Ou fallait-il faire un autre choix ? La solution a consisté à s'orienter vers le plafonnement des niches fiscales, qui permettaient à de très hauts revenus d'échapper à l'impôt. C'est ainsi que la majorité a décidé de résoudre le problème. Mais on a le droit d'avoir un autre avis. Je ne suis cependant pas persuadé qu'une autre disposition aurait rapporté autant.
Monsieur le haut-commissaire, vous l'avez rappelé, le RMI a été mis en oeuvre il y a une vingtaine d'années. Il a constitué une première évolution dans la façon de traiter le problème de l'exclusion. C'était un filet de sécurité pour ceux qui n'avaient quasiment rien. Tout ce qui relevait plus précisément de l'insertion a cependant connu un succès limité. Surtout, on a assisté à la multiplication des procédures, à l'augmentation du temps administratif pour les services sociaux, avec des personnels qui n'étaient pas forcément formés à cette tâche ni obligatoirement prêts à assumer le « I » de l'insertion. Toujours au titre des effets secondaires un peu négatifs, il en est résulté un surinvestissement du système associatif par rapport aux problématiques de l'insertion, qui ont souvent été sous-traitées par les services sociaux des conseils généraux.
Mais il faut souligner aussi, et c'était très positif, que le RMI a permis de reprendre contact avec des populations qu'on ignorait car elles s'étaient exclues – plus ou moins volontairement d'ailleurs – de la société. C'est à cette époque qu'on a commencé à parler des nouveaux pauvres. On a redécouvert ainsi toute une population qui a elle-même redécouvert notre société.
Au cours de cette période, un secteur a été très sollicité, celui de l'insertion par l'activité économique. On a beaucoup investi notamment dans le secteur associatif. Mais, au fil des années, ce secteur, dont nous avons grandement besoin, a été victime de la multiplicité des dispositifs ainsi que des gels ou augmentations de crédits, ce qui l'a fragilisé.
Aujourd'hui, nous en sommes arrivés au RSA, dont vous avez été, monsieur le haut-commissaire, le concepteur. Dans le domaine de l'action sociale et de l'insertion, c'est le projet le plus cohérent et le mieux adapté à notre société. Je rappellerai à ceux qui ont critiqué ce dispositif qu'il a été précédé de huit mois de concertation, à laquelle plusieurs d'entre nous ont participé. Ce « Grenelle de l'insertion » a constitué une initiative très intéressante qui a permis à tous les partenaires concernés par l'insertion d'apporter leur pierre à l'édifice. Cela n'a pas été simple, car les débats furent riches et fournis.
Le texte, tel qu'il résulte de notre examen, comporte des mesures qui me paraissent très intéressantes. Vous allez d'abord contribuer à la simplification des minima sociaux. Le RMI et l'API se fondent par exemple dans le RSA. Nous aurons un contrat unique d'insertion. Vous avez également répondu aux acteurs de terrain qui vous ont demandé de pouvoir prolonger ces contrats au-delà de vingt-quatre mois pour les personnes âgées de plus cinquante ans. Cela évitera à ces dernières de se retrouver sans activité en fin de contrat. Le temps de travail social pourra ainsi être utilisé autrement, sans parler des heures passées auprès des services de l'emploi pour tenter de régler des problèmes parfois insolubles.
Les aides aux entreprises ont également été moralisées puisqu'elles seront désormais conditionnées aux engagements pris par les entreprises qui devront proposer, en contrepartie, des emplois a priori pérennes.
Ce texte apporte aussi un début de réponse pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans. Le Sénat a introduit un fonds d'expérimentation doté de 10 millions d'euros qui sera activé dès le vote de cette loi. Quant à l'Assemblée, elle a prévu un rapport sur la situation de ces jeunes. Pour ma part, je reste persuadé qu'il faudra, à un moment ou à un autre, nous interroger sur le statut des jeunes de moins de vingt-cinq qui retrouvent un emploi avec un salaire très proche du SMIC et dont la situation s'apparentera alors à celle des travailleurs pauvres. Bénéficieront-ils du même traitement que ces derniers ou devra-t-on toujours les considérer comme des jeunes ?
Actuellement, les jeunes de moins de vingt-cinq ans ayant charge de famille sont concernés par le RMI et seront donc visés par le RSA. Mais, quid de ceux qui, âgés de moins de vingt-cinq et sans charge de famille, travailleront ?