Il faut reconnaître que ce que nous avons connu depuis des années n'allait pas franchement dans ce sens.
Cette situation me fait mal ; elle me touche. J'ai parlé des magistrats mais, comme eux, les gendarmes et les policiers sont confrontés tous les jours à la quadrature du cercle : alors qu'ils ne sont même pas équipés d'un ordinateur, on les charge de travaux herculéens qu'ils ne peuvent effectuer.
Des jugements un peu rapides ont été rendus sous la pression de l'opinion publique, dont l'influence se renforce avec la rapidité des moyens de communication – des exemples récents le montrent. Les magistrats se retrouvent dans une position intenable.
Aussi, monsieur le garde des sceaux, je pense que vous devez continuer votre travail de rencontre et de réconciliation avec nos magistrats. La France ne peut pas être fâchée à ce point avec sa justice, sa gendarmerie, sa police, ses agents, sa sécurité. C'est la preuve d'une mauvaise santé.
Quant à adjoindre deux citoyens assesseurs aux magistrats, je pense que le moment n'est pas venu, je vous le dis en conscience. Il y a trop de doutes, un trop grand manque de confiance pour que cette réforme puisse aboutir et réussir. Croyez bien que je le regrette et que je ne cherche pas seulement à jouer les Cassandre. Ces hommes et ces femmes, qui sont des professionnels, n'y arrivent pas alors qu'ils abattent un travail incroyable. Comment pourraient-ils intégrer des assesseurs formés en une journée ?
Revenons-en à nos jeunes. Puis-je dire, une fois encore, que je maudis le monde de l'argent qui s'est emparé de toute chose en 2010 ? Qui l'aurait imaginé ? En l'an 2000, nous rêvions tous de changements. Qui aurait pu dire que maître argent allait s'imposer à tous avec cette volonté inflexible contre laquelle on ne peut rien ? L'argent dégouline à flots, mais il n'y en a pas dans les caisses des États, et les États les plus riches sont aussi les plus endettés. Cela ne facilite pas la bonne administration et le règlement des problèmes que nous évoquons.
Peut-être ai-je enfoncé deux ou trois portes ouvertes en vous parlant de la parentalité, des magistrats, des policiers et des gendarmes. J'ajouterai qu'un élément détruit le lien social dans notre pays : le sentiment d'impunité éprouvé par ces jeunes dont j'ai tenté d'expliquer le parcours.
D'après nos interventions, on devine les zones géographiques les plus concernées, celles qui en souffrent le plus, notamment les grandes villes. Il y a là un problème. Une terrible exaspération monte chez certains de nos concitoyens, face à des jeunes qui ne sont pas jugés ou n'ont pas de comptes à rendre parce qu'ils ont seize ou dix-sept ans.
Sur ce plan, monsieur le garde des sceaux, j'adhère à votre proposition, mais faisons-le avec une infinie précaution. Je loue le jour où, les moyens revenus, nous pourrons embaucher beaucoup plus d'accompagnateurs de rue. Aux côtés des parents et des enseignants, ils pourront aider les jeunes à donner un sens à leur vie, afin que nous puissions supprimer ces tribunaux correctionnels pour mineurs que nous mettons en place aujourd'hui.