En préemptant cette ressource nouvelle pour boucher le trou que vous avez vous-même créé, vous interdisez que se mette en place une solution intelligente et dynamique pour relever le défi de la création et des échanges sur le Net. Voilà qui vous réserve de beaux jours pour la discussion future du projet créant la haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet : vous ne disposerez plus que de l'option répression, par ailleurs condamnée par avance par le Parlement européen.
Chacun sait bien que ce prélèvement se retrouvera inévitablement sur la facture des usagers. Dans la période actuelle où la question du pouvoir d'achat est redevenue centrale, est-ce vraiment opportun ? Viviane Reading, commissaire européenne chargée des technologies de l'information, soulignait avec juste raison que l'institution de cette taxe risquait d'être un handicap pour le développement du numérique.
J'en viens à la question de l'indépendance morale et politique de France Télévisions.
Les dispositions du projet vont constituer un retour en arrière de vingt-cinq ans et ruiner la longue marche de la télévision publique vers la crédibilité et l'indépendance. À partir des années 80, dans le sillage de Pierre Desgraupes et d'autres journalistes ou professionnels, l'indépendance politique de la télévision publique, quels que soient les crises, les soubresauts et les tumultes, fut un objectif partagé par les majorités et les oppositions successives au fil des lois. La consolidation du CSA comme autorité de régulation au fur et à mesure des constructions législatives, la rupture du cordon ombilical entre le pouvoir et la télé publique témoignent de cette évolution qui n'est rien moins qu'une conquête pour les libertés publiques.
En portant atteinte brutalement à ce processus, qui nous avait réunis jusqu'à ce jour, en remettant en cause l'indépendance et donc la crédibilité de la télévision publique, vous commettez une faute grave.
Dans les sociétés occidentales d'aujourd'hui, hypermédiatisées, dominées par le marché et la commercialisation à outrance de toutes les valeurs, nous avons besoin de médias indiscutables.