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Intervention de Nicole Ameline

Réunion du 22 juin 2011 à 15h00
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Ameline :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, que l'on soit pour ou contre ce texte, que l'on ait des observations à formuler ou que l'on souhaite l'amender, force est de reconnaître qu'il s'agit d'un texte d'innovation politique et démocratique, à l'image de l'oeuvre de réforme engagée par le Gouvernement que M. le garde des sceaux représente ce soir au banc des ministres.

Je ne parlerai que de la justice des mineurs, pour m'interroger sur le moment où un individu se transforme en citoyen, sur le moment où l'esprit de responsabilité, le respect de l'autre et le refus de la violence forgent une conscience.

Chacun le sait, et les interventions de cet après-midi l'ont mis en lumière, l'enfance reste le lieu de tous les conflits, de toutes les fragilités, de tous les dangers, et notre droit, tant avec les dispositifs de protection de l'enfance qu'avec l'excuse atténuante de minorité, prend en compte la dimension inachevée de ces personnalités en devenir. Il ne s'agit naturellement pas d'exonérer de leur responsabilité les mineurs qui se rendent coupables d'actes délictueux : toute violence est illégitime, tout agissement délictueux doit être sanctionné avec fermeté et rapidité, et c'est l'objectif visé par ce texte. Il faut cependant que nous gardions aussi à l'esprit l'exigence première d'oeuvrer en faveur de la réinsertion la plus réussie, la plus positive, de ces jeunes, y compris de ceux qui sont confrontés à une forme de déclassement, de relégation, de perte d'espoir et de confiance dans l'avenir ou, tout simplement, qui sont frappés par les effets d'une crise sans précédent et d'un chômage important.

Adapter, comme vous avez décidé de le faire, l'ordonnance de 1945 est parfaitement légitime. Il faut se rappeler qu'elle a été l'objet de multiples modifications et qu'elle venait elle-même stabiliser un droit assez erratique, oscillant entre des solutions très libérales et des solutions extrêmement répressives pour les mineurs ; je pense en particulier à la création d'un bagne pour enfants. En proposant, comme vous le faites aujourd'hui, d'adapter notre droit, vous restez fidèles au cadre de 1945, mais il aurait sans doute été heureux, monsieur le ministre, d'inscrire cette réflexion sur la justice des mineurs dans une vision juridique plus large au moment même où vous avez indiqué qu'un code de justice des mineurs était en cours d'élaboration. De la même façon, nous n'échapperons pas à une approche globale des dysfonctionnements sociaux qui touchent au coeur de notre démocratie, faisant de jeunes adolescents les auteurs de fautes parfois inqualifiables.

Cette référence que représente, dans notre droit, la justice des mineurs évolue avec ce texte vers un certain nombre d'innovations. Tribunal correctionnel, mise en oeuvre d'une procédure de comparution directe, création d'un dossier de personnalité, mise en cause de la responsabilité parentale : tout cela paraît tout à fait justifié dès lors que nous restons extrêmement attentifs à la fidélité aux principes constitutionnels de l'ordonnance de 1945. Ces principes, non seulement, monsieur le ministre, vous les connaissez parfaitement, mais vous les avez rappelés avec force, à l'instar d'un certain nombre d'associations et d'organismes ; je ne citerai que la Commission consultative nationale des droits de l'homme, qui a exprimé avec beaucoup de rigueur l'importance du respect de ces principes, s'agissant tant du principe de spécificité que de la prééminence affirmée des mesures éducatives sur des sanctions plus répressives. On ne peut naturellement pas dissocier la politique pénale de la politique éducative.

Ces principes de valeur constitutionnelle s'inscrivent aussi dans nos engagements internationaux, vous le savez, et il importe – je me permets d'y insister – que nous respections ceux-ci. Je réitère donc à cette tribune l'idée qu'il faudrait doter le Parlement, sans doute avec l'exécutif, d'un mécanisme d'évaluation de nos engagements internationaux, que nous mettons beaucoup d'énergie à négocier. Nous devons veiller avec un soin particulier à leur application exemplaire.

Ce texte doit donc être soutenu, mais je voudrais, monsieur le ministre, que vous puissiez apporter, au cours des débats, tous les apaisements, notamment lors de la discussion des amendements, pour que chacun comprenne qu'il n'y a aucune dérive de la justice des mineurs vers le droit commun. Une telle dérive, de même que l'abaissement de l'âge de la majorité pénale, ne serait effectivement pas acceptable.

Je termine sur les limites qui peuvent aujourd'hui être celles des solutions répressives dans une société moderne. Pour nécessaires qu'elles soient, celles-ci ne peuvent constituer un signal suffisant à l'adresse d'une jeunesse en quête de repères, qui a besoin de retrouver confiance dans la société et dans l'avenir. Au moment où un certain nombre de nos institutions, quelles que soient leurs qualités, ont moins de prise sur la société, il faut fuir le concept globalisant d'une jeunesse à la fois dangereuse et en danger. Il faut peut-être, en revanche, saisir ce moment pour nous appuyer d'une manière tout à fait nouvelle non seulement sur nos associations et nos réseaux sociaux, qui font un travail remarquable, mais aussi sur de nouveaux réseaux d'entraide et d'initiative privée. N'est-ce pas le moment, monsieur le ministre, de mobiliser la société pour valoriser la compétence au profit des jeunes, dans leur parcours, dans la prévention, dans l'accompagnement éducatif personnel, de façon à ce que l'engagement citoyen soit au rendez-vous de ce grand pari de la jeunesse ? Il faut aussi que le Gouvernement réaffirme sa volonté, que je crois partagée, d'une politique en faveur de la jeunesse de ce pays. N'oublions pas qu'il s'agit tout simplement de notre avenir. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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