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Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 22 juin 2011 à 15h00
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Il y a lieu de s'interroger sur le recours devenu courant à celle-ci. Cette utilisation finit par poser un véritable problème démocratique et constitutionnel.

Que le Gouvernement ait souvent recours, sur des sujets de cette importance, à la procédure d'urgence revient à vider complètement de son sens la procédure prévue par la Constitution de la double lecture par chacune des assemblées. Pourquoi existe-t-elle, si le Gouvernement peut systématiquement s'en dispenser sans porter atteinte à la qualité et à la nature des débats ?

Mais revenons au fond.

Vu la diversité des questions et le temps limité qui est le nôtre, je me contenterai de trois observations : une sur le champ des compétences des jurys, une autre sur la question des moyens utiles pour faire vivre la réforme, une dernière sur le retour en arrière que constitue la réforme de la justice des mineurs.

L'article 399-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue du projet, pose le principe de la compétence du tribunal correctionnel comprenant des citoyens assesseurs pour le jugement, en première instance et en appel, de certains délits.

Le choix de ces infractions vise à associer les citoyens au jugement des procédures concernant les affaires qui « portent atteinte quotidiennement à la sécurité et à la tranquillité de la population ». Sont cités « les violences, les vols avec violences, les violences conjugales habituelles et les agressions sexuelles ».

En sont donc exclues, malgré les lourdes peines qu'elles font encourir à leurs auteurs, les infractions en matière de stupéfiants et celles relevant du domaine économique et financier.

Quelle est la justification de ces exclusions ?

Des études montrent que les fraudes sont à la source de nombreux dysfonctionnements économiques et collectifs. Ma question est donc simple : les citoyens confrontés à une délinquance qui les spolie économiquement seraient-ils moins intelligents que pour les autres délits ? Évidemment non !

Il est plus probable que ce choix restrictif soit politique et tende à faire considérer que voler la collectivité sans menace apparente ou violence physique ne constitue pas un délit caractéristique de la délinquance quotidienne.

Ma deuxième remarque porte sur la question des moyens nécessaires pour mener à bien l'association de citoyens à la justice correctionnelle.

L'étude d'impact prévoit un doublement du temps d'audience et de délibéré par rapport aux mêmes affaires actuellement jugées sans citoyens assesseurs.

Elle anticipe sur le temps gagné par les procédures d'assises simplifiées pour compenser celui passé dans cette nouvelle formation correctionnelle. Pour éviter que des crimes ne soient requalifiés en délits, seraient, en effet, créées des « cours d'assises simplifiées ».

Ces cours d'assises « allégées » seraient composées de deux jurés populaires et de trois magistrats professionnels. Elles seraient compétentes pour les crimes punis de quinze à vingt ans de prison, à condition d'avoir l'accord préalable de toutes les parties : accusés, parties civiles et parquet.

En fait, le temps effectivement gagné sera en réalité très limité puisque ces procédures d'assises simplifiées nécessiteront la mise en oeuvre de moyens conséquents qu'impliquera le traitement par ces dernières des procédures aujourd'hui traitées dans le cadre de la correctionnalisation.

Autrement dit, les cours d'assises donneront des moyens dont elles n'auront plus besoin si leur propre activité n'est pas augmentée par une partie de ce que faisaient jusque-là les tribunaux correctionnels. Cela s'appelle redistribuer ce que l'on n'a pas encore et que l'on n'aura peut-être pas !

Concernant les locaux et applications informatiques, de nombreuses interrogations subsistent pour lesquelles les réponses ministérielles paraissent, là encore, optimistes.

J'en viens au dernier point : l'abandon d'une justice spécialisée pour mineurs qui a été rappelé par plusieurs collègues, y compris de la majorité. C'est un choix, qui selon moi, va à contretemps et se caractérise par l'absence de nouvelles mesures efficaces pour lutter contre la délinquance juvénile.

Plusieurs dispositions posent problème.

Le projet de loi instaure un tribunal correctionnel pour juger les mineurs « âgés de plus de seize ans, lorsqu'ils sont poursuivis pour un ou plusieurs délits commis en état de récidive légale et que la peine encourue est égale ou supérieure à trois ans ».

La composition de ce tribunal ne garantit en rien la spécialisation de la justice des mineurs puisqu'un seul juge des enfants est appelé à y siéger aux côtés de deux magistrats non spécialisés.

De plus, deux jurés citoyens pourront, dans le cadre des infractions visées à l'article 2 du projet de loi, composer cette juridiction, à l'instar du tribunal correctionnel pour majeurs, puisque le texte qui instaure les « jurés populaires » prévoit expressément l'application de ces dispositions pour le jugement des mineurs.

Par ailleurs, l'alinéa 2 de l'article 29 du projet prévoit une convocation délivrée sur instruction du procureur de la République par un officier de police judiciaire. Le mineur pourra être incité à choisir d'être jugé le plus rapidement possible pour éviter une période de détention provisoire et ce, même si ce délai rapproché peut, au fond, lui être défavorable, notamment si les éléments portant sur la personnalité et l'environnement du prévenu sont peu étoffés.

Au final, l'utilisation de la procédure de présentation immédiate, combinée à l'instauration d'une juridiction correctionnelle d'exception, risque fort d'aboutir à un système qui va quasiment permettre des comparutions immédiates de mineurs devant un tribunal identique à celui qui juge les majeurs.

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