La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à Mme Odette Duriez, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, nous vous avions interpellé ici même, en mars dernier, à la suite de l'arrestation, dans le Pas-de-Calais, d'une bénévole de l'association humanitaire Terre d'errance. Son délit était d'avoir rechargé des téléphones portables de migrants en situation irrégulière. Comme d'autres, elle a été coupable de faire preuve de compassion et d'humanité à l'égard de personnes en détresse.
Alors que huit Français sur dix sont opposés à toute sanction envers les aidants, cet exemple est emblématique de la volonté d'intimider les bénévoles, les élus et les travailleurs sociaux. Il n'a d'autre objectif que de dissuader toute aide et toute solidarité, y compris familiale, envers les étrangers. Actuellement, l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit des peines d'emprisonnement et de lourdes amendes pour les personnes qui viennent en aide aux étrangers. Aucune distinction n'est faite entre les réseaux de passeurs qui prospèrent sur la détresse humaine, et que nous condamnons, et les personnes qui agissent par solidarité et pour le respect des droits fondamentaux.
Ces citoyens ne font pourtant que décliner la devise républicaine : « Liberté, égalité, fraternité. »
La loi ne doit pas menacer le juste, la loi ne doit pas condamner les actes gratuits et humanitaires.
Demain, nous aurons à nous prononcer sur une proposition de loi : si les mots « assistance à personne en danger » ont encore un sens pour vous et si vous reconnaissez le travail essentiel effectué, au quotidien, par les associations et les aidants, alors, permettons à tous ceux pour lesquels la vie d'un être humain a un prix d'agir sans avoir la peur au ventre d'être arrêtés.
Ensemble, changeons la loi en refusant le délit de solidarité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Madame la députée, c'est un vieux serpent de mer qui rejaillit aujourd'hui. Il a été évoqué il y a onze ans dans cet hémicycle par Noël Mamère, déjà député des Verts, qui accusait Jean-Pierre Chevènement d'être à l'origine d'un « délit d'humanité » – ainsi appelait-on à l'époque ce que vous nommez aujourd'hui « délit de solidarité » et qui deviendra dans dix ans, j'imagine, le « délit de compassion » ou « de charité ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je souhaiterais vous rappeler la réponse de Jean-Pierre Chevènement, en 1998 (Protestations sur les bancs du groupe SRC) : « Le droit des associations est particulièrement libéral dans notre pays. »
« Quiconque le souhaite peut créer une association. Il eût alors suffi » – Jean-Pierre Chevènement s'exprimant bien, il employait le conditionnel passé deuxième forme –, « il eût alors suffit, disait-il, à une filière organisée de se constituer en association pour jouir d'une impunité inacceptable. » (Protestations continues sur les bancs du groupe SRC.)
Jean-Pierre Chevènement ajoutait : « Aucune poursuite n'a jamais été engagée par aucun gouvernement à ce sujet », et c'est toujours d'actualité.
En ce qui concerne la maîtrise des flux migratoires et ce que vous appelez la politique du chiffre,…
…je voudrais vous citer les propos tenus le même jour par Lionel Jospin, à l'époque Premier ministre. (Huées sur les bancs du groupe SRC.)
Vous devriez applaudir Lionel Jospin, et non pas hurler !
Selon Lionel Jospin, « dire à ceux qui ne peuvent être régularisés qu'ils doivent repartir dans leur pays, qu'ils ont vocation à être reconduits à leurs frontières, c'est simplement le respect du droit international, et je dirai même du droit des gens. »
Je vous le répète : la proposition de loi que vous allez présenter est dangereuse car elle empêcherait la police de traquer les filières de l'immigration clandestine et les filières mafieuses.
Elle est, de plus, totalement inutile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la secrétaire d'État chargée de la famille, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle est essentielle pour assurer les bons chiffres de la natalité dont dépend le dynamisme de notre pays pour aujourd'hui et pour demain.
Il s'agit également d'une demande très forte des familles dont les deux parents travaillent et qui éprouvent de grandes difficultés pour faire garder leurs enfants. Tous ne peuvent en effet se permettre d'interrompre, de façon temporaire ou plus durable, leur activité professionnelle, pour pouvoir assurer eux-mêmes la garde de leurs très jeunes enfants.
La pénurie de places de crèche se traduit, en effet, par une perte de revenus non négligeable pour le foyer et décourage les parents d'agrandir leur famille. Or les difficultés liées à la crise globale que nous traversons vont accroître ces tensions sur nos capacités de réponse à la demande de garde d'enfants.
En tant qu'élus de terrain, nous savons que des mesures concrètes ont été prises à votre initiative dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, comme la possibilité pour les assistantes maternelles de garder jusqu'à quatre enfants et de se regrouper, ou encore la possibilité de majorer le complément de mode de garde pour les parents qui travaillent en horaires décalés.
Ces mesures permettront-elles néanmoins d'atteindre en 2012 l'objectif de 200 000 places de garde supplémentaires fixé par le Gouvernement ? Madame la secrétaire d'État, comment comptez-vous atteindre cet objectif de 200 000 places et répondre ainsi à une préoccupation majeure des familles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.
Madame la députée, vous avez raison de rappeler que le Gouvernement est totalement mobilisé pour assurer la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.
Pour accompagner notre taux de natalité – le plus fort de l'Union européenne –, nous avons besoin de créer 200 000 places de garde supplémentaires. En effet, pour garantir un taux de natalité élevé, deux conditions sont nécessaires : développer les modes de garde et garantir un taux élevé d'activité des femmes – ce dernier atteint 82 % en France.
Vous avez rappelé les mesures législatives adoptées par l'Assemblée destinées à accompagner ces jeunes enfants, qu'il s'agisse du regroupement des assistantes maternelles ou de la possibilité pour ces dernières de garder jusqu'à quatre enfants – je rappelle que, dans les pays du nord de l'Europe, elles peuvent en garder jusqu'à six.
Nous allons diversifier les modes de garde. Pour tenir nos engagements, nous avons signé, avec Brice Hortefeux, la convention d'objectifs et de gestion qui nous lie avec la CNAF. Ainsi, l'État engage près de 1,3 milliard d'euros. Il s'agit d'un effort financier majeur devant permettre la création de 100 000 places de crèche supplémentaires ; 100 000 places grâce aux mesures législatives ; 100 000 places grâce à la convention que nous avons signée avec Brice Hortefeux.
Puisque vous êtes très attachée à la formation, je rappelle en outre que nous aurons besoin, pour réaliser ce plan, de plus de 60 000 emplois dans le domaine de la petite enfance. Nous avons donc présenté, avec ma collègue Valérie Létard, un plan des métiers de la petite enfance et du secteur médico-social pour répondre aux besoins des familles et des collectivités locales. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adressait à monsieur le Premier ministre.
Dans deux jours, à l'occasion du 1er mai, des cortèges massifs défileront dans toute la France, à l'appel unitaire de huit organisations syndicales qui revendiquent notamment l'ouverture de vastes négociations en faveur de l'emploi et des salaires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Après les innombrables journées d'action, dans des formes parfois inédites comme à Hanovre avec les « Contis », et après les mobilisations remarquables des 29 janvier et 19 mars, les luttes convergent dans un front de résistance et d'espoir. Cette unité, qui n'avait pas été vue depuis 1947, est à la hauteur d'une crise sans précédent, pour laquelle vos multiples plans montrent leur totale inefficacité, car ils ne s'attaquent pas aux causes profondes du malaise qui tient au système capitaliste.
Le mois de mars confirme la tendance de 3 000 chômeurs de plus par jour et, dans presque tous les secteurs, les intentions d'embauche ont diminué de moitié. Vos aides au patronat n'y changeront rien puisqu'elles ne sont soumises à aucune obligation.
La dégradation du climat social répond aussi à votre entêtement à protéger les plus riches. À la suite des scandales que nous avons dénoncés chez EADS, Renault, Total et Arcelor-Mittal, Dexia annonce la suppression de 900 emplois alors que 8 millions d'euros viennent d'être distribués en bonus aux cadres dirigeants.
Au nom des députés du groupe GDR, je souhaite donc formuler trois propositions :
La première consiste à interdire immédiatement les licenciements dans les entreprises qui distribuent des dividendes afin de donner un signe clair aux salariés qui désespèrent.
La deuxième prévoit de renoncer immédiatement aux 30 000 suppressions d'emplois publics. Enfin, la troisième vise à augmenter les salaires et les retraites, à commencer par le SMIC et les minima sociaux pour relancer le pouvoir d'achat.
Le Premier ministre va-t-il enfin prendre en compte la colère des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée, la politique du Gouvernement face à cette crise sans précédent consiste à la fois à préserver au maximum nos emplois et à protéger les Français les plus fragiles.
Ainsi, l'ensemble des actions que nous avons mises en oeuvre depuis le début de la crise vise à préserver nos emplois. Il s'agit de traverser au mieux cette période inédite grâce, notamment, aux dispositifs d'aide au financement des entreprises asphyxiées par la crise financière.
La médiation en faveur du crédit a par exemple permis d'empêcher la disparition de 68 000 emplois depuis le début de la crise. L'action quotidienne d'OSEO relative aux garanties et à l'accompagnement des PME permet, quant à elle, d'éviter des dépôts de bilan. Ce travail s'effectue en amont avec les entreprises.
Préserver les emplois, c'est aussi empêcher que trop d'entreprises recourent aux licenciements. Les mesures que nous avons prises visant le chômage partiel doivent y parer et permettre à de nombreuses entreprises d'amortir le choc, grâce, notamment, aux quotas d'heures de chômage partiel.
En parallèle, madame la députée, nous prenons des mesures à destination des plus fragiles. Je rappelle que, ce mois-ci, les 4 millions de ménages les plus modestes ont touché 200 euros de primes de solidarité active. Je rappelle aussi que, le mois prochain, les 6 millions de foyers les plus modestes ne paieront pas leur deuxième tiers d'impôt sur le revenu.
Vous pouvez le constater, nous tentons à la fois d'amortir le choc et de prendre en compte la situation des ménages les plus fragiles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Madame la ministre, la semaine dernière, vous avez accompagné le Président de la République à Nice, à la rencontre des acteurs de la sécurité intérieure, de représentants des magistrats, des victimes et de l'éducation nationale. Depuis 2001, l'insécurité n'a cessé de chuter dans notre pays (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR),…
…et elle a atteint son niveau le plus bas en 2008. Le taux d'élucidation est passé de 25 % à 37 %. C'est une réalité incontestable.
Mais le Président de la République a émis le souhait que nous allions toujours plus loin, pour répondre à une délinquance qui est en permanente mutation. C'est la raison pour laquelle il a voulu que des dispositions législatives fortes soient prises à l'encontre des bandes organisées.
C'est l'honneur du groupe UMP de se saisir lui-même d'une proposition de loi. Nous déposerons le texte la semaine prochaine. Il sera discuté au mois de juin. Après son adoption, appartenir à une bande sera un délit. De même, nous voulons que l'école de la République soit un sanctuaire et qu'une intrusion à l'intérieur de l'école de la République devienne également un délit.
Nous voulons vous remercier, madame la ministre, d'avoir déjà pris des dispositions répondant à notre attente en ce qui concerne le port de cagoules. Quand on est un honnête citoyen, on n'a pas besoin de masquer son visage. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Pourriez-vous, madame la ministre, nous rapporter dans quelles conditions s'est déroulée cette table ronde avec les acteurs de l'insécurité ?
Par ailleurs, les accords passés hier en matière de coopération avec Madrid démontrent l'amitié franco-espagnole.
Nous devons être fermes et justes : fermes avec les voyous, justes avec les victimes et les honnêtes citoyens. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Vous l'avez constaté, monsieur le député, le Président de la République a souhaité, à Nice, rendre hommage au travail des forces de gendarmerie et de police pour la baisse de la délinquance qu'a permis leur action sur le terrain – une baisse incontestable, puisqu'elle repose sur des critères qui ont toujours été les mêmes.
Par ailleurs, le Président de la République a rappelé que la protection de nos concitoyens était toujours au coeur de ses préoccupations et de ses priorités. Il a souligné que de nouvelles formes de délinquance apparaissaient, face auxquelles il convenait de prendre un certain nombre d'initiatives.
Ainsi, il a souhaité que les UTEQ et les compagnies de sécurisation, que j'ai commencé à mettre en place depuis un an, voient leur généralisation accélérée.
Il a également conforté le recentrage des GIR sur la lutte contre la drogue et l'économie souterraine, et il a bien voulu approuver la nomination du coordinateur national.
Il a également appuyé le plan de développement de la vidéo-protection.
Contre les bandes, il a montré sa détermination, à laquelle répond la proposition de loi que vous êtes chargé de rédiger avec la majorité de cette assemblée.
Le décret prohibant l'utilisation des cagoules dans les manifestations est devant le Conseil d'État.
Le Président de la République, pour faire face, justement, aux nouvelles formes de délinquance, a souhaité que la coordination entre les préfets au niveau des bassins de délinquance devienne une véritable institution, pour Paris et la région parisienne, puis pour d'autres régions.
La LOPSI permettra de répondre aux priorités ainsi établies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.
Il ne fait pas bon être sidérurgiste en France aujourd'hui. À Gandrange, plusieurs centaines d'intérimaires et de sous-traitants ont été licenciés. Quand aux 600 salariés d'ArcelorMittal, le Président de la République leur avait d'abord promis le maintien de leur emploi sur le site.
Il n'en fut rien. Un an après, le 7 février, lors de son intervention télévisée, le même Président et vous-même, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'industrie, en Lorraine, aux côtés des dirigeants d'ArcelorMittal, avez pris l'engagement, par votre signature, de reclasser tous ces sidérurgistes dans des sites voisins, et plus particulièrement dans celui de Florange. Nouvelle illusion perdue ! Le site censé les accueillir ferme au moment où ils arrivent.
Plusieurs centaines d'intérimaires et de sous-traitants sont pourtant à nouveau licenciés pour leur faire de la place. Malgré cela, ils ne savent toujours pas ce qu'ils vont devenir. Pour l'instant, ils sont reclassés dans une usine à l'arrêt, sans même une chaise pour s'asseoir. Surtout, ils ignorent, comme les 1 500 autres salariés de cette usine, si les hauts fourneaux et l'aciérie où ils atterrissent redémarreront, et quand.
Monsieur le secrétaire d'État, votre silence est assourdissant sur ce sujet ô combien stratégique pour l'industrie française. Je vous rappelle que 34 000 personnes travaillent en France dans la sidérurgie. Or quatre hauts fourneaux sur sept sont à l'arrêt.
Quels messages avez-vous fait passer aux dirigeants d'ArcelorMittal ? Quelles réponses vous ont-ils apportées ?
Pour Florange, mais aussi pour Fos-sur-Mer, pour Dunkerque, pour Mardyck, pour Mouzon, pour Fumel, pour Montataire, pour Gueugnon, pour le Creusot, pour Héricourt, quelle est l'action de la France en Europe pour lutter contre ces stratégies financières et contre le dumping social pratiqué par ces producteurs ?
Monsieur le secrétaire d'État, dites-nous la vérité ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, je ne peux pas vous laisser caricaturer et travestir la réalité en ce qui concerne le respect des engagements qui ont été pris par le Président de la République sur le site de Gandrange. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je vais vous donner les chiffres. Sur les 339 salariés de l'aciérie de Gandrange,…
…qui doit fermer, 284 se sont déjà vus proposer une offre alternative.
S'agissant des 232 salariés du train à billettes, qui doit fermer à la fin de l'année, 197 se sont vu, à ce jour, proposer une solution alternative.
Donc, sur l'ensemble des 570 salariés concernés par la fermeture, ce sont près de 90 % qui se sont vu, à ce jour, proposer une solution alternative, l'objectif étant, je le confirme, que 100 % d'entre eux aient une telle proposition.
Et comme vous l'avez indiqué, monsieur le député, je suis allé en Lorraine.
J'y suis allé pour signer deux conventions, qui traduisaient à la fois les engagements du groupe ArcelorMittal et ceux de l'État.
Pour la revitalisation, 300 millions d'euros seront engagés, en compensation de la suppression de ces 570 emplois.
S'agissant de la réindustrialisation du territoire, le groupe ArcelorMittal a commencé d'investir dans un centre de formation. Une vingtaine d'apprentis seront accueillis à la rentrée, l'objectif étant que 120 apprentis par an soient formés sur le secteur.
Un fonds d'investissement sur les matériaux a également été créé. Arcelor y mettra 10 millions d'euros.
Vous le voyez, monsieur le député, tout cela mérite mieux que la caricature à laquelle vous vous livrez. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Gest, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre chargé du plan de relance.
Le 4 décembre dernier, le Président de la République, à Douai, présentait les grandes lignes du plan de relance.
Que n'a-t-on entendu sur celui-ci ! De manière très redondante, nos collègues ont affirmé que ce plan de relance était insuffisant, incomplet parce que tourné vers l'investissement, parce que les projets qu'il contenait ne servaient qu'à mettre en oeuvre des projets déjà prêts, comme si ce n'était pas justement la philosophie de ce plan. Monsieur le ministre, tout cela a été contredit ce matin même par un rapport de l'OCDE qui balaie ce genre d'assertions. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La réalité que nous vivons sur le terrain est totalement différente. Nous assistons au lancement de nombreux chantiers, dont certains comme le barrage sur la Seine, que vous avez inauguré la semaine dernière à Chatou, n'auraient pas été possibles sans le plan de relance. La réalité, c'est que ceux qui le critiquent ici en sont les premiers supporters dans leur région, leur département et leur commune. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Aux mille projets que le Premier ministre avait proposés en février dernier se sont ajoutés ceux des collectivités territoriales, aidées par la mesure du fonds de compensation de la TVA, et également – j'insiste sur ce point – ceux de l'ensemble des entreprises qui ont une mission de service public ou des établissements publics.
C'est la raison pour laquelle, vous avez rendu, hier, monsieur le ministre, à la demande du Parlement, un premier rapport d'étape. Je souhaite que vous puissiez faire part à l'ensemble de la représentation nationale de ces informations et indiquer l'ampleur des engagements des différents opérateurs qui contribuent à la réussite de ce plan de relance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance.
Monsieur Gest, le plan de relance a principalement choisi l'investissement. Mais il dispose aussi d'un volet consommation. Nous l'avons vu avec le RSA par exemple : 4,1 millions de foyers ont reçu une prime de 200 euros. C'était évidemment un soutien à la consommation. De même, les transferts sociaux augmentent à eux seuls cette année de 30 milliards. Cela représente aussi un soutien à la consommation. Le plan de relance choisi par le Gouvernement est donc en plein développement.
Le 2 février, le Premier ministre avait annoncé, à Lyon, plus de mille projets lancés par l'État. Aujourd'hui, 260 sont engagés. À cela, il faut ajouter les projets des entreprises nationales. Quatre milliards du plan de relance ont été affectés à ces entreprises nationales en complément des investissements prévus ; 947 millions ont déjà été engagés à ce titre.
Les entreprises nationales lanceront entre 3 000 et 4 000 chantiers supplémentaires par rapport aux mille initiés par l'État. La Poste a ainsi engagé une rénovation de nombreux bureaux (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et lancera un peu plus de mille chantiers. Bien d'autres entreprises, comme la SNCF ou comme EDF, qui consacre 2,5 milliards au plan de relance, ont emprunté la même voie.
Il faut également ajouter 3 000 ou 4 000 chantiers lancés par les établissements publics de l'État, parmi lesquels VNF.
Nous aurons en tout de 8 000 à 10 000 chantiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine
Monsieur le Président, madame le Premier ministre (Sourires et exclamations), mes chers collègues, Continental : 1 120 licenciements, Caterpillar : 733 ; Goodyear : 402 ; la CAMIF : 780 ; Les Trois Suisses : 674 ; Total : 383, etc. En trois mois, on enregistre 250 000 chômeurs supplémentaires.
Que se passe-t-il pendant ce temps-là ?
D'un côté, des patrons, comme ceux d'EDF ou de GDF, comptent leurs salaires en millions d'euros et viennent encore de les augmenter de 15 % ; de l'autre, la désespérance, la souffrance des salariés qui doivent renoncer à l'essentiel et ne savent pas comment assurer le quotidien de leur famille.
D'un côté, des actionnaires cupides, avides de dividendes, qui aspirent la substance des grandes entreprises et des banques ; de l'autre, des salariés qui doivent séquestrer leurs patrons pour les amener à la table des négociations. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Madame le Premier ministre, que faites-vous, vous qui soutenez Mme Parisot et le MEDEF, vous qui refusez l'augmentation du pouvoir d'achat, vous qui beurrez la tartine des privilégiés, pour entendre la désespérance qui monte des profondeurs de notre pays ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Madame le Premier ministre, qu'allez-vous faire pour entendre ces honnêtes travailleurs et amener les grands patrons à la table des négociations ?
Ces salariés, qui souffrent, seront dans la rue le 1er mai pour faire entendre les revendications que le patronat et le Gouvernement ne veulent pas entendre. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi
chargé de l'emploi. Derrière les grandes envolées lyriques, monsieur Brard, vous avezraison. Il y a surtout des réalités concrètes et une situation très difficile sur le terrain. Des entreprises licencient, des familles et des territoires souffrent.
Nous essayons dans ce cadre de tout faire pour éviter les licenciements. Bien entendu, nous n'y parvenons pas toujours. Mais nous essayons de tout faire pour privilégier les solutions qui permettent de choisir l'activité partielle, plutôt que le licenciement. De même, mieux vaut former que licencier.
L'accord sur l'activité partielle a ainsi permis, chez PSA, de prendre l'engagement de ne procéder à aucun licenciement et d'augmenter en même temps de 30 % les crédits consacrés à la formation. Ce ne sont pas de grandes déclarations, mais des réalités concrètes.
Deuxième exemple : nous avons fait en sorte, là où la situation est difficile et où des licenciements sont pratiqués, d'organiser les reconversions, notamment avec les contrats de transition professionnelle ou la convention de reclassement personnalisé.
Monsieur Brard, votre groupe, je le reconnais, a de la constance. Vous privilégiez le rétablissement de l'autorisation administrative de licenciement.
Cette solution avait été proposée entre 1997 et 2002 – cela a été évoqué dans une question précédente. Mme Guigou avait dit alors : « Il n'est pas question de revenir à l'interdiction de licenciement. J'observe d'ailleurs que plus personne ne la réclame, parce que l'expérience a montré qu'elle n'empêchait pas de licencier dans la quasi-totalité des cas. » (« Ce n'est pas la question ! » sur de nombreux sur les bancs du groupe SRC.)
Je reconnais votre constance, monsieur Brard, mais vous devez comprendre que nous ne puissions suivre les propositions de votre groupe. Vous ne reniez pas votre constance dans l'erreur. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Paul Anciaux, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Nous le savons tous dans cette enceinte, la formation professionnelle constitue, en cette période de crise, un levier majeur pour faciliter le maintien des salariés dans l'emploi, en leur permettant soit d'acquérir des compétences supplémentaires ou de nouvelles qualifications, soit de se former en vue d'un changement d'activité professionnelle. N'oublions pas non plus que, pour un salarié, la possibilité de se former est le gage que le socle de ses compétences personnelles ne se dévalorisera pas. Se former, c'est aussi permettre le retour à l'emploi de ceux qui en sont le plus éloignés, en les orientant vers les métiers « en tension » qui recrutent. Il y a aujourd'hui dans notre pays plusieurs milliers d'offres d'emploi non satisfaites, ne l'oublions pas. Nous devons donc utiliser ce levier à 100 %.
En France, nous consacrons à la formation professionnelle près de 27 milliards d'euros par an, dont 12 milliards proviennent des entreprises. C'est une somme considérable, et pourtant notre système souffre de plusieurs maux bien connus. Trop souvent, cet argent ne se retrouve pas là où il serait le plus utile. À cela s'ajoute le manque de transparence du système, caractérisé par la complexité des circuits de financement et l'absence d'évaluation.
Le Président de la République a fait de la réforme de la formation professionnelle une priorité et des négociations ont été conduites avec les partenaires sociaux. De notre côté, nous avons animé, avec mon collègue Claude Goasguen, un groupe de travail. Nous avons engagé une réflexion approfondie qui nous a conduits à rencontrer les partenaires sociaux et les grands acteurs de ce secteur.
Madame la ministre, vous avez présenté ce matin en conseil des ministres, avec Laurent Wauquiez, un projet de loi qui reprend le contenu de cet accord, tout en affichant votre ambition d'aller plus loin sur certains sujets, notamment s'agissant de la transparence du financement de nombreux dispositifs. Pourriez-vous, madame la ministre, à ce stade, nous détailler les grandes orientations de ce projet de loi ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Selon que vous êtes cadre de trente-cinq ans, employé à Paris dans une entreprise de cinq cents salariés ou bien ouvrier, peu qualifié, âgé de cinquante ans, employé en province dans une entreprise de moins de dix salariés, vous bénéficierez ou non de la formation professionnelle.
Le système actuel n'est ni juste ni efficace. C'est pour cette raison que nous avons, avec Laurent Wauquiez, sous l'autorité du Premier ministre et dans le respect des engagements pris par le Président du République, mené un long travail de concertation, de préparation, avec l'aide des députés UMP qui ont eu le courage de se pencher sur ce problème, délicat de par ses implications financières.
Nous souhaitons mettre en oeuvre, dans le cadre d'un projet de loi qui vous sera présenté bientôt, un système plus juste, plus efficace et plus personnalisé.
Plus juste, il le sera grâce à la mise en place d'un fonds paritaire de sécurisation des parcours, doté de près d'un milliard d'euros et dont l'objectif sera de former au moins 500 000 personnes peu qualifiées et 200 000 personnes en demande d'emploi.
Plus efficace, il le sera parce qu'il vise à ramener à quinze le nombre des organismes paritaires collecteurs agréés – les OPCA – et à améliorer la transparence des systèmes de collecte. Les sommes versées par les entreprises de moins de cinquante salariés seront sanctuarisées au bénéfice des salariés de ces entreprises. En outre, le nouveau système privilégiera la formation professionnalisante, la formation diplômante, les contrats en alternance et la valorisation des acquis de l'expérience.
Plus personnalisé, le nouveau système le sera parce qu'il privilégiera le droit individuel à la formation – le DIF – utilisable même après la rupture du contrat de travail et qu'il prévoira un bilan professionnel tous les cinq ans.
Telles sont, monsieur le député, quelques caractéristiques d'un projet de loi que vous aurez à coeur, je n'en doute pas, d'examiner. La promesse en avait été faite par le Président de la République : nous la tiendrons tous ensemble ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre du budget et des comptes publics.
Trouvez-vous normal, monsieur le ministre, que les boucliers ne protègent que les riches ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Au moment où la crise exige un effort de tous, il est profondément choquant que les seules personnes qui soient exonérées de tout effort de solidarité soient les plus fortunés de nos concitoyens. (Mêmes mouvements.)
Vous allez nous dire – vous nous l'avez déjà dit - que le bouclier fiscal permet d'« éviter qu'un contribuable travaille un jour sur deux pour l'État ». C'est inexact.
Il est quasiment impossible, en effet, d'atteindre la limite du bouclier par les seuls revenus du travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Le bouclier fiscal, c'est d'abord un bouclier pour les grandes fortunes. Les deux tiers de son montant vont à des contribuables qui possèdent plus de 15 millions d'euros de patrimoine. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Avec le bouclier version Villepin, chacun de ces contribuables a reçu en 2007 un chèque de 231 000 euros en moyenne. Avec le bouclier version Sarkozy, ce chèque a doublé. C'est 368 000 euros qu'ils ont reçus en 2008 !
Erreur ! Signet non défini.. Trouvez-vous normal, monsieur le ministre, de verser 368 000 euros aux grandes fortunes, quand le gouvernement refuse depuis deux ans tout coup de pouce au SMIC ?
Le bouclier fiscal, c'est le double bonus : en réduisant son revenu imposable, non seulement un contribuable fortuné peut s'exonérer d'impôt sur le revenu, mais vous lui remboursez en outre tous ses impôts sur le patrimoine. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)
La logique du bouclier fiscal c'est : « Soyez riches, vous ne paierez pas d'impôts. » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est pourquoi, demain, nous proposerons d'abroger le bouclier fiscal ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Une fois de plus, comme hier, nous avons rendez-vous avec le bouclier fiscal ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Ce n'est plus une séance de questions d'actualité, c'est une séance consacrée à vos obsessions ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !
Vous avez tort d'être à ce point obsédés par le bouclier fiscal. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je trouve pour le moins déplaisante, voire malsaine, votre façon de stigmatiser ceux que vous appelez « les riches » en opposant deux France. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous oubliez que le bouclier social est infiniment plus important que le bouclier fiscal. (Mêmes mouvements.)
Nos dispositifs de protection sociale sont infiniment plus importants que le bouclier fiscal. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Permettre à un Français de ne pas consacrer plus de 50 % de son revenu à l'impôt est une mesure de justice fiscale. (Mêmes mouvements.) Je l'ai déjà dit, et je le répète !
Je vais vous faire la même réponse qu'hier, monsieur Muet. À une époque, vous n'aviez pas souhaité - je n'en connais pas la raison –plafonner les niches fiscales. Vous y étiez même franchement opposés. Notre majorité l'a fait ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Parce que vous vous y étiez refusés, les cent plus gros bénéficiaires de niches fiscales étaient exonérés d'impôt de manière anormale. Sous le régime socialiste, certains pouvaient gagner des millions sans acquitter le moindre impôt et, pire, se voir rembourser de l'argent ! (Exclamations redoublées sur les bancs du groupe SRC.) Nous n'avons fait que rétablir la justice sociale et fiscale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur.
Samedi soir disparaissait en Haute-Corse près de Bastia un hélicoptère de la sécurité civile. Le pilote, Philippe Métais, le mécanicien navigant Michel Guia-Lopez, le médecin du SAMU, Michèle Salmon, et Justine Gressler, jeune maman qui venait de mettre au monde son enfant, qu'elle avait prénommé Léo, ont trouvé la mort dans ce dramatique accident qui endeuille cruellement la Corse et le continent.
C'est tard dans la nuit, malgré des conditions difficiles, que les services composés des unités de recherche des armées, de la gendarmerie et du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Corse ont retrouvé les victimes. Aujourd'hui, nous adressons nos condoléances émues à leurs familles, à qui nous exprimons notre compassion et notre solidarité.
Avec mon collègue Sauveur Gandolfi-Scheit et l'ensemble de la représentation nationale, je voudrais rendre hommage à ces professionnels dévoués que sont les médecins urgentistes et ceux de la sécurité civile, qui assurent au quotidien leur mission de secours au service des populations les plus éloignées des centres de soins, et très souvent dans des conditions météorologiques extrêmes, au péril de leur vie.
Après un tel drame et devant la douleur des enfants et des familles, les commentaires seraient vides de sens. Pourtant, madame la ministre de l'intérieur, cette question lancinante demeure : pourquoi ce dramatique accident ? Dimanche, vous avez dit aux familles que vous vouliez que toute la lumière soit faite sur cette tragédie. Pourriez-vous réaffirmer l'engagement du Gouvernement devant la représentation nationale ?
Enfin, je vous sais gré d'avoir fait en sorte de remplacer cet appareil si important pour le transport des victimes en Corse. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, cet accident d'hélicoptère est le plus grave qu'ait connu le groupe des hélicoptères de la sécurité civile depuis sa création en 1957. Je pense que l'Assemblée nationale tout entière s'associe aux condoléances adressées aux familles de la jeune mère et de son enfant né dans l'hélicoptère, du pilote, du copilote et du médecin.
Dès l'alerte donnée, près de deux cents hommes – gendarmes, membres de la protection civile, pompiers, membres du groupe d'intervention dans les milieux périlleux, membres de l'armée – se sont relayés pour essayer de retrouver l'hélicoptère, qu'ils ont finalement découvert vers trois heures trente du matin.
Il est évident que la seule chose que nous puissions donner aujourd'hui à ces familles, ce sont des explications sur ce qui s'est passé. C'est la raison pour laquelle trois enquêtes sont aujourd'hui en cours : d'abord une enquête judiciaire menée par la gendarmerie des transports aériens, sous l'autorité du procureur de la République ; ensuite, une enquête technique menée par le bureau « enquêtes accidents aériens » du ministère de la défense ; enfin, une enquête administrative conduite par des équipes d'experts de la sécurité civile.
Il est évident que, pour l'ensemble des populations, il est indispensable d'assurer la continuité du secours à personne, parfois très difficile en Haute-Corse. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé immédiatement de remplacer l'hélicoptère : dès aujourd'hui, la base de Bastia a un nouvel EC145 afin de pouvoir continuer à assumer cette mission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Ma question devait s'adresser à Mme Lagarde : chaque semaine, nous constatons que des dirigeants de certaines sociétés s'attribuent des rémunérations défiant le sens commun, bafouant en cela les autorités politiques de ce pays et ridiculisant les propos pourtant répétés du Président de la République. Mais la réponse stupéfiante qu'a apportée M. Woerth à la question de Pierre-Alain Muet m'amène à interroger à nouveau le ministre du budget et des comptes publics sur le bouclier fiscal.
Monsieur le ministre, votre réponse a péché par trop d'approximations pour qu'une forme de droit de suite ne s'exerce pas à l'occasion de ces questions au Gouvernement.
Vous vous targuez de faire oeuvre de justice fiscale, au motif que vous auriez accepté le plafonnement des niches fiscales, pour une économie de 600 millions d'euros. Pourtant, depuis 2003, c'est vous et vos amis qui avez créé plus d'une centaine de niches fiscales supplémentaires pour un coût pour l'État de 23 milliards d'euros chaque année. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Exciper d'une économie de 600 millions d'euros pour justifier des dépenses fiscales supplémentaires de 23 milliards d'euros ne suffit à nous convaincre, et sur d'autres bancs, nombreux sont ceux, je crois, qui n'adhèrent pas à vos raisonnements.
De simples considérations de sécurité juridique commanderaient que vous supprimiez le bouclier fiscal puisque nous sommes le seul pays au monde où les plus fortunés de nos compatriotes sont, non seulement exonérés de tout effort supplémentaire alors que la crise est là, mais contribuent aujourd'hui moins à l'effort du pays qu'ils n'y contribuaient avant que la crise n'éclate. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le ministre, quand vous déciderez-vous à proposer la suppression de ce dispositif ? Ayez seulement à l'esprit le cas des dizaines de milliers de retraités de l'agriculture qui ne bénéficient chaque année que de 155 millions d'euros alors que 833 de nos compatriotes se sont vu restituer 300 millions d'euros par vos services. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur Cahuzac, c'est votre question qui est stupéfiante et c'est à mon tour d'exercer mon droit de suite.
Toutes vos affirmations concernant les niches fiscales ne sont que du cinéma ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Si vous souhaitez que l'on supprime les niches fiscales, dites-nous donc desquelles il s'agit. La prime pour l'emploi, qui figure parmi les 23 milliards de dépenses que vous indiquiez ? Les avantages fiscaux pour les travaux réalisés dans une résidence principale ? Les avantages pour l'emploi à domicile ? Les avantages liés aux organismes aidant les personnes en difficulté ? C'est tout cela, monsieur Cahuzac, les niches fiscales et ce n'est pas autre chose ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Je vous demanderai donc de bien vouloir regarder la réalité des choses plutôt que d'en rester à la mythologie des niches fiscales.
S'agissant des exonérations de cotisations sociales, que vous associez toujours aux niches fiscales dans vos discours, je vais répondre à la question que vous n'avez pas posée. (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Vous souhaitez que nous revenions sur certaines de ces mesures mais cela reviendrait à augmenter le coût du travail, et par là même le chômage.
Cette majorité est cohérente. D'un côté, elle prévoit des avantages fiscaux qui répondent à des besoins de notre société et de notre vie en commun ; de l'autre, elle permet une diminution du coût du travail.
Enfin, dernière précision, le plafonnement concerne non pas des niches fiscales que nous aurions créées mais des niches fiscales antérieures. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP)
La parole est à Mme Françoise Briand, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
..les derniers chiffres du nombre de demandeurs d'emplois rendus publics lundi soir confirment une nouvelle hausse du chômage en mars, dans un contexte de crise mondiale qui affecte l'ensemble des pays.
Sur le terrain, dans nos circonscriptions, de nombreuses entreprises, en particulier dans le secteur industriel, s'inquiètent du ralentissement de l'activité, qui se traduit par la baisse de leur carnet de commandes.
Face à cette situation, le plan de relance, en finançant de façon massive de grands projets d'investissement dont les premiers éléments sont d'ores et déjà engagés, doit permettre de soutenir l'activité, et donc l'emploi.
Mais, dans l'immédiat, il faut également accompagner les entreprises et leurs salariés, victimes d'une crise dont ils ne sont pas responsables.
Le recours à l'activité partielle est l'une des solutions mises en oeuvre par les entreprises confrontées aux difficultés et qui se battent pour garder un maximum de leurs salariés.
Lors du sommet social du 18 février dernier, le Président de la République avait annoncé son intention, en concertation avec les partenaires sociaux, d'améliorer l'indemnisation de l'activité partielle et de mieux mobiliser la formation, afin que ces périodes de moindre activité ne soient pas des périodes d'inutilité sociale pour les salariés.
Dans ce cadre, des négociations ont été engagées par votre ministère avec les partenaires sociaux. Monsieur le secrétaire d'État, quels en sont les résultats et dans quel délai ces mesures entreront-elles en vigueur ? L'attente des salariés et des entreprises sur le terrain est forte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Madame la députée, vous l'avez dit avec justesse, le licenciement est toujours un échec et nos outils de la politique de l'emploi se résignaient trop facilement à ces licenciements. Or il vaut mieux toujours prévenir, agir d'abord qu'intervenir une fois que le licenciement est arrivé. Il vaut toujours mieux investir d'abord plutôt que de se contenter de financer des dispositifs d'assurance chômage qui, finalement, n'aident personne.
L'activité partielle en période de crise peut être particulièrement utile, à condition que le dispositif soit bien fait. Or, tel n'était pas le cas, parce que la compensation salariale était très faible, qu'il n'y avait aucune formation et que, de ce fait, il ne prévenait pas les licenciements.
L'engagement avait été pris par le Président de la République et par Christine Lagarde d'améliorer rapidement le dispositif, et nous avons travaillé d'arrache-pied avec les partenaires sociaux pour y parvenir.
Le dispositif sera opérationnel demain, grâce à un nouveau décret sur l'activité partielle qui nous permettra de l'améliorer sur trois points.
D'abord, l'indemnisation, qui était de 50 % du salaire brut et qui n'avait jamais été revalorisée depuis plus de dix ans, sera portée à 90 % du salaire net – et même à 100 % au niveau du SMIC.
Ensuite, cette action sera financée conjointement par les partenaires sociaux et par le Gouvernement, ce qui montre, à l'approche du 1er mai, que nous sommes capables, même dans la crise, de continuer, en travaillant ensemble, à améliorer nos dispositifs.
Enfin, le dispositif a pour contrepartie qu'aucun licenciement ne pourra avoir lieu pendant la période de recours à ces aides. C'est avec ce type de dispositif que nous avons pu sauver, par exemple, les emplois de l'industrie du décolletage dans la vallée de l'Arve, ou encore que PSA a pu prendre l'engagement, il y a dix jours, de ne procéder à aucun licenciement et d'améliorer la formation offerte aux salariés.
Cet exemple nous montre que, même lorsque la situation est difficile, nous pouvons, à condition de travailler ensemble, améliorer les choses et prévenir les licenciements. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, le médiateur national du crédit s'était engagé, lors de la mise en place des 360 milliards d'euros d'aide au secteur bancaire, à citer publiquement les exemples de restrictions de crédit inadmissibles. Le moment est venu de le faire, car la crise devient en France un véritable révélateur d'indécence.
J'illustrerai mon propos par un cas dramatique pour les salariés, mais aussi pour l'industrie en France et en Europe. Il s'agit de la liquidation judiciaire, à La-Roche-de-Rame, dans les Hautes-Alpes, de la société Elsamétal, dernier producteur européen de calcium, liquidation qui place toute la filière utilisatrice sous la dépendance d'approvisionnements russes ou chinois.
Comment qualifier des banques, au premier rang desquelles la Société générale et la banque Laydernier d'Annecy, qui donnent le feu vert au financement d'investissements et, une fois ceux-ci réalisés, se rétractent au motif de la crise ; qui refusent tout dialogue avec le conciliateur nommé par un tribunal de commerce ; qui mentent au préfet et au médiateur départemental du crédit en prétendant avoir débloqué les fonds afin de laisser pourrir les choses de façon à invoquer in fine une dégradation de la situation pour ne plus assumer leurs engagements ?
Tout cela n'arriverait pas si vous n'aviez pas décidé de soutenir sans contrepartie le secteur bancaire, si l'ensemble des procédures que vous avez mises en oeuvre étaient analysées à l'aune d'une stratégie économique, d'une stratégie industrielle. Car là est bien le problème : il n'y a plus en France de stratégie industrielle, et comme il n'y a pas non plus, dans ce domaine, de pilote dans l'avion Europe auquel la main invisible du marché tient lieu de plan de vol, des territoires entiers vivent une apocalypse industrielle.
Mes questions seront simples.
Face à cette crise qui s'aggrave, avec son cortège de drames humains et sociaux, et qui fragilise de manière irréversible des filières entières de notre industrie, que comptez-vous faire...
..pour transformer votre angélisme coupable vis-à-vis de banques qui ne jouent plus leur rôle ? Quand répondrez-vous enfin à la crise en vous appuyant sur une vision stratégique orientée vers le maintien d'un potentiel industriel en France et en Europe ?
S'agissant du cas précis de la dernière usine de calcium en Europe, vous engagez-vous à soutenir le plan de reprise qui va être déposé par les industriels de la filière pour éviter la mise sous tutelle d'un secteur clé de l'industrie française et européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, j'ai eu l'occasion de rappeler tout à l'heure les résultats chiffrés de l'action du médiateur du crédit : 68 000 emplois sauvegardés depuis le début de la crise. C'est un résultat concret, effectif, obtenu par les pouvoirs publics.
Votre question a trait aux restructurations industrielles. L'État a considérablement renforcé, depuis le début de la crise, ses moyens d'accompagnement de ces restructurations. Le Président de la République a annoncé la nomination de commissaires à la réindustrialisation qui, dans les régions les plus touchées, coordonneront l'action des services de l'État, au plus près de la réalité de dossiers tels que celui que vous décrivez.
Ils auront un rôle d'anticipation, et feront tout pour éviter les restructurations lorsque ce sera encore possible. Depuis le début de la crise, les services du comité interministériel des restructurations industrielles ont empêché, en trouvant des repreneurs, la suppression de 22 000 emplois. Les commissaires sur place seront les représentants de ce service.
Ils auront également un rôle d'accompagnement social, car l'État doit être aux côtés des salariés. S'agissant de l'entreprise Elsamétal, il n'y a pas eu manquement de l'État, mais, après le plan de reprise, dépôt de bilan de la maison mère de cette entreprise.
Nous attendons maintenant un redressement judiciaire, et j'ai donné instruction au préfet de votre département de mettre en oeuvre les moyens de l'État pour être aux côtés des salariés quelle que soit la solution à l'issue du jugement du tribunal de commerce. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Françoise Hostalier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. J'y associe notre collègue Geneviève Lévy, présidente du groupe d'amitié France-Afghanistan.
Madame la secrétaire d'État, il ne se passe pas de jour sans que l'Afghanistan et le Pakistan fassent partie de l'actualité. Le plus souvent, c'est pour faire état des bilans de combats qui se déclinent en nombre de morts, morts d'insurgés, morts de civils ou morts de militaires de la coalition. Récemment, c'était pour dénoncer le vote d'une loi réglementant le non-droit des femmes chiites en Afghanistan et dont l'application, à la suite de nombreuses protestations – certaines ici même – est, pour le moment seulement suspendue.
Dans ce pays, nous avons l'impression qu'après les progrès qui ont suivi la chute du régime taliban et l'organisation d'élections en 2004 et 2005, la situation s'enfonce à nouveau dans la terreur et l'obscurantisme.
Ces derniers temps, l'inquiétude vient aussi de la situation au Pakistan qui semble de plus en plus incontrôlable.
En Europe et surtout en France, notamment dans les zones frontalières avec l'Angleterre, nous sommes confrontés à un afflux de réfugiés venant de ces deux pays, qui fuient le retour de la terreur, qui fuient en tout cas la guerre et la misère.
Il y a tout juste un mois, le Président de la République a nommé l'un de nos collègues, Pierre Lellouche, représentant spécial de la France pour l'Afghanistan et le Pakistan.
Pouvez-vous nous dire, madame la secrétaire d'État, ce que vous pensez de la situation dans cette zone, notamment à quelques mois de l'élection présidentielle en Afghanistan ?
Quel est le rôle de notre collègue dans cette mission, inédite en France, de représentant spécial et, surtout, quel peut être celui de notre Assemblée pour soutenir l'effort démocratique et de reconstruction de ces deux pays ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.
Madame la députée Hostalier, j'ai été, comme vous, consternée par les dispositions de cette loi, comme par celle qui dicte aux femmes chiites obéissance en cas de rapports sexuels désirés par leur mari.
Cette loi rappelle les heures les plus sombres de l'Afghanistan. Le Président Hamid Karzaï s'est engagé à revenir sur ce texte, ce que j'espère ardemment. En effet, et comme j'ai pu l'observer lors de mon dernier déplacement en Afghanistan, les femmes afghanes sont courageuses et elles se battent.
Notre soutien est donc un impératif politique et moral.
Par ailleurs, comme vous l'avez précisé, le Président de la République a nommé, le 3 mars dernier, Pierre Lellouche représentant spécial pour l'Afghanistan et le Pakistan.
Le représentant spécial a pour mission de présenter des moyens renouvelés, susceptibles de servir la nouvelle approche que nous avons du Pakistan et de l'Afghanistan que ce soit en matière de politique, de reconstruction, de sécurité ou de gouvernance.
Des moyens financiers supplémentaires – plus de 25 millions d'euros cette année – ont d'ailleurs été dégagés pour accompagner ce mouvement et renforcer notre coopération et notre assistance civile en Afghanistan.
Le Parlement français a déjà joué un rôle important en prenant en charge la formation des fonctionnaires afghans. Le Gouvernement encouragera, si vous le voulez bien, les nouvelles coopérations que votre Assemblée serait prête à mettre en place ainsi que les visites de parlementaires sur le terrain. Les militaires français engagés en Afghanistan doivent en effet pouvoir compter sur un soutien sans faille de notre part dans le combat qu'ils mènent contre le terrorisme.
Vous venez de le souligner, nous sommes à quelques mois des élections présidentielles en Afghanistan. Or il n'y aura pas de paix dans cette région sans liberté et sans engagement fort au service de la démocratie, de l'État de droit et des libertés fondamentales. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Luc Pérat, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille.
Devant le Sénat, il y a un an jour pour jour, le 29 avril 2008, vous déclariez, madame la secrétaire d'État, au sujet des modes de garde des jeunes enfants : « Toutes ces améliorations seront poursuivies afin d'aboutir, d'ici à 2012, à la mise en place du droit opposable à la garde d'enfants […]sur lequel le Président de la République a pris un engagement très ferme. À cet égard, nous devrons créer près de 350 000 solutions de garde. » Or, à peine huit mois plus tard, en février 2009, le Président de la République réduisait son ambition à 200 000 places.
Alors que, faute de trouver une solution de garde satisfaisante, une Française sur trois se trouve contrainte de cesser son activité professionnelle après la naissance d'un enfant, et que 400 000 places d'accueil manquent sur l'ensemble de notre territoire, vous nous annoncez aujourd'hui, madame la secrétaire d'État, que seulement 100 000 places de crèche seront financées d'ici à 2012.
Quant au droit opposable à la garde d'enfant, il s'est purement et simplement évanoui, tel un mirage supplémentaire dans le désert des promesses tenues par Nicolas Sarkozy !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oh !
Une fois de plus, devant un enjeu collectif majeur pour notre société – celui de la liberté d'activité professionnelle des femmes et de leur autonomie – vous bottez en touche et précipitez un nouveau désengagement de l'État sur le dos des collectivités locales qui, pour la plupart, vous le savez parfaitement, ne pourront pas le supporter.
Par ma question, permettez-moi, madame la secrétaire d'État, au risque de vous contrarier, de remettre en cause l'objectif d'un gouvernement qui se désengage sciemment, laissant aux familles en général, et aux femmes en particulier, le soin de gérer seules le problème et de concilier vie familiale et épanouissement professionnel et personnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.
Monsieur le député, comment osez-vous tenir de tels propos, alors que nous venons de signer la convention d'objectifs et de gestion qui va lier l'État et la Caisse nationale d'allocations familiales pour les quatre années qui viennent, alors que l'État, en dépit de la période économique difficile que nous connaissons, consacre un budget de près de 1,3 milliard d'euros qui nous permettra de créer 100 000 places de crèche supplémentaires, 350 000 places d'accueil pour la jeunesse, mais également 250 emplois supplémentaires afin de mettre en oeuvre le RSA ?
Comment pouvez-vous vous exprimer ainsi, alors que les estimations les plus justes démontrent que, pour accompagner le taux de natalité qui est le plus fort de toute l'Union européenne,…
…nous allons créer, au-delà de ces 100 000 places de crèche, 100 000 places de modes de garde très diversifiés – accueil collectif ou regroupement des assistantes maternelles – sur l'ensemble du territoire, correspondant aux contraintes des familles et à l'attente des collectivités locales ? De plus, une assistante maternelle va pouvoir garder jusqu'à quatre enfants et les crèches hospitalières seront optimisées. Enfin, le crédit d'impôt famille pour les entreprises – fixé maintenant à 50 % – permettra de booster le dispositif des crèches d'entreprise.
Monsieur le député, après deux ans de mandat du Président de la République, nous tenons nos engagements afin que les familles puissent mieux concilier vie familiale et vie professionnelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a été convoquée à seize heures trente.
La séance reprendra à dix-huit heures.
Mode de garde des jeunes enfants
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à dix-huit heures.)
J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que l'Assemblée n'ayant pas adopté le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, le Gouvernement demande à l'Assemblée de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture de ce texte.
En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de ce projet de loi (n° 1626).
Tout d'abord, monsieur le président, comme de nombreux Français, je suis stupéfait de voir qu'est remis en cause un vote de l'Assemblée nationale acquis dans des conditions parfaitement exemplaires.
Si le Gouvernement maintient sa volonté de discuter de ce projet, nous sommes face à un coup de force, un passage en force qui ne grandit pas la démocratie et la République. Je lui lance donc un appel à la raison en lui demandant de bien vouloir retirer son texte et d'accepter, même s'il lui déplaît, le verdict de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
À l'issue de ce vote, un certain nombre de députés ont tenu des propos mettant en cause l'impartialité de la présidence.
Comme vous l'avez fait justement remarquer dans plusieurs communiqués, c'est inacceptable et c'est aussi une remise en cause de la démocratie et du fonctionnement de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je ne doute pas que, sur tous ces bancs, nous ayons le même attachement au bon fonctionnement, au fonctionnement serein de notre assemblée. C'est pourquoi il me paraîtrait raisonnable que ceux qui, dans un moment d'égarement, ont tenu de tels propos veuillent bien faire amende honorable et les retirer.
Je m'adresse particulièrement à M. Lefebvre, qui s'est cru autorisé à tenir des propos mensongers, irresponsables, calomnieux, et même assimilables à un faux témoignage, pour une raison évidente, c'est qu'il était absent de la séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est scandaleux ! Des excuses !
Il était effectivement présent en début de séance, mais il a certainement été pris ensuite par d'autres occupations ou, en raison du goût immodéré du spectacle que nous lui connaissons, peut-être plus attiré par les Quatre Colonnes que par le débat dans l'hémicycle.
Il aurait eu largement le temps de s'exprimer. Il était en effet le dernier orateur inscrit dans la discussion générale. Ceux qui pourraient en douter peuvent se référer au compte rendu des débats de notre assemblée ou, s'ils ont des difficultés à lire, visionner l'enregistrement de nos séances réalisé par LCP. Au moment de lui donner la parole, j'ai constaté qu'il était absent. J'ai donc déclaré que la discussion générale était close et annoncé les explications de vote. Un seul orateur avait demandé la parole, M. Bloche, pour le groupe socialiste. J'ai alors demandé si d'autres groupes souhaitaient s'exprimer. Personne ne s'est manifesté, notamment pas M. Lefebvre, qui brillait par son absence.
Son goût immodéré du spectacle, comme je l'ai rappelé, fait sûrement de lui un permanent de la salle des Quatre Colonnes mais un intermittent de l'hémicycle, ce qui explique qu'il n'a pas pu participer au débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Des excuses !
Certains n'ont alors pas eu suffisamment de réflexe et de lucidité et ont peut-être fait preuve d'un amateurisme coupable vis-à-vis de la majorité et du Gouvernement. La ministre, Mme Albanel, ou le rapporteur, M. Riester, auraient pu en effet, à tout moment, lever la main pour demander une suspension de séance (Protestations sur les bancs du groupe UMP)…
C'est honteux de faire cela !
…et, comme la suspension est de droit, je la leur aurais accordée.
M. Copé, lui aussi, était absent (Protestations sur les bancs du groupe UMP)…
Je vous prie de rester calmes. Sinon, cela ne fera que compliquer la reprise de nos débats.
Veuillez conclure, monsieur Néri.
En étant président de l'Assemblée, au nom de la totalité de la représentation nationale, je ne suis pas chargé d'organiser le fonctionnement du groupe de l'UMP (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Protestations sur les bancs du groupe UMP) et le président de l'UMP peut difficilement me faire grief de son absence en séance.
J'ai pris acte, monsieur le président, du fait que vous avez apporté votre soutien à la présidence, ce qui s'inscrit dans la tradition républicaine qui nous réunit, mais vous avez ensuite été contraint, certainement sous la pression de quelques-uns ou peut-être pour mettre de l'huile dans les rouages de la majorité un peu en difficulté sur cette affaire (Protestations sur les bancs du groupe UMP), de me retirer la présidence de la séance de ce soir que je devais assurer.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est scandaleux !
Si j'étais aussi susceptible que certains, je pourrais considérer à juste titre que, en dépit de vos propos apaisants et de votre soutien, dont je prends acte et vous remercie, il y a un quelconque désaveu et même un désaveu certain…
…de la présidence exercée par les députés de l'opposition, qui, lorsqu'ils sont au perchoir, sont les représentants de l'ensemble de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous sommes profondément désolés mais aussi profondément choqués (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) par ce comportement sectaire, qui est totalement inadmissible dans notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur Néri, vous savez que je ne vous ai rien retiré du tout puisque la présidence de séance est exercée par le président, qui, s'il est empêché, est remplacé par un vice-président. Je vous remercie de bien vouloir contribuer à la sérénité de nos débats.
Je rappelle que le rejet d'un texte n'interrompt pas la navette et que c'est dans ce cadre que nous sommes appelés à examiner à nouveau ce texte.
Je précise qu'après le rappel au règlement de M. Néri, je vais donner la parole à un orateur par groupe, Mme Billard pour le groupe GDR, M. Laffineur pour le groupe UMP et M. Sauvadet pour le groupe Nouveau Centre et que nous commencerons ensuite l'examen du texte.
La parole est à Mme Martine Billard.
Au nom des députés Verts, communistes, Parti de gauche et ultra-marins du groupe de la gauche démocrate et républicaine, je voudrais rappeler que, le 9 avril, les députés de l'opposition ont accompli ce pour quoi ils ont été élus lorsqu'ils ont voté en leur âme et conscience, ainsi d'ailleurs que des députés de la majorité, contre un texte avec lequel ils étaient en désaccord.
Ce n'est pas à l'opposition de faire en sorte qu'il y ait toujours plus de députés de la majorité dans l'hémicycle,…
…ce n'est pas à l'opposition de sortir lorsqu'il n'y a pas assez de députés UMP présents ; c'est au groupe UMP d'assurer la permanence pour être majoritaire quand il pense que des textes doivent être votés.
Par ailleurs, nous protestons contre la modification de l'ordre du jour. La réforme de la Constitution devait permettre à l'Assemblée de maîtriser son ordre du jour deux semaines par mois et, dès son entrée en vigueur, nous en voyons le résultat : en fait, c'est l'UMP qui décide de l'ordre du jour de l'Assemblée. Nous sommes donc amenés aujourd'hui à examiner à nouveau ce texte alors qu'il était prévu d'autres travaux.
Je voudrais aussi poser des questions sur ce que nous entendons.
Le président du groupe UMP explique que, désormais, ce n'est plus la teneur du texte qui est en cause mais que ce qui importe, c'est le problème politique créé par son rejet surprise et par le comportement absurde de l'opposition. À l'en croire, que l'opposition joue son rôle, défende ses convictions et les exprime dans des votes, c'est un comportement absurde. Mais il est tout de même grave que le président d'un groupe parlementaire de notre assemblée explique que ce qui compte, ce n'est pas la teneur d'un texte.
S'il y a une deuxième lecture prévue par la Constitution, c'est bien parce qu'il a été considéré par nos constituants, sans que ce soit remis en cause depuis, que cela pouvait être utile pour voter de bons textes, bien écrits, qui puissent s'appliquer.
Il est donc un peu surprenant d'entendre certains de nos collègues de l'UMP se plaindre que cela prenne du temps, surtout quand on sait que nos travaux ont été suspendus deux heures aujourd'hui pour que les députés UMP puissent faire la claque pendant le discours du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, est-il normal qu'une session extraordinaire soit déjà annoncée dans la presse sans que la conférence des présidents ait été saisie de cette question ? Est-il normal que le Président de la République annonce l'adoption définitive de la loi HADOPI pour le 14 mai alors que c'est à l'Assemblée de fixer son ordre du jour ? Est-il normal que le Président de la République annonce le dépôt d'une proposition de loi – textes normalement déposés par les députés – sur la sécurité et, en plus, qu'il en désigne déjà le rapporteur ?
Le groupe GDR se félicite, puisqu'il l'avait demandé, que la conférence des présidents, qui s'est réunie à seize heures trente, ait inscrit à l'ordre du jour la tenue d'un vote solennel sur ce projet de loi. Ainsi, l'ensemble de nos concitoyens saura qui a voté et pour quoi. Mais est-il normal que ce vote solennel soit prévu pour le mardi 5 mai ? Cela veut-il dire, monsieur le secrétaire d'État, que le Gouvernement envisage d'utiliser l'article 44-3 de la Constitution pour abréger les débats et imposer le texte qu'il souhaite ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Ce texte est suffisamment important pour que nous commencions les débats avec beaucoup de sérénité,…
…ce qui nous permettra d'aller le plus vite possible dans le cadre, bien entendu, d'une discussion législative normale. Il s'agit d'aider la création dans notre pays, de faire en sorte que les artistes, les interprètes et les auteurs soient légitimement rétribués pour leurs créations et pour leurs oeuvres ; c'est l'intérêt de tout le monde artistique de notre pays. Il n'est donc pas nécessaire, mes chers collègues, d'entamer ce débat en attaquant un député de notre groupe. D'autant plus quand il s'agit de M. Lefebvre, qui est particulièrement présent lors de l'examen des textes, et qui l'a également été sur ce projet de loi. Je rappelle que, le jour de l'examen du texte de la CMP, il était présent jusqu'à douze heures quinze, mais qu'il a dû quitter l'hémicycle pour participer à une réunion (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC),…
…comme il y en a tant, en commission ou ailleurs, pendant que se tiennent les séances publiques.
Enfin, je rappelle qu'en vertu de la loi de notre pays et du règlement de notre assemblée, à partir du moment où la majorité des votants ont voté contre le texte proposé par la CMP, il est tout à fait normal que le projet de loi revienne pour une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale. Je peux comprendre l'attitude de l'opposition, mais je crois que nous avons suffisamment perdu de temps sur ce texte. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Il est temps maintenant de passer à la discussion sur le fond afin d'aider la création de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, je vais vous dire notre conception de ce qui s'est passé et de ce qui doit dorénavant présider à nos travaux.
Premièrement, je souligne que nous avons tous à gagner, aujourd'hui comme demain avec le renforcement du rôle du Parlement, à respecter la présidence de séance. J'invite chacun de ceux qui s'expriment à respecter scrupuleusement le président de séance parce que c'est lui qui incarne la présidence et est en charge, à ce titre, de l'organisation de nos débats. Je vous réitère, monsieur le président, notre confiance collective. Celle-ci doit être réaffirmée à chacun de ceux que vous désignez pour assumer la présidence de séance, dans le respect du pluralisme, garant du bon fonctionnement de notre démocratie. Nous devons être solidaires avec eux…
…parce que c'est un exercice difficile, surtout quand, en des temps de tension, il s'agit d'examiner des textes qui engagent l'avenir de nombre de nos compatriotes et l'avenir de pans entiers de notre société. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et SRC.) C'est à l'honneur du Parlement que de le réaffirmer.
Deuxièmement, je voudrais rappeler à tous ceux qui donnent des leçons sur l'organisation de nos travaux que nous avons une instance pour déterminer les conditions dans lesquelles ceux-ci s'organisent : il s'agit de la conférence des présidents. On évoque l'absentéisme, mais j'aimerais aussi qu'on rappelle que celle-ci s'est réunie pendant les vacances parlementaires pour mettre en place l'organisation des débats – qui méritaient d'être repris, j'y reviendrai. Aujourd'hui, à l'invitation du président de l'Assemblée nationale, la conférence s'est à nouveau réunie, à seize heures trente, en présence du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement : elle a déterminé le déroulement de nos travaux.
Un certain nombre de collègues de l'opposition ont régulièrement posé la question : y avait-il ou non lieu à redébattre, à reprendre l'examen d'un texte qui est l'objet de passions au sein de tous les groupes, et pas seulement dans le cadre du rapport majorité-opposition. Au nom du groupe Nouveau Centre, je dis à mes collègues : oui, il y a lieu de légiférer sur la protection de la création sur Internet. On ne peut pas considérer que la démocratie a été à la hauteur de sa tâche lorsque nous sommes confrontés à un vote qui n'est pas conforme à la position de l'ensemble des députés ayant participé aux débats ni à celle de l'ensemble de l'Assemblée nationale. Ce vote s'est déroulé au détour d'une procédure, dans l'après-midi, au terme d'un débat dont personne ne savait à quelle heure il allait se terminer.
Avec l'organisation de nos travaux décidée par la conférence des présidents, la démocration y gagnera : chacun d'entre nous pourra s'exprimer, un scrutin public aura lieu après la séance de questions au Gouvernement, qui permettra à chaque député, de l'opposition comme de la majorité, d'exprimer clairement sa position personnelle vis-à-vis de ce projet de loi. D'ici là, celui-ci doit faire l'objet d'un débat sérieux et qui doit être poursuivi parce qu'il engage la création, l'exception culturelle française, l'avenir de pans entiers de l'économie, mais aussi de notre culture. La question du piratage doit être posée et débattue. Il faut poursuivre la discussion sur les conditions dans lesquelles on doit sanctionner les contrevenants. Ce débat reste ouvert : le Gouvernement a fait des propositions, chacun des groupes en a débattu.
Enfin, je rappelle que nous allons disposer de droits nouveaux grâce à la révision constitutionnelle, qui prévoit une organisation différente des travaux parlementaires. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
Je le dis à l'opposition : cette organisation ne remet pas en cause le fait majoritaire. Et je souligne que dans la majorité, il y a aussi une force de proposition, qui n'est pas là pour entraver l'action du Gouvernement mais pour l'épauler et apporter sa contribution, soit de sa propre initiative, soit suite au dépôt d'un projet de loi. Le fait majoritaire existe. Il faut s'assurer que les droits de l'opposition sont bien reconnus pour lui permettre de s'exprimer, ce qui contribue à la vitalité démocratique ; mais considérer que l'opposition aurait raison au motif que la majorité s'engage derrière le Gouvernement, ce serait contrevenir à la règle de vie de la Ve République. Aujourd'hui, l'heure est au débat : il doit se poursuivre, le Nouveau Centre y participera, dans le respect de sa diversité certes, mais une majorité du groupe soutiendra ce projet. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Je considère l'incident clos et je renouvelle mon appelle au calme.
Monsieur Mathus, vous avez demandé la parole pour un bref rappel au règlement sur un autre sujet, et avec le souci de ne pas réveiller la polémique. Vous avez donc la parole, mon cher collègue.
Monsieur le président, vous pouvez compter sur moi pour ne pas raviver la polémique. Mon rappel au règlement porte en effet très directement sur l'organisation de nos travaux.
Il est maintenant un peu plus de dix-huit heures. La séance des questions d'actualité s'est achevée à seize heures. La séance a été suspendue pendant deux heures alors que nos collègues de la majorité nous pressent d'aller vite ; elle a été suspendue sans motivation et sans que l'opposition ait même été consultée. Ce sont d'ailleurs les journalistes qui nous ont éclairés sur les raisons de cette suspension : le président du groupe UMP souhaitait assister au discours du Président de la République sur le Grand Paris. (« Ah ! » sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Le sujet est certes d'importance, mais un tel évènement appelle plusieurs remarques de la part du groupe SRC.
Tout d'abord, je souligne que nous sommes dans la semaine d'initiative parlementaire : il n'en reste pas grand-chose.
Ensuite, je rappelle que nous avons demandé que la commission dispose de plus de temps pour réexaminer le texte HADOPI : cela nous a été refusé, et nous avons dû déposer nos amendements dans la précipitation, la discussion générale ayant été réduite à la portion congrue.
Et voilà qu'après nous avoir dit combien il était urgent de commencer la discussion, on nous prive de deux heures de débat. J'aimerais connaître le sens d'un tel précédent. Devrons-nous désormais nous interrompre à chaque discours du chef de l'État ? Ou ne le ferons-nous que pour les discours qui concernent la région d'élection du président du groupe UMP ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Il faut rappeler que quelque chose de grave vient de se passer en commission des lois : la décision de suspendre nos travaux est survenue alors que la majorité UMP vient de supprimer le droit pour les présidents de groupe de s'exprimer sans contrainte de temps. C'est un fait sans précédent sous la Ve République. Vous en portez la responsabilité. C'est une décision fondamentalement inadmissible pour la souveraineté parlementaire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mes chers collègues, il n'y a pas lieu d'ouvrir une série d'échanges qui pourrait occuper toute la soirée.
Nous en venons à la discussion du texte.
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mesdames, messieurs les députés, le 2 avril dernier, j'avais l'honneur de soumettre à votre assemblée, en première lecture, le projet de loi Création et Internet.
Après le Sénat, qui l'avait voté à l'unanimité le 30 octobre 2008, votre assemblée l'adoptait après y avoir apporté des améliorations précieuses (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), aussi bien pour les consommateurs que pour les auteurs et les industries culturelles.
La commission mixte paritaire, qui s'est tenue le 7 avril, a permis de dégager un accord particulièrement satisfaisant. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Le texte issu de cet accord a été adopté au Sénat, le 9 avril, sans qu'aucun groupe politique ne s'y oppose. Le texte adopté par votre commission des lois,…
…dont nous allons entamer l'examen, est d'ailleurs fidèle à l'accord trouvé avec le Sénat lors de la CMP.
Puis le texte de la CMP a été rejeté, dans les dernières minutes des dernières heures des derniers jours, cela après plus de quarante heures de débats dans cet hémicycle – car le débat a vraiment eu lieu ! –, dans des circonstances rocambolesques sur lesquelles je ne reviendrai pas. (Très vives protestations prolongées sur les bancs du groupe SRC)
C'est honteux de dire ça, madame Albanel, vous qui n'avez jamais été élue !
Mes chers collègues, je vous en prie. Seule Mme la ministre a la parole.
Il a été adopté dans des circonstances sur lesquelles, disais-je, je ne reviendrai pas, car l'essentiel est ailleurs. (Protestations persistantes sur les bancs du groupe SRC, couvrant la voix de Mme la ministre.)
Un peu de calme, mes chers collègues ! Veuillez poursuivre, madame la ministre.
J'essaye, monsieur le président. L'essentiel, disais-je, est ailleurs, c'est la gravité de la situation pour nos industries culturelles, pour nos créateurs, pour des centaines de milliers de salariés et pour les entreprises du secteur culturel (Mêmes mouvements. Plusieurs députés du groupe SRC se lèvent et apostrophent Mme la ministre),…
Calmez-vous, mes chers collègues ! Poursuivez, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
L'essentiel, c'est aussi la défense de la diversité culturelle.
Les chiffres sont éloquents : un milliard de fichiers piratés chaque année en France, autant que d'entrées en salles pour ce qui concerne le cinéma ; un chiffre d'affaires qui chute de 50 % pour la musique, de 35 % pour le DVD ;…
..et surtout, triste exception française, des ventes numériques qui ne prennent pas le relais des supports physiques : 10 % des ventes contre 30 % aux États-Unis et 20 % en moyenne dans les autres pays comparables. Autrement dit, l'ancien modèle s'évanouit et le nouveau ne parvient pas à s'installer. Alors que l'offre de musique en France, notamment grâce aux forfaits proposés par les fournisseurs d'accès à Internet, est supérieure ou équivalente à celle qui est disponible dans tous les autres pays.
Face à ce constat, je vous propose un projet de loi qui, en réalité, est un choix de société.
Quelle place entendons-nous réserver, en France, aux artistes et à tous les artisans de la diversité culturelle ? C'est la véritable question.
Les créateurs ont-ils le droit de vivre de leur travail ou doivent-ils être expropriés de ce droit, en contrepartie d'une indemnisation collective sous forme d'une chimérique contribution créative, injuste et infaisable ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Cette collectivisation, les artistes n'en veulent pas. Ils l'ont d'ailleurs écrit à la première secrétaire du parti socialiste, toutes disciplines et toutes appartenances politiques confondues. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Car ce n'est que par le droit de propriété, qui protège ses oeuvres, que le créateur de l'ère moderne a pu s'affranchir de sa condition de laquais ou de courtisan soumis aux caprices d'un bienfaiteur.
C'est ainsi qu'il a acquis son indépendance économique et, par là même, sa liberté de créer.
Souhaitons-nous abdiquer, sur Internet, un droit fondamental consacré par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen voici deux siècles, sacrifier l'État de droit sur l'autel d'une licence mal comprise ?
Internet est une chance formidable pour la culture.
C'est le vecteur de diffusion de l'avenir, le canal par lequel nous pouvons d'ores déjà accéder à des millions de morceaux de musique, à des milliers de films, et de plus en plus à la littérature, à des visites virtuelles de musées ou d'expositions, à des concerts et à des pièces de théâtre. Nous aimons Internet et nous voulons le développement de cet instrument unique de partage du savoir et de la culture sous toutes leurs formes.
Pour autant, ce développement appelle des règles.
J'ai la conviction que l'environnement numérique n'abolit aucun des principes élémentaires qui gouvernent la vie en société. Il n'existe pas de monde virtuel au sein duquel les contraintes collectives seraient abolies, où l'affirmation brutale de soi pourrait s'imposer impunément au détriment de l'autre. Il n'y a qu'un seul et unique monde, régi par les mêmes règles, et Internet n'est pas une zone de non-droit.
Pour cette raison, le projet qui vous est présenté est un texte tout simplement moderne. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)
Ce sont les défenseurs de la loi du plus fort, du renard libre dans le poulailler libre, ce sont ceux qui pensent qu'Internet doit demeurer une jungle, un Far West anarchique, qui se trompent d'époque, qui n'ont pas compris que le monde a changé et que nos concitoyens attendent des pouvoirs publics qu'ils assument leur rôle de régulation et de protection des droits de tous.
Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi ceux-là mêmes qui implorent l'État de réguler la finance, l'économie et le social se métamorphosent, dans l'univers enchanté du numérique, en partisans du laisser-faire le plus débridé. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Et les artistes ne le comprennent pas non plus !
Je cite leur lettre ouverte, signée par toutes les organisations qui les représentent dans notre pays et, en premier lieu, par les presque quarante signataires des accords de l'Élysée, dont beaucoup sont d'ailleurs de gauche. Ils se disent « atterrés par les positions défendues par le parti socialiste » et estiment que « cette attitude ignore délibérément l'économie de nos secteurs culturels. » (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Ne vous en déplaise, les artistes et créateurs sont massivement avec nous.
En témoignent la pétition de 10 000 artistes ou techniciens français de la musique, trop nombreux pour que je puisse les citer, le soutien de 1 300 labels de musique français indépendants, le soutien de dizaines de cinéastes et comédiens français parmi les plus renommés – certains sont présents dans les tribunes, et je les remercie –, le soutien de 4 000 labels de musique européens, le soutien des associations de producteurs de films européens, la motion de soutien de la Guilde des réalisateurs américains conduite par Steven Soderbergh, qui compte parmi les cinéastes les plus connus au monde.
Pour tous ces acteurs de la création, la France, avec la loi création et Internet, a repris sa place à la tête du combat pour la diversité culturelle.
Si la France demeure à l'avant-garde, avec un dispositif législatif complet, la méthode et les conclusions des accords de l'Élysée, qui sont le socle du projet, sont imités partout. Depuis dix-huit mois, dans une vague de pays qui ne cesse de s'amplifier, le monde de la culture et celui de l'Internet s'entendent pour faire obstacle au piratage en recourant à des processus gradués d'avertissement et de sanction, non judiciaires ou judiciaires, le plus souvent dans le cadre d'accords contractuels et parfois par la loi : accords en Grande-Bretagne, en Irlande et au Japon,...
…négociations en cours aux Pays-Bas, en Australie et à Hong-Kong, lois en Suède, en Corée du Sud, à Taïwan et bientôt en Norvège.
En termes d'effet dissuasif, les premiers résultats observés sont spectaculaires. La simple entrée en vigueur de la loi suédoise, voilà un mois, a occasionné du jour au lendemain, sans qu'aucune sanction ne soit prise, une chute de 37 % du trafic sur Internet dans ce pays et une envolée du recours à l'offre légale. Après six mois d'expérimentation en Grande-Bretagne, le taux de « désincitation » observé chez les pirates qui ont reçu deux avertissements est de l'ordre de 70 %.
C'est donc à une vaste convergence d'un nombre croissant d'États que nous assistons. Même si la France n'a aucun modèle à défendre, nous devons nous en féliciter puisque cette convergence renforcera l'efficacité du dispositif national.
Pour toutes ces raisons, mesdames et messieurs les députés, c'est avec beaucoup de force et de conviction que je porte ce projet de loi.
Ce texte est mesuré : il faudra s'acharner à pirater vraiment souvent, obstinément, pour qu'à de nombreuses reprises l'adresse IP renvoie toujours à la même personne, et ceci sur de longues périodes. Son caractère pédagogique est essentiel, basé sur le système des mails, de lettres recommandées, et autres.
Il associe prévention du piratage et développement de l'offre légale que nous appelons de nos voeux. Il est issu d'une démarche longuement concertée avec les professionnels de la culture et ceux de l'Internet ; ce sont eux qui ont bâti ce modèle, fondement des accords de l'Élysée.
Enfin, ce projet de loi est massivement soutenu – comme sans doute aucun autre avant celui-là – par les artistes et les créateurs (« c'est faux ! » sur les bancs du groupe SRC), y compris par ceux qui ne sont pas de notre bord, parce que c'est précisément la création qui est en jeu.
Il vise à créer une prise de conscience dans la population, particulièrement chez les jeunes, qui sont prêts à reconnaître à quel point il est important de rémunérer les artistes.
Il vise à créer un état d'esprit nouveau.
C'est désormais à l'Assemblée nationale de faire en sorte que les consommateurs, les créateurs et les centaines de milliers de salariés des industries culturelles puissent tirer parti des fabuleuses opportunités, culturelles aussi bien qu'économiques, d'un Internet civilisé. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Franck Riester, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord vous dire à quel point je suis affligé (« Nous aussi ! » sur les bancs du groupe SRC) du comportement de l'opposition. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Notre démocratie mérite mieux que ces vociférations, ces cris, ces hurlements quand une ministre de la République s'adresse à l'Assemblée nationale. (Mêmes mouvements.) Les Français qui nous regardent attendent mieux de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous voici de nouveau appelés à débattre du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet. Notre discussion se poursuit donc, en dépit de l'accord trouvé, à l'issue de chaque première lecture, par la commission mixte paritaire qui s'est réunie au sujet de ce texte le 7 avril dernier.
Cette situation pour le moins exceptionnelle ne tient qu'à une regrettable manoeuvre de l'opposition (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Oui, une regrettable manoeuvre de l'opposition, qui a délibérément choisi d'entraver l'aboutissement d'un processus parlementaire pourtant mené normalement à son terme !
Personnellement, j'avoue ne pas percevoir la justification politique d'un tel procédé de retardement, tout spécialement lorsque, après soixante-dix auditions, de nombreuses réunions, la discussion a eu lieu pendant quarante et une heures, dans cet hémicycle, dans une ambiance certes animée mais respectueuse des arguments de chacun et plutôt constructive.
Tous ceux qui soutiennent le projet de loi et attendent sa mise en oeuvre rapide, c'est-à-dire la grande majorité des artistes, des auteurs, des compositeurs, des producteurs et des salariés qui travaillent dans les filières culturelles de notre pays, espéraient davantage de tenue de nos travaux.
Ils peuvent compter sur les députés de la majorité pour ne pas les abandonner ! (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Notre détermination à adopter ce texte reste intacte, et cette nouvelle lecture nous offrira l'occasion de fournir un démenti cinglant à ceux qui en doutent, ou plutôt qui feignent d'en douter.
De manière plus générale, je reste dubitatif à l'égard de la position qui consiste, par fatalisme ou facilité, à prôner que la loi s'efface devant les pratiques illicites sur Internet, en totale négation des principes et des valeurs qui ont jusqu'à présent structuré notre pacte social et notre République.
On peut tous avoir des conceptions différentes sur la meilleure manière de garantir le respect des droits des auteurs et des artistes à l'ère numérique. Le groupe UMP a laissé libre cours à l'expression des convictions de chacun, ce qui n'est pas le cas sur tous les bancs : certains députés socialistes ayant exercé d'éminentes fonctions gouvernementales,...
... du seul fait de leur adhésion à ce projet de loi, se sont immédiatement attiré les foudres de leurs collègues ne partageant pas leur opinion, comme si le simple fait d'afficher un soutien à cette réforme était synonyme de je ne sais quelle ineptie idéologique.
Et si vous prenez Allègre, on vous fait un prix : un acheté, un gratuit !
Je pense, pour ma part, que personne ne peut nier la gravité de la situation dans laquelle se trouvent nos filières culturelles à cause du téléchargement illégal. Or aucune alternative sérieuse à la solution proposée par le projet de loi que porte Mme Christine Albanel n'est en mesure d'endiguer immédiatement les pertes de recettes de la production musicale et audiovisuelle.
Qu'on le veuille ou non, faire respecter les droits d'auteur et voisins constitue un préalable à l'évolution des modèles économiques de la création sur Internet. Voilà pourquoi l'adoption de ce projet de loi est nécessaire pour les créateurs, pour les entreprises de l'Internet et bien sûr pour les internautes.
Le rejet des conclusions de la CMP, le 9 avril dernier, ne doit pas masquer la convergence à laquelle les deux assemblées sont d'ores et déjà parvenues sur les aspects essentiels du texte, y compris d'ailleurs avec la participation constructive des sénateurs socialistes, qui, je le rappelle, ont voté à l'unanimité le texte en première lecture.
L'Assemblée nationale et le Sénat ont validé le principe d'une réponse graduée assortie d'une interruption de l'abonnement à Internet comme sanction ultime, après de nombreux avertissements. Cette sanction sera prononcée par une autorité administrative indépendante avec toutes les garanties nécessaires en matière de respect du contradictoire, de protection de la vie privée, des droits de la défense.
Les députés et sénateurs sont également tombés d'accord pour réformer le régime de la chronologie des médias, afin de renforcer l'attractivité de l'offre légale, en fixant à quatre mois après la sortie en salle, le délai de mise à disposition des films en DVD et sur Internet.
L'essentiel des différences d'appréciation porte en fait sur deux sujets de fond. Le premier concerne le non-paiement de l'abonnement suspendu pour les internautes dont l'accès à Internet a été interrompu sur décision de la HADOPI. Les sénateurs se sont unanimement montrés réticents à cette perspective, en raison de préventions constitutionnelles avérées, les dispositions introduites par notre assemblée étant susceptibles de représenter une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle, dans le prolongement de plusieurs décisions du Conseil constitutionnel et notamment de celle du 9 novembre 1999.
La seconde divergence porte sur la possibilité, pour la commission de protection des droits, de se fonder sur le contenu de l'offre légale lorsque les oeuvres ou objets protégés concernés ne font plus l'objet d'une exploitation sur un réseau de communications électroniques depuis une durée excessive. Les sénateurs et certains députés ayant activement participé à nos débats en première lecture y ont vu la légitimation du piratage.
Notre assemblée étant appelée à se prononcer en nouvelle lecture, en application du dernier alinéa de l'article 45 de la Constitution, la commission des lois s'est réunie lundi dernier afin de proposer une nouvelle version du texte que nous avions adopté le 2 avril.
Je tiens ici à remercier les très nombreux commissaires UMP et Nouveau Centre qui ont participé aux débats de la commission, menés par le président Jean-Luc Warsmann, apportant ainsi un démenti formel aux insinuations de désintérêt à l'égard de cette réforme qui ont pu être alléguées par quelques mauvaises langues.
J'observe également que les rangs de l'opposition étaient dans le même temps plus que clairsemés, peut-être par tactique, peut-être aussi pour des raisons tenant à la profonde incompréhension – et je suis modéré – qu'a créé la manoeuvre politicienne du 9 avril dans les milieux culturels et plus largement dans toute la société française. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
À la faveur d'amendements de votre rapporteur, du Gouvernement et – preuve de notre constante ouverture d'esprit – du groupe SRC, le texte qui vient en débat aujourd'hui est très proche, pour ne pas dire quasi-identique, à celui adopté le 7 avril par la commission mixte paritaire.
Le choix de la commission des lois a donc été guidé par la volonté de respecter le compromis auquel les représentants de chaque chambre étaient parvenus en commission mixte paritaire. Le dialogue mené au sein de celle-ci avec les sénateurs avait en effet montré que, sur plusieurs questions, les positions pouvaient se rejoindre et dépasser les jeux politiciens (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC), dès lors que l'on cherchait uniquement à défendre la culture française et les filières économiques qui s'y rapportent.
La commission des lois de notre assemblée a toutefois complété les modifications par certaines précisions concernant les règles procédurales applicables, en insistant plus particulièrement sur l'information des abonnés mis en cause à propos des faits qui leur sont reprochés, sur la possibilité, pour la commission de protection des droits de la HADOPI, d'auditionner toute personne susceptible de l'éclairer, ainsi que sur la motivation des sanctions.
Elle a également mieux encadré les principes directeurs que le décret en Conseil d'État chargé d'expliciter la procédure devra suivre, s'agissant notamment des conditions dans lesquelles peuvent être utilement produits par l'abonné, à chaque stade de la procédure, tout élément susceptible de le disculper.
La commission des lois a aussi jugé bon d'indiquer, à l'article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle, que le manquement du titulaire de l'abonnement à ses obligations n'engage pas sa responsabilité pénale.
Ainsi, je le crois, les dispositions relatives à la mise en cause des abonnés et aux procédures répondent davantage aux préoccupations exprimées dans notre hémicycle lors de la lecture initiale.
En conclusion, je suis convaincu que le texte issu des travaux de la commission des lois répond aux attentes des acteurs de la création,…
…des éditeurs de contenus, de toutes les sociétés et de tous les salariés des filières culturelles, et qu'il apporte des garanties supplémentaires aux abonnés à l'Internet.
Vous ne serez donc pas étonnés, mes chers collègues, que je vous invite à l'adopter tel quel ; j'ajoute par avance que je serai bien évidemment défavorable à tous les amendements qui visent à remettre en cause l'esprit de compromis sur lequel il repose. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui face à nos responsabilités. Ensemble, je vous invite à écrire une nouvelle page de notre histoire parlementaire. (Mêmes mouvements.) L'exception culturelle française constitue l'une des fiertés de notre pays ; elle est même une part de son identité. Le respect de la propriété, et particulièrement de la propriété intellectuelle, constitue l'un des ciments de notre République. Ensemble, donnons à la création les moyens d'exister à l'ère du numérique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous rappelle que la présente lecture se déroule dans des conditions indiscutables au regard de la Constitution, en l'occurrence de son article 45. Je vous remercie donc d'éviter de revenir sur le vote d'il y a quinze jours.
Dites-le plus directement à Mme la ministre ! (« Et au rapporteur ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
J'appelle les membres de notre assemblée, de la majorité comme de l'opposition, à se tourner sereinement vers l'avenir, pour la qualité de nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Votre importante mise au point, monsieur le président, me semble incomplète ; à tout le moins, elle est restée pour une part dans le sous-entendu.
Nous devons tous convenir que les propos du Gouvernement sur le fonctionnement de notre assemblée et le déroulement de nos travaux, déroulement qu'il a qualifié de « rocambolesque », sont inacceptables.
La séparation des pouvoirs sur laquelle est fondée notre République exige en effet que le Gouvernement ne porte pas de jugement sur la forme. Que Mme la ministre exprime son désaccord sur le fond, c'est son droit, et nous le respectons ; que le rapporteur, qui est l'un des nôtres, porte un jugement sur le fonctionnement de notre assemblée, nous y consentons également. Pour autant, aucun de nos collègues, quel que soit le groupe, ni vous, monsieur le président, n'a suggéré que nos travaux avaient porté atteinte à notre règlement. Le vote s'est déroulé normalement ; il a été ce qu'il a été, et l'on peut comprendre que certains le regrettent ; mais on ne peut en aucun cas parler d'un dysfonctionnement de notre assemblée. Le terme de « rocambolesque » employé par le Gouvernement est donc inacceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Désolé de déranger le numéro des socialistes et son bel ordonnancement, mais je veux dire un mot. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Première remarque, monsieur Brottes : si vous êtes choqué de l'emploi du terme « rocambolesque » par Mme la ministre, moi qui suis député comme vous, je reprends volontiers ce terme ; la séance concernée était même pis que cela : elle était indigne de notre assemblée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Deuxième remarque : le spectacle que vous donnez encore aujourd'hui est scandaleux. Le combat que nous menons vise, je le rappelle, à préserver la création française. Il est donc grand temps de comprendre que ce spectacle lamentable est contraire à l'esprit de ce que nous voulons faire dans une nation rassemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il est parfois utile de dire les choses clairement : le présent texte a pour objectif de répondre à une situation folle, où des artistes, des créateurs et des interprètes travaillent sans être payés. Voilà ce qu'est le téléchargement illégal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Il est des moments où nous devons assumer nos responsabilités.
Je connais la courtoisie légendaire de M. Brottes, et je regrette donc qu'il se soit dévoué pour la cause d'amis moins modérés ; chacun doit en tout cas comprendre que notre détermination est totale. La majorité sera présente aussi longtemps qu'il le faudra pour que ce texte au service de la création française soit adopté. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Avant de défendre la motion de procédure du groupe SRC, monsieur le président, je souhaite que les débats s'engagent avec toute la sérénité nécessaire. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Depuis presque une heure, l'opposition fait l'objet de provocations systématiques de la part du Gouvernement, de la majorité et de son premier responsable, le président du groupe UMP. (Mêmes mouvements.) Dans ces conditions, nous ne pouvons que demander une suspension de séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Rappels au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Patrick Bloche.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 9 avril dernier, au sein même de cet hémicycle, une majorité de députés rejetait le projet de loi HADOPI, traduisant ainsi le doute qui avait gagné jusqu'aux rangs de l'UMP.
Ce qui s'est passé ici le 9 avril, ce n'est pas « une petite manip », comme voudrait nous le faire croire M. Copé…
…ni « un coup de flibuste », pour reprendre l'expression de M. Karoutchi…
…ni un épisode rocambolesque, madame la ministre, ni une manoeuvre politicienne, monsieur Riester. Ce qui s'est réellement passé, chers collègues, c'est que la représentation nationale, sous la présidence exemplaire et éminemment honnête d'Alain Néri (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR), s'est dressée pour rejeter un texte perdant-perdant : perdant pour les internautes sur lesquels va désormais peser une présomption de culpabilité ; perdant pour les artistes trompés de manière éhontée puisque le projet de loi ne rapportera pas un euro de plus à la création. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le matin même du 9 avril, notre collègue Marc Le Fur, vice-président UMP de l'Assemblée nationale, nous avait pourtant alertés : « Il y a les “people”, et puis il y a le peuple. Et on a un peu oublié le peuple. Pardonnez-moi de défendre le peuple dans cette enceinte. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Il faut dire que la triste réunion de la commission mixte paritaire, qui avait précédé ce vote, avait – ultime provocation – été amenée à balayer les maigres avancées que nous avions pu obtenir. Elle avait notamment rétabli manu militari la triple peine – sanction pénale, sanction administrative et sanction financière, avec obligation pour l'internaute de continuer à payer son abonnement une fois son accès à internet coupé – ou était revenue sur l'amnistie des sanctions prises à l'encontre des internautes en vertu des dispositions de la loi DADVSI.
De fait, le durcissement final du projet de loi a été pour beaucoup dans le résultat du vote du 9 avril.
Ce jour-là, la loi HADOPI est morte politiquement et il ne s'agit désormais plus que d'assurer sa survie parlementaire. Cependant, Nicolas Sarkozy s'entête à vouloir la faire voter toutes affaires cessantes. C'est que le texte est la traduction législative des accords de l'Élysée signés il y a déjà un an et demi : son rejet par l'Assemblée nationale représente donc, pour le Président de la République, une défaite personnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C'est sous pression élyséenne que, lundi dernier, la commission des lois a vu son rapporteur se faire hara-kiri en défendant avec le même aplomb la suppression de dispositions qu'il avait pourtant défendues avec fougue et fait voter par l'Assemblée nationale en première lecture.
Il est par ailleurs paradoxal d'entendre la majorité se plaindre du retard qu'entraîne le rejet du projet de loi, alors que ce texte a pour conséquence de retarder bien inutilement la nécessaire adaptation du droit d'auteur à l'ère numérique. C'est d'autant plus vrai qu'il ne pourra techniquement être mis en oeuvre une fois voté – si un jour il l'est. Rappelons que les plus gros opérateurs estiment ne pouvoir lever les nombreux obstacles techniques que dans un délai minimal de dix-huit mois et en y consacrant plusieurs millions d'euros.
Madame la ministre, pour justifier votre démarche, vous avez affirmé, à plusieurs reprises, sur la base d'une assertion gratuite à défaut d'une étude sérieuse, que « la France est championne du monde en matière de piratage ».
Quel n'a donc pas été mon étonnement lorsque j'ai lu, le 16 avril dernier, un article sur le congrès de l'industrie du disque à Montréal qui annonçait : « Les Canadiens sont les champions du monde du téléchargement » ? Moi qui pensais que c'étaient les Français ! Notre record n'en serait donc pas un ? Mon trouble n'a été que plus grand lorsque j'ai découvert que la SGAE, équivalent espagnol de la SACEM, a annoncé, lors du MIDEM 2008, que les Espagnols étaient – devinez quoi – les champions du monde du téléchargement !
Qui détient donc aujourd'hui ce record ? Faute de pouvoir trancher, nous savons au moins que le champion français des partis politiques en matière de piratage est incontestablement l'UMP, qui, nous venons de l'apprendre, devra verser 32 500 euros – et non pas l'euro symbolique qu'elle avait généreusement proposé – de dommages et intérêts à un groupe musical piraté lors d'un de ses meetings. (Applaudissements et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous l'avons dit et nous le répétons à l'occasion de cette nouvelle lecture : ce projet de loi est un pari perdu d'avance. On ne fait jamais de bonnes lois en dressant nos concitoyens les uns contre les autres, comme ce texte qui oppose les créateurs aux internautes, c'est-à-dire les artistes à leur public.
Ce texte est inutile à plusieurs titres : il est d'ores et déjà dépassé ; il est inefficace, car contournable ; il est risqué pour nos concitoyens tant il comporte d'aléas et d'incertitudes juridiques. Et, surtout, je le rappelle, il ne rapportera pas un euro de plus aux créateurs.
Pourtant, aujourd'hui encore, le Gouvernement ignore toute approche alternative qui pourrait être fondée sur la reconnaissance des échanges non lucratifs entre individus, en contrepartie du paiement d'une contribution forfaitaire par les abonnés au haut débit. Nous avons proposé l'instauration d'une contribution créatrice pour ouvrir un débat que vous avez aussitôt refermé.
Il est évidemment plus simple de se contenter d'affirmer – comme, le 22 avril dernier, le Président de la République trouvant à nouveau, dans son agenda, le temps de recevoir à l'Élysée quelques célébrités du monde artistique – que « le créateur était propriétaire de sa création », ce que personne ne conteste, et d'enfoncer ainsi des portes ouvertes afin de masquer la réalité d'un projet de loi qui met en place un dispositif répressif disproportionné.
Le participant à cette rencontre qui a rapporté ces propos n'a malheureusement pas révélé si, en cette occasion, l'épouse du chef de l'État avait confirmé les déclarations selon lesquelles elle a, en tant qu'artiste, « grand plaisir à être téléportée, grand plaisir à être copiée, grand plaisir à être piratée, car, au fond, quand on est piraté, c'est qu'on intéresse les gens ». (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Je voudrais d'ailleurs rendre hommage à la femme du chef de l'État, car, la semaine dernière, la publication d'une étude suédoise lui a donné raison, en démontrant que les personnes qui téléchargent gratuitement de la musique achètent dix fois plus de musique sur internet que les personnes qui ne téléchargent pas.
Nous ne savons pas non plus si, sous les ors de la République, a été évoqué le second camouflet infligé au Gouvernement français par le Parlement européen, qui vient à nouveau, par le vote massif de l'une de ses commissions, de rappeler que le projet de loi HADOPI était condamné à très court terme par l'évolution de la législation européenne.
Dans le même temps, le monde culturel bouge et nombreux sont les auteurs et artistes qui ont compris qu'on les leurrait et qui manifestent leur opposition à HADOPI : artistes interprètes de la musique et de la danse ; acteurs, réalisateurs et producteurs de cinéma ; acteurs du monde de la science-fiction et salles de cinéma indépendantes, hier encore. La liste s'allonge chaque jour.
Depuis toujours, la gauche est aux côtés des artistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.) Elle l'a montré, ces dernières années, lors du conflit des intermittents du spectacle ou en s'opposant, depuis sept ans, à ce que le ministère de la culture ne devienne le parent pauvre de la République : sept ans où l'on a sabré les crédits de la création, étouffé l'éducation artistique, dépouillé l'audiovisuel public des ressources complémentaires de la publicité qui l'aidaient à soutenir la production cinématographique, imposé une taxe compensatoire aux fournisseurs d'accès qui aurait pu servir à la rémunération des auteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Quant aux artistes qui suivent vos recommandations et ne se préparent pas à l'émergence d'un nouveau modèle économique, ils risquent de subir cette transition plutôt que d'en être les acteurs vigilants.
Vous auriez dû vous préoccuper de cela en priorité, madame la ministre, plutôt que de créer un Meccano hasardeux et inefficace qui ne leur sera d'aucun secours, mais qui suspendra une véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête de nos concitoyens.
Je ne reviendrai pas sur tous les arguments défendus dans mes deux précédentes exceptions d'irrecevabilité, mais je ne peux faire l'impasse sur un certain nombre de points. Ainsi, malgré nos demandes réitérées, nous n'avons toujours pas obtenu de réponse à une question simple : qui prendra en charge les coûts d'investissement nécessaires à l'adaptation des réseaux aux exigences de la loi ? Le Conseil général des technologies de l'information – CGTI –, organisme dépendant de Bercy, les estime au minimum à 70 millions d'euros sur trois ans.
Or le Conseil constitutionnel a clairement considéré, dans une décision du 18 décembre 2000, que, en raison de leur nature, ces dépenses ne sauraient incomber directement aux opérateurs. C'est ennuyeux, dans la mesure où, pour 2009, madame la ministre, vous n'avez budgété que 6,7 millions d'euros.
Nous souhaitons également rappeler combien nous sommes inquiets de voir la prise de sanctions telles que la suspension d'un abonnement à internet confiée à une autorité administrative. La compétence exclusive du juge pour toute mesure visant la protection ou la restriction des libertés individuelles est un principe rappelé à maintes reprises par le Conseil constitutionnel. Selon ce principe, vous ne pouvez donc abandonner un tel pouvoir à une autorité administrative.
Au-delà, nous regrettons vivement que ce texte demeure flou et imprécis, et que, de surcroît, les débats n'aient pas permis d'éclairer le silence de la loi. Quelles sociétés seront ainsi chargées de la collecte des adresses IP incriminées, préalable à la saisine de la HADOPI, et avec quelles garanties techniques ? Silence… Quels seront les moyens de sécurisation prétendument absolue que la HADOPI sera amenée à labelliser ? Sur quelles bases le seront-ils ? Silence… En fonction de quels critères la HADOPI décidera-t-elle d'envoyer un mail d'avertissement, puis une recommandation ? En fonction de quels critères choisira-t-elle entre la sanction et l'injonction ? En fonction de quels critères proposera-t-elle une transaction plutôt qu'une sanction ? Nous ne le savons toujours pas. Il n'est pas acceptable de laisser la HADOPI en décider seule, arbitrairement et de manière aléatoire, sans que le législateur ait défini un cadre au préalable : c'est contraire au principe d'égalité des citoyens devant la loi.
Le silence de cette loi est porteur de trop de menaces et d'incertitudes, oserais-je dire de dissimulations ?
Vous avez essayé, madame la ministre, de nous rassurer en nous expliquant que les sanctions seraient prises après réflexion, discussions, mails, lettres, coups de téléphone avec les internautes, bref, que vous feriez du cas par cas.
Sauf que, dans le même temps, vous nous avez répété – ô combien de fois – vos objectifs. Je vous cite : « Nous partons d'une hypothèse de fonctionnement de 10 000 courriels d'avertissement, 3 000 lettres recommandées et 1 000 décisions de suspension par jour ». Ce dispositif est donc bien un dispositif de masse, et comme vous avez dit en séance le 30 mars : « Bien sûr, le système sera complètement automatisé ». Automatisation et examen au cas par cas ne vont pas ensemble, madame la ministre. C'est le moins que l'on puisse dire ! Et technologiquement parlant, le risque d'erreur est grand.
Le caractère manifestement disproportionné de la sanction encourue par les internautes est aggravé par le fait que ces derniers ne pourront bénéficier des garanties procédurales habituelles. Absence de procédure contradictoire, non prise en compte de la présomption d'innocence, non respect du principe de l'imputabilité, possibilité de cumuler sanction administrative, sanction pénale et sanction financière constituent – nous le rappelons avec force aujourd'hui – autant d'éléments d'irrecevabilité.
Avec la réintroduction, dans cette nouvelle lecture, de l'obligation pour l'internaute de continuer à payer son abonnement après la suspension de son accès à Internet, il s'agit purement et simplement d'ignorer ce que sont les dispositions du code de la consommation. En cela, votre texte est plus que jamais une loi d'exception.
Votre projet de loi met donc en place une présomption de responsabilité, et même de culpabilité de l'internaute. Le choix délibéré de faire peser la charge de la preuve sur lui, combiné à l'absence de droit de recours effectif de la part des titulaires de l'accès recevant des messages d'avertissement par voie électronique, ignore tout simplement ce qu'on appelle le droit à une procédure équitable et les droits de la défense.
Nous ne nous satisfaisons pas, madame la ministre, d'avoir eu raison il y a trois ans. Nous ne nous satisfaisons pas de devoir à nouveau nous opposer à un texte qui s'inscrit dans la droite ligne de la loi dite DADVSI. Nous ne nous satisferons pas, dans un an, peut-être deux, d'avoir à faire le même et triste constat : les artistes n'auront pas touché un euro de plus, le contribuable aura financé cette gabegie et vous – ou votre successeur – n'oserez même pas faire le bilan d'une loi aussi inefficace qu'inutile.
Madame la ministre, Renaud Donnedieu de Vabres vous a un peu rapidement félicitée d'avoir réussi là où il avait échoué. C'était un geste amical de sa part. Craignez que, comme Hyacinthe dans Les Fourberies de Scapin si chères à M. Karoutchi, il ne vous dise désormais : « La ressemblance de nos destins doit contribuer encore à faire naître notre amitié ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous invite, chers collègues à voter cette exception d'irrecevabilité. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et continuent d'applaudir.)
Nous en arrivons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.
La parole est à M. Philippe Gosselin pour le groupe UMP.
Nous avons vraiment l'impression d'être au théâtre ! Et, comme au théâtre, il y a quinze jours, la pièce était jouée : on croyait le rideau tombé ; erreur, il était soulevé, dans un coup d'éclat, par une manoeuvre de piratage facile, mais efficace. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous voilà donc en train de jouer un bis de cette pièce dont nous avions apprécié la générale.
Atteinte d'une forme de schizophrénie, l'opposition contredisait ce qui avait été fait au Sénat de façon – faut-il le rappeler ? – unanime. (Protestations sur les bancs du groupe SRC. — « Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Quand on demande aux responsables socialistes la raison de cette volte-face, la réponse nous vient de M. Bloche, qui déclare ce matin dans La Tribune : « Le PS était assez accaparé par le congrès de Reims ». (Rires et exclamations sur les du groupe UMP. — Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est excellent ! Si, désormais, il faut attendre que le PS ait réglé ses problèmes d'égo et ses querelles intestines et soit en ordre de marche, dites-le nous : le Parlement pourra peut-être travailler dans quelques années ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ségolène pourrait peut-être demander pardon, effectivement !
Une fois de plus, l'opposition se trompe totalement de débat ! On nous parle de droits, d'une loi liberticide, d'une droite ringarde qui n'aurait rien compris ni à Internet ni à la culture. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Faut-il rappeler les chiffres ? Ce sont 220 000 emplois qui dépendent des activités culturelles en France au sens large : musique, audiovisuel, édition. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Cela représente, vous le savez, une part importante de PIB.
Mme la ministre a rappelé tout à l'heure quelques chiffres : le DVD est en baisse de 35 %, la musique de 50 % depuis cinq ans.
Le piratage représente à lui seul un manque à gagner évalué à un milliard d'euros, et à 10 000 emplois par an. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je sais que cela vous déplaît, mais les chiffres sont têtus !
On nous parle aussi de droit européen : le Parlement européen aurait adopté un amendement. La belle affaire ! C'est effectivement son droit, mais encore faut-il que cet amendement soit repris dans le paquet « Télécoms ». Et quand bien même l'accès à Internet en viendrait à être considéré comme un droit fondamental – ce qui sera effectivement peut-être possible un jour – tout droit fondamental, tout principe doit se concilier avec des principes de même valeur. La Cour de justice des communautés européennes, le Conseil d'État, la Cour de cassation elle-même, et le Conseil constitutionnel surtout n'ont jamais dit autre chose.
Le droit d'accès à Internet devra donc de toute façon se concilier avec le droit de propriété, fût-il un droit de propriété intellectuelle, donc immatérielle.
On nous parle d'un texte liberticide. Pourtant jamais les garanties procédurales n'ont été aussi importantes ! Veut-on en arriver à l'encombrement que connaissent les tribunaux allemands ? La HADOPI apporte un certain nombre de garanties ; le processus est pédagogique, il est progressif. Veut-on, une fois encore et quarante ans après mai 1968, nous dire qu'il est interdit d'interdire ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Quel talent !
S'agit-il de faire le jeu de quelques post-soixante-huitards attardés ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je le refuse !
Au nom du groupe UMP, je vous invite, mes chers collègues, à repousser cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous réitérons, comme vient de le souligner Patrick Bloche, notre forte opposition à votre texte.
Il présente à nos yeux au moins cinq écueils majeurs : il est inefficace, il est complexe, il est coûteux, il est archaïque et il est liberticide.
Votre loi est inefficace : en réalité, elle est déjà obsolète et elle ne réglera rien du tout. Le modèle que vous essayez d'adopter est en réalité déjà dépassé par l'avènement de nouvelles technologies. Vous n'avez sur ce sujet fait preuve d'aucune audace pour proposer un nouveau modèle économique de rémunération du droit d'auteur à l'ère numérique. Je le rappelle une fois encore : pas un euro supplémentaire n'est dévolu au financement de la création.
Vous laissez croire à l'opinion publique que ce texte est favorable aux artistes et va tout régler, ce qui ne constitue en réalité qu'une stratégie de communication simpliste et répétitive.
Votre texte ne fait que creuser un fossé entre les artistes et leur public ; vous vous trompez sur ce sujet à la fois de cible et de méthode.
Votre loi est trop complexe : l'application de ce projet de loi conduit à la mise en place d'une véritable usine à gaz, qui sera source de nombreux contentieux juridiques.
Votre loi est très coûteuse : sa mise en oeuvre va engendrer un coût exorbitant, estimé au bas mot à 6,7 millions d'euros pour le fonctionnement de la HADOPI, et à 70 millions d'euros minimum pour les ajustements techniques nécessaires, c'est-à-dire l'adaptation des réseaux pour la mise en oeuvre de la sanction de suspension. On peut se demander : pourquoi faire compliqué lorsque l'on peut faire simple ? Et qui va payer : tous les internautes, le contribuable, la filière ? Vous n'avez pas répondu à ces questions, madame la ministre.
Votre loi est archaïque : vous ne pouvez pas en même temps afficher une volonté de faire de la France un pays d'excellence numérique et inscrire parallèlement dans notre droit la suspension de l'accès à Internet. C'est bien là le point qui trouble votre majorité.
La mesure phare de la loi – la suspension de l'accès à Internet – est en contradiction totale avec les objectifs d'accès pour tous à Internet. Pour nous, celui-ci doit désormais être considéré comme un droit fondamental pour chacun.
La suspension de l'abonnement à Internet est une sanction totalement incongrue et incohérente, qui résulte d'une conception archaïque, en décalage avec la société dans laquelle nous vivons. L'absence de la secrétaire d'État en charge de l'économie numérique lors des débats en dit d'ailleurs long sur ce sujet.
Enfin, votre loi est liberticide (Murmures sur les bancs du groupe UMP) : elle organise de fait une surveillance généralisée de la toile et remet en cause les libertés individuelles.
En conclusion, je regrette que l'on n'ait pas cherché un point d'équilibre, notamment en acceptant nos propositions pour favoriser une offre légale attractive pour l'ensemble des internautes, avec la mise en place d'un financement équitable pour la création : c'est ce que nous appelons la contribution créative. Vous n'avez pas daigné l'étudier.
Au lieu de considérer qu'il s'agit d'un débat de société appelant une réponse politique au sens noble de ce terme, vous vous perdez malheureusement dans des méandres juridiques et techniques qui aboutiront – j'en prends le pari – à l'arrivée d'un nouveau texte, parce le vôtre n'aura non seulement rien réglé mais en plus nous aura fait perdre du temps et de l'argent. C'est tout de même regrettable.
Pour toutes ces raisons, nous voterons l'exception d'irrecevabilité défendue par Patrick Bloche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Bloche, vous venez en quelque sorte de procéder à un détournement de procédure. Les différentes motions peuvent, je le concède, permettre aux groupes d'opposition de s'exprimer ; j'ai d'ailleurs remarqué que vous aviez déposé toutes les motions de procédure possibles.
L'exception d'irrecevabilité vise à constater s'il y a, oui ou non, conformité avec les règles constitutionnelles.
Pour ma part, je ne l'ai pas trouvée saisissante et je vous invite à vous appliquer à vous-même l'observation que vous me faites, car je vous ai écouté avec scrupule.
J'ai donc l'impression qu'il y a un détournement de procédure ; et il en ira de même avec la question préalable – alors que nous avons déjà mené le débat jusqu'à une commission mixte paritaire – et pour le renvoi en commission que vous défendrez sans doute au terme de la discussion générale. Cela n'a pas de sens !
Votre proposition, si nous vous suivions, serait de ne rien faire, c'est à dire constater qu'un problème existe et ne pas s'engager à trouver une solution, notamment pour une filière culturelle dont nous voulons préserver la diversité. Or il n'y aura pas de diversité sans préservation des enjeux économiques qui la sous-tendent.
Je vous rappelle qu'il existe une exception culturelle française. Vous dites que le projet est d'ores et déjà dépassé mais la technologie sera toujours devant nous. Internet est un formidable espace de liberté, cependant, il faut aussi en mesurer toutes les conséquences sur les libertés individuelles. Pour travailler sur ce sujet, notamment sur le droit à l'oubli sur Facebook, je peux vous dire que nous sommes confrontés à un vrai sujet de société. L'apparente liberté dont vous vous faites les apparents défenseurs risque un jour de se retourner contre nos jeunes, que vous prétendez aujourd'hui protéger.
Je crois pour ma part qu'il n'y a pas de liberté sans responsabilité. Lutter aujourd'hui contre le piratage est une exigence fondamentale. Nous attendons les propositions que vous seriez à même de faire mais adopter une stratégie d'opposition à l'objectif même poursuivi par le Gouvernement, c'est faire prendre un risque à cette exception culturelle française. Vous ne pouvez vous dire les défenseurs des artistes en adoptant cette posture d'opposition systématique.
On voit bien qu'il y a urgence à agir.
Moi qui suis profondément européen, je dis que la France joue un rôle singulier, et qu'elle doit montrer à l'Europe, par sa législation, comment elle protège l'exception culturelle française.
Il y a bien sûr un débat sur les sanctions ; il va se poursuivre. Néanmoins sur le fond, chers collègues de gauche, vous pourriez reconnaître qu'il y a urgence à légiférer sur ce sujet et qu'adopter une posture d'opposition systématique ne rend pas service à l'exception culturelle française et n'aide pas à soutenir la diversité culturelle, idée qui devrait au contraire nous rassembler, car elle participe aussi d'une démocratie vivante et active.
Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre rejettera cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes NC et UMP.)
Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, il sera procédé à un scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Martine Billard pour le groupe GDR.
Madame la ministre, ce débat a déjà duré quarante heures. Je rappelle d'ailleurs que les sénateurs verts et communistes s'étaient abstenus en première lecture. Puis, les sénateurs verts ont voté contre le texte de la CMP. Vous devriez donc cesser de répéter des contrevérités.
Madame la ministre, vous avez parlé de modèle de société et notre collègue du Nouveau Centre vient d'évoquer à nouveau l'exception culturelle française. Nous sommes tous fiers de cette exception culturelle et nous avons tous eu à coeur de la défendre. À cet égard je souligne que les tentatives d'atteinte au prix unique du livre ne viennent pas des bancs de la gauche, mais bien de ceux de la droite. Aujourd'hui, vous êtes en train d'ajouter à l'exception culturelle française une exception Internet française ; mais de celle-ci, vous ne pourrez pas être fier ; c'est le moins qu'on puisse dire !
Votre loi, madame la ministre, n'est pas moderne, elle est obsolète. Cher monsieur Gosselin, pourquoi s'étonner que le CD ou le DVD soient aujourd'hui en perte de vitesse ? Tout comme le 78 tours a été chassé par le 45 tours, lui-même chassé par le 33 tours, le CD a chassé le 33 tours, et le support dématérialisé est en train de chasser le CD. Il en va de même pour les DVD par rapport aux cassettes vidéo. Certes, la vente de disques baisse, mais la question est de savoir si, globalement, il y a toujours une rémunération de la musique.
Votre loi, madame la ministre, est absurde par rapport aux technologies. Nous y reviendrons, bien que nous l'ayons déjà démontré tout au long des quarante heures de débat que nous avons eues, au cours desquelles vous avez rarement été capable de répondre à nos questions relatives à la technologie. Nous n'avons jamais réussi à obtenir des précisions, que ce soit de votre part ou de celle du rapporteur, sur le contenu des décrets qui découleront de ce texte de loi. Ils nous ont répondu systématiquement que la HADOPI déciderait. Or nous ne savons pas, et c'est l'un des motifs de cette exception d'irrecevabilité, quels seront les critères pour décider que tel internaute verra sa connexion coupée ou non. Il y a donc, s'agissant de la coupure Internet, rupture d'égalité devant la loi.
Madame la ministre, vous essayez de faire croire aux auteurs, aux artistes et à tous les parlementaires qui ne maîtrisent pas Internet qu'il n'y a pas de problème et qu'il est possible de défendre les droits d'auteur sans se poser de question sur ce nouveau support. Je le dis aux auteurs et aux artistes ici présents, comme aux internautes : nous devons défendre les droits d'auteur patrimoniaux et moraux. Toutefois cela ne peut se faire contre la neutralité de l'Internet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Il faut trouver un équilibre entre les deux. Le droit de propriété ne peut être supérieur aux libertés telles qu'elles doivent être encadrées par la loi.
Vous nous demandez de faire une exception pour un droit de propriété, exception qui n'a été autorisée ni dans le cadre de la lutte contre le racisme ni dans celui de la lutte contre la pédophilie. Cette exception est autorisée seulement dans le cas de la lutte contre le terrorisme.
Nous considérons, au groupe GDR, qu'il n'est pas possible d'étendre à un droit de propriété une exception prévue pour la lutte antiterroriste. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Nous voulons trouver des solutions, mais qu'a fait le Gouvernement depuis la loi DADVSI ? À cette époque, nous avons été nombreux à dire, avec des auteurs et des artistes, que cette loi ne tenait pas la route, qu'il fallait réfléchir ensemble, auteurs, artistes, interprètes, producteurs et internautes, pour trouver des solutions face à ce nouveau modèle impliqué par le web.
Rien n'a été fait ! À aucun moment, vous n'avez essayé de mener ce travail de réflexion collective. Aujourd'hui, heureusement, l'UFC-Que Choisir, les associations de consommateurs, les associations d'internautes, des artistes, des auteurs et des interprètes ont décidé de se saisir de la question pour trouver des réponses. En effet si les réponses concernant la musique sont faciles, elles sont un peu plus difficiles en matière de cinéma. Travaillons ensemble pour trouver ces réponses au lieu de nous désintéresser des graves conséquences que cette loi aura pour les internautes.
Pour toutes ces raisons, au nom du groupe GDR, je voterai cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'exception d'irrecevabilité.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 361
Nombre de suffrages exprimés 358
Majorité absolue 180
Pour l'adoption 135
Contre 223
L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Christian Paul, pour une durée ne pouvant excéder quinze minutes.
Madame la ministre, je le dis à mon tour, ce projet de loi n'aurait jamais dû franchir à nouveau les portes de l'Assemblée nationale. Je vous ai écoutée avec attention, mais aussi avec tristesse, car vous revenez avec un esprit de revanche. HADOPI était bannie, le Parlement en avait ainsi décidé. HADOPI, c'était fini. « Le texte est rejeté », avait annoncé le président de séance, notre collègue Alain Néri, le 9 avril aux alentours de 13 heures, exprimant ainsi le sens du vote majoritaire intervenu au sein de cet hémicycle.
Dans une démocratie digne de ce nom, la suite n'aurait pas fait de doute. Le gouvernement aurait repris sa copie et tiré les leçons de ce fiasco législatif que, nombreux ici, convenez-en, nous vous avions annoncé dès le début de nos travaux.
Dans une démocratie digne de ce nom, je le dis au secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement et à la ministre de la culture, le gouvernement ne se serait pas laissé aller à des discours antiparlementaires, comme vous l'avez fait ce soir, madame Albanel ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)
Il ne fallait pas être grand clerc pour annoncer que lorsqu'un texte fait autant violence à la société, des hommes et des femmes venus de tous horizons culturels, professionnels ou politiques se révoltent. Il ne fallait pas être devin pour prédire que lorsqu'une loi divise et partage, il se trouve aussi, dans une majorité, des esprits libres pour le dire.
Si vous vouliez bien, monsieur Copé, prêter un instant attention aux orateurs de l'opposition… Une fois n'est pas coutume ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Oui, il se trouve aussi, en ce moment, dans votre majorité, des esprits libres pour le dire, pour vous contredire, et pour voter contre ou, au moins, pour s'abstenir ostensiblement.
Dans une démocratie qui ne serait pas confisquée, HADOPI aurait déjà rejoint les oubliettes de l'histoire, et l'on pourrait enfin passer à un ordre du jour plus sérieux.
Dans une telle démocratie, les députés UMP porteurs d'un avis différent ne seraient pas interdits de parole ce soir – j'en profite pour saluer Lionel Tardy – ou simplement absents. L'un d'entre eux, et je m'adresse, là aussi, à M. Copé…
Ça commence à bien faire ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
L'un d'entre eux, excellent connaisseur de l'Internet, m'a confié, il y a une heure, qu'il partait entendre Macbeth à l'Opéra, pour ne pas faire ici de la figuration imposée !
Dans la démocratie française, ces temps-ci, on préfère l'affrontement au dialogue et le passage en force à la raison. Vous avez décidé de durcir ce texte, d'éradiquer tous les apports qui n'étaient pas inspirés par le Gouvernement. Monsieur Warsmann, vous l'avez prouvé lundi dans une séance d'anthologie, je dirais même d'hystérie, de la commission des lois. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Depuis deux semaines, vous n'avez rien appris ni rien oublié. Soit ! Par le fait du prince, de son courroux qui vous a frappés, de son caprice, de ses amitiés, HADOPI revient ce soir par la petite porte. Cependant, madame la ministre, nous sommes toujours là, nous, députés rendus inoxydables par ce long débat, qui restera, sous le nom de la bataille d'HADOPI, comme l'une des premières batailles culturelles et politiques de l'âge numérique. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Ce soir, nous devons exprimer une nouvelle fois les motifs de notre résistance et les raisons de notre opposition à cette loi inefficace, dangereuse et coûteuse. Toutefois il est aussi de notre devoir, et nous le ferons au cours de ce débat, d'exposer des propositions pour la rémunération des artistes et un programme pour l'avenir de la culture.
À l'épreuve de force, nous, socialistes, préférons la force des idées. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
À cette loi d'exception, nous préférons, une nouvelle fois, l'exception culturelle.
Et je ne crains pas de venir sur le terrain de l'avenir de la culture et de l'exception culturelle, laquelle reste la marque de fabrique de la gauche, alors que, ces jours-ci, l'exception culturelle sert de paravent à de dangereuses dérives et à des contresens historiques.
L'exception culturelle, dans le message de la France, c'était – et cela doit rester – deux idées très fortes.
D'abord, la culture n'est pas une marchandise, et certainement pas une marchandise comme les autres. Nous ne sommes pas ignorants de l'économie culturelle et de ses besoins de financement mais on ne peut réduire la culture à l'économie. Il y a, dans la création, une part qui n'est pas réductible à l'échange marchand. Le créateur le sait et l'assume ; le public fan de musique, passionné de cinéma ou amoureux du texte le ressent, lui aussi. C'est pourquoi, en France, on a toujours recherché pour les oeuvres culturelles un statut particulier et des règles exceptionnelles – le prix unique du livre, les quotas de production – ainsi que des financements exceptionnels et mutualisés : les fonds de soutien, les rémunérations pour copie privée… Tout cela, madame Albanel, c'est la gauche !
Nous l'avons fait sans penser que ces formes de protection, parce qu'elles étaient collectives, affaiblissaient les droits sacrés des auteurs.
Au nom de ce bien commun qu'est la culture, des espaces de gratuité furent construits : des bibliothèques, des musées, des radios libres, sans jamais penser que la gratuité dévalorisait l'oeuvre ou l'artiste.
Voilà ce qu'est l'exception culturelle, celle que plusieurs générations ont défendue, tant ici même, dans cet hémicycle, que dans le concert des nations, pour affranchir la culture du mouvement de marchandisation, qui transforme l'économie de la culture en industrie du divertissement, avec son marketing mondialisé.
Aujourd'hui, en demandant que l'on invente des règles exceptionnelles, des financements nouveaux pour la création dans la civilisation numérique, nous nous inscrivons dans cette histoire et nous reprenons ce flambeau. Bien loin de vos caricatures, madame la ministre, nous défendons une régulation moderne, non une croisade archaïque. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Or quel est, ces jours-ci, le message de la France à l'Europe ? Le message de notre pays se résume ainsi : la chasse aux pirates, les certitudes paresseuses des lobbies, la surveillance sophistiquée de l'Internet, l'entêtement d'un gouvernement, le mépris de la jeunesse, une pédagogie réactionnaire tant elle va à rebours de l'histoire.
Enfin, comme l'ont souligné mes collègues, aucune réponse sérieuse n'est apportée face à la crise de l'économie culturelle. En avril 2009, la France de Voltaire et de Beaumarchais, quand elle parle de culture, se borne à surveiller et à punir.
Le Parlement européen, lui, se tourne vers l'avenir. Il fait à l'Internet toute sa place pour l'exercice de droits fondamentaux, et il le revendique, malgré les terribles pressions qu'exerce, à Bruxelles comme à Strasbourg, le Gouvernement. C'est l'Europe, non plus la France, je le constate à regret, qui donne aujourd'hui la bonne direction.
Mesdames et messieurs, si ce débat acquiert une réelle gravité, c'est que votre leçon de politique répressive est inquiétante autant pour la démocratie que pour la culture. Dans notre histoire, culture et démocratie vont de pair. Les moments d'élan culturel accompagnent les conquêtes démocratiques. Quand la démocratie est affaiblie, la politique culturelle régresse. Nous en sommes là.
Les péchés originels de la HADOPI, je le rappelle, ne sont pas seulement des contresens culturels ; ce sont également des fautes démocratiques, qu'un pouvoir trop centralisé commet inévitablement. La loi HADOPI a voulu organiser la victoire des uns sur les autres, sanctuariser les rentes de situation et faire triompher des intérêts particuliers.
Le rapport Olivennes n'a pas permis de susciter le débat national que l'ampleur et la complexité du sujet rendaient nécessaire. Les accords de l'Élysée sont l'exemple même d'un contrat forcé, le pistolet sur la tempe. Un accord interprofessionnel ne saurait, à lui seul, servir de base à une loi sur les droits d'auteur qui, tel un point d'équilibre, doit toujours refléter un compromis social. Dans une démocratie malade, de tels signaux, c'est vrai, ne sont ni vus ni entendus.
Je me rappelle les divergences exprimées par des députés, qu'on s'est efforcé de faire taire dans les rangs de l'UMP. Je me rappelle également les appuis quémandés dans l'opposition, pour faire diversion. Or la position des socialistes, madame Albanel, Martine Aubry l'a clairement énoncée, et nous l'avons de nouveau exprimée tous ensemble cette semaine.
Je me rappelle enfin les voix rebelles, celles des internautes que l'on méprise, puisque ce sont évidemment des voleurs, et celles des artistes opposés à la HADOPI qu'on disqualifie, puisque ce sont des rêveurs.
Les artistes, toutefois, on les craint, puisqu'on les appelle à la raison et qu'on recourt à des méthodes d'intimidation pour les faire taire.
Avec la HADOPI, Nicolas Sarkozy avait découvert l'occasion de se proclamer protecteur des arts et des artistes. Il entrera plutôt dans l'histoire comme le chef des lobbyistes.
Oui, je reproche au Président de la République d'avoir construit cette opposition contre-nature entre le public et les artistes et d'avoir créé, une nouvelle fois, avec l'aide, c'est vrai, d'un grand nombre d'entre vous, une crispation hexagonale, pour mieux apparaître comme le shérif ou le messie. J'ai le regret de constater que de bons esprits sont tombés dans le panneau.
Les défauts de la HADOPI ont été abondamment dénoncés à cette tribune. Le retrait serait la sagesse , mais si cette vertu est inaccessible au Gouvernement, emporté qu'il est par son aveuglement, c'est alors à nous qu'il appartient de penser à l'après-HADOPI, car, mes chers collègues, la HADOPI est derrière nous, quel que soit le résultat de cette bataille d'arrière-garde.
Qu'elle ne soit jamais appliquée ou qu'elle soit, de fait, inapplicable, qu'elle soit enterrée par vous ou abolie par nous, la HADOPI est déjà loin derrière. Voilà pourquoi nous devons apporter d'autres solutions. Après ces semaines de débats et ces années de travail collectif, en réponse à une propagande bien huilée, mais désormais en panne, personne ne peut dire que les socialistes n'apportent pas dans ce débat des contre-propositions crédibles.
Nous revendiquons des principes clairs et mettons en débat des solutions concrètes.
Notre premier principe est de permettre à la révolution numérique de transformer radicalement la diffusion et l'accès à la culture. Si des modèles commerciaux doivent évidemment permettre la diffusion des oeuvres, il ne convient pas pour autant d'interdire la possibilité d'échanges non-marchands, dans un espace où la copie devient un acte de partage entre les internautes. La technologie le rend possible. Faut-il le condamner et faire marche arrière, si tant est que cela soit possible, ce dont je doute fort – ? J'évoque ici, évidemment, les échanges hors marché, autrement dit les échanges effectués à des fins non commerciales.
Il n'est pas question ici, contrairement à la caricature que vous faites de nos propositions, de légaliser des sites qui proposeraient gratuitement de la musique en encaissant au passage des revenus publicitaires sans rémunérer personne, non les faussaires qui revendent les disques après les avoir reproduits en masse.
Notre deuxième principe, que vous refusez d'entendre, affirme que la gratuité n'est pas le vol, puisque la gratuité de l'accès ne signifie pas l'absence de rémunération du travail de l'artiste. La gratuité prend sa place aujourd'hui dans les modèles commerciaux, notamment ceux qui sont financés par la publicité, suivant en cela les modèles de référence que sont devenues la radio et la télévision.
La gratuité s'est également installée massivement dans les espaces non-marchands. C'est en ce domaine que nous sommes appelés, sans délai, à trouver des contreparties financières équitables, en rappelant sans ambiguïté qu'il ne saurait y avoir de création durable sans rémunération.
Nous affirmons également – tel est notre troisième principe – que les droits d'auteurs sont plus que jamais nécessaires à l'âge numérique. Personne n'imagine la création sans le droit d'auteur. Martine Billard l'a rappelé : ni le droit moral ni les droits patrimoniaux ne sont incompatibles avec le numérique. Toutefois, il n'y a ici personne de raisonnable pour penser qu'il ne faut pas profondément adapter les droits d'auteurs.
Où sont les vrais combats ? Où sont les modernes Beaumarchais ? J'entends ces jours-ci invoquer Beaumarchais comme on invoquait Marx dans les démocraties populaires, sans jamais l'avoir lu. Or les combats des modernes Beaumarchais devront en priorité s'attacher à éviter que les prédateurs ne dévorent les créateurs.
Pendant que vous chassez le pirate, madame la ministre, c'est une bataille mondiale visant à contrôler la diffusion de la culture qui se joue, bataille dont les acteurs se nomment Apple, Microsoft et Google, les majors, les opérateurs de télécoms et bien d'autres. Si on veut, sans diaboliser qui que ce soit, protéger les artistes et si les sociétés de droits veulent faire ce pour quoi elles sont rémunérées, tels sont les chantiers qu'il convient d'ouvrir en urgence.
Nous apportons des solutions concrètes, ainsi que les modes d'emploi. C'est pourquoi, monsieur Riester, vous devez vous préparer à réviser encore durant plusieurs jours les propositions socialistes.
C'est ainsi que nous avons chiffré les revenus d'une "contribution créative" ou d'une "licence globale" pour la musique. Commençons donc par cette grande négociation avant de passer à une réflexion collective sur le cinéma !
Une redevance mensuelle de 2 ou 3 euros pour chaque abonnement à Internet permettrait de percevoir plus de 500 millions par an et comme, en matière de téléchargements, on peut avoir une connaissance très proche de la réalité sans chercher à savoir qui télécharge quoi et donc sans intrusion de la HADOPI, rien ne nous interdirait de procéder à la répartition principale.
Je termine, monsieur le président.
Je le répète : on peut aujourd'hui procéder à une telle répartition.
Tout cela, nous l'avons affirmé et écrit : allez donc lire nos blogs, monsieur Riester, puisque le temps me manque pour développer cette question.
La sécurité illusoire des uns ne doit pas être assurée au prix de la liberté des autres. C'est pourquoi, madame la ministre, je demande qu'un débat loyal, en France, sur cette question, permette de trouver un point d'équilibre entre les droits de chacun, puis qu'une négociation vise à dégager des solutions d'avenir. On doit, en effet, affranchir l'avenir d'Internet du filtrage des censeurs comme des péages des prédateurs.
Chacun l'aura compris, nous n'approuvons pas le n'importe quoi de la HADOPI, ni le laisser-faire qu'entretiennent vos batailles d'arrière-garde.
Solennellement, je demande à l'Assemblée nationale de ne pas débattre de ce texte qui divise les Français. Voter la HADOPI serait une erreur historique car ce serait renoncer à donner, dès aujourd'hui, à la création et à la culture un nouvel espoir de liberté. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
Plusieurs députés de l'Union pour un mouvement populaire. Debout ! Debout ! (Plusieurs députés du groupe SRC se lèvent et continuent d'applaudir.)
Nous en venons aux explications de vote sur la question préalable.
La parole est à M. M. Philippe Gosselin, pour le groupe UMP.
Je veux laisser le temps à mes collègues de l'opposition de faire une standing ovation à leur orateur, si cela peut leur fait plaisir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est vrai, monsieur Paul, la culture n'est pas un bien comme les autres.
Nous partageons totalement ce sentiment. Il convient toutefois de rappeler que, si la culture est un bien qui n'a pas de prix, il a nécessairement un coût, qu'il faut assumer d'une façon ou d'une autre.
Vous avez évoqué l'industrie culturelle, son aspect mercantile, pour, de nouveau, entonner l'antienne du pot de terre contre le pot de fer, la lutte des petits contre les gros. Or tel n'est pas le débat, puisque 99 % des entreprises de la musique et 95 % des salles de cinéma sont des PME et non des gros groupes, comme vous le suggérez.
Nous n'avons jamais été contre la gratuité, qui, c'est vrai, peut avoir sa place. Des sites, aujourd'hui, existent, qui sont financés par la publicité. Pourquoi pas, puisque ce qui fait alors la différence avec le piratage et l'illégalité, c'est le consentement de l'auteur ? Ce que nous combattons, ce n'est pas la gratuité mais le piratage illégal.
Les accords de l'Élysée de l'automne 2007 passés entre les fournisseurs, des représentants du monde de la culture et de la musique et des artistes vous gênent du fait qu'aujourd'hui, sans mauvais jeu de mots, il s'agit de les mettre en musique et que cela ne va pas, chez vous, sans de nombreux couacs ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La propriété intellectuelle, tout immatérielle qu'elle soit, vous le savez, mérite protection. Cela a déjà été dit : il n'y a pas de liberté sans responsabilité. Internet est un formidable espace de liberté dans lequel on ne saurait laisser régner la loi de la jungle, le laisser-faire et le laissez-passer.
Nous ne prétendons pas que cette loi sera définitivement gravée dans le marbre. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Les techniques évoluent et nous saurons nous adapter ! Nous prétendons, en revanche, que c'est la loi que le débat exige ici et maintenant. C'est la raison pour laquelle le groupe de l'UMP rejettera la question préalable. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
Ce texte est dénoncé, depuis longtemps, par les députés socialistes et par une part croissante de l'opinion, pour au moins trois raisons qui nous conduisent à refuser de délibérer en l'état.
Tout d'abord, ce projet de loi est répressif et contraire aux garanties fondamentales qui doivent être accordées à toute personne sanctionnée. Il est répressif puisque la loi ne punira pas à titre principal le piratage mais l'absence de diligence à ne pas lutter contre une utilisation abusive de son accès à Internet, le délit de contrefaçon, qui réprime le piratage, existant déjà.
Ce projet de loi est, de plus, bureaucratique, puisqu'il crée une nouvelle autorité administrative indépendante à laquelle est donné le pouvoir de sanctionner un nouveau délit. Elle s'appuiera dans la pratique sur les capacités de suivi et de contrôle des majors du disque et du film, qui ne défendront que les droits dont elles font commerce ou pour lesquels elles ont un intérêt commercial. Tant pis pour les labels indépendants et les créateurs qui ne sont pas connus ou le sont peu. Le projet de loi provoquera donc une rupture d'égalité.
Pour masquer le caractère massivement répressif de l'opération HADOPI, le projet de loi prévoit que des labels seront proposés sur les offres considérées comme légales, ce qui conduira l'État à promouvoir les mêmes majors du disque et du film, lesquelles seront, dès lors, considérées comme défendant la création, alors même qu'elles entendent en premier lieu défendre les droits dont elles font commerce, les gardant sans retour s'ils n'ont pas ou plus d'intérêt.
La tentation de contrôler les échanges sur Internet sera donc grande, ce qui, par ricochet, limitera la liberté.
Ensuite, ce projet de loi porte une atteinte disproportionnée au droit d'accès aux échanges gratuits et aux services d'intérêt général sur Internet. En instituant comme sanction la privation d'accès à Internet, le texte va à l'encontre des orientations de fond de la réglementation des télécommunications, dont la révision est en cours au plan européen.
Enfin, ce projet repose sur un modèle économique qui se révélera de plus en plus anachronique. J'ai eu la curiosité de consulter le rapport d'activités 2008 du numéro un mondial de la communication et de la musique, qui se félicite que ses ventes de musique numérique en ligne aient fortement progressé, avec des hausses significatives de téléchargement légal de titres entiers, tant sur Internet que sur le téléphone mobile. Il attend une forte croissance du secteur numérique en 2009. Il entend même, à côté de la musique enregistrée, développer l'édition musicale, qui consiste à acheter des droits et à les concéder sous licence pour divers usages, de même qu'à entrer dans le merchandising des artistes avec tournée et commercialisation d'images.
La première question n'est donc pas de savoir combien les majors ont perdu, mais plutôt combien elles ont gagné du fait de la diffusion renforcée que permettent et réalisent tous ces téléchargements jugés illégaux, quels qu'en soient les motifs et les conditions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La seconde est de savoir si l'industrie, aujourd'hui, compenserait le manque à gagner des artistes si le partage des oeuvres était entravé par un système portant atteinte aux droits des internautes dans leur majorité. La réponse à cette question est certainement non. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Il faudrait un mécanisme de licence créative et un dispositif permettant d'aider les artistes et les producteurs à maîtriser les enjeux des nouvelles technologies afin d'en tirer le meilleur parti pour améliorer la création et garantir les revenus.
C'est pour ces trois raisons que je vous demande, mes chers collègues, au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, de refuser de délibérer en l'état d'un projet de loi répressif, attentatoire aux échanges gratuits et à l'accès aux services d'intérêt général sur Internet et qui repose, de surcroît, sur un modèle économique anachronique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Sur le vote de la question préalable, il sera procédé par scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Martine Billard pour le groupe GDR.
Je me félicite de la présence de nombreux députés, cette fois-ci, pour suivre ce débat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La connaissance des uns et des autres sur le sujet ne pourra que s'en trouver enrichie.
En fin de compte, madame la ministre, votre problème, c'est Internet. Pour vous, il s'agit d'un outil dangereux que vous cherchez donc à contrôler, à réduire à une dimension commerciale, que vous cherchez à surveiller, à labelliser ; cela, au lieu d'envisager tous les aspects positifs qu'Internet peut receler pour la création.
À propos de la « coupure Internet » que vous proposez comme sanction au piratage, le compte rendu des débats de la commission des affaires culturelles, saisie pour avis, permet de constater un étonnant changement de position de certains de nos collègues de l'UMP. Je pense notamment à l'une de mes propositions visant, en cas de coupure, à reverser le montant de l'abonnement à un fonds pour la création, proposition qui avait suscité un certain intérêt dans les rangs de la majorité.
Ainsi, la rapporteure pour avis, Mme Marland-Militello, affirmait : « Je suis séduite par l'idée d'affecter à la création le montant de l'abonnement que l'internaute sanctionné continuera de verser. » Mme de Panafieu, pour sa part, déclarait : « Je suis favorable au principe d'un financement des créateurs par le biais de cette sanction, qui viendrait en réparation du préjudice généré par le piratage. » M. Herbillon soutenait quant à lui : « Il me paraît illogique et contraire aux libertés individuelles de faire payer à l'internaute sanctionné l'abonnement qui fait l'objet d'une suspension. Cependant, si cette disposition devait être maintenue, je serais favorable à ce que l'argent correspondant soit destiné au financement de la création. »
On pouvait donc constater un assez large accord, au sein de la commission des affaires culturelles, pour que, malgré nos divergences quant au bien-fondé de la coupure ou bien sur le fait que l'abonnement doive continuer d'être payé, au moins, le produit de cet abonnement, en cas de coupure, serve réellement la création. Malheureusement, à aucun moment ; vous n'avez voulu retenir cette proposition.
Il ne sert donc à rien de délibérer à nouveau sur ce texte puisque vous n'acceptez aucune proposition. Vous avez repoussé celle que je viens d'évoquer, vous rétablissez la double peine, vous êtes revenues sur le logiciel mouchard, vous remettez en cause le livre blanc sur lequel s'étaient accordés le Gouvernement et l'ensemble des professions de la presse. Un amendement de notre collègue Christian Kert remet ainsi en cause des accords avec les syndicats de journalistes.
Vous avez même, lundi dernier, en commission des lois, ajouté à l'obligation de sécurisation de sa connexion Internet, l'obligation de sécuriser sa messagerie électronique. Voilà, chers collègues, qui fait bien rire.
Imaginez que vous allez sécuriser votre messagerie sur Yahoo ou sur Gmail ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Ces détails techniques sont peut-être fastidieux mais ils permettent de mesurer combien le texte est idiot (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et de constater qu'il y a bien tromperie des auteurs et des artistes parce qu'on leur vend des dispositions inapplicables, absurdes. Efforcez-vous donc au moins de voter votre projet en évitant les dispositions absurdes !
Monsieur le rapporteur, j'ai bien peur que vous ne finissiez un peu comme notre collègue Christian Vanneste qui avait défendu avec une forte conviction la loi DADVSI et qui se rend compte aujourd'hui que c'était une erreur et que la loi HADOPI est pire encore.
Il faut donc en rester là et voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Sur le fond, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre va tâcher de faire dans la sobriété afin d'éviter tout claquage précoce : après quarante heures de débats, les crampes nous guettent.
Après la discussion générale, le débat d'amendements permettra à chacun de prendre ses responsabilités.
Le groupe Nouveau Centre ne votera pas la question préalable. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Le débat a eu lieu, quelles que soient ses vicissitudes. Nous avons droit à une prolongation ; à chacun de se prononcer librement. Dans la maison de la démocratie française qu'est l'Assemblée, il n'y a pas de mandat impératif.
Au sein du groupe UMP et au sein du groupe NC, une majorité de députés souhaitent politiser ce vote, c'est leur droit. Une minorité, à laquelle appartiennent Lionel Tardy, Christian Vanneste, Alain Suguenot et moi-même, souhaite en revanche, jusqu'au bout, s'en tenir au fond du texte qui ne nous convainc pas. C'est aussi notre droit et nous demandons qu'on respecte notre position. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur quelques bancs des groupes NC et UMP.)
En tout cas, pour le groupe Nouveau Centre, j'insiste, le débat a déjà eu lieu. Que cette prolongation permette à chacun de témoigner, de prendre date. L'examen du projet de loi HADOPI doit continuer son cours sous les yeux des Français. Il reviendra à la société de trancher le débat qui nous a animés et passionnés. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la question préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 360
Nombre de suffrages exprimés 359
Majorité absolue 180
Pour l'adoption 128
Contre 231
(La question préalable n'est pas adoptée.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma