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Intervention de Delphine Batho

Réunion du 22 juin 2011 à 15h00
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, hier, Dominique Raimbourg et George Pau-Langevin ont largement démontré en quoi ce projet de loi prétendument consacré aux jurés populaires non seulement n'apporte pas de réponse aux difficultés actuelles de la justice, mais risque de les aggraver. Il prévoit même l'inverse de ce que proclame son titre, puisqu'il vise notamment à réduire la participation populaire aux jurys d'assises.

Pour ma part, je concentrerai mon propos sur la délinquance des mineurs.

Monsieur le ministre, il y a les débats parlementaires, les textes et les discours, et il y a la réalité de la prise en charge des mineurs délinquants en France.

La première question qui se pose est donc celle de savoir si ce texte apporte une réponse aux problèmes actuels de la justice des mineurs. Pour y répondre, je prendrai l'exemple des établissements pour mineurs, où sont détenus les mineurs et où les incidents se multiplient de façon récurrente. Lorsque je vous ai interrogé sur ce sujet, il y a quelques jours, en commission, vous ne m'avez pas répondu. Aussi permettez-moi de vous rappeler un certain nombre d'incidents récents. Le 12 avril dernier, à Meyzieu, une éducatrice de la PJJ a été prise en otage. Le 2 mai, à Marseille, une surveillante a été agressée, ligotée et bâillonnée. Début mai, à Lavaur, dans le Tarn, de multiples violences se sont produites pendant plusieurs jours. Lundi dernier, à Meyzieu, un surveillant a été giflé par un détenu. En raison de ces événements, les personnels de plusieurs établissements pour mineurs étaient en grève la semaine dernière.

Cette situation n'est pas nouvelle. En 2008, le rapport de Michèle Tabarot avait déjà révélé un certain nombre des difficultés que connaissent les établissements pour mineurs. J'avais alors demandé une remise à plat complète du projet de ces établissements, où la majorité des détenus sont des prévenus. Aujourd'hui, c'est le contrôleur général des lieux privatifs de liberté lui-même qui dénonce leurs défauts de conception. Un récent rapport d'inspection de la PJJ et de l'administration pénitentiaire a déploré « l'affectation systématique de jeunes professionnels inexpérimentés, la collaboration imparfaite entre la PJJ et l'administration pénitentiaire, l'architecture totalement inadaptée de ces établissements construits en partenariat public-privé, organisés autour d'une cour centrale qui rend la violence contagieuse, l'incohérence des parcours des mineurs incarcérés, qui sont ballottés entre les différents types d'établissements sans réelle logique ni pénale ni éducative. » Ce rapport met d'ailleurs en cause le concept même des établissements pour mineurs.

Ce rapport est le quatrième ou le cinquième consacré aux EPM : tous disent la même chose, et le Gouvernement donne le sentiment d'être spectateur. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous aimerions connaître votre diagnostic, les mesures que vous comptez prendre et les réponses que vous entendez apporter aux revendications des personnels.

Chacun s'en souvient, les EPM étaient au coeur des dispositions que la majorité avait fait voter en 2002 dans le cadre de la loi « Perben I ». Au moment où l'on nous demande de modifier l'ordonnance de 1945 pour la trente-cinquième fois – pour la cinquième fois depuis le début de cette législature –, le Gouvernement doit être mis face à ses responsabilités, à ses résultats, à son bilan.

La deuxième question est celle de savoir si le projet de loi apportera une efficacité nouvelle en matière de lutte contre la délinquance des mineurs. Il est permis d'en douter. Chers collègues, souvenez-vous : en juillet 2007, peu de temps après la victoire de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle, le premier texte de la législature examiné par la commission des lois était consacré aux peines plancher. Le Gouvernement nous avait alors annoncé que l'application de ces peines aux récidivistes âgés de seize à dix-huit allait résoudre le problème de la délinquance des mineurs. Déjà, il écornait les principes de l'ordonnance de 1945, puisque son texte prévoyait qu'en cas de récidive, les mineurs âgés de plus de seize ans devaient être jugés comme les majeurs. C'est le leitmotiv de la majorité, mais, à l'époque, elle ne s'en cachait pas : vous ne preniez pas les mêmes précautions oratoires qu'aujourd'hui. « Oui, nous considérons en effet qu'un mineur multirécidiviste de plus de seize ans peut être jugé comme un majeur » déclarait ainsi, en juillet 2007, Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois.

Au moins la majorité a-t-elle le mérite de persister dans la même voie : elle a débuté la législature en instaurant les peines plancher pour les mineurs ; elle l'achève en instituant les tribunaux correctionnels pour mineurs. La boucle est bouclée. Mais, entre-temps, que s'est-il passé ? Quel est le bilan ? Quels sont les chiffres ?

En 2005, le taux de réitération des mineurs était de 30 %. Aujourd'hui – c'est Éric Ciotti qui l'écrit dans son rapport –, 34 % des mineurs qui ont fait l'objet d'une décision pénale commettent une nouvelle infraction dans l'année. La situation s'est donc dégradée. On nous avait annoncé que les peines plancher allaient résoudre le problème de la délinquance des mineurs ; on constate, par exemple, que le nombre de mineurs mis en cause pour des violences physiques non crapuleuses a augmenté de 57 % depuis 2007. Là encore, la situation s'est donc dégradée.

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