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Intervention de Delphine Batho

Réunion du 22 juin 2011 à 15h00
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

Si l'on fait le bilan, en un an, pas une fois il n'a fait l'objet d'une sanction suffisamment ferme et bienveillante. Comme le disent ses parents, « ce qu'on aurait voulu, c'est une réponse au bon moment pour éviter que le gamin “parte en vrille”. »

Voilà la réalité du terrain, et les situations que tous les élus rencontrent. Elles illustrent les failles qui existent, non pas dans les textes, mais dans la prise en charge concrète qui permettrait d'éviter cette escalade, car ce parcours est, hélas ! comparable à celui d'un certain nombre de mineurs. C'est pourquoi, lors de chaque débat parlementaire, nous avons proposé sans relâche que l'on explore une autre voie pour combattre la délinquance des mineurs, une voie qui privilégie la prévention et la sanction précoces.

La prévention précoce, c'est l'inverse de ce que vous faites, puisque vous avez démantelé toute politique préventive. Les besoins éducatifs, les parents désemparés, la perte des repères, le non-respect des règles, bref : tout ce qui demande de nouveaux moyens humains et de nouvelles méthodes de travail pour prévenir les comportements violents a été ignoré par le Gouvernement. Pis, sa politique a consisté à supprimer les surveillants et l'encadrement adulte dans les collèges et à fragiliser tous les acteurs de terrain en réduisant les subventions des associations et les budgets éducatifs. Il faut croire que la seule chose que le Gouvernement sache faire en matière de prévention, c'est commander des rapports. On en dénombre, tenez-vous bien, quatre en moins d'un an – le rapport Ruetsch, le rapport Bockel, le rapport Reynes, le rapport Bénisti –, si bien que je me demande si quelqu'un, au Gouvernement, prend la peine de les lire.

La sanction doit, elle aussi, être précoce. À l'inverse de la logique de vos tribunaux correctionnels pour mineurs, c'est sur les primo-délinquants que nous devons concentrer les efforts. Ce qu'il faut, c'est une sanction ferme, rapide et proportionnée dès le premier délit, c'est-à-dire sans attendre que s'installe l'escalade que je décrivais tout à l'heure. Dans le rapport de la mission d'information sur l'exécution des décisions de justice pénale concernant les personnes mineures, Michèle Tabarot indiquait d'ailleurs qu'« une prise en charge précoce des primo-délinquants serait à la fois plus efficace et moins onéreuse. Elle permettrait d'éviter la réitération et la récidive, avec un coût moindre pour le système judiciaire ».

Ce rapport démontre également que près de 70 % des mesures alternatives aux poursuites sont de simples rappels à la loi. D'ailleurs, le recours à ces rappels à la loi prononcés par les délégués du procureur a augmenté de 6 % entre 2007 et 2009 – ce sont les derniers chiffres disponibles – quand, dans le même temps, le nombre d'affaires « poursuivables » augmentait de 0,54 %. Cela en dit long sur le grand écart qui existe entre les discours vigoureux que nous entendons dans cet hémicycle et la réalité.

À l'inverse de la réponse factuelle et superficielle du rappel à la loi, la logique de la sanction précoce est de ne pas laisser s'installer un crescendo de comportements violents, en répondant au moyen d'une échelle de sanctions appropriée et claire, compréhensible par le citoyen : la mesure éducative d'abord, puis la réparation, l'encadrement, l'éloignement, enfin l'enfermement – uniquement en dernier recours. Cette échelle de sanctions passe par le développement massif des tuteurs référents, susceptibles de suivre dans la durée les mineurs soumis à des sanctions éducatives ; par des centres éducatifs renforcés ; mais aussi par de nouvelles formes de prise en charge, consistant par exemple en l'adaptation aux mineurs délinquants de l'encadrement mis en oeuvre dans les établissements publics d'insertion de la défense – les EPIDE – où des équipes pluridisciplinaires composées d'anciens militaires, d'enseignants, de personnels d'insertion, suivent de jeunes majeurs pendant au moins huit mois, en leur prodiguant une remise à niveau des fondamentaux scolaires, une éducation civique et comportementale structurante et une préformation professionnelle. Des collectivités locales ont proposé d'expérimenter cette solution nouvelle, mais le Gouvernement a refusé.

Un bref témoignage valant souvent mieux qu'un long discours, je veux vous lire un extrait des cahiers de doléances du tribunal de grande instance de Niort, plus particulièrement de son tribunal pour enfants : « La prise en charge des mineurs se heurte à une insuffisance d'établissements spécialisés, alors même que le phénomène est maintenant connu de mineurs qui, très jeunes, s'inscrivent dans une spirale délinquante et présentent très rapidement un profil multirécidiviste, épuisant en cela les dispositifs classiques. Dans les Deux-Sèvres, aucun établissement spécifique n'existe, c'est pourquoi les juges des enfants sollicitent la création d'établissements spécialisés, qui prennent la dimension de la problématique posée par les très jeunes multirécidivistes ». Voilà bien la preuve du réel besoin de structures alternatives à celles de l'enfermement dans les EPM et les centres éducatifs fermés.

Aujourd'hui, un peu avant le coup de sifflet final de cette législature, nous voyons M. Ciotti présenter, non sans habileté, cette nouvelle forme d'encadrement comme une idée nouvelle qu'il serait prêt à mettre en oeuvre, alors que le 2 septembre dernier, Hervé Morin, ex-ministre de la défense, s'y opposait farouchement – je tiens à votre disposition le texte de sa déclaration. Personne n'est dupe de ces propositions de loi de dernière minute n'ayant qu'un seul objectif : reprendre une bonne idée pour mieux la vider de son contenu.

Mes chers collègues de la majorité, la vérité de votre politique est dans vos actes et, alors que vous êtes aux responsabilités depuis neuf ans, aujourd'hui encore, nous examinons un texte dont la logique n'est pas celle de la sanction précoce ni celle du développement d'un nouvel encadrement.

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