La question posée par la présente motion est celle de la conformité du projet de loi avec la Constitution. Notre groupe a en effet de sérieux doutes sur ce point, et plus précisément sur les articles 20 et 21, lesquels concernent, respectivement, la taxe sur les recettes publicitaires des chaînes privées et la taxe sur les services fournis par les opérateurs de télécoms.
Nos doutes quant à la constitutionnalité de ce texte sont de deux ordres et reprennent l'analyse formulée par Guy Carcassonne, professeur d'université et agrégé des facultés de droit.
En premier lieu, nous estimons que ces taxes non affectées sont discriminatoires et, partant, sont contraires au principe constitutionnel d'égalité des acteurs économiques et des citoyens devant les charges publiques. En effet aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la contribution commune « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Pourquoi, dès lors, isoler certaines entreprises et les soumettre à une taxe supplémentaire alors que toutes acquittent déjà l'impôt sur les sociétés ? Il s'agit là d'une discrimination arbitraire, qu'aggrave l'absence d'affectation de ladite taxe.
Ensuite, ces taxes sont contraires au principe d'égalité, s'agissant de leur périmètre, d'abord : en quoi les opérateurs de télécommunications sont-ils liés à la télévision ? Évitons tout discours d'habillage. Le téléphone fixe comme les services voix ou SMS de la téléphonie mobile ne sont pas autrement liés à la télévision que par le biais des offres triple play, cumulant l'accès à l'internet, au téléphone et à la télévision. Dès lors, la taxe que vous entendez imposer n'est ni objective ni rationnelle, et elle entraîne une rupture d'égalité des citoyens devant les charges publiques.
Enfin, l'assiette de la taxe est plus critiquable encore. Notre Constitution prévoit que les acteurs économiques soient sollicité à hauteur de leur valeur contributive, que le chiffre d'affaires ne peut en aucun cas déterminer. Or ces deux taxes sont précisément adossées au chiffre d'affaires des entreprises.
Discrimination et rupture d'égalité : ces deux motifs nourrissent notre doute quant à la constitutionnalité du présent texte et nous incitent à ne pas suivre nos collègues de la majorité. Nous nous abstiendrons donc dans le vote de cette motion.
(L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.)