cette langue. Ces rapprochements permettront ainsi de développer une vision française de l'actualité dans l'ensemble du monde arabe.
Il s'agit bien d'aboutir, dès le début de l'année 2009, à un dispositif plus cohérent, lisible et efficace, grâce à la rénovation de la ligne éditoriale et à la mise en commun des moyens de RFI, France 24 et TV5 Monde.
Au-delà de la réforme de l'audiovisuel public, ce projet de loi est la clé de voûte d'une réforme d'ensemble du secteur.
L'objectif est de renforcer globalement la compétitivité des chaînes de télévision, publiques comme privées, dans un univers médiatique en pleine mutation.
Pour cela, nous voulons donner aux chaînes plus de souplesse en matière de publicité, en nous appuyant sur la directive européenne « Service de médias audiovisuels ».
Nous souhaitons aussi, dans le même esprit, autoriser une seconde coupure publicitaire dans les oeuvres. Je souligne que c'est une mesure très favorable au secteur cinématographique et aux fictions audiovisuelles de longue durée. Tout le monde sait que les films disparaissent sensiblement de nos écrans depuis plusieurs années. Augmenter les recettes tirées de leur diffusion, c'est accroître leur attractivité pour les chaînes.
Enfin, la nouvelle directive ouvre aussi la possibilité de recourir au placement de produits, en excluant bien sûr les émissions pour la jeunesse. Je souhaite qu'il puisse être autorisé et que le CSA en fixe les modalités pratiques. Le placement de produits existe déjà au cinéma, les créateurs et les producteurs savent y recourir sans excès et il permettrait de trouver des ressources supplémentaires pour la création audiovisuelle.
Il faut être bien conscient que, aujourd'hui, les chaînes de télévision font vivre un grand nombre d'entreprises de production, d'auteurs, de scénaristes, d'artistes et de techniciens, tant dans le monde de l'audiovisuel que dans celui du cinéma, et ce grâce au système des obligations de production, qui sont la juste compensation de l'attribution gratuite des fréquences hertziennes aux chaînes de télévision.
Les chaînes de télévision, publiques comme privées, sont donc aujourd'hui les principaux financeurs de la création dans notre pays. C'est grâce à elles que nous avons le troisième cinéma du monde, après les États-Unis et l'Inde. C'est grâce à elles que notre production audiovisuelle est aussi innovante et dynamique.
Il est donc essentiel, dans le contexte de crise du marché publicitaire français, de faire en sorte que les recettes publicitaires de France Télévisions se reportent sur les autres chaînes et sur les médias producteurs et diffuseurs de contenus.
Le marché publicitaire français est très atypique en Europe : le hors médias et l'affichage y sont en effet particulièrement développés, au détriment des médias traditionnels. L'une des raisons en est une réglementation de la publicité à la télévision très contraignante par rapport aux normes européennes, pourtant exigeantes et soucieuses de la protection du téléspectateur.
Si nous n'assouplissons pas ces règles, le risque est à la fois que le prix des espaces publicitaires à la télévision augmente beaucoup, évinçant alors les plus petits annonceurs, et qu'une grande partie des investissements se reportent sur le hors médias, l'affichage et internet, ou même qu'ils disparaissent.
Cet assouplissement était donc nécessaire pour que notre industrie des programmes et de la création conserve la place qui est la sienne aujourd'hui et puisse se développer dans les années à venir en France et en Europe. Je le répète, c'est sur le chiffre d'affaires des chaînes qu'est assise leur contribution à la production cinématographique et audiovisuelle européenne et française. Tout le monde a donc intérêt à ce qu'elles soient en bonne santé.
Par ailleurs, en contrepartie de ces assouplissements, les chaînes ont consenti de gros efforts en faveur des oeuvres patrimoniales. C'est le sens des accords interprofessionnels venus récemment remplacer les décrets dits Tasca, qui recentrent les obligations des chaînes privées en matière de financement de la production indépendante. Ils permettent, en outre, de mieux prendre en compte l'apport économique des chaînes à la production des oeuvres qu'elles financent, de reconnaître et d'encourager davantage le travail des auteurs, et de tenir compte de la constitution de groupes constitués de plusieurs chaînes. Les producteurs et les auteurs viennent de signer il y a une demi-heure des accords avec M6, qui était la seule chaîne de télévision à n'avoir pas signé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
C'est donc bien toute l'économie de la filière audiovisuelle qui va se retrouver renforcée. J'ai déposé plusieurs amendements pour permettre la mise en oeuvre complète de ces accords dès l'année prochaine.
J'ai demandé à Dominique Richard et David Kessler, à qui j'avais confié cette mission sur les chaînes historiques, de la poursuivre avec les nouveaux acteurs de la TNT. Toutes les chaînes doivent en effet contribuer à l'enrichissement de l'offre de programmes de qualité.
Au-delà de la modernisation du secteur audiovisuel et de son adaptation aux règles européennes, rendre les médias accessibles aux personnes handicapées est un objectif qui me tient particulièrement à coeur.
Depuis plusieurs années, de gros efforts ont été réalisés en faveur des personnes sourdes et malentendantes par le développement de la technique du sous-titrage et de la langue des signes.
Cette fois, le projet de loi entend favoriser l'accessibilité de la télévision aux personnes aveugles et malvoyantes, par le développement de l'audiodescription. Cette technique consiste à insérer un commentaire oral descriptif dans un programme audiovisuel. Elle est aujourd'hui très peu utilisée, en France comme à l'étranger.
Dans le cadre du plan « handicap visuel », lancé le 2 juin dernier par le ministre du travail et la secrétaire d'État chargée de la solidarité, la direction du développement des médias a élaboré un rapport sur l'audiodescription. Il a été présenté le 19 juin 2008 à la commission nationale « culture et handicap » que je préside.
J'ai organisé une consultation publique afin d'associer les associations de personnes aveugles et malvoyantes et les professionnels du secteur de l'audiovisuel. À la suite de cette consultation, deux séries de dispositions ont été intégrées dans le projet de loi, le renvoi aux conventions conclues entre les chaînes privées et le CSA et le renvoi aux contrats d'objectifs et de moyens des chaînes publiques, pour fixer les proportions de programmes qui devront être accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes.
Pour les chaînes privées, seules celles dont l'audience dépasse 2,5 % seront assujetties à l'obligation. Les chaînes les plus regardées seront donc concernées : TF1, Canal +, M6 et, demain, W9, TMC, NT1 et Gulli. Par ailleurs, il sera possible de valoriser les dépenses d'audiodescription dans le cadre de la contribution des chaînes à la production cinématographique et audiovisuelle. Ce sera sûrement une incitation vertueuse.
Le cinquième grand chantier de modernisation prévu par ce projet de loi est l'adaptation de la réglementation au développement des nouveaux services de médias audiovisuels à la demande, les SMAD.
Après les transformations majeures qu'a connues la télévision traditionnelle au cours des dernières années – télévision numérique terrestre, télévision sur internet, télévision haute définition, télévision en mobilité –, c'est une nouvelle mutation que je vous propose de mettre en oeuvre.
L'objectif est de permettre à l'ensemble de nos concitoyens de profiter pleinement des nouveaux services à la demande qui leur permettent de visionner tout contenu audiovisuel au moment où ils le souhaitent, de faire en sorte aussi que la création originale européenne et de langue française ait toute sa place sur ces services.
Cela suppose tout d'abord de moderniser la réglementation audiovisuelle.
Transposant la nouvelle directive SMA, le projet de loi propose d'introduire logiquement les SMAD dans le champ d'application de la loi du 30 septembre 1986.
Il assure ainsi l'extension adaptée de notre régime traditionnel aux services les plus créatifs issus d'internet, en proposant une définition qui couvre les services de vidéo à la demande, qui permettent de visionner des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, mais également les services dits de télévision de rattrapage récemment mis en place par les principaux éditeurs de chaînes de télévision français, qui permettent de voir ou de revoir pendant une période donnée les programmes diffusés par les chaînes de télévision.
À l'inverse, et conformément aux termes de la directive, les contenus créés par les utilisateurs et mis à disposition par des sites internet hébergeurs sont clairement exclus.
Afin de ne pas freiner le développement de ces services nouveaux de vidéo à la demande et de télévision de rattrapage, nous avons privilégié une réglementation et une régulation souple, légère et progressive. Cette souplesse est d'ailleurs la plus appropriée à la nature très évolutive de ces services. La France est, en effet, avec près de cinquante services existants, à la pointe des pays européens en la matière.
En prenant soin d'éviter toutes les distorsions de concurrence entre opérateurs, il s'agit donc à la fois de tenir compte de certaines conséquences du développement de ces services à fort potentiel économique et d'éviter de l'entraver.
Trois séries de dispositions s'appliqueront à ces services.
Les premières concernent la protection des mineurs : face à l'explosion des contenus pornographiques disponibles sur internet, l'action du CSA, dont chacun s'accorde à reconnaître l'efficacité, s'exercera pleinement sur les SMAD.
D'autres dispositions visent la promotion des oeuvres européennes. Ces services mettent aujourd'hui à disposition des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques. Ils doivent donc prendre leur part, selon des modalités adaptées, au soutien à la création audiovisuelle et cinématographique, à l'instar des services traditionnels de télévision.
Les SMAD se verront également appliquer les principes généraux issus de la directive de services de médias audiovisuels, par exemple ceux relatifs au respect de la dignité humaine ou à la déontologie des communications commerciales.
Enfin, à l'occasion de ce projet de loi, je vous propose de moderniser nos outils de politique publique en faveur du cinéma.
Nous nous honorons en France de mener une politique engagée et ambitieuse en faveur de la création audiovisuelle et cinématographique. À côté d'une télévision publique volontariste et d'un système de contribution au financement de la création élargi à tous les diffuseurs, le soutien de l'État à la création audiovisuelle et cinématographique, administré par le Centre national du cinéma, est l'un des piliers de cette politique.
Depuis sa création, avec l'instauration d'une taxe spéciale sur le prix des billets de cinéma au lendemain de la guerre, le compte de soutien du CNC n'a cessé d'être adapté aux évolutions du secteur de la création. Il a été étendu peu à peu aux différentes branches du cinéma, de l'écriture à l'aide à la diffusion en VOD, mais aussi à la production audiovisuelle puis à la création multimédia et au jeu vidéo, couvrant ainsi toutes les dimensions de la création patrimoniale d'images animées. Son mode de financement a été modifié en conséquence, par des contributions prélevées sur tous les marchés de l'image et redistribuées à l'ensemble de la chaîne de la création et de la diffusion.
Il est aujourd'hui impératif de renforcer les bases juridiques de ce dispositif unique en son genre, dont les plus anciennes, et donc celles qui en portent les racines, sont antérieures à la Constitution de la Ve République.
Pour cela, je vous demande d'autoriser le Gouvernement à rénover par ordonnance son statut juridique et à consolider, en les actualisant, les normes qui régissent le droit du cinéma. La voie par ordonnance est apparue préférable en raison de l'aspect très technique des dispositions, mais aussi par la nécessité de ne pas différer plus longtemps la réforme du CNC attendue par tous.
Le premier projet d'ordonnance renforce l'organisation et le fonctionnement du Centre national de la cinématographie, qui devient un établissement public à part entière, doté d'un conseil d'administration. Vous avez bien voulu, en loi de finances pour 2009, renforcer son assise financière en lui affectant directement les recettes fiscales dont il ne bénéficiait jusqu'à présent que par l'intermédiaire d'un compte d'affectation spéciale. Le CNC voit enfin ses missions adaptées à ce qu'est aujourd'hui le paysage médiatique, avec notamment le soutien à la vidéo à la demande ou à la production d'oeuvres conçues pour Internet, qu'il a déjà mis en oeuvre. Il s'agit donc de réconcilier le droit avec les faits.
Cette première ordonnance a aussi pour objet de réécrire un ensemble de dispositions techniques du droit du cinéma, pour partie inchangées depuis 1946. L'objectif est de les rendre plus intelligibles et enfin conformes à la hiérarchie des normes. Pour renforcer leur efficacité, ces dispositions seront rassemblées dans un même code. Le droit du cinéma, édifice précieux et unique en son genre, qui participe pleinement à l'exception culturelle française, y gagnera en lisibilité.
Une seconde ordonnance permettra de perfectionner à la marge certains outils de régulation de l'industrie du cinéma qui ont fait leurs preuves, comme l'institution du médiateur du cinéma, notamment dans le but de permettre une régulation de la concurrence adaptée aux spécificités de ce secteur et conforme aux objectifs de politique publique en faveur de la création et de sa diffusion à tous les publics.
Il s'agit de la mise en oeuvre de propositions formulées dans le rapport sur Cinéma et concurrence d'Anne Perrot et Jean-Pierre Leclerc. Ces réformes n'appellent que des modifications d'ampleur limitée et ponctuelle en ce qui concerne les aménagements à la législation en vigueur.
Bien entendu, la rédaction de ces deux ordonnances se fera dans le dialogue et la concertation la plus large. Il me semble naturel que les commissions parlementaires compétentes puissent y être associées avant que les deux ordonnances ne soient soumises au Parlement pour ratification, dans un délai de six mois pour la première et de huit mois pour la seconde.
Mesdames, messieurs les députés, en supprimant la publicité sur les écrans publics, nous donnons la possibilité aux dirigeants de France Télévisions de construire un vrai outil de culture populaire, une télévision qui ne croit pas que les arts soient l'apanage des noctambules ou d'une élite, mais qui propose tous les soirs, sur l'une de ses antennes, un programme culturel, et tôt dans la soirée, une télévision qui ne pense pas que le cinéma ou les mots soient nécessairement de minuit, une télévision qui rassemble, en une soirée, plusieurs millions de téléspectateurs devant une pièce ou un opéra, quand il faudrait dix ans à une salle de spectacles ou à un théâtre pour toucher un public aussi nombreux, une télévision qui a confiance en ses téléspectateurs, en leur curiosité, qui ne mise pas sur ce qu'ils sont déjà sûrs d'aimer, mais sur ce qu'ils ne connaissent pas encore, bref, une télévision qui renoue avec l'idée que la culture est une grande passion française.
Il ne s'agit pas – et c'est, je crois, un point très important – d'opposer chaînes publiques et chaînes privées. Toutes concourent à la création, toutes concourent au financement du cinéma et de l'audiovisuel.
Ce que proposent ces projets de loi, c'est une réforme globale qui donne à l'ensemble du paysage audiovisuel les moyens de miser sur les contenus, sur leur qualité, leur originalité et leur accessibilité, au bénéfice de tous les téléspectateurs, c'est-à-dire de tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public et le projet de loi sur le service public de la télévision.
Monsieur le président,madame la ministre,mes chers collègues, il y a des mots que l'on a toujours tendance à galvauder, surtout dans l'emphase qui caractérise parfois l'exercice de nos mandats. Mais enfin, il me semble que le mot « historique » qualifie bien la présente réforme de la télévision publique.
En annonçant sa volonté de supprimer la publicité sur les chaînes de télévision publique, le Président de la République a donné le coup d'envoi d'une réforme inédite.
Cette réforme est historique d'abord par la méthode de son élaboration. Une année séparera l'annonce de la suppression de la publicité par le Président de la République, …
… de la promulgation de cette loi, une année qui s'est d'ailleurs écoulée comme les séries télévisées, avec des saisons.
La première saison a été occupée par les travaux de la commission à laquelle un certain nombre d'entre nous ont participé et que j'ai eu le plaisir de présider. Parce que la télévision publique est la télévision de tous les Français, il n'était pas question de confier cette réflexion à une poignée d'experts, aussi compétents soient-ils. L'idée de composer cette commission à parité de parlementaires et de professionnels a permis d'engager un dialogue extrêmement fructueux, et si j'ai regretté que les élus de l'opposition ne participent pas à la totalité de nos travaux, leur contribution lors la première partie n'en a pas moins été précieuse.
J'imagine qu'elle l'aurait été d'autant plus s'ils étaient restés jusqu'au bout.
Après quatre mois de travaux, l'audition de 250 personnes, des milliers de contributions reçues notamment par Internet, ce travail a débouché sur un rapport particulièrement complet et ambitieux.
La deuxième saison de notre série s'est alors ouverte, avec l'élaboration du projet de loi. Je tiens à dire combien j'ai été heureux de la coopération très étroite qui s'est engagée avec Christine Albanel et Éric Woerth. C'était le premier exemple de coproduction législative, et cela s'est passé dans un climat excellent, harmonieux, bien vécu tant par l'exécutif que par le législatif. Ce sera une formidable jurisprudence pour l'avenir, en matière de réforme conjointe.
J'espère qu'un jour ou l'autre, vous y participerez vous aussi !
Nous sommes ensuite parvenus à la troisième saison, celle du débat au Parlement. Si j'ai demandé la création d'une commission spéciale, c'est parce qu'il m'a semblé, au-delà du caractère transversal du sujet, que c'était une manière de solenniser la réflexion de la commission que nous avions animée durant la première partie de l'année. Je remercie celles et ceux de nos collègues de la majorité qui ont participé très étroitement à ce travail : notre rapporteur Christian Kert, Patrice Martin-Lalande, excellent connaisseur de ces questions, Michel Herbillon, Franck Riester et Jean Dionis du Séjour, même si nous ne sommes pas toujours d'accord – je me suis lancé le défi personnel de le convaincre, d'ici à la fin de la discussion, de voter ce texte, et vous savez que j'aime relever les défis !
Merci, monsieur Herbillon.
Nous avons au final un dispositif de coproduction législative au meilleur sens du terme. Personne ne pourra dire que le débat public n'a pas eu lieu. Personne ne pourra prétendre que les parlementaires n'ont pas été associés. Neuf mois ont été consacrés à la préparation de cette réforme. Le moins que l'on puisse dire est que nous aurons fait un gigantesque travail en amont et ceux qui nous expliquent sans rire que nous faisons les choses dans la précipitation soit ont un métro de retard, ce qui peut arriver à des gens fort occupés par ailleurs, soit font preuve de mauvaise foi, ce que je ne peux imaginer dans une République moderne.
Cette réforme est également historique car il y a vingt ans que ce débat aurait dû avoir lieu. Cela fait vingt ans, en effet, que dans les colloques, les dîners en ville, les salons de toute nature, on explique ce qu'il faudrait faire pour la télévision publique, tout en se gardant bien de le traduire dans un texte législatif !
Du coup, les défis sont parfaitement connus. Le premier est le sous-financement de l'ensemble de l'audiovisuel français, un sous-financement qui freine la création et entrave le développement de nos chaînes, au détriment d'un secteur économique qui ne demande qu'à participer davantage au rayonnement de la France et de sa culture, comme l'a fort justement rappelé Christine Albanel.
Pour en sortir, il fallait une réforme globale qui nous permette d'en finir enfin avec cette opposition grotesque entre chaînes privées et chaînes publiques. Ce combat n'a strictement aucun sens. Ce qui compte pour nous, c'est que l'on ne s'imagine pas que la bonne santé des unes devrait passer par l'affaiblissement des autres. C'est au développement de l'ensemble de la télévision française qu'il nous faut travailler. Permettre aux chaînes de se développer, qu'elles soient publiques ou privées, grandes ou petites, nouvelles ou historiques, c'est soutenir la diversité des programmes proposés.
La clé de ce renforcement global du secteur audiovisuel est en fait devant nous. Ce n'est certainement pas le statu quo, et j'invite d'ailleurs les uns et les autres, notamment ceux qui s'inquiètent de la capacité de financement du secteur audiovisuel public, à se poser une seule question : qu'en serait-il si nous n'avions rien fait, alors que le marché publicitaire s'effondre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'UMP.)
Que serait la situation financière de la télévision publique si elle conservait son seul financement par la publicité ?
La clé pour sortir du sous-financement n'était pas une augmentation injuste de la redevance, qui aurait ponctionné le pouvoir d'achat des Français. La redevance est payée au même prix par tout le monde, quel que soit son revenu. C'est pourquoi nous prévoyons simplement son indexation, laquelle sera d'ailleurs dédiée non à la compensation de la perte de recettes publicitaires, mais au développement de France Télévisions. Cela figure en toutes lettres dans notre rapport. Je sais que Christine Albanel y tient également et qu'elle est parvenue à convaincre le ministre du budget. Si elle souhaite un renfort supplémentaire, je serai une nouvelle fois à ses côtés.
Pour trouver la bonne clé, il suffisait donc - une fois de plus ! - de se débarrasser des postures idéologiques et de voir que des acteurs économiques majeurs dans les nouvelles technologies – les secteurs des fournisseurs d'accès à Internet et des téléphones mobiles – diffusent aujourd'hui de l'image télévisée sans payer le moindre euro.
Il nous a donc semblé indispensable que ces nouveaux acteurs entrent pleinement dans le monde merveilleux de la télévision en y contribuant financièrement. C'est d'autant plus important qu'ils seront ainsi incités à financer un jour de la création. Que l'on soit de droite ou de gauche, c'est quelque chose auquel on ne peut qu'être favorable.
Par ce texte, nous posons les fondations d'un nouveau service public de la télévision, financé de façon pérenne, claire et cohérente. Une taxe sur les fournisseurs d'accès et les téléphones mobiles est une ressource pérenne et dynamique, car le secteur connaît des marges bénéficiaires supérieures à 20 % et représente un chiffre d'affaires annuel de 42 milliards d'euros. Voilà un secteur qui peut largement contribuer au financement de la télévision !
En y ajoutant la taxation sur le chiffre d'affaires supplémentaire des chaînes privées, nous disposons d'un plan financier totalement bouclé : les 450 millions d'euros de pertes liées à la suppression de la publicité après vingt heures sont intégralement compensés par 380 millions d'euros venant des fournisseurs d'accès et 80 millions venant de la télévision privée. Je souhaite que le Gouvernement dise tout au long de ces débats que ce sera 460 millions et pas un euro de moins : ne commençons pas à défalquer tel ou tel montant ! Je sais que le ministère de la culture n'y a pas songé un instant, mais j'ai été ministre du budget dans une vie antérieure : dès qu'un projet m'arrivait d'un autre ministère, je lançais tous mes piranhas disponibles pour éroder le tout sans que l'on s'en aperçoive.
Monsieur Braouezec, si vous pouvez nous aider, je vous prends bien volontiers, car je suis sûr que vous êtes très créatif, sur ce seul sujet naturellement !
En réalité, la réforme ne peut se réduire à cette seule réflexion comptable. Une télévision moderne est une télévision mieux organisée, et c'est tout l'enjeu de l'entreprise unique, projet proposé par la direction de France Télévisions auquel nous adhérons totalement. Il existe actuellement quarante-sept ou quarante-huit sociétés différentes ; si demain nous avons une seule et même identité à travers l'entreprise unique, nous donnerons une autre dimension à la télévision publique française.
Une télévision publique moderne, c'est aussi une télévision capable d'offrir des programmes de qualité sur tous les supports. C'est l'idée de média global, chère notamment à Hervé Chabalier, qui a été l'un des membres éminents de notre commission.
Cela s'est arrangé !
Le média global, cela intègre aussi bien internet que la télévision mobile, car c'est aussi sur ces terrains que se jouera l'avenir de l'audiovisuel.
Une télévision moderne, c'est une télévision sans publicité, qui n'aura plus du tout le même rapport avec l'audience, mais ce n'est pas une télévision sans audience. Il faut que les choses soient parfaitement claires à cet égard et nous le répèterons tout au long du débat.
L'objectif d'audience demeure, mais il évolue. C'est un objectif non seulement de quantité, mais aussi de qualité. Combien de personnes ont regardé l'émission d'hier soir à la télévision publique. Et qu'en ont-elles retenu ? Ces deux critères doivent être adossés l'un à l'autre.
Ce qui changera la vie des téléspectateurs, c'est que les programmes commenceront à vingt heures trente, et non plus à vingt-et-une heures, et que la seconde partie de soirée sera à vingt-deux heures quinze et non plus à vingt-trois heures quinze. Ceux qui aiment les émissions politiques pourront les regarder après une journée de travail à une heure décente, en appréciant à leur juste valeur les débats qui opposent, sur ces magnifiques plateaux, les députés de droite et de gauche. Nous pourrons ainsi aider nos concitoyens à se forger leurs convictions civiques à une heure décente.
Enfin, une télévision moderne, c'est une télévision ambitieuse qui reflète la diversité et la richesse de notre société. Je souhaite que nous prenions le temps d'aborder cette question sans tabou lors de notre débat. Ce plafond de verre qui donne le sentiment à toute une partie de nos concitoyens que la réussite, ce n'est pas pour eux, que, quels que soient leur mérite et leurs efforts, on ne leur confiera jamais de responsabilités à la hauteur de leurs compétences, ce sentiment de frustration est malheureusement omniprésent dans notre société et peut conduire au désespoir toute une frange de notre jeunesse, ce que nous ne pouvons accepter, car cela fragilise l'idéal républicain.
On me demandera : « Quel est le lien avec la télévision ? » La télévision a aussi une responsabilité dans ce domaine. Je considère que les responsables de chaînes doivent engager des actions volontaristes pour que ceux qui font la télévision soient à l'image de ceux qui la regardent, et pour que soit complètement banalisé l'exercice de responsabilités importantes par n'importe quel citoyen compétent, indépendamment de son nom, de son origine, de sa couleur de peau ou de son milieu social.
Je crois profondément à cette idée, et c'est pourquoi, avec Christian Kert, Frédéric Lefebvre et Michel Herbillon, nous avons déposé un amendement sur la diversité, qui a été adopté par la commission spéciale. Désormais, le CSA transmettra tous les ans au Parlement un rapport sur la diversité à la télévision. Il formulera, le cas échéant, des propositions qui nous permettront d'accélérer le mouvement, et le Parlement se saisira tous les ans de cette ambition. Je serai personnellement très engagé sur cette question.
Mes chers collègues, nous voilà donc placés devant nos responsabilités. C'est un rendez-vous politique majeur, car il y a très longtemps que la représentation nationale n'a osé débattre d'une réforme de la télévision publique de cette ampleur. Le moment est venu d'avoir un débat passionnant, peut-être parfois passionné, mais à la hauteur des enjeux. Cela veut dire à la hauteur des attentes de ceux qui nous regardent aujourd'hui : non seulement les téléspectateurs, bien sûr, mais aussi ceux qui font la télévision, qu'ils soient producteurs, auteurs, réalisateurs, acteurs, techniciens, journalistes, annonceurs. C'est aussi à eux que je pense à cet instant.
Je dois l'avouer, la télévision est un milieu que je ne connaissais que comme téléspectateur et comme ministre du budget. Aujourd'hui, je ne vois plus tout à fait les choses de la même manière. Comme tout le monde, lorsque le Président de la République a annoncé, il y a presque un an, le projet de suppression de la publicité, je me suis demandé comment nous allions faire.
Et puis, nous avons travaillé avec la commission, et je me suis, à titre personnel, passionné pour cette réflexion. J'ai compris que nous avions l'occasion de faire quelque chose de fantastique. Je suis allé à la rencontre de ces femmes et de ces hommes sans lesquels la télévision n'existerait pas. Je les ai écoutés. J'ai perçu non seulement des doutes, des angoisses, mais aussi des espérances.
En examinant ces deux projets de loi, je souhaite que nous ne les décevions pas. Au-delà des divergences que nous pouvons avoir les uns et les autres, n'oublions pas qu'eux aussi attendent cette réforme. La suppression de la publicité à la télévision publique, ils étaient nombreux à la réclamer, même à gauche.
Ils s'y sont tous préparés, car ils ont tout à gagner d'un secteur audiovisuel renforcé et mieux financé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Nous avons devant nous un plan de réforme complet, sans précédent. Il est de notre responsabilité que le Parlement y prenne toute sa part. Les dirigeants de France Télévisions et ceux de l'audiovisuel extérieur de la France auront entre les mains un formidable outil de développement. Quant à nous, nous avons entre les mains un projet extrêmement ambitieux qui doit permettre de proposer demain aux Français une télévision publique exemplaire pour notre pays et pour l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christian Kert, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public et le projet de loi sur le service public de la télévision.
Madame la ministre, la réforme qui vient de nous être présentée est une réponse puissante, courageuse, à une nécessité culturelle, car en libérant la télévision publique de la publicité, on va libérer l'audace et la créativité, on va permettre aux hommes et aux femmes de France Télévisions de donner le temps aux programmes de trouver leur public et de s'adresser à tous les Français. C'est cela le véritable enjeu de cette réforme. C'est en cela qu'elle est courageuse, et cela va bien au-delà de la réforme du financement, car ce texte est une réponse détaillée non seulement aux difficultés croissantes qu'affronte France Télévisions, mais à un certain nombre d'interrogations inhérentes à notre société de début de siècle.
S'agissant de la réponse aux maux dont souffre France Télévisions, a-t-on oublié ces affirmations selon lesquelles France Télévisions était depuis des années en état de sous-financement et qu'à tirer ainsi sur la corde, elle finirait par casser ? Madame la ministre, votre texte, lui, ne l'oublie pas : il affirme que le groupe était entré dans une situation hybride et précaire où cette sorte de parité instable entre ressources publiques et ressources commerciales le déséquilibrait dangereusement.
Y avait-il une autre réponse à cette inquiétude que de substituer un système pérenne à un système obsolète ? L'intervention du président Copé montre que le seul système possible, c'est le financement public. Car, contrairement à une idée que certains veulent complaisamment répandre, la réforme est intégralement financée ! Je dis bien intégralement financée. C'est en effet l'État qui compense, et à l'euro près, les 800 millions de ressources publicitaires de France Télévisions : 150 millions proviennent du maintien de la publicité sur les stations régionales de France 3 et de RFO, dans ce dernier cas au moins jusqu'en 2012. La publicité jusqu'à vingt heures procurera une ressource estimée à 200 millions. Enfin, restent les 450 millions d'euros évoqués par Jean-François Copé, qui seront financés par une subvention du budget de l'État.
Par ailleurs, deux taxes sont instituées : d'une part, une taxe de 0,9 % sur le chiffre d'affaires des opérateurs télécoms et des fournisseurs d'accès Internet, et, d'autre part, la désormais fameuse taxe sur le chiffre d'affaires publicitaire des télévisions, fixée à 3 %. On nous reproche de vouloir moduler par voie d'amendement, à la faveur de l'actualité économique, ce seuil de 3 % ; on prétend que cela amoindrirait les ressources de France Télévisions. Or c'est faux ! C'est méconnaître la comptabilité publique puisque les ressources des deux taxes iront au budget de l'État,…
…qui garantit ainsi à France Télévisions 450 millions d'euros de financement en 2009.
Certes, nous avons adopté en commission spéciale un amendement destiné à alléger le poids de cette taxe publicitaire dans l'attente d'un chiffrage exact de ce que sera – ou ne sera pas – l'effet d'aubaine publicitaire qui constitue tout de même, rappelons-le, le pivot du montage financier du dispositif.
En effet, dans un climat publicitaire tendu et à la baisse cette année, est-il juste de conserver un seuil intangible de 3 % alors que celui-ci avait été fixé dans la perspective d'une croissance immédiate des ressources publicitaires liée à cet effet d'aubaine ?
Nous proposerons donc de différer l'application stricte de la taxe, mais en conservant pendant trois ans la même période de référence, à savoir l'année 2008. Difficile sur le plan économique, cette année pourra constituer un rapide tremplin au rebond des chaînes privées, ce qui assurera à l'État une rapide récupération du seuil prévu.
À ceux qui clament, après s'être satisfaits du sous-financement actuel, que le compte n'y est pas, rappelons que les gains de productivité, l'indexation de la redevance et les économies liées à l'extinction de la diffusion analogique seront là, en sus du produit des taxes, pour assurer les opérations de développement de France Télévisions.
Régler le problème du financement est essentiel, mais loin d'être suffisant : l'autre enjeu de France Télévisions, c'est de s'engager sur la voie de la réforme de sa gouvernance, de sa programmation et de se rapprocher de la définition d'un média global qui couvre tous les champs de la consommation d'images d'aujourd'hui.
Votre texte, madame la ministre, cherche à répondre à ces objectifs. Mais, là où vos réponses nous ont paru insuffisantes, nous avons, au cours de nos travaux en commission, raturé, ajouté, en un mot amendé, pour que notre télévision publique soit, demain, le véritable reflet d'une société française en pleine mutation. La commission a en effet examiné 258 amendements, et en a adopté 103, venant de tous les groupes parlementaires. La révolution en douceur que nous imaginons pour France Télévisions, l'équipe dirigeante de Patrick de Carolis en a déjà ouvert les portes : la télévision publique ressemble de moins en moins aux télévisions privées.
C'est sûr !
À chacun d'ailleurs son métier et son modèle de télévision. Demain, pour la télévision publique, l'audience doit être non plus une obsession, mais une ambition. C'est cela aussi qu'affirme votre texte.
Ainsi, conformément aux recommandations de la commission présidée par Jean-François Copé, le projet de loi institue une société unique, à laquelle je crois que beaucoup d'entre nous, quel que soit leur groupe, adhèrent. En revanche, vous l'avez bien compris, les parlementaires réfutent l'idée d'un guichet unique en matière d'achat et de production, guichet qui, aux yeux de certains, constituerait une sorte de lobotomie de la création.
J'ai senti les députés, tant de l'opposition que de la majorité, déterminés sur ce point. Un amendement viendra donc parfaire le projet de loi et préciser clairement l'importance du respect des identités de chaque service. Déterminante sur le plan culturel, cette exigence l'est également sur le plan économique : premier donneur d'ordre de production, rappelons-le, France Télévisions aura investi 364 millions d'euros en 2008, s'apprête à consacrer 375 millions en 2009, et estime son investissement à 420 millions en 2012. En outre, les économies d'échelle générées par la mise en commun de certains moyens dans le cadre de la société unique n'entraîneront en rien la fusion des rédactions de France 2 et France 3, fusion qui n'aurait aucun sens dans la logique du texte.
Enfin, pour éviter le désordre entre les volontés d'une équipe dirigeante et les objectifs de l'actionnaire principal, le texte scelle la concomitance de la durée du mandat des présidents des sociétés publiques et des contrats d'objectifs et de moyens. C'est une mesure qui était réclamée de longue date par France télévisions. Elle est de bon sens et j'imagine mal que l'on puisse la combattre.
Mais nous, parlementaires, ne nous sommes pas contentés d'améliorer les seuls aspects financiers et techniques du projet de loi. La discussion en commission, c'est tout à son honneur, s'est ouverte sur des sujets de société que la télévision, et singulièrement la télévision publique, ne peut ignorer.
Ainsi, à l'article 27, un amendement vise à mieux protéger les mineurs sur les nouveaux services de médias. Il rejoint les préoccupations exprimées, ces derniers jours, par Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.
De plus, à l'article 35, un amendement vise à s'assurer de l'effort des éditeurs de services de télévision en faveur de l'accessibilité des programmes aux personnes aveugles ou malvoyantes.
Enfin, le débat sur l'avenir de la télévision a posé le problème de la diversité. Jean-François Copé a rappelé l'importance de cette question. Nous le savons, France Télévisions a déjà engagé un effort important en ce sens, tant à l'antenne que dans les programmes et les ressources humaines. Malgré ces avancées, nous avons voulu aller plus loin. Deux amendements ont été adoptés. L'un concerne la programmation et demande que le CSA établisse un bilan annuel et propose des mesures pour améliorer l'effectivité de la diversité. Le second amendement demande à la HALDE de rendre un rapport, avant le 31 décembre 2009, qui dressera le bilan de la politique salariale des sociétés nationales de programme. J'ajoute qu'un autre amendement inscrit, à l'article 15, la diversité dans le cahier des charges des sociétés nationales de programme. Là encore, sans contrainte excessive, le législateur en appelle à la noblesse du secteur public pour anticiper les évolutions de la société française.
Pour conclure, je ne serais pas fidèle à l'actualité du débat si j'omettais d'évoquer la question de l'indépendance. Certains pensent que nous voudrions au travers de ce texte ressusciter la défunte ORTF. Mais cela servirait à quoi ? Dans le monde d'Internet, du multimédia, de l'immédiateté, quelle en serait l'utilité ? Les présidents de la SNCF, d'EDF, le président de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France sont déjà désignés comme le seront demain celui de France Télévisions et celui de Radio France.
Il est donc prévu que les modalités de nomination de son président répondent à des garanties supplémentaires : un avis conforme du CSA et le droit de veto des commissions parlementaires compétentes. Cela montre combien le projet tient compte de la spécificité du poste de président de France Télévisions.
De plus, les parlementaires ont voulu à travers plusieurs amendements signifier l'indépendance financière des administrateurs de France Télévisions par rapport à la société, et ont réaffirmé l'utilité de la présence d'un député et d'un sénateur au sein du conseil d'administration.
Voilà le panorama de ce projet de loi, dont je redis qu'il s'agit d'une réforme courageuse et novatrice. J'espère dès lors, mes chers collègues, que nous pourrons nous retrouver pour adopter, comme l'a fait la commission spéciale, ce texte dont on comprend bien qu'il va dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Michel Françaix.
Monsieur le président, mes chers collègues, madame la ministre, j'éprouve une petite angoisse depuis que j'ai entendu le président Copé dire que nous étions devant une réforme historique, car quand c'est le cas, on a le sentiment qu'il va se passer quelque chose d'important.
Je voudrais tout d'abord raconter brièvement l'histoire des trente dernières années de la planète Média. Vous verrez que celle-ci a déjà été soumise à de nombreux bouleversements.
Premier choc : le passage de la rareté à l'abondance. Il y a trente ans, la France comptait trois chaînes de télévision et à peine plus de stations de radio. Ensuite, de l'ORTF à Canal+, il y eut La Cinq de Lagardère qui a fait faillite, La Six musicale, la privatisation de TF1 – première onde de choc et réforme que la majorité qualifierait sans doute d'historique, avec son concept de « mieux-disant culturel » –, puis France 5, Arte, M6, la TNT, le câble, le satellite. Les changements sont incessants : les ordinateurs, BlackBerry, iPod et téléphones mobiles reçoivent la télévision ; le podcast ; la vidéo à la demande, et j'en passe.
Deuxième choc : l'abaissement du coût d'entrée sur le marché. La création d'un acte web coûte quelques milliers d'euros – mille fois moins que le lancement d'un journal ou d'une télévision – et sa diffusion est d'emblée mondiale, alors que les médias traditionnels doivent investir beaucoup d'argent pour élargir leur couverture géographique.
Émergent de nouveaux acteurs, des consommateurs et des annonceurs qui veulent moins payer, des concurrents de plus en plus nombreux. Face à ces révolutions – historiques ou pas –, l'incertitude devient radicale. Au cours des dix prochaines années, l'économie des médias va sans doute changer davantage que durant le siècle écoulé. En effet, nous assistons à la réorganisation du marché au profit des médias électroniques, à la chute de la publicité, à la désaffection du jeune public, à la culture du tout gratuit, à la multiplication des secteurs sur Internet, à et l'éclatement de la scène publique.
C'est ce moment-là que le Président de la République choisit pour mettre en place sa fausse bonne idée. Fausse bonne idée sur la forme et sur le plan de la méthode d'abord : on s'est demandé non pas si le projet s'imposait, mais seulement comment l'imposer pour rendre quelques menus services à TF1, voire à M6. Fausse bonne idée aussi sur le fond, car une nouvelle onde de choc comparable à celle vécue lors de la privatisation de TF1 est en route, déséquilibrant totalement le monde de la télé, sans la moindre préparation. Personne ne croira que la commission Copé a pris la mesure de ces enjeux. D'ailleurs, cette commission est désormais désavouée par la quasi-totalité des producteurs et scénaristes qui crient à la trahison et parlent de détricotage du service public. Voilà ce qui reste de la commission Copé.
Qu'à cela ne tienne ! Rien ne sera plus comme avant parce que Nicolas Sarkozy a jeté son pavé dans l'écran. La brièveté du délai d'étude de la commission Copé, le sous financement chronique de l'audiovisuel français, l'effet d'aubaine, voire – disons-le franchement – l'enrichissement sans cause accordé aux opérateurs privés, m'empêchent de me pâmer trop naïvement devant ce souffle réformateur et libérateur : la suppression de la publicité sur les chaînes publiques.
Audiovisuel public fragilisé, structures bancales, financement aléatoire : notre télé du XXIe siècle a-t-elle un avenir ? Les forces vives de la créativité ou du management ont-elles accès à la lucarne ? Ces concentrations de sociétés de production ne nous aventurent-elles pas sur la piste hasardeuse d'une production aseptisée et uniformisée ? Pas de réponse à ces questions sans doute subalternes !
Supprimons la publicité pour arracher la télévision publique à l'esprit marchand, décide le Président de la République. On nous l'avait bien dit qu'il avait des idées de gauche ! Comme si la publicité ne faisait pas partie de la vie, n'était pas aussi synonyme de créativité, d'imagination. Je n'aime pas ce mépris de la publicité. Il y a du puritanisme et de la tartufferie à considérer qu'elle serait seule responsable de la qualité des programmes – j'y reviendrai.
Encore eût-il fallu que la pureté des intentions proclamées se traduise par la clarté des moyens alloués. Vous le savez mieux que quiconque, madame la ministre, ce n'est pas l'origine de l'argent ; c'est sa quantité qui compte pour faire une bonne télévision. Pour cela, il aurait fallu une volonté politique. Une télévision publique fondée sur des fonds publics ? Soit, mais à condition que ces fonds soient à la hauteur de nos ambitions et comparables à ceux dont disposent les télévisions publiques allemandes et anglaises.
Parler vrai aurait consisté à dire que nous avions une télévision publique ne se portant pas si mal avec un financement mixte insuffisant, mais que nous n'avions pas les moyens de nous offrir une télévision publique sans publicité.
Le Président affirme qu'il aime le service public mais, en fait et comme d'habitude, il pratique le baiser qui tue.
Pourquoi tenons-nous à un service public fort ? Notre volonté de préserver un service public fort de l'audiovisuel repose sur deux raisons.
D'une part, la qualité de notre système audiovisuel global doit beaucoup à l'équilibre qui existe en son sein entre un pôle public incarnant les valeurs, les ambitions, les traditions du service public, et un pôle privé nécessaire, dynamique, à vocation commerciale. Cette compétition incite les chaînes privées à se soucier aussi de la qualité de leurs programmes, et les dissuade de sombrer – comme certaines chaînes étrangères – dans la télévision « de caniveau ». Symétriquement, elle incite les chaînes publiques à se soucier de l'audience, et les dissuade de se cantonner dans l'élitisme. Quelle erreur de regarder séparément le service public sans avoir une vue d'ensemble de l'audiovisuel !
D'autre part, le secteur de la communication est entré dans une phase de concentration que vous souhaitez encourager, et de mondialisation accélérée qui se traduit par l'émergence de grands groupes pour lesquels la défense de notre identité culturelle et de la qualité des programmes passe bien après les objectifs de rentabilité. Le secteur public de l'audiovisuel, lui, n'est pas opéable.
Cet équilibre entre service public et télévision commerciale s'est révélé fécond et aurait mérité d'être défendu. Il était déjà menacé par l'évolution des techniques – satellite, câble, Internet, compression d'images – et celle de l'économie – mondialisation, concertation, convergence –, favorables à l'explosion de l'offre. Cet équilibre est définitivement rompu par cette loi.
La défense du service public ne peut être que dynamique. Elle passe par l'amélioration de ses contenus et par la rénovation de sa gestion : moins de bureaucratie, moins de corporatisme, plus de créativité, plus de souplesse, plus d'initiatives. Bien entendu, mais attention ! Conforter la culture d'entreprise ne signifie pas gommer la diversité des chaînes, supprimer des milliers d'emplois. Installer le service public dans le « global média », cela implique de lui en donner les moyens, or ce n'est pas le cas.
Pour certains collègues, peut-être de bonne foi, la télévision publique n'est qu'un thème de débat subalterne, une posture obligée, une rhétorique de salon, une nourriture spirituelle qui peut alimenter tout un dîner, une cascade verbale qui ne tarit jamais. La commission Copé en est une belle illustration.
On trouve bien l'emphase dans le ton, mais il manque la détermination. Penser qu'une once vertueuse de théâtre ou d'opéra suffirait à affirmer le service public et sa différence, c'est prendre le risque de cultiver l'arbre pour cacher la forêt Nous avons besoin d'une vision éditoriale, pas d'une marque de fabrique. Madame la ministre, vous parlez du sujet avec sincérité sans doute, mais vous ne le concrétisez pas.
Pourtant, la place accordée aux médias publics devient plus cruciale qu'auparavant. Ils constituent le levier essentiel par lequel les pouvoirs publics peuvent affirmer une ambition pour l'industrie des programmes, y compris pour le cinéma. Au moment où les médias privés seront guidés par une logique accrue de rentabilité – avec ce que cela induit d'incertain pour les contenus –, le service public est indispensable à la créativité audiovisuelle. Cette évidence aurait dû vous sauter aux yeux, et vous n'auriez pas dû accepter le détricotage du service public.
Depuis vingt ans, on annonce la mort des médias de masse. Ne confondons pas vitesse du changement technique, évolution des comportements, et changements structurels, dit Dominique Wolton. Plus les médias individualisés interactifs seront nombreux, plus les médias de masse seront nécessaires. Nous allons assister à un tassement de l'audience des médias généralistes, signe d'une guerre classique entre générations. Les jeunes utilisent Internet, mais certains méfaits d'une communication individualisée vont aussi faire retrouver les bienfaits des chaînes généralistes.
La presse écrite, les radios et la télévision proposent une offre ; Internet répond à une demande. Or c'est plus difficile de faire des médias de l'offre que de la demande ; plus facile et plus rentable de faire du thématique que du généraliste. Internet participe au mouvement d'individualisation, le valorise, mais ne l'a pas créé.
Nul doute que les contenus marqueront leur primauté sur les tuyaux, d'où la nécessité d'un service public fort. L'histoire de la peinture ne se réduit pas à l'histoire du pinceau. Loin de n'être qu'une somme d'individus et de communautés, le service public est le média collectif qui permet de dépasser les différences et les inégalités. La télévision de service public tisse le lien social, fédère les publics, met du sens dans un univers qui en manque, favorise la citoyenneté, fait émerger de nouveaux talents, et doit oeuvrer à cette coproduction européenne que le président Copé cherche à tout prix à mettre à l'ordre du jour.
Coexistent deux optiques que je comprends : les chaînes privées doivent enrichir leurs actionnaires, jour après jour ; les chaînes publiques doivent enrichir les citoyens, année après année. Cependant, vous avez voulu un vaste mouvement de libéralisation de l'audiovisuel : allégement des charges, obligations des chaînes privées, autorisation de la deuxième coupure publicitaire, accroissement de la durée de la publicité, assouplissement des règles anti-concentration. Dans le même temps, l'audiovisuel public devra composer des programmes au rabais, sous l'oeil goguenard de ceux qui pensent qu'il serait même temps de le privatiser.
Peut-on accepter que l'État permette à quelques grands groupes du CAC 40 comme TF1 d'obtenir ce que leur stratégie inadéquate leur a fait rater ? Vous aidez Bouygues, mais permettez-moi de vous faire observer que cette chaîne n'a pas vu venir la TNT, ni le numérique, ni la concurrence. Le Président de la République m'a étonné : lui, le libéral, donne une prime à ceux qui ont échoué.
Cela pourrait fonctionner autrement et RTL en apporte la preuve : lorsque les radios locales ont émergé, cette station a été capable d'opérer une mutation toute seule. Partant d'une audience considérable et d'une position dominante sur le marché publicitaire, elle s'est adaptée à l'arrivée de nouvelles radios locales, musicales. RTL reste le groupe le plus puissant – je n'en suis pas actionnaire –, et on pourra toujours le remercier de n'avoir pas coûté d'argent au contribuable.
Les petits et gros cadeaux aux chaînes privées, envisagés avec la transposition de la directive européenne, montrent clairement que le modèle économique national de financement de la création audiovisuelle va être démantelé. La taxation des recettes publicitaires des opérateurs privés aboutira à un désengagement de leur obligation de production – vous le savez. Cette taxation assez paradoxale va donc servir de prétexte à une dérégulation massive qui va tirer l'ensemble des télévisions, publiques et privées, vers le bas.
Il serait bien naïf de s'en étonner. Les liens qui unissent en particulier TF1 et la droite française sont connus, et on pourrait énumérer la longue liste des mesures législatives qui, au fil des années, sont venues consolider la position de TF1 et du groupe Bouygues.
Revenons-en aux taxes. Passons sur le fait qu'elles posent des questions de distorsion de concurrence, qu'elles vont se répercuter sur le consommateur et induire une perte de pouvoir d'achat pour chaque citoyen. Passons aussi sur le fait qu'elles ne sont pas affectées. Outre ce bricolage, si la logique du système veut que les écrans de téléphone et d'Internet représentent l'avenir de la télévision et contribuent à financer l'audiovisuel public, on renonce à leur demander de participer aussi au financement des créations.
Quant au montant de la taxe des chaînes privées, il baisse chaque jour. Notons qu'avec ce système, le financement des chaînes publiques dépend en partie de la santé des concurrents. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le service public a intérêt à une augmentation de l'audience de TF1, synonyme d'accroissement de la publicité sur cette chaîne et donc de la taxe destinée à son propre financement. C'est vraiment totalement anachronique.
Mais la droite est prête à tout pour aider TF1. Pourtant, seule l'indépendance garantit une réelle démocratie et apporte aux citoyens une diversité de points de vue sur la société, diversité qui leur permet de se forger leur propre opinion et d'être des acteurs émancipés de cette même démocratie. C'était ce principe fondamental de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression qui avait conduit à l'instauration d'un dispositif anti-concentration, dispositif que vous avez décidé de remettre en cause.
Dans le même temps, nous constatons une proximité croissante des médias et du pouvoir qui favorise les groupes privés, notamment ceux qui dépendent des commandes publiques de l'État, au détriment du pluralisme et de l'indépendance. Toutes les réformes annoncées vont dans le même sens : remise en cause du dispositif anti-concentration et du droit d'auteur des journalistes ; affaiblissement des ressources de France Télévisions ; renforcement de celles des chaînes privées par l'accroissement de leur régime publicitaire ; nomination et révocation, enfin, du président de France Télévisions.
Ces mesures présentées pour renforcer la solidité des entreprises du monde culturel et des médias ont en fait des conséquences désastreuses sur l'économie fragile du monde artistique et créatif. Vous le savez bien : le risque encouru est celui du formatage, car la concentration induit l'uniformisation.
Or, si la France a bien une richesse, c'est celle qui vient de ce que, depuis toujours, elle a su préserver la culture au coeur de son modèle de société. Non seulement vos réformes ne garantissent en aucun cas un mieux-disant économique, mais elles balaient de manière désinvolte l'idée, entérinée par la Convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle, selon laquelle les entreprises du secteur culturel ne sont pas des biens comme les autres.
Vous le savez en effet mieux que moi, monsieur le rapporteur : c'est pourquoi on ne peut en aucun cas comparer France Télévisions et la SNCF.
Alors que les Français passent en moyenne plus de trois heures par jour devant leur poste de télévision et qu'ils sont 18 millions à lire régulièrement un quotidien, ne serait-il pas primordial que ces médias leur proposent des réflexions plurielles et des regards personnels ? Le rôle du Gouvernement est non pas de tout contrôler, de tout diriger, de tout manipuler, mais bien de faire en sorte que lecteurs, auditeurs, téléspectateurs ou internautes puissent bénéficier d'une diversité qui échappe à la pensée unique et au politiquement correct.
La nécessité de l'indépendance et du pluralisme n'est pas une coquetterie de quelques élus égarés. C'est bien la volonté de faciliter toutes les formes d'expression et de création. L'indépendance est respectée, me direz-vous. Mais voilà… Qui, le premier, a annoncé l'arrivée au JT de Harry Roselmack, premier journaliste de couleur ? Nicolas Sarkozy, informé par son ami Bouygues. Qui annonce aux journalistes des Échos la nomination de Nicolas Beytout par Bernard Arnault à la tête de leur journal ? Le Président de la République. Et que dire de la nomination, par le même Président de la République, de Christine Ockrent à la direction générale du holding de l'audiovisuel extérieur, même si elle a par ailleurs les qualités pour ce poste ? Que dire de la nomination d'Étienne Mougeotte à la tête du Figaro magazine, d'Alexandre Bompard à la présidence d'Europe 1, de Jean-Claude Dassier à la direction de l'information sur TF1, dont la rédaction a été fusionnée avec celle de LCI ? Que dire du départ de Patrick Poivre d'Arvor de TF1, de Jacques Espérandieu du Journal du dimanche ou d'Alain Genestar de Paris Match ? Car il s'agit bien de « départs », n'est-ce pas : ils n'ont jamais été écartés, tout cela n'est que l'effet du hasard ! Jamais, dans l'histoire de la Ve République, un Président n'a eu une telle proximité avec les patrons en général et ceux des médias en particulier : Martin Bouygues, Bernard Arnault, Vincent Bolloré, Serge Dassault ou Nicolas Beytout.
Mais pendant que l'on amuse la galerie avec l'influence du Président auprès de ses amis, l'essentiel se passe en coulisses. Comment aider TF1 et M6 à sortir de l'ornière ? Au fil des semaines, on découvre que les dirigeants de TF1, et au passage de M6, sont les grands inspirateurs de la réforme audiovisuelle. Veulent-ils une seconde coupure publicitaire ? Va pour la seconde coupure ! Rêvent-ils de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques ? Allons-y ! Militent-ils pour la fin des seuils anti-concentration ? Accordé !
Nous vivons dans une République où l'indépendance des médias est désormais un gros mot, où la paupérisation du service public apparaît comme un dégât collatéral. Évoque-t-on la fragilisation des recettes de la presse écrite ? On les fera patienter, répond-on, puisque se tiendront bientôt les état généraux de la presse. Et c'est désormais un décret présidentiel qui fera et défera les patrons de la télévision publique. Comme à la SNCF et à EDF, dit-on.
Comme si c'était la même chose ! Ne vous inquiétez pas, ajoute-t-on, puisque les parlementaires pourront jouer les garde-fous ! Je ne sais qui est le fou et qui sera le garde…
Le sophisme est érigé en méthode de gouvernement. Un certain nombre de « gogos » estiment que la réforme du mode de nomination a le mérite de la clarté. Certes, ce sera plus clair ; mais peut-on dire que c'est mieux ? Le futur président de France Télévisions sera donc entièrement redevable du Président de la République. Au lieu de s'affranchir du pouvoir politique, il lui sera totalement inféodé. Pour paraphraser mon collègue Didier Mathus, nous entrons dans la monarchie audiovisuelle.
Au moment où les erreurs du monde financier font vaciller l'économie mondiale, il est grand temps, madame la ministre, de réfléchir aux conséquences désastreuses que pourraient engendrer des lois dictées par les seuls intérêts financiers d'actionnaires des groupes privés, intérêts en contradiction avec l'intérêt général. Au moment où s'exprime l'idée qu'un cycle se termine, où, à l'échelle du monde, pointe la menace de voir s'imposer des volontés privées, ne laissez pas rayer par mégarde notre exception culturelle.
Vous rêvez sans doute comme moi d'un monde pluriel, qui ne gomme pas, qui n'uniformise pas. Mais vous n'en prenez pas le chemin. Plus personne ne conteste le droit de tout citoyen à respirer un air pur, à boire une eau de qualité et à se nourrir de produits sains. Le moment n'est-il pas venu de garantir le droit de chaque citoyen à une information plurielle ?
Hélas, votre feuille de route, c'est la carte des impasses, le tiroir-caisse pour TF1 et le tocsin pour le service public. (Sourires.) Cela fait même sourire, à ce que je vois…
Peut-être les personnels du service public, qui s'efforcent depuis des années de nous offrir une télévision de qualité, sourient-ils un peu moins !
Pour ne plus être dépendant de la publicité après vingt heures, le service public le sera de taxes aléatoires prélevées sur les bénéfices de TF1, d'une ligne éditoriale fidèle à la pensée unique et des pouvoirs publics. C'est donc clair : tout va mieux ! En un mot, on pratique l'euthanasie pour la télévision publique.
Il n'y a pas lieu à débattre de ce texte, madame la ministre, car les nouvelles taxes ne peuvent être une prime à la mauvaise gestion ; car le service public ne doit pas payer pour le privé ; car ce n'est pas aux Français qu'il revient de payer, via des taxes, le manque à gagner des recettes publicitaires, ce qui se répercuterait inévitablement sur leur pouvoir d'achat. Il n'y a pas lieu à débattre, enfin, car nous ne pouvons accepter une telle régression démocratique, un tel coup de pouce aux amis et la disparition de la diversité culturelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Didier Mathus.
Je n'envisageais pas de faire une explication de vote, mais j'ai lu, dans les dépêches, que Gilles Carrez, rapporteur général du budget – excusez du peu ! – issu des rangs de l'UMP, avait déclaré cet après-midi qu'il ne voterait pas le financement de la suppression de la publicité, estimant que cela conduirait à une hausse de la fiscalité. Parole d'orfèvre ! Vous connaissez en effet le sérieux de M. Carrez en la matière. Il rejoint certains collègues de la majorité qui ont exprimé leur réticence, voire leur hostilité, à l'égard de ce projet de loi, sans parler des députés du groupe Nouveau Centre qui ont dit très clairement qu'ils étaient contre.
Une personnalité aussi éminente que M. Balladur a, de son côté, expressément demandé au Gouvernement de surseoir à l'examen du texte, considérant que la nation n'était pas en état de mobiliser 450 millions d'euros pour financer la suppression de la publicité sur France Télévisions. J'appelle donc la majorité à réfléchir et à voter avec nous l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le sens de votre exception d'irrecevabilité, monsieur Françaix, est d'établir que ce texte est contraire à la Constitution. Je souhaite pour ma part vous expliquer en quelques points pourquoi c'est votre exception d'irrecevabilité qui est irrecevable.
L'histoire du secteur audiovisuel nous montre bien que la composition de ce dernier n'est pas intangible. Dès 1989, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs reconnu que « le législateur a le pouvoir de modifier, comme il le juge le plus utile à l'intérêt général, le mode d'organisation des sociétés nationales de programme. ».
Lors de l'élaboration du projet de loi, le Gouvernement a été particulièrement attentif au respect non seulement du principe d'indépendance des sociétés nationales de programme, mais également de celui du pluralisme et de la diversité des programmes, selon les principes inscrits dans notre Constitution. Je souhaite brièvement expliquer pourquoi.
La nomination des présidents des sociétés nationales de programme est subordonnée à l'avis conforme du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Elle est en outre soumise à l'avis des commissions permanentes en charge des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire, et ce conformément à notre Constitution modernisée, celle-là même que le groupe SRC a rejetée en bloc au mois de juillet dernier.
Pour mettre fin avant leur terme au mandat de ces présidents, le projet de loi prévoit qu'un décret du Président de la République motivé, précédé de l'avis conforme lui aussi motivé du CSA, est requis. D'ailleurs, un amendement adopté en commission prévoit également, au nom d'un parallélisme des formes, d'associer le Parlement de la même manière que pour la procédure de nomination.
De plus, l'identité des différents services édités par France Télévisions ainsi que leurs caractéristiques continueront à être définis dans le cahier des charges unique de la société, à l'instar de Radio France, « de telle sorte que le respect du pluralisme des courants de pensée et d'opinion et la diversité de l'offre de programmes fournie soient assurés ».
Les cahiers des charges devront également préciser « la répartition des responsabilités au sein de la société en matière de programmation et de commande et production des émissions ». Ainsi, la diversité du contenu sera toujours assurée dans les commandes que passera France Télévisions auprès du secteur de la création.
Cette diversité est d'ailleurs indispensable pour bâtir une télévision publique moderne, outil de la démocratisation culturelle et artistique. C'est pourquoi, monsieur Françaix, le groupe UMP ne votera pas votre motion. On en comprend mal le fondement constitutionnel, d'ailleurs.
Peut-être faut-il y voir la volonté d'opposition systématique d'un groupe frustré de n'avoir pas été lui-même à l'origine d'un projet révolutionnaire et historique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La question posée par la présente motion est celle de la conformité du projet de loi avec la Constitution. Notre groupe a en effet de sérieux doutes sur ce point, et plus précisément sur les articles 20 et 21, lesquels concernent, respectivement, la taxe sur les recettes publicitaires des chaînes privées et la taxe sur les services fournis par les opérateurs de télécoms.
Nos doutes quant à la constitutionnalité de ce texte sont de deux ordres et reprennent l'analyse formulée par Guy Carcassonne, professeur d'université et agrégé des facultés de droit.
En premier lieu, nous estimons que ces taxes non affectées sont discriminatoires et, partant, sont contraires au principe constitutionnel d'égalité des acteurs économiques et des citoyens devant les charges publiques. En effet aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la contribution commune « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Pourquoi, dès lors, isoler certaines entreprises et les soumettre à une taxe supplémentaire alors que toutes acquittent déjà l'impôt sur les sociétés ? Il s'agit là d'une discrimination arbitraire, qu'aggrave l'absence d'affectation de ladite taxe.
Ensuite, ces taxes sont contraires au principe d'égalité, s'agissant de leur périmètre, d'abord : en quoi les opérateurs de télécommunications sont-ils liés à la télévision ? Évitons tout discours d'habillage. Le téléphone fixe comme les services voix ou SMS de la téléphonie mobile ne sont pas autrement liés à la télévision que par le biais des offres triple play, cumulant l'accès à l'internet, au téléphone et à la télévision. Dès lors, la taxe que vous entendez imposer n'est ni objective ni rationnelle, et elle entraîne une rupture d'égalité des citoyens devant les charges publiques.
Enfin, l'assiette de la taxe est plus critiquable encore. Notre Constitution prévoit que les acteurs économiques soient sollicité à hauteur de leur valeur contributive, que le chiffre d'affaires ne peut en aucun cas déterminer. Or ces deux taxes sont précisément adossées au chiffre d'affaires des entreprises.
Discrimination et rupture d'égalité : ces deux motifs nourrissent notre doute quant à la constitutionnalité du présent texte et nous incitent à ne pas suivre nos collègues de la majorité. Nous nous abstiendrons donc dans le vote de cette motion.
(L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Exception d'irrecevabilité
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement, sur le projet de loi organique relatif aux présidents des sociétés de l'audiovisuel public.
La parole est à M. Didier Mathus.
Nous voici sans doute saisis du projet de loi le plus emblématique du sarkozysme régnant : s'y retrouvent pêle-mêle l'aspiration monarchique, le cynisme politique, les connivences avec l'oligarchie et la volonté de puissance. Le chef de l'État – ce « téléprésident » – estime que la télévision est son affaire à lui, et à lui seul.
Le 8 janvier dernier, sans qu'aucune réflexion professionnelle ou collective n'ait été engagée et alors que les équilibres économiques du secteur audiovisuel relèvent de l'horlogerie fine, le chef de l'État a décidé tout seul comme un grand – si j'ose dire – de supprimer la publicité sur les chaînes publiques pour en faire cadeau à ses amis du club du Fouquet's : MM. Bouygues, Bolloré et consorts. Stupeur sur les écrans ! Cette mesure n'était évidemment réclamée par personne, sauf TF1 qui, quelques semaines auparavant, avait remis au Président de la République un livre blanc faisant état des difficultés du groupe Bouygues. N'ayant pas brillé par son discernement, celui-ci n'a pas su prendre le virage de la TNT et constate l'érosion régulière de ses parts de marché. Voilà pourquoi TF1 appelle au secours le Président de la République, qui ne saurait rester insensible à la détresse de son ami Martin Bouygues. Ainsi s'écrit l'histoire de la télévision.
Le groupe Bouygues, d'ailleurs, a toujours milité pour la suppression de la publicité sur la télévision publique. Voici une dizaine d'années, il a même engagé sans succès un recours à Bruxelles pour tenter d'obtenir gain de cause.
Huit mois plus tard, nous nous retrouvons avec cet invraisemblable projet qui va créer deux taxes et mobiliser d'emblée 450 millions d'euros d'argent public en pleine crise financière et économique…
… alors même que l'État n'est plus capable de faire face aux besoins les plus élémentaires de ses grandes missions publiques, alors que la société craque de toutes parts et que le déficit des hôpitaux publics approche les 800 millions d'euros, soit, peu ou prou, le besoin de financement que créera la suppression de la publicité sur France Télévisions.
Ne valait-il pas mieux inverser l'ordre des priorités et résorber d'abord le déficit des hôpitaux ?
Hélas, il nous faut, dans l'urgence, trouver 450 millions d'euros, puis 850 millions à terme, pour satisfaire le caprice du Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
On vole au secours de MM. Bouygues et Bolloré, ainsi que du groupe Bertelsmann, en mobilisant à leur profit – car c'est bien de profit qu'il s'agit – 450 millions d'euros dans les circonstances actuelles. Nul ne saurait dès lors s'étonner de la réaction de M. Balladur qui vous pressait, il y a quelques semaines, de renoncer sine die à ce projet inutile et illégitime.
Dans les circonstances sociales que traverse la France, l'adoption en urgence de ce projet illustre un cynisme rarement égalé. Les intérêts particuliers et le service des amis du pouvoir sont prioritaires. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Le dessein du pouvoir est limpide : sous prétexte de vertu et d'ambition culturelle, on prépare l'asphyxie financière de France Télévisions et le transfert massif de ses ressources publicitaires vers TF1 et M6 par le biais de la deuxième coupure publicitaire dans les oeuvres de fiction, de l'augmentation du plafond horaire de publicité et de l'utilisation de l'heure d'horloge.
Tel est le rêve du pouvoir : une télévision publique à la manière d'un gros Arte, encensée à défaut d'être regardée, qui laisserait la voie libre aux opérateurs privés, dopés par la manne des ressources publicitaires qu'ils auront captées dans l'affaire. Voilà qui ravive le souvenir du « mieux-disant culturel » au nom duquel la droite privatisa en 1986 la première chaîne publique et qui berna même M. Léotard lequel, dans un livre récent, reconnaît dans cette décision le plus grand regret de sa vie politique. C'est dans le sillage de cette décision fondatrice que s'est nouée la connivence jamais désavouée que la droite française et TF1 ont tissée au fil des campagnes présidentielles et des lois de circonstance.
La France est seule au monde à avoir privatisé sa première chaîne publique.
À chaque victoire électorale de la droite a correspondu une nouvelle loi audiovisuelle consolidant la situation du groupe Bouygues.
Au lendemain de 1993, la loi de l'excellent M. Carignon a permis d'accumuler les présents aux pieds du groupe, grâce au déplafonnement de 24 % à 49 % de la fraction du capital de TF1 susceptible d'être détenu par une même personne, et à la prolongation automatique, sans appel à la concurrence, de l'autorisation d'émettre du groupe.
Dès le mois de juin 2002, au vu des éminents services rendus par TF1 pendant la campagne présidentielle, tout a été fait pour retarder l'arrivée de la TNT et pour torpiller le projet numérique de France Télévisions.
En 2006, la loi portant création d'une « télévision du futur » ne tarda pas à adoucir l'ordinaire des opérateurs privés en leur octroyant une chaîne « bonus » sur la TNT.
Aujourd'hui, en une sorte d'apothéose, les groupes privés exaucent leur plus vieux rêve en s'appropriant les ressources publicitaires de France Télévisions, soit, en 2007, 850 millions d'euros !
La publicité empêcherait France Télévisions de produire de bonnes émissions pour cause d'audimat : tel est l'alibi qui justifie ce hold-up. C'est une bien curieuse conception que celle selon laquelle une télévision populaire est forcément de mauvaise qualité. La publicité n'est pas un marqueur de la qualité : il existe de très bonnes télévisions avec publicité comme il en existe de très mauvaises sans publicité. Chacun s'extasie par exemple sur la BBC, mais quiconque y a regardé de près sait que BBC 1, pourtant sans publicité, est une chaîne médiocre.
Imagine-t-on une chaîne de télévision qui n'ait pas l'ambition de l'audience ? Elle se condamnerait d'elle-même.
En outre, étrange est le traitement commun des chaînes publiques, comme si elles constituaient un bloc homogène : la publicité sera supprimée sur toutes les antennes à 20 heures. Pourtant, la grande force de la télévision publique réside précisément dans sa logique de bouquet.
L'offre de télévision sans publicité existe déjà : Arte, sans être dans le groupe France Télévisions, est entièrement publique. Elle offre à qui le souhaite la possibilité de regarder une chaîne publique sans publicité et de grande ambition culturelle.
En dépit de ce que l'on a souvent écrit, les socialistes n'ont jamais souhaité la suppression de la publicité depuis la privatisation de TF1.
Nous avons alors estimé que cette mesure n'était pas économiquement viable et qu'il fallait, pour équilibrer le paysage audiovisuel, disposer d'une télévision publique avec une chaîne populaire de grande audience, qui est un facteur de régulation per se. Les grandes démocraties européennes comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne tendent d'ailleurs vers ce modèle et s'efforcent de préserver une télévision publique rassemblant 30 % de parts d'audience environ. La France, elle, s'apprête à faire le contraire, et nous le réprouvons.
En revanche, nous prônons la réduction du volume de publicité, comme nous l'avons fait en 1999. De même, nous sommes favorables à ce que certains programmes soient sans publicité. J'ai pour ma part, de préférence à l'actuelle France 4, plaidé la cause d'une chaîne publique dédiée à l'enfance et à la jeunesse, et dénuée de toute publicité.
Le traitement uniforme de toutes les chaînes et la suppression de la publicité à la même heure sur chacune d'entre elles n'ont aucun sens, et reviennent à nier la nécessaire diversité de l'offre de télévision publique.
Au bout du compte, vous enclenchez un processus d'appauvrissement qui va tirer l'ensemble du paysage audiovisuel vers le bas, et de « berlusconisation » de la télévision française.
Les chaînes publiques, privées de moyens, n'auront plus la capacité de se battre sur le terrain des programmes « premium » ; les chaînes privées, quant à elles, sans l'aiguillon régulateur d'une télévision publique puissante, dériveront inévitablement vers ce que la télévision commerciale offre de moins noble. En effet, la télévision française, publique comme privée, est tout à fait honorable ; c'est sa qualité que vous mettez en cause.
En réalité, ce projet va surtout s'attaquer à l'indépendance de la télévision publique, sur deux fronts. Il s'en prend d'une part à son autonomie financière, en substituant de très incertains crédits budgétaires non affectés à la ressource publicitaire ; d'autre part à son indépendance politique et à sa crédibilité, en instituant une tutelle directe du Président de la République sur le groupe France Télévisions, avec la procédure pour le moins ahurissante de nomination révocation du patron du groupe au bon vouloir du Président de la République.
J'évoquerai tout d'abord la question financière.
Chacun ici connaît les termes de l'équation : la suppression totale de la publicité sur l'ensemble des chaînes du groupe représente 850 millions d'euros, auxquels il faut ajouter le coût de fabrication des programmes de remplacement, donc une addition de l'ordre de 1 à 1,2 milliard d'euros. Avec la mise en place du système en deux paliers – suppression de la publicité après vingt heures dès janvier 2009, suppression totale en 2011 – ce sont donc 450 millions d'euros qu'il faut trouver immédiatement.
En créant deux taxes, l'une sur le chiffre d'affaires de la publicité télévisée, l'autre sur le chiffre d'affaires des fournisseurs d'accès, pour financer ces 450 millions d'euros, ce gouvernement, qui aura décidément créé plus de taxes qu'aucun autre dans l'histoire de la République, fait une promesse de gascon. La compensation de la disparition de la publicité serait garantie, dit-il, à France Télévisions. Cependant ces taxes ne sont pas affectées et on sait ce qu'il en est, surtout en période de crise budgétaire, des taxes non affectées. Les promesses, comme disait un prédécesseur du Président de la République, n'engagent que ceux qui les croient.
On sait ainsi ce qu'il est advenu de la fameuse vignette pour les personnes âgées qui a dérivé pour n'être finalement qu'une source de financement dans le budget de l'État à 100 %. On peut citer également l'exemple de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, dont le produit sert pour l'essentiel à tout autre chose qu'au motif de sa création qui était le financement du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce. Les exemples ne manquent pas.
Pour rester dans le domaine de l'audiovisuel, je rappelle que la loi prévoit que l'État doit rembourser intégralement les exonérations de redevance audiovisuelle. Or, si ma mémoire est bonne, depuis août 2000, date à laquelle la disposition a été introduite, l'État n'a respecté qu'une seule fois cette obligation législative, en 2001.
C'est dire la force des lois et, plus encore, des promesses ministérielles dans les engagements de cette nature !
Sur la première de ces taxes, celle assise sur le chiffre d'affaires de la publicité, l'UMP a jeté bas les masques en adoptant un amendement du rapporteur – qui nous avait pourtant habitués à mieux, je le dis en toute amitié – lequel tend à réduire de moitié le taux de la taxe envisagée. Il semble qu'entre-temps, M. Nonce Paolini ait fait les gros yeux à la majorité ! Ainsi le garrot posé autour du cou de la télévision publique a été serré d'un cran.
Soulignons par ailleurs la dimension un tantinet absurde du dispositif puisqu'on s'apprête à taxer également le chiffre d'affaires publicitaire de France Télévisions pour alimenter une taxe qui va revenir à France Télévisions.
Il est également saugrenu et pour le moins paradoxal de se dire que finalement, les ressources de France Télévisions vont dépendre du succès et de la bonne santé de TF 1 et de M. 6 !
La deuxième de ces taxes, celle assise sur le chiffre d'affaires des fournisseurs d'accès, nous paraît procéder d'un contresens : comment justifier d'un prélèvement sur les abonnements internet – parce qu'on sait très bien que cela finira comme cela – pour financer la télévision hertzienne ? Ce rétropédalage technologique n'augure rien de bon. Chacun sent confusément que cette construction précaire ne peut pas tenir dans la durée et qu'elle ne garantit donc en rien la compensation évoquée.
Nous sommes un certain nombre ici, sur tous les bancs d'ailleurs, à avoir défendu le principe d'une réflexion sur la taxation du chiffre d'affaires des fournisseurs d'accès, mais pour un tout autre usage. Oui, les tuyaux doivent financer les contenus mais cette ressource nouvelle doit servir à consolider un nouveau modèle économique de la création et des échanges sur le Net.
En préemptant cette ressource nouvelle pour boucher le trou que vous avez vous-même créé, vous interdisez que se mette en place une solution intelligente et dynamique pour relever le défi de la création et des échanges sur le Net. Voilà qui vous réserve de beaux jours pour la discussion future du projet créant la haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet : vous ne disposerez plus que de l'option répression, par ailleurs condamnée par avance par le Parlement européen.
Chacun sait bien que ce prélèvement se retrouvera inévitablement sur la facture des usagers. Dans la période actuelle où la question du pouvoir d'achat est redevenue centrale, est-ce vraiment opportun ? Viviane Reading, commissaire européenne chargée des technologies de l'information, soulignait avec juste raison que l'institution de cette taxe risquait d'être un handicap pour le développement du numérique.
J'en viens à la question de l'indépendance morale et politique de France Télévisions.
Les dispositions du projet vont constituer un retour en arrière de vingt-cinq ans et ruiner la longue marche de la télévision publique vers la crédibilité et l'indépendance. À partir des années 80, dans le sillage de Pierre Desgraupes et d'autres journalistes ou professionnels, l'indépendance politique de la télévision publique, quels que soient les crises, les soubresauts et les tumultes, fut un objectif partagé par les majorités et les oppositions successives au fil des lois. La consolidation du CSA comme autorité de régulation au fur et à mesure des constructions législatives, la rupture du cordon ombilical entre le pouvoir et la télé publique témoignent de cette évolution qui n'est rien moins qu'une conquête pour les libertés publiques.
En portant atteinte brutalement à ce processus, qui nous avait réunis jusqu'à ce jour, en remettant en cause l'indépendance et donc la crédibilité de la télévision publique, vous commettez une faute grave.
Dans les sociétés occidentales d'aujourd'hui, hypermédiatisées, dominées par le marché et la commercialisation à outrance de toutes les valeurs, nous avons besoin de médias indiscutables.
Les enjeux de l'information sur des questions aussi cruciales que la santé publique, l'environnement et bien d'autres domaines, font que l'audiovisuel public, libre, lui, de toute contrainte marchande, expression de l'intérêt général, est seul à même – en tout cas dans le paysage français – d'incarner une information citoyenne de référence.
En tout cas, il faudrait que ce soit le cas. Nous en avons besoin. Nous en aurons besoin.
Ce que vous entendez faire, c'est-à-dire remettre la télévision publique en laisse comme dans les années 60 et 70, est une mauvaise action.
Chacun a en mémoire, surtout vous, j'imagine, l'exemple d'Alain Peyrefitte, ministre de l'information du général de Gaulle, qui dictait les titres du journal depuis son bureau chaque soir avant vingt heures. L'UMP renoue donc avec les vieux démons de la droite française.
M. Thierry Saussez, propagandiste officiel du Gouvernement – maintenant on dit « communicant » – avait même envisagé la diffusion de clips gouvernementaux en lieu et place de la publicité sacrifiée. Et un amendement UMP, s'inspirant de la vieille conception d'une télé publique, voix de la France au service du pouvoir, envisage sérieusement la diffusion de programmes institutionnels. J'ai pris connaissance avec ahurissement de cet amendement déposé hier par quelques-uns de nos collègues de l'UMP.
Cet amendement a été rédigé, semble-t-il, à la suite d'un dîner à la tour Bouygues mercredi dernier. Il propose que France Télévisions soit obligée, pour ne pas bousculer le prime time des opérateurs privés, de diffuser, de vingt heures trente à vingt et une heures, des clips institutionnels consacrés à des sujets aussi excitants que…
… l'Union européenne, ou des questions de santé publique, comme la nécessité de se brosser les dents tous les soirs, de ne plus boire de vin ou de ne plus fumer de cigarettes…
La télé publique serait condamnée à diffuser ce genre de programmes pendant trente minutes, en attendant que le prime time des opérateurs privés soit prêt après les tunnels de publicité. Après seulement, la télévision publique serait autorisée à faire de la télévision.
Que des députés aient pu songer à proposer un dispositif pareil en dit long sur la porosité entre quelques intérêts privés et le groupe UMP ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est dire la dérive de l'UMP sur une question aussi essentielle pour les garanties démocratiques.
Les arguments que j'ai entendus en commission pour justifier la nomination du président par décret présidentiel m'ont par ailleurs laissé assez perplexe.
France Télévisions, nous dit-on, doit relever du droit commun des grandes entreprises publiques comme la SNCF, la RATP... Or affirmer cela est commettre une grave méprise. En effet France Télévisions n'est justement en rien comparable à une entreprise ordinaire. La télévision ne fabrique pas des boulons ou des petits pains ; elle ne gère pas des aiguillages ou des pistes d'atterrissage. La télévision publique fabrique du lien social, de l'identité collective, de la citoyenneté. Cela mérite d'autres procédures, d'autres précautions, et cela devrait être à vous, majorité de la représentation nationale, de la protéger y compris d'un exécutif dont l'appétit de puissance n'a pas de limites.
Patrick de Carolis, que tout le monde estime…
…mais dont l'insolence à l'égard du pouvoir est, d'une façon générale, relativement mesurée, insistait devant la commission Copé sur la nécessité pour le président de France Télévisions de ne pas être nommé directement par le pouvoir.
On nous dit que la nomination par le CSA était hypocrite, que c'était le pouvoir qui, de toute façon, décidait. Je trouve cet argument assez extraordinaire : s'appuyer sur la faiblesse du CSA pour justifier la nomination directe par le pouvoir, c'est le vice qui se prévaut de ses propres turpitudes ! Puisque nous faisions mal, alors faisons pire ! Voilà ce que vous nous dites à travers ce projet.
Si cette procédure était sujette à caution, ce que personne ne conteste vraiment, alors réformez le CSA comme nous vous le proposons ; assurez le pluralisme en son sein et évitez au passage de nommer à sa tête un précédent directeur de cabinet du Premier ministre. Ce matin même, dans une radio périphérique, son président a franchi, en bon militant de l'UMP, les bornes de la flagornerie et de la complaisance en se félicitant d'être dessaisi du pouvoir de nomination du président de France Télévisions. C'était assez cocasse, mais on sait qui est M. Boyon.
Il est évident que le CSA n'a aujourd'hui aucun crédit compte tenu du mode de désignation de ses membres. Une instance de régulation chargée de protéger le pluralisme qui est elle-même totalement homogène politiquement, c'est une singularité et cela prête à sourire. Dans tous les pays démocratiques, ce type d'instance de régulation est lui-même pluraliste, à commencer par les USA où la FCC est automatiquement composée de trois membres désignés par la majorité et deux membres désignés par l'opposition.
La procédure de nomination du responsable de la télévision publique est donc foncièrement inacceptable et nous saisirons le Conseil constitutionnel de ce recul pour les libertés publiques, le pluralisme et la démocratie.
Et que dire de la procédure de révocation prévue à l'article 8 ? Mis à part peut-être l'Ouzbékistan – je n'ai pas vérifié – et quelques États exotiques, mis à part quelques précédents dans quelques démocraties populaires irréprochables comme la Roumanie de Ceausescu ou l'Albanie d'Enver Hodja, la mesure n'a pas d'équivalent, dans aucune démocratie moderne. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Consultez le service des études de l'Assemblée nationale : il n'y a pas d'équivalent, dans aucune démocratie occidentale.
Imagine-t-on la pression exercée sur le dirigeant qui se lève tous les matins avec l'épée de Damoclès de cette révocation au-dessus de la tête ? Cette mesure en dit long sur la dérive dans l'absolutisme du Président de la République. Elle est tout simplement indigne.
Indigne, je le réaffirme avec sérénité et avec force, mon cher Martin-Lalande. C'est pour ça que nous saisirons le Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel a une jurisprudence en la matière : il a toujours considéré qu'on ne pouvait pas faire marche arrière en matière de libertés publiques ; c'est ce qu'on appelle la théorie du cliquet. Nous allons donc saisir le Conseil constitutionnel de cette mesure parce que nous considérons que c'est un recul pour la démocratie et les libertés publiques.
Je ne balaierai pas l'ensemble des sujets de ce projet de loi parce que nous allons y revenir longuement, pendant plusieurs jours, au fil des articles et des amendements, mais je veux m'attarder un instant sur la transposition de la directive.
Il est faux de dire, madame la ministre, que votre projet n'est qu'une simple écriture dans le droit français de la directive européenne. En effet, cette dernière avait prévu des plafonds et chaque État était libre de transposer à sa guise. Il se trouve que vous avez fait le choix d'aller au maximum des possibilités destructrices pour la télévision qu'offrait la directive.
Vous autorisez la deuxième coupure dans les oeuvres de fiction, vieille demande des opérateurs privés à laquelle tous les gouvernements et tous les ministres de la culture en particulier avaient résisté, privilégiant le respect des créateurs à l'appel du tiroir-caisse.
Vous avez choisi de céder aux pressions les plus mercantiles. En acceptant le principe d'une deuxième coupure conjuguée avec le déplafonnement du volume horaire de publicité et le passage de l'heure glissante à l'heure d'horloge, vous ouvrez les vannes d'un véritable déluge publicitaire sur les chaînes privées. Néanmoins le pire est bien sûr l'autorisation du placement de produits, forme la plus pernicieuse de la publicité, dont l'objet est de manipuler le téléspectateur à son insu. N'est-il pas curieux que cette publicité si décriée sur les chaînes publiques et si attentatoire à la qualité de France Télévisions, devienne miraculeusement vertueuse lorsqu'elle alimente les caisses des opérateurs amis du pouvoir ?
En réalité, ce projet de loi organique vient assurer la continuité du travail de la droite française, pour une fois en parfaite cohérence, de Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy. Le fil rouge de son action a été parfaitement net, durant ces vingt dernières années : il s'agissait d'affaiblir la télévision publique, pour aider quelques entrepreneurs amis à constituer de petits empires médiatiques, en trichant, si besoin, avec les règles de la concurrence. En un sens, ce projet parachève l'oeuvre entreprise par Jacques Chirac en 1986, avec la privatisation de TF1. Aujourd'hui, les soins palliatifs et les déclarations d'amour sont pour la télévision publique ; le cashet les laisser passer, pour les groupes amis du pouvoir. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Voilà pourquoi nous défendons aussi l'exception d'irrecevabilité sur la loi organique. J'ai expliqué en quoi elle nous semble contradictoire avec les principes constitutionnels touchant aux libertés publiques. Au cours du débat, nous utiliserons tous les moyens qu'autorise la procédure parlementaire – motions de procédure, interventions sur les articles, défense des amendements – pour alerter l'opinion sur ce que prétend opérer ce texte.
Ceux que nous avons déposés réaffirment les principes auxquels nous sommes attachés. Nous ne voulons pas de la destruction de la télévision publique, estimant au contraire, conformément à une tradition qui était jadis respectée jusque dans les rangs de la majorité actuelle, que le rôle du Parlement est de défendre la télévision publique.
Aujourd'hui, vous voilà réunis pour porter atteinte à son indépendance financière et morale. C'est une mauvaise action, et je m'étonne de voir certains collègues s'engager dans pareille aventure. Nous nous battrons jusqu'au bout pour que l'opinion connaisse le forfait que le Gouvernement veut perpétrer par l'intermédiaire de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Valérie Rosso-Debord.
Monsieur Mathus, l'outrance verbale et la démagogie ne se sont jamais confondues avec la vérité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), pas plus que la caricature n'est jamais parvenue à effacer la réalité.
La réalité, la voici : vous creviez d'envie de conduire cette réforme ; Jack Lang en rêvait et vous a supplié de la mettre en oeuvre. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Or c'est l'UMP et le Gouvernement qui vont la mener à bien. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Voilà ce que vous ne supportez pas : cette réforme ambitieuse, qui donne enfin de vrais moyens à l'audiovisuel public, sera menée par une majorité de droite.
Vous avez le droit de ne pas le supporter. Mais nous, nous sommes fiers du projet de Mme Albanel,…
…et fiers du Gouvernement. C'est donc avec joie que nous voterons son projet de loi et que nous repousserons cette ridicule exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, cher collègues, peut-être mettrai-je dans mes propos un peu plus de mesure que ma collègue.
Cela étant elle a le droit à la joie et à l'enthousiasme.
Vous l'aurez compris, le coeur de nos interrogations ne porte pas sur la procédure de nomination ou de révocation des présidents de sociétés nationales de l'audiovisuel, mais sur la suppression de la publicité et sur le financement.
Du CSA, composé de membres élus et renouvelé par tiers, la nomination des présidents de sociétés nationales échoit au Président de la République, avec deux verrous dont on peut discuter. Selon nous, la procédure de révocation devrait offrir davantage de sérénité aux présidents de chaîne. Le point peut être retravaillé, mais nous y sommes moins opposés qu'à la suppression de la publicité et au mode de financement exotique qui a été trouvé. En conséquence, nous ne voterons pas l'exception d'irrecevabilité sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Tout va mieux depuis que nous savons que nous sommes face à une loi révolutionnaire et historique. Tels sont du moins les arguments qui ont été développés, non sans emphase, par la majorité. (Sourires.)
Mais qu'est-ce qui est révolutionnaire ? Que le futur président de France Télévisions soit entièrement redevable au Président de République ?
Qu'est-ce qui est révolutionnaire ? Que nous entrions dans une forme de monarchie audiovisuelle ? (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Qu'est-ce qui est révolutionnaire ? Qu'un certain nombre de gogos estiment que le nouveau mode de nomination aura le mérite de la clarté ?
Qu'est-ce qui est révolutionnaire ? Que cette solution à la Gribouille soit applaudie à la fois par les naïfs, par les habiles et par ceux que, par courtoisie, je me refuse à appeler les cyniques ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Qu'est-ce qui est révolutionnaire ? Un retour en arrière de trente ans ?
En fait, tout cela n'a rien de révolutionnaire. C'est au mieux bonapartiste, mais je ne veux pas faire injure à Bonaparte en évoquant des méthodes que nous sommes le seul pays d'Europe à appliquer. Vous comprenez pourquoi le groupe socialiste votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au nouveau service public de la télévision et du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma