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Intervention de Marc Le Fur

Réunion du 22 juin 2011 à 15h00
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Le Fur :

Monsieur le garde des sceaux, je tiens à vous dire que j'adhère à 100 % au projet gouvernemental. Il part d'un simple constat selon lequel les citoyens doutent de la justice et de leurs juges. Il ne s'agit pas de montrer du doigt une profession. Cela n'a rien de spécifique aux magistrats. Notre société connaît un clivage croissant entre le peuple et les élites. Nous en avons un exemple. Face à ce clivage entre le peuple et les élites, on peut avoir trois attitudes. Première attitude : nier, c'est ce que fait la gauche au nom d'un conservatisme qui la caractérise et même au nom d'un refus du peuple. On a vu des Terra Nova et autres fondations dans la mouvance du parti socialiste considérer qu'il fallait finalement se passer du peuple. La deuxième attitude, c'est sombrer dans le populisme, donc ajouter de l'huile sur le feu. La bonne attitude, la troisième, me semble être de combler le fossé et de rapprocher, dans toute la mesure du possible, le peuple des élites. Cela, une fois de plus, ne vaut pas que pour les magistrats. Nous pourrions avoir des débats analogues sur la démocratie directe qui nous concerne tous, en tant que législateurs et élus locaux.

Être magistrat ce n'est pas exercer un métier ; c'est exercer une fonction publique. Tout comme le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, l'autorité judiciaire s'exprime et agit au nom du peuple français. On juge en son nom. Cela impose un certain nombre d'évolutions. J'adhère tout à fait, monsieur le garde des sceaux, à votre projet d'introduire des jurés dans les tribunaux correctionnels. Cela me semble tout à fait nécessaire et totalement dans notre tradition. Nous retrouvons une tradition médiévale – celle de l'échevinage – et une tradition révolutionnaire, puisque c'est l'Assemblée révolutionnaire qui a introduit, en 1791, les jurés dans les instances pénales les plus importantes. Je suis, par conséquent, surpris de constater que la gauche refuse cette évolution qui, pourtant, s'inscrit dans une certaine mesure aussi dans sa tradition.

Monsieur le rapporteur, je suis un peu en désaccord avec vous sur un point. Pour moi, l'introduction du justiciable est nécessaire, mais il faut aussi faire intervenir la victime, et nous sommes là au coeur du texte.

J'ai déposé avec un certain nombre de collègues une proposition de loi visant à introduire davantage la victime dans le procès pénal. Cette proposition de loi a fait l'objet d'une longue réflexion, elle ne résulte pas d'un mouvement d'humeur à la suite de je ne sais quel fait divers. Nous avons associé à notre travail un certain nombre d'experts de l'Institut pour la justice. Ce texte recueille aujourd'hui un peu plus d'une centaine de signatures et je me réjouis qu'il ait été signé notamment par M. Garraud, magistrat, et par M. Blanc, avocat, qui sont autrement plus compétents que ne l'est votre serviteur sur ces questions. Nous offrons ces propositions à votre réflexion et nous espérons qu'un certain nombre d'entre elles au moins seront acceptées. Nous considérons en particulier que la victime doit être présente dès le départ. Dès le dépôt de plainte, elle doit être accompagnée par l'avocat.

Finalement, il s'agit de rétablir un équilibre. Nous avons été nombreux à considérer avec un certain regret la présence de l'avocat auprès du voyou, pour parler clair, dès la garde à vue. Peut-être avons-nous été un peu loin dans ce domaine. En tout cas, c'est une donnée, il faut en prendre acte. En contrepartie, il faut permettre à la victime de bénéficier dès le départ de la présence d'un avocat. Cela aura des incidences en termes d'aide judiciaire. Nous ne nous sommes pas posé la question quand il s'agissait du prévenu, il n'y a pas de raison que le législateur refuse d'agir en raison du problème financier, qui existe, quand il s'agit de venir en aide à la victime.

Nous considérons par ailleurs – M. Blanc a parfaitement développé ce point, et c'est au coeur du sujet –, que la victime doit pouvoir faire appel d'un jugement d'acquittement ou de relaxe. C'est un élément essentiel. La victime est déjà très présente. Elle peut contester un classement sans suite du procureur ou faire appel d'une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction. C'est une étape supplémentaire, une évolution, et non une révolution, de notre droit pénal. Nous devons savoir utiliser ce texte majeur, l'ultime texte pénal de notre mandat, pour réaliser ce progrès. La commission des lois, si prestigieuse commission, a adopté l'amendement qui résultait de la proposition de loi, et je m'en réjouis. J'espère que nous irons au bout de la logique.

Qu'on ne me parle pas de vengeance, monsieur le rapporteur. Il ne s'agit pas de permettre à la victime de contester le quantum de la peine, de réclamer dix ans au lieu de deux. L'appel n'est possible, dans notre logique, que dans l'hypothèse où elle estime qu'il y a un déni de justice, en cas d'acquittement ou de relaxe. Que l'on ne reconnaisse pas la culpabilité de l'inculpé est en effet extrêmement traumatisant pour la victime, chacun le comprendra. Une telle solution nous paraît raisonnable et nous aurions tout intérêt à aller dans ce sens.

Troisième étape de la défense de la victime, au-delà de l'appel, cette proposition de loi entend donner une plus grande place aux victimes au stade de l'exécution de la peine. Parce que la protection physique de la victime est parfois en jeu et que sa reconstruction psychologique passe par l'exécution complète de la peine, il nous paraît indispensable qu'elle puisse être présente ou représentée lors de toute décision tendant à libérer le condamné avant la fin de sa peine. Les décisions initiales seraient alors autrement plus respectées. Ne le nions pas en effet, la difficulté majeure à laquelle nous sommes confrontés, c'est que les peines ne sont que très médiocrement exécutées.

Je sais les efforts que vous réalisez dans ce domaine, monsieur le ministre, pour que cela évolue progressivement dans le bon sens. Cela passe aussi par de plus gros moyens, mais le meilleur aiguillon, c'est que la victime puisse participer elle aussi. Nous proposons ainsi qu'elle soit informée, si elle le souhaite, de toute décision d'aménagement de peine et qu'elle puisse adresser à la juridiction d'application des peines des observations écrites à ce propos. Ce sont des éléments de bon sens, simples. Il ne s'agit pas d'une quelconque vengeance, il s'agit de permettre à la victime d'être associée aussi au respect de la décision qui a été prise par le juge au nom du peuple français.

Une proposition de loi, cela permet d'ouvrir un débat. Nous savons bien que l'ensemble de notre proposition de loi ne peut pas être adopté dans ce texte. Nous lançons aussi le débat pour l'année prochaine et nous espérons que notre candidat saura reprendre un certain nombre des idées que nous développons. Il n'empêche qu'elles ne seront crédibles que si elles ont commencé à entrer en application. J'ai bien noté quelques timides évolutions, et j'en sais gré au ministre et au rapporteur. Il n'en demeure pas moins que le sujet central sera le droit donné à la victime de faire appel. Nous avons eu l'occasion d'auditionner de nombreuses victimes, il ne s'agit pas de mettre en avant un cas particulier par rapport à un autre, il s'agit simplement, lorsqu'elles estiment qu'il y a déni de justice, de leur permettre de bénéficier d'un tel droit comme les autres parties au procès, ce qui nous paraît légitime. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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