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Intervention de Michel Françaix

Réunion du 25 novembre 2008 à 15h00
Communication audiovisuelle et nouveau service public de la télévision nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Françaix :

On trouve bien l'emphase dans le ton, mais il manque la détermination. Penser qu'une once vertueuse de théâtre ou d'opéra suffirait à affirmer le service public et sa différence, c'est prendre le risque de cultiver l'arbre pour cacher la forêt Nous avons besoin d'une vision éditoriale, pas d'une marque de fabrique. Madame la ministre, vous parlez du sujet avec sincérité sans doute, mais vous ne le concrétisez pas.

Pourtant, la place accordée aux médias publics devient plus cruciale qu'auparavant. Ils constituent le levier essentiel par lequel les pouvoirs publics peuvent affirmer une ambition pour l'industrie des programmes, y compris pour le cinéma. Au moment où les médias privés seront guidés par une logique accrue de rentabilité – avec ce que cela induit d'incertain pour les contenus –, le service public est indispensable à la créativité audiovisuelle. Cette évidence aurait dû vous sauter aux yeux, et vous n'auriez pas dû accepter le détricotage du service public.

Depuis vingt ans, on annonce la mort des médias de masse. Ne confondons pas vitesse du changement technique, évolution des comportements, et changements structurels, dit Dominique Wolton. Plus les médias individualisés interactifs seront nombreux, plus les médias de masse seront nécessaires. Nous allons assister à un tassement de l'audience des médias généralistes, signe d'une guerre classique entre générations. Les jeunes utilisent Internet, mais certains méfaits d'une communication individualisée vont aussi faire retrouver les bienfaits des chaînes généralistes.

La presse écrite, les radios et la télévision proposent une offre ; Internet répond à une demande. Or c'est plus difficile de faire des médias de l'offre que de la demande ; plus facile et plus rentable de faire du thématique que du généraliste. Internet participe au mouvement d'individualisation, le valorise, mais ne l'a pas créé.

Nul doute que les contenus marqueront leur primauté sur les tuyaux, d'où la nécessité d'un service public fort. L'histoire de la peinture ne se réduit pas à l'histoire du pinceau. Loin de n'être qu'une somme d'individus et de communautés, le service public est le média collectif qui permet de dépasser les différences et les inégalités. La télévision de service public tisse le lien social, fédère les publics, met du sens dans un univers qui en manque, favorise la citoyenneté, fait émerger de nouveaux talents, et doit oeuvrer à cette coproduction européenne que le président Copé cherche à tout prix à mettre à l'ordre du jour.

Coexistent deux optiques que je comprends : les chaînes privées doivent enrichir leurs actionnaires, jour après jour ; les chaînes publiques doivent enrichir les citoyens, année après année. Cependant, vous avez voulu un vaste mouvement de libéralisation de l'audiovisuel : allégement des charges, obligations des chaînes privées, autorisation de la deuxième coupure publicitaire, accroissement de la durée de la publicité, assouplissement des règles anti-concentration. Dans le même temps, l'audiovisuel public devra composer des programmes au rabais, sous l'oeil goguenard de ceux qui pensent qu'il serait même temps de le privatiser.

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