Aujourd'hui, la partie civile ne bénéficie pas de ce droit et nous avons pensé qu'il était temps de le lui permettre. Quand on regarde l'évolution de la procédure pénale, on s'aperçoit que, depuis longtemps, la place de la victime, que l'on devrait plutôt appeler le plaignant puisqu'il ne sera une victime que lorsque la culpabilité de l'auteur de l'infraction ou du crime sera reconnue, s'est accrue au fil du temps. On a permis les constitutions de partie civile, le déclenchement de l'action publique. La dernière loi importante est celle votée à l'initiative de M. Perben. Le fait de pouvoir contester la correctionnalisation d'une affaire, de permettre à la victime reconnue dans le cadre de l'exécution d'une peine de s'exprimer sur un aménagement, ou encore le fait de demander des explications sur un classement sans suite relèvent de ce principe.
Concrètement, la victime a aujourd'hui des droits très importants. Elle peut enclencher une procédure par une plainte avec constitution de partie civile devant un juge d'instruction. Puis, un délai de trois mois permet au parquet de se prononcer sur la plainte en question, mais si le parquet fait défaut, la plainte avec constitution de partie civile permet de lancer l'action publique.
La victime peut même aller plus loin : elle peut citer directement, en se passant d'une procédure préliminaire devant un tribunal correctionnel, celui qu'elle considère comme l'auteur de faits qui lui ont causé un préjudice. Pendant la phase de l'instruction, elle peut demander des actes d'instruction et, s'ils lui sont refusés, elle peut contester ce refus. Elle peut même faire appel d'un refus d'informer ou d'une décision de non-lieu. Mais, au terme de la procédure, si elle a échoué, si ses droits n'ont pas été reconnus, s'il y a un acquittement ou une relaxe, elle est contrainte de s'adresser au parquet qui, seul, peut interjeter appel de la décision, c'est-à-dire l'avocat général aux assises et le procureur de la République devant un tribunal correctionnel.
Le sujet n'a échappé ni au Parlement ni aux juristes puisque, pour les cours d'assises, s'il y a une décision d'acquittement sur des faits volontaires, l'article 372 du code de procédure pénal permet tout de même à la cour d'assises de se prononcer sur les intérêts civils à partir du moment où les faits sont constatés ; même s'ils ne sont pas qualifiés de volontaires, ils peuvent être qualifiés d'involontaires et cela ouvre droit à réparation, au même titre que devant le tribunal correctionnel. Cette opportunité est ouverte par l'article 470-1.
Les amendements que nous avons déposés ne concernent pas ces cas. Ils concernent les hypothèses où un arrêt d'acquittement ou un jugement de relaxe ferme définitivement la voie de l'indemnisation à la partie civile. Et, curieusement, alors que l'accusé ou le prévenu peut régulariser un appel, ce droit n'est pas ouvert à la partie civile, au plaignant qui deviendra victime, ou qui ne l'est pas en fonction de l'arrêt d'acquittement ou du jugement de relaxe.
Pour nous et pour les cosignataires de l'amendement dont j'ai parlé tout à l'heure, cela nous semble être une anomalie. D'abord parce que cela ne s'inscrit pas dans la logique d'une place plus importante donnée aux victimes dans les procédures ; ensuite parce qu'au regard de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nous pensons que ce n'est pas un procès équitable. Les accusés et les prévenus ont le droit de faire appel. C'est même, en Europe, un droit fondamental que de pouvoir contester une décision de justice. Je connais la jurisprudence de la Cour de Strasbourg qui précise que ce droit est réservé aux auteurs d'infractions. Je pense que des juristes avertis pourraient obtenir un changement de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg sur un sujet de cette nature.
Cela étant, c'est l'un des seuls cas où un citoyen victime d'une infraction est privé du double degré de juridiction, qui est selon moi un droit essentiel : contester une décision de justice, reprendre en second degré les faits, reprendre le droit, expliquer à nouveau sa thèse, tout cela me semble relever d'un droit fondamental.