Enfin, nous regrettons que ce projet de loi n'aille pas plus loin dans le domaine de la portabilité de certains droits du salarié. Cette notion de transférabilité des droits est pourtant l'un des piliers fondamentaux de la sécurisation des parcours professionnels. C'est en rattachant, en effet, un certain nombre de droits sociaux à la personne plus qu'au statut du salarié, que nous pouvons imaginer inscrire l'individu dans un parcours, parcours qui peut davantage le prémunir des effets chaotiques de périodes de chômage, ou de restructurations brutales. Cette portabilité des droits est une avancée de l'accord interprofessionnel. Elle est un élément incontournable, si nous voulons que la mobilité géographique, et surtout professionnelle, soit, comme l'indique d'ailleurs le texte de l'accord interprofessionnel, une protection contre la perte d'emploi. C'est en particulier vrai pour le droit individuel à la formation. Or la portabilité des droits, notamment du DIF, est totalement absente du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui. Ce manque d'ambition risque fort de réduire la portée du dispositif.
Quelques remarques enfin sur la modernisation du marché du travail. D'abord, le travail précaire, qu'il s'agisse du travail temporaire ou du temps partiel subi, n'est abordé ni par l'accord interprofessionnel ni par le projet de loi. Or, dans ce domaine, il y a fort à faire pour sécuriser la situation des salariés concernés et réduire considérablement le caractère chaotique de bien des trajectoires professionnelles. Ainsi, la piste qui consisterait à appliquer un système de bonus-malus par lequel l'entreprise ayant recours aux contrats précaires paierait davantage de cotisations sociales que celle qui embauche en contrats stables, doit être mise à l'étude pour en apprécier la faisabilité.
Ensuite, si l'accord interprofessionnel aborde la question de l'entrée des jeunes dans la vie professionnelle, il reste muet sur le maintien des seniors dans la vie active. Il est vrai que ce sujet relève davantage de l'accord relatif à l'emploi des seniors, et nous n'ignorons pas non plus les difficultés auxquelles se heurtent les négociations sur la pénibilité. Pourtant, c'est en progressant sur cette dernière que nous avancerons aussi sur l'emploi des seniors. Bien des questions restent aujourd'hui en suspens : que deviendront les seniors éligibles à l'allocation équivalent retraite lorsque celle-ci prendra fin en 2009 ? Quel dispositif de substitution envisagez-vous ? Quel sera l'avenir du CDD seniors, qui devait faciliter leur retour à l'emploi et qui a donné lieu, nous a-t-on dit en octobre dernier, à la signature de vingt contrats seulement depuis son entrée en vigueur en août 2006 ? Ce sont là, pour notre groupe, deux sujets dont l'État et les partenaires sociaux doivent se saisir.
La sécurisation des parcours professionnels passe également par les enseignements de l'expérimentation du contrat de transition professionnelle. Ce dispositif a permis d'apporter des réponses efficaces en termes d'accompagnement, d'accès à la formation, de mobilité professionnelle et de retour à l'emploi dans les bassins d'emploi frappés par les restructurations. Il doit pouvoir trouver à s'appliquer plus largement, dans des conditions que devrait éclairer le rapport d'évaluation que doit remettre le Gouvernement.
Enfin, la réussite du modèle français de sécurisation des parcours professionnels dépend largement de l'efficacité et de la lisibilité de notre système de formation professionnelle. Si l'entreprise ne peut plus garantir un emploi à vie, elle doit faciliter l'accès de ses salariés à la formation, pour que ces derniers soient davantage acteurs de leur carrière professionnelle et puissent rebondir. Or les salariés les moins diplômés, les plus âgés, et ceux qui travaillent dans les entreprises de moins de dix salariés n'ont qu'un accès restreint à la formation professionnelle continue, alors qu'ils en ont le plus besoin. De même, les demandeurs d'emploi ont moins accès à la formation professionnelle que les salariés, et parmi eux, ce sont les moins qualifiés qui en bénéficient le moins. La multiplicité des intervenants, des organismes de formation et des financeurs introduit une grande complexité là il faudrait surtout de la lisibilité. Sur cette question, nous serons particulièrement attentifs aux résultats des travaux en cours et aux négociations à venir.
Pour conclure, le groupe Nouveau Centre salue l'accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier ainsi que le projet de loi, tout en rappelant qu'il s'agit seulement d'une première étape dans la sécurisation des parcours professionnels. C'est une étape décisive, certes, mais qui ne saurait se suffire à elle-même. C'est pour que le Gouvernement, avec les partenaires sociaux, mette toute son énergie à faire réussir les chantiers engagés par ailleurs que le Nouveau Centre votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)