Le Président affirme qu'il aime le service public mais, en fait et comme d'habitude, il pratique le baiser qui tue.
Pourquoi tenons-nous à un service public fort ? Notre volonté de préserver un service public fort de l'audiovisuel repose sur deux raisons.
D'une part, la qualité de notre système audiovisuel global doit beaucoup à l'équilibre qui existe en son sein entre un pôle public incarnant les valeurs, les ambitions, les traditions du service public, et un pôle privé nécessaire, dynamique, à vocation commerciale. Cette compétition incite les chaînes privées à se soucier aussi de la qualité de leurs programmes, et les dissuade de sombrer – comme certaines chaînes étrangères – dans la télévision « de caniveau ». Symétriquement, elle incite les chaînes publiques à se soucier de l'audience, et les dissuade de se cantonner dans l'élitisme. Quelle erreur de regarder séparément le service public sans avoir une vue d'ensemble de l'audiovisuel !
D'autre part, le secteur de la communication est entré dans une phase de concentration que vous souhaitez encourager, et de mondialisation accélérée qui se traduit par l'émergence de grands groupes pour lesquels la défense de notre identité culturelle et de la qualité des programmes passe bien après les objectifs de rentabilité. Le secteur public de l'audiovisuel, lui, n'est pas opéable.
Cet équilibre entre service public et télévision commerciale s'est révélé fécond et aurait mérité d'être défendu. Il était déjà menacé par l'évolution des techniques – satellite, câble, Internet, compression d'images – et celle de l'économie – mondialisation, concertation, convergence –, favorables à l'explosion de l'offre. Cet équilibre est définitivement rompu par cette loi.
La défense du service public ne peut être que dynamique. Elle passe par l'amélioration de ses contenus et par la rénovation de sa gestion : moins de bureaucratie, moins de corporatisme, plus de créativité, plus de souplesse, plus d'initiatives. Bien entendu, mais attention ! Conforter la culture d'entreprise ne signifie pas gommer la diversité des chaînes, supprimer des milliers d'emplois. Installer le service public dans le « global média », cela implique de lui en donner les moyens, or ce n'est pas le cas.
Pour certains collègues, peut-être de bonne foi, la télévision publique n'est qu'un thème de débat subalterne, une posture obligée, une rhétorique de salon, une nourriture spirituelle qui peut alimenter tout un dîner, une cascade verbale qui ne tarit jamais. La commission Copé en est une belle illustration.