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Intervention de Marie-Anne Montchamp

Réunion du 15 avril 2008 à 15h00
Modernisation du marché du travail — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Anne Montchamp :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est conformément à la loi du 31 janvier 2007 portant modernisation du dialogue social que l'accord interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail a été négocié et conclu.

Le présent projet de loi transcrit cet accord – arrêté et signé par sept des huit organisations nationales interprofessionnelles représentatives des salariés et des employeurs.

La loi du 31 janvier 2007 a établi une procédure de concertation et de négociation préalable aux réformes, qui a été, il faut le remarquer, scrupuleusement respectée et suivie.

Cela a été le « document d'orientation » adressé en juin 2007 aux partenaires sociaux par le Gouvernement. Dès le lendemain, ce fut le début de la négociation formelle qui déboucha sur l'accord interprofessionnel. Enfin, ce fut l'avant-projet de loi, toujours élaboré en concertation et soumis à la Commission nationale de la négociation collective le 11 mars 2008.

Les rencontres que nous avons pu avoir avec les partenaires sociaux ont permis de mesurer leur satisfaction d'avoir réalisé un diagnostic partagé de qualité et d'avoir, dès les premiers groupes de travail de 2006, fait le choix de se donner le temps de la précision et aussi de la confrontation, pour aboutir à ce point de la compréhension réciproque qui fonde l'accord interprofessionnel de janvier dernier.

On ne peut que se féliciter de ce résultat, d'autant qu'il porte des évolutions importantes pour notre législation du travail. Pour cette nouvelle législature, depuis la loi TEPA jusqu'au projet de loi portant modernisation de l'économie, que nous examinerons bientôt, mes chers collègues, la réforme avance dans l'un des domaines clés pour la compétitivité de notre pays, celui du travail et de l'emploi.

Vous avez dit, monsieur le ministre, et mes collègues l'ont fort justement rappelé, que les dispositions de ce projet de transposition portent de nombreuses innovations : l'instauration d'une période d'essai interprofessionnelle ; le nouveau mode de rupture du CDI dite « rupture conventionnelle » ; le nouveau contrat CDD en expérimentation pour les ingénieurs et les cadres ; la régulation du portage salarial, etc.

Mais je souhaite centrer mon propos sur le caractère profondément réformateur de ce texte.

D'abord, parce qu'il s'agit d'un texte de transposition législative et qu'il interroge le mode de travail de notre assemblée – cela a été dit et je joins ma voix à celle de mes collègues. J'ai souligné, il y a un instant, l'intérêt des rencontres avec les partenaires sociaux. Ils ont été fructueux ; ils ont permis de mesurer la qualité du travail accompli et dans une certaine mesure la fragilité du point d'accord qui a pu en résulter dans les stipulations de l'accord interprofessionnel.

On comprend bien que ce texte d'équilibre entre démocratie sociale et démocratie politique, comme on dit, doit être scrupuleusement respecté. Mais cette situation inédite implique de ne pas en rester à la démarche courtoise de l'information préalable, ni à l'ajustement pédagogique des sensibilités, mais d'envisager pour l'avenir une saisine de notre assemblée plus précoce et plus adaptée, de même qu'une procédure d'évaluation spécifique.

Le caractère profondément réformateur de ce texte tient à la confirmation progressive de nouveaux déterminants dans notre droit du travail.

Les salariés comme les chefs d'entreprise constatent dans la réalité pratique du travail que des millions de salariés changent d'emploi, sans que l'on en entende pratiquement jamais parler, alors que lorsqu'il y a un plan social, avec des conséquences lourdes pour les bassins d'emploi, même si cela ne concerne – heureusement ! – que quelques centaines de salariés, les médias sont évidemment prompts à l'évoquer.

L'enjeu, aujourd'hui, est bien de fluidifier le marché du travail dans notre pays, de faire baisser l'aversion au risque de nos compatriotes, en leur donnant des garanties nouvelles : garantie d'employabilité plus que garantie d'emploi, garantie de pouvoir travailler ou retravailler.

Le projet de loi que nous examinons fait bouger les lignes, et cela est fortement réformateur.

Avec le nouveau contrat pour la réalisation d'un objet défini – ce CDD expérimental que j'évoquais il y a un instant –, c'est le lien de subordination qui se modernise et évolue dans une acception décentrée vers l'objet du contrat et vers l'atteinte de son objectif.

Il évolue tout autant avec les dispositions de l'article 4, portant motivation obligatoire des licenciements pour motif personnel et pour motif économique. C'est aussi le sens que l'on peut donner à l'article 9 qui abroge les contrats nouvelles embauches en les requalifiant en CDI, dont on réaffirme qu'il est la forme normale de la relation de travail.

De la même manière à l'article 2, la mise en place des nouvelles durées des périodes d'essai interprofessionnelles permettent à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié et à ce dernier d'apprécier, de manière plus favorable, si les fonctions occupées lui conviennent.

L'autre caractère réformateur du texte que nous examinons réside dans la force nouvelle donnée à l'expression du contrat qui emporte plus d'équité et plus de sécurité pour les deux parties. C'est le sens que l'on peut donner à l'article 4, qui précise qu'au-delà de six mois, pour des raisons de sécurité juridique, le solde de tout compte aura un caractère libératoire.

C'est le sens également de la rupture conventionnelle, exclusive de la démission et du licenciement, qui résulte d'un commun accord entre employeur et salarié.

Mes chers collègues, en adoptant ce projet de loi portant modernisation du marché du travail, nous poursuivons une action réformatrice engagée dès la précédente législature. Elle prend ici une forme particulière, celle de la transposition d'un accord interprofessionnel. Ainsi, la réforme du dialogue social se met en oeuvre avec un enjeu stratégique pour la compétitivité de notre pays : celui de la flexisécurité, qui doit inviter nos compatriotes à la mobilité dans l'emploi et sur le marché du travail avec les garanties nécessaires à leur prise de risques.

À la veille d'une réflexion et d'un débat sur l'évolution des institutions, n'omettons pas les enjeux d'évaluation et de contrôle, si importants dans la mission du Parlement, alors même que nous nous préparons à d'autres transpositions sur des sujets tout aussi « impliquants » que la pénibilité ou l'anticipation de l'évolution de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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