La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. Dominique Souchet, élu dimanche dernier député de la cinquième circonscription de Vendée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question, à laquelle j'associe bien volontiers ma collègue Martine Aurillac, s'adresse à M. le Premier ministre et devrait faire consensus au sein de notre hémicycle puisqu'elle a trait à la libération des otages du voilier français Le Ponant.
En tout premier lieu, je tiens à me féliciter, à l'instar de tous mes collègues ici présents, du retour de nos compatriotes sur le sol français, accueillis hier soir à l'aéroport d'Orly par le Président de la République, ce qui témoigne de l'efficacité de l'intervention de nos forces armées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce succès atteste en effet du courage et de l'implication de nos militaires sur le terrain, et je veux ici rendre hommage à tous ces hommes et à toutes ces femmes qui combattent parfois au péril de leur vie et partagent un état d'esprit fait de force morale, de fierté de servir et de dévouement.
Monsieur le Premier ministre, le vendredi 4 avril dernier, le voilier français Le Ponant, qui naviguait dans le Golfe d'Aden, est la cible de pirates. Cette partie de la corne de l'Afrique est réputée dangereuse et fait l'objet de nombreuses attaques par des gangs organisés. La nouvelle de cette prise d'otages est aussitôt rapportée au Président de la République, qui mobilise l'ensemble des moyens de l'État.
Le contact est établi dès le dimanche 6 avril entre l'armateur et les pirates, et une cellule de négociation est mise en place à Marseille, au siège social de la CMA-CGM. Toute cette opération a été menée avec beaucoup de sang-froid et de professionnalisme par les autorités civiles et militaires françaises. De cette résolution, je tire plusieurs enseignements.
Tout d'abord, il me paraît fondamental de préciser que cette crise a pu être résolue notamment grâce au pré-positionnement de nos forces à l'étranger, en particulier à Djibouti, qui a permis à l'intervention d'être menée avec une grande rapidité et une efficacité remarquable. À l'aune du débat sur la révision générale des politiques publiques et sur le Livre blanc, ce point me paraît tout à fait fondamental et mérite d'être apprécié au regard des décisions futures.
Deuxième enseignement, cette résolution n'a été rendue possible que grâce à la parfaite coordination interministérielle – entre les ministères de la défense et des affaires étrangères – et les liens très étroits développés, dès le départ, avec l'armateur français.
Pour autant, de nombreuses interrogations demeurent, monsieur le Premier ministre.
Aussi, au moment du retour des ex-otages du Ponant sur le territoire français, je vous demande, monsieur le Premier ministre, de bien vouloir indiquer à la représentation nationale les conditions exactes de leur libération, ainsi que les modalités précises de collaboration entre les autorités civiles et militaires qui ont permis d'aboutir à cette issue favorable.
Enfin, pourriez-vous, monsieur le Premier ministre, nous éclairer sur le sort judiciaire des ravisseurs, aujourd'hui entre les mains des autorités françaises ? Je vous remercie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le député, comme vous, je me réjouis de l'issue heureuse de la prise d'otages du Ponant puisque, vous l'avez rappelé, l'équipage au complet a été libéré et est arrivé, sain et sauf, sur le sol français hier, où il a été accueilli par le Président de la République.
Dès que nous avons été informés de cette prise d'otages, un bâtiment de la Marine nationale a pris le voilier en chasse et a pénétré dans les eaux somaliennes, avec l'accord des autorités du pays, en vertu du droit de suite. Une négociation s'est engagée entre l'armateur et les pirates, dans laquelle l'État français n'est pas intervenu. Mais pendant que cette négociation avait lieu, nous avons acheminé sur place des moyens d'intervention, en étudiant toutes les options : la libération des otages par la force – qui s'est avérée trop dangereuse – ou l'intervention, sitôt les otages libérés, pour tenter de récupérer la rançon et d'arrêter les pirates.
C'est cette deuxième option qui a été retenue : des commandos de la marine nationale et des membres du GIGN, opérant à partir de navires de la marine nationale, ont intercepté six pirates et récupéré une partie de la rançon. Ces pirates se trouvent actuellement sur un bateau français, et nous attendons la confirmation du président Youssouf et des autorités somaliennes pour les acheminer en France où nous voulons qu'ils soient jugés.
Mesdames et messieurs les députés, c'est la première fois depuis très longtemps, je tiens à le souligner, qu'une opération militaire est conduite contre un acte de piraterie maritime, et qui plus est avec succès ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
En 2007, 263 actes de pirateries maritimes ont été répertoriés, dont plus d'une trentaine au large des côtes somaliennes. Cette situation ne peut perdurer et la France veut que le droit international soit respecté.
C'est la raison pour laquelle nous avons pris l'initiative de proposer au Conseil de sécurité, d'une part, d'ouvrir un droit de suite automatique pour les marines qui auraient reçu l'accord du Conseil de sécurité en cas de flagrance, d'autre part, d'autoriser le développement de patrouilles maritimes dans les zones dangereuses à des fins de dissuasion. C'est d'ailleurs ce que la France a fait, pendant plusieurs mois et avec succès, pour protéger les bâtiments du Programme alimentaire mondial : les bâtiments, jusqu'alors régulièrement rackettés, n'ont plus été inquiétés. Leur protection est actuellement assurée par la marine hollandaise.
La décision prise par le Président de la République non seulement est heureuse, car elle a permis de dénouer la crise, mais fera date en marquant le début d'une reconquête du droit international dans cette zone. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, même si vous ne voulez plus leur rembourser les lunettes, vous n'empêcherez pas les Français de lire l'augmentation de leur facture d'énergie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous avez décidé, au début de ce mandat, de vider les caisses de l'État de 15 milliards d'euros de cadeaux fiscaux chaque année. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Alors tous les moyens sont bons pour les remplir autrement, en imposant aux ménages une politique de rigueur qui leur coûte de plus en plus cher.
Toutes les entreprises encore un peu publiques sont mises à contribution pour « cracher » des dividendes par milliards à l'État. EDF, La SNCF, La Poste, Gaz de France doivent payer la gabelle à l'État sur le dos des Français... Suppression d'emplois, suppression de bureaux de postes, suppression des abonnements « famille nombreuse », augmentation des tarifs, rien n'est négligé pour obtenir, par la baisse du pouvoir d'achat, ce que vous avez renoncé à obtenir par la contribution solidaire de ceux qui avaient les moyens de payer des impôts.
De la franchise médicale à l'augmentation des tarifs de l'énergie – 5,5 % à nouveau pour le gaz –, vous tapez dans le porte-monnaie de la manière la plus injuste qui soit, au détriment des achats de biens de première nécessité, indispensables à la vie. Vous appliquez la méthode du racket organisé (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), autrefois appelé « la bourse ou la vie ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La part de l'énergie dans le budget des ménages les plus modestes est de 15 %, contre 6 % pour les plus aisés. En trois mois, les consommateurs auront subi une augmentation de 10 % de leur facture de gaz, qui est devenu la première source d'énergie pour le chauffage.
Inutile de masquer votre décision politique derrière les cours des matières premières... En effet, la force de l'euro, qui nous pénalise dans de nombreux domaines, nous avantage pour payer la facture énergétique : le coût du pétrole ne peut donc pas être l'argument ! Et avec 2,5 milliards de bénéfice net en 2007 et des dividendes multipliés par quatre, tout va bien pour Gaz de France !
En fait, il s'agit de soutenir le cours de l'action GDF en vue de sa privatisation et de sa fusion avec Suez. Grâce à cette nouvelle augmentation des tarifs, la valeur de l'action de Gaz de France se rapproche de celle de Suez : c'est cela, le deal de la fusion.
Monsieur le Premier ministre, jusqu'où allez-vous pousser l'avantage des actionnaires en tirant sur la corde du budget des ménages qui n'en peuvent plus d'une politique qui ne leur laisse aucun choix entre la bourse ou la vie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député, je crois que nous pouvons tous nous féliciter que les sociétés dans lesquelles l'État est actionnaire soient suffisamment bien gérées actuellement pour verser un dividende à l'État. C'est de l'argent qui va à tous les Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
S'agissant du prix du gaz, je voudrais vous apporter une réponse précise, car c'est un souci pour tous les Français, en particulier les ménages les plus modestes.
Vous le savez, la loi commande que l'augmentation du cours des matières premières, notamment du gaz, soit répercutée sur les prix à la consommation. Sur la période de référence, le fioul, qui sert d'index pour mesurer l'augmentation du prix du gaz, a augmenté de 27 %.
Soucieux de la consommation des ménages les plus modestes, nous avons accepté la demande de revalorisation des tarifs de Gaz de France, plafonnée à hauteur de 5,5 %, c'est-à-dire nette de tous les gains de change dont bénéficie Gaz de France grâce à l'euro. Cette proposition est actuellement soumise à la CRE.
La Commission de régulation de l'énergie, monsieur le député, vous le savez fort bien !
Lorsque la CRE aura donné son accord, l'augmentation de 5,5 % sera effective. Pour un foyer, cela correspond à une augmentation de la facture de gaz de 4 euros TTC par mois, ce qui est un effort réel.
Au reste, cela n'a pas échappé à la droite ! Et lorsque, en décembre 2006, au moment de la libéralisation de l'énergie, il a été question de mettre en place un tarif social du gaz, c'est la droite qui l'a proposé, et c'est la droite qui le mettra en oeuvre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pour ce faire, nous menons actuellement les consultations nécessaires et espérons vivement que le tarif social du gaz, dont bénéficieront au moins 750 000 foyers, s'appliquera aussi aux consommations de l'année 2008. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
L'emploi ! Le Gouvernement n'a que ce mot à la bouche. Et pourtant, madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, vous lisez sans doute tous les jours, comme moi, Les Échos.
Sanofi-Aventis, ex-Rhône-Poulenc à Vitry : 450 licenciements. Kléber à Toul : 826 licenciements annoncés par Michelin avant fermeture du site. Essex à Chauny : menace de 200 licenciements. Valeo : 160 licenciements. J'arrête là la lecture des Échos sur une seule semaine…
Mais n'oublions pas Gandrange : 500 licenciements ! Envolées, les promesses de M. Sarkozy !
Et puis Goodyear-Dunlop : 2 700 salariés, 4 000 en comptant les sous-traitants à Amiens. Refus de négociations sérieuses de la part de la direction, menace à l'emploi, provocations, tribunaux, alors que 68 % des salariés ont, démocratiquement, dit « non » aux 4x8 que veut leur imposer la direction. Et pourtant, dans cette entreprise, les profits vont bon train, ils sont même exorbitants !
Comme je vous l'ai indiqué, madame la ministre, la volonté du groupe est bien de liquider le site d'Amiens et les deux entreprises Goodyear et Dunlop, en tentant de faire porter la responsabilité aux salariés et aux syndicats. Ces derniers ont refusé le passage aux 4x8, qui se traduiraient par de nouvelles dégradations des conditions de travail et de vie – elles ne sont déjà pas brillantes : un accident par jour chez Goodyear, maladies professionnelles multipliées par quatre, conditions de travail insupportables, démontrées par une expertise sérieuse !
Dans votre réponse écrite en date du 11 avril, madame la ministre, vous avouez votre impuissance – comme M. Sarkozy – au nom de l'ultralibéralisme.
Veuillez poser votre question, monsieur Gremetz !
Vous dites que « les entreprises sont libres de leurs choix d'investissement ». Vous auriez pu ajouter, madame la ministre, que les salariés sont libres d'êtres chômeurs !
Pour le bassin d'Amiens, la liberté, c'est de compter demain 30 % de chômeurs au lieu de 15 % aujourd'hui. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous ajoutez que, si ce groupe abandonnait Amiens, il serait dans l'obligation de revitaliser le site. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Quel aveu madame la ministre ! Vous savez bien qu'ils veulent quitter ce site…
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous me coupez le micro, mais je n'ai pas fini de poser ma question, monsieur le président !
La parole est à M. le secrétaire d'État ! (M. Maxime Gremetz continue de parler debout devant le micro. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement considère que l'industrie a bel et bien un avenir dans notre pays. Et c'est pourquoi il agit à la fois dans le domaine de l'innovation, pour permettre à de nouveaux projets de voir le jour en France, et sur les mutations économiques, qui interviennent au niveau international.
Vous avez rappelé ce qui se passe actuellement à Amiens, sur le site de Goodyear-Dunlop, et qui fait l'objet de toute l'attention du Gouvernement, car 2 600 emplois sont concernés. Vous connaissez bien ce dossier, monsieur Gremetz, et vous savez que l'entreprise s'est engagée dans une remise à niveau de son outil de production qui prévoit un investissement lourd d'une cinquantaine de millions d'euros sur le site.
Le groupe y est prêt, mais à la condition d'avoir des garanties sur la viabilité économique du site. Cela passe par un déblocage de la négociation sur l'organisation du temps de travail qui, jusqu'à présent, a échoué. Au bout de dix-huit mois de négociation, les salariés de l'usine Dunlop ont conclu un accord avec la direction : soumise à référendum, la nouvelle organisation du temps de travail a été acceptée par l'immense majorité des salariés. Toutefois, certains représentants syndicaux de l'usine Goodyear refusent aujourd'hui de négocier et se sont engagés dans des démarches procédurières.
Monsieur le député, nous souhaitons que chacun prenne ses responsabilités. La direction de Goodyear s'est engagée auprès de Christine Lagarde à investir sur le site, à condition que chacun prenne ses responsabilités. Nous favorisons, comme nous l'avons fait depuis toujours, la reprise du dialogue.
Je souhaite, monsieur le député, que vous soyez à nos côtés pour ce combat, car notre pays a besoin de grandes industries, notamment dans le pneumatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et des lunettes !
Les Français sont attachés à leur système de santé et à la qualité des soins qu'il garantit à tous. Nous sommes toutefois conscients qu'une grave crise, touchant à la fois son organisation et ses finances, menace les fondements de notre sécurité sociale.
Le Gouvernement s'est engagé à mener les réformes indispensables au retour à l'équilibre et au maintien d'un accès universel aux soins. Le groupe Nouveau Centre soutient ces orientations et appuie la volonté de responsabiliser l'ensemble des acteurs.
Madame la ministre, à la suite de propos rapportés dans la presse, certains syndicats ont fait part de leurs plus vives inquiétudes quant à la possibilité d'un déremboursement des frais d'optique, et à leur transfert aux complémentaires santé. Certes, les complémentaires santé ont vu leurs marges bénéficiaires doubler en quatre ans. Toutefois, un tel transfert ne ferait économiser à la sécurité sociale qu'à peine 0,1 % des dépenses de l'assurance maladie. C'est très peu, au regard de nos comptes sociaux. Mais ce n'est pas rien pour les 35 millions de Français qui risquent de voir augmenter le coût de leur complémentaire.
Madame la ministre, la défense du pouvoir d'achat des Français est une priorité de l'action du Gouvernement et de la majorité. Transférer les dépenses aux complémentaires n'est pas une solution. Dans ce contexte, pouvez-vous préciser vos intentions réelles, de manière à rassurer les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et des lunettes ! (Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine brandissent leurs lunettes.)
Je vous remercie pour votre question, monsieur le député, car elle va me permettre d'en finir avec une vaine polémique. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) En effet, je me demande bien où les commentateurs sont allés chercher cette affaire. Je me suis fait porter le verbatim de l'émission en question : je n'ai trouvé nulle part trace des propos qu'on m'a prêtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Permettez-moi, maintenant, de répondre sur le fond. Je suis la ministre de la qualité des soins. Il convient de ne pas opposer qualité des soins et bonne gestion, car c'est la qualité des soins qui permet la bonne gestion, et c'est la bonne gestion qui nous permettra de financer nos besoins. Nous avons un très haut niveau de mutualisation de nos dépenses, à travers le régime d'assurance maladie, qui couvre 78 % de nos dépenses de santé, et à travers les organismes complémentaires, qui assurent 12 % des dépenses de santé pour 92 % de nos concitoyens.
Le Président de la République a très justement lancé le dossier d'un partage des responsabilités entre l'assurance maladie et les organismes complémentaires.
Nous en sommes au stade de la réflexion sur ces sujets. Elle aboutira au moment où sera présenté le projet de loi de financement de la sécurité sociale et, bien entendu, dans la loi « santé, patients et territoires » que je défendrai à l'automne.
L'optique est d'ores et déjà majoritairement prise en charge par les organismes complémentaires et, de façon très marginale, par l'assurance maladie. Ce que je veux, c'est renforcer la prise en charge solidaire des dépenses d'optique qui peuvent grever le budget des plus modestes de nos concitoyens. Sur ce sujet, j'entame la concertation et le dialogue avec l'ensemble des acteurs concernés, et j'espère que cette polémique ridicule va s'éteindre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Benoist Apparu, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, depuis plusieurs jours, des lycéens font grève et manifestent. Ils manifestent pour exprimer leur inquiétude : à propos du bac et de sa valeur sur le marché du travail, à propos du choix et de la réussite de leurs études supérieures, à propos des débouchés professionnels.
Ces questions montrent à quel point la réforme de l'orientation que vous menez avec Valérie Pecresse est essentielle. Elles montrent également que la réforme du bac, notamment du bac professionnel, l'est tout autant. Elles montrent enfin qu'il faut donner des perspectives aux lycéens qui manifestent.
Mais les lycéens expriment leurs inquiétudes à propos d'une autre question : celle des moyens et du nombre d'enseignants. Beaucoup considèrent que la qualité du système éducatif dépend exclusivement du nombre d'enseignants. Beaucoup considèrent que baisser le nombre de professeurs, c'est baisser la qualité de l'enseignement qu'ils reçoivent. (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Or cette équation est malheureusement inexacte.
Dans ce cas, supprimez tous les enseignants ! Comme ça, tout le monde aura le bac !
Sinon, pourquoi la France, qui a l'un des meilleurs taux d'encadrement de l'OCDE, n'a pas les meilleurs résultats ?
Au-delà de cette lancinante querelle des chiffres, qui semble être le seul projet éducatif de nos collègues socialistes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le point des réformes en cours, nous faire part des perspectives que vous voulez donner aux lycéens et répondre ainsi à leurs inquiétudes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Allô ! Allô !
Je vous remercie, monsieur le député…
…de rappeler ce que sont les véritables enjeux et ce que, d'ailleurs, demandent les lycéens. Car, contrairement à beaucoup de ceux qui s'expriment ici, j'ai reçu les lycéens, je les ai vus, je les connais. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) De quoi me parlent-ils ? De ce qui les préoccupe, c'est-à-dire d'un lycée qui soit plus réactif, de l'orientation, de l'accompagnement, du soutien, d'une plus grande autonomie lorsqu'ils se présenteront au baccalauréat.
Ils me parlent du fait que deux bacheliers sur quatre, lorsqu'ils arrivent dans l'enseignement supérieur, se retrouvent sans aucun diplôme au bout de trois ans. Ils me parlent des vraies questions. Mais, évidemment, ces questions-là sont obnubilées par une autre manière de présenter les choses, qui est la question des moyens.
Puis-je faire deux observations sur les moyens ? La première, c'est que, à la rentrée prochaine, nous aurons exactement le même encadrement par élève qu'à la rentrée 2007 (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), vingt-huit élèves en moyenne dans les lycées généraux, dix-neuf élèves en moyenne dans les lycées professionnels. Mais je voudrais ajouter une chose qui n'est pas encore assez dite ici, messieurs les députés de l'opposition.
Plusieurs députées du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et mesdames les députées ?
Serait-il vraiment raisonnable, serait-ce mon métier d'éducateur et de ministre de l'éducation nationale de dire à la jeunesse qu'il est sans importance de continuer à créer de l'emploi public, de faire de la dette, qu'ils auront à payer plus tard ? Pouvons-nous agir ainsi, si nous sommes responsables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Les lycéens que j'ai rencontrés ont raison de s'inquiéter, mais nous répondons à leur demande.
Un lycéen me disait l'autre jour : « Les jeunes d'aujourd'hui n'ont rien à voir avec ceux d'il y a vingt ans. Or vous nous offrez un lycée napoléonien. » Ils veulent qu'on change ce lycée et, avec eux, nous le changerons, car, contrairement à certains slogans, eux, ils sont contre le conservatisme, contre l'idée reçue, cette billevesée socialiste qui dit : « toujours plus de moyens pour plus de réussite », mais qui n'est qu'un mensonge. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Nicolas Forissier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, la flambée des prix des produits alimentaires a débouché sur une situation de crise alimentaire mondiale très préoccupante.
Depuis plusieurs semaines, nous sommes confrontés à des émeutes de la faim, notamment en Égypte, au Cameroun, en Mauritanie, qui importe près de 70 % de son alimentation, ou plus récemment en Haïti, où dix jours d'émeutes ont été marqués par le décès de six personnes. Cette situation est très alarmante et se produit dans un contexte de hausse des prix alimentaires extrêmement importante. Le prix du blé a augmenté de 181 % en trois ans ; celui des produits alimentaires de 83 % sur la même période ; en deux mois, celui du riz a augmenté de 75 %, ce qui a conduit la FAO à dresser une liste de trente-sept pays qui, à court ou à moyen terme, sont menacés de crise alimentaire. Le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l'alimentation, Jean Ziegler, évoque un monde qui se dirige vers « une très longue période d'émeutes » et parle d'« hécatombe annoncée si rien n'est fait ».
Monsieur le ministre, au-delà des aides financières d'urgence pour les pays menacés de crise alimentaire – je rappelle au passage qu'il manque quelque 600 millions d'euros au programme alimentaire mondial –, il est très important de définir rapidement les moyens d'assurer la sécurité alimentaire sur le plan mondial, d'améliorer, de renforcer la production agricole dans les pays riches ou émergents, comme dans les pays en voie de développement. Pour cela, monsieur le ministre, il ne faut pas simplement mettre en place des moyens d'urgence, mais aussi des moyens structurels : je pense à la production agricole locale, notamment dans les pays d'Afrique.
La semaine dernière, vous avez insisté sur la nécessité et l'urgence d'une initiative européenne de sécurité alimentaire. Je sais que vous avez évoqué cette question hier au conseil agricole de Bruxelles avec vos collègues européens. Pouvez-vous préciser les mesures et les initiatives que la France prend ou entend prendre sur cette question absolument vitale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, 850 millions d'êtres humains sont aujourd'hui menacés par la faim. Cette situation va en effet s'aggraver pour les raisons que vous avez dites, monsieur Forissier : l'augmentation durable des prix et – permettez-moi de le rappeler – les phénomènes nouveaux de spéculation financière qui l'accompagnent. Face à cette détresse qui s'exprime dans la rue, et à laquelle nous devons être sensibles – en Haïti, à Yaoundé et dans d'autres capitales –, l'Union européenne doit être à l'avant-garde de la solidarité. Nous y avons travaillé hier avec mes collègues ministres de l'agriculture. J'y travaille, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, avec Bernard Kouchner.
Pour contrer une telle menace, nous disposons de trois moyens d'action.
Dans l'immédiat, face à l'urgence, nous pouvons abonder le programme alimentaire mondial. L'Europe vient de dégager 160 millions d'euros, la France prendra sa part. C'est aussi le rôle des ONG et de très nombreuses collectivités locales, qui réalisent un formidable travail sur le terrain. Je veux les en remercier.
Ensuite, nous devons préparer dès maintenant les prochaines campagnes agricoles de 2008 et de 2009. La FAO a proposé de distribuer massivement des semences et des engrais ; nous soutiendrons cette proposition.
À moyen terme, nous devons réorienter l'agenda international vers l'agriculture. Il faut produire plus et produire mieux, comme nous le faisons déjà en Europe, et surtout, il faut favoriser l'agriculture qui sert à l'alimentation.
Pour cela, il faut réorienter nos programmes vers l'agriculture vivrière dans les pays les plus pauvres. Il faut en outre aider ces pays, grâce à notre expertise, à bâtir, ou à reconstruire, leur autonomie agricole alimentaire et sanitaire et à développer une politique propre de gestion de crise dans un cadre qui pourrait être régional, comme nous l'avons fait en Europe – je pense notamment à l'Afrique de l'ouest. Enfin, il faut intervenir dans les négociations du commerce international. En ce moment, l'Ukraine ou l'Argentine ferment leurs frontières, taxent leurs exportations pour préserver leur alimentation. En ce moment, des négociations s'accélèrent à l'OMC. Je pense que les pays les plus pauvres seraient les premières victimes d'un mauvais accord à l'OMC.
Mesdames et messieurs les députés, j'ai beau être libéral, je ne suis pas un adepte du tout libéral. Je ne crois pas à la seule loi des marchés...
…et encore moins à la spéculation pour relever le défi de la sécurité alimentaire dans le monde. Voilà ce que devrait être la réponse de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous avez sans doute reçu récemment les lycéens mais je doute que vous les ayez véritablement écoutés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En tout cas, je suis sûr que vous ne les avez pas entendus car si vous l'aviez fait, vous auriez répondu avec moins d'arrogance tout à l'heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Depuis maintenant un an, votre seul souci est de tenter de faire admettre à l'opinion publique la saignée dans les effectifs de l'éducation nationale pour la rentrée prochaine, et sans doute pire encore pour les années à venir. ((Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Votre seul argument, vous l'avez encore répété tout à l'heure, est la baisse du nombre d'élèves qui permettrait, selon vous, un taux d'encadrement convenable de onze élèves par professeur. Or vous savez très bien, monsieur le ministre, que ce chiffre est faux et qu'il ne correspond à rien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Dans les lycées, la taille moyenne des classes approche les trente élèves, et elle atteint parfois les trente-cinq en seconde, alors que c'est la classe la plus importante pour l'orientation des jeunes.
Dans les lycées de l'agglomération lilloise, pas une classe de seconde n'est en dessous des trente élèves.
Par ailleurs, c'est au moment même où le nombre d'élèves augmente fortement en primaire et en collège que le Président de la République annonce le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, ce qui entraînerait la suppression de 85 000 postes d'ici à 2012 dans l'éducation nationale alors que, au contraire, il faudrait prévoir dès maintenant l'accueil de ces nouveaux élèves.
Oui, les réformes sont nécessaires, et nous les avions engagées, mais jamais elles ne se feront en supprimant des moyens. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Aujourd'hui, votre politique, c'est de supprimer les cours du samedi matin en primaire, sans aucune concertation avec les maires qui devront le plus souvent prendre en charge les élèves. Vous bâclez, là encore sans concertation, de nouveaux programmes, que la plupart des enseignants refusent. Enfin, vous jetez les enseignants à la vindicte populaire, ce qui est scandaleux, avouons-le, en les accusant de manipuler les lycéens qui clament, encore aujourd'hui, leur révolte. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, votre premier devoir est de défendre l'institution scolaire, ses enseignants et ses élèves. Quand allez-vous enfin vous ressaisir et vous battre pour que l'école ne soit pas la première victime de vos cadeaux fiscaux et de vos choix budgétaires désastreux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le député, vous connaissez trop bien le système éducatif…
… pour essayer de nous faire croire que la réponse à nos problèmes résiderait dans l'augmentation systématique du nombre de postes. Si tel était le cas, nous serions aujourd'hui les premiers au monde car le système éducatif français est l'un des plus généreux qui soit – nous avons un professeur pour 11,9 élèves.
Je ne nie pas qu'il existe des disparités ici ou là, mais nous avons bien plus investi dans l'enseignement que les pays comparables. Or tous ces efforts quantitatifs n'ont pas abouti à ce que nous progressions dans les classements internationaux, bien au contraire : la France ne cesse de perdre du terrain dans les études PISA sur les lycées.
Notre premier devoir, c'est de penser aux enfants précisément. Un enfant qui entre dans le système éducatif aujourd'hui en sortira en 2030. Prétendez-vous que son destin changera s'il a un ou deux camarades de plus dans sa classe, ou s'il y a, à la rentrée prochaine, quelques milliers de professeurs en moins sur près d'un million ?
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Oui !
Son destin sera-t-il différent s'il ne peut choisir qu'entre sept options ou huit, neuf ou dix ? Le croyez-vous vraiment ?
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Oui !
Personnellement, je ne le crois pas.
Nous avons montré notre capacité à réformer là où c'était nécessaire : nous avons mis en place les études surveillées dans les collèges de l'ambition prioritaire, qui sont un succès, nous avons instauré des stages pour des élèves en difficulté en CM1-CM2. Comment peut-on oser protester contre la proposition du Président de la République d'offrir gratuitement une remédiation pour des élèves qui sont en difficulté et dont les familles ne peuvent pas se payer des cours particuliers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous sommes en train de mettre en place pour la rentrée prochaine, vous le savez, de nouveaux programmes pour le primaire. Ces programmes sont, contrairement à ce que vous venez de dire, monsieur Durand, soumis à examen. Nous avons reçu en provenance des circonscriptions 1 100 synthèses, qui montrent, et je les publierai, que plus de la moitié des enseignants approuvent ces programmes.
Autrement dit, monsieur Durand, vous ne pouvez continuer à soutenir que notre seul projet serait de nuire à l'éducation nationale et aux enseignants. Du reste, les intéressés eux-mêmes ne vous croient pas, ou si peu : alors que depuis cinq semaines, on ne cesse d'annoncer le grand soir, la montée en puissance des manifestations…
…aujourd'hui, 82 % des professeurs ne font pas grève. Je veux rendre hommage à ces enseignants : ils ont compris que les enjeux étaient ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, en France, 500 000 offres d'emplois sont non pourvues faute de personnel suffisamment qualifié ou disponible, alors même que notre pays compte aujourd'hui 1,8 million de chômeurs. A tout le moins, il y a là une incohérence.
Le Président de la République a clairement indiqué qu'il entendait durcir les sanctions à l'encontre des chômeurs qui refuseraient deux offres d'emplois raisonnables.
Certes, une circulaire du 19 septembre 2005 permet déjà de diminuer de 20 % les allocations chômage au premier refus, puis de 50 % au deuxième refus, avant la suppression totale des allocations. Néanmoins, il apparaît que ces dispositions sont insuffisantes, j'en veux pour preuve le faible nombre de radiations pour refus d'emploi : seulement 1 500 par mois.
Quant à la fraude, il y a eu en 2006, selon les dernières statistiques contenues dans l'excellent rapport de notre collègue Dominique Tian, 140 millions d'euros détournés et 788 procédures pénales engagées contre de faux chômeurs.
Selon certains articles parus dans la presse, des pistes seraient déjà privilégiées. Il a notamment été évoqué des sanctions renforcées au bout de six mois pour les demandeurs d'emploi s'installant trop durablement dans le chômage.
Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer davantage sur ces pistes de réflexion et, plus généralement, nous exposer les dispositions envisagées dans le cadre de l'accompagnement des chômeurs et ce, dans le respect des droits et des devoirs réciproques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame la députée, quelle est aujourd'hui la réalité en matière de chômage ?
C'est d'abord une diminution historique : avec 7,5 %, le chômage enregistre son plus bas niveau depuis 1983. Ce sont ensuite des milliers de demandeurs d'emploi, dont l'immense majorité fait, qui font des efforts considérables pour trouver un emploi.
La réalité, c'est dans le même temps, vous l'avez rappelé, entre 500 000 et 600 000 offres d'emploi qui ne sont pas pourvues, bien souvent dans les secteurs en tension. C'est une définition de l'offre d'emploi extrêmement floue, qui laisse la place à l'arbitraire, tantôt au laxisme, tantôt au rigorisme.
Pour demain, la réalité que nous essayons de construire, c'est une France qui doit poursuivre sur le chemin de la réduction du chômage et du plein emploi. C'est la prise en compte, vous l'avez dit, d'une logique de droits d'une part, de devoirs d'autre part.
La logique des droits, c'est celle qui permet aux demandeurs d'emploi de trouver, dans une institution rénovée après la fusion déjà opérée de l'ANPE et des ASSEDIC, une plateforme d'accueil, qui permet d'identifier les besoins en formation, d'accompagner le demandeur d'emploi, de lui trouver des offres et enfin, si c'est nécessaire, de l'indemniser. Ce sont tous ces services-là qui doivent être fournis aux demandeurs d'emploi.
Naturellement, lorsqu'on a des droits, on a aussi des devoirs. Les devoirs d'un demandeur d'emploi, c'est de s'engager de faire son maximum pour aller à la rencontre des entreprises, pour trouver un emploi et accepter, c'est bien le moins, des offres raisonnables d'emploi.
D'un côté, des devoirs, de l'autre, des droits ; au milieu, un point d'équilibre. Le point d'équilibre, c'est nous qui le fournissons tous ensemble, en mettant en place un nouvel instrument, une ANPE et des ASSEDIC fusionnées, un dispositif de formation professionnelle rénové et un système d'assurance chômage qui doit faire l'objet de discussions pas plus tard qu'après-demain avec les organisations représentatives des salariés et des employeurs.
C'est sur la base de cette logique que nous allons essayer de définir, en discussion avec les partenaires sociaux, les critères précis de l'offre « raisonnable » d'emploi.
Aujourd'hui, le droit français ne comporte pas de définition précise, nous devons y pourvoir. C'est une chance historique que nous avons de pouvoir réduire le chômage jusqu'à atteindre le plein emploi. J'espère que, à gauche comme à droite de l'hémicycle, nous saurons unis nos efforts pour y parvenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Bernard Depierre, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, une récente enquête menée auprès de 7 000 jeunes de onze à quinze ans nous indique que les jeunes commencent à consommer de l'alcool de plus en plus tôt. Cette enquête, que corroborent certains faits d'actualité, inquiète la représentation nationale à plusieurs titres.
D'abord, parce que cette précocité de l'alcoolisation peut avoir des conséquences dramatiques sur la santé de ces enfants. Ensuite, parce qu'on voit apparaître un mode de consommation extrêmement dangereux, placé sous le signe de l'excès, notamment lors de soirées « défonce », durant lesquelles le seul but est de boire le plus possible. Tristement, s'alcooliser devient un jeu banal.
Ce jeu banal est alimenté par l'hypocrisie de certains alcooliers. En effet, parmi les boissons les plus fréquemment consommées chez ces jeunes, on retrouve les fameux « premix », ces mélanges d'alcools forts et de sodas, avec assez de sucre pour masquer le goût de l'alcool. Ces boissons entraînent des addictions préoccupantes, en accoutumant de manière insidieuse les plus jeunes à l'alcool.
Les parents sont bien sûr les premiers concernés dans la lutte contre ce fléau, mais force est de constater que cela ne suffit pas.
Plusieurs pistes peuvent être étudiées. On pourrait réglementer plus sévèrement la diffusion des boissons alcoolisées. Une autre piste a été étudiée par mes collègues Jacques Domergue et Daniel Mach : un mineur de plus de seize ans doit-il continuer de pouvoir acheter comme aujourd'hui, sans aucune difficulté, des premix et des alcools forts dans le commerce – même si l'on sait que la mise en place d'une interdiction est toujours difficile à réaliser dans les faits ?
Madame la ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour lutter contre l'alcoolisme précoce de nos enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Monsieur le député, l'alcoolisme et l'alcoolisation ne cessent de régresser dans notre pays depuis près de quarante ans. Entre les années 2001 et 2005, la consommation d'alcool a diminué de 11 %. Il convient de s'en féliciter.
Toutefois, on constate chez les jeunes de nouveaux modes d'alcoolisation, notamment cette recherche d'une alcoolisation massive que les Anglais ont baptisé le binch drinking.
Il peut s'ensuivre des comas éthyliques, voire des décès, sans parler de toute sorte de dommages collatéraux : accidents d'automobile, bagarres, violences, viols ou atteintes sexuelles absolument intolérables.
Vous avez fort justement appelé notre attention sur l'utilisation des prémix ou de ce qu'on appelle encore les « alcoopops », dont la forte teneur en alcool est masquée derrière un adjuvant sucré tel qu'un soda. Depuis la loi du 9 août 2004, ces boissons font l'objet d'une taxation qui a abouti à un résultat certain : leur consommation a diminué de 30 %.
Il est très difficile d'établir une législation, en particulier au niveau européen. Toutefois, je profiterai de la présidence française pour tenter d'agir dans ce sens avec mes collègues de l'Union européenne, très mobilisés par le sujet.
Pour l'instant, plusieurs mesures sont à notre disposition. Il faut veiller à ce que la réglementation en vigueur soit observée, encadrer ce qu'on appelle les « open bars » organisés dans un but publicitaire et extrêmement dangereux pour les jeunes, puis harmoniser la législation relative à l'alcool, ce à quoi s'emploie la mission de lutte contre la toxicomanie. Nous allons renforcer les consultations sur l'alcoolisme des jeunes et, au mois de juillet, je proposerai à la représentation nationale un texte législatif prévoyant des mesures complémentaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Sandrine Hurel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et des lunettes !
Madame la ministre, vos récentes déclarations sur le déremboursement des frais d'optique et des frais dentaires traduisent votre volonté de solliciter toujours davantage le budget des familles les plus modestes et les plus fragiles. À l'heure où se multiplient les cadeaux fiscaux aux plus riches et les gaspillages, vous prétendez faire des économies au détriment de la santé de nos concitoyens, alors que 14 % de la population renonce déjà à se soigner pour des raisons financières.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Présentation malhonnête !
Les 8 % des Français qui ne bénéficient pas d'une complémentaire santé se verront tout simplement exclus de la prise en charge de ces soins.
Le nouveau désengagement de l'État, qui entraînera une aggravation de l'état sanitaire du pays, aura un coût financier et humain considérable. En supprimant totalement la prise en charge des frais d'optique et des frais dentaires par la sécurité sociale, vous priverez des millions de Français de la possibilité d'avoir une dentition saine et une vue correcte. Avec 6 % seulement de remboursement par la sécurité sociale, ces soins sont déjà trop mal pris en compte. C'est donc le contraire de ce que vous proposez qu'il faut faire.
Nous rencontrons ces Français, ces enfants qui ont des problèmes de dentition ou de vue. Allez-vous les livrer au secteur privé (« Oui ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)…
…c'est-à-dire les laisser sans soins comme dans les pays pauvres ? Le pouvoir d'achat, c'est aussi – j'allais dire d'abord – une question de santé publique. Après les taxes sur les malades, voici venu le temps des non-remboursements et donc de la privatisation de notre système de soins !
En outre, vous le savez, d'autres problèmes de santé inquiètent nos concitoyens : je pense en particulier à la méningite qui sévit en Seine-Maritime. La première égalité, c'est l'égalité de la santé et c'est au Gouvernement de la République de garantir l'égal accès aux soins !
Madame la ministre, ma question est simple : confirmez-vous vos déclarations ou allez-vous enfin assurer l'égalité des Français devant la maladie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Madame la députée, je n'ai jamais tenu les propos que vous me prêtez ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Et je vous demande de regarder le verbatimde l'émission avant de proférer de telles inexactitudes ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Vraiment, vous n'avez pas dit cela ? (Sourires)
Non, non et non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je me suis déjà expliquée sur le sujet.
Notre système se situe au plus haut niveau de solidarité du monde. Il est mutualisé...
Monsieur Gremetz, notre système mutualisé assure plus de 90 % de nos dépenses de maladie, 78 % étant couverts par le régime d'assurance maladie et 12 % par les mutuelles complémentaires.
Nous voulons sauvegarder ce régime solidaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), mais nous voulons aussi faire évoluer notre système de santé, parce que nous sommes confrontés à des enjeux considérables du fait du vieillissement de la population et de l'apparition de nouvelles technologies. C'est la raison pour laquelle, après un large débat public – les états généraux de l'organisation de la santé, la réflexion menée sur l'hôpital par la mission Larcher, la réflexion sur les agences régionales de santé et sur les inégalités territoriales –, nous vous présenterons au mois d'octobre un projet de loi de modernisation de la santé,…
…qui nous permettra de répondre à ces enjeux de santé publique.
En ce qui concerne les frais d'optique, nous allons ouvrir une concertation afin que nos concitoyens soient mieux assurés et mieux pris en charge, car ils le sont trop mal actuellement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean Auclair, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, tous les députés UMP du bassin allaitant concernés par la catastrophique épizootie de fièvre catarrhale qui touche de plein fouet l'ensemble de la filière agricole s'associent à ma question.
La semaine dernière, les éleveurs ont manifesté à nouveau leur grande inquiétude face à la fermeture du marché italien. À l'automne, les Italiens…
…nous avaient déjà créé des difficultés mais, grâce à votre forte implication, tout était rentré dans l'ordre. Aujourd'hui, nous vous demandons de rassurer les éleveurs qui s'exaspèrent d'être laissés dans le flou le plus complet. Les délais pour exporter les broutards seront-ils raccourcis ? Aurons-nous suffisamment de doses pour vacciner, dans un premier temps, les broutards à exporter et, par la suite, le cheptel souche ?
M. le Premier ministre vient d'annoncer une aide de 6 millions d'euros pour permettre aux éleveurs de passer ce cap difficile. C'est bien, mais c'est insuffisant, d'autant que l'obligation de stocker les animaux coûte une fortune du fait de l'explosion du prix des matières premières. À ce propos, envisagez-vous un rééquilibrage immédiat des aides entre les céréaliers et les éleveurs ?
Et que dire des exportateurs et de toute la filière que l'inactivité des éleveurs met également dans une situation très délicate ? En réalité, monsieur le ministre, ce ne sont pas des questions que je vous pose : c'est un appel au secours que je vous lance, car, dans le Massif central, zone peu convertible s'il en est, l'élevage, c'est la vie. Derrière cette activité économique incontournable, il y a des hommes. Ne les oubliez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Merci, monsieur Auclair, de votre vigilance et de celle de vos collègues du Sénat et de l'Assemblée nationale. Je tiens d'ailleurs à remercier, au-delà des parlementaires, tous les syndicats et les responsables professionnels agricoles, ainsi que les vétérinaires et les services de l'État, qui font face à cette catastrophe.
Comme vous, monsieur le député, je pense d'abord aux éleveurs, hommes et femmes qui souffrent gravement des conséquences économiques de cette crise. Celle-ci touche une dizaine de pays européens, depuis qu'un virus, le sérotype 8 de la fièvre catarrhale ovine, est apparu au nord de l'Europe. Dans quatre-vingt-deux départements, ce sont en tout 20 000 bêtes qui ont été touchées. Face à cette crise, vous savez, et je vous remercie de l'avoir rappelé, que je me suis battu dès le premier jour et que j'ai obtenu la mise en oeuvre d'une stratégie européenne de prévention et de vaccination.
Au moment où je parle, les vaccins sont acheminés : 40 millions de doses auront été distribuées en France entre mars et août. Il s'agit de la plus grande campagne de vaccination menée depuis longtemps dans notre pays. Pour accompagner les éleveurs dans leurs difficultés, nous avons déjà dégagé 24 millions d'euros. La semaine dernière, dans l'Aube, le Premier ministre François Fillon y a ajouté un soutien de 6 millions pour la repousse et pour l'engraissement, et nous poursuivrons notre effort.
Enfin, vous avez rappelé que la détresse des éleveurs est actuellement accrue par le blocage des flux d'exportation vers l'Italie. Mais nous avons déjà obtenu une première levée de ce blocage il y a quelques mois. Une autre intervient aujourd'hui. La semaine dernière, le Premier ministre a appelé M. Prodi. Un nouveau contact sera pris aujourd'hui et demain avec le nouveau gouvernement de M. Berlusconi.
J'ai confiance : sans doute obtiendrons-nous prochainement un accord pour rétablir le flux normal des exportations vers l'Italie, en raccourcissant de quelques semaines le délai que celle-ci nous avait imposé après la deuxième vaccination. Nous attendons de sa part une réponse positive dans les tout prochains jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à Mme Pascale Got, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Arcelor-Mittal, Kodak, Miko, Kléber, Arc international, Flextronics, sans oublier Ford et ses 1 800 salariés menacés de licenciements dans quelques mois… Monsieur le Premier ministre, la liste est longue, trop longue, des sites condamnés par des stratégies financières déconnectées de toute logique industrielle.
En deux ans, 110 000 emplois industriels ont été supprimés. Autant de familles meurtries qui perdent leur repère, leur dignité, leur pouvoir d'achat… Des pans entiers de notre industrie s'écroulent et l'on regarde, incrédule, un Président de la République, aller d'usine en usine annoncer que l'État interviendra, avant d'être contredit par sa ministre de l'économie. En 2007, il promettait de « mettre le paquet sur une vraie politique industrielle ». Politique que l'on retrouve dans tous les propos qu'il tient, du Salon du Bourget à Gandrange, mais nulle part dans les faits !
Il va falloir une bonne paire de chaussures au chef de l'État, car les visites d'usines risquent d'être très nombreuses… Mais les salariés comme ceux de Ford attendent autre chose que des promesses non tenues. Il faut agir : il est urgent, monsieur le Premier ministre, que votre gouvernement mette en place une véritable politique industrielle.
C'est dans l'innovation et la recherche que les 15 milliards du paquet fiscal auraient pu valablement s'employer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) et c'est sur ce terrain que le Président de la République devrait s'agiter !
Monsieur le Premier ministre, allez-vous attendre que tout explose pour mettre en place une véritable politique industrielle, qui anticipe les mutations sans exclure la production industrielle, mais surtout sans considérer les salariés comme une simple variable d'ajustement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.
Madame la députée, le Président de la République l'a rappelé dès le mois de juin dernier au Salon du Bourget : notre pays est un grand pays industriel, où l'économie comme l'emploi sont tirés par l'industrie.
J'ai indiqué tout à l'heure que nos priorités vont d'abord à l'anticipation et à l'accompagnement des mutations économiques et industrielles que l'on observe partout dans le monde.
Je rappelle que, depuis 2002, le dispositif, imposé par la loi, de revitalisation des bassins d'emploi touchés par des restructurations a rendu possible la signature de 350 conventions qui ont permis d'investir 240 millions d'euros et de recréer au total 50 000 emplois dans ces bassins en difficulté.
Et nous irons plus loin, madame la députée, puisque le Président de la République a annoncé la création, en liaison avec M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire, d'un mécanisme de revitalisation spécifique pour aider les territoires fragilisés.
Nous avons également pour objectif de faire en sorte que les industriels et les entreprises internationales aient envie d'investir dans notre pays que nous voulons rendre attractif, notamment en termes d'innovation. Cette majorité a adopté en matière de crédit impôt-recherche le dispositif le plus efficace de tous les pays de l'OCDE. Nous avons mis en place les pôles de compétitivité qui seront renforcés, analysés et revus pour être toujours plus actifs et plus efficaces, et nous avons regroupé les dispositifs d'innovation, notamment en fusionnant OSEO et l'agence de l'innovation industrielle.
Ainsi, le Gouvernement accompagne et anticipe les mutations économiques. Dans le même temps, il souhaite que les investisseurs trouvent en France ce qu'ils ne trouvent pas ailleurs : un territoire où l'on puisse investir et innover, beaucoup plus qu'à l'étranger. Telles sont les ambitions industrielles de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Politique industrielle
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc-Philippe Daubresse.)
L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant modernisation du marché du travail (n° 743, n° 789).
Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58. Je n'irai pas jusqu'à invoquer le redoutable article 42, dont je recommande à tous la lecture, mais c'est bien des travaux des commissions qu'il s'agit.
En effet, je souhaite me faire l'écho de la protestation émise par les membres de la commission des affaires culturelles au sujet de la réunion du mardi 8 avril, durant laquelle la commission a examiné ce texte très important. Cette réunion était officiellement prévue à dix-sept heures, mais le président de la commission a souhaité l'avancer à seize heures. Elle s'est donc déroulée, malgré les protestations du président de groupe socialiste, pendant la discussion de la motion de censure.
Vous reconnaîtrez que ce télescopage est regrettable, pour ne pas dire inadmissible. Un grand nombre d'entre nous n'a pas pu participer à la réunion de la commission, ce qui a forcément nui à la qualité de ses travaux. Je souhaiterais que le président de la commission en tienne compte à l'avenir afin que cela ne se reproduise pas.
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Je n'ai pris cette décision qu'après avis et information de M. Muzeau et de M. Gille (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), qui ne s'y sont pas opposés.
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, l'accord du 11 janvier 2008 marque un tournant sans précédent dans notre vie sociale.
En effet, grâce à ce succès de la négociation collective, les partenaires sociaux apportent des réponses concrètes à la question de la « flexicurité », à laquelle il n'avait pas été possible de donner une forme consensuelle et pratique depuis 1984, date à laquelle les négociations sur l'adaptation des conditions de l'emploi avaient échoué. Cet accord marque donc un virage sans précédent. Sans doute pourrons-nous, à l'issue des débats, le qualifier d'historique, dès lors que le projet de loi aura permis de donner pleinement force obligatoire à ses dispositions.
Ce projet de loi est, en effet, né de l'accord interprofessionnel sur le marché du travail, qui a été signé le 11 janvier 2008. C'est le premier accord conclu dans le cadre de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007. Il a été signé par les partenaires sociaux, qui ont su trouver eux-mêmes les solutions les plus adaptées aux problèmes qui les concernent. Cet accord prouve que nous sommes entrés dans une nouvelle ère du dialogue social. Il prouve que, dans une société moderne, on a toujours raison de privilégier la voie de la négociation, voire de la concertation, selon les sujets. L'issue des négociations sur la démocratie sociale vient d'ailleurs de le confirmer ces derniers jours.
Le projet de loi qui vous est soumis témoigne de la volonté du Gouvernement de préserver cet accord et de lui donner force obligatoire le plus rapidement possible. Pour qu'il soit mis en oeuvre de la manière la plus efficace possible, nous avons identifié, en étroite concertation avec les signataires, les points qui nécessitaient une loi, sachant que l'ensemble de l'accord sera, à terme, applicable à tous les salariés selon des modalités négociées.
Certains sujets feront l'objet de négociations ultérieures, comme la formation professionnelle, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou l'assurance chômage. D'autres domaines feront l'objet d'une transposition réglementaire, et nous avons commencé à travailler sur des projets de décrets avec tous les signataires de l'accord. J'indique d'ailleurs, aux membres de la commission des affaires sociales en particulier, que j'ai adressé hier, comme je m'y étais engagé, aux présidents des groupes parlementaires, au rapporteur et au président de la commission une lettre reprenant le contenu des projets de textes réglementaires.
M. Ayrault, à qui je l'ai adressée comme il le demandait, a dû vous la transmettre.
Ce projet illustre notre méthode, celle du dialogue social. Tout d'abord, un document – en l'occurrence, il émanait du Premier ministre et était daté de juin 2007 – fixe aux partenaires sociaux un certain nombre d'orientations et un délai, dans le cadre notamment de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007. Ensuite, les partenaires sociaux négocient ou nous font connaître leurs positions. Lorsqu'ils ont conclu un accord – comme ce fut le cas le 11 janvier –, celui-ci résulte évidemment d'un équilibre et de l'esprit de responsabilité de chacun. Dès lors qu'ils se sont accordés ou qu'ils ont transmis leurs observations, l'élaboration du texte peut débuter.
Ce travail de transposition a été conduit avec eux. Nous avons organisé des réunions multilatérales avec les signataires, ainsi que des réunions bilatérales. Reste qu'une transposition n'est pas forcément simple à exécuter : certaines dispositions demandent à être interprétées, voire précisées, ou complétées, pour être totalement opérationnelles.
Pendant tout le travail d'élaboration du projet de loi, nous avons eu à coeur de rencontrer les signataires à de très nombreuses reprises, de valider avec eux les précisions et les compléments nécessaires et de les soupeser avec précision. Nous avons également rencontré le syndicat qui n'a pas signé. C'est cette méthode, celle d'un dialogue social quotidien, qui donne au texte une légitimité supplémentaire et sans doute une efficacité et une durabilité accrues.
Ce projet de loi permettra de mettre en oeuvre concrètement les avancées considérables introduites par l'accord du 11 janvier, qui façonnent un nouvel équilibre entre flexibilité et sécurité, pour une « flexicurité » à la française. Il apporte tout d'abord des garanties nouvelles aux salariés, en posant un principe essentiel : la forme normale, le droit commun de la relation de travail est le contrat de travail à durée indéterminée. Les représentants du personnel seront désormais informés sur le recours prévisionnel aux contrats de travail à durée déterminée et aux contrats de travail temporaire.
En cas de maladie, l'ancienneté requise pour bénéficier d'une indemnisation complémentaire sera réduite de trois ans à un an. La durée des stages de fin d'études sera comprise dans la période d'essai, jusqu'à réduire celle-ci de moitié. Le montant de l'indemnité de licenciement sera unifié en augmentant celui prévu en cas de licenciement pour motif personnel, et l'ancienneté nécessaire pour percevoir l'indemnité passera de deux ans à un an. Ainsi, un salarié ayant dix ans d'ancienneté devrait désormais percevoir au moins deux mois de salaire en cas de licenciement, contre un mois auparavant pour certains licenciements.
Enfin, ce projet de loi pose le principe selon lequel tout licenciement doit être motivé, et vient clarifier une situation de fait en abrogeant le contrat nouvelles embauches. Désormais, tout salarié dont le contrat de travail est rompu par son employeur connaîtra donc le motif de son licenciement. En effet, l'accord demandait aux pouvoirs publics de prendre les « dispositions nécessaires » – ce sont les termes retenus par les signataires – pour que l'exigence de motivation et de cause réelle et sérieuse en cas de licenciement s'applique à tous les contrats. Je l'ai dit dès lors qu'ont été connus la décision de l'Organisation internationale du travail de novembre 2007 et les arrêts des cours d'appel qui, à la même époque, ont rendu inopérant le CNE. Depuis cette date, tous les CNE sont devenus de fait des CDI comme les autres, puisque la rupture d'un CNE doit toujours être motivée et que l'OIT s'était également prononcée sur la question de la période d'essai.
En définitive, la meilleure sécurisation juridique pour les salariés comme pour les entreprises – je pense en particulier à celles qui ont joué sincèrement le jeu du CNE qui a apporté une réponse à un moment précis – consiste à mettre en cohérence le droit et la réalité dans un souci de pragmatisme afin d'éviter aux entreprises et aux salariés de courir des risques inutiles. Tel était le voeu des signataires de l'accord du 11 janvier 2008. Je pense que nous aurons l'occasion d'y revenir ultérieurement, mais je tenais à souligner ce souci de sécurisation qui répond à l'évolution jurisprudentielle de fin 2007.
Ce projet de loi modernise également les relations individuelles de travail, en offrant des règles plus simples qui s'appuient sur des garanties. Les partenaires sociaux ont voulu mettre en place de nouvelles périodes d'essai interprofessionnelles par catégories, qui seront donc applicables dans toutes les professions et dans tous les secteurs d'activité. Les rares périodes d'essai plus longues que prévoient aujourd'hui les accords de branche resteront applicables, comme le requiert l'accord du 11 janvier 2008. Pour les périodes d'essai plus courtes, le projet de loi ménage une période de transition d'une année avant de les rendre inopérantes. Ce délai permettra aux négociations de branche d'adapter la durée des périodes pour les cas où cela s'avérerait nécessaire.
Le projet de loi permet aussi au contrat de travail ou aux accords collectifs qui seront conclus après l'entrée en vigueur de la loi de fixer des périodes d'essai plus courtes. Ces dispositions clarifient les règles déterminant les périodes d'essai, sans que les durées qui seront désormais possibles soient très différentes de celles actuellement pratiquées.
Le projet de loi rendra également possible la rupture conventionnelle du contrat de travail. Il s'agit là d'une modernisation sans précédent des relations individuelles de travail et d'un changement considérable dans le droit du travail. Cela rejoint d'ailleurs la proposition 145 du rapport de la commission Attali pour la libération de la croissance française. C'est, dans le domaine social, la première concrétisation d'une des préconisations de ce rapport. La modernisation de l'économie souhaitée par les membres de cette commission trouve ici son premier écho concret – qui ne sera pas le dernier, tant nous avons besoin de mettre en oeuvre ce type de préconisations.
Ainsi, l'employeur et le salarié pourront convenir ensemble de rompre leurs relations de travail dans un cadre légal entouré de garanties : assistance des parties, délai de rétractation de quinze jours et homologation par le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. À côté de la démission et du licenciement, la rupture conventionnelle constitue désormais une troisième possibilité, qui n'est à l'initiative d'aucune des deux parties, mais bien des deux à la fois. Cette troisième forme symbolise le nouvel équilibre que les signataires de l'accord souhaitent introduire dans les relations de travail : des relations à la fois plus simples, plus souples et plus consensuelles. De fait, en sécurisant les modes de rupture, cette disposition permettra également de réduire la judiciarisation. Aujourd'hui, un licenciement sur cinq fait l'objet d'un recours devant le juge et les complexités du droit incitent à des nombreux contournements, ce qui se traduit par le nombre élevé de licenciements pour motifs personnels : 50 000 en février 2008, soit trois à quatre fois plus que le nombre de licenciements économiques. Le projet de loi apporte ainsi des réponses claires et durables sur les possibilités de rupture du contrat de travail.
Enfin, cette nouvelle forme de rupture vise à la simplification. C'est pourquoi les recours juridictionnels seront tous traités par les conseils de prud'hommes, que les contentieux portent sur l'homologation ou sur la convention.
Le projet de loi va également offrir aux entreprises des outils pour accompagner et sécuriser leur activité. Pendant cinq ans va être expérimenté un CDD à objet défini, qui permettra à une entreprise d'embaucher un ingénieur ou un cadre afin de réaliser un projet pour une durée de dix-huit à trente-six mois. Cela offrira aux entreprises une plus grande souplesse pour recruter les compétences nécessaires sur certaines missions ponctuelles. Un accord collectif devra être préalablement conclu pour garantir les conditions d'utilisation de ce contrat. La mise en oeuvre de ces dispositions sera régulièrement examinée par les signataires, qui pourront transmettre leurs analyses au Gouvernement pendant la période d'expérimentation.
L'assurance garantie des salaires pourra garantir auprès des employeurs le versement des indemnités dues en cas de licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle. Elle résout ainsi les difficultés que rencontrent les salariés concernés, mais aussi les petites entreprises qui, en ces circonstances, devaient parfois débourser une somme importante.
Enfin, le portage salarial pourra être encadré par un accord qui sera conclu d'ici deux ans dans la branche du travail temporaire, comme l'ont souhaité les partenaires sociaux. Cependant, les professionnels du portage salarial demandent aujourd'hui des garanties afin de faire entendre leurs spécificités. j'ai bien entendu le message de nombreux parlementaires, relayé par M. le rapporteur, et j'ai donc demandé au PRISME, qui regroupe les entreprises de travail temporaire, de prendre en compte cette demande ; une confirmation doit nous être apportée aujourd'hui même.
Comme vous le voyez, ce projet de loi présente de grandes avancées dans le domaine des relations du travail. Je sais que vous aurez à coeur de préserver l'équilibre qui a été trouvé par les partenaires sociaux. En prenant la suite de leur action, les parlementaires pourront donner force de loi à l'accord qui constitue le fruit du dialogue social mené avec les pouvoirs publics, comme cela a été le cas par le passé pour d'autres textes transposant des accords nationaux interprofessionnels, notamment la loi sur la mensualisation en 1978, celle sur les CDD en 1990, et celle sur la formation professionnelle en 1971 et 2004. L'histoire nous enseigne d'ailleurs que les lois consécutives à des accords nationaux interprofessionnels sont les plus durables et les plus stables, car elles tirent également leur légitimité du dialogue social.
Notre méthode, je l'ai dit, est celle d'un dialogue social faisant appel à l'esprit de responsabilité de chacun – un esprit de responsabilité bien présent dans les déclarations des groupes parlementaires PS, UMP et Nouveau Centre. Le travail en commission s'est inscrit dans la même logique. C'est important, car les partenaires sociaux et tous ceux qui joueront un rôle dans l'application de ces dispositions sont attentifs aux déclarations, aux travaux préparatoires, aux travaux en commissions, et aux travaux dans l'hémicycle, comme ils le seront aux décrets d'application.
Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi marque une étape importante, une étape décisive, une première étape. Nous savons tous que la modernisation de notre économie et de notre marché du travail appelle d'autres accords et d'autres textes, en particulier sur la formation professionnelle et l'assurance chômage – des dossiers qui seront suivis par Christine Lagarde et Laurent Wauquiez. Ce que veulent les Français, et ce que nous souhaitons mettre en oeuvre pour la société française, c'est une modernisation en profondeur du contrat de travail, du droit du travail, du marché du travail. Il était temps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dernière campagne présidentielle nous a fixé un objectif que peu d'entre nous croyaient réellement accessible, avec l'évocation, pour la première fois en France depuis sans doute fort longtemps, de la perspective du plein emploi. Les chiffres de l'emploi que nous connaissons aujourd'hui sont très encourageants, pour ne pas dire spectaculaires, mais il reste encore du chemin à parcourir pour ramener le taux de chômage de 7,5 % à 5 %. Il est certain que ce chemin ne se fera pas sans une série de réformes en profondeur de notre code du travail. Le texte dont nous allons débattre dans les jours qui viennent s'inscrit dans cette série de réformes nécessaires pour atteindre le plein emploi et tenter de faire en sorte que les périodes de chômage rencontrées par nos compatriotes soient les plus courtes possible.
Comme vient de le souligner Xavier Bertrand, ce projet de loi revêt un caractère exceptionnel dans la mesure où il constitue la première application, depuis la loi de janvier 2007, de la primauté que nous avons voulu donner au dialogue social et à la démocratie sociale sur la loi. C'est d'autant plus spectaculaire pour ce texte que le dialogue social a abouti à un accord massif conclu par sept signataires, dans les délais fixés par l'exécutif. Cet accord national interprofessionnel nous a lui-même fourni des objectifs – qui concordent évidemment avec les nôtres : faciliter l'entrée dans l'entreprise, sécuriser les contrats et améliorer le retour à l'emploi.
J'insisterai pour ma part sur deux points qui me paraissent marquer ce texte. Premièrement, le plus important n'est peut-être pas dans le contenu du projet de loi, mais dans la méthode utilisée pour l'élaborer. Certes, il y avait déjà eu, avant ce projet de loi, d'autres accords nationaux interprofessionnels dans l'histoire de la ve République. Nous avons tous en tête des exemples de grandes réformes précédées par une période de concertation sociale. À l'inverse, bon nombre de projets de loi – de droite comme de gauche – auraient beaucoup gagné à passer par la négociation et le dialogue social avant d'être soumis au Parlement.
Ce texte nous amène à nous interroger sur la place de la démocratie sociale par rapport à la place de la démocratie politique. Certains de nos collègues se demandent à quoi nous servons si tout est déjà « ficelé » à l'avance. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Dans le cas présent, c'est nous qui avons voulu accorder, sur les textes intervenant dans le champ social, une sorte de primauté à la démocratie sociale par la loi de janvier 2007. La démocratie sociale est donc légitime, car fondée par la loi que nous avons récemment adoptée. Nous abordons en quelque sorte une ère nouvelle, peut-être très différente de ce que nous avons connu jusqu'à présent, des relations sociales et de la construction du droit du travail : désormais, on recherche davantage le consensus social que la logique d'affrontement, et on donne la primauté au contrat – en l'occurrence, à l'accord – sur la loi. Cela permettra peut-être de mettre fin à nos sempiternelles luttes et d'éviter qu'un texte social voté par une assemblée soit défait par l'assemblée qui lui succède par le jeu de l'alternance politique.
On se plaint parfois – notamment sur nos bancs – du fait que les syndicats français soient trop politisés. Mais comment pouvait-il en être autrement dans une démocratie qui ne donnait pas la priorité au dialogue social ? Si c'est le politique qui fixe la norme sociale, il n'est guère étonnant que le syndicalisme empiète, à son tour, sur le champ du politique. Dans cette nouvelle époque, nous connaîtrons moins de ruptures franches portant la marque d'une identité politique – ce que certains d'entre nous déplorent –, mais travaillerons, sur un rythme de réformes plus lent, plus continu et plus consensuel, à la construction d'un droit social plus « durable », pour reprendre un terme à la mode.
Par ailleurs, le politique n'est pas dépossédé de ses prérogatives puisque c'est lui qui avait fixé le rythme des délais de négociations. Il nous appartient aujourd'hui de respecter l'esprit de la loi de janvier 2007.
La démocratie sociale s'est exprimée fortement dans le texte puisque l'accord national interprofessionnel – et c'est une force extraordinaire – a été signé par sept organisations sur huit s'agissant pourtant d'un sujet difficile, voire très difficile, celui du contrat de travail. Du reste, beaucoup avaient prédit l'échec des négociations. Nous savons ce qu'il en est pour avoir auditionné les partenaires sociaux.
Je me réjouis par exemple que M. Grignard ait précisé que la CFDT revendique chaque virgule de cet accord et non pas simplement un équilibre général. Mme Parisot ne dit rien d'autre lorsqu'elle déclare, de façon un peu surprenante d'ailleurs, que le MEDEF revendique non seulement la flexibilité mais également la sécurité. En fait, MEDEF et CFDT disent pratiquement la même chose.
Le représentant de FO évoque, quant à lui, un accord historique, un bon compromis. Le président de l'UPA souligne l'intérêt de la date butoir imposée par le Gouvernement pour la négociation. Au fond, seule la CGT n'a pas signé, redoutant entre autres que le Parlement ne dénature, par ses amendements, l'accord national interprofessionnel intervenu entre les partenaires sociaux… Bien entendu, nous nous efforcerons de ne pas lui donner raison en essayant de respecter au plus près l'accord.
Certains de nos collègues ont souligné que ce projet de loi de dix articles ne reprenait pas tout l'accord, qui en comporte dix-neuf. Mais ce texte n'est pas l'alpha et l'oméga de la traduction de l'accord. Des décrets et un arrêté d'extension seront également promulgués. En outre, plusieurs dispositions renvoient à la négociation interprofessionnelle ou de branche. Tel est le contexte dans lequel nous légiférons aujourd'hui.
S'agissant du texte lui-même, Xavier Bertrand a quasiment tout dit. Comme toujours en matière de droit social, on a le sentiment en survolant les articles qu'ils ne contiennent pas grand-chose. Or si l'on prend le temps d'examiner chaque disposition, on prend vite conscience de leur extrême richesse. Le débat qui va s'ouvrir en témoignera.
Ainsi que l'a dit le ministre, nous sommes en pleine flexicurité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), sachant que la flexibilité et la sécurité sont revendiquées, ensemble, tant par les représentants du patronat que des salariés, ce qui était plutôt inattendu.
Le représentant de FO a estimé que cet accord en appelait d'autres : Xavier Bertrand n'a pas dit autre chose en considérant que l'accord était une pierre dans la construction de l'ensemble de la réforme du droit du travail. Ce texte nous rapproche des législations d'Europe du Nord, souvent montrées en exemple en matière de flexicurité. Je pense notamment au Danemark, où des dispositions du même ordre sont en vigueur depuis près de vingt ans. Nous ne sommes pas loin non plus des conclusions de l'excellent rapport d'Éric Besson (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) sur la flexicurité en Europe. Nous nous inscrivons enfin dans la logique de la Commission européenne qui appelle de ses voeux ce type de dispositif.
Trois articles du projet de loi font, me semble-t-il, davantage référence à la notion de flexibilité et sept plus à celle de sécurité.
Relèvent ainsi de la flexibilité la rupture conventionnelle, le contrat de mission et le portage salarial. Au titre de la sécurité, on peut en revanche faire mention de l'affirmation du CDI comme principe incontournable en matière de contrat de travail, de la définition et de l'encadrement des périodes d'essai dans le code du travail – ce sera la première fois –, de l'abaissement de l'ancienneté requise pour bénéficier des indemnités maladie complémentaires, de la définition de la cause réelle et sérieuse, de la mutualisation de l'indemnisation des salariés licenciés pour inaptitude – mesure particulièrement sécurisante dans les PME – et, enfin, de la fin du contrat nouvelles embauches.
Cette énumération montre bien l'équilibre existant entre les deux concepts.
Monsieur le ministre, à l'issue des réunions de la commission, un certain nombre de points reste néanmoins à préciser. Le débat n'est pas idéologique : il s'agit pour nous d'apporter davantage de précisions. Ainsi, doit-on, oui ou non, écrire que la rupture conventionnelle donne accès à une indemnisation au titre de l'assurance chômage ?
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Oui !
Nombre d'amendements vont dans ce sens. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'elle doit ouvrir à l'assurance chômage. Faut-il pour autant le faire figurer dans le texte ?
Nous aurons un débat sur ce point. De même, le texte n'est pas assez précis s'agissant de la fin des contrats de mission. Quid de la date anniversaire ? La zone de flou, qui a suscité plusieurs amendements, devra être dissipée. S'agissant du portage salarial, vous avez déjà en partie répondu à l'inquiétude de ceux qui craignent que ce concept ne soit englouti dans celui de l'intérim. Nous y reviendrons dans le cadre de l'examen des amendements. Il faudra également aborder le débat technique de la requalification expresse des CNE en CDI dans les meilleures conditions de sécurisation.
Avec le président Méhaignerie, nous nous sommes efforcés en commission de rester le plus proche possible de l'esprit, sinon de la lettre, de l'accord. À nous de voir à présent si nous devons renforcer, préciser, modifier un certain nombre de concepts. Nous avons le sentiment que toute autre position fragiliserait la méthode et affaiblirait la portée des négociations intervenues comme de celles à venir, ce qui risquerait de nous faire revenir à nos vieux démons. Je m'en tiendrai donc plutôt à une position de recul s'agissant de tous les amendements, pour rester le plus fidèle possible à l'accord intervenu. Il ne faudrait pas que les signataires se retrouvent fragilisés par les modifications que nous pourrions apporter au texte. Je pense en particulier à ceux qui ne sont pas habitués à apposer leur nom au bas d'accord de ce type. Il ne faudrait qu'on finisse par donner raison à ceux qui n'ont pas signé au prétexte justement que le Parlement allait dénaturer le texte…
Si nous ne voulons pas conforter la CGT dans ses craintes, si nous souhaitons plutôt qu'à l'avenir, elle signe des accords interprofessionnels, nous devons veiller à la portée de nos amendements.
Xavier Bertrand a souligné que plus tard, peut-être, nous pourrons dire que ce texte avait un caractère historique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), en tout cas exceptionnel. Dès lors, notre responsabilité politique est grande, notamment sur le contexte. Soyons donc particulièrement attentifs aux décisions que nous prendrons. Je souhaite quant à moi que le texte issu de nos débats soit le plus strictement fidèle à l'accord national interprofessionnel.
On peut partir tout de suite, ou faire une procédure d'adoption simplifiée !
Mes chers collègues, nous sommes au début d'une nouvelle ère. Je vous propose de l'accepter, de la revendiquer comme telle et – pourquoi pas ? – d'en faire l'objet de notre fierté partagée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Je ne voudrais pas répéter ce qui a déjà été brillamment dit par le ministre et le rapporteur.
Pour ma part, je m'en tiendrai à trois réflexions. Premièrement, j'ai le sentiment que cet accord représente à la fois une chance et un espoir pour l'avenir. Une chance parce que c'est une avancée majeure en termes de dialogue social, parce que c'est un moyen de transformer le marché du travail et d'aller vers le plein-emploi, parce que c'est la preuve que la société française n'est pas aussi bloquée que certains de nos partenaires sont tentés de l'affirmer.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Absolument !
C'est aussi un espoir parce que la peur de l'employeur d'embaucher sera moindre et que le salarié bénéficiera d'une plus grande sécurité et de meilleures conditions d'indemnisation.
Il y a un équilibre entre les dispositions visant la nouvelle période d'essai et la rupture conventionnelle du contrat, et celles concernant le montant de l'indemnisation, la motivation du licenciement et d'autres droits des salariés.
Deuxièmement, et comme l'a dit Dominique Dord, cette architecture doit être respectée par les uns et par les autres. Nous aurions tort de fragiliser les signataires de l'accord, qui ont pris leurs responsabilités, aussi bien les trois organisations patronales que les quatre organisations syndicales. Le diagnostic a été long à établir et il est aujourd'hui partagé : elles souhaitent toutes faire baisser le taux de chômage et favoriser le plein-emploi.
Évidemment, nous l'avons encore entendu pendant le discours du rapporteur, certains ici peuvent se demander à quoi ils servent.
Je vous en remercie, monsieur Muzeau ! La place faite au contrat ne réduit pas le rôle du Parlement. Entre le devoir d'évaluation des politiques, que nous n'assumons pas, et l'exigence d'anticipation des projets à venir, le champ de notre travail est immense.
Ce travail d'anticipation et d'évaluation, nous devons l'effectuer dans la perspective des textes à venir ; pour cela, je voudrais, en troisième lieu, proposer quelques pistes.
Plusieurs observateurs, dont Pierre Cahuc, du CAE, ont estimé qu'il pouvait y avoir un accroissement des indemnisations liées à la rupture conventionnelle.
Ce point doit être éclairci, mais dans les textes futurs. Regardons du côté de nos partenaires scandinaves – on sait combien ils peuvent être convaincants –, qui ont opté pour une indemnisation de durée moindre que chez nous et dégressive au-delà de six mois, mais assortie dans le même temps, donnant-donnant, de conditions plus intéressantes pour les bas salaires.
Indemniser à 90 % le salarié qui, à cinquante ans passés, se retrouve au chômage à la suite de mutations économiques permettrait d'appliquer la dégressivité, étant entendu que les cadres obtiendraient des conditions d'indemnisation moins longues et moins abondantes mais qu'en revanche les salariés proches du SMIC auraient, eux, des conditions d'indemnisation plus favorables.
Concernant ensuite la formation professionnelle, nous devons travailler à mieux affecter les 23 milliards d'euros qui lui sont actuellement consacrés mais bénéficient aujourd'hui davantage à ceux qui sont déjà servis qu'aux cent cinquante mille jeunes qui sortent sans formation du système scolaire.
Sur les retraites enfin, une mission d'information travaille au sein de la commission des affaires sociales. Il est, là encore, de notre devoir d'anticiper et de prévoir que les quarante et un ans de cotisations deviennent la règle.
Mais c'est précisément le rôle du Parlement que d'anticiper !
Cette règle des quarante et un ans doit être complétée par la pérennisation du dispositif des carrières longues. Le différentiel d'espérance de vie est de sept ans entre les catégories de travailleurs les plus éloignées, et ceux qui ont commencé à travailler tôt à des tâches pénibles doivent continuer à bénéficier de ce dispositif.
C'est dans ce contexte, monsieur le ministre, qu'il nous faut concilier l'exigence de lisibilité et de simplification de la loi avec l'exigence de compétitivité des entreprises, pour avancer ensemble, dans un esprit de justice, sur les textes à venir. Tout le problème est de placer correctement le curseur entre cette exigence de compétitivité et l'esprit de justice : c'est la raison pour laquelle je souhaite que le Parlement accepte, comme l'a fait la commission, l'architecture globale de ce texte, qui représente un progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, déboussolée après la déroute de l'UMP aux élections municipales et cantonales, c'est bien décidée à ne plus jouer aussi complaisamment son rôle de majorité godillot que la droite parlementaire a repris le chemin de l'Assemblée nationale et du Sénat.
La semaine dernière, les cafouillages, petits couacs et vrais désordres ont éclairés l'état réel de la majorité. L'épisode du texte sur les OGM n'a échappé à personne.
C'est le contexte, camarade ! (Rires.) Attendez la suite.
Il a vu une secrétaire d'État et quelques députés de droite passer outre les clivages politiques et le poids des semenciers, pour manifester leur exaspération face à d'énièmes manquements à la parole donnée, en l'occurrence lors du Grenelle de l'environnement. Ils ont apporté leur soutien au désormais célèbre amendement de mon ami Chassaigne, amendement voté mais dont la tête a immédiatement été mise à prix par le Premier ministre lui-même.
Puis nouvelle cacophonie, cette fois entre l'Élysée et Matignon, lors de la médiatisation d'une des cent soixante-six mesures du plan d'économies de Nicolas Sarkozy qui, après avoir perdu son pari sur la croissance et vidé au passage les caisses avec les quatorze milliards du paquet fiscal – dont sept milliards de baisses d'impôt prodigués aux plus aisés –, tire à hue et à dia sur les dépenses sociales de préférence et annonce la fin du financement par l'État des tarifs sociaux et de la carte famille nombreuse de la SNCF.
Vous êtes chroniqueur ou parlementaire ?
Quant au projet de loi portant modernisation du marché du travail, dont nous entamons l'examen, il devrait permettre à la majorité de se retrouver, tant la flexibilité fait consensus, tant les bienfaits qu'on lui attribue ne sont pas discutés.
Les fluctuations des marchés et la compétitivité commandent de brûler le code du travail ou, pour le moins, d'adapter les règles, de limiter la place de la loi en matière sociale, afin de privilégier les garanties individuelles et collectives conventionnelles, en préservant de préférence et prioritairement les intérêts des mêmes, beaucoup plus accessoirement celui de l'emploi : la recette est vieille comme le système capitaliste !
En 1986 déjà, le président du CNPF, M. Yvon Gattaz, avançait que la libéralisation du droit du licenciement et la suppression de l'autorisation administrative, permettrait la création de trois à quatre cent mille emplois avant 1987. Plus tard, le baron Ernest Antoine Seillière de Laborde, à la tête du MEDEF, a aussi usé de l'équation simple : « pouvoir licencier en toute sécurité, c'est pouvoir embaucher plus facilement », pour obtenir du gouvernement de droite la suppression des dispositions de la loi de modernisation sociale encadrant la procédure du licenciement économique.
Depuis le règne de Laurence Parisot, la précarité est présentée comme naturelle ; le lien de subordination est peu à peu gommé, et des concepts civilistes font leur entrée dans la sphère du travail. Aux yeux de l'opinion, les salariés sont à dessein présentés comme étant à égalité avec les employeurs, avec lesquels, de gré à gré, ils pourraient négocier leur temps de travail, l'échange de repos contre de l'argent ou leur licenciement. Bref, le vocabulaire change, les formes d'exploitation aussi.
Dans les entreprises, les salariés ont peut-être le sentiment que la lutte des places à remplacé la lutte des classes,…
…il n'en reste pas moins que la recherche constante de nouveaux outils permettant aux entreprises de gérer leurs effectifs avec plus de flexibilité et les nouveaux modes de management destinés à satisfaire les besoins d'un capitalisme de casino continuent de faire des ravages.
Les résultats, nous les connaissons : le « précariat » s'est installé, le phénomène des travailleurs pauvres s'est étendu, les classes moyennes sont déclassées, le sous-emploi galope.
Sous l'effet des départs en retraite et de la gestion administrative des catégories de demandeurs d'emploi, les chiffres du chômage sont affichés en baisse, mais la faiblesse de notre croissance et l'abaissement du coût du travail ont pour résultat la segmentation du marché du travail. Michel Husson, de l'Institut de recherches économiques et sociales l'a encore déploré récemment : « Nous nous sommes installés dans un nouveau modèle économique : un marché du travail plus dual. D'un côté, des “bons” emplois bien payés ; de l'autre, des emplois précaires et peu rémunérés, comme dans les services à la personne qui représentent le tiers des emplois créés en 2007. »
Sans sourciller, texte après texte, vous nous vendez les mêmes recettes. À la veille de prendre la présidence de l'Union européenne, vous référant à un des concepts préférés de la Commission, vous nous dites que la flexicurité à la française marquerait une avancée considérable. La flexicurité n'est pourtant pas aussi consensuelle que semble bien vouloir le dire le ministre, puisque la Confédération européenne des syndicats craint qu'elle « ne soit interprétée comme un permis de licencier plus facilement et d'adapter des formes de travail plus précaires ».
Vous n'apportez aucune preuve, bien au contraire, de l'efficacité des outils de flexibilité privilégiés par l'ANI pour résoudre le chômage des jeunes, celui des seniors, et freiner le tassement des salaires et la déclassification de l'emploi. Vous vous contentez de prendre pour modèle un pays avec lequel nous n'avons rien de comparable : le Danemark, où la population active est dix fois moins importante, qui dépense 2,7 fois plus que la France pour chaque chômeur et qui s'appuie sur un secteur public particulièrement développé. Comme le rappelle l'économiste Robert Boyer, le modèle danois repose sur trois piliers indissociables : « une forte flexibilité des règles d'embauche et de licenciement pour les entreprises, une indemnisation généreuse du chômage et une politique active de l'emploi ». « La flexibilité, écrit-il encore, ce sont des règles mais aussi un état d'esprit. »
Nous le verrons au fil de la discussion, en guise de règles le Gouvernement garantit uniquement le plus de flexibilité possible. Réduction des dépenses sociales oblige, la politique active de l'emploi passe à la trappe. Concernant le changement d'état d'esprit, les choses sont plus incertaines encore…
Aucune de ces considérations ne vous ébranle pourtant. Vous êtes tous à considérer que notre droit du travail, prétendument trop protecteur, est un obstacle au droit au travail. Un texte souhaité de longue date allant dans le sens d'une libéralisation du droit du licenciement et d'une individualisation des relations de travail ne peut a priori que satisfaire les libéraux que vous êtes. Bien sûr, les plus ultras d'entre vous trouveront à regretter que Nicolas Sarkozy ait du battre en retraite sur sa proposition d'un contrat de travail unique qui généralisait les principes du CNE, au premier rang desquels la période d'essai de deux ans durant laquelle tout était possible. Nous verrons cependant que le nouveau « super CDD », dit contrat de mission, pourrait bien ressembler, sous certains de ses aspects, à ce qu'aurait pu être le contrat unique.
D'aucuns évoqueront peut-être le caractère trop « light » des énièmes assouplissements consentis au droit des contrats de travail et de leur rupture. Certains oseront même transgresser la consigne gouvernementale et amenderont le projet de loi pour tenter de supprimer la seule véritable avancée qu'il contient pour les salariés : la disparition définitive du contrat nouvelles embauches et surtout sa requalification automatique en CDI, jugée totalement inadmissible par la CGPME, mais aussi par notre collègue Dominique Tian !
Quoi qu'il en soit, vous vous retrouverez tous pour vanter la supposée modernité de la rupture négociée du contrat de travail, concession majeure des organisations syndicales signataires de l'ANI au patronat. D'une seule voix, vous voterez un texte que vous qualifiez d'historique, non parce qu'il est la transcription d'un accord national interprofessionnel et que, désormais convertis au dialogue social, vous seriez prêts à assumer l'autonomie normative des partenaires sociaux, quelle que soit d'ailleurs la majorité qui viendrait à présider aux destinées de la France, mais avant tout parce qu'il est porteur d'une vraie rupture idéologique : comme n'a pas manqué de le noter Jean-Emmanuel Ray, professeur de droit à la Sorbonne, reprenant les propos de la présidente du MEDEF : « cet accord donnant-donnant et d'égal à égal veut aussi signifier que le vieux droit du travail destiné à protéger le collectif ouvrier décrit par Dickens ou Zola est dépassé. Que promu l'égal de l'employeur, le collaborateur du troisième millénaire peut négocier lui-même tout ce qui le concerne. »
Ce texte vous est d'autant plus précieux que, dans la foulée de la position commune du 16 juillet 2001 et du rapport de Virville, il contribue à déplacer les équilibres institutionnels, à alléger l'impératif légal, à réduire à sa plus simple expression le rôle de l'État et, de facto, à consacrer la thèse du contrat libérateur, toutes évolutions que nous sommes très loin de partager.
En leur temps, MM. Raffarin et de Villepin avaient largement satisfait ces demandes souvent dogmatiques. M. Fillon, quant à lui, profitant d'un texte dit de modernisation du dialogue social et transcrivant l'ANI sur la formation professionnelle, n'a pu s'empêcher de remettre en cause la hiérarchie des normes, en permettant aux accords d'entreprise de déroger aux accords de branche. Nous savons aujourd'hui, que ces accords dérogatoires n'ont globalement pas fait recette, la branche restant le niveau pertinent pour encadrer la concurrence entre les employeurs.
Reste néanmoins que cette étape, considérée comme essentielle dans la modernisation de notre système de négociations collectives par le MEDEF, sert de base à ce dernier pour tenter de faire accepter dans la réforme de la représentativité syndicale, en contrepartie du fait majoritaire, l'idée que des accords d'entreprise dérogent à des accords de branche sur les heures supplémentaires.
En 2004 déjà, nous avions reproché au Gouvernement sa conception pour le moins singulière du dialogue social : l'instrumentalisation de la question de la négociation pour consacrer la prééminence du contrat sur la loi. Deux ans plus tard, le Conseil économique et social dans son rapport, Consolider le dialogue social, rappelait que chacun donnait à cette notion de dialogue social le contenu qu'il souhaitait et que, devenue enjeu politique, elle renvoyait à des pratiques forts différentes, avec tous les risques de malentendus que cela induisait quant au degré d'implication des interlocuteurs.
Après avoir usé d'ordonnances, de projet présentés en urgence, de cavaliers législatifs, tantôt pour instituer le CNE ou le CPE, tantôt pour réduire les droits des instances représentatives des salariés, après avoir méprisé les partenaires sociaux avec autoritarisme, M. Chirac, dans les dernières semaines de son mandat, avait redécouvert les vertus du dialogue social.
Si le dernier texte de la précédente législature posait les bases d'une nouvelle architecture de la responsabilité partagée entre l'État, les syndicats et le patronat, en formalisant le temps de la négociation préalable à toute réforme du code du travail, ni dans sa lettre ni dans son esprit il n'était question de modifier les prérogatives constitutionnelles du Gouvernement et du Parlement. Les rapporteurs du texte dans les deux chambres parlaient d'une seule voix, rappelant sans ambiguïté que la démocratie sociale venait en complément de la démocratie représentative, mais sans la concurrencer.
Ceux qui, hier, sur ces mêmes bancs de droite acceptaient, d'une main seulement, la modernisation du dialogue social français, refusaient en réalité purement et simplement de renforcer la légitimité des acteurs sociaux. Et nous étions très peu nombreux alors à défendre la position commune de la CFDT et de la CGT, qui demandaient à la représentation nationale de franchir le pas en fondant la représentativité syndicale sur l'élection des salariés et d'avancer sur la mise en place des accords majoritaires.
Nous étions peu nombreux à défendre une conception exigeante du dialogue social où chacun, fort de sa légitimité, serait capable de négocier sans contrainte. Jamais il n'a été explicitement question de retirer au Parlement et à la loi leur rôle en matière de droit du travail et de droit social.
Parce que le contexte est aujourd'hui politiquement et idéologiquement porteur pour le MEDEF et la droite, parce que le compromis signé par les organisations patronales et syndicales, à l'exception notable de la CGT, est bancal, vous prenez prétexte de la méthode qui aurait présidé à l'élaboration de l'ANI pour nous priver d'un débat nécessaire et d'un droit de regard salutaire sur l'évolution de pans protecteurs essentiels de notre droit du travail.
Nous sommes bien décidés, en tant que députés communistes, Verts et ultra-marins, à ne pas nous laisser enfermer dans le piège tendu aux organisations syndicales et aux parlementaires. C'est justement parce que ce texte est singulier et que la méthode particulière qui est à son origine risque fort d'être érigée en nouvelle méthode de gouvernement que nous ne pouvons nous interdire de l'amender.
À supposer que l'initiative des négociations revienne effectivement aux partenaires sociaux, rappelons néanmoins que si Mme Parisot a repris la main en matière de négociations, inventant la délibération sociale, c'est surtout pour éviter que les gouvernements, et plus globalement les politiques, n'interviennent dans la sphère économique. Du reste, la feuille de négociation était loin d'être blanche : «Nous ne nous faisons aucune illusion sur la difficulté de ces négociations », soulignait le leader de la CFDT, « d'autant que les documents d'orientation du Gouvernement sont quelque peu directifs ». Impossible, dans ces conditions, de faire comme si les négociations sur la modernisation du marché du travail ne s'étaient pas déroulées sous l'influence du MEDEF, un MEDEF porté par le candidat vainqueur de l'ultralibéralisme en embuscade, un MEDEF conforté par la menace permanente d'une intervention législative plus dure.
Au salon des comités d'entreprise, le mois dernier, la question de l'autonomie réelle des partenaires sociaux a été, comme on devait s'y attendre, au coeur des diverses interventions des membres des organisations syndicales signataires de l'ANI. Tous sans exception ont admis avoir accepté un texte de large compromis, en pensant limiter la casse.
Cessons donc ce jeu de dupes ! Ayez au moins l'honnêteté intellectuelle de reconnaître, comme l'a fait une journaliste du service économique du Figaro, que l'enjeu très politique de la représentativité syndicale a pesé dans la balance au moment où certaines organisations syndicales ont dû signer. Assumez le fait que Nicolas Sarkozy a fixé les règles du jeu et contraint les organisations syndicales à une obligation de résultat afin de garantir un avenir sans vague à ses projets, d'ailleurs communs avec ceux du MEDEF.
Il est vrai qu'il peut être délicat de porter une telle réforme aussi inédite dans sa méthode que déséquilibrée dans son contenu. Vous préfériez sans doute ne pas faire de remous, d'autant que les semaines à venir seront rudes. Ainsi, la semaine prochaine risque fort d'être particulièrement mouvementée et inconfortable pour la majorité présidentielle qui, revendiquant davantage de jeu collectif, devra assumer le bilan d'étape du chef de l'État.
Difficile exercice, en effet, que de justifier dans les circonscriptions auprès de Français déçus, étranglés par la hausse des prix de l'énergie et des produits de première nécessité, que vous ayez, en si peu de temps, récupéré autant d'argent auprès des classes moyennes et des plus pauvres pour servir les plus forts et alimenter le capitalisme financier.
Difficile exercice que de promouvoir la poursuite de réformes injustes, économiquement et socialement désastreuses pour notre société, au simple motif que « ce qui compte pour les Européens, c'est que la France fasse ses réformes, qu'elle ne soit pas inhibée par les difficultés économiques et financières ».
Difficile exercice que de cacher plus longtemps la réalité du programme présidentiel et la violence du plan de rigueur avec ses plus de 12 milliards d'euros d'économies sur les comptes de l'État et ceux de la sécurité sociale.
Difficile exercice que de nier les conséquences que ne manquera pas d'avoir ce tour de vis sans précédent sur les politiques sociales et sur la politique active de l'emploi.
Désormais, il est clair qu'afin de fluidifier le marché de l'emploi, le Gouvernement redoublera de volonté pour flexibiliser les règles d'embauche et de licenciement, oubliant d'instaurer en retour des protections nouvelles pour les salariés. Et si la logique « gagnant-gagnant » du système de flexicurité n'était qu'un leurre ?
Vous savez très bien que c'est faux !
Nous savons d'ores et déjà que les bénéficiaires de minima sociaux, fortement incités à reprendre une activité, ne verront pas, comme promis, le RSA généralisé.
Nous savons aussi qu'il est déjà possible de sanctionner les chômeurs. En outre, de l'avis même du directeur général de l'UNEDIC, « le débat est mal posé » : « partir de l'idée selon laquelle un chômeur doit accepter tout ce qu'on lui propose va au-delà du cadre normal de l'exécution des missions, les emplois non pourvus réclamant, pour la moitié d'entre eux, des salariés qualifiés, voire très qualifiés ». Néanmoins, à Cahors, le Président de la République a déclaré qu'il voulait renforcer la chasse aux chômeurs et a indiqué qu'un texte serait présenté prochainement afin de tirer les conclusions du refus de deux offres d'emploi « raisonnables ». Le journal Les Échos précisait hier les contours du projet gouvernemental : après six mois de chômage, le demandeur d'emploi devrait accepter tout emploi requérant moins de deux heures de transport par jour et rémunéré au moins 70 % de son salaire antérieur. Cette grille de lecture élyséenne de l'offre d'emploi « raisonnable », valable ou acceptable, pèsera lourd lors de l'ouverture, en mai prochain, de la renégociation du dispositif de l'assurance chômage.
Dans ce contexte idéologique où le lien de causalité entre solidarité et chômage est constamment sous-entendu, il y a fort à craindre que les organisations syndicales, du moins celles qui souhaiteront se battre, peineront à obtenir une amélioration des droits à l'indemnisation du chômage. Alors, « autonomes », les partenaires sociaux ? Ou faut-il plutôt parler de « pratiques sociales nouvelles », comme vous le faites ?
S'agissant de l'accompagnement et de la formation des demandeurs d'emploi, autres clefs de voûte du système de flexicurité danois dont vous vous attribuez le mérite de la transposition en France, il convient là encore de remarquer que l'heure est aux coupes claires et non à l'augmentation de l'effort public en faveur des chômeurs. Un rapport sénatorial va jusqu'à préconiser la suppression de l'obligation légale pour l'employeur de consacrer un minimum de 0,9 % de la masse salariale au plan de formation des salariés, et à donner la priorité à l'individualisation des droits à formation, au risque de faire reposer sur chaque salarié la responsabilité, y compris financière, de sa formation.
Autant d'éléments essentiels encore en suspens qui rendent bien aléatoires les prolongements de l'accord national interprofessionnel sur la flexicurité signé le 11 janvier 2008.
Certes – et vous ne manquerez pas de vous saisir de cet argument –, l'ANI instaure la portabilité de certains droits, désormais attachés aux salariés et plus seulement aux contrats de travail, tels le droit à la formation et le droit à la complémentaire santé et, de façon bien utile, mais néanmoins très partielle et partiale, il renvoie au concept de sécurité sociale professionnelle. Pour autant, ces éléments sont très loin de constituer la protection sociale du salarié du XXIe siècle. Ils n'épuisent absolument pas l'exigence portée par les syndicats, dont la CGT, de créer un nouveau statut du travail salarié reconnaissant à chacun des droits opposables et transférables tout au long de son parcours professionnel.
Les changements susceptibles d'être instaurés par l'ANI restent très anecdotiques et largement surbordonnés à la bonne volonté du pouvoir réglementaire et à la réussite de négociation à venir. À cet égard, je partage l'analyse d'Alain Olive de l'UNSA : « Le contenu de cet accord ne mérite ni les louanges que certains lui adressent, ni les gémonies auxquels d'autres le vouent. »
À la lumière des articles de l'ANI et de ce qu'il en reste dans ce projet de loi, il est permis de dire que l'adaptabilité rêvée n'a pas trouvé de vraies contreparties. Soyons francs, comme nous le propose Bernard Brunhes dans sa tribune du magazine Liaisons sociales de février dernier : « S'il y a des progrès en termes de flexibilité, le volet sécurité est pour le moins modeste. Puisque l'on utilise un mot qui nous vient du Nord, il faut peut-être rappeler que là-bas, la sécurité est fondée pour l'essentiel sur la mise en oeuvre d'efforts partagés dans l'orientation et le reclassement des personnes en rupture d'emploi : efforts des employeurs tenus de faciliter la reconversion de leurs salariés, efforts des pouvoirs publics donnant les moyens de cet accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi, efforts des intéressés eux-mêmes ». Or, souligne-t-il, l'accord n'évoque rien de tout cela.
De quoi parle donc 1'ANI ? Et le projet de loi traduit-il fidèlement cet accord ?
L'ANI, c'est avant tout l'assurance de périodes d'essai à rallonge, d'un nouveau mode de rupture à l'amiable du contrat de travail, d'un nouveau CDD, le trente-huitième d'une longue liste, « à objet défini » celui-là. Bref, trois sujets emblématiques sur lesquels les employeurs attendaient des avancées pour eux-mêmes ; trois domaines dans lesquels on aboutit à de véritables remises en cause du droit du travail pour les salariés.
Entrons un peu plus dans le détail de ces trois dispositifs phares, qui ont trouvé dans ce texte leur traduction législative.
S'agissant des périodes d'essai variables – au maximum, d'un à deux mois pour les ouvriers et les employés, de deux à trois mois pour les agents de maîtrise et les techniciens et de trois à quatre mois pour les cadres –, comment ne pas y voir une mesure portée par les organisations patronales qui, anticipant la fin annoncée du CNE, ont pesé de tout leur poids pour imposer cette solution alternative ? La barre avait été placée très haut : six mois pour les ouvriers et douze mois pour les cadres. Si la partie patronale a dû en rabattre, il n'en demeure pas moins que le principe d'une période d'essai différente selon le niveau catégoriel, indépendante de la complexité de l'emploi et supérieure aux durées conventionnelles actuelles fait son entrée dans notre code du travail. Est réintroduite par la bande et généralisée la logique du CPE et du CNE d'une période dérogatoire durant laquelle l'employeur pourra rompre le contrat de travail à sa guise et sans motif, procédé condamné par la jurisprudence et la convention n° 158 de l'OIT, ce qui entache d'inconstitutionnalité l'article 2 du projet de loi.
Vous devrez vous expliquer sur ce point, monsieur le ministre. Peut-être admettrez-vous que la période d'essai, du fait de sa durée excessive, constitue désormais une période de validation économique. Il vous faudra nous dire aussi ce qui justifie qu'un employeur garde un salarié plusieurs mois à l'essai et pour quelle raison vous n'avez pas repris les dispositions de l'ANI précisant utilement l'objet de la période d'essai. Alors que les accords de branche conclus antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi fixant des périodes d'essai plus courtes disparaîtront automatiquement au plus tard au 30 juin 2009, les accords comprenant des périodes d'essai plus longues continueront, eux, à s'appliquer : pourquoi une telle prime a-t-elle été donnée aux accords défavorables aux salariés ? Nous aimerions aussi le savoir.
Pour ce qui est de la très attendue rupture à l'amiable, si chère à Mme Parisot, qui, au-delà du vocabulaire emprunté au droit privé, enfonce un coin dans la spécificité du droit du travail dont l'objet même est de protéger le salarié, en situation de subordination juridique vis-à-vis de son employeur, vous aurez beaucoup de mal à nous convaincre que ce nouveau mode de rupture du CDI peut être négocié d'égal à égal et que les garde-fous sont suffisants pour éviter que la dissolution du contrat ne soit toujours imposée par l'employeur. D'autant que 80 % des salariés des PME-PMI ne bénéficient pas du soutien des instances représentatives du personnel.
Jean-Emmanuel Ray, déjà cité, a parfaitement bien analysé les glissements et donc les dangers qu'implique cette disposition de l'ANI. « La future possibilité pour tout salarié de renoncer librement et volontairement à certains aspects de sa protection légale, voire conventionnelle, contre des avantages contractuels négociés de gré à gré… [représente], dans notre société d'individus et d'individualisation des relations de travail, un nouveau pas vers l'opt-out au sens large. Après les heures supplémentaires prétendument choisies, les repos compensateurs monnayés, voici la rupture expresse des CDI facilitée et dispensée de tout motif, en violation une fois de plus des droits fondamentaux posés par l'OIT. »
En l'état actuel, l'article 5 est largement déséquilibré, au profit de l'employeur. Il répond au « tout sauf un licenciement » du MEDEF, qui libère l'employeur de ses obligations en termes de reclassement, d'information et de consultation du comité d'entreprise. De là à porter atteinte aux procédures de licenciements collectifs pour motif économique, il n'y a qu'un pas. Emmanuel Dockès, professeur de droit à Lyon, résume assez bien la situation : « La rupture conventionnelle reste clairement une voie d'évitement du droit du licenciement… Surtout en l'absence de cause réelle et sérieuse, un licenciement pourra très facilement devenir une rupture conventionnelle déguisée. » N'oublions pas que la rupture conventionnelle présente un autre attrait, et non des moindres : c'est un formidable outil pour dissuader le salarié de contester devant le juge la rupture de son contrat de travail.
En revanche, l'article 5 ne confère aux salariés aucun droit nouveau. Il est bien fait référence à une indemnité spécifique, qui ne peut être inférieure au montant de l'indemnité légale de licenciement. Aucune précision n'est apportée au sujet des indemnités conventionnelles. D'aucuns craignent même que l'assurance chômage qui reconnaît et indemnise les démissions légitimes, dans certains cas de harcèlement par exemple, ne profite de l'occasion pour mettre un terme à cette pratique.
À supposer que le salarié soit à l'initiative de la demande de rupture du contrat de travail, de quels moyens disposera-t-il pour convaincre l'employeur d'accepter cette modalité de rupture plutôt qu'une démission, laquelle exonère ce dernier du versement d'une indemnité ? À l'inverse, si l'employeur est à l'origine de la demande de rupture, la question des moyens de pression ne se pose pas. L'indemnité de rupture et d'éventuels droits à indemnisation chômage sont autant d'éléments de nature à emporter l'acceptation par le salarié de cette modalité de rupture, en lieu et place d'une démission ou d'un licenciement qu'il serait pourtant en droit d'obtenir.
Nous venons de le voir, le principe d'égalité entre les deux parties est une fiction. Pour tenter de gommer cette réalité, vous ne manquerez pas de mettre en avant de supposées garanties procédurales : droit d'être assisté ou droit de rétractation pour chacune des parties. Mais, alors que les organisations syndicales voulaient une homologation de la convention de rupture par le juge des prud'hommes, le texte retient l'homologation par les directions régionales du travail. L'administration, déjà en sous-effectif, disposera d'un délai dérisoire de quinze jours pour vérifier que le consentement du salarié n'a pas été vicié. C'est une plaisanterie !
Quelle sera la nature du contrôle ? S'agit-il d'un simple contrôle de légalité, au titre du respect de la procédure, ou aussi d'un contrôle d'opportunité, comprenant, par exemple, un examen du montant de l'indemnité de rupture ? Cette question n'est pas sans incidence dans la mesure où la décision d'homologation, qui revient à l'administration, emporterait ouverture des droits aux allocations chômage. À ce propos, il est symptomatique que ce droit explicite à indemnisation chômage, présent dans le texte de l'ANI, n'ait pas été traduit dans la loi. Est-ce un simple oubli ou la conséquence fâcheuse de la mise en garde récente d'économistes inquiets du risque de dérapages financiers pour le régime d'assurance chômage que comporte cette nouvelle procédure ?
Sur un autre point notable, le projet de loi diffère de l'ANI. Il s'agit des salariés protégés. Ce point qui n'a pas été traité par les partenaires sociaux figure désormais en bonne place à l'article 5. A-t-il été négocié ultérieurement avec certains signataires ? Pour quelles raisons cet ajout a-t-il été opéré ?
Que dire enfin de l'article 6 du projet de loi créant un nouveau contrat de travail précaire, un CDD à objet défini, très inspiré de la dix-neuvième proposition du rapport de Virville sur le contrat de projet, qui avait en son temps soulevé un véritable tollé ? Une fois de plus, voilà un puissant outil de pression offerts aux employeurs.
L'article 1er du projet de loi a beau jeu de réaffirmer que la forme normale et générale de la relation du travail est le contrat à durée indéterminée. Cette pétition de principe est sans grande portée si l'on concède l'ajout à la kyrielle de contrats économiquement et juridiquement précaires – contrats aidés, contrats de chantier, contrats senior – par-delà même les CDD classiques – contrats d'intérim, de sous-traitance – d'une norme d'emplois d'un nouveau genre, hybride du CDD et du CDI.
Ce CDD à terme incertain d'une durée comprise entre 18 et 36 mois, là ou un CDD ne pouvait excéder 18 mois, pourra être conclu sans qu'il soit besoin d'en justifier le motif, pour tout type d'activité, avec un cadre pour une mission définie. Ce super CDD dans sa durée donnera lieu au versement d'une indemnité de précarité de droit commun, donc sans vraie contrepartie pour le salarié. Mais il déroge aux règles de rupture des CDD puisque l'article 6 prévoit, non sans ambiguïté volontaire, que ce contrat de projet ou contrat de mission – peu importe son intitulé – peut être rompu comme un CDI pour tout motif réel et sérieux, même non fautif, à sa date d'anniversaire. Il obéit en outre aux règles de rupture des CDD, dispensant l'employeur de la justification de la rupture et du respect de la procédure dans la première partie de la mission.
Aucune barrière n'est dressée pour éviter que ce contrat ne vienne phagocyter le CDI à temps plein, dans les secteurs qui pratiquent le travail en projet, l'informatique notamment. Les seules limites posées pour l'instant à ce contrat enfermant les salariés dans la précarité permanente sont, d'une part, qu'il est, dans sa phase expérimentale, réservé aux cadres qualifiés et ingénieurs, soit plus d'un actif sur dix, et, d'autre part, que le recours à ce contrat est subordonné à la conclusion d'un accord de branche ou d'entreprise. Rien de très solide face à ce CDD extraordinaire. À n'en pas douter, cette facilité nouvelle soulagera les employeurs, inquiets depuis les arrêts de janvier 2008 de la Cour de Cassation durcissant le recours aux CDD d'usage successifs.
Il faut noter également que le projet de loi est muet quant au droit à l'indemnisation chômage du salarié et qu'il n'a pas jugé opportun de reprendre une disposition de l'ANI prévoyant, a minima, l'interdiction d'utiliser ce type de contrat pour faire face à un accroissement temporaire d'activité.
Sur ces trois dispositifs clés du projet de loi comme sur ceux relatifs au CDI, à la motivation du CDI et au caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte, au portage salarial, nous avons jugé opportun et nécessaire de faire des propositions, amendements strictement limités à l'amélioration du projet de loi, à la neutralisation de ses effets les plus pervers et destructeurs, dans un souci constant de rééquilibrage en faveur des salariés.
Chacun aura compris le sens de la motion du groupe GDR qui refuse d'être complice d'un projet dit de « modernisation du marché du travail », inacceptable dans son contenu car totalement imprégné des propositions du MEDEF allant dans le sens unique de la flexibilité. Nous opposons également un « non » franc à une méthode, celle d'un dialogue social administré où les organisations syndicales sont explicitement invitées à confirmer les décisions du programme UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur Muzeau, on ne peut pas dire que vous ayez développé beaucoup d'arguments supposés fonder l'inconstitutionnalité de ce projet de loi, ce qui est pourtant la règle. Mais je ne vous en veux pas, puisqu'il est assez rare que ces arguments soient évoqués au cours de la défense d'une exception d'irrecevabilité.
Vous avez préféré exprimer avec constance votre opposition à la méthode. J'ai pour ma part évoqué le contexte en m'en réjouissant alors que vous, vous l'avez dénoncé. Vous ne croyez pas, et votre opinion est respectable même si nous ne la partageons pas, à l'autonomie de décision des organisations syndicales, vous n'êtes pas favorable à l'accord et au contrat, leur préférant la lutte et la confrontation, donc la loi d'une certaine manière. Au fond, vous avez répété la philosophie qui fonde votre engagement politique.
Évoquant le contenu du texte, vous vous êtes attardé sur la rupture conventionnelle, sur le contrat de mission et le portage salarial. Mais je vous rappelle, monsieur Muzeau, que le présent texte comporte aussi nombre de dispositions qui sécurisent vraiment les relations sociales.
Oui, mais brièvement.
On ne peut pas dire que l'article 1er, qui affirme que le contrat à durée indéterminée est la forme normale de la relation de travail, favorise la flexibilité. Au contraire, il sécurise les relations du travail. Il en est de même de l'article 2 qui définit et encadre les périodes d'essai. L'article 3, relatif à l'abaissement de l'ancienneté requise pour bénéficier des indemnités maladie complémentaires, ainsi que l'article 4, qui porte sur la nécessaire justification par une cause réelle et sérieuse d'un licenciement, et l'article 7, qui prévoit la mutualisation de l'indemnisation des salariés de petites entreprises licenciés pour inaptitude, constituent également des éléments incontestables de sécurisation.
Et pour ce qui est de l'article 9, relatif au CNE, article sur lequel vous avez eu la pudeur de ne pas vous attarder, ...
...on ne peut pas parler de flexibilité maximum.
Je ne suis donc pas sûr que vos arguments étaient vraiment de nature à prouver l'anticonstitutionnalité du texte.
Bien sûr, si cette motion n'est pas adoptée, nous aurons l'occasion de revenir plus longuement sur tous les sujets que vous avez abordés.
Nous en venons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.
La parole est à M. Jean Mallot, pour le groupe SRC.
Ce projet de loi, qui vise à traduire dans la loi, pour sa partie législative, l'accord national interprofessionnel du 21 janvier 2008, doit permettre l'expression et le développement de la démocratie sociale dans notre pays. Pour autant, il laisse en suspens de nombreuses questions, soulevées d'ailleurs par M. Muzeau.
Nous serons très attentifs aux réponses que nous donnera le ministre dans la suite de la discussion et aux amendements qui seront adoptés.
En premier lieu, le périmètre entre l'accord lui-même et le projet de loi n'est pas le même, ce qui est logique. On ne retrouve pas dans le projet de loi certaines des dispositions qui figurent dans l'accord, ce qui est regrettable. Je pense en particulier à l'article 14 de l'accord sur la portabilité d'un certain nombre de droits, renvoyée à des négociations ultérieures. À l'inverse, des dispositions qui relèvent du règlement feront logiquement l'objet de décrets et d'arrêtés, notamment pour ce qui concerne les indemnités de licenciement. Nous avons demandé que le contenu prévu pour ces éléments réglementaires nous soit communiqué, parce que l'exposé des motifs du projet de loi précise que ces textes paraîtront aussitôt après la promulgation de la loi. J'imagine donc qu'ils sont quasiment prêts. La réponse donnée par le ministre au président du groupe socialiste, dans laquelle il s'est contenté d'énumérer la liste des textes en question sans en donner le contenu, ne peut nous satisfaire.
Des décalages existent entre le texte de l'accord lui-même dans sa partie de nature législative et le texte du projet de loi. Différents points ont été évoqués par M. Muzeau sur lesquels nous reviendrons. Par exemple, l'accord prévoyait que le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail. Or, dans le projet de loi, le mot « générale » a disparu. Par ailleurs, la définition de la période d'essai n'est pas la même, et peut-être plus important encore, la question de l'accès à l'assurance chômage en cas de rupture conventionnelle ou en fin de CDD à objet défini n'est pas évoquée. Nous reviendrons sur tous ces points.
Ce texte nous renvoie à l'articulation, la relation entre la loi et la négociation sociale, entre démocratie sociale et démocratie politique. Nous n'oublions pas que la relation entre l'employeur et le salarié n'est pas équilibrée et que la loi est nécessaire pour préserver le socle de protection du salarié.
C'est la raison pour laquelle nous serons attentifs à l'attitude du Gouvernement qui, dans ce domaine, semble à géométrie variable. Le plus bel exemple est probablement le fameux accord signé par l'Union professionnelle artisanale, le 21 décembre 2001, avec toutes les organisations syndicales, qui a été étendu en avril 2002, mais qui n'est toujours pas décliné de façon générale en raison de contentieux que le Gouvernement n'a jamais vraiment désavoués. Nous aimerions que le Gouvernement nous explique pourquoi sa position est à géométrie variable sur ce point, l'accord signé par l'UPA permettant le développement du dialogue social.
À ce stade, nous avons le sentiment que ce texte transpose plus allégrement la flexibilité que la sécurité. On y trouve la rupture conventionnelle, le CDD à objet défini. Pour la portabilité des droits, c'est-à-dire l'amorce de la sécurité sociale professionnelle, on verra plus tard.
Notre inquiétude est renforcée par les déclarations du président Sarkozy qui a évoqué des sanctions à l'encontre des demandeurs d'emploi qui refuseraient deux offres d'emploi « raisonnables » – à ma connaissance, la définition ne figure nulle part –, « acceptables » dit M. Wauquiez, « valables » entend-on parfois.
Certes, nous avons échappé au contrat de travail unique que M. Sarkozy avait fixé comme objectif à la négociation au début de son mandat.
En effet, car c'est une sorte de précarité généralisée. Nous avons échappé également à la séparabilité à l'amiable prônée par Mme Parisot.
Le groupe SRC considère que ce texte, important pour la démocratie sociale dans notre pays, doit être amendé.
Comme M. Muzeau n'a pas vraiment démontré l'inconstitutionnalité du texte mais plutôt évoqué les problèmes qui se posent, et que nous sommes impatients de connaître les réponses du ministre et de voter les amendements nécessaires pour que la démarche ne soit pas trahie, nous souhaitons passer à la discussion générale. Voilà pourquoi le groupe SRC s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bravo !
M. Muzeau a évoqué avec beaucoup de justesse le rôle dans notre démocratie de l'accord et celui de la loi. Il est en effet légitime de se demander si les parlementaires doivent se limiter à transposer un accord national interprofessionnel sans pouvoir l'amender et sans s'autoriser une vision différente de celle des partenaires sociaux. Nous nous sommes d'ailleurs posé cette question lors de discussion de la loi sur le dialogue social, question qui reste en suspens. Pour sa part, le groupe Nouveau Centre souhaitait que l'obligation de passer par le dialogue social soit inscrite dans la Constitution.
On peut également se poser la question de la réalité dudit contrat tant qu'on n'a pas travaillé sur la représentativité syndicale. Bien évidemment, tant que l'on contestera la représentativité syndicale, on pourra également contester les accords interprofessionnels.
Monsieur Muzeau, vous soulignez que cet accord signifierait que le vieux droit du travail décrit par Zola est désormais dépassé et que le collaborateur du troisième millénaire peut négocier lui-même tout ce qui le concerne. Vous ne semblez pas réaliser que la société évolue et qu'il faut moderniser le code du travail. On ne peut pas conserver des dispositions qui ne sont plus adaptées à notre temps, à notre économie, à nos entreprises, à nos relations contractuelles.
Le groupe Nouveau Centre aurait bien évidemment préféré que l'accord national interprofessionnel ne soit pas le fil conducteur de la loi, mais qu'une loi de programmation prenne en compte ses dispositions et donne une lisibilité à l'ensemble de l'accord. Ce n'est pas le cas et, comme je le redirai tout à l'heure à la tribune, nous le regrettons.
Néanmoins, le Gouvernement transpose un certain nombre de dispositions qui nous paraissent intéressantes : l'affirmation du contrat à durée indéterminée comme forme normale de la relation du travail, la légalisation de la pratique de la rupture conventionnelle – qui existe déjà dans les faits, on le sait –, la suppression du CNE. Je pense d'ailleurs que la suppression du CNE posera la question du statut des petites entreprises ; comme j'ai eu l'occasion de le dire au cours du débat sur la simplification du code du travail, ce dernier ne peut s'appliquer indifféremment aux 90°% de nos entreprises qui comptent moins de vingt salariés et aux 10 % qui sont au-dessus de ce seuil : les problématiques des grandes entreprises ne sont évidemment pas les mêmes que celles des PME.
Il manque bien sûr dans la loi des points importants inscrits dans l'accord national interprofessionnel, comme la gestion prévisionnelle des emplois et compétences, essentielle à notre époque, l'accès à la formation – la formation professionnelle ne profitant, comme l'a dit tout à l'heure le président Méhaignerie, qu'à un petit nombre de privilégiés et non à ceux qui en auraient le plus besoin – ou la portabilité des droits. On peut le regretter. Un certain nombre de sujets sont en effet renvoyés à la négociation entre partenaires sociaux, ce qui ne constitue pas en soi une garantie. Il convient que le Gouvernement nous précise comment ces dispositions se traduiront dans les faits.
Nous sommes néanmoins très attachés au dialogue social, et nous faisons, nous, confiance au Gouvernement…
…et au ministre du travail pour suivre la mise en oeuvre des dispositions de cet accord national interprofessionnel. En dépit des quelques réserves que je viens de formuler, nous ne soutiendrons donc pas l'exception d'irrecevabilité présentée par M. Muzeau.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bravo !
Le débat porte effectivement d'abord sur la place respective de la loi et du contrat. Roland Muzeau n'a jamais dit qu'il était contre l'accord, monsieur le rapporteur !
Je rappelle tout d'abord que cet accord n'a pas été signé par l'ensemble des organisations syndicales, et qu'en outre seules ont été admises à la négociation les cinq qui sont aujourd'hui reconnues comme représentatives – ce qui pose le problème de la notion de « représentativité ». Il semblerait qu'un accord sur celle-ci soit en préparation ; peut-être aura-t-il autant de signataires, mais ce ne seront pas nécessairement les mêmes, ce qui montre bien que plusieurs accords peuvent être signés par des partenaires différents.
Le principe d'une concertation préalable avec les partenaires sociaux avant toute réforme gouvernementale portant sur les relations de travail, l'emploi ou la formation professionnelle a été posé par la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007 ; mais je rappelle qu'elle dispose que « le Gouvernement soumet les projets de texte législatifs et réglementaires […] au vu des résultats de la procédure de concertation et de négociation ». La loi ne nous oblige donc pas à reprendre intégralement, sans rien modifier, le texte des accords interprofessionnels signés par la majorité – ou même la totalité – des organisations syndicales et patronales reconnues représentatives à cette date !
Heureusement, d'ailleurs : la transposition du fameux accord sur la formation professionnelle ayant suscité quelques difficultés, il a bien fallu y apporter des modifications – certaines étant même proposées par le Gouvernement. D'autres sont nécessaires sur le présent texte, notamment des modifications de rédaction proposées par notre rapporteur. Bref, on ne transpose pas toujours à la lettre ! Je sais bien que certains se sont targués de le faire, mais, dans ce cas, allons jusqu'au bout : si le Gouvernement pense réellement que le Parlement n'a plus à intervenir sur les accords relevant du droit du travail, qu'il fasse voter une modification de la Constitution réduisant les droits du Parlement !
Sinon, on aboutit à des situations ubuesques !
Mon collègue Roland Muzeau a soulevé deux grands problèmes posés par ce texte – et je m'en tiendrai là dans le cadre de cette explication de vote.
Tout d'abord, l'augmentation des périodes d'essai prévue par l'article 2 – qui renvoie au débat sur le CNE – pose problème d'un point de vue constitutionnel et justifie en partie le dépôt de cette exception d'irrecevabilité. À l'origine, la transcription de l'accord parlait de durée minimale et de durée maximale ; le conseil d'État a jugé qu'il valait mieux parler seulement de durée maximale – ce qui était d'ailleurs aussi l'avis de plusieurs syndicats. On voit donc bien qu'on ne peut pas s'en tenir strictement à ce qui avait acté dans l'accord, puisque ce serait aller à l'encontre des décisions du conseil d'État ! Du coup, la nouvelle rédaction est déséquilibrée : on n'a plus de minima, mais on ne prévoit pas qu'il puisse y avoir des périodes d'essai dont la durée soit inférieure aux maxima. Or si l'on prévoit un maximum, c'est bien qu'il existe un éventail de durées inférieures ! Pourtant, le texte prévoit toujours une obligation de renégociation des accords de branche qui prévoiraient des durées de périodes d'essai inférieures aux maxima.
Le second problème porte sur les conditions de la rupture conventionnelle, et a été soulevé sur l'ensemble des bancs, ceux de l'opposition comme ceux de la majorité. L'accord stipule en effet que cette rupture conventionnelle – quel que soit l'avis que l'on porte sur la façon dont elle est définie – ouvre le droit à l'indemnisation par les ASSEDIC. Or cette disposition n'a pas été transposée dans la loi. La seule garantie est qu'il y aura renégociation de l'accord UNEDIC, mais celle-ci n'interviendra pas nécessairement avant le vote de ce texte. Des salariés pourraient donc être amenés à demander et signer une rupture conventionnelle sans bénéficier d'aucune garantie sur leur indemnisation salariale. Il y a là une insécurité juridique que nous avons jugé important de souligner et qui a motivé le dépôt d'amendements provenant aussi bien de la majorité que de l'opposition.
Quel que soit le jugement de fond que l'on porte sur le contenu de l'accord, sa transposition à la lettre, voire à la virgule près, pose de nombreux problèmes. Heureusement que, sur tous les bancs, des députés en ont souligné les difficultés ! Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera donc cette exception d'irrecevabilité.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en réponse à notre collègue Roland Muzeau – dont je salue la constance (Sourires) –, je me contenterai de noter deux différences fondamentales entre nous.
La première porte sur le fond : nous sommes, contrairement à vous, monsieur Muzeau, favorables à ce texte. Nous aurons plusieurs heures pour en discuter, mais nous considérons que la flexicurité à la française est un outil important, voire essentiel, pour parvenir au plein-emploi. Vous pensez le contraire. C'est une divergence réelle.
Le second désaccord me surprend davantage : je ne comprends pas votre opposition à la méthode choisie par le Gouvernement. Je pensais que la gauche, et en particulier le parti communiste, était le champion du dialogue social et de l'accord entre les partenaires sociaux, et que vous vous réjouiriez de cet accord. Or c'est nous qui nous en réjouissons : nous considérons qu'il est sain que le pouvoir des partenaires sociaux dans notre pays soit accru et que les accords entre le patronat d'un côté et les syndicats représentatifs des salariés de l'autre aient davantage d'influence. Selon nous, c'est une façon d'améliorer la compétitivité de la France et notre droit du travail, ainsi que de lutter plus efficacement contre le chômage. Cette différence-là me surprend réellement, car je pensais que vous seriez, monsieur Muzeau, favorable au dialogue social. Je regrette que ce ne soit pas le cas.
Quoi qu'il en soit, le groupe UMP ne votera pas votre exception d'irrecevabilité. Je note d'ailleurs que vous avez développé assez peu d'arguments concernant le caractère inconstitutionnel du texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne peux résister à la tentation de remercier le groupe socialiste de son impatience, qui nous permet de débattre dès maintenant. De telles occasions sont si rares ! Je tiens donc, aujourd'hui, à les féliciter de ce trait de caractère. (Sourires.)
J'ai cependant bien conscience que cela ne se renouvellera pas souvent.
Ce projet de loi comporte un certain nombre de dispositions essentielles, que je rappellerai brièvement. Il instaure le contrat à durée indéterminée comme forme normale de la relation de travail, oblige l'employeur à informer, lors d'un rapport annuel ou semestriel, le comité d'entreprise des contrats à durée déterminée ou de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire afin de préciser ce qui l'a conduit à les conclure, fixe les durées maximales des périodes d'essai par catégories professionnelles, en laissant la possibilité de prévoir des périodes plus courtes, abaisse de trois à un an l'ancienneté exigée pour une indemnisation conventionnelle de la maladie, oblige à motiver les licenciements, abaisse de deux à un an l'ancienneté exigée pour prétendre aux indemnités, instaure la rupture conventionnelle, crée un contrat d'une durée de dix-huit à trente-six mois pour la réalisation d'un objet défini, met en place un fonds de mutualisation pour indemniser les salariés licenciés et non reclassables à la suite d'une maladie ou d'un accident d'origine non professionnelle, crée la possibilité d'un accord national interprofessionnel pour confier à une branche la mission de réguler le portage salarial et abroge les contrats nouvelles embauches – j'y reviendrai.
C'est vrai, le moment est historique : le Parlement se voit confier le contenu d'un accord conclu entre les partenaires sociaux. C'est une première, tout comme la tentative de compréhension mutuelle des contraintes des entreprises et des salariés. Mais le contexte économique nous y engage – bien que le côté gauche de l'hémicycle n'en tire pas nécessairement les mêmes conclusions que nous, ce que je comprends bien. Le fait que cette évolution ait été conjointe est en tout cas un signe positif.
S'agissant de ce que préconise ce texte en matière de confection de la loi, nous avons eu déjà l'occasion de réfléchir aux rôles respectifs du législateur et des partenaires sociaux. Il est vrai que cette pratique nouvelle nous oblige à trouver un équilibre entre les initiatives des partenaires sociaux et le travail propre du législateur. Le principe qui, naturellement, doit être préservé est la liberté totale d'amendement de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Le groupe de l'UMP accepte de limiter ce pouvoir d'amendement et de respecter l'accord, à condition toutefois que soit trouvé un équilibre satisfaisant, qui permette de préciser la formulation actuelle du texte sans pour autant aller au-delà de ce que dit l'accord. En effet, les partenaires sociaux ne peuvent pas être amenés à faire la loi, et nous ne saurions, mes chers collègues, accepter un mandat impératif, sous quelque forme que ce soit.
Dès lors, la prise en considération par le législateur de l'esprit de la loi de 2007, que Dominique Dord a rappelé, peut être déclinée en trois temps : premièrement, respecter l'esprit de l'accord national interprofessionnel qui nous est soumis ; deuxièmement, éclairer ou préciser le texte à chaque fois que c'est nécessaire – et nous verrons que ça l'est – ; troisièmement, à l'occasion de la discussion qui s'ouvre, apporter ou faire apporter les précisions rendues indispensables par la rédaction même de l'accord.
En effet, le texte de l'accord national interprofessionnel ne se contente pas de prendre les dispositions que j'ai détaillées : il soulève également des questions très importantes dont le traitement, d'une certaine manière, relève proprement du travail législatif, d'où l'importance de celui-ci. Je souhaite mentionner celles qui ont été soulevées au cours du travail en commission.
Tout d'abord, comment définir la période d'essai ? Alors que sa définition dépend aujourd'hui de la seule jurisprudence, ou presque, ne convient-il pas, au moment où nous nous apprêtons à inscrire dans la loi l'accord entre les partenaires, d'inclure dans le texte la définition précise de cette période ?
Ensuite, à qui faut-il attribuer l'initiative de la rupture conventionnelle ? Chacun comprend l'importance de cette question. En effet, si on attribue a priori l'initiative de la rupture au salarié, celui-ci, en droit, ne peut plus être éligible au régime de l'assurance-chômage ; inversement, si l'initiative de la rupture est attribuée en principe à l'employeur, le salarié recouvre son éligibilité à l'assurance-chômage – des remarques sont allées en ce sens.
D'autre part, qui peut assister le salarié lors des entretiens qui encadrent cette modalité nouvelle de rupture ? Sur tous ces bancs, les représentants de la confrérie des avocats nous ont interrogés sur un dispositif susceptible d'instaurer un déséquilibre entre le salarié et l'employeur. S'il est vrai que le premier se trouve placé dans une position d'infériorité vis-à-vis du second – telle est la question –, il doit dès lors pouvoir bénéficier d'une assistance spécifique et cette possibilité doit figurer dans le texte.
En outre, quand peut-on considérer qu'un travail est achevé – vieille question posée par les organisations – et que, de fait, le contrat destiné à la réalisation d'un objet défini se termine ? Cette question, déjà délicate à traiter dans le monde industriel, le devient encore davantage alors que la tertiarisation a vocation ou simplement tendance à se développer.
Enfin, comment réglementer le portage salarial ? Sur cette question, chacun le sait, les appréciations diffèrent d'un côté ou de l'autre de cet hémicycle. À nos yeux le portage salarial, bien qu'imparfait, est susceptible de remédier au chômage des anciens : il rend donc service à ceux qui en bénéficient. De l'autre côté de l'hémicycle, on considère qu'il se rapproche, par sa forme, du travail précaire et qu'il ne faudrait donc pas le généraliser. L'article 8 du projet de loi visant à le réglementer, nous devrons décider si, oui ou non, en raison même de la proximité des deux branches, la réglementation du portage salarial devra se faire sous l'égide du travail temporaire.
Monsieur Muzeau, soyez sans inquiétude : je compte donner mon point de vue sur tous ces sujets au cours de la discussion.
Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, sans remettre en cause ni l'architecture, ni l'esprit ni même les dispositions du texte – j'ai entendu vos souhaits en la matière –, le groupe de l'UMP souhaite que l'examen du texte permette à la fois de répondre à toutes ces questions et d'apporter les précisions nécessaires : nous aurons ainsi la satisfaction de les voir figurer au compte rendu intégral de nos débats.
Dans tous les cas, le groupe de l'UMP soutient ce texte, qu'il votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
(M. Jean-Marie Le Guen remplace M. Marc-Philippe Daubresse au fauteuil de la présidence.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, par ce projet de loi sur la modernisation du travail, la représentation nationale est appelée à transcrire l'accord interprofessionnel négocié par les partenaires sociaux et signé par eux, à l'exception de la CGT, le 21 janvier 2008.
Le sérieux du travail accompli – quatre mois de discussion tous les vendredis – force assurément le respect, mais la méthode, imposée par la loi de 2007, suffit-elle à valider l'accord, alors même que nous savons que les organisations syndicales ont négocié sous la menace de voir, en cas d'échec des négociations, le Gouvernement imposer une loi beaucoup plus favorable aux thèses du MEDEF et aux idées défendues par Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle ?
Il s'agit donc bien pour les représentants des salariés d'un accord défensif signé par peur de se voir imposer le contrat unique par la voie législative. Un des négociateurs signataires l'a du reste reconnu : « Ce n'est pas l'accord du siècle. On a évité le CNE bis, et s'il n'y avait pas eu d'accord tout le monde aurait été perdant. »
Ne souhaitant ni remettre en cause la négociation ni renier notre fonction de législateur, nous défendrons des amendements de clarification et de sécurisation de l'accord. Cela a été rappelé, la transcription ayant été menée en concertation avec les signataires eux-mêmes, elle ne pose pas de problèmes majeurs de conformité, même si, dans ce genre d'exercice, le diable se cache souvent dans les détails – nous aurons peut-être l'occasion de le montrer.
Ainsi le projet de loi, comme l'ANI, et souvent dans les mêmes termes, témoigne de la recherche d'un équilibre entre une souplesse accrue du marché du travail et de nouvelles sécurités pour les salariés, recherche qui a présidé à son élaboration.
Les nouvelles flexibilités répondent aux demandes d'un patronat désireux de pouvoir se séparer plus facilement d'un salarié tout en minorant les risques de recours, ce qui se traduit par les trois dispositions suivantes du texte – qui sont les principales – : l'allongement des périodes d'essai à l'article 2 ; la séparation à l'amiable, rebaptisée « rupture conventionnelle » à l'article 5, qui vient fonder en droit et moraliser des pratiques qui existent déjà et reprend la proposition 145 du rapport Attali ; enfin, troisième et dernière innovation, le contrat de projet, suggéré dans le rapport de Virville de 2004 et jusqu'alors repoussé par les syndicats, qui, à l'article 6, apparaît sous la forme d'un « CDD pour la réalisation d'un objet défini ».
On ne saurait toutefois parler, notamment sur ce dernier point, de simplification du code du travail. En effet, il existait déjà le CDI ou contrat à durée indéterminée, et, par dérogation, le CDD ou contrat à durée déterminée, ainsi que trente-sept autres contrats de travail : il existera désormais une dérogation à la dérogation avec le CDDI, le contrat à durée déterminée longue mais surtout incertaine !
Ces innovations sont donc susceptibles d'accroître la précarité des salariés : quelles contreparties le projet de loi leur assure-t-il ?
Le texte réaffirme tout d'abord que le CDI est la forme normale de la relation de travail ; il oblige de plus l'employeur à informer le comité d'entreprise ou les délégués du personnel sur l'utilisation des CDD et de l'intérim. On ne peut toutefois que regretter l'absence totale de réflexion ou de proposition sur le temps partiel contraint ou subi !
Deuxièmement, les salariés obtiennent la suppression du CNE et la requalifïcation des contrats en cours en CDI, ce dont je ne peux que me féliciter puisque j'avais été moi-même l'auteur d'une proposition de loi en ce sens.
Troisièmement, si le projet de loi réaffirme la nécessité de motiver le licenciement, il ne nous a pas échappé que les trois dispositifs que j'ai évoqués plus haut permettent, en partie, de contourner ce principe.
Quatrièmement, le projet de loi prévoit l'intégration des périodes de stage professionnel dans les périodes d'essai.
Enfin, cinquième point et non des moindres, il prévoit l'abaissement de trois à deux ans de l'ancienneté nécessaire pour conserver son salaire en cas de maladie et de deux à un an celle permettant de bénéficier de l'indemnité de licenciement, qui sera elle-même doublée par décret.
Si ces avancées législatives sont « bonnes à prendre », comme on dit, elles ne suffisent pas à mettre en oeuvre la véritable sécurisation des parcours professionnels. Dans ces conditions, comment expliquer que les syndicats aient signé un tel accord ?
C'est que celui-ci contient potentiellement tous les éléments de sécurisation des parcours professionnels : une indemnisation du chômage plus forte pour les jeunes, le développement de la GPEC et de la VAE, même si vous avez coupé les crédits qui leur étaient alloués, la création du bilan d'étape professionnel, l'amélioration de l'orientation, enfin la transférabilité des droits.
Toutefois ces avancées notables ne figurent pas dans la loi, soit parce qu'elles n'en relèvent pas, soit parce qu'elles sont renvoyées aux négociations ultérieures, et déjà programmées, entre les partenaires sociaux sur la convention d'assurance-chômage et la formation professionnelle.
C'est donc en quelque sorte – il faut bien le comprendre – une vision, voire une version « borgne » de l'accord que nous sommes appelés à valider.
Le projet de loi nous propose une transcription fidèle mais partielle de l'accord interprofessionnel ! Son équilibre relève du pari que les négociations ultérieures sur l'assurance-chômage et la formation professionnelle viendront confirmer les bonnes intentions affichées.
Or il convient de souligner que les travaux préparatoires à la discussion en séance du projet de loi ont soulevé de notre part de nombreuses craintes quant à la bonne volonté de la majorité. C'est ainsi qu'avec le souci louable de combler les déficits, le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a suggéré que le salarié ayant recours à une rupture conventionnelle ne bénéficie pas du taux plein d'assurance-chômage, au moment où le Gouvernement a annoncé – c'était hier – son intention d'appliquer la même sanction à tout demandeur d'emploi qui refuserait deux offres valables d'emploi.
Je note du reste que le bénéfice de plein droit à l'assurance chômage garanti dans l'accord ne l'est plus explicitement dans le projet de loi – c'est un point sur lequel nous débattrons avec force. En effet, ce qui pourrait paraître aujourd'hui comme un simple oubli de transcription, s'il n'était pas corrigé, pourrait demain permettre un profond changement de la nature de la rupture conventionnelle.
De même, alors que M. le rapporteur propose de revenir sur l'accord en limitant le recours prud'homal dans le cadre de la « rupture conventionnelle », une organisation patronale signataire – quelle surprise ! – lance une pétition pour revenir sur l'article abrogeant le CNE.
Enfin, alors que l'accord est très satisfaisant en termes de formation professionnelle, une campagne médiatique, relayée par le Président de la République dans son discours de Cahors, est organisée, visant à remettre en cause les moyens qui y sont alloués.
Il est clair que le Gouvernement, confronté à de graves problèmes budgétaires, cherche à capter les fonds paritaires de l'assurance-chômage et de la formation professionnelle pour renflouer les comptes sociaux.
Monsieur le ministre, vous vantez la négociation, mais elle est très encadrée et le paritarisme cède de plus en plus de terrain au tripartisme, pour ne pas dire à une reprise en main par l'État, comme nous le dénoncions déjà à propos du texte sur la fusion entre l'ANPE et l'ASSEDIC et comme nous le confirme également, sur un plan symbolique, la nomination de M. Charpy à la tête de la nouvelle structure.
Quelles garanties avons-nous qu'un amendement, aujourd'hui ou dans quelques semaines, ne modifiera pas profondément le sens de l'accord ? Il suffirait ainsi de supprimer la restriction du « contrat à objet défini » aux ingénieurs et aux cadres pour généraliser le contrat de projet à l'ensemble des salariés et transformer radicalement le code du travail !
Enfin, aussi intéressantes que puissent paraître les mesures transcrites, elles ne nous semblent pas à la hauteur des difficultés persistantes que connaît notre marché du travail : la pénurie de main d'oeuvre qualifiée dans certains secteurs, les difficultés d'insertion professionnelle durable des jeunes, le faible taux d'activité des seniors ou l'explosion du temps partiel subi, notamment pour les publics féminins.
Autant de difficultés, voire de dysfonctionnements du marché du travail qui se traduisent par une précarisation et une paupérisation accrues d'un grand nombre de salariés et par ce qui devient le grand problème de la question du chômage dans notre pays : l'augmentation du nombre croissant de travailleurs pauvres. Or, monsieur le ministre, je ne vois pas dans ce projet de loi de véritable réponse à la précarité qui ronge notre modèle social. En ce sens, le texte n'est pas tout à fait à la hauteur de l'accord.
Votre modernisation ressemble finalement plus à un alignement sur le modèle anglo-saxon qu'à la construction d'une véritable « flexisécurité » à la danoise. Vous avez pourtant dans cet accord les éléments pour bâtir collectivement une véritable sécurisation des parcours professionnels, que nous appelons de nos voeux, avec notamment l'article 14 sur la transférabilité des droits. Pourquoi dès lors faites-vous preuve d'une telle obstination à tronçonner les négociations et, de surcroît, à les éclater entre plusieurs ministères ?
C'est, en fait, d'une vraie négociation globale que nous aurions besoin, oserai-je dire d'un véritable Grenelle de l'emploi ? Cela serait, en même temps qu'un retour aux sources, une excellente manière de commémorer mai 68 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Pour résumer notre propos et conclure avec mesure, je souhaite revenir à la notion de transcription dans son acception musicale – il paraît d'ailleurs que la musique adoucit les moeurs. En musique, une transcription consiste à adapter une oeuvre, telle une symphonie, pour un ensemble plus restreint voire pour un piano seul. C'est un peu la même impression que nous avons en passant du poème symphonique que constitue l'accord, à sa version par la fanfare médiatique du Gouvernement – fanfare qui, ces derniers temps, connaît quelques couacs.
Nous retrouvons bien, dans le texte, les thèmes, la petite musique du patronat, la voix flûtée de Mme Parisot,…
…mais nous perdons beaucoup dans les harmonies sociales de l'accord qui en faisaient la richesse.
Sans aller jusqu'à dire que la transcription modifie l'équilibre de l'accord interprofessionnel, force est de constater qu'elle en a perdu l'éclat et la portée. Nous y entendons davantage les cuivres du patronat que les choeurs des salariés.
Monsieur le ministre, tout en saluant l'effort et la qualité de la négociation des partenaires sociaux, vous comprendrez qu'à ce stade du débat notre position consistera en une abstention constructive mais vigilante. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le ministre, le Premier ministre a salué la signature de l'accord national interprofessionnel sur le marché du travail comme une avancée historique vers la flexicurité à la française, thème de nombreuses fois abordé depuis le début du débat. Dans la foulée, le porte-parole du Gouvernement a expliqué que les parlementaires devaient valider le texte en l'état, selon l'argument qu'il s'agit de la même procédure que pour l'accord interprofessionnel sur la formation.
La question de la place du Parlement s'était alors déjà posée – donc, nous recommençons. Toutefois, le contexte est totalement différent. Dans le premier cas, il s'agissait d'une volonté commune des partenaires sociaux et l'accord avait été signé par l'ensemble des confédérations actuellement considérées comme représentatives. Quant au présent accord, il répond à une mise en demeure du Président de la République fixant les objectifs politiques, le contenu et les échéances, et déléguant aux syndicats la mise en musique, pour reprendre la métaphore de M. Gille. Ajoutons-y les pressions permanentes du Gouvernement qui, en accord avec le patronat, menaçait, si l'accord n'aboutissait pas, de légiférer dans un sens nettement plus défavorable aux salariés.
Or, en droit civil, la signature d'un contrat sous contrainte entache le contrat d'un vice du consentement entraînant sa nullité. Nous nous trouvons, par conséquent, dans une situation quelque peu similaire, justifiant tout à fait que le Parlement s'empare de ce texte pour vérifier que l'intérêt général est bien garanti. Le rôle de la loi, c'est justement d'établir un équilibre entre le puissant et le faible.
Après l'abrogation du CPE à la suite du grand mouvement populaire du printemps 2006 et après les attaques en justice contre le CNE dont les dispositions relatives à la période d'essai ont été reconnues contraire aux engagements internationaux de la France, on sent comme un petit parfum de revanche de la part du patronat et du Gouvernement à travers les dispositifs du présent projet.
Il est assez piquant de constater le MEDEF et le Gouvernement, qui n'ont à la bouche que l'expression « le contrat plutôt que la loi », utilisent celle-ci pour faire passer en force des dispositifs que ne prévoit pas l'accord. Je pense à l'allongement des durées d'essai ou au contrat à objet défini, défendus avec insistance par le syndicat patronal Syntec-Informatique depuis des années. Ainsi, faute d'avoir pu vaincre dans les négociations précédentes, le patronat a su trouver cette fois-ci l'oreille du Gouvernement pour, enfin, parvenir à ses fins.
Vous avez donc fait le choix d'accentuer la flexibilité sans apporter d'éléments de sécurisation. Le fameux article 14 de l'accord interprofessionnel, par exemple, qui portait sur la portabilité des droits et, je le rappelle, sur la possibilité d'une indemnité pour les jeunes au chômage de moins de vingt-cinq ans, n'est pas transposé. Dans le même temps, vous parvenez, dans un seul texte, à faire passer trois des revendications majeures du patronat que sont l'allongement de la période d'essai, la rupture « conventionnelle » du contrat de travail, dite « rupture à l'amiable », et la création du contrat de mission.
Alors qu'on passe son temps à nous expliquer qu'il faut alléger le code du travail et s'en remettre aux accords, je rappelle que les quelques avancées qu'on peut trouver dans ce texte figurent déjà toutes dans la grande majorité des accords de branche. La durée des périodes d'essai est ainsi organisée par les accords de branche depuis des années sans que personne s'en soit jamais trouvé gêné. Seulement, il est plus facile de modifier un article de loi pour allonger la durée de la période d'essai que de renégocier l'ensemble des accords de branche. On nous propose donc aujourd'hui, contrairement à tous les discours que nous entendons depuis 2002 sur la priorité à donner aux accords, de légiférer sur des dispositifs qui fonctionnaient très bien dans le cadre d'accords.
Le MEDEF obtient ainsi à la fois une plus grande flexibilité du contrat de travail, une sécurité juridique renforcée avec des licenciements plus rapides et plus faciles. Vous demandez un chèque en blanc sur la sécurité contre un paiement immédiat pour ce qui concerne la flexibilité. Dès lors, comment apprécier les conséquences de la flexibilité que vous proposez ?
Le précédent de la loi de 2003 sur les retraites n'est pas de nature à nous rassurer : l'allongement des durées de cotisations à quarante annuités devait entrer en vigueur contre l'engagement d'avancer sur la définition de la pénibilité par la négociation collective et le maintien dans l'emploi des salariés de plus de cinquante ans. Qu'en est-il de ces deux points ? La négociation sur la pénibilité n'a toujours pas débouché sur un accord, le Gouvernement ne tapant pas, en l'occurrence, du poing sur la table pour qu'on y parvienne. Quant au maintien dans l'emploi des salariés de plus de cinquante ans, inutile de s'attarder sur le sujet : tout le monde sait qu'on n'a pas progressé d'un iota.
De toute évidence, cet accord sur le marché du travail fonctionne selon le même marché de dupes ! Comment voulez-vous, dans ces conditions, que nous vous donnions un deuxième blanc-seing avec aussi peu de garanties qu'en 2003 ?
La Confédération européenne des syndicats, la CES, sonne l'alerte : elle craint que la flexicurité soit interprétée comme un permis de licencier plus facilement et d'adopter des formes de travail plus précaires. Les syndicats sont totalement opposés à une telle approche qui aboutirait à un marché du travail plus segmenté et à l'exclusion des travailleurs les plus vulnérables. Pour ceux qui l'ont oublié, je rappelle que la CES inclut trois confédérations signataires de cet accord : la CFDT, la CFTC et FO.
La réalité, c'est que votre texte, pas plus que l'ANI, ne répond aux enjeux actuels. Les employeurs obtiennent à la fois une plus grande flexibilité des contrats de travail et une plus grande sécurité juridique pour licencier. Il est vrai, comme l'a dit M. le ministre, que l'ANI est conforme à la proposition n° 145 du rapport Attali.
Les problèmes sont pourtant bien identifiés : taux de chômage élevé, précarité croissante – particulièrement chez les jeunes –, emplois précaires, temps partiel contraint, intérimaires à temps partiel, sous-emploi, travailleurs pauvres, chômage des plus de cinquante ans, grilles de salaires de plus en plus écrasées, niveau de vie en recul du fait de l'instabilité de l'emploi. Or vous n'y apportez aucune solution.
Quant à la suite du programme social, elle est déjà annoncée : ce sera le durcissement de l'obligation pour les demandeurs d'emploi d'accepter un travail, alors que la loi a déjà été modifiée à plusieurs reprises en ce sens par les gouvernements UMP précédents et qu'on s'interroge sur la nécessité d'une nouvelle modification si ce n'est pour créer un effet médiatique…
…afin de culpabiliser encore un peu plus les chômeurs et de les désigner à la vindicte populaire sur le thème qu'ils ne veulent pas travailler.
Vous passez à côté du fameux modèle danois. Vous nous vantez depuis tout à l'heure la flexicurité française. Sauf que dans les pays où cette notion a été mise en oeuvre, la période d'indemnisation dure deux ans et atteint 90 % du salaire ; en outre, les offres de formation sont d'une autre qualité que celles que l'on propose en France.
De la même manière, la formation, c'est un peu l'Arlésienne : on passe son temps à dire qu'elle n'est pas orientée vers ceux qui en ont le plus besoin et ne permet pas, justement, d'occuper un certain nombre de postes de travail parce qu'il y a inadéquation entre le profil des demandeurs d'emploi et les offres proposées, mais aucune modification n'est apportée pour offrir des formations plus longues que ce qui existe compte tenu des durées d'indemnisation courtes de certains chômeurs.
En ce qui concerne le texte lui-même, vous prenez acte, à l'article 9, de l'obsolescence du CNE en prévoyant son abrogation – ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
L'article 1er du projet de loi affirme, quant à lui, que le contrat de travail à durée indéterminée est « la forme normale de la relation du travail ». La reprise de l'accord est ici incomplète puisqu'il s'agissait, à l'origine, de la « forme normale et générale ». La formule retenue consiste donc en une fausse avancée puisque c'était de fait le cas, par défaut, dans le code du travail. De plus, introduire cette affirmation pour ensuite prévoir un contrat précaire supplémentaire avec le contrat à objet défini relève d'une certaine perversion.
L'article 2 procède, pour sa part, à la codification législative de la période d'essai qui jusqu'ici relevait uniquement des conventions collectives de branche. Sont passées par là les batailles contre le CPE et le CNE qui prévoyaient des périodes de deux ans à l'essai, sans obligation pour l'employeur de motiver le licenciement. Cette codification législative revient à introduire de force un allongement d'un mois des durées d'essai et des renouvellements pour toutes les catégories. Nous y reviendrons car la manière dont on a transposé ce dispositif pose problème, avec notamment cette incongruité selon laquelle il nous est expliqué qu'une durée maximale des périodes d'essai est prévue mais qu'il ne peut exister d'accords prévoyant des périodes d'essai inférieures. Or, jusqu'à présent, la notion du maximum induisait qu'une fourchette était possible entre plancher et plafond. On comprend donc trop bien que la formulation retenue est mensongère.
Pour ce qui est de l'article 3, il transpose une petite avancée prévoyant que, dorénavant, c'est après un an d'ancienneté et non plus après trois ans qu'un salarié en arrêt maladie aura droit à l'indemnité conventionnelle complémentaire de celle de l'assurance maladie. Toutefois, comme c'est déjà le cas dans la majorité des accords de branche, la seule avancée que comporte cet article est donc très relative puisqu'elle ne concernera que quelques branches.
L'accord prévoyait aussi que toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise étaient prises en compte pour le calcul de l'ancienneté. Cette mesure paraît fondamentale à une époque où, malheureusement, l'entrée au sein de l'entreprise s'effectue souvent par l'intermédiaire de CDD. Comme vous créez un nouveau CDD qui est le contrat à objet défini, cela signifie qu'avec l'abandon de ce qui figurait dans l'accord et le refus en commission de le reprendre dans le projet de loi, nous discutons d'un texte plus restrictif par rapport à l'accord : de fait, l'entreprise aura davantage de possibilités pour contourner les périodes d'essai.
L'article 4 réécrit les articles du code du travail relatifs aux licenciements en alignant le régime des licenciements pour motif personnel et le régime des licenciements pour motif économique. Conformément à l'accord, le texte prévoit la réduction de la durée de présence dans l'entreprise de deux ans à un an pour avoir droit aux indemnités de licenciement. Cependant, sous prétexte de rationalisation des dispositifs, le texte plafonne les indemnités de licenciement pour les salariés ayant plus de dix ans d'ancienneté. Ainsi, une avancée d'un côté est compensée par un recul de l'autre.
Cet article prévoit aussi la réduction du délai de dénonciation du solde de tout compte. Or la réduction de ce délai à six mois va provoquer de nombreuses difficultés alors qu'en cas de licenciement économique, un salarié a le droit, pendant l'année qui suit, de postuler à tout emploi recréé au sein de l'entreprise. Un problème de compatibilité va donc se poser entre ces deux durées.
L'article 5 introduit, lui, la « rupture conventionnelle ». Ce dispositif qui vise à instaurer une troisième voie entre le licenciement et la démission se fonde sur la supposée relation d'égalité entre l'employeur et l'employé. C'est nier la spécificité de la relation de travail qui justifie précisément l'existence d'un code du travail distinct du code civil. Là encore, il s'agit d'une revanche du patronat à la suite des échecs du CPE et du CNE, puisque la « rupture conventionnelle » introduit une possibilité de licenciement sans motif.
On peut admettre, en effet, certaines situations où le salarié aspire à quitter une entreprise qui elle-même souhaite le départ du salarié. On pourrait donc imaginer un accord garantissant les droits des salariés. Seulement, l'employeur libre est plus libre que le salarié libre. Il aurait donc fallu assortir cette possibilité de nombreuses garanties. Ce n'est pas le cas et, de fait, le projet est déséquilibré au bénéfice de l'employeur.
Enfin, M. Poisson l'a rappelé et nous en avons beaucoup parlé en commission, le texte n'apporte aucune précision sur l'indemnisation en cas de rupture conventionnelle. Je l'ai dit dans mon explication de vote sur la motion de procédure : un réel problème se pose ici puisqu'il peut exister des ruptures conventionnelles signées avant la conclusion de la modification de l'accord UNEDIC. Les parlementaires commettraient donc vis-à-vis des salariés un mensonge involontaire, si vous permettez ce mot un peu fort. Autrement dit, on aura fait croire aux salariés qu'ils peuvent dès maintenant négocier des ruptures conventionnelles alors que nous savons pertinemment qu'ils ne disposent pour l'instant d'aucune garantie.
Sur ce point fondamental, nous devons vraiment obtenir des précisions. Il faudrait ainsi qu'au moins un des amendements proposés par la commission soit accepté par le Gouvernement afin que nous ne devenions pas responsables d'une situation catastrophique.
Au-delà, un autre élément déséquilibre ce dispositif. À aucun moment il n'est tenu compte du climat plus ou moins défavorable à la signature d'un contrat « à l'amiable » de rupture de la relation de travail. Or, dans une entreprise où sont avérés ou portés devant la justice des cas de discriminations, de harcèlement sexuel ou moral, d'inégalité de traitement entre femmes et hommes ou d'entrave à l'exercice d'un mandat collectif de salarié, croyez-vous que le climat soit propice à la négociation « libre et non faussée » d'une rupture conventionnelle, en tête à tête ? Des protections supplémentaires restent de toute évidence à prévoir en la matière afin d'éviter que cette « séparabilité » faussement négociée ne soit en définitive que le stade ultime de la pratique du harcèlement contre les salariés comme méthode de management. Malheureusement, c'est une réalité, et nous sommes obligés d'en tenir compte.
Or, à l'occasion de la récente transposition des directives européennes contre les discriminations, vous avez refusé de reprendre les notions de discrimination et de harcèlement dans l'environnement de travail qui font référence à un climat dans l'entreprise. Vous avez seulement repris la référence à des actes de harcèlement. On ne peut donc qu'être inquiet quant aux effets de la juxtaposition de ces deux textes.
Enfin, il est préoccupant que le projet de loi ne reprenne pas la disposition contenue dans le texte de l'accord sur le droit à l'allocation chômage.
Le projet de loi crée un CDD à « objet défini », d'une durée pouvant aller de dix-huit mois à trois ans. La question reste posée de la rupture à la date anniversaire, qui, de fait, vient contredire la durée minimale du CDD ainsi défini. C'est un contrat précaire de plus. Il faut quand même savoir que nous en sommes aujourd'hui à trente-sept contrats de travail. Entre le contrat unique, qui posait beaucoup de problèmes, et trente-sept contrats, il était peut-être possible de trouver un moyen terme, au lieu de créer ce contrat supplémentaire.
Celui-ci répond à une vieille demande du patronat de la branche des bureaux d'étude. L'idée était contenue dans le rapport de Virville, ainsi que dans les « quarante-quatre mesures » du MEDEF publiées en 2004. On voit que cela vient de loin. C'est une demande récurrente des SSII de l'informatique, qui ne veulent plus payer leurs salariés en inter-contrat.
Le CDD à objet défini est donc un vrai cheval de Troie contre le CDI.
Et j'en viens à ma conclusion, monsieur le président.
J'en ai déjà parlé.
Il faut remarquer que les quelques avancées qui, comme je l'ai dit, sont inscrites dans ce projet de loi ne sont, pour la quasi-totalité d'entre elles, que l'inscription dans la loi de dispositions figurant dans des accords de branche.
Par contre, les autres dispositions inscrites dans ce texte sont, elles, de vraies régressions pour ce qui concerne les droits des salariés.
Vous comprendrez donc que les députés du groupe GDR ne voteront pas ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous commençons aujourd'hui l'examen est novateur à double titre.
Tout d'abord, parce qu'il constitue la traduction concrète des dispositions de la loi sur la modernisation du dialogue social.
Ensuite, parce qu'il introduit dans notre droit du travail les éléments d'une sécurisation des parcours professionnels dont on parle tant depuis plusieurs années, mais dont on tardait à distinguer les contours concrets dans notre organisation du travail.
Ce texte est ainsi l'illustration de ce que le dialogue social, articulé à la loi lorsque c'est nécessaire, peut permettre à notre réglementation du travail de réaliser des avancées décisives.
Avec la loi du 31 janvier 2007 sur la modernisation du dialogue social, nous avons érigé en principe que toute réforme du droit du travail doit être précédée d'une période de saisine des partenaires sociaux.
De cette manière, l'évolution des règles de notre droit du travail peut trouver sa source dans la discussion et la négociation de celles et ceux qui sont directement concernés par ces dernières, plutôt que dans la loi. Quoi de plus logique, en effet, que d'inviter les partenaires sociaux à se saisir de ce sujet, sensible, mais essentiel aussi bien pour l'entreprise, que pour l'employeur et le salarié, à savoir la sécurisation des parcours professionnels ?
Le groupe Nouveau Centre est particulièrement attaché au dialogue entre les partenaires sociaux. Il est pour nous un signe de la vitalité de notre démocratie sociale. Nous sommes nombreux ici à être persuadés que c'est du dialogue social que peuvent venir l'inventivité et les innovations qu'exigent de notre réglementation du travail les évolutions de l'économie moderne.
Avec ce projet de loi, avec l'accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier, c'est, en réalité, un premier pas qui a été franchi vers la rénovation de notre pacte social, non pour amoindrir la portée de celui-ci, mais au contraire, pour le rendre plus pertinent, plus efficace, dans un marché du travail lui-même plus complexe.
L'esprit de responsabilité dont les partenaires sociaux ont fait preuve avec cet accord est, pour notre groupe, un signe encourageant pour notre pays. Nous attendons aussi que cet esprit de responsabilité et cet accord soient pleinement respectés.
En effet, nous avons tous pu constater que le projet de loi est loin de reprendre l'ensemble des thèmes et des dispositions de l'accord du 11 janvier dernier. Tout ce qui concerne la transférabilité des droits, en particulier en ce qui concerne le droit individuel à la formation, l'indemnisation du demandeur d'emploi, la formation professionnelle, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, est ignoré de votre texte.
Naturellement, un certain nombre de ces sujets relèvent, là aussi, du dialogue social : les discussions autour de la formation professionnelle en sont le meilleur exemple.
Le groupe de travail tripartite composé de représentants de l'État, des régions et des partenaires sociaux vient d'ailleurs d'engager ses travaux. Puis, ce sera au tour des partenaires sociaux d'entamer leur travail pour les éléments qui relèvent de la seule négociation collective.
Pour autant, et notre groupe veut insister sur ce point, l'accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail est un tout, un ensemble cohérent.
C'est l'ensemble des domaines traités par les partenaires sociaux qui dessine les contours d'une nouvelle sécurité de l'entreprise et du salarié. C'est cet ensemble qui apporte, en particulier au salarié, les garanties nécessaires pour évoluer dans son emploi, ou en retrouver un, en cas de chômage.
J'ajoute d'ailleurs qu'il en est de même en ce qui concerne un certain nombre de discussions qui ont lieu actuellement, que ce soit dans le cadre du Grenelle de l'insertion, ou encore dans celui de la mise en oeuvre de la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC.
Ces chantiers doivent s'articuler en cohérence avec les dispositions de cet accord national interprofessionnel et ses conséquences légales.
Cet impératif de cohérence et cette exigence d'équilibre, qui doivent présider à la modernisation du marché du travail, auraient pu être davantage assurés, à notre avis, dans le cadre d'une loi de programmation reprenant l'ensemble des éléments de l'accord, quitte à n'énoncer que des principes là où la négociation collective est encore nécessaire. En effet, la sécurisation des parcours professionnels ne peut pas se résumer à la seule réforme du contrat de travail.
Nous attendons donc du Gouvernement qu'il puisse, dans le cadre du débat, démontrer son attachement à ce que toutes les garanties en direction des salariés soient effectivement mises en oeuvre dans les meilleurs délais. Le groupe Nouveau Centre sera bien sûr particulièrement vigilant sur ce point.
Pour nous, la sécurisation des parcours professionnels est, par définition, le sujet susceptible d'illustrer la nécessaire réconciliation de l'entreprise et du salarié dans notre pays. Pour le Nouveau Centre, la protection du salarié et la libre activité de l'entreprise ne sont pas nécessairement opposées. Au contraire, nous sommes convaincus qu'il est nécessaire de protéger le salarié pour libérer l'emploi.
Chacun doit pouvoir y trouver son compte : l'entreprise, qui cherche la souplesse indispensable pour faire face à la concurrence à laquelle elle est confrontée, en particulier sur le marché international, et pour s'adapter ; le salarié, qui doit pouvoir évoluer dans l'entreprise, acquérir ou développer les compétences dans ce but, ou changer tout simplement d'emploi ou d'employeur. L'essentiel, pour lui, est de pouvoir progresser dans l'entreprise, et de pouvoir éviter les périodes de transition difficiles et de chômage de longue durée.
Dans une société comme la nôtre, où le sentiment d'insécurité professionnelle s'est considérablement développé ces dernières années, c'est en protégeant et en rassurant le salarié qu'il est possible de libérer l'emploi et de conforter l'entreprise. Entreprise qui assurera sa pérennité en jouant son rôle, qui est d'investir, d'innover et de commercialiser ses produits au meilleur prix, tout en créant des emplois.
En ce qui concerne le texte lui-même, nous accueillons avec satisfaction le fait que soit réaffirmée avec force la place centrale du contrat à durée indéterminée dans notre réglementation du travail. Cet aspect du texte contribue à sécuriser la situation du salarié dans l'entreprise, de la même manière que les règles applicables aux durées des périodes d'essai, qui ont été harmonisées et clarifiées.
Dans le même sens, nous pensons que la reconnaissance d'un mode de cessation de gré à gré du contrat de travail n'est jamais qu'une manière d'acter la réalité des relations de travail qui ont cours actuellement.
L'accord national interprofessionnel a strictement encadré cette rupture conventionnelle, pour laquelle les voies de recours sont désormais clairement définies.
Le projet de loi, suivant en cela l'accord interprofessionnel, facilite encore l'accès des salariés à certains droits, en réduisant significativement les conditions d'ancienneté requises pour en bénéficier. C'est notamment le cas en ce qui concerne l'accès aux indemnités légales de licenciement, désormais possibles après un an d'ancienneté au lieu de deux actuellement.
De même, nous sommes particulièrement attachés aux dispositions de l'article 3, qui ouvrent le bénéfice des indemnités conventionnelles de maladie versées par l'entreprise en complément des sommes versées par la sécurité sociale à partir d'une année d'ancienneté, au lieu de trois aujourd'hui.
Le texte tire enfin les conséquences de la non-conformité du contrat nouvelles embauches aux engagements internationaux de notre pays dans le domaine du droit du travail, en procédant à la requalification des CNE en CDI de droit commun.
Nous en sommes d'autant plus satisfaits que nous avons régulièrement estimé que le CNE, comme le CPE, était une source d'insécurité, tant pour les entreprises que pour les salariés.
En dépit de ces apports importants, quelques points soulèvent des interrogations et méritent quelques améliorations.
Ils concernent tout d'abord le texte proprement dit, pour s'étendre ensuite au sujet plus général de la modernisation du marché du travail, telle qu'elle est définie par l'accord.
Si le texte harmonise et sécurise la période d'essai, il ne définit pas celle-ci pour autant, il n'en explique pas le rôle. Nous aurions préféré, par souci de sécurité juridique aussi bien pour le salarié que pour l'employeur, que la définition de la période d'essai figure dans le texte même du projet de loi, plutôt que dans son exposé des motifs. Nous proposerons un amendement en ce sens. Cette idée a d'ailleurs été adoptée par la commission.
De même, nous nous interrogeons sur la portée de la disposition de l'article 2, qui fixe un terme, le 30 juin 2009, à l'application des accords de branche existant avant l'entrée en vigueur de la présente loi, et qui fixe des périodes d'essai plus courtes que celles définies par la loi. En effet, ce projet de loi fixe des durées maximales.
Les accords de branche existants, et qui ont défini des périodes d'essai plus courtes, dès lors qu'ils s'inscrivent dans le cadre des durées plafond instaurées par la loi, ne devraient pas être remis en cause.
Concernant le contrat à objet défini, nous aimerions disposer de plus amples informations sur l'articulation entre deux dispositions de l'article 6 qui peuvent paraître contradictoires. En effet, le premier alinéa de l'article précise que ce contrat à durée déterminée peut être conclu pour une durée minimale de 18 mois. Mais l'alinéa 7 précise, plus bas, que le contrat peut être rompu à la date anniversaire de sa conclusion, par l'une ou l'autre des parties, pour un motif réel et sérieux. Il y a là, à notre avis, une incertitude que nos débats doivent dissiper.
Par ailleurs, ce contrat doit faire l'objet d'une expérimentation. Ce n'est qu'au bout de 5 ans, que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport retraçant les résultats de cette expérimentation et se prononçant sur l'éventualité de sa pérennisation. Il nous semble important que, pendant cette période de 5 années, un suivi régulier de l'expérimentation permette au Parlement d'être tenu continuellement informé de la mise en oeuvre de cette mesure. Ce suivi pourrait être assuré par l'État et les partenaires sociaux dans le cadre d'un comité d'évaluation qui aura toute légitimité pour se prononcer clairement, au final, sur la nécessité de pérenniser ou non le dispositif. C'est ce que nous proposerons par amendement.
La rupture conventionnelle constitue un mode de cessation amiable des relations de travail, qui prend acte de la réalité de la vie en entreprise. Il est cependant essentiel que l'encadrement par l'administration du travail, la possibilité de se rétracter et l'existence de voies de recours soient des garanties effectives pour le salarié. Celui-ci ne doit pas être contraint à la démission par son employeur alors qu'il aurait souhaité une rupture conventionnelle.
Dans cette optique, nous souhaitons que l'administration du travail dispose des moyens nécessaires pour constater la réalité du consentement du salarié ou qu'elle s'assure que la rupture conventionnelle n'est pas délaissée au profit de la démission forcée,…
…bref, que cette nouvelle voie de rupture du contrat ne devienne pas unilatérale.
Enfin, nous regrettons que ce projet de loi n'aille pas plus loin dans le domaine de la portabilité de certains droits du salarié. Cette notion de transférabilité des droits est pourtant l'un des piliers fondamentaux de la sécurisation des parcours professionnels. C'est en rattachant, en effet, un certain nombre de droits sociaux à la personne plus qu'au statut du salarié, que nous pouvons imaginer inscrire l'individu dans un parcours, parcours qui peut davantage le prémunir des effets chaotiques de périodes de chômage, ou de restructurations brutales. Cette portabilité des droits est une avancée de l'accord interprofessionnel. Elle est un élément incontournable, si nous voulons que la mobilité géographique, et surtout professionnelle, soit, comme l'indique d'ailleurs le texte de l'accord interprofessionnel, une protection contre la perte d'emploi. C'est en particulier vrai pour le droit individuel à la formation. Or la portabilité des droits, notamment du DIF, est totalement absente du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui. Ce manque d'ambition risque fort de réduire la portée du dispositif.
Quelques remarques enfin sur la modernisation du marché du travail. D'abord, le travail précaire, qu'il s'agisse du travail temporaire ou du temps partiel subi, n'est abordé ni par l'accord interprofessionnel ni par le projet de loi. Or, dans ce domaine, il y a fort à faire pour sécuriser la situation des salariés concernés et réduire considérablement le caractère chaotique de bien des trajectoires professionnelles. Ainsi, la piste qui consisterait à appliquer un système de bonus-malus par lequel l'entreprise ayant recours aux contrats précaires paierait davantage de cotisations sociales que celle qui embauche en contrats stables, doit être mise à l'étude pour en apprécier la faisabilité.
Ensuite, si l'accord interprofessionnel aborde la question de l'entrée des jeunes dans la vie professionnelle, il reste muet sur le maintien des seniors dans la vie active. Il est vrai que ce sujet relève davantage de l'accord relatif à l'emploi des seniors, et nous n'ignorons pas non plus les difficultés auxquelles se heurtent les négociations sur la pénibilité. Pourtant, c'est en progressant sur cette dernière que nous avancerons aussi sur l'emploi des seniors. Bien des questions restent aujourd'hui en suspens : que deviendront les seniors éligibles à l'allocation équivalent retraite lorsque celle-ci prendra fin en 2009 ? Quel dispositif de substitution envisagez-vous ? Quel sera l'avenir du CDD seniors, qui devait faciliter leur retour à l'emploi et qui a donné lieu, nous a-t-on dit en octobre dernier, à la signature de vingt contrats seulement depuis son entrée en vigueur en août 2006 ? Ce sont là, pour notre groupe, deux sujets dont l'État et les partenaires sociaux doivent se saisir.
La sécurisation des parcours professionnels passe également par les enseignements de l'expérimentation du contrat de transition professionnelle. Ce dispositif a permis d'apporter des réponses efficaces en termes d'accompagnement, d'accès à la formation, de mobilité professionnelle et de retour à l'emploi dans les bassins d'emploi frappés par les restructurations. Il doit pouvoir trouver à s'appliquer plus largement, dans des conditions que devrait éclairer le rapport d'évaluation que doit remettre le Gouvernement.
Enfin, la réussite du modèle français de sécurisation des parcours professionnels dépend largement de l'efficacité et de la lisibilité de notre système de formation professionnelle. Si l'entreprise ne peut plus garantir un emploi à vie, elle doit faciliter l'accès de ses salariés à la formation, pour que ces derniers soient davantage acteurs de leur carrière professionnelle et puissent rebondir. Or les salariés les moins diplômés, les plus âgés, et ceux qui travaillent dans les entreprises de moins de dix salariés n'ont qu'un accès restreint à la formation professionnelle continue, alors qu'ils en ont le plus besoin. De même, les demandeurs d'emploi ont moins accès à la formation professionnelle que les salariés, et parmi eux, ce sont les moins qualifiés qui en bénéficient le moins. La multiplicité des intervenants, des organismes de formation et des financeurs introduit une grande complexité là il faudrait surtout de la lisibilité. Sur cette question, nous serons particulièrement attentifs aux résultats des travaux en cours et aux négociations à venir.
Pour conclure, le groupe Nouveau Centre salue l'accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier ainsi que le projet de loi, tout en rappelant qu'il s'agit seulement d'une première étape dans la sécurisation des parcours professionnels. C'est une étape décisive, certes, mais qui ne saurait se suffire à elle-même. C'est pour que le Gouvernement, avec les partenaires sociaux, mette toute son énergie à faire réussir les chantiers engagés par ailleurs que le Nouveau Centre votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mes chers collègues, j'insiste sur la nécessité de respecter les temps de parole.
La parole est à M. Benoist Apparu.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début de la législature, nous poursuivons tous le même objectif : atteindre le plein-emploi à l'horizon 2012 pour obtenir le sursaut de croissance dont nous avons besoin, lutter contre le drame de l'exclusion, réduire les déficits et la dette, et améliorer le pouvoir d'achat de nos compatriotes.
Or chacun sait que les rigidités de notre droit du travail constituent parfois un frein au développement de l'emploi. C'est la raison pour laquelle, comme beaucoup de parlementaires dans cet hémicycle, je me réjouis de l'accord national interprofessionnel signé par les partenaires sociaux, dont nous examinons aujourd'hui la transposition législative. Je ne reviendrai pas sur les différentes dispositions qu'il contient pour me concentrer sur des aspects de méthode.
Depuis vingt ans, j'entends dans tous les discours, je lis dans tous les programmes de tous les partis politiques, de tous les candidats à l'élection présidentielle, qu'il faut laisser plus de champ à la démocratie sociale, que les partenaires doivent se saisir des grandes questions sociales et les traiter. C'est précisément la méthode qui a été choisie. Le Président de la République et le ministre du travail ont clairement fixé le cap et les délais,…
…puis les partenaires sociaux ont pris le relais pour négocier un accord modifiant le code du travail dans sa partie législative notamment. C'est une démarche de bonne gouvernance qui permet de passer d'une logique du conflit à une culture de la négociation, du compromis et de la responsabilité.
Il revient maintenant au Parlement de transposer la partie législative de cet accord. Certains de nos collègues ont indiqué qu'ils ne se sentaient pas liés par cet accord et que le Parlement devait conserver ses droits de modifier le texte, au nom de la démocratie parlementaire. Je ne partage pas ce point de vue : nous devons respecter l'accord et le transposer sans en modifier l'esprit.
C'est avant tout une question de cohérence : on ne peut pas passer son temps à vanter les mérites de la démocratie sociale et ne pas agir en conséquence le jour venu. Nous devons montrer aux partenaires sociaux que nous respectons leur accord, sinon ils n'en signeront plus !
Ils ont su respecter le cadre fixé par le pouvoir politique, respectons donc le fruit de leurs négociations !
De plus, nous ne pouvons pas ne pas respecter une loi que nous avons adoptée en janvier 2007. Sans compter que nous devons privilégier l'efficacité. On ne peut pas réformer dans ce pays sans un minimum de concertation et de négociation. Une réforme partagée par le corps social n'en sera que plus efficace.
Enfin, je terminerai mon propos sur l'opposition supposée entre la démocratie sociale et la démocratie parlementaire, question qui dépasse très largement le cadre de cette seule loi. On peut effectivement s'interroger sur le rôle du Parlement à l'heure où les corps intermédiaires souhaitent plus que jamais participer au débat et négocier avec le Gouvernement sur presque tous les sujets. À nous, mes chers collègues, d'accepter la réforme constitutionnelle à venir, car elle renforcera nos pouvoirs et notre influence.
À nous de participer le plus en amont possible aux débats et aux négociations, afin de récupérer les pouvoirs que nous abandonnons au corps social. À nous de prendre en main les responsabilités nouvelles que l'exécutif se propose de nous confier.
Voilà pourquoi nous devons voter ce texte en l'état. Nous montrerons ainsi aux partenaires sociaux que nous respectons leur signature. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant modernisation du marché du travail est issu de l'accord national interprofessionnel du 21 janvier 2008. Il respecte le contenu de l'accord sous réserve de quelques précisions, sur lesquelles porteront nos amendements.
Dans le document d'orientation transmis le 18 juin 2007 par le Premier ministre aux partenaires sociaux, figurait au premier rang des objectifs assignés « l'instauration d'un contrat de travail qui se substitue en tout ou en partie aux formes juridiques existantes ». Le Premier ministre, au nom du Gouvernement, reprenait ainsi à son compte l'une des propositions phares de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle, à savoir l'instauration d'un contrat de travail unique.
Pour notre part, nous étions totalement opposés à cette évolution de notre droit du travail, qui aurait ouvert la voie à la précarité généralisée. L'accord interprofessionnel et le projet de loi ont fort heureusement écarté cette initiative, en affirmant clairement au contraire que le contrat de droit commun reste le contrat à durée indéterminée.
Le contrat à objet défini, également appelé « contrat de mission », est finalement devenu une catégorie particulière de contrat à durée déterminée, réservée aux ingénieurs et aux cadres, et sa mise en oeuvre est subordonnée à l'existence d'un accord collectif. Ce contrat se distingue néanmoins des contrats à durée déterminée par sa durée – entre dix-huit et trente-six mois – et par son mode de résiliation, qui peut reposer sur une cause « réelle et sérieuse », comme pour les contrats à durée indéterminée. C'est là un changement important de la législation sur les contrats à durée déterminée. Le choix du cadre restrictif du contrat, la limitation du champ d'application aux seuls ingénieurs et cadres, la nécessité d'un accord collectif et le suivi de sa mise en oeuvre par les partenaires sociaux constituent un encadrement qui rend en l'état cette initiative acceptable.
Je rappelle qu'au début des négociations, le MEDEF avait suggéré d'inscrire le contrat de mission dans le cadre du contrat à durée indéterminée, ce qui correspondait exactement aux objectifs du contrat unique et serait rapidement devenu la règle commune. Nous constatons aujourd'hui que le Gouvernement a renoncé – nous l'espérons, définitivement – à ce projet de contrat unique. Pour l'avenir, ce contrat doit rester dans ce cadre contraint, conformément à la volonté des partenaires sociaux. Nous serons extrêmement vigilants quant à toute initiative qui tenterait d'élargir par voie d'amendement, aujourd'hui ou demain, son champ d'application.
La deuxième innovation importante concerne la séparation conventionnelle pour mettre fin au contrat de travail. La présidente du MEDEF en est à l'origine et chacun se souvient de la comparaison qu'elle avait établie avec le divorce à l'amiable et de l'objectif affirmé d'écarter le contrôle du juge, même a posteriori. Heureusement, ces principes ont été abandonnés au profit d'un dispositif extrêmement encadré qui permet au salarié d'être assisté pendant la négociation, de bénéficier d'un délai de réflexion obligatoire de quinze jours et de saisir le juge prud'homal après un premier contrôle de l'administration du travail.
Le point d'équilibre majeur de ce dispositif est le maintien des droits aux allocations chômage, comme pour un licenciement. Compte tenu de son importance, cette précision mériterait de figurer dans le projet de loi. J'insiste sur ce point, car certaines voix autorisées ont évoqué en commission l'idée d'une minoration des allocations chômage en cas de rupture conventionnelle. S'il advenait, aujourd'hui ou demain, que cette rupture ne soit pas considérée comme les autres, c'est-à-dire ouvrant des droits pleins à l'allocation chômage, ce serait une véritable trahison de l'accord signé par les partenaires sociaux, mais aussi une trahison des conditions du débat parlementaire.
J'entends bien les critiques formulées à propos d'éventuelles pressions visant à aboutir à cette séparation conventionnelle. Mais pour résister, le salarié bénéficie de l'assistance, du contrôle de l'administration et du juge. Aujourd'hui, le problème, ce sont les démissions forcées contre lesquelles il n'a aucun recours.
Aujourd'hui, le salarié qui démissionne à la suite de pressions exercées à son encontre ne perçoit pas d'allocation chômage, ne dispose d'aucun droit et n'a pratiquement aucune chance – j'ai fait bien souvent l'expérience – d'obtenir satisfaction devant le conseil des prud'hommes pour démission forcée. C'est cela, la réalité de la vie des salariés dans les entreprises !
La troisième disposition importante de ce projet de loi est naturellement l'abrogation du CNE et la transformation de tous les contrats en cours en contrat à durée indéterminée. C'est l'aboutissement d'un combat dans lequel les socialistes se sont pleinement investis, aussi bien aux côtés des manifestations de protestation, que lors du travail parlementaire. L'idée d'une précarisation généralisée à travers une période d'essai de deux ans est aujourd'hui abandonnée. Nous tenons à saluer cette victoire, qui a permis de sauvegarder un élément essentiel de notre contrat de travail.
À propos de la période d'essai, les durées retenues par l'accord interprofessionnel ne méritent pas les critiques entendues, dès lors surtout que le renouvellement de la période d'essai n'est prévu qu'en présence d'un accord collectif étendu, alors que – et cela n'a pas été dit – dans le droit positif, cette possibilité est ouverte par une seule mention dans le contrat de travail, selon une jurisprudence constante, ce qui n'existera plus aux termes de la nouvelle loi.
L'alignement de l'indemnité de licenciement de droit commun sur l'indemnité de licenciement économique, c'est-à-dire son doublement, et l'ouverture de ce droit après une année d'ancienneté contre deux aujourd'hui, sont également des dispositions positives. Il subsiste d'ailleurs, monsieur le ministre, une interrogation sur l'application totale de cet alignement s'agissant de la majoration après dix ans d'ancienneté, prévue actuellement par le code du travail.
Le bénéfice de l'indemnité complémentaire maladie après un an d'ancienneté, contre trois aujourd'hui, va améliorer, chaque année, la situation de deux millions de salariés.
Certains commentateurs et aujourd'hui certains intervenants ont cru déceler dans cet accord une flexi-sécurité à la française ou un début de mise en oeuvre d'une sécurisation des parcours professionnels. La réalité est beaucoup plus modeste. Elle ne concerne qu'un début de transférabilité des droits individuels en matière de formation et de prévoyance, bien loin d'une ambitieuse réforme que nous appelons de nos voeux. Il convient néanmoins de prendre acte de l'engagement des signataires et de poursuivre les négociations sur ces points, comme sur l'indemnisation forfaitaire des demandeurs d'emploi de moins de vingt-cinq ans. À ceux qui aujourd'hui s'enthousiasment pour la sécurisation des parcours professionnels ou la flexisécurité, je voudrais rappeler que, pour disposer des moyens identiques à ceux du Danemark – pays souvent cité comme référence – pour accompagner les demandeurs d'emploi, il faudrait que les cotisations des entreprises soient multipliées par sept, pour arriver à un accompagnement, une indemnisation de longue durée. Il faut garder à l'esprit cette réalité.
Au total, cet accord et le projet de loi, pour reprendre la formule du professeur Jean-Emmanuel Ray, ne méritent ni excès d'honneurs, ni indignité. Naturellement, en présence d'un tel accord se pose la question des relations entre la démocratie sociale et la démocratie politique. Nous ne sommes pas favorables à l'idée parfois émise d'une constitution sociale qui transformerait l'Assemblée nationale en greffier des accords entre partenaires sociaux.
Le respect de ces accords est une question politique et nous sommes favorables au respect de cet accord, dès lors qu'il est majoritaire et ne touche pas à l'ordre public social. Les socialistes proposent depuis plusieurs années une représentativité des syndicats assise sur le vote des salariés et le principe de l'accord majoritaire à tous les niveaux.
Or cet accord, même en prenant en compte le vote des salariés, est largement majoritaire, puisque les seuls signataires ont obtenu ensemble plus de 60 % des voix aux dernières élections prud'homales, alors même que l'UNSA, syndicat à ce jour déclaré non représentatif, a indiqué être également favorable à l'accord. Ainsi, 65 % des voix peuvent être recensées en faveur de l'accord.
J'observe d'ailleurs que la CGT, bien que non signataire de l'accord, a suggéré lors de son audition devant le groupe socialiste, le dépôt d'amendements destinés à respecter à la lettre le texte de l'accord. Nous sommes favorables au respect de cet accord comme des autres accords majoritaires.
Le Gouvernement et l'UMP, au contraire, appliquent cette règle par intermittence. Comment, en effet, ne pas évoquer aujourd'hui l'accord signé en 2001 par toutes les organisations syndicales de salariés et l'Union professionnelle artisanale, représentant 800 000 petites entreprises ? Cet accord, qui visait au financement de l'action syndicale, n'a jamais été étendu ou transposé dans notre droit, parce que l'UMP, le MEDEF et la CGPME s'y sont toujours opposés.
Le respect des partenaires sociaux ne peut pas être à géométrie variable. C'est pourquoi, aujourd'hui, tout en respectant l'accord intervenu, nous tenons à marquer notre vigilance pour aujourd'hui et pour demain, quant aux risques de dénaturation d'un accord qui remettrait en cause le projet d'une démocratie sociale forte à laquelle les socialistes sont particulièrement attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est conformément à la loi du 31 janvier 2007 portant modernisation du dialogue social que l'accord interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail a été négocié et conclu.
Le présent projet de loi transcrit cet accord – arrêté et signé par sept des huit organisations nationales interprofessionnelles représentatives des salariés et des employeurs.
La loi du 31 janvier 2007 a établi une procédure de concertation et de négociation préalable aux réformes, qui a été, il faut le remarquer, scrupuleusement respectée et suivie.
Cela a été le « document d'orientation » adressé en juin 2007 aux partenaires sociaux par le Gouvernement. Dès le lendemain, ce fut le début de la négociation formelle qui déboucha sur l'accord interprofessionnel. Enfin, ce fut l'avant-projet de loi, toujours élaboré en concertation et soumis à la Commission nationale de la négociation collective le 11 mars 2008.
Les rencontres que nous avons pu avoir avec les partenaires sociaux ont permis de mesurer leur satisfaction d'avoir réalisé un diagnostic partagé de qualité et d'avoir, dès les premiers groupes de travail de 2006, fait le choix de se donner le temps de la précision et aussi de la confrontation, pour aboutir à ce point de la compréhension réciproque qui fonde l'accord interprofessionnel de janvier dernier.
On ne peut que se féliciter de ce résultat, d'autant qu'il porte des évolutions importantes pour notre législation du travail. Pour cette nouvelle législature, depuis la loi TEPA jusqu'au projet de loi portant modernisation de l'économie, que nous examinerons bientôt, mes chers collègues, la réforme avance dans l'un des domaines clés pour la compétitivité de notre pays, celui du travail et de l'emploi.
Vous avez dit, monsieur le ministre, et mes collègues l'ont fort justement rappelé, que les dispositions de ce projet de transposition portent de nombreuses innovations : l'instauration d'une période d'essai interprofessionnelle ; le nouveau mode de rupture du CDI dite « rupture conventionnelle » ; le nouveau contrat CDD en expérimentation pour les ingénieurs et les cadres ; la régulation du portage salarial, etc.
Mais je souhaite centrer mon propos sur le caractère profondément réformateur de ce texte.
D'abord, parce qu'il s'agit d'un texte de transposition législative et qu'il interroge le mode de travail de notre assemblée – cela a été dit et je joins ma voix à celle de mes collègues. J'ai souligné, il y a un instant, l'intérêt des rencontres avec les partenaires sociaux. Ils ont été fructueux ; ils ont permis de mesurer la qualité du travail accompli et dans une certaine mesure la fragilité du point d'accord qui a pu en résulter dans les stipulations de l'accord interprofessionnel.
On comprend bien que ce texte d'équilibre entre démocratie sociale et démocratie politique, comme on dit, doit être scrupuleusement respecté. Mais cette situation inédite implique de ne pas en rester à la démarche courtoise de l'information préalable, ni à l'ajustement pédagogique des sensibilités, mais d'envisager pour l'avenir une saisine de notre assemblée plus précoce et plus adaptée, de même qu'une procédure d'évaluation spécifique.
Le caractère profondément réformateur de ce texte tient à la confirmation progressive de nouveaux déterminants dans notre droit du travail.
Les salariés comme les chefs d'entreprise constatent dans la réalité pratique du travail que des millions de salariés changent d'emploi, sans que l'on en entende pratiquement jamais parler, alors que lorsqu'il y a un plan social, avec des conséquences lourdes pour les bassins d'emploi, même si cela ne concerne – heureusement ! – que quelques centaines de salariés, les médias sont évidemment prompts à l'évoquer.
L'enjeu, aujourd'hui, est bien de fluidifier le marché du travail dans notre pays, de faire baisser l'aversion au risque de nos compatriotes, en leur donnant des garanties nouvelles : garantie d'employabilité plus que garantie d'emploi, garantie de pouvoir travailler ou retravailler.
Le projet de loi que nous examinons fait bouger les lignes, et cela est fortement réformateur.
Avec le nouveau contrat pour la réalisation d'un objet défini – ce CDD expérimental que j'évoquais il y a un instant –, c'est le lien de subordination qui se modernise et évolue dans une acception décentrée vers l'objet du contrat et vers l'atteinte de son objectif.
Il évolue tout autant avec les dispositions de l'article 4, portant motivation obligatoire des licenciements pour motif personnel et pour motif économique. C'est aussi le sens que l'on peut donner à l'article 9 qui abroge les contrats nouvelles embauches en les requalifiant en CDI, dont on réaffirme qu'il est la forme normale de la relation de travail.
De la même manière à l'article 2, la mise en place des nouvelles durées des périodes d'essai interprofessionnelles permettent à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié et à ce dernier d'apprécier, de manière plus favorable, si les fonctions occupées lui conviennent.
L'autre caractère réformateur du texte que nous examinons réside dans la force nouvelle donnée à l'expression du contrat qui emporte plus d'équité et plus de sécurité pour les deux parties. C'est le sens que l'on peut donner à l'article 4, qui précise qu'au-delà de six mois, pour des raisons de sécurité juridique, le solde de tout compte aura un caractère libératoire.
C'est le sens également de la rupture conventionnelle, exclusive de la démission et du licenciement, qui résulte d'un commun accord entre employeur et salarié.
Mes chers collègues, en adoptant ce projet de loi portant modernisation du marché du travail, nous poursuivons une action réformatrice engagée dès la précédente législature. Elle prend ici une forme particulière, celle de la transposition d'un accord interprofessionnel. Ainsi, la réforme du dialogue social se met en oeuvre avec un enjeu stratégique pour la compétitivité de notre pays : celui de la flexisécurité, qui doit inviter nos compatriotes à la mobilité dans l'emploi et sur le marché du travail avec les garanties nécessaires à leur prise de risques.
À la veille d'une réflexion et d'un débat sur l'évolution des institutions, n'omettons pas les enjeux d'évaluation et de contrôle, si importants dans la mission du Parlement, alors même que nous nous préparons à d'autres transpositions sur des sujets tout aussi « impliquants » que la pénibilité ou l'anticipation de l'évolution de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est à un exercice inédit, à défaut d'être historique, auquel nous nous livrons aujourd'hui en transposant un accord signé par les organisations patronales et quatre confédérations syndicales de salariés.
Je consacrerai pour ma part l'essentiel de mon propos à la question particulière qui se trouve posée à l'occasion de ce projet et qui concerne les relations entre la démocratie sociale et la démocratie politique. Je dirai quelques mots rapides sur l'accord lui-même. Comme cela a été indiqué par plusieurs de mes collègues, cet accord limité comporte des avancées indéniables pour les salariés.
Il est évident que si les socialistes avaient eu à proposer un texte sur le marché du travail et sa modernisation, il eût été différent de celui qui est en discussion aujourd'hui. On peut d'ailleurs faire l'hypothèse qu'il en aurait été de même pour votre majorité. L'une des raisons qui nous ont conduits à regarder avec intérêt l'accord est précisément qu'il évite les excès annoncés pendant la campagne présidentielle, en particulier l'idée d'un contrat de travail unique.
Au-delà, il est juste de prendre acte d'avancées réelles, en particulier l'affirmation du CDI comme forme normale de la relation de travail, l'obligation de motiver les licenciements et, bien entendu, l'abrogation du CNE. Ce n'est pas rien, au regard de la critique constante que nous avons exprimée vis-à-vis de ce contrat.
L'instauration d'une rupture conventionnelle du contrat largement encadrée est intéressante, d'abord parce qu'elle fait échec à l'idée de contrat unique, ensuite parce qu'elle permet d'introduire une certaine souplesse dans la gestion des relations entre les employeurs et les salariés, qui n'est pas, contrairement à ce que disent certains, uniquement au profit des employeurs. Il faudra néanmoins être vigilant et nous le serons quant aux modalités de sa mise en oeuvre dans un contexte de tension économique.
Malheureusement, il me semble que, dans l'autre plateau de la balance de cet accord, ce qui concerne l'instauration d'une sécurisation des parcours professionnels reste extrêmement limité. La transférabilité des droits des salariés en cas de rupture du contrat reste trop faible pour que nous puissions véritablement saluer l'engagement d'une flexicurité – même si je n'aime pas ce terme – à la française. Nous le regrettons, car l'essentiel du travail qui reste à accomplir est bien de se donner les moyens de lutter contre la précarité de l'emploi en sécurisant davantage les parcours professionnels. On le sait, plus les salariés sont précaires, moins ils sont formés, plus ils sont exposés. À cet égard, ni l'accord, ni le projet de loi ne répondent à cette urgence.
Quelle place entendons-nous donner la démocratie sociale ?
La démarche est originale, puisque vous nous demandez de limiter notre droit d'amendement. Personne n'a intérêt à défendre l'idée que le Parlement serait dans son rôle en se contentant de transposer un accord. Je ne crois pas davantage que l'on puisse prendre appui sur la loi de 2007 pour considérer que l'équilibre de notre droit social pourrait passer d'un schéma dans lequel la loi est l'élément central à une autre architecture dans laquelle l'accord négocié entre les partenaires sociaux tiendrait la même place. Je ne vais pas entrer dans un débat par trop juridique, mais c'est la Constitution elle-même qui fixe les principes et les grandes orientations. Il revient à la loi de fixer les principes fondamentaux du droit social et syndical. Une simple loi, fût-elle votée à une large majorité, ne peut remettre en question cet équilibre.
De ce point de vue, nous devons procéder à une analyse au cas par cas des transpositions d'accords qui nous sont présentées. Il n'est pas possible, au nom de la force de la loi, d'écarter d'un revers de main, l'idée que l'accord entre partenaires sociaux peut introduire des normes contraignantes nouvelles et apporter une sécurité renforcée aux salariés. Et s'il est exact que la relation de subordination qui existe entre le salarié et son employeur doit être fortement encadrée, il serait excessif d'en déduire que seule la loi peut procéder à cet encadrement. À l'évidence, les organisations syndicales doivent constituer l'un des éléments clé de cet encadrement.
Pour que la démocratie sociale, que nous sommes nombreux à appeler de nos voeux, prenne toute sa force, il faut, à l'évidence, que le travail se poursuive, que la représentativité des syndicats soit mieux définie et progresse, que leurs positions puissent s'exprimer dans le cadre d'accords majoritaires.
La loi garantira toujours les principes de l'ordre social public. Au Parlement ensuite, au cas par cas, de déterminer dans le cadre de chaque accord, si ces principes sont respectés. Or qu'en est-il avec du texte que nous examinons aujourd'hui ? Nous ne pouvons contester la très large représentativité des organisations signataires et le fait qu'elles représentent une majorité de salariés. À ce stade, deux points, néanmoins, suscitent notre interrogation et justifient notre abstention, même si cette abstention doit être constructive.
Premièrement, si nous parlons de transposition, cela signifie que l'accord, rien que l'accord, mais tout l'accord doit être transposé.
À cet égard, les réserves exprimées par certains, en commission et dans le cadre du débat, sur la transposition dans la loi du droit des salariés à « bénéficier » des indemnités de licenciement lorsque leur contrat est rompu de manière conventionnelle dans les mêmes conditions que ceux qui seraient licenciés posent un problème réel. De plus, je ne suis pas convaincue par l'argument avancé par le président de la commission des affaires sociales. Si l'on peut engager le débat pour savoir si tous les salariés, quels que soient leurs revenus, doivent bénéficier des indemnités chômage dans les mêmes conditions – débat qui n'est pas posé dans ce texte –, il n'y a aucune raison de créer une catégorie à part pour les salariés qui bénéficieront de la rupture conventionnelle. On pourrait imaginer que vous introduisiez des différences d'indemnisation selon le revenu des salariés, et ces différences seraient les mêmes pour les salariés licenciés et les salariés rompant leur contrat de manière conventionnelle avec leur employeur.
Notre inquiétude se justifie d'autant plus que vous vous êtes engagés dans un durcissement du régime d'indemnisation chômage. De la même manière, il serait inacceptable pour nous que, certains sur les bancs de la majorité, tentent, à l'occasion de ce débat, de revenir sur l'abrogation du CNE.
L'accord, rien que l'accord !
Permettez-moi, monsieur le ministre, de regretter que nous ne disposions pas d'une visibilité sur les décrets de transposition.
Mais si ! les textes ont été transmis.
Vous nous avez transmis la liste et le titre des décrets que vous allez prendre, mais sans nous en donner le contenu précis.
Ma deuxième réserve concerne l'incertitude dans laquelle nous sommes quant à l'évolution des dispositions qui vont être adoptées dans le cadre de ce débat. Lorsque la loi sera votée, elle deviendra une loi comme n'importe quelle autre. À ce titre, elle pourra être modifiée par voie d'amendement. Le Gouvernement et l'actuelle majorité sont-ils prêts à s'engager à ne pas modifier cette loi, issue de la transposition d'un accord social, sans avoir engagé, au préalable, une concertation entre les organisations syndicales ? En d'autres termes, nous souhaitons avoir des garanties. Il ne serait pas acceptable pour nous que dans, quelques mois, vous reveniez sur l'abrogation du CNE, sur la définition du contrat de mission ou sur celle des catégories de salariés susceptibles d'en bénéficier, sans que les organisations soient au préalable consultées.
Monsieur le ministre, le texte que vous présentez, et qui est à peine plus le vôtre que le nôtre, comporte des avancées réelles,…
…même si elles sont, à nos yeux, insuffisantes pour enrayer le fléau de la précarité du travail. Ce texte nous engage sur la voie d'une démocratie sociale mieux reconnue, même si les incertitudes, là encore, restent fortes. L'équilibre est instable. Rien ne justifierait un vote de rejet. Rien ne provoque un vote d'adhésion. Reste alors l'abstention, faite d'interrogations et d'attentes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Discussion générale
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures trente-cinq.)
La séance est reprise.
La parole est à M. Bernard Perrut, pour cinq minutes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à travers ce projet de loi portant modernisation du droit du travail, nous vivons la première application de la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social. En tant que rapporteur de cette dernière loi, ici même, à la tribune de l'Assemblée, j'évoquais alors un texte qui avait l'humilité d'une grande « ambition » : « changer les pratiques ».
Je mesure combien aujourd'hui les procédures de concertation, de consultation, d'information, de négociation, dont nous avons débattues ici même et que nous avons décidé de mettre en place, constituent une avancée significative pour le dialogue social. Il faut en effet sortir de la logique de conflit et fonder une culture de la négociation, du compromis et de la responsabilité – tel était d'ailleurs, à l'époque, le souhait du Président de la République et du Premier ministre.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce pari sur le dialogue social est réussi. Et le débat que nous avons eu sur la démocratie sociale, sur la démocratie politique, nous l'avons encore aujourd'hui et il n'est pas inutile. D'autres pays européens nous ont ouvert la voie, et sont même allés plus loin que nous. Mais aujourd'hui, je voudrais rappeler que la norme sociale ne peut être élaborée que par le législateur et par lui seul : c'est lui qui donne la force obligatoire à ces accords. Il est donc légitime que nous nous exprimions aujourd'hui. Mais parce que les partenaires sociaux ont dialogué en faisant confiance au Gouvernement quant à ses engagements de respecter ces accords, il nous appartient, aussi, d'en respecter l'esprit et les dispositions sans les dénaturer.
Il s'agit là, mes chers collègues, d'une évolution importante. Nous espérons que, demain, d'autres accords seront négociés sur l'assurance chômage et la formation professionnelle. Les bases de l'accord sur la représentativité des organisations syndicales sont déjà un nouveau signe.
Je retiendrai trois points forts dans ce texte qui nous est proposé.
Tout d'abord, il apporte des garanties supplémentaires aux salariés.
En effet, l'article 1er évoque « le contrat de travail à durée indéterminée [comme] la forme normale de la relation de travail », mais aussi la prépondérance du CDI sur les autres types de contrat, ce qui entraîne l'abrogation des dispositions sur le contrat nouvelles embauches, dans le respect de la convention de l'OIT. À cet égard, monsieur le ministre, chers collègues, les entreprises, nous le savons, peuvent s'interroger.
Tout à fait !
Elles nous ont fait confiance, à un moment donné, pour embaucher, et j'espère que nous leur apporterons les réponses qu'elles attendent, pour leur permettre de continuer à travailler en confiance avec nous et avec vous, monsieur le ministre.
Autres garanties nouvelles apportées aux salariés : ce projet de loi introduit dans le code du travail une durée maximale de la période d'essai qui varie selon la catégorie à laquelle appartient le salarié ; il pose le principe selon lequel tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; et il inclut la durée des stages de fin d'études dans la période d'essai.
Deuxième point fort : ce texte offre des règles plus simples et mieux adaptées.
Il crée un nouveau mode de rupture conventionnelle du CDI : la rupture d'un commun accord entre l'employeur et le salarié, c'est-à-dire une séparation à l'amiable pour mettre un terme au contrat qui les liait. Cette disposition importante permettra de mettre fin à une certaine forme d'hypocrisie qui camouflait, parfois et depuis longtemps, des ruptures négociées ou même des démissions.
Troisième point fort : ce texte offre de nouvelles perspectives de flexibilité. L'essence du projet de loi est donc bien la flexisécurité, permettant aux salariés de bénéficier de garanties supplémentaires et à l'entreprise de pouvoir élargir son champ d'action en fonction de ses besoins. La flexisécurité est une démarche globale qui associe souplesse et sécurisation – je mesure d'ailleurs combien, malgré la diminution du chômage, règne chez nos concitoyens salariés un sentiment d'insécurité persistant.
Beaucoup de nos concitoyens sont convaincus que s'ils perdaient leur emploi, leur chance d'en retrouver un serait faible. Dans le même temps, nous le savons, le code du travail est particulièrement exigeant pour les employeurs. Le concept de flexisécurité, promu au plan européen, veut donc concilier la flexibilité accrue et la sécurité, ainsi que les besoins des salariés et ceux des entreprises. Tel est l'esprit de ce texte.
En conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, l'accord qui nous est proposé répond aux préoccupations de souplesse des employeurs, mais aussi à celles des salariés. Il apporte des garanties, des droits et une sécurité juridique aux uns et aux autres. Le texte sera bien évidemment complété par un arrêté d'extension et des décrets, et nous souhaitons, monsieur le ministre, que la représentation nationale y soit associée, tout du moins qu'elle en soit informée.
Notre objectif est surtout de voir nos concitoyens trouver, à travers l'application de ce texte, les transitions sûres entre les emplois qu'ils peuvent occuper, une mobilité ascensionnelle et une mobilité entre les situations de chômage, d'inactivité et d'activité. Mais si nous avons tous à l'esprit la perspective du plein-emploi, qui doit être notre priorité, ces mesures ne suffiront pas à l'atteindre : vu les perspectives économiques, la situation nationale, le contexte international et les capacités de nos entreprises, petites ou grandes, tous les moyens que nous mettrons en oeuvre pour soutenir ces dernières, pour alléger les contraintes, pour soutenir l'innovation sont également indispensables. C'est la raison pour laquelle si je considère ce texte essentiel, n'oublions cependant jamais la place de l'entreprise et la motivation de ceux qui créent l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet que nous examinons aujourd'hui a un seul objectif : transposer dans la loi l'accord signé le 11 janvier dernier par trois organisations professionnelles et quatre organisations syndicales. Un projet dans lequel la ténacité du Gouvernement, notamment de Xavier Bertrand, a joué tout son rôle.
Sur le fond, cet accord est un bon accord.
C'est un accord de justice sociale…
Il renforce les droits des salariés dans certains domaines prioritaires, comme l'indemnisation conventionnelle de la maladie. Avec l'article 3, la condition d'ancienneté est ramenée de trois ans à un an : c'est une vraie réponse aux difficultés que peuvent rencontrer certains salariés placés dans des contrats courts, une vraie sécurité supplémentaire.
C'est aussi un accord de modernité : il ouvre la voie à une relation de confiance et de responsabilité entre le salarié et l'employeur en mettant en place la rupture conventionnelle. La séparation est toujours un moment difficile pour les deux parties : faire confiance à la liberté de chacun est le meilleur moyen de progresser vers des relations sociales apaisées.
C'est enfin un accord d'efficacité : il répond aux exigences économiques de cycles de production plus courts et plus aléatoires en créant le contrat d'objectif. Nous connaissons tous dans nos circonscriptions, en Haute-Normandie comme ailleurs, des entreprises qui ont perdu des commandes faute de pouvoir embaucher pour une mission précise, faute de souplesse et de réactivité. Le contrat d'objectif permettra de remédier à cette difficulté.
Mais c'est évidemment sur la forme que cet accord est le plus novateur.
Cela a été dit, il est la première application de la loi de janvier 2007 sur le dialogue social, voulue par Jacques Chirac et Dominique de Villepin et élaborée par Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher : cette loi marque un tournant dans l'histoire des relations sociales de notre pays.
Un tournant parce que, désormais, la négociation entre les partenaires sociaux n'est plus une simple faculté, mais un préalable nécessaire. Dans notre pays qui s'est épuisé dans tant de conflits sociaux, par manque de dialogue, par absence de négociations, la porte est ouverte à un règlement concerté des problèmes majeurs soulevés par l'évolution du marché du travail. Je pense en particulier au temps partiel subi, au problème du maintien des droits à formation lors des divers changements d'emploi, à tout ce qui remet en cause la stabilité du salarié dans l'emploi. La porte est ouverte à un changement constructif et dépassionné sur tous ces sujets.
Un tournant aussi, parce que, désormais, le contrat précède la loi. C'est une manière utile, nécessaire de recentrer le débat législatif sur l'essentiel et de laisser au contrat le soin de régler les difficultés qui sont de son ressort. Notre débat y gagnera en clarté. Il y gagnera aussi en efficacité.
Cependant, un texte de cette ampleur appelle de nouvelles règles du jeu. J'en discerne au moins trois.
La première est le renforcement de la représentativité syndicale. Plus les partenaires sociaux se voient reconnaître de responsabilités, plus leur légitimité doit être forte. De ce point de vue, je me félicite des premières conclusions des négociations en cours : mais il faudra aller plus loin, en reconnaissant à l'élection dans les entreprises toute la place qui doit être la sienne.
La deuxième règle serait de développer très en amont les relations entre les partenaires sociaux et la représentation nationale. On ne peut pas demander aux parlementaires d'entériner des accords sans les associer aux travaux de réflexion et de négociation.
À cet égard, je me félicite du premier échange qui a eu lieu à l'initiative de Jean-François Copé entre le groupe UMP et les signataires de l'accord de janvier.
La troisième règle est simple : c'est le respect des règles. Si les partenaires sociaux trouvent un accord, les parlementaires doivent, à mon sens, le respecter, dans la lettre comme dans l'esprit, en dépit de leurs réserves sur certains points. Vous savez par exemple, monsieur le ministre, que l'article 9 sur la requalification d'office du CNE en CDI constitue une difficulté pour certains d'entre nous, en raison des engagements pris à l'égard des petites entreprises.
À l'inverse, si aucun accord n'est trouvé dans les délais impartis, ce sera à nous, parlementaires, et à vous, monsieur le ministre, de faire des propositions et d'avancer dans la réforme nécessaire. Il est notamment indispensable de mieux définir et encadrer le licenciement collectif, d'améliorer encore notre système de formation pour qu'il profite à tous, de rendre plus efficace le système d'indemnisation du chômage.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, l'histoire a parfois des ruses surprenantes. Je le reconnais, c'est un conflit social majeur qui aura permis de redéfinir les relations sociales dans notre pays et d'accélérer un nécessaire mouvement de modernisation.
Nous savons désormais que la réforme concertée, négociée, équilibrée, est possible. Nous savons qu'un meilleur partage des responsabilités entre les partenaires sociaux et le Parlement est à portée de main. À nous, dans les prochains mois, de saisir cette occasion dans l'intérêt de nos entreprises et de tous les salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'accord sur la modernisation du travail, signé le 21 janvier par les organisations patronales et par quatre confédérations syndicales de salariés, est loin de répondre à la totalité des défis et des risques sociaux que rencontrent les salariés en matière d'emploi, de précarité et de chômage. Mais, s'inscrivant dans une logique novatrice, il enclenche une dynamique nouvelle dont nous espérons qu'elle se poursuivra. Le projet de loi est plutôt fidèle à l'accord et certains articles nous semblent positifs.
En premier lieu, le contrat à durée indéterminé est clairement réaffirmé comme forme normale de la relation de travail. Le CNE est enfin abrogé, comme nous vous le demandions depuis sa création en 2005. Il nous semblait déjà incompatible avec la convention 158 de l'Organisation internationale du travail que notre pays avait ratifiée. Le conseil d'administration de l'OIT nous a donné raison, en jugeant qu'une période d'essai de deux ans n'était pas raisonnable.
Exit le contrat unique voulu par le chef de l'État.
On peut se féliciter que les partenaires sociaux se soient un peu affranchis du cadre étroit et des contraintes excessives dans lequel le Gouvernement et l'Élysée avaient tenté de les placer.
L'abaissement de trois années à une année de la condition d'ancienneté nécessaire pour bénéficier de l'indemnisation conventionnelle de la maladie va sans aucun doute permettre une amélioration pour de nombreux salariés.
Certaines mesures de l'accord déclinées dans l'article 4 nous conviennent, car elles visent à encadrer et à sécuriser les ruptures du contrat de travail, d'une part, en réinstaurant l'obligation de motiver tout licenciement par la justification d'une « cause réelle et sérieuse », et, d'autre part, en abaissant la durée d'ancienneté dans l'entreprise pour prétendre aux indemnités de licenciement de deux ans à une année.
Cependant, monsieur le ministre, lors de la présentation de ce projet de loi, vous avez souvent employé le mot de « flexicurité » que je n'apprécie guère. Il ne faudrait pas que, in fine, la flexibilité soit votée et la sécurité des salariés oubliée. Pourquoi donc avoir forgé ce mot ?
Nous espérons la parution rapide des décrets dans le respect total de l'accord national interprofessionnel. Vous vous étiez engagé, monsieur le ministre, à informer les parlementaires de leur contenu, mais, à ce jour, cela n'a toujours pas été fait. Cela concerne pourtant des questions essentielles, comme la conciliation prud'homale, le délai de carence en cas d'indemnisation maladie et la période de consultation du comité d'entreprise sur l'exécution du plan de formation.
En ce qui concerne le projet de décret sur le montant de l'indemnité de licenciement, il semble que sont apparues des difficultés de nature à modifier l'accord, et nous le regrettons. Des négociations interprofessionnelles ou de branche, ultérieures, doivent avoir lieu. Nous n'en connaissons bien sûr pas le résultat, mais il est souhaitable que l'esprit et le sens de l'accord y soient respectés : l'accord, rien que l'accord, comme les signataires l'ont souhaité.
Cela concerne de nombreuses mesures que je considère primordiales. Par exemple, à l'issue d'une rupture conventionnelle, les salariés doivent pouvoir bénéficier des allocations d'assurance chômage à partir du moment ou la rupture a été homologuée. De même, les points importants de l'article 14 de l'accord, concernant l'accès à la portabilité de certains droits, sont renvoyés à la négociation. En l'occurrence, je préfère appeler cela la transférabilité des droits : je pense à la complémentarité santé ou prévoyance souscrite dans l'entreprise d'origine, le droit individuel à la formation et tout ce qui va dans le sens de la sécurisation des parcours professionnels. En termes de sémantique et de projet, j'ai le regret de constater que nous sommes passés de la « transférabilité » à la « portabilité ». Ce sont pourtant les points les plus novateurs de l'accord, comme toutes les dispositions concernant l'emploi des jeunes, telles que la création d'une prime forfaitaire versée par l'UNEDIC pour les demandeurs d'emploi de moins de vingt-cinq ans qui n'ont pas accès au régime de l'assurance chômage.
Mais, de fait, l'accord reste modeste et limité, par exemple en ce qui concerne les dispositifs permettant aux salariés les plus fragiles, ceux des PME, d'obtenir les mêmes droits que dans les grandes entreprises…
Qu'est-ce que cela veut dire ? Les salariés des PME ne sont pas plus fragiles que ceux des grandes entreprises !
…en termes de formation plus qualifiante, et dans l'idée de gagner en compétences, ou d'évoluer par des processus qui servent également l'efficacité de l'entreprise. En mettant en place des règles d'abord utiles aux salariés les moins qualifiés, cet accord contribuerait à rétablir un peu d'égalité républicaine. Ce faisant, il favoriserait une élévation de la compétence globale des salariés, propice à la compétitivité de notre économie.
Sans doute, cet accord ne pouvait pas tout traiter, mais il reste à résoudre la question essentielle des salariés à temps partiel – qui est souvent subi par les femmes – et celle de l'employabilité des seniors, qui reste le grand problème de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en modifiant divers articles du code du travail, cet accord pose les premières pierres d'une flexicurité à la française. Si, bien sûr, il convient de faire toute sa place à la concertation et à la négociation collective des partenaires sociaux, et s'il faut respecter l'architecture globale du texte, c'est tout de même aux députés et aux sénateurs d'écrire la loi : cela a été dit plusieurs fois, mais il n'est pas mauvais de le rappeler.
Ce texte manque quelque peu de sécurité juridique. Ainsi, avec les dispositions de l'article 2 relatives à la période d'essai, des conflits risquent d'apparaître entre les nouvelles dispositions législatives et les dispositions conventionnelles, lorsqu'il faudra déterminer lesquelles doivent être appliquées au salarié selon le principe de ce qui lui est le plus favorable. Une telle situation risque de s'avérer incontrôlable pour les entreprises en matière de gestion des emplois.
Les risques juridiques sont plus importants pour le dossier de la rupture conventionnelle à l'article 5. Cette possibilité de séparation à l'amiable est une très bonne mesure, que chefs d'entreprise et salariés attendaient depuis longtemps, mais le texte ne comporte aucune mention de l'ouverture du droit à l'indemnisation chômage pour les salariés qui opteront pour ce mode de rupture. Rien ne garantit que l'article 2 du règlement de l'UNEDIC sera modifié en conséquence pour prévoir explicitement ce mode de rupture. Il s'agit là d'un point extrêmement important. Sans cela, ce mode de rupture n'aura aucun succès.
Le contrat à durée déterminée pour la réalisation d'un objet défini constitue un autre motif d'inquiétude. L'article 6 prévoit « à titre expérimental pendant une période de cinq ans », qu'un « contrat de travail à durée déterminée dont l'échéance est la réalisation d'un objet défini, d'une durée minimale de dix-huit mois et maximale de trente-six mois, peut être conclu pour le recrutement d'ingénieurs et de cadres ». Mais, s'il s'agit d'un CDD, pourquoi peut-il « être rompu à la date anniversaire de sa conclusion par l'une ou l'autre partie pour un motif réel et sérieux » ? De deux choses l'une : soit la période d'essai n'a pas été concluante, soit les objectifs ont été atteints. Dans le second cas, le contrat s'est donc arrêté à la date anniversaire. Mais évoquer, dans un même article, la « cause réelle et sérieuse » et la « date anniversaire » introduit une confusion. S'il y a une « cause réelle et sérieuse » pour mettre un terme au contrat, est-il nécessaire d'attendre la « date anniversaire » ? A priori, la cause réelle et sérieuse devrait entraîner un licenciement immédiat. Pourquoi attendre la date anniversaire ? Du reste, qu'entend-on par « date anniversaire » ? Est-ce douze ou dix-huit mois ?
Je l'ignore, mais je ne doute pas que le ministre nous éclaire.
De même, l'accord collectif prévoit que ce contrat ouvre des droits de priorité de réembauchage. Or le code du travail n'autorise le réembauchage qu'en cas de licenciement économique et crée des contraintes pour le chef d'entreprise, qui, pendant un an, ne doit réembaucher que les cadres ayant subi un licenciement économique. Le projet de loi offre-t-il une bonne rédaction ? Les syndicats y sont très attentifs. S'il s'agit d'un CDD, comme indiqué dans le texte, il faudrait parler de nouvelle embauche, et non de réembauchage. Sinon, les prud'hommes ne manqueraient pas de qualifier la période précédente de succession de périodes d'essai d'une durée totale de trente-six mois.
Cela nous rappelle l'expérience du contrat nouvelles embauches, qui a déjà été évoquée à plusieurs reprises. L'ANI prévoit d'abroger la loi que nous avons votée en transformant les CNE en CDI.
Est-ce aux syndicats de renier la parole de l'État ? Est-ce à eux de décider de la requalification de ce contrat ? Je rappellerai simplement à M. le ministre que 30 000 CNE ont été signés depuis le 1er janvier.
Non, 29 000 ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je les ai comptés personnellement ! (Sourires.)
C'est ici la parole de l'État qui est remise en cause, et cela entraîne incontestablement une incertitude juridique.
Au total, 662 000 CNE ont été signés. Cet excellent contrat a permis la création de 60 000 à 180 000 emplois nouveaux.
Les chefs d'entreprise se poseront des questions, se demanderont s'ils n'ont pas eu tort de faire confiance à l'État. Mais, dans cette affaire, l'État lui-même n'a-t-il pas été abusé ?
Les chefs d'entreprise pourraient se retourner contre lui, qui pourrait à son tour se retourner contre le Conseil d'État,…
…qui, oubliant sans doute l'état du droit, avait donné un avis favorable au texte sur le CNE.
Ne faudrait-il pas laisser les CNE vivre leur vie et les prud'hommes faire leur travail, et ne pas partir du principe que toute séparation se fait dans la douleur ? Certains CNE peuvent arriver jusqu'à leur terme sans être requalifiés en CDI. Ce serait une bonne mesure, qui ferait confiance aux chefs d'entreprise et à ceux qui ont signé les contrats. Il me semble qu'un amendement à l'article 9 pourrait permettre cela.
Monsieur le ministre, nous avons d'autres sujets d'inquiétude, que j'évoquerai plus tard, notamment le portage salarial.
Vous l'avez compris : nous voterons avec enthousiasme cet excellent texte, quand il aura reçu quelques modifications. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à entendre le Gouvernement, la commission et la plupart des collègues qui se sont exprimés, le Parlement est invité – pour ne pas dire sommé – à transposer sans modifications notables l'accord intervenu le 11 janvier dernier avec la signature des partenaires sociaux, et cela sous couvert de donner toute sa place à la démocratie sociale.
Une telle abdication de la représentation nationale, qui reviendrait à faire en sorte que les représentants des salariés et des employeurs deviennent les auteurs de la loi, créerait un précédent fâcheux, appelé à se renouveler compte tenu du nombre de négociations en cours ou à venir. En remettant en cause le partage des tâches entre l'État et les partenaires sociaux, cette abdication porterait gravement atteinte à la philosophie et aux fondements mêmes du droit du travail.
Le droit du travail, je le rappelle, repose sur la reconnaissance de l'inégalité de la relation entre l'employeur et le salarié, celui-ci étant soumis à un lien de subordination juridique permanente, et sur la nécessité de conférer à la partie la plus faible, c'est-à-dire aux salariés, des droits pour rééquilibrer la relation. Le droit du travail fixe également une hiérarchie des normes, entre le contrat individuel, l'accord collectif et la loi.
En acceptant que la loi soit faite par les représentants des salariés et des employeurs, nous porterions atteinte à cette architecture. L'ordre public social, qui est un des fondements du droit du travail et qui encadre le contrat de travail, est là pour garantir le minimum social, à travers les prescriptions minimales forgées par la loi, en partant de l'adage bien connu qui veut qu'entre le puissant et le faible, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit.
Je sais bien que depuis deux décennies maintenant, plusieurs atteintes ont été portées à l'ordre public social et au principe de faveur, qui en constitue le pivot essentiel. Toujours est-il que cette règle me semble absolument indispensable.
Si le Parlement renonçait à exercer les prérogatives que lui donne l'article 34 de la Constitution en matière de droit du travail, il franchirait, je crois, une étape tout à fait nouvelle, qui n'est absolument pas induite par la loi du 31 janvier 2007. En effet, si celle-ci prévoit un processus de concertation préalable avec les partenaires sociaux, en aucun cas elle ne demande au Parlement de renoncer à ses prérogatives, la loi étant, dans le droit du travail, faite pour protéger le salarié.
Laisser aux représentants des employeurs et des salariés le soin d'élaborer la loi revient à permettre aux employeurs d'influer sur les règles qui sont censées protéger les salariés. Plus on donnera à l'employeur le pouvoir de peser, moins les limites qui seront mises à sa liberté seront réelles.
Nous sommes là devant une évolution tout à fait considérable. En effet, le droit du travail, conçu à l'origine pour protéger le salarié, aurait désormais pour fonction assumée la sécurité des employeurs.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oh !
C'est une évolution que nous ne pouvons évidemment pas accepter, d'autant que, sur le fond, le texte qui nous est proposé n'est pas acceptable sur bien des points.
Non seulement il n'apporte pas de réponses aux graves problèmes qui sont posés au marché du travail aujourd'hui – je veux parler du fort taux de chômage des jeunes ou des seniors, du sous-emploi et de la précarité –, mais, en plus, il introduit dans le droit du travail davantage de précarité, avec la rupture conventionnelle, l'allongement des périodes d'essai, le contrat de travail à objet défini, c'est-à-dire davantage de flexibilité.
Et nous avons bien compris dans le débat qu'au nom de la flexibilité, c'est la rupture du contrat de travail que l'on cherchait à faciliter. Nous avons là en quelque sorte une justification idéologique : vous voudriez nous faire croire que le fait de faciliter la rupture du contrat devrait faciliter l'entrée sur le marché du travail, l'embauche, mais nous savons qu'il n'en est rien. Ce texte introduit une grande flexibilité tout en apportant très peu de sécurité.
Pour terminer, monsieur le président, je reprendrai volontiers à mon compte la formule utilisée par le professeur Emmanuel Dockès, professeur à l'université de Lyon, pour caractériser le texte que nous examinons aujourd'hui, c'est un texte « donnant-donnant-donnant-donnant », c'est-à-dire un texte dans lequel les salariés sont appelés à beaucoup donner, sans recevoir de réelles compensations en retour.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi portant modernisation du marché du travail.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma