La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, la France entière a pu constater hier le grand intérêt que votre ministre de l'intérieur, M. Guéant, portait aux primaires socialistes. Nous découvrons maintenant qu'il s'intéresse au service civique. Ne devriez-vous pas lui demander de s'intéresser plutôt à la sécurité des Français ?
Car la délinquance explose, notamment les violences aux personnes.
Vous martelez des statistiques, mais les Français n'y croient plus ! Nos concitoyens n'ont que faire d'entendre que les statistiques montent ou baissent. Ils réclament en revanche des policiers et des gendarmes en nombre suffisant, là où ils vivent, prêts à répondre à leurs appels au secours. Or vous avez supprimé 10 000 postes depuis 2004. Nous les rétablirons en 2012. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
On découvre que vous comptez remplacer les policiers expérimentés et bien formés par des jeunes volontaires du service civique. Dans sa circulaire du 8 juin 2011, M. Guéant demande aux préfets et à la hiérarchie de la police et de la gendarmerie d'intégrer des volontaires du service civique aux forces de sécurité publique. Or c'est en infraction totale – et vous le savez – avec la loi du 10 mars 2010 sur le service civique, votée à la quasi-unanimité de cet hémicycle. Ce faisant, vous pervertissez une idée noble : l'engagement citoyen, qui rassemble la nation.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous donner l'instruction à votre ministre de l'intérieur de retirer cette circulaire et de mettre un terme à la politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux dans les forces de police et de gendarmerie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur le député, il est assez cocasse de s'entendre donner des leçons sur l'efficacité d'une politique de sécurité quand on connaît le bilan qui est le vôtre ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
S'agissant des violences aux personnes, je vous rappelle que, sous le dernier gouvernement socialiste ayant dirigé la France, elles étaient en augmentation de 12 % par an. Aujourd'hui, vous nous reprochez 2 ou 2,5 % par an.
Quant à votre programme, quel est-il ? C'est le retour de la police de proximité. Traduction : 17 % d'augmentation de la délinquance et de la criminalité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Les policiers et les gendarmes de France seront sans doute heureux, d'ailleurs, comme tous ceux qui sont épris de sécurité, d'entendre dire que la sécurité n'est pas une mission noble de notre société. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
S'agissant du service civique, il serait temps de cesser de mentir et de travestir la réalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) J'ai effectivement proposé que nous expérimentions l'utilisation de volontaires du service civique pour un certain nombre de missions : missions d'accueil et d'orientation des victimes, missions d'appui aux établissements scolaires pour sensibiliser les élèves aux questions de sécurité, de violence, de toxicomanie…
Toxicomanie sur laquelle vous êtes tellement permissifs que nous en avons encore parlé récemment, nombre d'entre vous proposant la dépénalisation du cannabis, c'est-à-dire l'accès plus facile, plus libre à une drogue qui est dure ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Plusieurs députés du groupe SRC. C'est scandaleux !
La parole est à M. Jean-Marc Roubaud, pour le groupe de l'Union pour un mouvement. Populaire.
Ma question s'adresse à M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le ministre, l'agriculture est un enjeu majeur au niveau mondial car il faudra, à l'horizon 2050, nourrir neuf milliards d'individus. Aujourd'hui, 1,3 milliard de personnes travaillent dans l'agriculture, qui représente 10 % du commerce mondial.
Il y a deux problèmes majeurs.
Le premier, c'est l'insuffisance de la production. Si nous ne faisons rien, nous aurons affaire à des émeutes de la faim comme on en a connu déjà en Haïti, au Sénégal, plus récemment au Mozambique ou encore dans les pays du Maghreb.
Le second, c'est la volatilité des prix en matière agricole. Il est indispensable que nous fassions quelque chose car si nous en connaissons les causes que sont bien sûr les aléas climatiques et les catastrophes naturelles, il y a aussi la spéculation et la financiarisation des marchés de matières premières. Or celles-ci conduisent à des coûts élevés pour les consommateurs et à des prix bas pour les producteurs, et c'est insupportable.
Il faut donc assurer la transparence et l'encadrement de ces marchés de même que la gestion des crises agricoles. C'est indispensable et, pour ces raisons, le Président de la République a inscrit, dans le cadre de la présidence française du G20, la volatilité des prix des matières agricoles comme un sujet prioritaire, ce qui a été accepté par nos partenaires.
Vous réunissez aujourd'hui et demain, à Paris, les ministres de l'agriculture des pays du G20 pour une feuille de route ambitieuse. Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser quelles sont les discussions engagées et quelles sont leurs perspectives, particulièrement importantes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Monsieur Jean-Marc Roubaud, tout le monde a conscience, sur tous les bancs de cette assemblée et au-delà, que l'agriculture est un des enjeux stratégiques majeurs du XXIe siècle, et ce pour une raison simple : nous ne savons pas comment nourrir, ni aujourd'hui ni pour demain, l'ensemble de la planète. Les paysans, comme les consommateurs et les pays les plus fragiles de la planète, sont confrontés à la volatilité excessive des prix agricoles mondiaux, et des millions de personnes sont encore confrontées, à travers le monde, au problème de la faim. Un prix du blé qui passe de 200 euros à 250 euros la tonne en quelques semaines, un prix du maïs qui passe de 180 euros à 230 euros la tonne en quelques semaines, c'est inacceptable pour les paysans, c'est inacceptable pour les consommateurs, c'est inacceptable pour les pays les plus fragiles de la planète.
Nous pouvons tous être fiers qu'à l'initiative du Président de la République, Paris soit, pendant deux jours, la capitale de l'agriculture mondiale, et qu'à son initiative, la France ait placé la question agricole et celle de l'alimentation au coeur des enjeux du G20.
Nous négocions depuis un an sur un plan d'action très concret, qui repose sur cinq points : plus d'investissement dans l'agriculture des pays en développement qui souffrent de la faim ; plus de coopération entre les États membres du G20 ; plus de transparence pour connaître exactement les stocks et la production alimentaire mondiale ; plus de protection pour éviter les effets de la spéculation sur les pays les plus fragiles ; plus de régulation sur les marchés financiers car nous ne pouvons pas accepter que certains acteurs financiers spéculent sur l'alimentation et donc sur la faim dans le monde.
Oui, certes, la négociation est difficile, je l'ai déjà dit. Oui, elle sera compliquée jusqu'au bout parce qu'il est compliqué d'harmoniser les intérêts, sur des sujets aussi stratégiques, des vingt États les plus puissants de la planète. Mais je l'affirme très clairement devant toute la représentation nationale : soit nous parvenons à un accord substantiel sur l'ensemble des cinq points, comme le souhaite le Président de la République, et nous aurons ouvert la voie vers la renégociation et l'investissement dans l'agriculture mondiale pour demain ; soit nous n'aurons pas d'accord sur les cinq points. Mais nous ne nous contenterons pas de demi-mesures car nous voulons un vrai plan pour l'agriculture mondiale de demain. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, notre commission d'enquête sur l'industrie ferroviaire, animée par mes collèguesAlain Bocquet, son président, etYanick Paternotte, son rapporteur, vient d'achever ses travaux. Ses conclusions, unanimement partagées par les membres de la commission, reposent sur la conviction forte que cette industrie, aujourd'hui à la croisée des chemins, peut avoir un bel avenir de par son histoire, ses avancées technologiques, le talent des hommes et des femmes qui la font vivre. À la condition toutefois, et c'est une impérieuse nécessité, de mieux organiser et de mieux structurer la filière, tant au niveau national qu'européen, pour être à même d'affronter la compétition mondiale.
Tel est le sens des recommandations de la commission. Elle formule des propositions pragmatiques qui, pour certaines, relèvent de l'urgence : urgence à ce que la SNCF, l'opérateur historique, et ses filiales clarifient leur stratégie et leur politique d'investissements ; urgence, alors que l'évolution actuelle du fret contredit les orientations du Grenelle de l'environnement, à lancer un programme de construction de wagons et à mettre en place des solutions de préfinancement pour sauvegarder le savoir-faire que maîtrisent les entreprises ABRF, Lohr Industrie et, à Douai, AFR Titagarh.
C'est pourquoi, monsieur le Premier ministre, je vous demande de nous indiquer de quelle manière le Gouvernement entend se saisir de ces différentes recommandations pour répondre à l'urgence de la situation, pour créer les synergies, comme le demandent l'ensemble des salariés du ferroviaire, entre sous-traitants, équipementiers et donneurs d'ordre, synergies absolument indispensables pour assurer la pérennité des emplois et des entreprises, et pour que l'Europe, largement passive à la concurrence, définisse enfin une stratégie commune. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Monsieur Marc Dolez, je voudrais d'abord saluer le travail de la commission d'enquête, présidée par Alain Bocquet, avec pour rapporteurYanick Paternotte. Éric Besson et moi-même étudions actuellement avec la plus grande attention les vingt-cinq propositions qui en sont issues.
La plus emblématique de ces propositions, c'est sans aucun doute la création d'un Airbus du rail. Il faut dire qu'en pleine période de Salon du Bourget, à l'heure où la réussite d'Airbus est très visible, cette question s'impose : il s'agirait de rapprocher Alstom, Siemens et d'autres industriels européens. Il est vrai que l'industrie ferroviaire ne s'est pas jusqu'à maintenant distinguée par sa coopération au niveau européen. Il y a des raisons : nos voisins allemands, par exemple, ont pris des positions en Asie qui leur offrent des perspectives différentes des nôtres. Mais votre rapport a le grand mérite de rappeler que l'univers ferroviaire est exposé au grand vent de la mondialisation. La Chine, Le Japon et la Corée sont probablement aujourd'hui la meilleure incitation à un rapprochement franco-allemand dans cette industrie.
Aussi, nous proposons, à la suite de votre rapport, une coopération franco-allemande renforcée comme première étape, avec la définition d'un projet industriel et stratégique entre nos deux pays, projet qui aurait vocation à s'élargir, avec sans aucun doute une harmonisation réglementaire et technique à la clef.
Et puis ce ne serait pas faire justice au travail de la commission d'enquête que de s'en tenir à cette seule proposition. Il est aussi question de valoriser le comité stratégique de filière issu des états généraux de l'industrie, d'améliorer la formation des personnels en la démultipliant, de travailler mieux sur la protection de notre propriété intellectuelle. C'est une boîte à outils que votre rapport, et le Gouvernement saura l'utiliser. Je lancerai, dès le mois de septembre, les assises du ferroviaire, au premier rang desquelles il y aura la question de notre stratégie industrielle de filières.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé,
Monsieur le ministre, depuis plusieurs mois, le groupe Nouveau Centre interpelle le Gouvernement sur les écarts grandissants de salaires dans notre pays ainsi que sur les conditions de fixation de certaines rémunérations qui échappent à toute transparence.
Pas un jour ne passe sans qu'un bonus, un golden parachute ou un salaire record ne fasse les gros titres. Pas un jour ne passe sans que le sentiment d'incompréhension et d'injustice de nos concitoyens grandisse, au moment où on leur demande toujours plus d'efforts.
Comment comprendre, en effet, que certains patrons puissent gagner plus de 200 fois le SMIC en une seule année ? Comment le comprendre alors que certaines multinationales font trop souvent rimer hyperrémunérations et délocalisations ?
Les richesses créées par tous ne doivent pas être confisquées par quelques-uns. Le discrédit jeté sur l'ensemble des patrons de PME et de TPE par les dérives d'une minorité n'est plus tolérable.
Alors que la mise en place d'un code de bonne conduite censé encadrer les parachutes dorés, les stocks-options et les retraites chapeau des patrons s'est soldée par un échec cinglant, il nous appartient de légiférer.
La solution ne peut pas venir d'un plafonnement des salaires dans le seul secteur public, comme le proposent nos collègues socialistes, ni d'une initiative solitaire qui isolerait la France du reste de l'Europe et du monde.
Le groupe Nouveau Centre propose deux mesures concrètes et justes qui doivent être portées au niveau européen pour être véritablement efficaces : tout d'abord que la rémunération des dirigeants d'entreprises soit délibérée par l'assemblée générale des actionnaires et non plus par le seul conseil d'administration des sociétés ; ensuite, que les revenus exceptionnels ne bénéficient plus d'une fiscalité avantageuse mais soient imposés au régime de droit commun.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Fort bien !
Monsieur le ministre, quelle réponse le Gouvernement entend-il apporter pour mettre un terme à ces rémunérations indécentes ? Compte-t-il prendre une initiative en ce sens au niveau européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Monsieur le député, mettre un terme à cette dérive qui semble sans fin de certaines rémunérations exceptionnelles ou extravagantes – je vous laisse le choix du qualificatif – est pour certains une question de bon sens. Pour moi, c'est une question de justice. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Si nous voulons que le pacte social dans l'entreprise ait un contenu et que chacun y adhère, nous ne pouvons pas avoir des discussions sur les salaires qui peuvent être difficiles et, dans le même temps, accepter plus facilement de voir flamber les rémunérations de quelques-uns.
Des rémunérations de trois, quatre ou cinq millions d'euros par an semblent difficilement compréhensibles, même en période de sortie de crise.
Le Gouvernement a imposé qu'un code AFEP-MEDEF soit rédigé en 2008.
Un code signé, c'est bien ; un code appliqué, c'est mieux.
Même si nous savons qu'en matière de stocks-options, parachutes dorés et bonus, beaucoup de choses ont changé, nous ne pouvons pas permettre que quelques-uns donnent une image qui rejaillit sur l'ensemble des patrons. En effet, nombre de patrons de PME et de TPE ne se reconnaissent pas dans le comportement de certains. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.) Et cela n'a rien à voir avec un capitalisme familial ou entrepreneurial auquel nous croyons.
Comme François Baroin l'a indiqué, un groupe de travail avec les parlementaires va se mettre en place avant la fin du mois de juin (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR) pour que des décisions nouvelles soient prises à l'automne, dans le cadre du rendez-vous budgétaire.
Plutôt que les revenus eux-mêmes, ce sont les entreprises qu'il faut taxer. Soit les entreprises financières seront taxées, soit à partir d'un certain niveau de rémunération, l'entreprise ne pourra pas déduire les sommes de son bénéfice. Ce n'est pas à la collectivité de financer des rémunérations exceptionnelles comme celles-ci.
C'est l'une des pistes que nous envisageons et je dois dire que je la préfère de beaucoup aux gadgets proposés par le parti socialiste (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC) qui ne concernent que six ou sept chefs d'entreprise.
Voilà une mesure de justice qui peut incarner cette valeur à laquelle nous croyons : la valeur travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Hervé Féron, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement semble avoir comme principale préoccupation les primaires des socialistes. Je trouve qu'il ferait mieux de s'occuper des vrais problèmes des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), comme celui que je vais soumettre à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, je vous présente l'addition : 8 700 emplois supprimés dans l'éducation nationale en 2007, plus 11 200 en 2008, plus 13 500 en 2009, plus 16 000 en 2010, plus 16 000 en 2011. Total : 65 400 emplois supprimés dans l'éducation nationale !
Plusieurs députés du groupe SRC. Quelle honte !
À la rentrée prochaine, 1 500 classes seront fermées dans le primaire, alors que 4 900 élèves de plus y sont attendus. En dix années de gestion de la droite, plus de 1 500 communes dans notre pays ont vu fermer la dernière classe de leur dernière école, sans compter les quartiers dans les villes qui se meurent peu à peu de ces fermetures de classes.
Tous les indicateurs sont dans le rouge, monsieur le ministre. La France est nettement en dessous de la moyenne de l'OCDE car son taux d'encadrement est un des plus faibles. Alors que 20 % des élèves sont en difficulté en CM2, vous supprimez progressivement les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté.
Avec les deux milliards d'euros de cadeaux fiscaux renouvelés chaque année, que vous venez de faire aux plus riches, on aurait pu maintenir les 66 000 postes déjà supprimés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous êtes en train de sacrifier une génération d'élèves sur l'autel des restrictions budgétaires. Et ce moratoire bien tardif pour 2012 promis par le fossoyeur de l'école publique en personne, Nicolas Sarkozy, n'est que démagogie électoraliste. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Personne n'y croit. Les enseignants, les parents d'élèves, les élus sont en colère.
Monsieur le ministre, vous n'avez plus beaucoup de temps. Redonnez les moyens à l'école de la République pour qu'elle puisse former des citoyens libres et éclairés et pour qu'ainsi aucun ministre n'en vienne plus à confondre le chanteur Renaud avec un grand constructeur automobile français ou Zadig de Voltaire avec une marque de prêt-à-porter. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
Monsieur le député Féron, vous feignez l'indignation et la surprise, mais vous avez oublié les propos du candidat Nicolas Sarkozy qui, en 2007, a assumé devant les Français l'idée de ne pas remplacer la moitié des fonctionnaires partant en retraite. Vous semblez surpris qu'une majorité tienne ses engagements. Nous les tenons…
Nous assumons le non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. D'abord parce que la France a créé un million de fonctionnaires supplémentaires depuis 1990 pour quel résultat, quelle efficacité ?
Monsieur le député, vous oubliez de dire qu'à la prochaine rentrée, il y aura 34 000 professeurs de plus qu'en 1989-1990 (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), alors qu'il y a 500 000 élèves de moins dans le système éducatif.
Ce qui nous intéresse, ce sont les résultats, l'efficacité, la capacité de notre système éducatif à différencier les moyens comme toutes les grandes études le préconisent.
Relisez le rapport 2009 de la Cour des comptes. Selon ses auteurs, l'éducation nationale a moins besoin de moyens supplémentaires que de capacités à différencier, à personnaliser, à faire plus pour les élèves qui ont davantage de besoins.
C'est la politique que nous menons depuis la maternelle jusqu'à la terminale en mettant en place de l'aide personnalisée et du soutien scolaire dès le plus jeune âge pour remédier aux difficultés de lecture…
…et en créant par exemple des internats d'excellence pour les élèves issus de milieux défavorisés.
Monsieur le député, la vérité est que, depuis dix ans, vous n'avez pas une nouvelle idée sur l'école. Vous êtes enfermés dans votre dogmatisme sur les moyens. De grâce, monsieur Féron, ouvrez les yeux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Fossoyeur !
La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'intérieur, comme nous le voyons avec l'organisation de leurs primaires, («Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), le parti socialiste est en train de se faire une spécialité du fichage politique. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Et nous sommes sur quelque chose de construit. Cela s'appuie sur des méthodes bien expérimentées. Eneffet, aux dernières élections municipales, un maire socialiste a envoyé à ses militants, qu'il appelle ses chers camarades, une lettre dans laquelle il leur adressait, « afin », disait-il « de se structurer au niveau de chacun des bureaux de vote », un questionnaire dans lequel il leur demandait, entre autres, « d'identifier les nouveaux habitants, les nouveaux logements, la présence de relais connus, la liste des opposants notoires à la municipalité, leur situation de famille et leur catégorie sociale ». (Huées sur les bancs du groupe UMP.)
Ces méthodes de fichage politique correspondent donc bien aux pratiques des élus socialistes. Le courrier dont je viens de vous lire des extraits date de fin 2007 et est signé par le maire de Nantes, M. Jean-Marc Ayrault. (Huées sur les bancs du groupe UMP.) Monsieur Hollande, ne quittez pas l'hémicycle ! Restez avec nous !
En France, le secret du scrutin est reconnu par la Constitution.Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, ce que préconise votre administration afin de nous assurer de la destruction des listes d'émargement dès la fin du premier tour des primaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur Christian Jacob, je le répète, au regard des dispositions combinées du code électoral et du code des collectivités territoriales, l'organisation des primaires prévues en octobre par le parti socialiste apparaît conforme à la loi. Elle est régulière aussi, selon la décision prise par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, le 12 mai, en ce qui concerne l'utilisation de trois fichiers : la liste électorale, la liste des lieux de vote et la liste des personnes qui acceptent d'être recontactées.
Cela étant rappelé, je souligne que la CNIL ne s'est prononcée que sur ces trois points. Contrairement à ce que vient de déclarer un responsable important du parti socialiste, elle n'a absolument pas validé l'ensemble de la procédure, dont elle n'était pas saisie.
Le problème qui existe, qui est sérieux et qui mérite donc d'être examiné avec sérieux et gravité, est que la liste d'émargement va faire apparaître les noms de ceux qui apportent leur adhésion au parti socialiste – ils signeront même une charte – et, par différence, les noms de ceux qui, ne participant pas aux primaires, ne sont pas des sympathisants du parti socialiste. Les listes d'émargement vont donc faire apparaître des listes nominatives des opinions des 45 millions de Français inscrits sur les listes électorales.
Je remercie M. Vidalies d'avoir bien voulu reconnaître, hier, qu'il y avait un problème. Il a suggéré que le parti socialiste fasse des propositions pour éviter tout risque. Il appartient effectivement à celui-ci d'en faire.
Pour ma part, puisque vous me le demandez, monsieur Jacob, j'en vois deux.
La première est que la destruction des listes d'émargement soit immédiate, c'est-à-dire intervienne dès la clôture du scrutin. À cet égard, je suis inquiet des déclarations du numéro deux du parti socialiste qui, ce matin même, disait que ce serait fait dans les huit jours.
La seconde proposition, c'est que les opérations de vote soient faites sous le contrôle d'un huissier, afin qu'il n'y ait pas de copies, et que la destruction soit aussi faite sous le contrôle d'un huissier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe de la gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, hier, se tenait une euromanifestation en soutien aux millions de personnes qui, sur notre continent, sont confrontées à des mesures d'austérité brutales mises en oeuvre par les gouvernements néolibéraux, la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international, sous le diktat des marchés financiers et des agences de notation.
Malgré cela, cette nuit, le premier ministre grec, Georges Papandréou, a obtenu la confiance du Parlement pour l'adoption d'un scandaleux plan de rigueur et de privatisations, condition imposée par l'Union européenne !
Une fois encore, le peuple grec, sacrifié sur l'autel de la dette et des banques, devra payer le prix fort pour une dette qui ne lui appartient pas.
Cette injustice se répète aujourd'hui en Irlande, au Portugal et en Espagne, alors qu'hier encore vous encensiez leurs politiques économiques. Qui d'autre demain ? Las de ces mensonges, les peuples européens ne cessent de venir grossir les rangs des indignés.
Dès demain, lors du prochain sommet européen, le gouvernement français et ses complices s'apprêtent à prendre une décision scandaleuse en confirmant le nom du futur gouverneur de la Banque centrale européenne déjà validé par notre ministre des finances, à savoir M. Mario Draghi, qui a été vice-président et directeur général de Goldman Sachs International entre 2002 et 2005, alors que Goldman Sachs est la banque qui a conseillé la Grèce dans l'utilisation de produits dérivés pour masquer ses déficits budgétaires, ce que les Grecs payent aujourd'hui le prix fort ! Cette opération a été juteuse pour la banque puisqu'elle lui a rapporté pas moins de 300 millions de dollars. Ce contrat a été renégocié en 2004, pendant le mandat de votre candidat, M. Mario Draghi !
Comment le gouvernement français ose-t-il proposer que la BCE soit dirigée par un homme de la Goldman Sachs, à moins que cette décision ne s'inscrive dans un tout cohérent, c'est-à-dire dans une Europe au service des marchés financiers et tournant le dos à une Europe sociale et juste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.
Je remercie, tout d'abord, M. Roland Muzeau pour l'intérêt qu'il porte à la Banque centrale européenne et à l'euro, alors que lui-même et son parti ont systématiquement voté contre l'euro et la BCE.
Comme le Président de la République l'a indiqué à Berlin, lors de la conférence de presse qu'il a tenue avec Mme Merkel, la France soutient la candidature de M. Draghi pour assurer la succession de M. Trichet à la tête de la Banque centrale européenne.
La BCE a joué un rôle fondamental dans la gestion de la crise depuis un an et demi que notre monnaie est attaquée. En mai 2010, il y a tout juste un an, elle a fait preuve de beaucoup d'innovation et de courage, en acceptant le financement d'achats de titres de façon considérable pour aider et accompagner le mécanisme de soutien, que vous-mêmes avez voté. J'ai fait allusion, ici même, hier au plan de soutien à la Grèce, de 110 milliards d'euros, et au plan de soutien à l'euro, avec l'appoint du Fonds monétaire international.
La désignation de M. Draghi pour la succession de Jean-Claude Trichet sera proposée demain aux chefs d'État et de gouvernement, sur proposition du Conseil Ecofin qui a proposé à l'unanimité sa nomination le 16 mai dernier. M. Draghi a été également auditionné en détail par le Parlement européen, y compris sur ses activités professionnelles, et approuvé par celui-ci.
La candidature de M. Draghi réunit donc aujourd'hui un vaste consensus.
J'ajoute qu'une règle non écrite veut que, parmi les six membres du directoire de la BCE, les six grands pays soient représentés. À partir du moment où M. Draghi sera désigné comme patron de la BCE, la France pourra donc prétendre avoir un directeur au sein de la BCE.
La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, les récents rebondissements de la crise grecque placent une nouvelle fois l'Europe devant ses responsabilités.
Grâce à la force d'impulsion et de conviction du Président de la République, en accord avec la Chancelière, le couple franco-allemand a réussi à dégager les voies d'une solution durable, reposant sur trois piliers. Le premier est la solidarité européenne vis-à-vis de la Grèce. Nous devons affirmer notre volonté absolue de défendre l'euro. Cela impose le déblocage conditionnel des tranches des prêts décidés en mai 2010 et surtout de définir rapidement un nouveau plan de soutien. Le second pilier est l'indispensable effort de la Grèce, pour réduire ses déficits et sa dette et engager les réformes nécessaires : à cet égard, le vote de confiance intervenu au Parlement grec hier est de bon augure. Le troisième pilier, nouveau, est la participation, justifiée, du secteur privé sous la forme d'une reconduction volontaire des dettes arrivant à échéance.
Dans la perspective du Conseil européen de demain, puis de l'Eurogroupe le 3 juillet, pouvez-vous préciser quelles positions la France compte défendre s'agissant de ces trois piliers : montants de prêts supplémentaires, efforts demandés à la Grèce, intervention des créanciers privés ?
Nous vivons une crise grave. Le groupe UMP est convaincu que, pour la surmonter, il faudra toujours davantage d'unité et de volonté. L'enjeu de la défense de l'euro et de l'Europe est capital. Nous sommes fiers, monsieur le Premier ministre, du rôle moteur que, une fois de plus, joue la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président de la commission des affaires européennes, depuis le début de la crise des dettes souveraines, l'Europe a montré, malgré toutes les difficultés qui sont inhérentes à sa structure et au nombre de ses membres, une grande capacité de réactivité, d'adaptation, et nous avons pu faire preuve de solidarité. Nous avons trouvé des solutions à la crise portugaise, à la crise irlandaise.
Nous avons mis en place de nouveaux instruments de solidarité financière. Nous avons fait des pas, sans doute insuffisants, mais qui constituent une avancée très importante dans le sens d'une plus grande discipline budgétaire des États membres de la zone euro et surtout dans le sens de la mise en place d'un véritable gouvernement économique de cette zone.
Je vous le dis : nous serons solidaires de la Grèce. Nous l'avons déjà été une première fois en apportant notre concours, et je voudrais remercier le Parlement français qui, dans une très grande unanimité, a soutenu…
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Non, non !
J'ai dit « très grande », cela veut dire qu'elle n'est pas totale.
J'essayais de vous faire passer pour des gens généreux, mais j'ai échoué, et je ne recommencerai pas. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous sommes donc décidés à faire de nouveau preuve de solidarité avec la Grèce, à condition que ce pays poursuive ses efforts de redressement et tienne tous les engagements qu'il a pris devant la communauté internationale.
De ce point de vue, le vote, hier soir, du Parlement grec, qui a approuvé de nouvelles mesures de consolidation budgétaire et un ambitieux programme de privatisation, va permettre de lever, au début du mois de juillet, les obstacles qui subsistaient au versement d'une nouvelle tranche d'aides venant des pays européens et du Fonds monétaire international.
En étant solidaires de la Grèce, nous défendons notre monnaie et la stabilité des institutions financières. Je veux le dire très solennellement : ce n'est pas au moment où l'on constate une véritable reprise économique en Europe et dans le monde que nous pourrions prendre le risque de créer, par nos décisions, une nouvelle crise financière. Tel est, en tout cas, le sens de l'accord qui est intervenu cette semaine entre la France et l'Allemagne, et que le Conseil européen qui se réunira demain aura pour mission de confirmer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Avant de poser ma question à M. le ministre de l'éducation nationale, je voudrais dire à M. Jacob, président du groupe UMP…
…qu'il faut vraiment que cela dérange l'UMP pour qu'il revienne aujourd'hui, après M. Copé hier, sur la question des primaires. Il est vrai, monsieur Jacob, que l'UMP ne désignera pas son candidat par le biais de primaires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et, si jamais elle le faisait, je ne suis pas sûr que le candidat autoproclamé serait désigné. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Jacob, laissez M. Guéant tranquille avec ces questions ! Vous l'obligez à faire une réponse de deux minutes, qu'il conclut en soulignant la nécessité de détruire les listes sous le contrôle d'un huissier, ce qui était proposé, il y a un mois et demi, dans le dossier que le parti socialiste a adressé au ministère de l'intérieur. Laissez M. Guéant faire son job, au-delà des attaques qu'il formule à l'intention des socialistes sur leur bilan. L'actualité montre tous les jours que la situation en matière de sûreté et de sécurité est désastreuse dans notre pays. Monsieur Guéant, occupez-vous de l'insécurité ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Donnez des moyens à la police et à la gendarmerie, et cessez de vous enquiquiner avec quelque chose qui va intéresser les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)
J'en viens à ma question, monsieur le ministre de l'éducation nationale. Vous venez, une fois de plus, d'opposer notre obsession des moyens à votre vision qualitative. Mais les chiffres que vous avancez sont faux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous dites qu'il y aura, à la rentrée prochaine, 34 000 emplois de plus qu'au début des années 90 : en 1992, il y avait 778 000 enseignants dans le public ; il y en aura 66 000 de moins à la rentrée prochaine ! (« Cinq… quatre… trois… deux… un… zéro ! » sur les bancs du groupe UMP.) Alors cessez de mentir et donnez… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
Monsieur le député, je vais répondre point par point à la question que vous ne m'avez pas posée, car, ayant vu, sur internet, que vous vous répandiez sur les questions éducatives, je suis en mesure de dénoncer devant la représentation nationale votre mauvaise foi et les contrevérités que vous ne cessez de répéter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous venez de citer des chiffres. Mes services et, je le pense, ceux de la commission des finances sont à votre disposition pour vous montrer que vous avez dit une contrevérité.
En 1989, on comptait 799 000 enseignants.
À la rentrée prochaine, il y en aura 833 000, c'est-à-dire 34 000 de plus qu'il y a vingt ans.
Ce sont les chiffres, vous ne faites que répéter des contrevérités !
Vous faites régulièrement référence à votre académie de Lille. Vous oubliez cependant un détail : en dix ans, elle a perdu 72 000 élèves ; il n'est donc pas anormal que le service public de l'éducation nationale s'adapte à la démographie. Et cela ne se fait pas au détriment de la qualité, puisque, d'après les dernières évaluations de CM2, la proportion d'élèves qui ont plutôt des facilités et de bons résultats en mathématiques passe de 64 % il y a deux ans à 71 %. Cela veut bien dire que, quand on fait du qualitatif, on obtient des résultats.
Enfin, vous nous accusez de ne recruter dans l'éducation nationale que des contractuels. C'est totalement faux. Sur les 17 000 personnes que nous aurons recrutées cette année, 15 000 sont des fonctionnaires titulaires, soit 88 %. Je devais le dire à la représentation nationale, pour rétablir la vérité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Monsieur le ministre, après neuf mois de travail, la mission parlementaire d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, présidée par les excellents Pierre Morange et Jean Mallot, a rendu hier soir ses conclusions, adoptées à l'unanimité, sur la fraude sociale en France. Les chiffres sont maintenant bien connus. Sur un montant d'à peu près vingt milliards d'euros par an, entre treize et quinze milliards d'euros concernent le travail illégal et la fraude aux cotisations. La fraude aux prestations représente, elle, entre deux et trois milliards d'euros. Ces chiffres sont d'ailleurs confirmés par l'ensemble des experts, y compris la Cour des comptes.
La mission a également noté à l'unanimité les réels progrès accomplis par les organismes sociaux comme par l'État dans la lutte contre la fraude. Vous nous avez confirmé, monsieur le ministre, votre volonté de lutter contre la fraude lors de votre audition par la mission. Vous avez indiqué que, grâce à la mobilisation de tous, le contribuable et la sécurité sociale avaient économisé plus de 450 millions d'euros en 2010 – chiffre tout à fait remarquable –, notamment grâce à la création de la Délégation nationale de lutte contre la fraude et à la mise en place du répertoire national des bénéficiaires.
Cependant, la mission a noté que la lutte contre le travail illégal n'était sans doute pas une priorité suffisamment affirmée et a proposé, notamment, la mise en place d'un fichier national des interdits de gérer et celle d'une procédure de flagrance sociale en cas de travail illégal révélé dans une entreprise.
Je crois, monsieur le ministre, que vous êtes conscient de la priorité à accorder à cette lutte contre le travail illégal. Ce matin, avec François Baroin et Roselyne Bachelot, vous avez présenté en conseil des ministres un nouveau plan de lutte contre la fraude. Pourriez-vous donc nous détailler les nouvelles mesures que le Gouvernement va prendre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Monsieur le député, vous l'avez aussi indiqué : la lutte contre la fraude, c'est une question de justice. C'est aussi la préservation et la protection de la valeur travail.
Je le dis aussi très clairement : si c'est une question de justice, cela veut dire qu'il faut s'attaquer à tous ceux qui fraudent, quel que soit leur statut.
Je le dis également très clairement : puisque nous voulons notamment renforcer la lutte contre les arrêts de travail abusif, il faut s'attaquer à la fois à celui qui bénéficie de l'arrêt de travail abusif et à celui qui l'a prescrit. C'est aussi cela la justice, c'est aussi cela l'équilibre.
De même, celui qui fraude aux allocations doit être visé comme celui qui aura entièrement organisé le travail de son entreprise autour du travail clandestin. Vous avez voté une disposition dans le dernier texte sur l'immigration selon laquelle on pourra fermer administrativement l'entreprise qui aura été organisée uniquement avec le travail clandestin, et je n'hésiterai pas une seconde à le faire.
Si cette justice est au rendez-vous, l'ensemble de nos concitoyens nous suit sur ce dossier. Je l'ai dit : dans le champ de compétences qui est le mien, aux côtés de Roselyne Bachelot et de François Baroin, je vais renforcer la lutte contre le travail illégal, renforcer aussi, dans le domaine de la santé, la lutte contre les arrêts de travail abusifs. Cela veut dire mieux contrôler, quelle que soit la situation.
Nous avons lancé une expérimentation pour le contrôle des arrêts de travail des fonctionnaires ; nous devons aller au-delà de l'expérimentation. Il faut aussi un meilleur contrôle transnational des prestations sociales versées à l'étranger.
Sur tous ces sujets, on a parfois pris pour habitude de contrôler tout le monde. Je pense qu'il faut s'en prendre aux secteurs d'activité dans lesquels nous savons qu'il y a davantage de fraude et examiner ce que l'on appelle les comportements atypiques plutôt que contrôler tout le monde. Les fraudeurs doivent savoir que nous les considérons comme des voleurs et qu'il n'y aura aucune indulgence. Surtout, si la fraude était jusqu'à présent un jeu à somme nulle – le fraudeur n'y perdait pas en cas de contrôle –, il faut non seulement qu'il rembourse mais que cela lui coûte plus que s'il avait eu un comportement normal. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. François Deluga, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, l'allocation équivalent retraite avait été créée par le gouvernement socialiste au mois de décembre 2001. Elle concernait les demandeurs d'emploi de moins de soixante ans qui ne bénéficiaient plus de l'indemnisation du chômage alors même qu'ils avaient atteint la durée de cotisation pour bénéficier de la retraite à taux plein.
Vous avez supprimé toute entrée dans ce dispositif à compter du 1er janvier 2011. Pourtant, monsieur le Premier ministre, vous aviez pris des engagements. Le 9 septembre 2010, à la télévision, vous déclariez : « Quand la nouvelle convention retraite aura été négociée, nous mettrons en place un système équivalent, pérenne pour les travailleurs les plus âgés ». Or, à ce jour, rien n'a été fait.
Je précise qu'il s'agit de travailleurs qui ont effectué une carrière complète, qui ont 162 trimestres de cotisation mais pas l'âge pour bénéficier de la retraite. Ils ne perçoivent que le RSA ou l'ASS – l'allocation de solidarité spécifique – soit 446 euros par mois, alors que l'AER est de 990 euros par mois.
C'est la France qui se lève tôt et qui travaille dur que vous abandonnez au moment même où vous faites un nouveau cadeau de deux milliards d'euros aux plus riches.
La situation est d'autant plus inacceptable que le chômage des plus de cinquante ans a augmenté de 14 % en un an et que l'entrée en vigueur de la réforme des retraites va, dans quelques jours, repousser de quatre mois l'âge légal de la retraite pour tous ceux qui sont nés après le 1er juillet 1951 et, ensuite, de huit mois pour ceux nés après le 1er novembre 1951. Déjà 30 000 personnes remplissant les conditions sont aujourd'hui privées de l'AER à cause de cette promesse non tenue.
Ma question est donc simple, monsieur le Premier ministre : allez-vous tenir vos engagements et rétablir l'allocation équivalent retraite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Monsieur le député, vous avez oublié de dire beaucoup de choses.
Vous avez oublié de dire, notamment, qu'au coeur de la crise ce dispositif dont la fin était programmée a été prorogé, de même en 2009 et en 2010. Vous avez oublié de dire que, lorsqu'il a présenté la réforme des retraites, Éric Woerth a bien précisé que tous ceux qui bénéficiaient de l'AER continueraient d'en bénéficier jusqu'au bout. Vous avez oublié de préciser également que le véritable enjeu c'est de pouvoir et de savoir ramener vers l'emploi ceux qui en sont éloignés depuis longtemps, notamment les chômeurs les plus âgés. Vous avez oublié de préciser que, dans votre département, le chômage des seniors est en recul grâce à l'action du Gouvernement. Quel dommage que vous ayez oublié de le préciser ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez aussi oublié de préciser, sur toutes ces questions, que, quand il a fallu, justement, taxer les préretraites et les préretraites « maison », jamais le parti socialiste n'a suivi la majorité. Vous avez oublié de préciser que, quand nous avons décidé de favoriser l'emploi des seniors, jamais vous n'avez été au rendez-vous, et vous avez oublié de préciser que, quand vous parlez de ramener la retraite à soixante ans, personne ne vous croit ! Même les électeurs de gauche savent que cette promesse inconsidérée qui coûterait vingt milliards d'euros par an ne sera jamais tenue.
Je tiens donc à vous le dire : nos engagements vis-à-vis des salariés âgés et des chômeurs âgés que nous voulons ramener vers le travail, voilà la vraie priorité, voilà ce sur quoi nous travaillons ! Et vous, qu'avez-vous à proposer ? Rien d'autre que de la polémique et de l'invective, c'est toute la différence ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des petites et moyennes entreprises.
Notre plan de relance, décidé par le Président de la République et le Premier ministre, dont la pertinence a été saluée par l'OCDE et le FMI, commence à produire ses effets, notamment dans deux secteurs de notre économie intimement liés, avec une croissance de 1 % au premier trimestre – du jamais vu depuis 2006 – et une résorption du chômage durant quatre mois consécutifs – du jamais vu depuis 2008. Mais, à l'évidence, cette phase de reprise de notre économie doit être solidifiée, surtout dans un contexte où la faillite menace certains États.
Lors d'une récente audition par la commission des affaires économiques, les responsables des principales banques françaises ont affiché une certaine sérénité, mais aussi quelques interrogations quant au devenir du financement des investissements de nos entreprises, et notamment de nos PME qui constituent le socle économique sans la solidité duquel il ne peut y avoir de politique sociale pérenne.
Ces interrogations sont surtout fondées sur les nouveaux critères de solvabilité définis dans le cadre de la conférence dite « Bâle III », interrogations qui, pour certains, pourraient être accrues, compte tenu de leur implication dans la dette grecque.
Après l'enveloppe supplémentaire d'un milliard d'euros accordée à la banque publique OSEO pour permettre aux entreprises d'ouvrir leur capital sans perdre leur liberté, après le renforcement de la mission d'UBIFRANCE pour favoriser la démarche à l'export de nos entreprises, après le développement du crédit d'impôt recherche, vital pour favoriser l'innovation, elle-même vitale pour la performance de notre économie, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, éclairer la représentation nationale sur la stratégie gouvernementale visant à conforter la confiance des entreprises dans le financement de l'économie réelle et notamment dans le financement des PME non cotées ?
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.
Monsieur le député, vous avez parfaitement résumé la situation. Vous avez rappelé la crise qu'a vécue notre pays, et la politique du Président de la République et du Gouvernement ; vous avez, d'un mot, en donnant les chiffres de la croissance du premier trimestre – 1 % de croissance en France, c'est-à-dire deux fois plus qu'aux États-Unis ou en Grande-Bretagne –parfaitement résumé cette politique qui a consisté à soutenir les PME. Vous avez également évoqué OSEO – qui a contribué, avec 30 milliards d'euros, à soutenir l'esprit d'entreprise et le travail.
Le Premier ministre a eu l'occasion, jeudi, de rappeler les mesures nouvelles en direction des PME pour les soutenir. Monsieur le député, vous avez raison, il s'agit du renouvellement du dispositif FSI France Investissement, soit 5 milliards d'euros sur huit ans, de la création d'un fonds d'investissement pour les PME et les ETI – les entreprises de taille intermédiaire – cotées, c'est-à-dire 200 millions d'euros mobilisés. Quant au suivi des petits crédits bancaires, de moins de 25 000 euros, c'est un sujet essentiel, notamment pour les TPE et les artisans de notre pays.
Vous avez eu raison de le souligner, monsieur le député, il faut prolonger cette politique. Mais permettez-moi de revenir sur la situation. Pendant la crise, au moment où le Gouvernement décidait ce plan de relance courageux, que disait le parti socialiste ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il expliquait qu'en matière de consommation, il fallait baisser la TVA. Les Anglais l'ont fait : la consommation s'est écroulée et les prix ont augmenté, entraînant un plan de rigueur sans précédent.
Pour ce qui est des banques, ils ont proposé leur nationalisation. On connaît le résultat ! Tandis qu'en France, les caisses de l'État ont récupéré 2,5 milliards d'euros. Comme vous le voyez, il y a deux politiques : le courage et la fuite.
La parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Je déplore, monsieur Bertrand, que vous n'ayez pas répondu à la question qui vous était posée sur l'allocation équivalent retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre chargé de l'industrie, je veux, comme cela a été dit hier sur tous les bancs, m'associer à la protestation et à l'incompréhension quant au congédiement de la présidente d'AREVA, Anne Lauvergeon. Surtout, il faut que vous répondiez sur les raisons.
À première vue, et c'est l'idée qui court, cette décision serait le résultat d'une rivalité de prééminence entre AREVA et EDF. Si tel était le cas, ce serait puéril et dangereux pour l'industrie française. Il faut plutôt rechercher des explications dans le débat sur la sûreté des réacteurs. Est-ce que la sûreté des réacteurs doit être, comme le prétendent Anne Lauvergeon et AREVA, un impératif absolu et, de fait, se traduire par une augmentation de prix ? Ou bien, comme le suggère un rapport au Président de la République dont les détails restent secrets, doit-on s'orienter vers des réacteurs low cost, bon marché, pour l'avenir ?
Le rôle de la puissance publique est décisif en cette matière et, après les conséquences catastrophiques du tsunami de Fukushima, l'État et le Gouvernement doivent rester maîtres de cette industrie et apporter des garanties solennelles à la population.
L'EPR et le futur ATMEA sont de bons projets, mais, monsieur le ministre, nous nous demandons si vous irez au-delà des mots et soutiendrez notre industrie contre d'autres décideurs qui préfèrent privilégier le négoce et le marché mondial. C'est là toute la question, avec celle de la sécurité.
Monsieur le ministre, êtes-vous d'avis de donner à la sûreté et à la sécurité des centrales une priorité absolue ? Et pensez-vous, dans ce cas, que la sécurité n'a pas de prix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Je vais répondre avec plaisir à Christian Bataille qui connaît parfaitement les questions nucléaires.
J'ai dit hier que le changement de présidence d'AREVA n'induirait pas de changement dans sa stratégie. Le Premier ministre, recevant Anne Lauvergeon, l'avait dit très clairement le soir même dans un communiqué. Je l'ai moi-même détaillé hier au député Claude Birraux.
Vous ne pouvez pas faire l'offense aux 48 000 salariés d'AREVA de suggérer que la culture de la sûreté ne reposerait que sur une personne, quelle que soit la qualité de la personne en question. Le numéro deux, qui lui succède, est détenteur de la même culture de la sûreté d'AREVA, reconnue à travers le monde.
Par ailleurs, cette culture de la sûreté marque la construction de nos centrales, les audits de sûreté demandés par le Premier ministre trois jours après l'accident de Fukushima. Elle marque aussi les stress tests européens que Nathalie Kosciusko-Morizetet moi-même avons demandés dans toutes les conférences internationales depuis l'accident de Fukushima, et elle a marqué, monsieur Bataille – cela va répondre très précisément à votre question – le Conseil de politique nucléaire présidé par le Président de la République, qui s'est tenu un mois et demi avant la catastrophe de Fukushima et qui a très clairement dit que la France s'engageait sur le chemin de la troisième génération en matière de nucléaire, qu'il s'agisse de l'EPR d'une part, ou de l'ATMEA, d'autre part. La réponse, très claire, avait été apportée avant l'accident de Fukushima.
Pour notre part, monsieur le député, nous pensons que le nucléaire doit continuer de contribuer à l'efficacité énergétique et à la production énergétique de notre pays, à condition que ce soit dans un contexte de sûreté, de transparence absolue : c'est la politique que nous mettons en oeuvre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Patrick Beaudouin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de la défense et des anciens combattants.
La France est aujourd'hui engagée sur plusieurs théâtres d'opérations extérieures. Nos compatriotes peuvent être fiers de l'action efficace menée par nos militaires en Côte d'Ivoire pour protéger nos ressortissants, éviter une dégradation dramatique de la situation et faire prévaloir le droit et la démocratie sous l'impulsion du Président de la République et en accord avec la communauté internationale.
Grâce à nos militaires, encore, la France est un acteur important en Afghanistan, aussi bien sur le plan de la sécurisation que sur celui de la reconstruction, dans des conditions souvent difficiles, parfois hélas au prix de leurs vies.
Enfin, en Libye, les forces aériennes françaises sont intervenues sans délai pour mettre fin aux agressions contre les populations civiles, là encore avec des risques certes calculés, mais réels.
Tout cela, nous le devons au courage et au dévouement de nos soldats, de nos sous-officiers, de nos officiers et de l'ensemble des personnels civils et militaires de notre défense nationale qui concourent à l'effort engagé. Mais nous le devons aussi à la réforme profonde et ambitieuse du ministère de la défense et de nos armées mise en oeuvre dans le cadre du Livre blanc de juin 2008 qui a affirmé l'ambition française d'être capable de réagir, d'anticiper et de peser sur les évolutions internationales.
Certains hélas, encore relayés dans la presse ce matin, prétendent que la France n'aurait plus les moyens de ses ambitions et que nos armées seraient en déclin. Monsieur le ministre, quelle réponse pouvez-vous apporter à ces pernicieuses allégations ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants.
Monsieur Beaudoin, certes, l'armée est la « grande muette » dans notre société. Ce n'est pas simplement une tradition ; c'est un devoir, un devoir républicain, ajouterai-je. L'armée, sous l'autorité du Président de la République, chef des armées, est là pour exécuter la politique que veut la nation comme l'exprime et lui en donne les moyens le Parlement. Elle respecte ce devoir. Il est donc parfaitement déloyal de prétendre parler en son nom et d'organiser un étalage d'états d'âme qui ne correspond, de surcroît, en rien au sentiment de fierté que nos compatriotes qui servent les armes de la France ressentent au moment même où, comme vous l'avez très bien souligné, engagés sur des théâtres extérieurs, ils ont la certitude de participer à une belle tradition et de porter haut l'image de notre pays.
Oui, il y a un an, mon prédécesseur, Hervé Morin, a accepté de consentir un effort de 3,6 milliards sur trois ans, effort compensé par des cessions d'actifs à concurrence des deux tiers. Nous aurons, en effet, dans les trois années à venir, un gain de productivité qui n'interdit et ne compromet en rien l'exécution de la loi de programmation militaire que vous avez votée,…
…qui a été respectée en 2009 et en 2010, qui l'est en 2011 et qui, avec votre soutien, le sera en 2012 ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Monsieur le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, ma question porte sur la réforme de la fiscalité locale dont les conséquences non maîtrisées par le Gouvernement n'en finissent plus d'inquiéter les élus locaux et de susciter l'incompréhension des contribuables. Aujourd'hui, cette réforme inachevée complique le quotidien des élus locaux et rend impossible l'établissement d'un budget pour bien des communes. Nombreux sont les maires exaspérés. De par la volonté du Président de la République, vous avez supprimé la taxe professionnelle pour la remplacer par la contribution économique territoriale. Vous aviez alors pris des engagements de compensation qui ne pourront manifestement, et une fois de plus, être tenus, ce qu'a d'ailleurs confirmé, ce matin, le rapporteur général de la commission des finances, lors de la présentation du rapport de la Cour des comptes.
Devant autant d'incertitudes quant au montant de leurs recettes futures, comment s'étonner que les collectivités territoriales revoient à la baisse leurs investissements, ce qui est particulièrement regrettable en période de crise économique et financière ? Les premières victimes de votre réforme sont les communes rurales, celles qui sont les plus nombreuses et assument des missions essentielles sur l'ensemble de notre territoire. Quand vous décidez d'ajouter des anciens taux départementaux aux taux communaux et intercommunaux de la taxe d'habitation, non seulement l'impôt du contribuable augmente considérablement, mais le produit issu des anciens taux départementaux, destiné au Fonds national de garantie individuelle des ressources, ne profite ni aux communes ni aux intercommunalités, alors que ce serait pourtant essentiel pour compenser, en partie, la perte de la taxe professionnelle.
Dans ces conditions, comment pouvez-vous garantir que les communes les moins favorisées bénéficieront d'une véritable péréquation financière ? Quelles mesures envisagez-vous de prendre, afin de rendre cette réforme plus lisible pour les élus et pour les contribuables ? Enfin, pourquoi ne pas reconnaître que votre réforme accroît les inégalités entre les territoires, donc entre les citoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.
Madame la députée Orliac, vous avez raison, le Gouvernement et sa majorité ont décidé de supprimer la taxe professionnelle.
Je crois que l'on peut, aujourd'hui, reconnaître que cela a permis de baisser la contribution des entreprises de l'ordre de 4,7 milliards, leur permettant d'être davantage compétitives au niveau international. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En procédant ainsi, nous avons entamé une grande réforme de la fiscalité locale et nous avons décidé de veiller au respect de plusieurs principes.
Nous avons, premier principe, préservé les ressources des collectivités territoriales. Permettez-moi, ici, de rappeler – et chacun pourra le constater – que la réforme de la taxe professionnelle a été intégralement compensée à chaque collectivité. Nous pouvons parallèlement affirmer, s'agissant du bloc communal, que cette compensation a permis de préserver les recettes fiscales, puisqu'elle se fait principalement sur la base de ressources fiscales nouvelles.
Le deuxième principe est tout aussi évident. Nous avons préservé le lien entre les activités économiques et les territoires pour favoriser, notamment au travers de la contribution territoriale économique, les relations entre la collectivité et l'entreprise.
Enfin, dernier principe, nous renforçons l'équité entre les territoires. Nous l'avons fait autour de la péréquation verticale, en augmentant la DSU et la DSR. Nous le faisons par l'intermédiaire des DMTO – droits de mutation à titre onéreux – à hauteur de 440 millions d'euros. Nous le ferons, pour 2012, au travers de la péréquation du bloc communal.
Nous souhaitons agir, dès cet automne, et nous ouvrirons, bien sûr, le débat auquel vous pourrez participer, pour définir les critères nous permettant d'être efficaces et afin de mettre en place une péréquation qui donnera aux petites communes, notamment rurales, la capacité de continuer à investir et d'être au rendez-vous de la modernisation ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Fiscalité locale
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)
L'ordre du jour appelle la discussion, en troisième lecture, du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (n°s 3543, 3546).
La parole est à M. Guy Lefrand, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Madame la présidente, madame la secrétaire d'État chargée de la santé, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui saisis en troisième lecture, fait rare, du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques. Dans sa rédaction issue du Sénat en deuxième lecture, le texte ne comprend plus que deux articles en discussion, les autres ayant été adoptés conformes.
Je ne m'attarderai pas sur l'article 6, qui n'a fait l'objet que d'une précision au Sénat, pour concentrer mon propos sur l'article 3 bis, introduit par le Gouvernement en séance afin de mettre le texte en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel du 9 juin dernier sur la question prioritaire de constitutionnalité.
Comme l'indique l'exposé sommaire de l'amendement que vous avez défendu, madame la secrétaire d'État, l'objectif est de tirer « les conséquences de cette jurisprudence en prévoyant une disposition à caractère général imposant que, dans tous les cas où intervient un désaccord entre le psychiatre et le représentant de l'État et quel qu'en soit le moment, la mesure d'hospitalisation complète ne puisse être maintenue qu'au bénéfice d'un réexamen psychiatrique devant lui-même conclure au bien-fondé de la mesure. À défaut, le représentant de l'État devra en tirer les conséquences, soit en prononçant la mainlevée de la mesure, soit en ordonnant une mesure de soins ambulatoires ».
La simple lecture de cet argumentaire permet de comprendre que la décision du Conseil constitutionnel soulève des questions sur les fondements mêmes de l'hospitalisation d'office et, ce faisant, pointe plusieurs difficultés à propos du projet de loi que nous examinons. On aurait donc pu imaginer que le législateur soit saisi de cette question dans le cadre d'une réflexion globale sur la philosophie de l'hospitalisation d'office, sur l'importance respective des considérations d'ordre sanitaire et des considérations d'ordre public ainsi que sur le rôle du préfet, avant de transposer dans la loi les principes dégagés dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité.
Il n'en sera rien cependant puisque le Conseil constitutionnel n'a pas jugé bon de prolonger le délai qu'il avait lui-même laissé au Parlement dans sa décision question de novembre 2010 sur la prioritaire de constitutionnalité pour mettre les dispositions du code de la santé publique en conformité avec sa jurisprudence, délai qui expire le 1er août prochain.
Nous nous retrouvons donc aujourd'hui contraints de légiférer sous la pression du juge constitutionnel, sans disposer d'aucun délai de réflexion. Je regrette que nous soyons placés dans une telle situation, qui met en cause le fonctionnement de nos institutions. Je considère en effet que c'est un risque pour la démocratie de voir quelques personnes nommées imposer l'écriture de la loi à des législateurs élus. Entre la décision du Conseil constitutionnel et les commentaires qui lui sont attachés, il ne reste plus aucune marge de manoeuvre aux élus du peuple. Cela risque de poser problème.
Sur le fond, la décision du Conseil constitutionnel du 9 juin soulève plusieurs interrogations vis-à-vis des principes de l'hospitalisation d'office en général, et vis-à-vis des dispositions introduites par l'article 3 du projet de loi concernant l'admission en soins sur décision du représentant de l'État.
L'article 3, en effet, ne prévoit pas de second avis pour confirmer la proposition d'un psychiatre. Il prévoit en revanche que, si un psychiatre recommande la levée d'une mesure de soins sous forme d'hospitalisation complète et que le préfet refuse, le juge est automatiquement saisi. C'est une disposition que nous avions introduite ensemble ici en première lecture.
L'article 3 prévoit également des dispositions spécifiques pour les personnes séjournant ou ayant séjourné en unité pour malades difficiles ainsi que pour les personnes déclarées pénalement irresponsables : le préfet ne peut, dans leur cas, modifier la forme de prise en charge sans prendre l'avis du collège et il ne peut ordonner la levée de la mesure de soins qu'après avis de ce même collège et deux avis concordants d'experts.
La question de la compatibilité entre l'article 3 bis et ces dispositions est ainsi posée.
Ainsi, en l'absence de coordination entre l'article L. 3213-5 et l'article L. 3213-9-1, lorsqu'un psychiatre proposera à l'avenir la levée d'une mesure de soins sous la forme d'une hospitalisation complète qu'un préfet refusera, le directeur de l'établissement de santé sera tenu de mettre en branle deux procédures parallèles : saisir un second psychiatre pour avoir un nouvel avis et, dans le même temps, saisir le juge des libertés et de la détention.
Lors du débat en séance au Sénat, vous avez estimé qu'en conséquence, la saisine du juge n'interviendrait désormais qu'en cas d'avis divergents des deux psychiatres et de refus du préfet de lever la mesure de soins.
Cette précision ne ressort toutefois pas des dispositions telles qu'elles sont rédigées aujourd'hui. Pouvez-vous confirmer que vous les préciserez par décret ? Plus généralement, ne croyez-vous pas que le nouveau contexte créé par la décision du Conseil constitutionnel rend moins légitime l'intervention du juge ? En effet, le contentieux risque désormais de se déplacer d'un désaccord entre le psychiatre et le préfet, c'est-à-dire entre la logique sanitaire et la logique sécuritaire, entre lesquelles le juge est fondé à trancher en tant que gardien des libertés individuelles, à un désaccord entre deux psychiatres. Est-ce bien le rôle du juge que d'intervenir dans ce cas ?
Enfin, s'agissant des dispositions applicables aux personnes déclarées pénalement irresponsables ainsi qu'à celles séjournant ou ayant séjourné en UMD, on constate que, dans leur cas, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne s'applique que dans une mesure limitée, puisque le préfet n'est tenu de lever la mesure de soins ou la transformer en soins ambulatoires que « si chacun des avis et expertises prévus à l'article L. 3213-8 constate que la mesure n'est plus nécessaire », c'est-à-dire après l'avis du collège et les avis concordants de deux psychiatres. Ce sont donc non pas un mais trois avis de confirmation qui seront nécessaires.
Certes, ces personnes sont considérées par le projet de loi comme étant « dans une situation différente justifiant des dispositions spécifiques ». Je m'interroge cependant sur la compatibilité entre ces différents avis et l'impératif de réexaminer la situation des intéressés « à bref délai ». L'article 3 bis ne traduit pas non plus cette exigence dans leur cas. Pourquoi ? Par ailleurs, il est clair qu'étant donné le nombre de psychiatres publics et de psychiatres experts, la mise en oeuvre de ces dispositions risque de susciter des difficultés considérables en pratique.
En dépit de ces réserves, je reste bien conscient de l'urgence qu'il y a à adopter définitivement le projet de loi qui nous est soumis.
En outre, avant de conclure, je souhaiterais rappeler à tous les évolutions marquantes de ce texte, qui reconnaît de nouveaux droits aux personnes admises en soins psychiatriques sans leur consentement et permet d'adapter les conditions de leur prise en charge au cas par cas.
Je souhaite le rappeler car je n'arrive pas à faire le lien entre ce que je lis dans la presse au sujet du projet de loi et les dispositions concrètes du texte que nous avons examiné pendant plusieurs mois, sur lequel nous avons beaucoup travaillé tous ensemble, dans un esprit très constructif, et qui comporte des améliorations substantielles par rapport au projet de loi déposé par le Gouvernement en mai 2010.
Je suis atterré que certaines personnes ayant des responsabilités évoquent le retour des chaînes ou des lettres de cachet et aillent jusqu'à oser la comparaison avec Guantanamo. Qu'est-ce qui peut justifier une telle violence contre un texte qui prévoit, pour la première fois, de soumettre le bien-fondé de toutes les mesures d'hospitalisation complète au juge des libertés et de la détention dans un délai de quinze jours à compter de l'admission en soins, contre un texte qui s'attache à mettre en oeuvre une réelle continuité des soins et à organiser l'ensemble de la chaîne de prise en charge des patients, des urgences psychiatriques au suivi ambulatoire, en prévoyant même une passerelle entre soins sans consentement et soins libres ?
Chers collègues, nous n'avons pas à rougir du texte que nous allons voter aujourd'hui. C'est pourquoi, en dépit des réserves que je viens de formuler sur l'article 3 bis et eu égard à tout ce que le projet de loi apporte par ailleurs s'agissant des droits des malades et de leur prise en charge, je vous demande de bien vouloir adopter sans modifications le texte qui nous est transmis par le Sénat.
Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite en premier lieu vous faire part du mécontentement du groupe GDR à propos de l'organisation de nos débats sur ce texte.
À la suite de l'introduction in extremis par le Gouvernement de l'article 3 bis pour tenter d'éviter la censure, une troisième lecture s'imposait, mais était-il nécessaire de le faire dans une telle précipitation ? Les commissaires aux affaires sociales ont été informés vendredi un peu avant dix-huit heures de la convocation de la commission pour mardi, avec dépôt d'amendements pour lundi soir et examen du texte aujourd'hui. Même s'il ne reste que deux articles en discussion, vous admettrez que la méthode est pour le moins cavalière. À votre décharge, personne ne pouvait prévoir l'irruption du Conseil constitutionnel dans le processus législatif, avec sa décision du 9 juin 2011 relative à deux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur les conditions de l'hospitalisation d'office et le maintien de cette modalité de soins, une irruption qui n'est pas sans poser un problème institutionnel d'inversion du processus législatif, comme l'a opportunément souligné notre rapporteur.
L'article 3 bis vient corriger l'article 3, à propos duquel nous avons formulé de nombreuses critiques lors des précédentes lectures. La décision du Conseil constitutionnel nous donne in fine raison. L'article 3, qui oppose les observations médicales délivrées par le psychiatre aux exigences liées à la sûreté des personnes et à l'ordre public et permet au préfet de passer outre la recommandation du psychiatre de ne pas maintenir une personne en hospitalisation complète, ne satisfait pas aux exigences constitutionnelles rappelées par le Conseil.
Dans Les Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, le commentaire de la décision du 9 juin précise bien que « la possibilité que le préfet ordonne ou maintienne une mesure privative de liberté de nature médicale, alors que le psychiatre de l'établissement s'y oppose, soulève une difficulté constitutionnelle touchant à l'équilibre des principes constitutionnels en cause ».
Au demeurant, le nouvel article 3 bis ne résout qu'imparfaitement cette difficulté, et pose en outre un problème non négligeable d'articulation avec la procédure prévue à l'article 3. Aux termes de ces deux articles, en cas de désaccord sur la levée d'une hospitalisation complète, le directeur de l'établissement serait contraint de demander l'avis d'un second psychiatre et de saisir concomitamment le juge des libertés et de la détention.
À défaut de la suppression du deuxième alinéa de l'article L. 3213-5, nous ouvrons la voie à un contentieux inextricable.
Avant même de voter sur ce texte, nous mesurons les difficultés d'application des dispositions qu'il contient, et les professionnels concernés s'en émeuvent déjà.
Pour notre part, nous ne pouvons que déplorer le manque de rigueur tant pour la rédaction du projet que pour la recherche de ses modalités d'application et son adéquation avec la Constitution. Cela ne fait que renforcer nos critiques sur la philosophie de ce texte, un texte d'affichage qui repose sur une certaine instrumentalisation.
Contrairement à ce que le Gouvernement tente de nous faire croire, ce projet de loi ne garantit ni la protection des personnes ni celle des libertés publiques. Certes, il intervient après la décision du Conseil constitutionnel, qui oblige l'État à prévoir sous peine de sanctions l'intervention du juge des libertés et de la détention. Mais, comme nous l'avons déjà fait valoir, votre interprétation de la décision du Conseil constitutionnel ne permet pas d'exclure une prochaine censure.
À vous entendre, ce texte serait indispensable. Vous savez pertinemment qu'il n'en est rien. Il vous aurait suffi, pour satisfaire aux contraintes découlant de la décision du Conseil constitutionnel, de vous en tenir à la révision de la place du juge des libertés et de la détention dans la procédure. Cette option vous aurait permis de travailler, sur le fond, à une grande réforme de la psychiatrie.
Vous avez au contraire privilégié la dimension sécuritaire de la psychiatrie, au détriment de ses aspects sanitaires et médicaux, en vous limitant aux troubles à l'ordre public que peuvent engendrer les maladies mentales. Cette vision sécuritaire des malades souffrant de troubles mentaux vous a ainsi conduits à limiter les possibilités de sorties à l'essai, pourtant nécessaires à la rémission des patients ; à faire porter aux équipes médicales une responsabilité qu'elles ne devraient jamais avoir, dans un mouvement de criminalisation de la psychiatrie ; à étendre le champ de la contrainte aux soins en ambulatoire, une modalité de soins inédite dont nous craignons déjà la généralisation.
Vos choix budgétaires en matière de santé publique conduisent d'ores et déjà à une réduction du nombre de praticiens en psychiatrie, tandis que les établissements psychiatriques souffrent de la fermeture de lits. La modalité de soins en ambulatoire sous contrainte pourrait opportunément masquer le désastre annoncé. Pis, nous craignons, à l'instar de la Ligue des droits de l'homme, que cette nouveauté annonce l'avènement d'une société contrôlée et contrainte, obligeant les personnes, au moindre écart de conduite pouvant tomber dans le vaste champ des troubles à l'ordre public, à se soigner chez elles, à l'écart du regard des autres et sans autre suivi médical que l'administration de médicaments, comme cela se pratique pour les maladies somatiques.
À rebours des pratiques et de l'évolution de la psychiatrie moderne, vous confortez dans l'opinion l'idée d'un ordre social normé dans lequel la folie n'aurait pas sa place. Or notre responsabilité, ainsi que – bien entendu – celle des médecins est de soigner, ou au moins, lorsque cela est possible, de permettre aux personnes souffrant de troubles mentaux de trouver ou de retrouver une place dans la société. Vous préférez les enfermer pour complaire aux tenants du tout sécuritaire plutôt que d'accorder des moyens à la psychiatrie publique, parent pauvre de la médecine, et d'entreprendre une réflexion de fond sur les politiques publiques de prise en charge de la santé mentale.
Comme lors des précédentes lectures, les députés du groupe GDR voteront résolument contre ce texte d'affichage qui criminalise les malades sans apporter de garanties quant aux libertés individuelles et marginalise la psychiatrie au profit d'une vision sécuritaire de la société.
Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce texte important revient donc en troisième lecture devant notre assemblée. Après le vote quasi conforme du Sénat, il reste seulement deux articles en discussion.
En effet, le 9 juin, le Conseil constitutionnel, statuant sur deux questions prioritaires de constitutionnalité, a déclaré contraires à la Constitution deux articles et maintenu la date butoir du 1er août pour régler ce problème. Le Gouvernement a donc, en urgence, fait voter par le Sénat un amendement, devenu l'article 3 bis, prévoyant un second avis psychiatrique en cas de désaccord entre le psychiatre et le préfet sur la nécessité de maintenir un malade en soins sans son consentement.
Or il existe une différence importante entre l'article 3 et l'article 3 bis, notamment sur le rôle du juge des libertés. Le Gouvernement aurait pu et, à mon avis, aurait dû choisir de réunir une commission mixte paritaire, ce qui aurait permis d'harmoniser les deux articles. Tel n'a pas été son choix ; je le regrette.
Il nous est donc demandé de voter un texte en sachant qu'il pose un problème. Espérons, comme l'a dit Guy Lefrand, que le décret d'application réussira à harmoniser les deux articles en indiquant clairement la solution retenue. Nous sommes habitués à ce que les décrets ne suivent pas l'esprit de loi. En l'espèce, on demande au décret de régler un problème posé par deux articles qui sont en quelque sorte contradictoires. Je vous souhaite donc bon courage, madame la secrétaire d'État ! (Sourires.)
À cause de la nécessité de respecter la date du 1er août, nous n'avons pas de marge de manoeuvre et nous ne pouvons que nous résoudre à voter en toute connaissance de cause un texte imparfait. À cet égard, j'approuve les remarques pertinentes de notre rapporteur.
Pour revenir en quelques mots sur le texte lui-même, son objet est majeur dans une démocratie, mais le domaine concerné est particulièrement complexe et difficile. Nous devons tenter de trouver un juste équilibre entre la liberté de la personne et la nécessité de la protéger d'elle-même – c'est souvent le cas –, de ses proches, des soignants et de la société, tout en sachant que, dans ce domaine, le risque zéro n'existe pas. Il convient également de s'abstraire de faits divers et d'éviter de légiférer sous le coup de l'émotion.
Ce texte aurait pu faire l'objet d'un consensus. Beaucoup attendaient toutefois un grand texte concernant la santé mentale. Le Gouvernement s'est heureusement engagé à présenter un plan à l'automne. Nous l'attendons tous et espérons qu'il puisse résoudre les problèmes laissés en suspens.
La loi du 17 juin 1990 aurait dû être réformée depuis longtemps. Il était d'ailleurs prévu qu'elle le soit dans les cinq ans. Comme quoi les lois ne sont pas toujours suivies d'effet !
On en a d'ailleurs discuté il y a peu de temps dans le cadre du projet de loi de bioéthique : ce n'est pas parce que l'on met dans la loi qu'elle doit être révisée de temps en temps qu'elle peut l'être.
Ce projet de loi, certes limité, était nécessaire et urgent en raison de la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010 et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. L'article 66 de la Constitution exige en effet que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, afin d'éviter les décisions arbitraires liées à des intérêts personnels ou politiques.
Le Conseil constitutionnel a estimé que cette hospitalisation sous contrainte ne pouvait être prolongée au-delà de quinze jours sans l'intervention d'un juge. Il s'agit là d'une bonne nouvelle au regard des libertés individuelles ainsi que des normes européennes, mais l'application en sera difficile.
En effet, définir la dangerosité d'une personne, le plus souvent dans un contexte d'urgence, porter un diagnostic sur la pathologie, décider si les soins peuvent être effectués en milieu ouvert ou en milieu fermé est particulièrement délicat et nécessite une grande expérience dont seuls les experts disposent. Mais ceux-ci ne sont pas eux-mêmes à l'abri d'erreurs, d'autant que la démographie des professionnels de santé ne permet pas de disposer d'un temps médical important.
Dans ce domaine, où intervient l'autorité administrative, le chemin est étroit entre la lettre de cachet et la liberté de la personne, même si celle-ci peut être dangereuse pour elle-même, pour ses proches et pour la société. Des drames non prévus, souvent médiatisés, peuvent survenir et il est difficile de prévoir un raptus avant qu'il ne se produise.
À notre sens, le texte du projet de loi est équilibré. Il prévoit notamment un protocole de soins avant la soixante-douzième heure, établi par un psychiatre de l'établissement et définissant le type de soins, le lieu de leur réalisation et leur périodicité ; la possibilité de soins en établissement, bien sûr, mais aussi en ambulatoire, ce qui constitue une nouveauté qu'il convient de saluer ; l'intervention du juge des libertés au quinzième jour, puis tous les six mois lorsque l'hospitalisation se prolonge ; l'intervention d'un collège pour les patients dits difficiles ; le renforcement du rôle des commissions départementales des soins psychiatriques.
Certains y voient un texte sécuritaire. Il semble au contraire proposer des mesures renforçant la protection de la personne hospitalisée sans son consentement. Nous souhaitons rendre le patient acteur de sa santé en toute circonstance, mais ce principe est d'application délicate lorsque le patient n'a pas conscience de sa propre dangerosité. Il convient cependant de la protéger contre des tiers mal intentionnés ou intéressés, ou contre des abus de l'État, qui pourrait souhaiter mettre à l'abri des opposants en les qualifiant de déviants ou de malades – ce qui, bien sûr, n'est pas le cas dans notre pays très attaché à la démocratie, même si l'on n'est jamais à l'abri d'évolutions dans ce domaine.
Ce texte est équilibré, même si son application sera difficile et complexe. Il prévoit en effet une multiplication des certificats médicaux, alors que la démographie des psychiatres risque d'entraîner des difficultés et peut même susciter des inquiétudes. J'ai des doutes quant à la possibilité d'obtenir tous ces certificats, y compris celui prévu à l'article 3 bis. Le juge des libertés aura-t-il la disponibilité nécessaire ? Sur quels arguments jugera-t-il, si ce n'est en s'appuyant sur les certificats médicaux, étant bien entendu qu'il n'est pas psychiatre ?
Au cours de l'année, 80 000 ou 90 000 décisions devront être rendues. Le garde des sceaux a prévu de renforcer les moyens humains des tribunaux, mais j'ai aussi compris qu'il entendait en faire de même à propos du texte sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale, que nous sommes par ailleurs en train de discuter. Les moyens seront-ils donc suffisants pour tenir compte de ce problème ?
Le déplacement d'un malade au tribunal paraît également délicat à réaliser et à organiser. En effet, il ne pourra bien sûr pas être seul : il faudra un ambulancier et un infirmier pour l'accompagner, ce qui semble difficile. Transporter le juge avec son greffier à l'hôpital paraît également, compte tenu de l'emploi du temps des uns comme des autres, particulièrement délicat. Certes, on a parlé de vidéoconférence, mais tous les tribunaux et hôpitaux ne sont pas équipés. J'ai donc quelques doutes sur l'application de ce principe pourtant très important.
La proposition d'établir un collège n'est pas très satisfaisante car je ne suis pas sûr qu'en cas de désaccord entre deux psychiatres un tiers puisse intervenir. J'ai déjà posé, en première lecture, la question suivante : quand deux orthopédistes ne sont pas d'accord, est-ce la surveillante du service qui doit décider lequel a raison ? Cela ne me paraît donc pas très raisonnable, mais enfin, on s'habitue à tout ! (Sourires.)
L'obligation pour le psychiatre de dénoncer un patient si celui-ci ne suit pas son projet de soins à domicile pose un vrai problème déontologique, comme l'ont souligné plusieurs psychiatres : le serment d'Hippocrate interdit de dénoncer un patient, même lorsque, en période de guerre, on est amené à soigner un ennemi. Le psychiatre doit établir une relation de confiance avec son patient. Comment est-ce possible si ce dernier sait qu'il peut être dénoncé ? Voilà qui me semble poser un vrai problème déontologique et éthique.
La sectorisation de la psychiatrie n'était pas intégrée dans le texte. C'est pourtant sur elle que repose l'organisation de la psychiatrie aujourd'hui. Le nouvel article 6 est donc le bienvenu, même s'il ne règle pas tout. Par ailleurs, ce débat avait été plus ou moins prévu.
J'émets donc des réserves importantes sur ce texte. Des difficultés sérieuses s'annoncent pour son application. Cependant, il y a urgence car le 1er août approche – encore une fois, bon courage pour les décrets ! Par ailleurs, l'intervention du juge est souhaitable. En outre, le garde des sceaux prévoit de renforcer les moyens, dont j'espère qu'ils seront conséquents et suffisants, pour ce texte comme pour les autres. Enfin, le Gouvernement prévoit un plan pour la psychiatrie à l'automne. Nous l'attendons avec intérêt, madame la secrétaire d'État, et j'espère d'ailleurs que nous pourrons l'étudier ensemble. Le groupe Nouveau Centre votera donc ce texte qui constitue une réelle amélioration pour les libertés individuelles, même si de grandes interrogations persistent sur les possibilités d'application. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et à leur prise en charge a suscité de nombreuses incompréhensions, que d'aucuns d'ailleurs essayent encore aujourd'hui d'entretenir sans raison.
Nous sommes bien conscients de la grande technicité du texte et des enjeux qu'il porte en matière de liberté publique. Il est donc nécessaire de rappeler encore une fois que ce texte s'inscrit dans la volonté du Gouvernement d'assurer à chaque malade l'accès aux meilleurs soins possibles et de protéger la liberté des patients tout en préservant la sécurité des citoyens – tel est bien, en effet, le principe central qui sous-tend ce texte.
Comme vous le savez, mes chers collègues, l'avancée majeure de ce texte réside dans l'introduction d'un contrôle du juge des libertés et de la détention pour toute hospitalisation sans consentement supérieure à quinze jours.
Au cours de la navette parlementaire, l'Assemblée nationale aussi bien que le Sénat ont eu à coeur d'améliorer ce texte, qui est le prélude à un plan santé mentale, auquel les précédents orateurs ont fait allusion. L'ambition de ce plan est bien plus vaste et vous avez pris date sur ce sujet avec la représentation nationale, madame la secrétaire d'État. Comme je vous l'ai dit lors de la précédente lecture, nous vous faisons confiance.
Notre assemblée a introduit dans ce texte plusieurs éléments fondamentaux, notamment, à l'initiative du rapporteur, un « droit à l'oubli » pour les patients ayant séjourné en unité pour malades difficiles ou ayant fait l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité pénale ; la durée de la période à l'issue de laquelle il s'appliquera a été fixée à dix ans.
Elle a également introduit la saisine du juge des libertés en cas de désaccord entre le psychiatre et le préfet sur la levée d'une mesure d'hospitalisation complète.
Elle a précisé la place des différents intervenants dans la prise en charge des urgences psychiatriques et l'accompagnement des patients en soins sans consentement hors du cadre d'une hospitalisation complète.
Elle a prévu l'obligation de transférer les patients hospitalisés sans leur consentement vers un établissement habilité à les recevoir dans un délai de quarante-huit heures.
Enfin, nous sommes revenus sur l'organisation territoriale de la mission de service public qu'est la prise en charge des personnes en soins psychiatriques sans consentement, pour en assurer la meilleure efficience possible.
Le Sénat a lui aussi apporté des améliorations au texte, en précisant en particulier la notion de soins sans consentement. Il a également remplacé la notion de « protocole » de soins par celle de « programme » de soins, avec des garanties plus grandes.
Il a donné au juge la possibilité d'ordonner une levée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte dans un délai de vingt-quatre heures pour permettre l'élaboration d'un programme de soins.
Enfin, il a unifié le contentieux des soins sans consentement au profit du juge judiciaire.
Une troisième lecture est toutefois nécessaire, comme les uns et les autres l'ont dit, car le Conseil constitutionnel, dans une nouvelle décision du jeudi 9 juin, a censuré une partie de l'article L. 3213 du code de la santé publique, relatif aux conditions de l'hospitalisation sans consentement du malade demandée par le préfet sur la base d'un certificat médical. Désormais, si le second certificat médical, établi dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, stipule comme le premier qu'une sortie du malade est possible, le préfet sera tenu de mettre fin à la privation de liberté. C'est, je crois, une avancée significative. Le Gouvernement a donc déposé un amendement portant article additionnel après l'article 3 afin que la loi soit conforme à cette décision. C'est là une garantie supplémentaire, demandée par beaucoup, suggérée par certains, fortement réclamée par d'autres – je pense en particulier à M. Blisko.
Le Sénat a donc adopté un amendement du Gouvernement qui prévoit l'instauration, en cas de désaccord du représentant de l'État concernant la levée des soins sans consentement en hospitalisation complète, de l'examen du patient par un second psychiatre. Si ce dernier se prononce en faveur de la levée de l'hospitalisation sous contrainte, le représentant de l'État est tenu de suivre cette décision, tout en ayant la possibilité de demander la mise en place d'une autre modalité de soins.
Enfin, un autre amendement à l'article 6 vient rappeler, comme certains l'avaient là encore suggéré, voire réclamé, que la sectorisation est centrale dans l'organisation de l'offre de soins psychiatriques.
L'ensemble de ces ajustements nous a permis de trouver une juste péréquation entre la place du juge, celle de l'équipe soignante, celle du préfet, en cas d'hospitalisation d'office, et le rôle du tiers, en cas d'hospitalisation à la demande de ce dernier.
Nous avons été attentifs à donner toute sa place au juge qui, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, devient le rempart contre un éventuel risque d'arbitraire ; nous avons aussi veillé à protéger les droits du malade, qui sera informé très régulièrement de ses droits et de l'évolution de son état de santé. La sécurité et la sérénité de nos concitoyens n'ont pas été oubliées et nous avons renforcé, en cas de dangerosité potentielle élevée de certains malades, le dispositif encadrant la sortie d'hospitalisation avec le renforcement des avis médicaux, le juge étant là encore garant du bien-fondé des mesures d'enfermement.
Enfin, nous avons facilité l'accès aux soins en cas de péril imminent et en l'absence de tiers, ce qui devrait permettre de limiter les hospitalisations d'office, plus lourdes, aux seuls cas réellement indispensables.
Madame la secrétaire d'État, pour l'ensemble de ces raisons et après un travail de grande qualité – auquel chacun a apporté ses remarques, sa contribution et sa sensibilité, au cours duquel nous avons pu nous interroger sur les possibilités réelles de mise en place de ces options – après le travail en particulier de notre rapporteur, Guy Lefrand, malgré ses interrogations, respectueux des sensibilités de chacun, le groupe UMP apportera tout son soutien à ce texte qui organise de façon durable et réfléchie la conjugaison délicate entre le respect de la liberté de la personne, la protection de son intégrité et de sa dignité, et la sécurité de la société dans son ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes donc en troisième lecture – une troisième lecture plutôt qu'une CMP, voilà qui est suffisamment rare durant cette législature pour être souligné. Il est vrai que les réserves, voire les désaccords, exprimés par la rapporteure initiale du texte au Sénat, qui plus est présidente de la commission, étaient tels qu'il était plus prudent pour votre Gouvernement de donner le dernier mot à l'Assemblée pour s'assurer que le projet sera bien voté dans les termes que vous avez choisis.
Madame la secrétaire d'État, je suis désolé de répéter ce que je vous ai déjà dit en deuxième lecture : on ne peut pas traiter d'un sujet comme celui de la santé mentale en commençant par les lourds problèmes que pose l'hospitalisation sous contrainte. Celle-ci ne représente qu'une petite partie des problèmes rencontrés par l'hospitalisation psychiatrique.
Écoutez ce qu'exprime la mobilisation de tous les professionnels de la psychiatrie, y compris, monsieur le rapporteur, dans leurs excès de langage. Ils veulent vous alerter : en l'état actuel de la psychiatrie publique, avec son manque de postes, et surtout avec ses postes non pourvus, ce texte est inapplicable. Il est voué à l'échec ; il l'était d'ailleurs dès sa conception.
On connaît le contexte sécuritaire dans lequel le Président de la République, qui se complaît dans cette ambiance, a annoncé une loi créant les soins sans consentement en ambulatoire.
Vous avez annoncé, lors de notre deuxième lecture, un plan global sur la santé mentale à l'automne ; seul, il pourrait apporter la réponse attendue par les patients et leur famille.
Aujourd'hui, vous nous proposez de répondre uniquement aux préoccupations d'ordre et de sécurité publics. Certes, elles sont importantes, voire dérangeantes ; nous le savions, et plusieurs de nos collègues, élus locaux, nous l'ont redit. Mais la dangerosité d'une petite minorité de malades – dangereux pour autrui, mais surtout pour eux-mêmes – s'explique le plus souvent, on le sait, par la rupture des soins : au moment des faits dramatiques dans lesquels ils sont impliqués, les soins ont été interrompus ; souvent, les malades n'ont pas trouvé la réponse adéquate à l'aggravation de leur état. Le problème, c'est d'abord la défaillance, faute de moyens, des structures de soins, souvent inaccessibles le week-end et la nuit par exemple.
La réalité est là, madame la secrétaire d'État : le malade va mal, souvent, le 15 août, le samedi, le dimanche, la nuit ! C'est à ce moment-là qu'il est en état de crise, et les centres d'accueil sont aujourd'hui largement déficitaires ; quand ils sont ouverts, ils ne le sont pas en permanence. C'est très compliqué à réaliser, je l'avoue, mais ce manque de moyens à la fois humains et matériels explique les dérives bien plus qu'une espèce de dangerosité inhérente à la personne, ou à sa maladie. Cette rupture de soins se rencontre plus souvent encore, à l'évidence, chez les malades sans domicile fixe ou en errance, ce qui est fréquent dans ce type de maladies.
De ce point de vue, nous restons très opposés à la période de soixante-douze heures d'observation que vous avez souhaitée et qui, je crois, ne vise qu'à camoufler le manque de structures qui permet à un malade de commencer le traitement dans les meilleures conditions. Quand les structures sont prêtes, quand les professionnels sont là, le traitement peut commencer beaucoup plus rapidement.
Comme tous ceux qui se sont exprimés, nous sommes bien sûr satisfaits de l'introduction du juge des libertés et de la détention dans le déroulement et l'évaluation d'une hospitalisation qui se prolonge, même s'il a fallu pour chaque avancée, par l'intermédiaire d'une question prioritaire de constitutionnalité, l'intervention du Conseil constitutionnel, cher à M. le rapporteur. De la même manière – et ce n'était vraiment pas une fleur faite au rapporteur (Sourires.) – il y a quelques jours, le Conseil constitutionnel a tranché dans le bon sens, monsieur le rapporteur, celui de la défense des libertés : la possibilité de laisser sortir un malade contre l'avis du préfet si deux expertises psychiatriques concluent à la main levée de l'hospitalisation sous contrainte nous paraît un progrès utile, mais dont nous ne vous attribuons pas le mérite, madame la secrétaire d'État : le Gouvernement, qui aurait pu avancer sur ce point, n'a fait que se soumettre à la décision du Conseil constitutionnel.
Nous regrettons néanmoins que les personnes ayant séjourné dans une unité pour malades difficiles soient exclues de cette disposition ; elles continuent de relever d'une procédure très lourde. Le rapporteur a quelque peu esquivé la question, mais cela risque de poser des problèmes, notamment dans les endroits où les psychiatres publics manquent le plus. De surcroît, tous les psychiatres ne sont pas rompus à l'expertise fine, et ils ne sont pas toujours disponibles : c'est, je crois, l'un des obstacles majeurs que nous allons rencontrer.
Enfin nous sommes en parfait accord avec l'amendement du groupe socialiste au Sénat qui vise à rappeler la coordination nécessaire entre les territoires de santé, définis à l'art L. 3222-1, et le secteur psychiatrique traditionnel, que l'on connaît depuis quarante ans, défini à l'art L. 322-4. Nous remercions donc le rapporteur de l'avoir repris : cela allait de soi, mais cela va mieux en l'écrivant. Voilà qui devrait permettre à la psychiatrie de secteur de ne plus se trouver oubliée par les agences régionales de santé, et c'est une bonne chose.
Madame la secrétaire d'État, malgré ces quelques améliorations, nous constatons que les moyens humains, matériels, médicaux et judiciaires – même si vous n'êtes pas responsable de ce dernier aspect – qui seraient nécessaires à l'application de votre projet de loi ne sont pas au rendez-vous. Plusieurs de nos collègues ont précisé qu'ils ne savaient pas bien comment cela allait se passer ; des moyens lourds seront nécessaires dès le 1er août, c'est-à-dire dans quelques semaines : on ne vous a pas facilité la tâche.
Pour toutes ces raisons, et pour ne pas nous associer à ce texte qui est rejeté par l'ensemble des acteurs de la santé mentale, nous voterons contre ce projet de loi.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le texte réformant la loi relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation, en date du 27 juin 1990, revient aujourd'hui dans cet hémicycle, en troisième lecture.
Au cours de vos deux premières lectures, vous avez approuvé les dispositions essentielles de ce projet de loi, que vous avez également su compléter pour le bénéfice de nos concitoyens. Le Sénat a travaillé dans le même esprit, et le Gouvernement ne peut que saluer la convergence entre vos deux assemblées.
La psychiatrie a besoin de débat ; elle a aussi besoin de consensus. Les travaux parlementaires ont pleinement répondu à ces deux exigences.
Un nouveau passage devant l'Assemblée nationale est néanmoins nécessaire pour adapter le texte à la décision prise le 9 juin dernier par le Conseil constitutionnel, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil a indiqué que l'hospitalisation d'office, prévue par la loi de 1990, ne pouvait être maintenue au-delà de quinze jours sans intervention d'une juridiction de l'ordre judiciaire.
Cette décision est similaire à celle qu'il a prise au mois de novembre dernier au sujet des personnes hospitalisées à la demande d'un tiers. Sur ce point, le texte que vous avez examiné jusqu'à présent est donc tout à fait conforme à notre Constitution. Toutefois, dans sa décision du 9 juin, le Conseil a relevé un point supplémentaire qui justifie un complément d'examen : la loi de 1990 présente un manque, puisque, contrairement à ce qui se passe lors l'hospitalisation à la demande d'un tiers, si le certificat médical établi dans les vingt-quatre heures qui suivent l'admission en hospitalisation d'office ne confirme pas que l'intéressé a besoin de cette prise en charge, il n'est pas prévu de réexaminer la situation de la personne.
Le Conseil constitutionnel a estimé qu'en l'absence de nouvel examen, susceptible de confirmer que l'hospitalisation n'est plus nécessaire, notre droit n'assure pas que l'hospitalisation d'office est réservée aux cas pour lesquels elle est strictement prévue. Je vous rappelle en effet qu'une telle mesure doit être « adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état du malade ainsi qu'à la sûreté des personnes ou la préservation de l'ordre public. »
Le Conseil a donc déclaré contraires à la Constitution l'ensemble de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, et fixé au 1er août 2011 la prise d'effet de la déclaration d'inconstitutionnalité.
Le Gouvernement entend donc préciser ce point, et a donc défendu au Sénat un amendement sur ce sujet.
Il s'agit de l'article additionnel 3 bis, qui vous est présenté aujourd'hui. Le Gouvernement souhaite que le caractère central de l'examen médical ait une portée générale et qu'ainsi, à tout moment, au cours d'une hospitalisation complète d'office, le préfet mette fin à la mesure ou la transforme en forme alternative à l'hospitalisation complète, dès lors que le psychiatre de l'établissement lui en fait la demande, et que cette demande est confirmée par un deuxième avis.
Le Gouvernement souhaite également étendre ce principe aux personnes hospitalisées pour irresponsabilité pénale et aux personnes soignées en unité pour malades difficiles, dans le respect des procédures particulières de sortie prévues par le projet de loi.
De telles dispositions complètent le principe de saisine automatique du juge des liberté et de la détention, déjà prévu dans le texte, lorsque le psychiatre propose la levée de la mesure d'hospitalisation complète – ce que l'on appelle une « sortie sèche » – et que le préfet ne suit pas cet avis. Lorsque les deux avis médicaux s'accordent sur la sortie, celle-ci devra être ordonnée par le préfet. Lorsque les deux avis médicaux seront divergents, c'est-à-dire lorsque la proposition de sortie émise par le psychiatre ne sera pas confirmée par son confrère, si le préfet n'ordonne pas la sortie, l'avis du juge des liberté et de la détention sera requis.
Par ailleurs est soumis à votre nouvel examen l'article 6, relatif à l'organisation géographique de la prise en charge psychiatrique. Votre assemblée a veillé en première lecture, grâce au travail de son rapporteur, à rappeler la dimension territoriale de la mission de service public dévolue aux établissements, ainsi que le rôle des agences régionales de santé.
Le code de la santé publique prévoit, je vous le rappelle, que chaque établissement autorisé en psychiatrie et participant à la lutte contre les maladies mentales est responsable de celles-ci dans les secteurs psychiatriques qui lui sont rattachés. Le Sénat a donc tenu à confirmer que les projets des établissements chargés de la mission de service public intègrent les modalités de coordination avec cette sectorisation psychiatrique. Il s'agit d'une précision utile, qui rappelle une fois encore l'importance que nous attachons à l'organisation territoriale de notre système de santé. La psychiatrie a été la première à penser cette responsabilité territoriale, et cette conception de la santé publique que nous avons consacré dans la loi HPST lui fait honneur.
Le texte donne donc aujourd'hui la possibilité aux équipes de psychiatrie de soigner les patients dans la cité ; il comble le vide de l'absence de tiers, qui excluait du soin toute personne isolée ; il consacre le caractère sanitaire des mesures de soins et l'apport des équipes pluridisciplinaires ; il stimule la coordination des acteurs locaux et le soutien aux aidants, levier essentiel pour la qualité des soins ; il facilite enfin l'exercice des droits pour tous, y compris les personnes les plus fragiles.
Vous m'avez interrogée sur la mise en oeuvre de ces dispositions législatives. Les textes réglementaires qui permettront leur application sont en cours de préparation, de même que plusieurs outils pédagogiques servant à expliquer la complexité de loi et qui seront diffusés dès la semaine prochaine. Il s'agit de fiches techniques, de courriers type, de fiches de procédure qui faciliteront le travail des professionnels. Un site internet dédié sera également ouvert.
Il s'agira d'une foire aux questions qui permettra d'apporter des réponses aux interrogations soulevées, cette FAQ étant naturellement complétée au fur et à mesure des requêtes.
Je voudrais également vous signaler que deux sessions d'information seront organisées le 6 juillet prochain. Ces formations sont destinées aux établissements publics et privés ainsi qu'aux agences régionales de santé. Pour une meilleure efficacité, les participants pourront nous transmettre leurs questions à l'avance. Par ailleurs, les agences régionales de santé seront invitées à démultiplier ces formations à l'échelle des territoires.
Mais la psychiatrie n'a pas seulement besoin de mesures législatives et réglementaires ; la psychiatrie a besoin de sens. Les acteurs de terrain sont les mieux placés pour concevoir des dispositifs et mettre en oeuvre des pratiques adaptés aux réalités locales. Ces acteurs doivent cependant être éclairés et mobilisés par de grandes orientations définies, avec leur concours, au plan national. Notre pays doit donc rediscuter des grands objectifs de la psychiatrie, choisir et mettre en oeuvre des axes prioritaires d'amélioration, et vous avez vous-mêmes témoigné, mesdames et messieurs les députés, des ambitions de la représentation nationale à ce sujet.
Je veux que ce débat soit un débat de société, qui nous permette, dans quelques années, de mesurer le chemin que nous aurons collectivement parcouru. Je veux que les personnes qui entrent dans la maladie soient aidées et soignées plus rapidement qu'aujourd'hui ; je veux que les personnes touchées par la maladie mentale éprouvent moins de ruptures dans leur cheminement thérapeutique ; je veux que les personnes victimes d'un épisode d'urgence psychiatrique rencontrent une réponse adaptée, quel que soit l'endroit où elles se trouvent ; je veux enfin que nos concitoyens bénéficient, partout où ils résident, bénéficient d'une qualité de soins équivalente.
C'est à ces sujets majeurs que je me consacrerai dans les prochains mois, à travers notamment le plan « Psychiatrie et santé mentale », pour lequel j'ai demandé votre appui, monsieur le rapporteur. Je souhaite en effet que, à partir d'un diagnostic partagé, nous élaborions des orientations qui seront débattues dans la plus grande transparence avec les représentants des usagers, des professionnels, des employeurs et des sociétés savantes. Dès lundi prochain, le 27 juin, je mettrai en place le comité national d'orientation de ce plan.
Mesdames et messieurs les députés, les choses se mettent en place et se concrétisent. Je salue votre engagement pour faire évoluer notre droit sur ce sujet si particulier de la maladie mentale, sujet qui requiert humanité et sensibilité. La maladie en effet altère parfois le libre arbitre et éprouve les limites de notre modèle fondé sur le consentement aux soins. C'est donc à la fois avec bienveillance, délicatesse et humilité qu'il nous faut rechercher le juste équilibre entre les besoins du malade, ses droits, ses choix, ceux de ses proches et les exigences de la collectivité. Vous avez conduit vos débats dans cet esprit, et cela honore la représentation nationale.
Votre examen aujourd'hui, dans la ligne de vos précédentes lectures, nous donne l'occasion de parachever ce nouveau dispositif, qui s'inscrit dans notre histoire et conforte notre engagement en faveur d'une psychiatrie du soin, ouverte et responsable, une psychiatrie résolument tournée vers l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs (nos 3452, 3532) .
Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de huit heures et cinq minutes pour le groupe UMP, dix heures et vingt-quatre minutes pour le groupe SRC, quatre heures et treize minutes pour le groupe GDR, quatre heures et dix minutes pour le groupe NC et cinquante minutes pour les députés non inscrits.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Hunault.
Mon collègue Yvan Lachaud étant déjà intervenu dans la nuit sur la justice des mineurs, je ne m'exprimerai, au nom du Nouveau Centre, que sur l'un des trois aspects du projet de loi, celui de la participation des citoyens à la justice pénale, qui existe déjà au niveau des cours d'assises.
Monsieur le Garde des Sceaux, je le dis devant votre prédécesseur, Mme Guigou, nous partageons la même exigence. L'ouverture des tribunaux aux jurys citoyens n'est pas une marque de défiance à l'encontre des magistrats. Vous l'avez dit en commission, monsieur le Garde des Sceaux, mais également au sein de cet hémicycle. Je le répète, il n'est pas question pour nous, en soutenant cette réforme, de remettre en cause la légitimité des décisions rendues par des juges recrutés à l'issue d'une formation rigoureuse, sélective, et qui incarnent l'institution et l'autorité judiciaire. La présence des citoyens assesseurs, me semble-t-il, sera au contraire l'occasion de restaurer la confiance de nos concitoyens dans la justice.
Monsieur le Garde des Sceaux, vous avez pris les dispositions nécessaires pour encadrer cette nouvelle mesure et son objectif. Il en a été fait de même au Sénat.
Il était nécessaire de répéter notre confiance dans les magistrats et de rappeler la finalité de l'introduction d'un jury citoyen.
Vous avez insisté hier, lors des questions d'actualité, sur le fait que cette réforme serait suivie de la volonté d'apporter des moyens, répondant ainsi aux interrogations légitimes de l'ensemble de la représentation nationale sur les limites de telles réformes en l'absence de moyens supplémentaires.
Rappelons que c'est cette majorité qui a constamment augmenté depuis plusieurs années, et dans des proportions importantes, les crédits du ministère de la justice. Il y avait urgence car la France avait pris un retard considérable, notamment par rapport aux budgets de la justice de nos principaux partenaires européens.
Vous avez apporté des éléments susceptibles d'apaiser les inquiétudes, d'autant plus que vous vous êtes engagé, monsieur le Garde des Sceaux, à recruter des magistrats et des greffiers, ce qui atteste bien de l'état d'esprit dans lequel cette réforme est votée.
Vous avez également évoqué la nécessité d'améliorer la justice des mineurs. Mon collègue Yvan Lachaud a rappelé la position du Nouveau Centre : l'ordonnance de 1945 doit être adaptée, comme nous l'avons déjà fait ces dernières années, à l'évolution de la délinquance des mineurs. On ne rappellera jamais assez, dans cet hémicycle, que la première exigence reste la sécurité. Encore faut-il pour cela que la justice soit rendue avec une certaine sévérité : améliorer la loi est une chose, veiller à la sévérité et à l'exécution des décisions de justice en est une autre.
Le Sénat a également voulu rendre plus efficaces les décisions de justice en réduisant leur taux d'inexécution. Il y a urgence à agir puisque, malgré l'amélioration chaque année de la capacité de jugement, nos concitoyens ne supportent pas le taux d'inexécution des décisions de justice, notamment des peines de prison. Vous vous êtes engagé hier, monsieur le Garde des Sceaux, à améliorer la situation d'autant plus que la présence d'un jury populaire au sein du tribunal correctionnel ou du tribunal de l'application des peines rendra nos concitoyens encore plus hostiles à l'inexécution des peines ou à la libération des détenus sans que soit prise en compte leur dangerosité.
J'entends bien qu'il ne faut pas légiférer sous le coup de l'émotion mais chaque jour est apportée la preuve que des détenus dangereux ont bénéficié d'une sortie « sèche », sans que leur dangerosité ne soit prise en compte.
Vous connaissez, monsieur le Garde des Sceaux, la sensibilité des députés du Nouveau Centre à l'existence d'un équilibre entre l'humanisation des prisons, la prise en compte des victimes et l'exécution des peines.
C'est dans cette optique que les députés du Nouveau centre, qui vous ont toujours soutenu, considèrent comme un progrès la présence des jurys citoyens.
J'ai rappelé en introduction notre confiance dans les magistrats, mais nous ne devons pas craindre pour autant la présence des jurys citoyens.
J'ai écouté très attentivement hier les critiques de l'opposition qui a soulevé un certain nombre d'interrogations parfaitement légitimes. Prenons garde à ne pas faire dire au texte ce qu'il ne dit pas.
Vous avez pu y répondre, messieurs le rapporteur et le Garde des Sceaux, notamment à la suite des motions de procédure. Nous devrons garder cette ligne lorsque nous aborderons la discussion des articles : nous en tenir au texte et ne pas sombrer dans la caricature.
Je voudrais également vous féliciter, monsieur le Garde des Sceaux, au nom de mes collègues, pour votre volonté de mettre fin à la correctionnalisation, trop aisée, de certains crimes, en particulier les crimes sexuels. Ce sujet devrait tous nous préoccuper et je sais que ce combat est partagé sur l'ensemble des bancs de cet hémicycle.
Nous devons regarder la situation en face. Un crime sexuel sur dix est dénoncé, ce qui signifie que neuf sur dix ne le sont pas. Et lorsqu'une victime parvient à porter plainte, malgré les difficultés à apporter la preuve de ce qu'elle avance, ce crime est encore trop souvent jugé par un tribunal correctionnel.
Votre détermination à mettre fin à ce qui peut paraître comme un affaiblissement de la gravité des infractions doit être saluée et encouragée.
Cela implique bien entendu qu'il soit accordé plus de moyens aux cours d'assises pour traiter des affaires criminelles.
C'est dans ce cadre que je conçois votre réforme qui prévoit, non seulement de recruter des magistrats, mais également de refondre, sur un plan technique, mais avec du sens, les cours d'assises.
Je défendrai tout à l'heure un amendement dont la finalité essentielle sera de vous interpeller sur les délais. La Convention européenne des droits de l'Homme et ses quatorze protocoles ont défini les conditions d'un procès équitable. Comment voulez-vous que les victimes aient confiance dans la justice quand les procès se déroulent plusieurs années après la commission d'un délit ou d'un crime ? Puisque la victime est au coeur de cette réforme, je souhaiterais que nous prenions des engagements sur des objectifs afin qu'elle puisse espérer un procès dans des délais raisonnables. La Convention européenne n'est guère précise en la matière ; aussi vous proposerai-je que l'on ne dépasse pas la période de prescription. Nous en discuterons, mais j'ai confiance, monsieur le Garde des Sceaux, en l'attention que vous nous accorderez et l'engagement que vous prendrez pour aboutir à un compromis.
Tout à fait.
…et vous rejoint dans votre volonté de rapprocher nos concitoyens de la justice.
Ce n'est pas nouveau, chère collègue, en effet. Nous arrivons au terme d'une législature où avec vous, monsieur le Garde des Sceaux, avec vos prédécesseurs, Mme Dati et Mme Alliot-Marie, nous avons été souvent réunis dans cet hémicycle pour voter de nombreux textes destinés à améliorer les libertés – je suis certain que le parti socialiste a pu se reconnaître dans des dispositions comme celles relatives au contrôle général des prisons, la loi pénitentiaire ou l'institution du défenseur des droits. Aujourd'hui, c'est la victime qui est au coeur de cette nouvelle réforme.
Notre soutien est exigeant car nos concitoyens, que vous entendez aussi bien que moi, réclament beaucoup d'humanité mais aussi de la sévérité, notamment pour prévenir la récidive.
Enfin, je m'opposerai aux amendements d'une partie de nos collègues qui voudraient instituer le droit pour la partie civile devant la cour d'assises d'interjeter appel ou de se pourvoir en cassation en cas d'acquittement de l'accusé. Depuis une dizaine d'années, nous avons pu mesurer les progrès extraordinaires accomplis en faveur des victimes qui se trouvent aujourd'hui au coeur de toutes les réformes, mais nous devons éviter qu'une telle disposition soit votée,…
…d'autant plus qu'il leur reste la possibilité d'interjeter appel au civil et d'obtenir réparation de leur préjudice. Nous aurons l'occasion d'en reparler mais à l'issue de la discussion au Sénat, nous étions parvenus à un texte d'équilibre. Restons-y. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Notre Assemblée est amenée cette semaine a examiner un texte fondamental quant au fonctionnement de notre système judiciaire. Il témoigne de la mobilisation de notre Gouvernement à adapter notre justice à une société en constante évolution qui nous invite, en tant que législateurs, à y travailler de manière continue.
Je tiens donc ici à saluer votre sereine détermination, monsieur le Garde des Sceaux, à mener cette réforme qui reprend, pour son volet sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale, un engagement que le Président de la République, soucieux de rapprocher les citoyens de l'oeuvre de justice, a pris lors de la campagne présidentielle.
Cette volonté devrait, à mon sens, être partagée par tous eu égard à la mobilisation récurrente de nos concitoyens pour une justice plus compréhensible, plus accessible et plus rapide.
Depuis septembre dernier, j'ai eu l'occasion, monsieur le ministre, de vous interroger à plusieurs reprises sur le fonctionnement de notre système pénal et de vous dire combien il était important de mener une réflexion pour faire évoluer certaines méthodes au bénéfice de tous.
Un récent sondage atteste de cette nécessité en montrant que plus de 72 % des Français ne sont pas satisfaits de leur justice.
Tout en saluant le travail considérable, difficile, et profondément humain effectué par les professionnels du monde judiciaire, chacun s'accorde à reconnaître que des dysfonctionnements existent et que la gestion de la justice est perfectible. Tout ce qui peut la rendre plus efficace, plus lisible, plus compréhensible doit être encouragé.
Il en est ainsi du dispositif visant à associer des citoyens aux magistrats professionnels au tribunal correctionnel et au niveau de l'application des peines. En choisissant, dans un premier temps, de le mettre en oeuvre de façon expérimentale, le Gouvernement fait preuve de pragmatisme, attendant le retour d'expérience avant d'étendre le dispositif à tout le territoire.
Avec mon collègue Éric Ciotti – auquel le Président de la République a confié une mission sur le sujet – nous avons mené de très nombreuses auditions sur l'exécution et l'aménagement des peines – pour ma part je travaillais sur la question pour le groupe UMP. À cette occasion, nous avons pu constater l'investissement des professionnels au service de la justice. Personne n'a jamais voulu le remettre en cause ni, encore moins, stigmatiser une corporation qui fait un travail extraordinaire dans notre société et qui est garante de la cohésion sociale.
Cependant, force est de constater que cet investissement, pourtant réel, ne trouve pas d'échos au sein de la population. C'est pourquoi l'association de nos concitoyens aux magistrats contribuera non à déprécier ou à concurrencer la fonction et le rôle des magistrats, mais bien à enrichir la procédure en même temps que la démocratie participative. Il convient donc de soutenir la création du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne.
Au stade de l'application des peines, la présence des citoyens est, à mon sens, également pleinement justifiée dans la mesure où les décisions prises sont susceptibles de remettre en cause une condamnation prononcée par un tribunal souverain au nom du peuple français, et de porter ainsi atteinte au droit de la victime d'être protégée. Si l'on prend le cas d'une condamnation prononcée par une cour d'assises, le parallélisme des formes suffit à lui seul à justifier la présence de citoyens assesseurs au stade de l'application des peines.
J'estime, en conséquence, que dans ce premier volet du projet de loi, le Gouvernement nous propose une réforme innovante que je soutiendrai pleinement.
Les travaux du Sénat et de la commission des lois de notre assemblée ont enrichi le texte initial en introduisant notamment des mesures visant à encadrer davantage la libération conditionnelle et à assurer une meilleure continuité de la chaîne pénale au niveau de l'exécution des peines entre le milieu ouvert et le milieu fermé. J'adhère avec conviction à ces nouvelles mesures que je défendais, pour certaines, dans une proposition de loi, cosignée par de nombreux députés de notre majorité, visant à lutter contre la récidive.
Ces avancées vont dans le bon sens, notamment en ce qui concerne le renforcement, introduit à l'initiative du rapporteur du Sénat, de l'évaluation de la dangerosité avant toute décision d'aménagement de peine. Il est proposé de renforcer les conditions du prononcé de la libération conditionnelle des personnes condamnées à de longues peines en développant les évaluations pluridisciplinaires de dangerosité. Cette mesure illustre une volonté de lutter efficacement contre la récidive en empêchant de placer à nouveau en milieu ouvert des personnes condamnées susceptibles de constituer une menace pour nos concitoyens. Pour ma part, j'ai été pleinement sensibilisé à ce mécanisme d'évaluation par de nombreux collègues, parmi lesquels Jean-Paul Garraud qui a beaucoup oeuvré pour que le critère de dangerosité soit davantage pris en compte, ainsi que par des psychiatres spécialisés que j'ai pu rencontrer au cours des auditions.
Dans ma proposition de loi, cette évaluation pluridisciplinaire devait être réalisée sur plusieurs semaines et étendue aux condamnées à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à dix ans pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire était encouru. Dans un premier temps, le champ d'application initialement proposé au Sénat a été redéfini par le Gouvernement, puis il l'a été par notre rapporteur au motif que s'il convenait, bien entendu, de développer ces évaluations, les rendre obligatoires risquerait d'engorger les structures qui seront seulement au nombre de deux – l'une se trouve à Fresnes et une autre devrait bientôt ouvrir.
Monsieur le garde des sceaux, je vous sais très favorable au renforcement du suivi individualisé des personnes dangereuses et vous êtes également mobilisé en faveur du développement de centres d'évaluation. Aussi je plaide pour l'ouverture de centres régionaux. Ce serait donner un signe fort que de retenir le département du Nord pour l'installation d'une telle structure, véritable outil au service de la lutte contre la récidive.
Vous comprendrez que je sois particulièrement sensibilisé à ces questions du fait du meurtre sauvage d'une jeune femme de ma commune, Natacha Mougel, par un récidiviste en liberté conditionnelle. Les relations poignantes que j'entretiens avec sa famille et ses proches en plein désarroi constituent pour moi une forte motivation.
Je tiens aussi à saluer les mesures introduites pour renforcer la progressivité de la libération conditionnelle en étendant le champ du « sas » obligatoire de placement sous le régime de la semi-liberté ou sous surveillance électronique fixe ou mobile, préalable à toute libération conditionnelle.
Ayant pris bonne note de la volonté du Gouvernement d'assouplir les conditions de mise en oeuvre d'un placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre d'une libération conditionnelle, je remercie mes collègues de la commission des lois qui ont adopté un de mes amendements visant à rendre moins restrictives les conditions entourant la décision de placement sous surveillance électronique mobile en desserrant les contraintes procédurales qui prévalent à son prononcé.
Je profite de cette intervention pour souligner que vouloir rapprocher les citoyens de leur justice, c'est oeuvrer pour que les peines qu'elle prononce soient pleinement exécutées et de la façon la plus efficace possible.
La question de l'exécution des peines se trouve au coeur des préoccupations du Gouvernement et de celles de nos concitoyens. Monsieur le ministre, vous avez répondu à une question de ma part sur le sujet il y a quelque temps : la situation tend incontestablement à s'améliorer, même si elle est encore loin d'être satisfaisante. Néanmoins, vous menez une action efficace pour lutter contre le manque de suivi qui a pu être dénoncé pour les condamnés évoluant en milieu ouvert.
Le dispositif introduit dans le présent projet de loi pour améliorer la continuité du suivi des condamnés par les services pénitentiaires d'insertion et de probation contribuera à la bonne exécution des décisions de justice en permettant aux différents acteurs de la chaîne pénale de travailler en bonne intelligence. Encore une fois il ne s'agit pas d'une avancée accessoire et il convient d'encourager toutes les mesures à même d'éviter une rupture de suivi du condamné au moment de sa libération.
Je ne m'étendrai pas sur le deuxième objectif poursuivi par ce texte qui tend aussi à améliorer le fonctionnement des assises en luttant notamment contre le phénomène scandaleux de correctionnalisation des crimes, si ce n'est pour souligner que les dispositions qui nous sont soumises visent une nouvelle fois à améliorer l'efficacité de notre institution judiciaire. Elles allègent le fonctionnement des assises qui est aujourd'hui trop lourd, chacun en convient. L'organisation des assises souffre aussi de certaines faiblesses parmi lesquelles une iniquité territoriale : un crime sera jugé comme tel dans certains départements alors qu'il sera requalifié en délit dans d'autres. La requalification pose la question de la place de la victime et de la considération qu'on lui porte.
Des dispositions nouvelles ont été adoptées concernant la place de la victime et de la partie civile dans le procès pénal et dans l'exécution des décisions de justice pénale. Ainsi, le droit des victimes à être informées de la libération à terme de l'auteur de l'infraction qu'elles ont subie a été renforcé. Il s'agit à mon sens d'un droit fondamental. D'autres dispositions ont été adoptées qui feront l'objet de débats dans l'hémicycle. L'attention portée aux victimes est capitale : nos échanges sur ce sujet nous permettrons peut-être ultérieurement de trouver les voies et moyens de répondre aux aspirations de nos concitoyens tout en respectant les principes qui sont les nôtres depuis très longtemps.
Ce projet de loi, disais-je, entend adapter notre législation aux évolutions de notre société. Cette ambition est parfaitement illustrée par le troisième volet du texte qui vise à modifier l'ordonnance de 1945 sur les mineurs.
Les dispositions retenues sont issues d'une longue réflexion sur ce sujet. Elle est d'ailleurs toujours en cours, puisqu'un projet de code de la justice des mineurs devrait prochainement nous être soumis. Ce texte constitue donc une étape nécessaire et pragmatique qui répond à l'augmentation de la délinquance des mineurs et veut éviter qu'elle ne devienne une fatalité.
La justice des mineurs est spécifique : elle privilégie l'éducatif par rapport au répressif. Si cette spécificité doit bien entendu être préservée, il convient d'améliorer la célérité et l'efficacité de la réponse pénale à l'égard des mineurs pour que la sanction, empreinte d'une solennité renforcée, ait tout son sens et prévienne ainsi la récidive.
Élus de terrain, nous oeuvrons au quotidien pour que les jeunes ne s'ancrent pas dans la délinquance, même si ce n'est pas toujours chose aisée. Je salue la responsabilisation des parents inscrite dans le projet de loi. Elle permet de les insérer pleinement dans les mécanismes de lutte contre la délinquance en leur rappelant leur devoir. Cette disposition s'ajoute à des initiatives telles que l'action du Conseil des droits et des devoirs des familles, outil utile au service de la prévention de la délinquance, qui est malheureusement décrié par certains.
En outre, pour les jeunes qui commettent des infractions graves ou en état de récidive, il convient de mettre l'accent sur le suivi. Le renforcement des centres éducatifs fermés, qui ont prouvé leur efficacité, correspond à cette nécessité, de même que la mise en place du dossier unique de personnalité.
Le texte qui nous est soumis est porteur de véritables avancées pour une amélioration de notre système pénal. Je proposerai quelques amendements, dont l'un vise à améliorer l'efficacité du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes.
Monsieur le ministre, je vous confirme que le groupe UMP soutiendra pleinement ce projet de loi de bon sens, modéré, attendu et courageux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui procède d'une intention louable : faire davantage participer les citoyens à la justice rendue au nom du peuple français.
Par ailleurs, il a également pour vocation d'adapter notre justice à la délinquance des mineurs qui s'est largement développée ce qui, sur certains points, fait de l'ordonnance de 1945 un texte inadapté.
Ce texte se heurte néanmoins à un certain nombre d'obstacles. J'en vois principalement deux.
Le premier obstacle est celui de la visibilité. Ce projet de loi apporte certaines réponses opportunes sur le fond, mais il rend notre justice beaucoup plus complexe.
Comment expliquer qu'après avoir correctionnalisé certains crimes, on fasse du tribunal correctionnel une petite cour d'assises en y incluant des jurés ? Comment expliquer que certains mineurs seront jugés par une instance et que d'autres, les récidivistes, le seront par une instance différente ? Comment justifier que cette nouvelle organisation fasse l'objet d'une expérimentation par endroits et qu'elle ne s'applique pas partout ? Comment expliquer qu'il y aura désormais de petits tribunaux correctionnels en plus des tribunaux correctionnels et de petites cours d'assises aux côtés des cours d'assises classiques, qui seront elles-mêmes réformées ?
Bref, ce texte crée, en fait, un véritable mille-feuille judiciaire peu lisible pour nos concitoyens. Alors qu'il a pour objectif de rapprocher les Français de la justice, il donnera, au contraire, une légitime impression de complexité, s'il n'évoque pas l'opacité la plus totale. Ce n'est pas un climat de confiance mais de défiance qui risque de se créer.
Le deuxième de ces obstacles est celui des délais et des moyens.
Ce projet de loi propose tout à la fois de permettre à nos concitoyens de participer au fonctionnement de la justice de leur pays et de réduire les délais de jugement.
Sur le papier, cela semble réalisable. Sont ainsi prévues, entre autres dispositifs, des instances restreintes mais aussi plus nombreuses, des comparutions immédiates, des peines prononcées immédiatement, des placements en centres éducatifs fermés ou encore des travaux d'intérêt général. Toutefois, nous sommes plusieurs députés qui nous interrogeons sur la mise en oeuvre de ce projet de loi.
Il y a quelques semaines, j'ai visité le tribunal de grande Instance de mon département de Vendée. Je tiens à témoigner de l'exemplarité avec laquelle les magistrats, les greffiers et les agents que j'ai rencontrés, s'investissent pleinement dans leur mission. Pour autant, les qualités humaines dont ils font preuve, aussi nobles et efficaces soient-elles, compensent difficilement la déperdition d'énergie que provoque la détérioration, année après année, des conditions matérielles d'exercice, au détriment de leurs missions premières.
À l'image de nombreuses instances judiciaires, le tribunal que j'ai visité est en cessation de paiement. Il peine à faire appel à des experts judiciaires car ceux-ci ne sont pas payés. Il ne peut plus régler les heures supplémentaires de son personnel. Le tribunal travaille perpétuellement dans l'urgence et croule pourtant sous les dossiers.
Dans un tel contexte, comment, appliquer une réforme, sans doute nécessaire dans son volet destiné aux mineurs, mais qui demande des moyens humains, financiers et matériels supplémentaires ?
Monsieur le ministre, je veux appeler votre attention ainsi que celle du Gouvernement : la justice est un droit régalien, et la sécurité le premier droit des citoyens et s'il y a bien un domaine dans lequel l'État doit tenir toute sa place, il s'agit bien de celui-là.
Plus largement, la lutte contre l'insécurité ne peut être efficace que si tous les maillons de la chaîne de la sécurité fonctionnent efficacement. Et notre majorité doit envoyer un message fort. Nous devons nous prononcer aujourd'hui sur une réforme structurelle de la justice.
Comme beaucoup de mes collègues de la majorité, je ne suis pas opposée à ce qu'il y ait davantage de jurés dans nos tribunaux. Mais en réalité, l'urgence, à mes yeux, consiste avant tout à mettre en place une réforme opérationnelle de notre justice.
Il faut le faire, tout d'abord, en amont de la chaîne judiciaire, c'est-à-dire au niveau des forces de l'ordre qui assurent la sécurité au quotidien et au plus près de nos concitoyens. Il est indispensable, je ne m'y attarde pas car je l'ai déjà dit à cette tribune, que les moyens de nos policiers et de nos gendarmes soient maintenus et renforcés sur tout le territoire.
Ensuite, nous devons intervenir à l'échelon de la justice, je viens de l'évoquer.
Enfin, il faut agir à l'échelon de l'application des peines, qui souffre de deux problèmes : d'une part, la non-immédiateté de la sanction et, d'autre part, l'inexécution, ou l'exécution partielle, de la peine. Actuellement, la justice n'est plus dissuasive, car les peines ne sont pas appliquées, appliquées trop tardivement ou tout simplement allégées par un système aussi complexe qu'incompréhensible pour bon nombre de nos concitoyens : les remises de peines. Les chiffres sont éloquents. Je n'en citerai que deux : en 2010, on dénombrait, en France, environ 100 000 peines de prison non exécutées et plus de 80 000 en attente d'exécution, sans compter les milliers de criminels qui ne purgent pas l'intégralité de leur peine. Voilà qui explique certainement pourquoi, selon une enquête récente, 70 % des Français estiment que la justice est trop indulgente envers les récidivistes.
Comme l'a souligné mon collègue Éric Ciotti dans son rapport remis au Président de la République, « le caractère certain de l'application d'une sanction rapide et proportionnée favorise la prévention du passage à l'acte, de la réitération et celle de la récidive ». Il s'appuie sur un constat simple, que plus personne ne conteste aujourd'hui : plus la probabilité d'être arrêté et condamné augmente, plus la délinquance diminue. Toutes les études démontrent, en effet, que ce n'est pas tant la lourdeur de la peine qui est dissuasive que la certitude de son application par une sanction effective. Aussi la peine de prison avec sursis devrait-elle toujours être assortie d'une autre peine, amende ou travail d'intérêt général. En effet, la condamnation à une peine assortie d'un sursis n'est généralement pas considérée comme une punition, car ceux qui la subissent ont le plus souvent le sentiment d'avoir été acquittés. Pour ne pas laisser penser que certaines infractions sont « gratuites », il faut donc assortir tout sursis d'une autre peine.
Bien entendu, pour remédier à cette carence, il faut construire de nouveaux établissements pénitentiaires. Les gouvernements de droite comme de gauche ont longtemps négligé ce problème. Résultat : le ratio de places de détention en France est l'un des plus faibles de l'Union européenne, puisqu'il est de 83 places pour 100 000 habitants, alors que la moyenne européenne est de 143 places pour 100 000 habitants. Certes, la prison n'est l'idéal pour personne. Mais, sans elle, la justice perd toute crédibilité. Les victimes en sont choquées, les policiers indignés, les citoyens exaspérés.
L'argument simpliste et lâche selon lequel la construction de nouveaux établissements pénitentiaires coûterait trop cher mériterait d'être confronté à l'estimation du coût de l'insécurité elle-même. Dans une étude récente, l'économiste Jacques Bichot a ainsi estimé le coût du crime et de la délinquance en France. Son évaluation prudente le conduit à évaluer ce coût à 115 milliards d'euros par an, soit entre 5 et 6 % du PIB.
Si l'on renforce la chaîne policière, judiciaire et carcérale, dont chaque maillon est indispensable, on portera un coup fatal au sentiment d'impunité et l'on réduira d'autant le coût de l'insécurité. Voilà ce qui redonnera force et crédibilité aux décisions de justice, qui, comme le rappelle justement ce projet de loi, sont toujours rendues « au nom du peuple français ».
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, hier, Dominique Raimbourg et George Pau-Langevin ont largement démontré en quoi ce projet de loi prétendument consacré aux jurés populaires non seulement n'apporte pas de réponse aux difficultés actuelles de la justice, mais risque de les aggraver. Il prévoit même l'inverse de ce que proclame son titre, puisqu'il vise notamment à réduire la participation populaire aux jurys d'assises.
Pour ma part, je concentrerai mon propos sur la délinquance des mineurs.
Monsieur le ministre, il y a les débats parlementaires, les textes et les discours, et il y a la réalité de la prise en charge des mineurs délinquants en France.
La première question qui se pose est donc celle de savoir si ce texte apporte une réponse aux problèmes actuels de la justice des mineurs. Pour y répondre, je prendrai l'exemple des établissements pour mineurs, où sont détenus les mineurs et où les incidents se multiplient de façon récurrente. Lorsque je vous ai interrogé sur ce sujet, il y a quelques jours, en commission, vous ne m'avez pas répondu. Aussi permettez-moi de vous rappeler un certain nombre d'incidents récents. Le 12 avril dernier, à Meyzieu, une éducatrice de la PJJ a été prise en otage. Le 2 mai, à Marseille, une surveillante a été agressée, ligotée et bâillonnée. Début mai, à Lavaur, dans le Tarn, de multiples violences se sont produites pendant plusieurs jours. Lundi dernier, à Meyzieu, un surveillant a été giflé par un détenu. En raison de ces événements, les personnels de plusieurs établissements pour mineurs étaient en grève la semaine dernière.
Cette situation n'est pas nouvelle. En 2008, le rapport de Michèle Tabarot avait déjà révélé un certain nombre des difficultés que connaissent les établissements pour mineurs. J'avais alors demandé une remise à plat complète du projet de ces établissements, où la majorité des détenus sont des prévenus. Aujourd'hui, c'est le contrôleur général des lieux privatifs de liberté lui-même qui dénonce leurs défauts de conception. Un récent rapport d'inspection de la PJJ et de l'administration pénitentiaire a déploré « l'affectation systématique de jeunes professionnels inexpérimentés, la collaboration imparfaite entre la PJJ et l'administration pénitentiaire, l'architecture totalement inadaptée de ces établissements construits en partenariat public-privé, organisés autour d'une cour centrale qui rend la violence contagieuse, l'incohérence des parcours des mineurs incarcérés, qui sont ballottés entre les différents types d'établissements sans réelle logique ni pénale ni éducative. » Ce rapport met d'ailleurs en cause le concept même des établissements pour mineurs.
Ce rapport est le quatrième ou le cinquième consacré aux EPM : tous disent la même chose, et le Gouvernement donne le sentiment d'être spectateur. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous aimerions connaître votre diagnostic, les mesures que vous comptez prendre et les réponses que vous entendez apporter aux revendications des personnels.
Chacun s'en souvient, les EPM étaient au coeur des dispositions que la majorité avait fait voter en 2002 dans le cadre de la loi « Perben I ». Au moment où l'on nous demande de modifier l'ordonnance de 1945 pour la trente-cinquième fois – pour la cinquième fois depuis le début de cette législature –, le Gouvernement doit être mis face à ses responsabilités, à ses résultats, à son bilan.
La deuxième question est celle de savoir si le projet de loi apportera une efficacité nouvelle en matière de lutte contre la délinquance des mineurs. Il est permis d'en douter. Chers collègues, souvenez-vous : en juillet 2007, peu de temps après la victoire de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle, le premier texte de la législature examiné par la commission des lois était consacré aux peines plancher. Le Gouvernement nous avait alors annoncé que l'application de ces peines aux récidivistes âgés de seize à dix-huit allait résoudre le problème de la délinquance des mineurs. Déjà, il écornait les principes de l'ordonnance de 1945, puisque son texte prévoyait qu'en cas de récidive, les mineurs âgés de plus de seize ans devaient être jugés comme les majeurs. C'est le leitmotiv de la majorité, mais, à l'époque, elle ne s'en cachait pas : vous ne preniez pas les mêmes précautions oratoires qu'aujourd'hui. « Oui, nous considérons en effet qu'un mineur multirécidiviste de plus de seize ans peut être jugé comme un majeur » déclarait ainsi, en juillet 2007, Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois.
Au moins la majorité a-t-elle le mérite de persister dans la même voie : elle a débuté la législature en instaurant les peines plancher pour les mineurs ; elle l'achève en instituant les tribunaux correctionnels pour mineurs. La boucle est bouclée. Mais, entre-temps, que s'est-il passé ? Quel est le bilan ? Quels sont les chiffres ?
En 2005, le taux de réitération des mineurs était de 30 %. Aujourd'hui – c'est Éric Ciotti qui l'écrit dans son rapport –, 34 % des mineurs qui ont fait l'objet d'une décision pénale commettent une nouvelle infraction dans l'année. La situation s'est donc dégradée. On nous avait annoncé que les peines plancher allaient résoudre le problème de la délinquance des mineurs ; on constate, par exemple, que le nombre de mineurs mis en cause pour des violences physiques non crapuleuses a augmenté de 57 % depuis 2007. Là encore, la situation s'est donc dégradée.
Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, non seulement votre politique porte atteinte aux principes élémentaires de la justice des mineurs, mais elle se solde par un échec. C'est un naufrage total.
Pourtant, vous revenez, quatre ans après, comme si de rien n'était, avec les mêmes arguments, les mêmes recettes, le même empilement législatif, la même fuite en avant. Mais pour quelle efficacité ?
Vous prétendiez refondre l'ordonnance de 1945 dans un code de la justice pénale des mineurs et nous étions prêts à en discuter, pour peu que les principes constitutionnels soient respectés. Vous aviez même créé une commission pour engager ce travail. Mais vous n'avez rien fait.
Toute votre erreur tient au fait que vous vous focalisez, comme l'illustre la loi créant les peines plancher, sur les récidivistes de seize à dix-huit ans, alors qu'il faudrait concentrer l'effort là où tout commence, là où se situe l'enjeu primordial pour éviter la récidive, c'est-à-dire sur la nécessité d'apporter une réponse adéquate aux primo-délinquants.
Pour illustrer les défaillances, les failles de notre système en matière de réponse aux primo-délinquants, permettez-moi de vous citer un exemple éloquent. Des parents désespérés sont récemment venus me voir dans ma permanence parlementaire parce que, depuis plus d'un an, leur fils s'enfonçait dans la délinquance sans que rien ne l'arrête. En juin 2010, celui-ci, âgé de 14 ans à l'époque et déjà presque complètement déscolarisé, a commencé à commettre des infractions en raison de mauvaises fréquentations et de comportements addictifs. Les parents ont frappé à toutes les portes pour tenter de trouver une solution ; rien ne s'est passé. À l'automne, l'adolescent est brièvement hospitalisé pour traiter son addiction, mais il fugue de l'hôpital et le personnel soignant estime qu'il ne peut pas se substituer à la justice – ce que l'on peut comprendre. En décembre dernier, il y a sept mois, il commet des délits de plus en plus graves. Au moment où je vous parle, il fait l'objet de cinq mises en examen pour cambriolage et n'a toujours pas été jugé. En avril, il a été condamné, pour les faits les plus anciens, à une mesure de réparation. Cette décision, prononcée par le tribunal pour enfants, ne lui a toujours pas été notifiée et n'est pas d'avantage mise en oeuvre. Depuis le début de son parcours judiciaire, il a vu trois juges des enfants différents. Enfin, le 1er juin dernier, il a été placé en garde à vue après avoir donné un coup de couteau ; la victime s'est vu prescrire une ITT de trente jours.
Depuis le mois de février dernier, date à laquelle je les ai rencontrés, les parents de ce mineur demandent qu'il soit éloigné et puisse obtenir une place dans un centre éducatif. Pour de nombreuses raisons, il ne l'a pas obtenue. Ils avaient fait cette demande bien avant que leur fils donne un coup de couteau. Or, ce n'est qu'après avoir commis ce geste qu'il a été, pour la première fois, et en urgence, placé en foyer, dans l'attente de son jugement.
Si l'on fait le bilan, en un an, pas une fois il n'a fait l'objet d'une sanction suffisamment ferme et bienveillante. Comme le disent ses parents, « ce qu'on aurait voulu, c'est une réponse au bon moment pour éviter que le gamin “parte en vrille”. »
Voilà la réalité du terrain, et les situations que tous les élus rencontrent. Elles illustrent les failles qui existent, non pas dans les textes, mais dans la prise en charge concrète qui permettrait d'éviter cette escalade, car ce parcours est, hélas ! comparable à celui d'un certain nombre de mineurs. C'est pourquoi, lors de chaque débat parlementaire, nous avons proposé sans relâche que l'on explore une autre voie pour combattre la délinquance des mineurs, une voie qui privilégie la prévention et la sanction précoces.
La prévention précoce, c'est l'inverse de ce que vous faites, puisque vous avez démantelé toute politique préventive. Les besoins éducatifs, les parents désemparés, la perte des repères, le non-respect des règles, bref : tout ce qui demande de nouveaux moyens humains et de nouvelles méthodes de travail pour prévenir les comportements violents a été ignoré par le Gouvernement. Pis, sa politique a consisté à supprimer les surveillants et l'encadrement adulte dans les collèges et à fragiliser tous les acteurs de terrain en réduisant les subventions des associations et les budgets éducatifs. Il faut croire que la seule chose que le Gouvernement sache faire en matière de prévention, c'est commander des rapports. On en dénombre, tenez-vous bien, quatre en moins d'un an – le rapport Ruetsch, le rapport Bockel, le rapport Reynes, le rapport Bénisti –, si bien que je me demande si quelqu'un, au Gouvernement, prend la peine de les lire.
La sanction doit, elle aussi, être précoce. À l'inverse de la logique de vos tribunaux correctionnels pour mineurs, c'est sur les primo-délinquants que nous devons concentrer les efforts. Ce qu'il faut, c'est une sanction ferme, rapide et proportionnée dès le premier délit, c'est-à-dire sans attendre que s'installe l'escalade que je décrivais tout à l'heure. Dans le rapport de la mission d'information sur l'exécution des décisions de justice pénale concernant les personnes mineures, Michèle Tabarot indiquait d'ailleurs qu'« une prise en charge précoce des primo-délinquants serait à la fois plus efficace et moins onéreuse. Elle permettrait d'éviter la réitération et la récidive, avec un coût moindre pour le système judiciaire ».
Ce rapport démontre également que près de 70 % des mesures alternatives aux poursuites sont de simples rappels à la loi. D'ailleurs, le recours à ces rappels à la loi prononcés par les délégués du procureur a augmenté de 6 % entre 2007 et 2009 – ce sont les derniers chiffres disponibles – quand, dans le même temps, le nombre d'affaires « poursuivables » augmentait de 0,54 %. Cela en dit long sur le grand écart qui existe entre les discours vigoureux que nous entendons dans cet hémicycle et la réalité.
À l'inverse de la réponse factuelle et superficielle du rappel à la loi, la logique de la sanction précoce est de ne pas laisser s'installer un crescendo de comportements violents, en répondant au moyen d'une échelle de sanctions appropriée et claire, compréhensible par le citoyen : la mesure éducative d'abord, puis la réparation, l'encadrement, l'éloignement, enfin l'enfermement – uniquement en dernier recours. Cette échelle de sanctions passe par le développement massif des tuteurs référents, susceptibles de suivre dans la durée les mineurs soumis à des sanctions éducatives ; par des centres éducatifs renforcés ; mais aussi par de nouvelles formes de prise en charge, consistant par exemple en l'adaptation aux mineurs délinquants de l'encadrement mis en oeuvre dans les établissements publics d'insertion de la défense – les EPIDE – où des équipes pluridisciplinaires composées d'anciens militaires, d'enseignants, de personnels d'insertion, suivent de jeunes majeurs pendant au moins huit mois, en leur prodiguant une remise à niveau des fondamentaux scolaires, une éducation civique et comportementale structurante et une préformation professionnelle. Des collectivités locales ont proposé d'expérimenter cette solution nouvelle, mais le Gouvernement a refusé.
Un bref témoignage valant souvent mieux qu'un long discours, je veux vous lire un extrait des cahiers de doléances du tribunal de grande instance de Niort, plus particulièrement de son tribunal pour enfants : « La prise en charge des mineurs se heurte à une insuffisance d'établissements spécialisés, alors même que le phénomène est maintenant connu de mineurs qui, très jeunes, s'inscrivent dans une spirale délinquante et présentent très rapidement un profil multirécidiviste, épuisant en cela les dispositifs classiques. Dans les Deux-Sèvres, aucun établissement spécifique n'existe, c'est pourquoi les juges des enfants sollicitent la création d'établissements spécialisés, qui prennent la dimension de la problématique posée par les très jeunes multirécidivistes ». Voilà bien la preuve du réel besoin de structures alternatives à celles de l'enfermement dans les EPM et les centres éducatifs fermés.
Aujourd'hui, un peu avant le coup de sifflet final de cette législature, nous voyons M. Ciotti présenter, non sans habileté, cette nouvelle forme d'encadrement comme une idée nouvelle qu'il serait prêt à mettre en oeuvre, alors que le 2 septembre dernier, Hervé Morin, ex-ministre de la défense, s'y opposait farouchement – je tiens à votre disposition le texte de sa déclaration. Personne n'est dupe de ces propositions de loi de dernière minute n'ayant qu'un seul objectif : reprendre une bonne idée pour mieux la vider de son contenu.
Mes chers collègues de la majorité, la vérité de votre politique est dans vos actes et, alors que vous êtes aux responsabilités depuis neuf ans, aujourd'hui encore, nous examinons un texte dont la logique n'est pas celle de la sanction précoce ni celle du développement d'un nouvel encadrement.
Non, la logique de ce texte est celle de l'alignement de la justice des mineurs sur celle des majeurs ; celle de l'enfermement comme seule réponse à la récidive et à la réitération des mineurs délinquants ; celle d'une justice d'abattage, là où il faudrait une justice certes beaucoup plus rapide, mais aussi beaucoup plus personnalisée.
Si c'est à juste titre que vous évoquez les délais de jugement, je me permets de vous rappeler qu'avec mes collègues Dominique Raimbourg et Manuel Valls, en juillet 2007, mais aussi en 2009 et en 2010, lors de chaque débat parlementaire sur la justice des mineurs, nous avons proposé des amendements pour que le jugement intervienne plus rapidement par rapport à la commission du délit. À chaque fois, le Gouvernement et la majorité parlementaire ont repoussé ces amendements au motif que leur adoption nécessiterait des moyens. Et aujourd'hui, vous versez des larmes de crocodile sur la lenteur de la justice des mineurs !
Je repousse aussi l'argument selon lequel – je vous cite, monsieur le ministre – « cette nouvelle juridiction apportera une réponse mieux adaptée, du fait de sa plus grande solennité et de sa charge symbolique ». Franchement, compte tenu du profil des mineurs récidivistes de plus de 16 ans, croyez-vous que votre tribunal correctionnel pour mineurs va les impressionner, eux qui ne craignent ni la police ni la prison ?
Je n'ai pas dit cela, mais seulement qu'il ne fallait pas compter sur un effet dissuasif des tribunaux correctionnels pour mineurs.
En fait, ce n'est pas un hasard si, plutôt que de procéder à la fameuse refonte complète de l'ordonnance de 1945, vous préférez la démanteler étape après étape, hier avec les peines planchers, aujourd'hui avec ce tribunal correctionnel, en faisant à chaque fois mine de ne pas toucher à ses principes fondamentaux et en biaisant avec la jurisprudence constitutionnelle.
À chaque fois que vous avez réuni des commissions pour procéder à une réforme d'ensemble, ces commissions, y compris la commission Varinard, se sont prononcées de la même manière – à l'exception de deux propositions –, en affirmant leur attachement à ce que les principes fondamentaux de la justice des mineurs soient non seulement maintenus, mais renforcés. Il est un principe très simple, un principe élémentaire : c'est que la vie d'un jeune n'est pas écrite d'avance, et qu'il est faux de penser qu'à 13, 15, 16 ou même 18 ans, les parcours, les comportements, sont définitivement figés. Quand vous touchez aux principes de l'ordonnance de 1945, vous renoncez à cette idée qu'un relèvement du mineur est possible.
Fondamentalement, c'est cela, votre conception et votre idéologie : vous pensez qu'il n'y a plus rien à faire pour lutter contre la délinquance des mineurs, et qu'il n'y a donc plus qu'à les traiter comme des majeurs !
Chers collègues, ce texte tente laborieusement de camoufler le naufrage de la politique judiciaire de l'actuelle majorité. C'est en fait un texte identitaire, un texte idéologique dans lequel la droite essaie de retrouver des raisons de croire dans sa propre politique, dont l'échec est patent.
La droite s'est fait élire en 2002 sur le thème de l'impunité zéro. Presque dix ans plus tard, la justice est en crise et en souffrance. Ce n'est pas l'opposition qui le dit, c'est Étienne Blanc, qui n'est pas député socialiste et qui, tout en prenant un certain nombre de précautions avec les chiffres, souligne que « les statistiques disponibles font apparaître une dégradation sensible de l'exécution des peines ces dernières années » et en particulier « des délais d'audiencement, de jugement et d'inscription au casier judiciaire ».
Que ce soit pour les majeurs ou les mineurs, jamais la crise de la justice n'a atteint un tel paroxysme, et ce mauvais fonctionnement de la justice est devenu l'une des causes du durcissement de la délinquance. Voilà le constat dramatique que vous cherchez par tous moyens à dissimuler, derrière une nouvelle avalanche de textes qui s'empilent et d'annonces de propositions de lois.
Mes chers collègues, ce texte ne va pas résoudre les problèmes, mais les aggraver. Il piétine les principes essentiels de notre justice sans en améliorer l'efficacité, c'est pourquoi non seulement nous voterons contre, mais nous allons le combattre, et l'abrogerons si les Français nous font confiance en 2012 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « où il n'y a point de justice, il n'y a point de République » disait déjà saint Augustin, le père de l'Église latine.
Cependant, au fil des siècles, la question s'est posée de savoir qui devait rendre la justice. Pendant longtemps, la réponse est restée non négociable : il s'agissait d'une justice d'origine divine, rendue ou déléguée par le roi. Depuis la Révolution française, notre système judiciaire repose sur le principe d'une justice rendue au nom du peuple français, dans laquelle les citoyens doivent donc se reconnaître.
Pourtant, les délais de jugement extrêmement longs, les 80 000 peines non exécutées à ce jour, l'importance du phénomène de la récidive et les erreurs judiciaires qui ont marqué l'opinion, de l'affaire Dreyfus à la récente affaire d'Outreau, ont incontestablement éloigné la justice de nos concitoyens. C'est un euphémisme de dire qu'ils ne se reconnaissent plus dans notre justice, dont ils ont bien conscience qu'elle est au bord de l'asphyxie. Aussi, estimant qu'il ne faut jamais craindre le jugement du peuple,…
…je suis favorable au principe de cette réforme importante qui introduit des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels.
Cependant, ce texte suscite en moi plusieurs inquiétudes. En premier lieu, parce que je considère qu'il existe un sujet majeur à traiter prioritairement et de manière plus approfondie que ne le fait le texte : celui de la correctionnalisation judiciaire. Cette pratique, qui consiste à juger des crimes devant les tribunaux correctionnels, est contraire au droit ; elle contrevient à l'égalité des citoyens devant la justice, puisqu'elle est davantage pratiquée là où les cours d'assises sont le plus encombrées ; surtout, elle bafoue les lois que nous votons.
Or, je suis certain que les dispositions du texte sur ce sujet ne suffiront pas à lutter efficacement contre ce phénomène, qui toucherait entre 70 % et 80 % de crimes. Il me paraît urgent que la représentation nationale se penche sur ce problème, afin de disposer de réelles statistiques et d'examiner les moyens de lutter contre ce phénomène. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé une demande de commission d'enquête, déjà cosignée par plus de 80 collègues. Il n'existe, à ce jour, aucune étude sur ce sujet, resté sous silence durant des années. Or, quelles que soient les motivations censées justifier le recours à une telle procédure, il n'est jamais acceptable qu'une victime soit dans l'obligation d'amoindrir son préjudice parce que notre système judiciaire dysfonctionne !
Du fait que la question n'a pas été examinée en amont, l'introduction de jurés populaires comporte, de mon point de vue, plusieurs risques de paralysie du système : celui de ralentir encore les délais de procédure et celui de nécessiter un coût supplémentaire alors que notre système est déjà à bout de souffle.
Par ailleurs, je déplore que le dispositif proposé par le texte n'aille pas au bout de sa logique. En effet, à quoi sert-il d'introduire des citoyens dans les tribunaux correctionnels s'ils ne sont pas en majorité pour prendre les décisions ? Il ne m'a pas échappé que c'est la décision du 20 janvier 2005 du Conseil constitutionnel qui impose que les citoyens en correctionnelle soient minoritaires. Je regrette cette décision qui conduira les citoyens à avoir le sentiment de servir « d'alibi » – contrairement aux cours d'assises, où ils sont majoritaires. J'avais d'ailleurs proposé, par voie d'amendement, une solution consistant à ce que le nombre de citoyens représentés soit égal au nombre de magistrats – la présidence emportant la majorité en cas d'égalité des votes. Mais, et je le regrette, cet amendement a été déclaré irrecevable par la commission au titre de l'article 40.
Enfin, pour ce qui est des victimes, je souhaite, comme beaucoup de mes collègues, que leur soit envoyé un signal très fort afin de leur dire que nous sommes à leurs côtés. Je me réjouis d'ailleurs de l'adoption par la commission des lois de l'amendement que j'avais proposé, permettant à la victime de s'adresser directement aux juges, sans avocat, lorsqu'elle est amenée à comparaître ou à faire part de ses observations devant le tribunal d'application des peines. La présence de l'avocat représentait jusqu'à présent un coût considérable et déraisonnable pour la victime.
S'agissant, en second lieu, de la justice des mineurs, nous savons tous que la délinquance des mineurs constitue un fléau que nous n'avons pas réussi à endiguer, puisqu'elle a triplé en trente ans. De ce point de vue, nos collègues de l'opposition n'ont pas de leçons à nous donner, la part de responsabilité de ceux qui nous ont précédés n'étant évidemment pas moins lourde que la nôtre. Nous avons instauré une culture de l'excuse qui a transformé les petits sauvageons de 1945 en ces véritables caïds auxquels nous avons affaire aujourd'hui !
J'avais d'ailleurs souhaité lancer, en décembre dernier, le débat consistant à abaisser la majorité pénale à 16 ans, dans une proposition de loi soutenue par plus de 120 de mes collègues. Si ce projet de loi reprend certaines idées que j'avais développées dans mon texte, tels que le développement des travaux d'intérêt général et le cumul d'une sanction éducative avec une mesure ou une peine, je regrette les conditions très restrictives prévues pour être jugé par le tribunal correctionnel pour mineur nouvellement créé.
En effet, ce qui doit conduire un mineur de 16 ans devant un tribunal qui se rapproche du tribunal pour majeur, ce n'est pas la nature de ce qu'il a fait, ni le nombre de fois où il l'a fait, c'est son âge, sa maturité. En Belgique et aux Pays-Bas, le mineur de plus de 16 ans peut être renvoyé devant un tribunal de droit commun s'il est jugé mature. Ce n'est pas le choix qui a été fait par le Gouvernement, qui a proposé que ce tribunal spécial ne s'applique qu'aux mineurs de plus de 16 ans ayant commis un délit puni de plus de trois ans d'emprisonnement et se trouvant en état de récidive – ce qui ne concernerait qu'environ 300 mineurs ! Dans ma ville, la cinquième de France, une dizaine de mineurs par an seraient concernés : il me semble, monsieur le garde des sceaux, que la réalité de la violence imputable aux mineurs de 16 à 18 ans est largement supérieure à cela, et que nous n'y apporterons pas de réponse efficace si nous nous en tenons au principe de la récidive au lieu d'opter pour la réitération.
Je proposerai donc par amendement que l'on supprime ces conditions, ou au moins que l'on étende la compétence de ce tribunal aux cas de réitération, c'est-à-dire lorsque le mineur a commis un deuxième délit différent du premier. Ainsi, plus de 7 000 mineurs par an seraient concernés au lieu de 300.
Par ailleurs, je proposerai de réformer l'excuse de minorité pour les mineurs de plus de seize ans afin de changer pour eux le principe en exception. Ainsi, ces mineurs ne bénéficieront plus automatiquement de l'excuse de minorité : elle deviendrait l'exception, en cas de circonstances particulières liées à la personnalité de l'auteur.
Enfin, je proposerai surtout que le juge pour enfant ne préside plus obligatoirement ce tribunal correctionnel pour mineurs, comme l'avait introduit le Sénat, car notre objectif est bien de donner un signe fort aux délinquants : celui qu'à seize ans, certains, dès lors que l'étude de maturité l'a démontré, sont déjà responsable de leurs actes.
Monsieur le garde des sceaux, je reconnais que le Gouvernement fait avec ce texte un pas important pour apporter des réponses à la délinquance des mineurs.
Mme Batho vient, quant à elle, de tenir à cette tribune des propos totalement déséquilibrés. Ce gouvernement a le mérite d'avoir, depuis quatre ans, apporté des réponses régaliennes, que ce soit en matière de sécurité, de justice, de peines planchers, de lutte contre les bandes organisées, et il poursuit son effort aujourd'hui avec ce texte qui permet aux citoyens d'être plus présents dans le fonctionnement de la justice, et qui renforce l'efficacité de la lutte contre la délinquance des mineurs.
Mme Batho a laissé entendre qu'en matière de mesures éducatives et de prévention nous n'aurions pas joué totalement notre rôle, alors que notre volonté a toujours été de privilégier la prévention. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Dans notre pays, la lutte contre l'insécurité est une coproduction, où la prévention, en vertu de la loi de mars 2007, est de la responsabilité des élus locaux.
Mme Batho nous a fait part d'un rapport sur les Deux-Sèvres, la région de Ségolène Royal, constatant le manque cruel d'un centre d'éducation renforcé. Dans le département qui est le mien – je le dis devant mon successeur à la présidence du conseil général –, nous avons décidé ensemble, pour accompagner l'État, de construire un centre d'éducation fermé. Ainsi, aucun rapport ne pourra dire que nous avons fait défaut à la politique de justice.
Ce sont les municipalités de gauche qui sont les moins créatrices de conseils pour les droits et devoirs des familles. De même, notre pays ne compte qu'une trentaine de contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, nouvelle version, depuis la loi de mars 2007. Les collectivités dirigées par les socialistes prennent bien peu de part à la politique de prévention, alors que nous n'avons cessé de décentraliser ces politiques pour responsabiliser les élus locaux.
Oui, la prévention est une priorité. Nous l'affirmons mais, en même temps, nous ne nous contentons pas seulement de paroles, nous sommes aussi dans l'action. Nous menons de vraies politiques de prévention au plan local, en coproduction avec l'État dont les responsabilités sont régaliennes.
On parle de travaux d'intérêt général. Comment voulez-vous qu'un tribunal prononce de telles peines lorsqu'un maire, un président de conseil général, un président de conseil régional ne met pas à disposition d'un juge pour enfants, dans sa collectivité, des travaux d'intérêt général lui permettant de prononcer ces excellentes mesures éducatives d'accompagnement et de réparation ?
Les politiques que nous conduisons, même si je souhaite que nous allions plus loin sur ce texte, sont équilibrées entre la prévention et la sanction. C'est par un tel équilibre que, progressivement, à force de remporter des batailles, nous finirons, j'en suis convaincu, par gagner la guerre contre la délinquance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette intervention a été préparée par ma collègue Sylvia Pinel qui ne peut être présente aujourd'hui.
La justice de notre pays n'a sans doute jamais connu d'aussi grande crise que celle qu'elle traverse actuellement, et ce depuis quelques années. Sous-dotée en moyens et en personnel, elle peut de moins en moins assurer sa mission. La raison ? Un budget très faible, classant la France au trente-septième rang européen, ainsi qu'une politique gouvernementale qui se trompe de priorités et multiplie frénétiquement les projets de loi contradictoires et trop souvent inspirés de faits divers.
Bâti dans la hâte, ce projet n'a fait l'objet d'aucune évaluation préalable ni de la moindre concertation, notamment avec les professionnels du droit, qui n'ont jamais demandé cette réforme soumise en force au Parlement par le biais de la procédure accélérée. C'est qu'en l'occurrence ne compte que l'affichage médiatique.
Réformer la procédure d'audience et la justice des mineurs n'aura d'autre conséquence que de ralentir et d'alourdir le fonctionnement de notre justice.
À commencer par la création des citoyens assesseurs, appelés à siéger dans les tribunaux correctionnels aux côtés des magistrats. Qui seront-ils ? Des citoyens tirés au sort qui, comme nombre de jurés d'assises, faiblement rémunérés, iront à reculons siéger au tribunal.
Le point le plus préoccupant est la méconnaissance juridique dont ils souffriront ; il est permis de le penser, la majorité d'entre eux ne bénéficiant que d'une très courte formation. Vous proposez, dans ce texte, une journée de formation pour maîtriser la procédure et le droit pénaux. Pensez-vous, monsieur le garde des sceaux, que juger puisse s'apprendre en une seule journée ? Juger est un métier, qui exige des connaissances et une expérience acquises sur le long terme. Votre argument consiste à avancer que les citoyens assesseurs seront cantonnés à des domaines spécifiques, les violences, les vols avec violence, les agressions sexuelles, afin d'exclure de leur compétence les affaires qui nécessitent connaissances juridiques et expérience, comme les délits d'initiés, les affaires de corruption, les scandales financiers.
Ne craignez-vous pas de créer ainsi une justice correctionnelle à deux vitesses, l'une requérant la présence du peuple, pour des actes portant une atteinte particulièrement grave à la cohésion sociale du pays, comme le prévoit votre texte, et l'autre pour des actes tout aussi graves mais sans citoyens assesseurs parce que plus techniques ? Ce qui reviendrait à dire que les magistrats qui jugent des affaires complexes ne seraient pas aptes, seuls, à en juger de plus simples.
Pire, vous proposez d'écarter de nos juridictions des citoyens qualifiés reconnus pour leurs compétences juridiques, sociales et médicales, puisque, en matière d'application des peines, qui exige un suivi spécifique du condamné, le représentant de l'association d'aide aux victimes et le représentant de l'association de réinsertion, qui interviennent aux côtés des magistrats, seront remplacés par deux assesseurs citoyens non spécialisés. Pourquoi remplacer des citoyens qualifiés par d'autres tout simplement tirés au sort ? Pensez-vous réellement que la participation de non-professionnels permettra de répondre aux enjeux centraux pour notre société que sont l'application des peines, la lutte contre la récidive et la réinsertion ?
Conséquence : un inéluctable alourdissement de l'activité des juridictions, qui devront former en une journée ces citoyens assesseurs, leur communiquer le dossier de l'enquête ou de l'instruction, ce qui entraînera un allongement de l'audience et des délibérés.
Alors qu'un code des mineurs est supposé être en préparation, ce projet de loi entend par ailleurs réviser la justice des mineurs, c'est-à-dire modifier pour la trente-cinquième fois l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, dont la pierre angulaire est que l'éducation doit primer sur le répressif, soit l'exact contraire de l'ambition et de la politique du Gouvernement.
Or les mineurs ne peuvent être jugés pareillement aux adultes, ce vers quoi, malgré tout, vous nous proposez aujourd'hui de tendre, en alignant peu à peu le droit pénal des mineurs sur celui des majeurs, c'est-à-dire en portant atteinte au principe de la spécialisation des juridictions.
Le projet de création d'un tribunal correctionnel des mineurs de seize à dix-huit ans, inscrit dans ce texte, en est une parfaite illustration. En effet, les compétences et le fonctionnement de ce tribunal seront très proches de ceux d'un tribunal correctionnel, notamment parce qu'un seul juge pour enfants siégera aux côtés de deux magistrats non spécialisés.
Marginaliser le tribunal pour enfants est votre point de mire, au risque d'outrepasser un principe fondamental énoncé par le Conseil constitutionnel, selon lequel doivent être reconnues l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge et la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur responsabilité. Ce que défend également la Convention internationale des droits de l'enfant.
Nous devons le répéter, pour le jugement des mineurs, la sanction doit rester éducative. Ce projet de loi est donc contre-productif, car il allongera les délais de jugement, et irresponsable, puisqu'il créera des coûts supplémentaires non financés, soit le contraire des priorités urgentes pour soigner une justice qui souffre cruellement d'un manque de moyens.
Mais il ne faut pas être dupe : la volonté sous-jacente de ce texte est, pour l'exécutif, de dénigrer le travail des magistrats qui, parce qu'ils seraient coupés du monde et trop laxistes dans les peines prononcées, devraient être encadrés par des citoyens.
On ne peut pas laisser croire aux Français que la présence de simples citoyens auprès de magistrats sera un frein, qu'il s'agisse du jugement des mineurs ou des libérations conditionnelles. Les juges ne sont pas responsables de l'échec de votre politique pénale, pas plus qu'ils ne le sont de la délinquance.
Ce qu'attendent nos concitoyens de la justice, c'est une justice plus proche et accessible, y compris aux plus faibles d'entre eux, avec une aide juridictionnelle revalorisée, une justice sereine et indépendante siégeant dans des conditions dignes et jugeant sans pression politique ou médiatique. C'est pourquoi les députés radicaux de gauche et apparentés s'opposeront à l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, chers collègues, Proudhon définit la justice comme le respect de la dignité humaine en toute personne.
Faisant suite aux annonces de M. Sarkozy il y a quelques mois, vous avez présenté, monsieur le garde des sceaux, lors du conseil des ministres du 2 mars dernier, ses pistes d'action pour réformer la justice pénale des mineurs.
Le 13 avril 2011, le conseil des ministres adoptait le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs. Le jour même, le Gouvernement engageait la procédure accélérée, sans aucune justification. Dans la foulée, ce texte a été déposé au Parlement.
Si la procédure d'urgence et la méthode du débat parlementaire accéléré sont critiquables, c'est particulièrement sur le fond que votre texte est préoccupant.
Ce projet de loi est constitué de deux textes très différents réunis en un seul.
Il prévoit, d'une part, la contribution de citoyens assesseurs au jugement de certains délits, la suppression du jury de la cour d'assises statuant en premier ressort et son remplacement par deux citoyens assesseurs qui participeraient également aux décisions en matière d'application des peines. Le but de ce premier volet est de faire participer symboliquement et pour peu de temps certains citoyens aux décisions judiciaires les plus lourdes.
Il concerne, outre les assises, les condamnations correctionnelles mais également les aménagements de peines, les libérations conditionnelles et les périodes de sûreté. Tout en se revendiquant d'une démocratisation de la justice, du rapprochement de cette dernière avec les citoyens et d'une meilleure efficacité, le projet de loi est marqué au coin de la méfiance du Président de la République à l'égard des juges du siège,…
Bien sûr que non !
…ce contre-pouvoir qui lui tiendrait tête et qu'il accuse volontiers de laxisme, voire de faute, malheureusement, à chaque drame médiatisé.
D'autre part, ce projet de loi apporte des modifications importantes au droit pénal des mineurs. Il vise à faire progresser de façon significative l'alignement des tribunaux pour enfants sur les tribunaux pour majeurs.
De manière moins médiatisée mais plus conséquente, la spécificité de la justice pénale des mineurs constitue la vraie cible. Faute d'un code des mineurs dont l'avant-projet est en panne, le présent texte remet en cause la logique de l'ordonnance de 1945. Les mineurs de plus de seize ans seront jugés par une majorité de juges non spécialisés. Cette étape intermédiaire pourrait être la dernière avant la disparition de la justice des mineurs, remplacée par celle de droit commun. Dès à présent, la question se pose de sa constitutionnalité ainsi que de sa conformité aux engagements internationaux de la France.
Il s'agit de nouveau de punir le plus possible et le plus vite possible, en traitant de plus en plus les adolescents comme des adultes.
Ce projet ne s'attaque pas à la délinquance des mineurs, mais seulement à la façon dont ils sont jugés. C'est plus simple, plus visible, mais moins efficace et moins juste. Les principes régressent, pas la délinquance.
Ainsi, ce projet vide sournoisement de son sens la justice pénale des enfants.
Mais non !
Les quatre postulats sur lesquels vous vous basez s'inspirent de l'idéologie ultralibérale appliquée en matière pénale.
Le premier postulat, c'est que chacun est responsable de son devenir social à condition que les chances de chacun soient égales. Il n'est donc plus question d'égalité des droits mais d'égalité des chances. Selon cette vision, les conditions sociales d'origine ou d'existence sont délibérément ignorées et la responsabilité individuelle est déterminante dans la délinquance ou le chômage.
Deuxièmement, vous écrivez, monsieur le garde des sceaux, que pour lutter contre la délinquance ou contre l'insécurité résultant des problèmes scolaires, éducatifs, sociaux ou de santé mentale des familles en difficulté, il suffit d'exclure le noyau dur des individus responsables des troubles.
Troisièmement, vous affirmez que les professionnels de la justice, de l'action sociale et de la protection judiciaire de la jeunesse qui analysent les actes de délinquance comme des symptômes d'un malaise social sont totalement disqualifiés.
Quatrième postulat : seuls les responsables de proximité seraient efficaces pour mener la lutte contre l'insécurité et pour appliquer cette morale qui entérine les inégalités sociales ; pour vous, seuls les policiers et les hommes politiques locaux – les maires, les présidents de conseil général – seraient aptes à traiter en temps réel les problèmes sociaux.
Cette réforme qui part de l'idée selon laquelle les mineurs ne sont plus les mêmes qu'avant est une régression. Le Gouvernement a ainsi abandonné l'idée d'un code de justice pénale pour les mineurs qui, dans la foulée du rapport Varinard de 2008, devait se substituer à l'ordonnance de 1945 pour refonder notre droit. Une juriste du comité de la convention relative aux droits de l'enfant – la CDE – explique que « les enfants, c'est-à-dire toute personne de moins de dix-huit ans, ne doivent ni être jugés comme des adultes ni par des tribunaux pour adultes ».
Pour conclure, monsieur le garde des sceaux, ce projet de loi qui met en péril les principes de l'ordonnance de 1945 et qui méconnaît les exigences du droit international est une réponse inappropriée et inefficace aux problèmes de délinquance des mineurs,…
Vous n'en croyez pas un mot.
…problèmes qui mériteraient une réflexion plus approfondie. Je regrette que ce texte serve des objectifs autres que la protection des mineurs en difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la discussion générale qui occupe nos instants dans le contexte de l'appréhension de ce texte a permis jusque-là à nombre d'orateurs de se succéder à cette tribune. Certains d'entre eux voient dans notre démarche législative une mauvaise empreinte élyséenne, une posture électoraliste, une absence de concertation,…
…une suspicion illégitime mettant en cause le prétendu laxisme des magistrats, un texte sans logique et qui rend à l'état de leurre la recherche de l'enrichissement des débats judiciaires par l'apport de citoyens assesseurs.
Fort heureusement monsieur le garde des sceaux, l'excellent rapporteur et mes collègues de la majorité n'ont pas manqué de dévitaliser ces affirmations et ces objections. Le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs demeure un texte qui établit un juste équilibre entre répression, responsabilité et efficacité d'une part, adaptation à l'évolution de la délinquance des mineurs d'autre part.
En effet, l'instauration des citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels pour juger, aux côtés de trois magistrats, des atteintes aux personnes les plus sensibles conduira le citoyen à participer à l'élaboration d'une justice plus proche de la société, plus adaptée à ses préoccupations sociales. Ce système permettra également au citoyen de prendre part à l'élaboration de la décision pénale comme au suivi de l'exécution de la peine par le juge de l'application des peines.
Quant à la création d'un tribunal correctionnel pour les mineurs de seize à dix-huit ans, contrairement à ce qui est allégué, celle-ci ne remet nullement en cause le principe de spécialisation de la justice des mineurs ni celui de la majorité pénale à dix-huit ans. Bien au contraire, ce tribunal correctionnel sera une juridiction intermédiaire entre le tribunal pour enfants, de toute évidence inappropriée dans bien des cas pour les mineurs âgés de plus de quinze ans, et le tribunal correctionnel pour adultes, peu adapté, lui, aux mineurs de seize à dix-huit ans. La création d'un tel tribunal pour les mineurs de seize à dix-huit ans ne vient donc pas bousculer le principe d'égalité des mineurs de cette échelle d'âge devant la loi. Par ailleurs, le fait que la présidence de ce tribunal soit obligatoirement tenue par un juge pour enfants démontre la volonté du législateur d'apporter la réponse pénale la plus adaptée.
En outre, l'extension du contrôle judiciaire aux mineurs de seize à dix-huit ans procède de la nécessité d'apporter une réponse pénale adéquate aux types de violences actuellement commis par certains d'entre eux.
Enfin, la responsabilisation des parents de mineurs prévue dans le projet de loi est une mesure nécessaire à leur prise de conscience de leur rôle premier d'éducateur.
Ce projet est conforme aux exigences de la Cour de cassation comme à celles de la CEDH car il prévoit l'exigence de motivation requise pour la décision pénale, le caractère minoritaire en nombre des citoyens assesseurs et établit la combinaison du tirage au sort avec la vérification des aptitudes du citoyen assesseur, aptitude garantie à la fois par le mode de désignation de la personne et par des adaptations procédurales concernant l'examen des affaires.
Pour signer mon modeste propos, voilà un texte novateur, audacieux, qui répond à une nécessaire évolution, avec semble-t-il, à la clef, une efficacité prometteuse et accomplie. Ce projet de loi illustre l'engagement pris par le Président de la République, il bouscule les postures, les dogmes inutiles, pour faire émerger une loi bien nécessaire à l'évolution de notre société.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, le fonctionnement de la justice de notre pays ne s'est pas rénové ni modernisé aussi vite que la société française. Force est donc de constater le fossé, de plus en plus grand, entre nos concitoyens et le monde de la justice, monde qui leur apparaît complexe, opaque et désespérément lent.
La première partie de ce projet de loi, en organisant la participation des citoyens à la justice pénale, semblait apporter un début de réponse à ce problème, à savoir comment rapprocher la justice des citoyens. Mais je me demande si, au-delà des bonnes intentions, la complexité de l'introduction des citoyens assesseurs dans la procédure, l'allongement du temps des jugements et le coût de leur formation vont permettre vraiment d'aller dans ce sens. Il faudra donc bien utiliser la phase expérimentale car celle-ci permettra de tester le procédé et de le réajuster si nécessaire avant sa généralisation en 2014.
En ce qui concerne la place de la victime dans le jugement, j'ai bien entendu, monsieur le garde des sceaux, vos arguments, et je vous accorde que le sujet mérite d'être traité de manière plus globale et pas à travers quelques amendements. Mais au moment où l'on parle de rapprocher la justice et nos concitoyens, vous comprendrez que cette question devait être posée. Je n'ai donc pas d'opposition à l'égard de cette première partie du texte, sous garantie d'une juste évaluation des nouvelles mesures mises en place.
Par contre, en ce qui concerne la modification de l'ordonnance de 1945 et la question de la justice des mineurs, je pense qu'il aurait été urgent d'attendre et de ne pas procéder dans la précipitation pour aborder un sujet aussi grave.
Oui, il y a des mineurs qui sont des criminels, et on vient malheureusement d'en avoir un terrible exemple ; oui, certains d'entre eux sont des multirécidivistes ; oui, comme pour les adultes, la société doit se protéger contre leurs capacités de nuire gravement. Mais est-ce par la création de tribunaux d'exception pour les seize à dix-huit ans récidivistes que l'on résoudra ce problème ? Je ne le pense pas.
Posons-nous la question de fond : est-ce la vocation d'un enfant, d'un adolescent, de devenir un voyou ou un criminel ? Comment cela est-il possible ? Comment cela arrive-t-il ? Quand un gendarme ou un policier nous disent qu'il leur arrive d'arrêter un jeune pour la quinzième fois – je l'ai entendu ! –, cela fait quatorze fois de trop ! Oui, il faut impliquer les parents lorsque leurs enfants commencent à commettre des fautes ou des délits, mais il faut le faire tout de suite ! Il faut impérativement prévenir toute récidive par une prise en charge immédiate, au cas par cas, de l'enfant et de sa famille.
Il faut nous en donner les moyens, madame la députée.
Des mesures avaient été préconisées, telles les commissions éducatives en lien avec l'éducation nationale. Quelle est l'évaluation de ces mesures ? Certes, toute politique de prévention a un coût ; mais quel gain à l'arrivée pour la société !
C'est pourquoi j'aurais préféré, en concordance d'ailleurs avec les textes internationaux que la France a ratifiés concernant les droits de l'enfant, que l'ordonnance de 1945 ne soit pas, une fois de plus, retouchée jusqu'à en dénaturer l'esprit, mais qu'il soit mené une réflexion de fond permettant d'établir une politique globale préventive, éducative et répressive cohérente concernant les mineurs.
La question du dossier unique de personnalité est peut-être une bonne idée en soi…
…car l'enfant doit effectivement être considéré dans son environnement qui, plus que pour un adulte, peut expliquer son comportement et orienter la suite de la procédure. Mais attention à ne pas, à l'inverse, stigmatiser un enfant à travers son environnement familial ou géographique.
Par ailleurs, s'il faut effectivement que la justice soit rapide en ce qui concerne un mineur, elle ne doit cependant pas être expéditive.
S'agissant des tribunaux correctionnels pour les mineurs récidivistes de seize à dix-huit ans, je pense que le problème n'est pas l'âge, mais le motif et le contexte, et je n'y suis donc pas favorable.
Ces considérations font l'objet d'amendements que je défendrai et j'espère, monsieur le garde des sceaux, que vous leur prêterez une oreille attentive.
Sans problème !
Vous avez rappelé qu'il y avait moins de mineurs en prison grâce à des prises en charge différenciées. C'est très bien, mais je veux revenir sur la question du placement des jeunes condamnés en centres éducatifs fermés. J'attire l'attention sur le risque, comme d'ailleurs en milieu carcéral adulte, qu'il y a à mettre ensemble des primo-délinquants avec des multirécidivistes. Le mélange risque d'être détonant. La répartition devrait se faire par catégorie d'âge et par catégorie de délit ou de crime. J'ai eu l'occasion de visiter des centres éducatifs fermés dont les personnels font un travail remarquable, dans des conditions extrêmement difficiles. Car les adolescents accueillis dans ces structures, aux parcours tellement divers et tellement lourds pour certains, nécessitent une attention de chaque instant et un suivi sans faille.
Enfin, je tiens à insister sur la prévention. Nous avons tous des exemples de jeunes qui ont basculé dans la délinquance, dans les trafics en tous genres par désoeuvrement, par manque de perspective d'avenir… par facilité aussi ! Des structures pour leur venir en aide existent, telles que les écoles de la deuxième chance, les EPIDE, les engagements en service civique ou les engagements volontaires dans les structures militaires adaptées, elles permettent d'ouvrir à ces jeunes de nouveaux horizons avec d'excellents taux de réussite. Mais ces structures ne doivent être utilisées qu'à titre préventif, et surtout pas comme une sanction au risque de dénaturer complètement leur sens.
En conclusion, j'espère que nos débats permettront de reposer les bonnes questions et de dégager des pistes de consensus car nous avons tous le même but : améliorer la justice et protéger les jeunes de notre pays.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs, ce texte nous interpelle tous très profondément, citoyens que nous sommes, députés que nous sommes devenus par la volonté de nos concitoyens, parce que nous sommes tous concernés, tous impliqués.
J'ai eu, moi aussi, l'occasion de visiter un certain nombre de prisons au cours de l'hiver dernier. Je dois dire que j'ai été accablé par ce que j'ai vu, par les conditions dans lesquelles vivent des êtres humains. Certes, leur passif est très lourd et il est absolument indispensable de les mettre à l'écart pour protéger la société, mais de telles conditions créent un climat et un état d'esprit douloureux à surmonter.
On ne peut pas oublier non plus, même l'espace d'un instant, que nous sommes, pour la plupart d'entre nous, des hommes ou des femmes en relation avec des enfants, avec des jeunes.
Pour ma part, ce qui m'a paru le plus dur dans ma vie d'homme, c'est de devenir père. Je ne pensais pas que c'était difficile à ce point. Enfant attardé, devenu père subitement, j'ai été confronté à toute une série de difficultés, ce qui m'aide à mieux comprendre certaines choses.
Dans ce monde de plus en plus peuplé, dans notre France qui s'urbanise et qui compte de très grandes banlieues, la vie est bien différente de celle que nous avons connue. Tous les parents peuvent avoir du mal à s'occuper de leurs enfants : les couples restés unis, les familles recomposées et plus encore les mamans seules.
Même pour quelqu'un d'établi dans la société et jouissant d'un salaire et d'un certain niveau de culture et d'équilibre, c'est difficile. Alors, celui qui n'a pas eu cette chance, qui est entré dans la vie active très tard ou qui n'a connu que le chômage de père en fils, aura du mal à donner des repères à son enfant. Dès l'âge de sept ou huit ans, l'enfant accumule un passif qui s'alourdit encore à l'adolescence.
Comme la plupart d'entre nous, j'ai rencontré beaucoup de magistrats et leur situation m'a vraiment touché. Monsieur le garde de sceaux, je n'ai pas la réputation de brosser inutilement les chaussures, mais je voulais vous remercier, vous et vos services, pour les efforts que vous faites afin de nous réconcilier avec nos magistrats et la justice de notre pays.
Il faut reconnaître que ce que nous avons connu depuis des années n'allait pas franchement dans ce sens.
Cette situation me fait mal ; elle me touche. J'ai parlé des magistrats mais, comme eux, les gendarmes et les policiers sont confrontés tous les jours à la quadrature du cercle : alors qu'ils ne sont même pas équipés d'un ordinateur, on les charge de travaux herculéens qu'ils ne peuvent effectuer.
Des jugements un peu rapides ont été rendus sous la pression de l'opinion publique, dont l'influence se renforce avec la rapidité des moyens de communication – des exemples récents le montrent. Les magistrats se retrouvent dans une position intenable.
Aussi, monsieur le garde des sceaux, je pense que vous devez continuer votre travail de rencontre et de réconciliation avec nos magistrats. La France ne peut pas être fâchée à ce point avec sa justice, sa gendarmerie, sa police, ses agents, sa sécurité. C'est la preuve d'une mauvaise santé.
Quant à adjoindre deux citoyens assesseurs aux magistrats, je pense que le moment n'est pas venu, je vous le dis en conscience. Il y a trop de doutes, un trop grand manque de confiance pour que cette réforme puisse aboutir et réussir. Croyez bien que je le regrette et que je ne cherche pas seulement à jouer les Cassandre. Ces hommes et ces femmes, qui sont des professionnels, n'y arrivent pas alors qu'ils abattent un travail incroyable. Comment pourraient-ils intégrer des assesseurs formés en une journée ?
Revenons-en à nos jeunes. Puis-je dire, une fois encore, que je maudis le monde de l'argent qui s'est emparé de toute chose en 2010 ? Qui l'aurait imaginé ? En l'an 2000, nous rêvions tous de changements. Qui aurait pu dire que maître argent allait s'imposer à tous avec cette volonté inflexible contre laquelle on ne peut rien ? L'argent dégouline à flots, mais il n'y en a pas dans les caisses des États, et les États les plus riches sont aussi les plus endettés. Cela ne facilite pas la bonne administration et le règlement des problèmes que nous évoquons.
Peut-être ai-je enfoncé deux ou trois portes ouvertes en vous parlant de la parentalité, des magistrats, des policiers et des gendarmes. J'ajouterai qu'un élément détruit le lien social dans notre pays : le sentiment d'impunité éprouvé par ces jeunes dont j'ai tenté d'expliquer le parcours.
D'après nos interventions, on devine les zones géographiques les plus concernées, celles qui en souffrent le plus, notamment les grandes villes. Il y a là un problème. Une terrible exaspération monte chez certains de nos concitoyens, face à des jeunes qui ne sont pas jugés ou n'ont pas de comptes à rendre parce qu'ils ont seize ou dix-sept ans.
Sur ce plan, monsieur le garde des sceaux, j'adhère à votre proposition, mais faisons-le avec une infinie précaution. Je loue le jour où, les moyens revenus, nous pourrons embaucher beaucoup plus d'accompagnateurs de rue. Aux côtés des parents et des enseignants, ils pourront aider les jeunes à donner un sens à leur vie, afin que nous puissions supprimer ces tribunaux correctionnels pour mineurs que nous mettons en place aujourd'hui.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais prendre quelques minutes pour évoquer un point passé sous silence dans ces premiers échanges.
En effet, si seul le fonctionnement de la justice pénale semble concerné, cette réforme risque de ne pas être sans conséquence pour les services de police et de gendarmerie. Ainsi par exemple, les sessions d'assises devraient être théoriquement plus courtes mais plus nombreuses.
Sur les 2 400 affaires jugées annuellement en cours d'assises, seulement 10 % pourraient rester à la charge de la formation traditionnelle, tandis que 90 % relèveraient de la formation simplifiée et auraient en sus à juger certaines affaires criminelles qui sont actuellement correctionnalisées.
Selon les hypothèses, ce dernier volume pourrait varier entre 1000 et 2000 affaires par an. Une telle modification imposera une organisation et une disponibilité différente et importante pour les services de police et de gendarmerie.
En effet, pour ces derniers et notamment pour ceux chargés de la sécurité publique, les sessions de cour d'assises sont considérées comme sensibles et elles constituent des charges de travail non transférables, comme la police des audiences.
Ce poids supplémentaire apparaîtrait en contradiction avec les engagements récents du Gouvernement qui vise à diminuer les charges dites indues.
Apparemment, le transfert de personnel de la police et de la gendarmerie vers la justice – 800 équivalents temps plein – marque le pas, et les expérimentations annoncées ont du mal à se concrétiser.
La réforme provoquerait un doublement du nombre des audiences correctionnelles tant en première instance – 12 000 audiences prévues par an – qu'en appel – 2 450 contre 1 225 actuellement. Parmi ces audiences, celles dites de comparution immédiate concernent plus particulièrement les services de police qui les considèrent comme sensibles.
Leur augmentation pèsera donc lourdement sur leurs charges de travail d'autant que le calendrier des audiences en formation comprenant des citoyens assesseurs ne coïncidera pas forcément avec la présentation des mis en cause. Le Syndicat national des officiers de police – l'un des plus représentatifs – a ainsi évalué à 500, le nombre des audiences supplémentaires en comparution immédiate pour environ 4 000 affaires.
En sus de ces éléments, d'autres conséquences sont prévisibles et notamment liées à l'inévitable ralentissement de la justice correctionnelle. Personne ne nie, en effet, le risque d'engorgement des tribunaux en raison d'une augmentation des audiences correctionnelles et du temps qu'il sera nécessaire pour que les tribunaux traitent ces affaires. Il en résultera une durée accrue entre la résolution policière d'un dossier et son jugement. Étonnant paradoxe après tant d'années et d'efforts consacrés à rapprocher ces deux phases du processus pénal.
Ensuite, on peut anticiper une évolution des audiences vers une forme différente, plus orale, avec une explication plus détaillée du déroulement de l'enquête. Celle-ci était jusqu'ici appréciée par des professionnels, magistrats ou avocats, principalement sur la base d'une procédure écrite.
Dans les formations avec citoyens assesseurs, même si ceux-ci seront déchargés des questions de procédure, les policiers pourront être plus fréquemment appelés aux audiences correctionnelles. Un peu comme en cour d'assises, ils seront sans doute invités à exposer leurs investigations. Cette évolution semble d'autant plus probable qu'elle trouve un écho dans la réforme de la garde à vue qui a renforcé l'idée qu'une part de contradictoire pouvait exister dans l'enquête de police.
Si ces points ne sont pas en eux-mêmes critiquables, il convient cependant de prendre conscience que cela réduira le temps que les fonctionnaires de police et de gendarmerie consacreront à la lutte contre la délinquance.
En troisième lieu, je veux attirer votre attention sur le risque de sous-qualification pénale des infractions, à l'intérieur du champ correctionnel.
La lourdeur de la procédure criminelle ayant conduit à la pratique de la correctionnalisation fréquente de certaines qualifications, nombre de viols sont souvent poursuivis comme des agressions sexuelles, et des vols à main armée sont qualifiés de vols avec violence.
Dans le même esprit, il est à craindre que se développe une pratique de sous-correctionnalisation qui viserait à faire échapper certains faits à la formation comprenant des citoyens assesseurs.
Ainsi les contraintes de calendrier additionnées aux souhaits d'éviter la surcharge des audiences de la formation intégrant des citoyens assesseurs aboutiraient à éliminer certaines circonstances aggravantes de l'infraction pour la faire sortir du champ de la compétence du tribunal, alors même que l'enquête de police aurait pu établir la réalité des circonstances aggravantes. Poussée à l'extrême, cette pratique pourrait conduire à faire retomber l'affaire dans les voies classiques du jugement, voire d'alternatives aux poursuites.
Enfin, on ne peut pas exclure des complications liées à cette participation des citoyens à l'exercice de la justice, à l'exposition desdits citoyens aux risques de cette mission.
L'hypothèse du projet de loi table sur la participation annuelle de 10 000 citoyens à une décision de justice pénale. Or ces décisions sont rendues par définition dans le ressort territorial où résident à la fois les personnes poursuivies et les citoyens assesseurs.
Ces derniers, dans le projet de loi, ne semblent pas bénéficier de l'anonymat. Évidemment, ils bénéficieront d'une protection de la loi en tant qu'ils participent à l'oeuvre de justice. Mais cela n'exclura pas qu'ils puissent se trouver confrontés à des justiciables mécontents, après l'accomplissement de leur mission d'assesseur, voire au cours de cette mission.
Le risque est sans doute marginal mais les professionnels savent combien les victimes sont de plus en plus réticentes à l'idée d'une confrontation avec leurs supposés agresseurs. Même marginale, cette dimension ne doit pas être négligée mais au contraire intégrée. Une fois encore, ce sont les services de police et de gendarmerie qui seront amenés à gérer ces situations, ce qui leur occasionnera un surcroît de travail alors qu'ils n'en manquent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi en discussion contient des dispositions innovantes axées sur trois réformes d'ampleur : la participation de citoyens assesseurs aux jugements de certains délits et aux décisions concernant l'application des peines ; la création d'une nouvelle formation de la cour d'assises ; et, enfin, la modification de plusieurs dispositions de l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante.
Permettre une plus large ouverture de la justice sur la société en renforçant la participation de nos concitoyens au fonctionnement de la justice pénale figurait dans les engagements du Président de la République dans son projet pour la France de 2007.
Il apparaît, en effet, aujourd'hui nécessaire de renforcer le lien entre la population et l'institution judiciaire.
La participation des citoyens à la prise de décisions, souvent difficiles, améliorera à n'en pas douter la connaissance d'une institution complexe et largement méconnue du grand public.
De plus, il s'agit d'une réelle avancée en matière de citoyenneté et de civisme.
Parallèlement, cette réforme modifiera les pratiques des magistrats professionnels dans le sens d'une justice plus intelligible pour nos concitoyens.
Ce nouveau dispositif sera mis en oeuvre progressivement par une phase d'expérimentation dès 2012, pour s'étendre à un tiers du territoire l'année suivante. Elle nous permettra, avant l'entrée en vigueur définitive du texte, le 1er janvier 2014, d'évaluer avec une plus grande précision les répercussions éventuelles sur l'organisation des audiences.
Le Sénat a élargi le champ de compétence des formations comprenant des citoyens assesseurs. Ainsi, cette formation sera compétente, dès la première instance, pour tous les délits d'atteinte aux personnes, sous réserve que la peine encourue soit supérieure ou égale à cinq ans, et que ces délits ne relèvent pas de la compétence du tribunal correctionnel siégeant à juge unique.
Le deuxième point du projet de loi concerne l'amélioration du fonctionnement des assises.
La première innovation consiste à simplifier la procédure devant la cour d'assises de façon à la rendre plus efficace et plus rapide.
La seconde innovation est l'obligation, pour les cours d'assises, de motiver leurs décisions.
Enfin, dans son troisième et dernier volet, le projet de loi modifie l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, afin de rendre la réponse judiciaire plus rapide et plus lisible.
Monsieur le ministre, le principal grief adressé à la justice française des mineurs porte sur sa lenteur : entre le moment des faits et celui de la condamnation définitive, près de dix-huit mois s'écoulent, et jusqu'à cinq ans lorsqu'il s'agit d'une condamnation par une cour d'assises des mineurs. Or, vous le savez, la rapidité de la sanction est nécessaire pour permettre à un délinquant de prendre la mesure de son acte. Lorsque la sanction intervient au bout de dix-huit mois, la peine perd tout caractère éducatif.
Il s'agit aussi d'adapter la justice des mineurs à une délinquance plus violente, qui est le fait d'individus de plus en plus jeunes comme nous le démontre, malheureusement, l'actualité récente.
Le projet de loi comporte également un dispositif visant à mieux prendre en compte la personnalité du mineur délinquant : il s'agit de la création du dossier unique de personnalité, qui répond à une demande forte des professionnels, tant éducatifs que judiciaires.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit fort justement le renforcement de la responsabilisation des parents, en ouvrant la possibilité de délivrer un ordre à comparaître, afin de les contraindre à assister à l'audience.
L'autre objectif de la réforme consiste à accroître l'éventail des outils mis à la disposition des magistrats, afin d'adapter la réponse pénale à la personnalité des mineurs : peine assortie d'une sanction éducative, placement du mineur en centre éducatif fermé, assignation à résidence avec surveillance électronique, conversion d'une peine d'emprisonnement ferme de faible quantum, pour les mineurs de plus de seize ans, en travail d'intérêt général.
Enfin, ce projet de loi n'oublie pas la situation des victimes, puisqu'il prévoit l'information systématique de celle-ci de la date de jugement, afin de lui permettre de se constituer partie civile et d'obtenir réparation.
Notre commission des lois a institué un droit d'appel pour les victimes en cas d'acquittement par une cour d'assises, adoptant ainsi l'amendement de notre collègue Marc Lefur, dont je suis l'un des cosignataires.
Aujourd'hui, ce droit n'existe pas : la victime peut certes faire appel sur ses intérêts civils, mais elle ne peut pas demander la tenue d'un second procès pénal qui pourrait aboutir à l'établissement de la culpabilité pénale du mis en cause.
L'adoption définitive de ce dispositif, monsieur le ministre, serait une réelle avancée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi, qui modifie une nouvelle fois les institutions et la procédure pénale de notre pays, est pour moi et mes collègues un « avatar » au sens littéral du terme, c'est-à-dire le changement d'une chose qui a déjà subi d'autres transformations. Plus précisément, il est l'avatar l'idée présidentielle selon laquelle il suffit d'annoncer le durcissement de la répression pour que la délinquance diminue. Hélas, ce n'est pas le cas !
À bien y regarder, cette idée se décline, en fait, en trois axiomes : premièrement, les juges et la justice sont laxistes et les citoyens ordinaires à leur place le seraient moins ; deuxièmement, il n'y a pas assez d'incriminations et pas suffisamment de prononcés de peines afflictives ; troisièmement, il y a un laxisme à l'égard de la délinquance juvénile alors même que cette dernière aurait changé de nature, et ce, sans que l'on sache exactement quelle est la portée réelle du changement.
Partant de ces trois idées force, le projet de loi dont nous discutons institue des citoyens assesseurs en correctionnelle, donne une compétence au tribunal ainsi constitué sur des affaires qui « portent atteinte quotidiennement à la sécurité et à la tranquillité de la population », crée un tribunal correctionnel pour mineurs et met en place une procédure de comparution rapide pour eux.
Avant d'aborder ces dispositions, je souhaite faire une remarque de procédure.
Sur un sujet d'importance comme celui-ci, nous discutons selon la procédure d'urgence.
Procédure accélérée !
Il y a lieu de s'interroger sur le recours devenu courant à celle-ci. Cette utilisation finit par poser un véritable problème démocratique et constitutionnel.
Que le Gouvernement ait souvent recours, sur des sujets de cette importance, à la procédure d'urgence revient à vider complètement de son sens la procédure prévue par la Constitution de la double lecture par chacune des assemblées. Pourquoi existe-t-elle, si le Gouvernement peut systématiquement s'en dispenser sans porter atteinte à la qualité et à la nature des débats ?
Mais revenons au fond.
Vu la diversité des questions et le temps limité qui est le nôtre, je me contenterai de trois observations : une sur le champ des compétences des jurys, une autre sur la question des moyens utiles pour faire vivre la réforme, une dernière sur le retour en arrière que constitue la réforme de la justice des mineurs.
L'article 399-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue du projet, pose le principe de la compétence du tribunal correctionnel comprenant des citoyens assesseurs pour le jugement, en première instance et en appel, de certains délits.
Le choix de ces infractions vise à associer les citoyens au jugement des procédures concernant les affaires qui « portent atteinte quotidiennement à la sécurité et à la tranquillité de la population ». Sont cités « les violences, les vols avec violences, les violences conjugales habituelles et les agressions sexuelles ».
En sont donc exclues, malgré les lourdes peines qu'elles font encourir à leurs auteurs, les infractions en matière de stupéfiants et celles relevant du domaine économique et financier.
Quelle est la justification de ces exclusions ?
Des études montrent que les fraudes sont à la source de nombreux dysfonctionnements économiques et collectifs. Ma question est donc simple : les citoyens confrontés à une délinquance qui les spolie économiquement seraient-ils moins intelligents que pour les autres délits ? Évidemment non !
Il est plus probable que ce choix restrictif soit politique et tende à faire considérer que voler la collectivité sans menace apparente ou violence physique ne constitue pas un délit caractéristique de la délinquance quotidienne.
Ma deuxième remarque porte sur la question des moyens nécessaires pour mener à bien l'association de citoyens à la justice correctionnelle.
L'étude d'impact prévoit un doublement du temps d'audience et de délibéré par rapport aux mêmes affaires actuellement jugées sans citoyens assesseurs.
Elle anticipe sur le temps gagné par les procédures d'assises simplifiées pour compenser celui passé dans cette nouvelle formation correctionnelle. Pour éviter que des crimes ne soient requalifiés en délits, seraient, en effet, créées des « cours d'assises simplifiées ».
Ces cours d'assises « allégées » seraient composées de deux jurés populaires et de trois magistrats professionnels. Elles seraient compétentes pour les crimes punis de quinze à vingt ans de prison, à condition d'avoir l'accord préalable de toutes les parties : accusés, parties civiles et parquet.
En fait, le temps effectivement gagné sera en réalité très limité puisque ces procédures d'assises simplifiées nécessiteront la mise en oeuvre de moyens conséquents qu'impliquera le traitement par ces dernières des procédures aujourd'hui traitées dans le cadre de la correctionnalisation.
Autrement dit, les cours d'assises donneront des moyens dont elles n'auront plus besoin si leur propre activité n'est pas augmentée par une partie de ce que faisaient jusque-là les tribunaux correctionnels. Cela s'appelle redistribuer ce que l'on n'a pas encore et que l'on n'aura peut-être pas !
Concernant les locaux et applications informatiques, de nombreuses interrogations subsistent pour lesquelles les réponses ministérielles paraissent, là encore, optimistes.
J'en viens au dernier point : l'abandon d'une justice spécialisée pour mineurs qui a été rappelé par plusieurs collègues, y compris de la majorité. C'est un choix, qui selon moi, va à contretemps et se caractérise par l'absence de nouvelles mesures efficaces pour lutter contre la délinquance juvénile.
Plusieurs dispositions posent problème.
Le projet de loi instaure un tribunal correctionnel pour juger les mineurs « âgés de plus de seize ans, lorsqu'ils sont poursuivis pour un ou plusieurs délits commis en état de récidive légale et que la peine encourue est égale ou supérieure à trois ans ».
La composition de ce tribunal ne garantit en rien la spécialisation de la justice des mineurs puisqu'un seul juge des enfants est appelé à y siéger aux côtés de deux magistrats non spécialisés.
De plus, deux jurés citoyens pourront, dans le cadre des infractions visées à l'article 2 du projet de loi, composer cette juridiction, à l'instar du tribunal correctionnel pour majeurs, puisque le texte qui instaure les « jurés populaires » prévoit expressément l'application de ces dispositions pour le jugement des mineurs.
Par ailleurs, l'alinéa 2 de l'article 29 du projet prévoit une convocation délivrée sur instruction du procureur de la République par un officier de police judiciaire. Le mineur pourra être incité à choisir d'être jugé le plus rapidement possible pour éviter une période de détention provisoire et ce, même si ce délai rapproché peut, au fond, lui être défavorable, notamment si les éléments portant sur la personnalité et l'environnement du prévenu sont peu étoffés.
Au final, l'utilisation de la procédure de présentation immédiate, combinée à l'instauration d'une juridiction correctionnelle d'exception, risque fort d'aboutir à un système qui va quasiment permettre des comparutions immédiates de mineurs devant un tribunal identique à celui qui juge les majeurs.
C'est n'importe quoi !
Enfin, l'automaticité du renvoi des mineurs récidivistes devant le tribunal correctionnel risque d'empêcher toute modulation en fonction de la gravité des infractions
Un adolescent qui traverse une phase difficile peut commettre plusieurs délits de faible gravité. Dans ces situations, la réponse judiciaire consistant à le faire juger par cette juridiction d'exception paraît, là encore, disproportionnée et inadaptée.
Sur tous ces points, le projet tourne clairement le dos au principe de la spécialisation de la juridiction et des procédures pour les mineurs, qui est de valeur constitutionnelle.
Il s'oppose aussi aux exigences du droit international et notamment à l'article 6 de l'ensemble de règles minima des Nations unies concernant l'administration de la justice pour mineurs.
Au-delà du respect du droit, est posée la question de l'efficacité des mesures énoncées.
Il y a quelques semaines, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté, sur mon rapport, une résolution engageant les États à prendre diverses mesures éducatives, sociales et de réadaptation en vue de prévenir la délinquance et de lutter contre la récidive.
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est en effet inquiétée qu'actuellement, en Europe, on enferme « de plus en plus d'enfants, à un plus jeune âge » en ayant pris le soin d'examiner et visiter plusieurs dispositifs à l'étranger.
Elle considère que cette tendance va à l'encontre de toutes les données disponibles, montrant l'intérêt économique de mesures sociales et d'utilité collective.
Elle suggère que la justice réparatrice et la médiation soient proposées et développées en Europe en tant qu'alternative aux procédures judiciaires classiques.
Parallèlement, en Allemagne et en Espagne, des propositions sont faites pour qu'on spécialise la justice des mineurs et qu'on l'étende.
Au final, en s'inscrivant dans une dynamique opposée, ce texte laisse penser que ce qui est recherché, ce n'est pas le résultat, mais l'affiche et le menu. Peu importe qu'après l'annonce il n'y ait pas l'effet attendu, et ce faute de moyens et de pertinence.
Il est vrai que nous sommes déjà en campagne électorale et que ce qui compte « c'est moins ce qu'il y aura vraiment à manger » que « ce que le Chef annonce qu'il va cuisiner » !
Pour cette raison, j'indique dès maintenant que nous nous opposerons à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
« L'évolution historique voulue par l'État tend à réduire la présence du jury dans les enceintes de justice à mesure qu'il devient plus démocratique dans sa désignation. La justice, de plus en plus rendue par une caste, n'en continue pas moins de proclamer ses jugements “au nom du Peuple Français”. » J'emprunte cette citation à l'excellent ouvrage publié, il y a plus de quinze ans, par notre collègue Patrick Devedjian, également ancien ministre, Le temps des juges. La correctionnalisation, la réforme annoncée de la cour d'assises lui ont donné raison. Le texte que nous étudions aujourd'hui est une première réaction salutaire, quoique insuffisante, face à cette tendance détestable.
Détestable, elle l'est pour trois raisons, et d'abord parce qu'elle participe à ce vaste mouvement qui tend à déposséder le peuple et ses représentants de leur légitimité en les emmaillotant dans les avis et jurisprudences d'en haut, avec la CEDH et le Conseil constitutionnel, d'à côté, avec la Cour de cassation, le Conseil d'État ou les autorités administratives indépendantes, d'en bas, avec les décisions judiciaires absurdes ou contraires à l'esprit des lois.
Cette tendance est détestable encore parce qu'elle consacre la prétention des techniciens à empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. Le mépris des justiciables, l'orgueil du technicien de la justice éclatent dans les déclarations du juge Burgaud, expliquant sa « méthodologie » ou affirmant : « J'avais une mission technique. » Que ce soit à l'égard des victimes ou à l'égard des présumés coupables, en l'occurrence dans l'affaire d'Outreau à l'égard de ces présumés coupables victimes d'une épouvantable erreur judiciaire, la question se pose : où est l'humanité ? Notre collègue André Vallini a récemment invité certains d'entre nous au visionnage en avant-première d'un film consacré à l'affaire d'Outreau, Présumé coupable. Je vous conseille, mes chers collègues, d'aller voir ce film, si vous ne l'avez pas encore fait : c'est un véritable coup de poing. Il montre qu'un justiciable peut être traité avec une totale inhumanité, et comment la justice peut devenir incompréhensible pour lui.
La tendance est détestable, enfin, parce qu'elle souligne le pouvoir d'une caste enfermée dans un corporatisme, cet esprit de corps de magistrats inamovibles dont Tocqueville pointait le danger : « L'inamovibilité créée pour la garantie du justiciable ne profite qu'au juge contre les justiciables. L'inamovibilité qui permet au juge de monter sans pouvoir descendre est dangereuse. »
Un autre de nos grands auteurs libéraux, Benjamin Constant, écrivait : « L'esprit de corps n'est à redouter que lorsque l'institution des jurés n'existe pas. » Le texte d'aujourd'hui répond exactement à cette préoccupation.
Redonner à la justice sa légitimité démocratique, protéger les magistrats contre une dérive technocratique, rendre aux décisions judiciaires leur lien avec l'attente de la population, leur donner aussi plus d'humanité : tels sont les objectifs de ce projet de loi qui va dans la bonne direction puisqu'il associe désormais des citoyens au jugement des délits les plus graves et aux décisions en matière d'application des peines. Voilà des années que des crimes sont commis par des récidivistes alors que la simple application de la peine aurait dû maintenir le criminel en détention au moment de la récidive. Les statistiques à ce sujet sont inaudibles, dans la mesure où un innocent qui paye de sa vie la satisfaction statistique des juges, c'est encore une victime de trop. Natacha Mougel, Anne-Lorraine Schmitt, les victimes de Fourniret, de Paulin, de Guy Georges, de Pierre Bodein, en témoignent abondamment.
Cette réforme nécessaire n'est pas suffisante. En même temps que l'on introduit une minorité d'assesseurs citoyens en correctionnelle, on diminue le nombre de jurés aux assises. Quand on connaît la morgue de certains magistrats, on ne doute pas de leur capacité de subvertir l'opinion des jurés.
À propos du procès d'Outreau, on songe à l'attitude du président Monier qui, au moment où Mme Badaoui dénonçait la fausseté de toutes les accusations, regardait sa montre parce qu'il était préoccupé par une question d'emploi du temps – détail souligné par Acacio Pereira dans un livre entièrement consacré à cette même affaire et qui porte un titre très dur, Justice injuste.
Un jury populaire devrait pouvoir répondre aux questions en son âme et conscience, à l'abri de toute pression et de toute autre présence. Quant aux magistrats qui représentent l'autorité judiciaire, il faudra bien, pour qu'ils acquièrent la légitimité d'un pouvoir, qu'ils en passent par la seule source de légitimité, l'élection par le peuple. Cette évolution nécessaire répond à une double préoccupation : rendre la justice plus conforme à l'idéal démocratique et la rendre aussi plus efficace pour mettre fin à ce que l'avocat général Philippe Bilger – un grand magistrat – appelait « les innombrables dysfonctionnements d'une justice qui refuse obstinément d'apprendre la culture du résultat ». Il s'agit, en vérité, d'une culture du résultat dans la proximité, et je m'étonne à cet égard des réticences de la gauche face à cette nouvelle forme de proximité des juges avec les assesseurs citoyens, elle qui réclame tant de proximité, par exemple, en matière de police.
Certes, les arguments techniques et notamment financiers ne sont pas favorables à cette évolution, mais, je le disais tout à l'heure, le débat sous-jacent qui nous réunit aujourd'hui, c'est celui qui oppose la démocratie à la technocratie. Il s'agit de choisir le camp de la démocratie en votant ce texte, et en introduisant plus de démocratie dans le fonctionnement de notre justice.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je me contenterai d'évoquer les dispositions concernant la justice des mineurs, car le sujet me passionne et me préoccupe. Nous pouvons sans doute nous accorder sur un constat : depuis de nombreuses années, la délinquance des mineurs gagne du terrain, le nombre de mineurs concernés par une procédure ne cesse de croître et les mineurs délinquants sont de plus en plus violents. Mais, contrairement à ce qui a pu être dit sur les bancs de la droite, ce phénomène n'est pas nouveau. Tous les acteurs locaux savent qu'il ne cesse de s'amplifier et que, localement, les situations sont de plus en plus difficiles à gérer. Devant ce constat dramatique, nous devons être objectifs : la gauche a une part de responsabilité dans cette situation et elle a d'ailleurs été sanctionnée pour cela, en 2002, par les Français qui considéraient – même si l'on peut en discuter – que, en la matière, elle n'avait pas été à la hauteur de la tâche. Mais, depuis 2002, monsieur le garde des sceaux, c'est votre majorité qui est au pouvoir, et l'on peut donc considérer que vous avez aussi une part de responsabilité dans cet échec patent : voir tant de mineurs basculer dans la délinquance et dans la violence extrême. Les événements des derniers jours ont montré comment certains jeunes, qui n'ont pas a priori basculé dans la délinquance, peuvent dans certaines circonstances laisser libre cours à une violence terrible et devenir des meurtriers.
Ce constat, sur lequel nous pouvons nous accorder, devrait nous inciter à rechercher des solutions communes. Mais, avec ce projet de loi, monsieur le garde des sceaux, il semble que vous reconnaissiez les raisons de cette dérive dans les institutions judiciaires. Vous expliquez en effet que la justice des mineurs ne paraît pas capable de régler le problème pour les cas les plus difficiles, et vous proposez donc de changer le dispositif en place en créant un tribunal correctionnel pour mineurs. Je vous le dis tel que je le pense, monsieur le garde des sceaux : avec cette mesure, vous allez échouer comme vous l'avez fait avec les précédentes. Il y a deux raisons à cela. D'une part, vous pouvez créer toutes les juridictions particulières, tous les tribunaux que vous voulez, vous serez, quoi qu'il arrive, submergés par une vague qui va aller en s'amplifiant. Nous ne mettons pas suffisamment de moyens dans la justice des mineurs pour aborder d'une manière efficace le problème de leur délinquance spécifique. Les nouveaux tribunaux échoueront comme les précédents, car ils n'auront pas les moyens de prendre en compte cette problématique.
Votre texte s'attaque à l'un des piliers les plus importants du droit français, la fameuse ordonnance de 1945, ce qui est particulièrement dommageable. Ce texte, reconnu par l'ensemble des grandes démocraties, a pourtant un intérêt particulier, car il affirme qu'un enfant ou un adolescent n'est pas un adulte, que l'on ne peut donc pas le traiter comme on traite un adulte, qu'une société doit faire en sorte qu'il ne devienne pas délinquant mais que si, par malheur, il a basculé dans la délinquance, on doit tout mettre en oeuvre pour qu'il ne récidive pas et pour qu'il réintègre la société, pour le protéger. Je sais que cette idée peut en choquer certains, mais notre société doit parfois, en effet, protéger ceux qui ont basculé dans la délinquance. Il n'est pas question de trouver des excuses à ce qu'ils font : nous devons simplement trouver des explications et tout mettre en oeuvre, avec des mesures éducatives, pour éviter la récidive.
Pour cela, il suffit que les professionnels de la justice et des mesures éducatives soient en nombre suffisant pour prendre en compte la personnalité du mineur concerné et pour que l'on puisse, en partenariat avec les familles, accomplir un travail efficace, afin d'aider ce jeune à sortir de la délinquance. Lorsque l'on dégage suffisamment de moyens humains, cela fonctionne. Lorsqu'on donne des moyens à toutes les institutions judiciaires qui s'occupent des mineurs, on est efficace, on obtient des résultats satisfaisants. Ce n'est donc pas la forme des tribunaux qui est en cause, monsieur le garde des sceaux : ce sont les moyens accordés aux services actuels de la justice des mineurs.
Certes, nous en sommes tous conscients, il faut aussi que la justice évolue, qu'elle s'ouvre un peu plus sur la société qui l'entoure, en particulier sur la société dans laquelle vit le jeune. Delphine Batho le disait excellemment tout à l'heure, nous sommes tous confrontés à des situations où la justice des mineurs n'est plus en phase avec la réalité sociale du terrain sur lequel vivent les jeunes concernés. C'est particulièrement vrai dans les phénomènes de règlement de comptes entre bandes, qui sont souvent des causes ou des vecteurs de délinquance des mineurs. La justice des mineurs n'est pas forcément au fait de l'évolution de la délinquance et des bandes, évolution rapide, qui nécessite que l'on ait une connaissance très précise des territoires. Dans le cadre des contrats locaux de sécurité, il m'est arrivé de discuter avec des juges des mineurs qui ne connaissent pas la réalité des terrains. On pourrait donc proposer que ces juges soient davantage impliqués dans l'élaboration des contrats locaux de prévention et de sécurité, qu'ils soient présents auprès des acteurs locaux, non pas pour demander à ceux-ci ce qu'il faut faire – ce sont les juges ou les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse qui doivent en décider –, mais tout simplement pour être au fait de l'évolution de la délinquance des mineurs dans un territoire, pour pouvoir juger en toute connaissance de cause.
Certains dysfonctionnements actuels de la justice des mineurs relèvent davantage d'un manque de moyens que d'un défaut d'organisation : ils devraient nous inciter à tisser des liens entre l'ensemble des acteurs locaux et la justice. Dans le cadre du contrat local de prévention et de sécurité de la ville dont je suis maire, le procureur et moi-même avions décidé que c'était au maire de convoquer les adolescents qui faisaient l'objet de signalement par l'éducation nationale, car ils étaient trop souvent absents ou perturbaient trop la vie d'un collège. Un jeune que j'avais convoqué vint donc accompagné d'un adulte que je pris pour son père et à qui j'expliquais que son fils commençait à poser des problèmes au collège. L'adulte demanda à me parler en tête en tête et m'apprit qu'il n'était pas le père, mais l'éducateur de la PJJ préposé au suivi du mineur. Ainsi, le collège de l'élève concerné n'était pas informé que celui-ci était suivi par la PJJ, ce qui trahit un dysfonctionnement de l'ensemble des institutions.
Si toutes les institutions – éducation nationale, collectivités locales, justice des mineurs – ne travaillent pas main dans la main pour faire en sorte que l'adolescent, le jeune, soit pris en compte d'une manière globale et cohérente, il peut effectivement y avoir des dérives, et un certain nombre de jeunes peuvent passer à travers les mailles du filet et basculer durablement dans la délinquance.
Je crois donc vraiment, monsieur le ministre, que les tribunaux correctionnels pour mineurs proposés ne sont pas la solution. Ils seront submergés comme le sont les tribunaux pour mineurs actuels et ils ne seront pas plus efficaces s'agissant des cas les plus durs. Je crois en revanche que, si nous donnons les moyens suffisants aux institutions actuelles et si nous renforçons les liens très forts qui existent entre toutes les institutions publiques qui travaillent sur le territoire dans lequel évolue le mineur, nous aurons, pour le coup, une efficacité réelle.
C'est, bien entendu, la raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas votre texte.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, que l'on soit pour ou contre ce texte, que l'on ait des observations à formuler ou que l'on souhaite l'amender, force est de reconnaître qu'il s'agit d'un texte d'innovation politique et démocratique, à l'image de l'oeuvre de réforme engagée par le Gouvernement que M. le garde des sceaux représente ce soir au banc des ministres.
Je ne parlerai que de la justice des mineurs, pour m'interroger sur le moment où un individu se transforme en citoyen, sur le moment où l'esprit de responsabilité, le respect de l'autre et le refus de la violence forgent une conscience.
Chacun le sait, et les interventions de cet après-midi l'ont mis en lumière, l'enfance reste le lieu de tous les conflits, de toutes les fragilités, de tous les dangers, et notre droit, tant avec les dispositifs de protection de l'enfance qu'avec l'excuse atténuante de minorité, prend en compte la dimension inachevée de ces personnalités en devenir. Il ne s'agit naturellement pas d'exonérer de leur responsabilité les mineurs qui se rendent coupables d'actes délictueux : toute violence est illégitime, tout agissement délictueux doit être sanctionné avec fermeté et rapidité, et c'est l'objectif visé par ce texte. Il faut cependant que nous gardions aussi à l'esprit l'exigence première d'oeuvrer en faveur de la réinsertion la plus réussie, la plus positive, de ces jeunes, y compris de ceux qui sont confrontés à une forme de déclassement, de relégation, de perte d'espoir et de confiance dans l'avenir ou, tout simplement, qui sont frappés par les effets d'une crise sans précédent et d'un chômage important.
Adapter, comme vous avez décidé de le faire, l'ordonnance de 1945 est parfaitement légitime. Il faut se rappeler qu'elle a été l'objet de multiples modifications et qu'elle venait elle-même stabiliser un droit assez erratique, oscillant entre des solutions très libérales et des solutions extrêmement répressives pour les mineurs ; je pense en particulier à la création d'un bagne pour enfants. En proposant, comme vous le faites aujourd'hui, d'adapter notre droit, vous restez fidèles au cadre de 1945, mais il aurait sans doute été heureux, monsieur le ministre, d'inscrire cette réflexion sur la justice des mineurs dans une vision juridique plus large au moment même où vous avez indiqué qu'un code de justice des mineurs était en cours d'élaboration. De la même façon, nous n'échapperons pas à une approche globale des dysfonctionnements sociaux qui touchent au coeur de notre démocratie, faisant de jeunes adolescents les auteurs de fautes parfois inqualifiables.
Cette référence que représente, dans notre droit, la justice des mineurs évolue avec ce texte vers un certain nombre d'innovations. Tribunal correctionnel, mise en oeuvre d'une procédure de comparution directe, création d'un dossier de personnalité, mise en cause de la responsabilité parentale : tout cela paraît tout à fait justifié dès lors que nous restons extrêmement attentifs à la fidélité aux principes constitutionnels de l'ordonnance de 1945. Ces principes, non seulement, monsieur le ministre, vous les connaissez parfaitement, mais vous les avez rappelés avec force, à l'instar d'un certain nombre d'associations et d'organismes ; je ne citerai que la Commission consultative nationale des droits de l'homme, qui a exprimé avec beaucoup de rigueur l'importance du respect de ces principes, s'agissant tant du principe de spécificité que de la prééminence affirmée des mesures éducatives sur des sanctions plus répressives. On ne peut naturellement pas dissocier la politique pénale de la politique éducative.
Ces principes de valeur constitutionnelle s'inscrivent aussi dans nos engagements internationaux, vous le savez, et il importe – je me permets d'y insister – que nous respections ceux-ci. Je réitère donc à cette tribune l'idée qu'il faudrait doter le Parlement, sans doute avec l'exécutif, d'un mécanisme d'évaluation de nos engagements internationaux, que nous mettons beaucoup d'énergie à négocier. Nous devons veiller avec un soin particulier à leur application exemplaire.
Ce texte doit donc être soutenu, mais je voudrais, monsieur le ministre, que vous puissiez apporter, au cours des débats, tous les apaisements, notamment lors de la discussion des amendements, pour que chacun comprenne qu'il n'y a aucune dérive de la justice des mineurs vers le droit commun. Une telle dérive, de même que l'abaissement de l'âge de la majorité pénale, ne serait effectivement pas acceptable.
Je termine sur les limites qui peuvent aujourd'hui être celles des solutions répressives dans une société moderne. Pour nécessaires qu'elles soient, celles-ci ne peuvent constituer un signal suffisant à l'adresse d'une jeunesse en quête de repères, qui a besoin de retrouver confiance dans la société et dans l'avenir. Au moment où un certain nombre de nos institutions, quelles que soient leurs qualités, ont moins de prise sur la société, il faut fuir le concept globalisant d'une jeunesse à la fois dangereuse et en danger. Il faut peut-être, en revanche, saisir ce moment pour nous appuyer d'une manière tout à fait nouvelle non seulement sur nos associations et nos réseaux sociaux, qui font un travail remarquable, mais aussi sur de nouveaux réseaux d'entraide et d'initiative privée. N'est-ce pas le moment, monsieur le ministre, de mobiliser la société pour valoriser la compétence au profit des jeunes, dans leur parcours, dans la prévention, dans l'accompagnement éducatif personnel, de façon à ce que l'engagement citoyen soit au rendez-vous de ce grand pari de la jeunesse ? Il faut aussi que le Gouvernement réaffirme sa volonté, que je crois partagée, d'une politique en faveur de la jeunesse de ce pays. N'oublions pas qu'il s'agit tout simplement de notre avenir. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi dont nous allons débattre n'a pas véritablement de « double objet », contrairement à ce qui est prétendu dans son exposé des motifs : il est constitué de deux textes très différents réunis en un seul. Si on voulait leur trouver un dénominateur commun, ce serait l'échec de Nicolas Sarkozy dans sa lutte contre la délinquance et le crime.
Confronté à l'inefficacité de sa politique, il choisit de relancer le débat sur des orientations populistes et, à l'occasion, il continue son bras de fer avec la justice.
Dans le temps qui m'est imparti, et pour vous ménager, je ne traiterai que de l'association des citoyens à la justice correctionnelle. Les orientations de ce projet, inopportun et de toute façon inapplicable, sont un leurre.
Tout dans la nuance !
C'est ce qui ressort de l'exposé des motifs, monsieur le ministre.
Pourquoi un leurre ? Parce que l'on a bien compris que ce projet est un pas de plus franchi par le Gouvernement et le Président de la République dans leur démagogie. Il s'agit, pour la majorité, de communiquer en direction des médias et de l'opinion publique sur l'introduction des « jurés » dans les juridictions correctionnelles et d'application des peines.
Regardons-y de plus près. S'il s'agissait de faire rendre la justice par le peuple et non plus au nom du peuple français, pourquoi ne pas aller plus loin, soit en rendant ces assesseurs citoyens majoritaires – M. Estrosi a dit la même chose –,…
Ce ne seraient plus des assesseurs !
… soit en poussant le raisonnement jusqu'à l'absurde et en supprimant le rôle des magistrats dans la décision qui serait rendue uniquement par des jurés populaires ? Ainsi aurions-nous suivi la logique jusqu'à son terme. Ce n'est pas sérieux, j'en conviens, mais je voulais simplement faire la preuve par l'absurde ; c'est, vous le savez, un mode de raisonnement.
C'est un leurre puisque, dans le même temps, si les citoyens assesseurs sont finalement exclus des cours d'assises, le nombre de jurés dans ces cours d'assises diminue. Il passe de neuf à six en première instance – le projet initial prévoyait de le réduire à deux citoyens – et de douze à neuf en appel. Où est la cohérence? Tantôt on fait appel aux jurés, tantôt on les supprime !
C'est un leurre aussi de laisser croire que, face à la multiplicité des procédures et délits, on est capable de « former » autant d'assesseurs citoyens pour une justice efficace. C'est d'autant plus curieux lorsque l'on refuse dans le même temps à la justice professionnelle les moyens d'exercer sa mission.
Si l'on regarde du côté des aménagements de peine – libérations conditionnelles et périodes de sûreté –, de quel suivi dans le temps les assesseurs disposeront-ils pour prendre leur décision sur ces dossiers ? Ce ne sont effectivement pas des professionnels, et ils ne vont pas y passer toute leur vie.
Enfin, remarque incidente, sont exclues du champ de la compétence du tribunal correctionnel – je le comprends, c'est tout à fait logique – les affaires complexes, la délinquance astucieuse – j'aime cette formule –, financière, organisée, fiscale ou portant atteinte à l'environnement, mais l'on peut craindre que l'auteur de ces délits sophistiqués n'appartienne pas aux mêmes catégories sociales que l'ensemble des prévenus et coupables. S'agit-il donc d'une justice différente selon les cas? Je pose la question.
Je le répète, le Président Nicolas Sarkozy agite un leurre pour tenter de faire oublier son échec face à la délinquance et la criminalité et régler ses comptes avec la justice de notre pays. Cette réforme, véritable usine à gaz, est inopportune Le champ de compétence de ces nouveaux tribunaux correctionnels citoyens comprend les affaires les plus graves, passibles de peines d'emprisonnement supérieures à cinq ans, qui sont de plus en plus complexes. Or les citoyens assesseurs disposeront d'une formation sommaire – un fascicule et un jour de formation – et du soutien des magistrats de métier, mais ils n'en seront pas moins des magistrats, puisqu'ils ne pourront être récusés que selon les règles strictes applicables aux magistrats. Tout cela n'est pas très sérieux, et l'on attend d'eux qu'ils siègent dans une instance collégiale et participent, dans la mesure de leurs moyens, aux jugements les plus graves et à l'aménagement de peines, alors que, en la matière, la décision est l'aboutissement d'un long suivi dont ils n'ont pas pu être les témoins.
Quant à la motivation des décisions, elle appartient au président de la formation qui est toujours un magistrat de métier. Cela confirme, une fois de plus, qu'en la matière, la professionnalisation doit s'imposer. Enfin, est-il opportun de créer cette nature hybride d'assesseurs citoyens ? Ce ne sont ni des juges de plein exercice – contrairement à ce que pourrait faire croire le terme « assesseur » – ni des jurés constitués en jury, et ils ne répondent pas aux critères de l'échevinage tel qu'il fonctionne dans certaines de nos juridictions, auxquelles on les compare quelquefois, à tort.
Cette réforme est inopportune et ne correspond à aucune demande ; elle ne répond qu'à une commande. Ce texte n'est pas applicable. Pour faire court, je dirai que cette pseudo réforme ne sera pas mise en oeuvre pour des raisons pratiques. Tout d'abord, son coût est incalculable ; du moins est-il extrêmement difficile à calculer. Après une étude d'impact minimale, le Sénat a considérablement élargi le champ d'intervention du tribunal correctionnel citoyen ; les trente-cinq à quarante millions d'euros d'origine vont se révéler très insuffisants, et ce au moment où la justice manque cruellement de moyens. Cela confine presque à la provocation !
La désignation, la formation et l'apparition nouvelle d'assesseurs citoyens novices va considérablement allonger les procédures – cela a été maintes fois dit à cette tribune – et, par là même, aggraver la situation d'une justice jugée déjà trop lente. De plus, la mobilisation d'au moins 10 000 assesseurs par an, l'incertitude de leur venue effective et les délais de convocation vont créer des difficultés énormes dont le Gouvernement sera comptable. D'ailleurs, la mise en oeuvre de cette loi n'est prévue qu'à titre expérimental – un peu de sagesse ! – avant d'être éventuellement généralisée, mais ce ne sera pas le cas.
Revenons au bon sens dont le texte prétend s'inspirer. J'invite le Gouvernement et le garde des sceaux à faire leur la réflexion de M. Robert Badinter, « Juger est un métier qui nécessite un savoir-faire ou une expérience », et à en tirer les conséquences.
Rapprocher les citoyens de leur justice et les réconcilier avec elle reste un vrai sujet. Cela ne se fera cependant pas simplement en modifiant les cours d'assises comme proposé, c'est un tout autre projet de société qui est à écrire et à développer. Il s'agit aussi de faire vivre une autre société.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans le même esprit d'alliance, de rapprochement, de responsabilisation des individus que celui prôné par la remise à l'ordre du jour des jurys populaires dont nous discutons aujourd'hui, j'ai rédigé une proposition de loi relative à l'instauration d'un système associant les habitants d'un quartier à la prévention de la délinquance.
J'ai déjà évoqué ce sujet pendant le débat sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, et M. le ministre de l'intérieur soutient cette initiative. Je souhaite ardemment qu'elle se concrétise, mais malheureusement, en raison d'un calendrier parlementaire très chargé, aucune niche n'est disponible avant décembre.
Néanmoins, je profite de cette occasion pour en parler à nouveau, pour insister et peut-être même vous familiariser avec ce concept, avant que celui-ci ne se concrétise, car, évidemment, j'y crois. Cette proposition concrétise clairement, tout comme les jurys populaires, les souhaits émis dans les discours de politique générale de notre Président de la République, sur la place du citoyen dans la prévention et la justice.
Aussi, au regard de l'actualité, des échéances électorales, de la problématique de la délinquance, toujours l'une des premières préoccupations des Français, et de l'entrée en vigueur de la LOPPSI 2, je crois que cette proposition de loi visant à l'instauration d'un système de protection via l'organisation, en partenariat avec les autorités de police ou de gendarmerie, de groupes d'habitants voisins qui exercent une surveillance dans leur quartier, trouve tout son sens.
Il est nécessaire de renforcer la participation des habitants à la vie locale, et plus particulièrement à la prévention de la délinquance. Il conviendrait également que ce renforcement, déjà amorcé par la création du service volontaire citoyen de la police nationale, soit mis en oeuvre au niveau communal. Je me bats afin de pouvoir créer ces comités citoyens de veille qui incarnent, comme les jurys populaires, encore une fois, les valeurs du vivre ensemble que sont la solidarité, l'altruisme et l'émergence d'une certaine conscience citoyenne.
Ce sont, selon moi, des qualités et des vertus républicaines à promouvoir et à développer, notamment dans notre contexte actuel de crise et surtout d'individualisation de la société. Ce sont d'ailleurs des principes et des qualités que notre groupe, notre famille politique porte et défend, comme en témoigne ce texte.
Ce système de protection inspiré du concept anglo-saxon dit du neighborhood watch, a notamment été mis en oeuvre aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, ainsi qu'en Italie, mais surtout en France, dans plusieurs communes. J'ai d'ailleurs auditionné les concepteurs, réalisateurs et usagers de ce dispositif qui, non seulement, fonctionne, mais a de nombreuses conséquences positives sur la baisse de la délinquance dans leurs communes.
Intéressons, impliquons, associons l'ensemble des acteurs afin de concourir à la prévention de la délinquance, tout comme nous souhaitons le faire au sein de la justice. Finalement, ne serait-ce pas aussi une logique dans la chaîne judiciaire de la lutte contre la délinquance ?
Je pense que cette démarche de proximité et ce travail de responsabilisation d'un quartier à sa sécurité sont une articulation d'avenir. Des outils de prévention concrets seront exigés de nos concitoyens. Tout comme la vidéoprotection est un succès dans les résultats tant de prévention que de résolution des affaires, les « voisins vigilants » sont la personnification, l'humanisation de cette technicité.
Pour conclure, je suis, monsieur le garde des sceaux, favorable à ce texte qui permettra au citoyen de retrouver sa place dans notre système judiciaire. Mais je tenais à rappeler que prévenir avec l'aide de nos concitoyens vaut mieux que guérir avec ces mêmes concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, ce projet de loi affiche des objectifs clairs auxquels on ne peut que souscrire.
Le premier d'entre eux est de rapprocher la justice et le citoyen. C'est une oeuvre complexe qui s'accomplit au fil du temps et, depuis une quinzaine d'années, nombre de profondes réformes ont été faites en ce sens. Je voudrais citer un exemple qui relève non pas de la loi, mais du règlement : la désignation, dans chaque tribunal, d'un procureur de la République en charge d'expliquer comment fonctionne la justice et ce que font les services du parquet lorsqu'il y a une affaire grave. Le texte que vous nous proposez, monsieur le garde des sceaux, qui instaure les citoyens assesseurs, est incontestablement une avancée.
Le deuxième objectif vise à réduire cette inégalité que l'on connaît sur le territoire national, avec les procédures de correctionnalisation qui, il faut le dire, sont extrêmement disparates et relèvent en fait de politiques de parquets qui ne sont pas uniformes.
Enfin, monsieur le garde des sceaux, vous travaillez sur la question des mineurs. Pour avoir déposé nombre de rapports sur ces sujets concernant l'exécution des peines, m'intéressant à la justice des majeurs, mais travaillant avec des collègues qui s'intéressaient particulièrement aux mineurs et ayant lu avec attention leurs travaux, je suis persuadé que le dossier unique est absolument indispensable. Il y a une exception française dans ce domaine et vous y apportez une réponse.
Mais, monsieur le garde des sceaux, ce n'est pas tant sur ces trois sujets que je souhaite appeler votre attention. Avec plusieurs collègues, nous avons évoqué un problème en déposant des amendements qui n'ont pas eu l'heur de plaire au Gouvernement ni à certains de nos collègues. Il s'agit de permettre aux parties civiles d'interjeter appel d'un arrêt d'acquittement ou d'un jugement de relaxe.
Aujourd'hui, la partie civile ne bénéficie pas de ce droit et nous avons pensé qu'il était temps de le lui permettre. Quand on regarde l'évolution de la procédure pénale, on s'aperçoit que, depuis longtemps, la place de la victime, que l'on devrait plutôt appeler le plaignant puisqu'il ne sera une victime que lorsque la culpabilité de l'auteur de l'infraction ou du crime sera reconnue, s'est accrue au fil du temps. On a permis les constitutions de partie civile, le déclenchement de l'action publique. La dernière loi importante est celle votée à l'initiative de M. Perben. Le fait de pouvoir contester la correctionnalisation d'une affaire, de permettre à la victime reconnue dans le cadre de l'exécution d'une peine de s'exprimer sur un aménagement, ou encore le fait de demander des explications sur un classement sans suite relèvent de ce principe.
Concrètement, la victime a aujourd'hui des droits très importants. Elle peut enclencher une procédure par une plainte avec constitution de partie civile devant un juge d'instruction. Puis, un délai de trois mois permet au parquet de se prononcer sur la plainte en question, mais si le parquet fait défaut, la plainte avec constitution de partie civile permet de lancer l'action publique.
La victime peut même aller plus loin : elle peut citer directement, en se passant d'une procédure préliminaire devant un tribunal correctionnel, celui qu'elle considère comme l'auteur de faits qui lui ont causé un préjudice. Pendant la phase de l'instruction, elle peut demander des actes d'instruction et, s'ils lui sont refusés, elle peut contester ce refus. Elle peut même faire appel d'un refus d'informer ou d'une décision de non-lieu. Mais, au terme de la procédure, si elle a échoué, si ses droits n'ont pas été reconnus, s'il y a un acquittement ou une relaxe, elle est contrainte de s'adresser au parquet qui, seul, peut interjeter appel de la décision, c'est-à-dire l'avocat général aux assises et le procureur de la République devant un tribunal correctionnel.
Le sujet n'a échappé ni au Parlement ni aux juristes puisque, pour les cours d'assises, s'il y a une décision d'acquittement sur des faits volontaires, l'article 372 du code de procédure pénal permet tout de même à la cour d'assises de se prononcer sur les intérêts civils à partir du moment où les faits sont constatés ; même s'ils ne sont pas qualifiés de volontaires, ils peuvent être qualifiés d'involontaires et cela ouvre droit à réparation, au même titre que devant le tribunal correctionnel. Cette opportunité est ouverte par l'article 470-1.
Les amendements que nous avons déposés ne concernent pas ces cas. Ils concernent les hypothèses où un arrêt d'acquittement ou un jugement de relaxe ferme définitivement la voie de l'indemnisation à la partie civile. Et, curieusement, alors que l'accusé ou le prévenu peut régulariser un appel, ce droit n'est pas ouvert à la partie civile, au plaignant qui deviendra victime, ou qui ne l'est pas en fonction de l'arrêt d'acquittement ou du jugement de relaxe.
Pour nous et pour les cosignataires de l'amendement dont j'ai parlé tout à l'heure, cela nous semble être une anomalie. D'abord parce que cela ne s'inscrit pas dans la logique d'une place plus importante donnée aux victimes dans les procédures ; ensuite parce qu'au regard de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nous pensons que ce n'est pas un procès équitable. Les accusés et les prévenus ont le droit de faire appel. C'est même, en Europe, un droit fondamental que de pouvoir contester une décision de justice. Je connais la jurisprudence de la Cour de Strasbourg qui précise que ce droit est réservé aux auteurs d'infractions. Je pense que des juristes avertis pourraient obtenir un changement de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg sur un sujet de cette nature.
Cela étant, c'est l'un des seuls cas où un citoyen victime d'une infraction est privé du double degré de juridiction, qui est selon moi un droit essentiel : contester une décision de justice, reprendre en second degré les faits, reprendre le droit, expliquer à nouveau sa thèse, tout cela me semble relever d'un droit fondamental.
Monsieur le garde des sceaux, je vous ai entendu, je vous ai lu, et j'ai prêté une attention particulière à toutes les explications que vous avez données. C'est une discussion ancienne dans notre droit. Cela étant, vous avez affirmé que si l'on allouait ce droit à une victime, nous nous orienterions vers une justice privée. Je l'ai dit tout à l'heure, quand on permet à la victime de lancer l'action publique – non de la conduire dans un procès –, pour ce qui est de l'appel, on ne lui permettra ni plus ni moins que de faire la même chose qu'en première instance. Elle n'aura pas de droit supplémentaire.
En ce qui concerne la vengeance privée, je suis convaincu que plus on donne une place importante aux victimes dans le procès pénal, plus on évite le risque de justice privée. Car la vengeance est une défiance vis-à-vis de l'institution judiciaire : on ne fait pas confiance à l'institution, alors on se fait justice soi-même. Plus la place de la victime est prise en compte dans la procédure, plus elle est respectée, plus on réduit ce risque de justice privée et de vengeance.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le garde des sceaux, nous serons très attentifs à la position que prendra le Gouvernement sur ces amendements. Il est temps de donner ce droit supplémentaire aux victimes. Ce serait justice. Cela ne déstabilisera pas la procédure pénale, ne changera pas non plus profondément l'histoire de notre droit pénal et de nos institutions. Mais cela permettra d'atteindre un meilleur équilibre et de mieux prendre en compte les intérêts des personnes qui ont subi un préjudice parfois extrêmement grave. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je ne prolongerai pas ce débat, car la discussion des amendements nous permettra de revenir sur nombre de questions.
Permettez-moi, monsieur le garde des sceaux, de commencer mon intervention par une remarque qui vous est personnellement adressée – je vous l'avais promis. Je suis un peu triste, car j'ai fait partie de ceux qui, il y a presque quatre ans, considéraient que, dans le cadre d'une majorité qu'il fallait constituer pour réformer profondément la France, nous devions être capables de tendre la main à ceux qui pouvaient se reconnaître dans un nouveau pacte républicain. Malheureusement, les choses ne se sont pas faites et la vie politique a suivi son cours. Et je vous retrouve aujourd'hui, monsieur le garde des sceaux, vous, que j'estime, dont je sais le caractère profondément humaniste et républicain, et dont je sais aussi l'engagement personnel, en train de porter un mauvais coup à quelque chose qui, pourtant, fait partie de l'histoire de notre République et qui la valorise, la glorifie, en fait même une République exemplaire à l'échelle de la planète.
Je vois bien qu'avec votre talent et votre bonhomie, vous essayez de banaliser les choses, de les relativiser, d'expliquer que tout cela n'est que pédagogie et ne détruit pas les principes fondateurs qui ont conduit à la mise en place de la spécificité de la justice pour les mineurs. Je vois bien les efforts de langage que vous faites. Mais il n'en demeure pas moins que vous êtes sur ce banc et que, même si le président Mazeaud a dit, à juste titre, que les lois étaient celles de la République et non celles des ministres, vous allez quand même donner votre nom à ce qui restera un mauvais coup porté à la justice des mineurs, qui risque même, acte supplémentaire, de la faire disparaître. Vous avez beau essayer de nous expliquer que tout cela répond à l'évolution du contexte, je vais tenter, dans les quelques minutes qui me restent, de démontrer l'inverse.
Oui, une justice pour les mineurs est nécessaire. Et il n'y a pas de hasard dans les dates. Ainsi, les rédacteurs de la fameuse ordonnance de 1945 l'ont élaborée dans un temps où il fallait justement restaurer les principes de civilisation et d'humanité. Considérant, avec raison, qu'un enfant n'étant pas un adulte, il devait bénéficier d'une attention particulière, ils ont, en conséquence, fait primer l'éducatif sur le répressif. Oui, le fondement même de l'ordonnance de 1945 est de considérer que, par l'éducation, et donc par la civilisation, on peut aller au plus profond des problèmes posés et donner une nouvelle chance à ceux qui sont engagés dans la voie de la délinquance. C'est ce pari de l'humanité qui a fondé la justice des mineurs. À partir du moment où, qu'on le veuille ou non, on tend progressivement à assimiler la justice des mineurs à celle des majeurs, même si c'est simplement pour redonner un caractère solennel à la démarche et faire preuve de davantage de pédagogie envers les multirécidivistes, on nie, d'une manière ou d'une autre, cette spécificité. En mettant en place les tribunaux correctionnels, vous ajoutez une nouvelle pierre à l'action de vos prédécesseurs et de M. Sarkozy, en tant que ministre de l'intérieur, puis comme Président de la République.
Je vous dirai très simplement que vous vous êtes trompé depuis le départ. Cela est dû à votre inexpérience et à votre méconnaissance de la réalité. Vous présentez en permanence ces multirécidivistes, à qui vous avez dessiné le profil de l'ennemi intérieur, comme des pré-adultes. Vous considérez qu'il faut faire évoluer la justice des mineurs parce que leur comportement de délinquant et la violence de leur comportement les apparentent à des adultes. Or c'est exactement l'inverse. Les multirécidivistes que vous désignez sont profondément immatures. Ce sont encore des enfants qui n'ont rien compris au fonctionnement de notre société, faute d'avoir bénéficié de l'encadrement éducatif des parents et de l'éducation nationale qui leur aurait permis d'apprendre un certain nombre de règles.
J'évoquerai certaines situations que j'ai vécues en tant que parlementaire. Un mineur de quinze ou seize ans est placé en garde à vue. Il se lève et essaie de casser la figure à l'officier de police judiciaire qui l'interroge. Il sait qu'il aggrave son cas et que cela va dégénérer. Policiers et magistrats savent qu'ils sont face à des jeunes, certes âgés de quinze, seize ou dix-sept ans, mais qui se comportent comme des gamins de dix ans et qui vivent cette situation comme une confrontation dans une cour de récréation ou comme un affrontement au bas d'un immeuble. Au lieu de les considérer comme des pré-adultes et donc de caler la justice des mineurs, y compris dans sa sévérité, sur celle des adultes, il faut tenir compte de leur profonde immaturité.
C'est le contraire de ce qu'a dit Mme Batho !
Je sais et j'apprécie ce qu'a dit Mme Batho. Il n'est un secret pour personne que nous avons réfléchi ensemble à ces questions, alors qu'elle était secrétaire nationale du parti socialiste, chargée de la sécurité. Elle est justement intervenue sur cette question essentielle. Parce qu'ils sont immatures, ces enfants n'ont rien compris au fonctionnement collectif et aux règles ; ils ne connaissent que les rapports de force et pour eux – phénomènes de jeux télévisés obligent ! – la vie n'a pas beaucoup de sens. La question posée est celle des primo-délinquants, donc de la précocité de l'intervention. Donc, plutôt que de caler de manière quasi linéaire la justice des mineurs sur celle des majeurs, vous devriez, au contraire, la renforcer en faisant appel à un nouveau dispositif : celui de la précocité de l'intervention. Mais cela finira par arriver, car les choses évoluent. Ainsi, dans son rapport, M. Claude Goasguen suggère que soit organisée une cérémonie républicaine pour tous les jeunes Français et naturalisés français âgés de dix-huit ans, afin de leur rappeler les règles de la République et de les faire entrer véritablement dans la République. Cette conviction a été défendue, ici, en 1998. C'était la mienne, celle de M. Mazeaud et de M. Goasguen. Mais je suis à peu près certain que lorsque vous constaterez l'échec de tout votre dispositif – y compris pour des raisons pécuniaires – vous serez amenés à repenser ces questions.
Je reviens au débat. Si nous mettions en place ce dispositif de précocité de l'intervention, si des tuteurs pouvaient prendre ces jeunes en charge, si la politique de la ville ne coupait pas les subventions des associations, réduisant ainsi leur capacité d'action, et si des correspondants pouvaient accompagner les familles, ces primo-délinquants ne s'installeraient pas dans ces comportements délinquants. Précocité, intensité et continuité, telle doit être la règle si l'on veut être utile et efficace. Mais les dispositifs s'ajoutent les uns aux autres. C'est avec une certaine lassitude, excusez-moi de vous le dire, que nous sommes un certain nombre à intervenir ici. Les lois sont modifiées les unes après les autres, au point d'ailleurs que, bien souvent, plus personne ne sait exactement quelle est la réalité de la loi. Je prendrai l'exemple de la loi sur les cages d'escalier, laquelle n'a quasiment jamais été appliquée. Je ne sais d'ailleurs pas combien de sanctions ont été prises en vertu de ce texte. Pourtant, il était l'alpha et l'oméga de la bataille contre ces regroupements au bas des cages d'escalier. Je vous rappelle le discours de Nicolas Sarkozy : cette loi allait enfin permettre d'intervenir. « Zéro plus zéro égale la tête à Toto », comme on dit chez moi. Permettez-moi cette réflexion quelque peu…
Excessive !
Je le vois !
Donc, je reviens à ce sujet fondamental. Cette accumulation de dispositifs n'impressionne personne. Que vous le vouliez ou non, la solennité de ce tribunal pour enfants que vous voulez créer – sorte de rattrapage dans le dispositif – n'impressionnera pas le jeune délinquant que les CRS et les gardes mobiles n'intimident pas et qui n'a pas peur lorsque le juge le menace de la prison ! Croyez-vous vraiment qu'il sera troublé par les trois personnes qui seront réunies en face de lui et lui diront : « Ce que tu as fait n'est pas bien, attention, tu risques d'être sanctionné » ?
Nous sommes confrontés à un terrible problème sur le fond et c'est ce que vous ne comprenez pas. Tous les comportements des multirécidivistes ne sont finalement, et c'est là le plus grand danger, que des rites initiatiques qui les feront à un moment donné basculer dans les trafics mafieux et entrer dans des gangs. Tous les incidents qui conduisent souvent à ces comportements multirécidivistes, donc à ces agressions de policiers, ne sont finalement pour les plus vieux, pour les chefs de gang, les chefs mafieux dans les cités, que des rites initiatiques. Ils testent. La question est là. Ce sont les plus multirécidivistes, qui ont donc franchi les différents obstacles, qui entreront alors dans les gangs mafieux. C'est ce qui se passe dans nos cités. Et ce n'est pas en sanctionnant davantage les multirécidivistes qu'ils seront moins nombreux. Nous devons nous donner les moyens de sanctionner dès la première faute, en associant tous les acteurs : la famille et l'éducation nationale. Vous souriez, monsieur le garde des sceaux, c'est votre droit ! Mais l'affaire est sérieuse, car c'est encore une fois l'institution judiciaire qui sera ridiculisée.
Ce nouvel instrument mis à la disposition de la justice sera certes l'objet de beaucoup de publicité, mais nous devrons un jour constater son inefficacité et son inutilité et, après un combat très difficile, la justice subira, encore une fois, une défaite. Vous êtes de ceux qui auraient dû justement retenir la main de la fameuse droite populaire qui s'agite beaucoup dans les médias, mais qui n'est jamais là quand il faut mener les batailles parlementaires et qui oublie justement que c'est ici que cela se passe. Je fais rarement de tels procès, car je sais ce qu'est la vie d'un parlementaire, la vie d'un élu et je sais qu'il n'a pas don d'ubiquité. On ne peut toutefois passer en permanence à la télévision pour se présenter comme les défenseurs des victimes, de nos concitoyens, des principes et oublier de siéger dans cet hémicycle, là ou se déroule la confrontation la plus importante ! Oui, et j'assume mes propos, il y a de la démagogie de la part de ceux qui se font les ultras, mais qui sont incapables d'assumer la confrontation sur la base des chiffres, des faits et de la réalité ! Ce n'est pas non plus acceptable vis-à-vis de nos concitoyens. C'est toujours la même chose. Vous transmettez la grippe à quelqu'un et vous lui donnez un thermomètre. Qui est responsable de la fièvre, le thermomètre ou celui qui a donné la grippe ? Vous avez donc la réponse à la question concernant la droite populaire !
Nous allons défendre des amendements, essayer de nous faire entendre. Mais j'ai le secret espoir que, dans quelques mois, nous soyons capables d'ouvrir de nouveaux chantiers dans ce domaine. J'espère que vous vous poserez peut-être alors des questions. Il n'y aura pas de remède miracle. Il n'y aura pas de solution simple. Le retard pris ces neuf dernières années nous coûtera très cher. Je le sais, ce n'est pas simplement en redéployant quelques policiers et en modifiant quelques lois que nous parviendrons à gagner cette terrible bataille pour l'avenir de notre société. Il nous faudra non seulement du temps, de l'énergie, mais aussi de l'expérience et de la compétence !
Monsieur le garde des sceaux, je tiens à vous dire que j'adhère à 100 % au projet gouvernemental. Il part d'un simple constat selon lequel les citoyens doutent de la justice et de leurs juges. Il ne s'agit pas de montrer du doigt une profession. Cela n'a rien de spécifique aux magistrats. Notre société connaît un clivage croissant entre le peuple et les élites. Nous en avons un exemple. Face à ce clivage entre le peuple et les élites, on peut avoir trois attitudes. Première attitude : nier, c'est ce que fait la gauche au nom d'un conservatisme qui la caractérise et même au nom d'un refus du peuple. On a vu des Terra Nova et autres fondations dans la mouvance du parti socialiste considérer qu'il fallait finalement se passer du peuple. La deuxième attitude, c'est sombrer dans le populisme, donc ajouter de l'huile sur le feu. La bonne attitude, la troisième, me semble être de combler le fossé et de rapprocher, dans toute la mesure du possible, le peuple des élites. Cela, une fois de plus, ne vaut pas que pour les magistrats. Nous pourrions avoir des débats analogues sur la démocratie directe qui nous concerne tous, en tant que législateurs et élus locaux.
Être magistrat ce n'est pas exercer un métier ; c'est exercer une fonction publique. Tout comme le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, l'autorité judiciaire s'exprime et agit au nom du peuple français. On juge en son nom. Cela impose un certain nombre d'évolutions. J'adhère tout à fait, monsieur le garde des sceaux, à votre projet d'introduire des jurés dans les tribunaux correctionnels. Cela me semble tout à fait nécessaire et totalement dans notre tradition. Nous retrouvons une tradition médiévale – celle de l'échevinage – et une tradition révolutionnaire, puisque c'est l'Assemblée révolutionnaire qui a introduit, en 1791, les jurés dans les instances pénales les plus importantes. Je suis, par conséquent, surpris de constater que la gauche refuse cette évolution qui, pourtant, s'inscrit dans une certaine mesure aussi dans sa tradition.
Monsieur le rapporteur, je suis un peu en désaccord avec vous sur un point. Pour moi, l'introduction du justiciable est nécessaire, mais il faut aussi faire intervenir la victime, et nous sommes là au coeur du texte.
J'ai déposé avec un certain nombre de collègues une proposition de loi visant à introduire davantage la victime dans le procès pénal. Cette proposition de loi a fait l'objet d'une longue réflexion, elle ne résulte pas d'un mouvement d'humeur à la suite de je ne sais quel fait divers. Nous avons associé à notre travail un certain nombre d'experts de l'Institut pour la justice. Ce texte recueille aujourd'hui un peu plus d'une centaine de signatures et je me réjouis qu'il ait été signé notamment par M. Garraud, magistrat, et par M. Blanc, avocat, qui sont autrement plus compétents que ne l'est votre serviteur sur ces questions. Nous offrons ces propositions à votre réflexion et nous espérons qu'un certain nombre d'entre elles au moins seront acceptées. Nous considérons en particulier que la victime doit être présente dès le départ. Dès le dépôt de plainte, elle doit être accompagnée par l'avocat.
Finalement, il s'agit de rétablir un équilibre. Nous avons été nombreux à considérer avec un certain regret la présence de l'avocat auprès du voyou, pour parler clair, dès la garde à vue. Peut-être avons-nous été un peu loin dans ce domaine. En tout cas, c'est une donnée, il faut en prendre acte. En contrepartie, il faut permettre à la victime de bénéficier dès le départ de la présence d'un avocat. Cela aura des incidences en termes d'aide judiciaire. Nous ne nous sommes pas posé la question quand il s'agissait du prévenu, il n'y a pas de raison que le législateur refuse d'agir en raison du problème financier, qui existe, quand il s'agit de venir en aide à la victime.
Nous considérons par ailleurs – M. Blanc a parfaitement développé ce point, et c'est au coeur du sujet –, que la victime doit pouvoir faire appel d'un jugement d'acquittement ou de relaxe. C'est un élément essentiel. La victime est déjà très présente. Elle peut contester un classement sans suite du procureur ou faire appel d'une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction. C'est une étape supplémentaire, une évolution, et non une révolution, de notre droit pénal. Nous devons savoir utiliser ce texte majeur, l'ultime texte pénal de notre mandat, pour réaliser ce progrès. La commission des lois, si prestigieuse commission, a adopté l'amendement qui résultait de la proposition de loi, et je m'en réjouis. J'espère que nous irons au bout de la logique.
Qu'on ne me parle pas de vengeance, monsieur le rapporteur. Il ne s'agit pas de permettre à la victime de contester le quantum de la peine, de réclamer dix ans au lieu de deux. L'appel n'est possible, dans notre logique, que dans l'hypothèse où elle estime qu'il y a un déni de justice, en cas d'acquittement ou de relaxe. Que l'on ne reconnaisse pas la culpabilité de l'inculpé est en effet extrêmement traumatisant pour la victime, chacun le comprendra. Une telle solution nous paraît raisonnable et nous aurions tout intérêt à aller dans ce sens.
Troisième étape de la défense de la victime, au-delà de l'appel, cette proposition de loi entend donner une plus grande place aux victimes au stade de l'exécution de la peine. Parce que la protection physique de la victime est parfois en jeu et que sa reconstruction psychologique passe par l'exécution complète de la peine, il nous paraît indispensable qu'elle puisse être présente ou représentée lors de toute décision tendant à libérer le condamné avant la fin de sa peine. Les décisions initiales seraient alors autrement plus respectées. Ne le nions pas en effet, la difficulté majeure à laquelle nous sommes confrontés, c'est que les peines ne sont que très médiocrement exécutées.
Je sais les efforts que vous réalisez dans ce domaine, monsieur le ministre, pour que cela évolue progressivement dans le bon sens. Cela passe aussi par de plus gros moyens, mais le meilleur aiguillon, c'est que la victime puisse participer elle aussi. Nous proposons ainsi qu'elle soit informée, si elle le souhaite, de toute décision d'aménagement de peine et qu'elle puisse adresser à la juridiction d'application des peines des observations écrites à ce propos. Ce sont des éléments de bon sens, simples. Il ne s'agit pas d'une quelconque vengeance, il s'agit de permettre à la victime d'être associée aussi au respect de la décision qui a été prise par le juge au nom du peuple français.
Une proposition de loi, cela permet d'ouvrir un débat. Nous savons bien que l'ensemble de notre proposition de loi ne peut pas être adopté dans ce texte. Nous lançons aussi le débat pour l'année prochaine et nous espérons que notre candidat saura reprendre un certain nombre des idées que nous développons. Il n'empêche qu'elles ne seront crédibles que si elles ont commencé à entrer en application. J'ai bien noté quelques timides évolutions, et j'en sais gré au ministre et au rapporteur. Il n'en demeure pas moins que le sujet central sera le droit donné à la victime de faire appel. Nous avons eu l'occasion d'auditionner de nombreuses victimes, il ne s'agit pas de mettre en avant un cas particulier par rapport à un autre, il s'agit simplement, lorsqu'elles estiment qu'il y a déni de justice, de leur permettre de bénéficier d'un tel droit comme les autres parties au procès, ce qui nous paraît légitime. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
M. le Président a reçu de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement une lettre l'informant que l'ordre du jour du mardi 28 juin, après-midi et soir, est ainsi modifié :
Le projet de loi organique relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française sera examiné après le projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :
Suite de la discussion du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma