Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Martine Billard

Réunion du 15 avril 2008 à 15h00
Modernisation du marché du travail — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

De la même manière, la formation, c'est un peu l'Arlésienne : on passe son temps à dire qu'elle n'est pas orientée vers ceux qui en ont le plus besoin et ne permet pas, justement, d'occuper un certain nombre de postes de travail parce qu'il y a inadéquation entre le profil des demandeurs d'emploi et les offres proposées, mais aucune modification n'est apportée pour offrir des formations plus longues que ce qui existe compte tenu des durées d'indemnisation courtes de certains chômeurs.

En ce qui concerne le texte lui-même, vous prenez acte, à l'article 9, de l'obsolescence du CNE en prévoyant son abrogation – ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

L'article 1er du projet de loi affirme, quant à lui, que le contrat de travail à durée indéterminée est « la forme normale de la relation du travail ». La reprise de l'accord est ici incomplète puisqu'il s'agissait, à l'origine, de la « forme normale et générale ». La formule retenue consiste donc en une fausse avancée puisque c'était de fait le cas, par défaut, dans le code du travail. De plus, introduire cette affirmation pour ensuite prévoir un contrat précaire supplémentaire avec le contrat à objet défini relève d'une certaine perversion.

L'article 2 procède, pour sa part, à la codification législative de la période d'essai qui jusqu'ici relevait uniquement des conventions collectives de branche. Sont passées par là les batailles contre le CPE et le CNE qui prévoyaient des périodes de deux ans à l'essai, sans obligation pour l'employeur de motiver le licenciement. Cette codification législative revient à introduire de force un allongement d'un mois des durées d'essai et des renouvellements pour toutes les catégories. Nous y reviendrons car la manière dont on a transposé ce dispositif pose problème, avec notamment cette incongruité selon laquelle il nous est expliqué qu'une durée maximale des périodes d'essai est prévue mais qu'il ne peut exister d'accords prévoyant des périodes d'essai inférieures. Or, jusqu'à présent, la notion du maximum induisait qu'une fourchette était possible entre plancher et plafond. On comprend donc trop bien que la formulation retenue est mensongère.

Pour ce qui est de l'article 3, il transpose une petite avancée prévoyant que, dorénavant, c'est après un an d'ancienneté et non plus après trois ans qu'un salarié en arrêt maladie aura droit à l'indemnité conventionnelle complémentaire de celle de l'assurance maladie. Toutefois, comme c'est déjà le cas dans la majorité des accords de branche, la seule avancée que comporte cet article est donc très relative puisqu'elle ne concernera que quelques branches.

L'accord prévoyait aussi que toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise étaient prises en compte pour le calcul de l'ancienneté. Cette mesure paraît fondamentale à une époque où, malheureusement, l'entrée au sein de l'entreprise s'effectue souvent par l'intermédiaire de CDD. Comme vous créez un nouveau CDD qui est le contrat à objet défini, cela signifie qu'avec l'abandon de ce qui figurait dans l'accord et le refus en commission de le reprendre dans le projet de loi, nous discutons d'un texte plus restrictif par rapport à l'accord : de fait, l'entreprise aura davantage de possibilités pour contourner les périodes d'essai.

L'article 4 réécrit les articles du code du travail relatifs aux licenciements en alignant le régime des licenciements pour motif personnel et le régime des licenciements pour motif économique. Conformément à l'accord, le texte prévoit la réduction de la durée de présence dans l'entreprise de deux ans à un an pour avoir droit aux indemnités de licenciement. Cependant, sous prétexte de rationalisation des dispositifs, le texte plafonne les indemnités de licenciement pour les salariés ayant plus de dix ans d'ancienneté. Ainsi, une avancée d'un côté est compensée par un recul de l'autre.

Cet article prévoit aussi la réduction du délai de dénonciation du solde de tout compte. Or la réduction de ce délai à six mois va provoquer de nombreuses difficultés alors qu'en cas de licenciement économique, un salarié a le droit, pendant l'année qui suit, de postuler à tout emploi recréé au sein de l'entreprise. Un problème de compatibilité va donc se poser entre ces deux durées.

L'article 5 introduit, lui, la « rupture conventionnelle ». Ce dispositif qui vise à instaurer une troisième voie entre le licenciement et la démission se fonde sur la supposée relation d'égalité entre l'employeur et l'employé. C'est nier la spécificité de la relation de travail qui justifie précisément l'existence d'un code du travail distinct du code civil. Là encore, il s'agit d'une revanche du patronat à la suite des échecs du CPE et du CNE, puisque la « rupture conventionnelle » introduit une possibilité de licenciement sans motif.

On peut admettre, en effet, certaines situations où le salarié aspire à quitter une entreprise qui elle-même souhaite le départ du salarié. On pourrait donc imaginer un accord garantissant les droits des salariés. Seulement, l'employeur libre est plus libre que le salarié libre. Il aurait donc fallu assortir cette possibilité de nombreuses garanties. Ce n'est pas le cas et, de fait, le projet est déséquilibré au bénéfice de l'employeur.

Enfin, M. Poisson l'a rappelé et nous en avons beaucoup parlé en commission, le texte n'apporte aucune précision sur l'indemnisation en cas de rupture conventionnelle. Je l'ai dit dans mon explication de vote sur la motion de procédure : un réel problème se pose ici puisqu'il peut exister des ruptures conventionnelles signées avant la conclusion de la modification de l'accord UNEDIC. Les parlementaires commettraient donc vis-à-vis des salariés un mensonge involontaire, si vous permettez ce mot un peu fort. Autrement dit, on aura fait croire aux salariés qu'ils peuvent dès maintenant négocier des ruptures conventionnelles alors que nous savons pertinemment qu'ils ne disposent pour l'instant d'aucune garantie.

Sur ce point fondamental, nous devons vraiment obtenir des précisions. Il faudrait ainsi qu'au moins un des amendements proposés par la commission soit accepté par le Gouvernement afin que nous ne devenions pas responsables d'une situation catastrophique.

Au-delà, un autre élément déséquilibre ce dispositif. À aucun moment il n'est tenu compte du climat plus ou moins défavorable à la signature d'un contrat « à l'amiable » de rupture de la relation de travail. Or, dans une entreprise où sont avérés ou portés devant la justice des cas de discriminations, de harcèlement sexuel ou moral, d'inégalité de traitement entre femmes et hommes ou d'entrave à l'exercice d'un mandat collectif de salarié, croyez-vous que le climat soit propice à la négociation « libre et non faussée » d'une rupture conventionnelle, en tête à tête ? Des protections supplémentaires restent de toute évidence à prévoir en la matière afin d'éviter que cette « séparabilité » faussement négociée ne soit en définitive que le stade ultime de la pratique du harcèlement contre les salariés comme méthode de management. Malheureusement, c'est une réalité, et nous sommes obligés d'en tenir compte.

Or, à l'occasion de la récente transposition des directives européennes contre les discriminations, vous avez refusé de reprendre les notions de discrimination et de harcèlement dans l'environnement de travail qui font référence à un climat dans l'entreprise. Vous avez seulement repris la référence à des actes de harcèlement. On ne peut donc qu'être inquiet quant aux effets de la juxtaposition de ces deux textes.

Enfin, il est préoccupant que le projet de loi ne reprenne pas la disposition contenue dans le texte de l'accord sur le droit à l'allocation chômage.

Le projet de loi crée un CDD à « objet défini », d'une durée pouvant aller de dix-huit mois à trois ans. La question reste posée de la rupture à la date anniversaire, qui, de fait, vient contredire la durée minimale du CDD ainsi défini. C'est un contrat précaire de plus. Il faut quand même savoir que nous en sommes aujourd'hui à trente-sept contrats de travail. Entre le contrat unique, qui posait beaucoup de problèmes, et trente-sept contrats, il était peut-être possible de trouver un moyen terme, au lieu de créer ce contrat supplémentaire.

Celui-ci répond à une vieille demande du patronat de la branche des bureaux d'étude. L'idée était contenue dans le rapport de Virville, ainsi que dans les « quarante-quatre mesures » du MEDEF publiées en 2004. On voit que cela vient de loin. C'est une demande récurrente des SSII de l'informatique, qui ne veulent plus payer leurs salariés en inter-contrat.

Le CDD à objet défini est donc un vrai cheval de Troie contre le CDI.

Et j'en viens à ma conclusion, monsieur le président.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion