…ni un épisode rocambolesque, madame la ministre, ni une manoeuvre politicienne, monsieur Riester. Ce qui s'est réellement passé, chers collègues, c'est que la représentation nationale, sous la présidence exemplaire et éminemment honnête d'Alain Néri (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR), s'est dressée pour rejeter un texte perdant-perdant : perdant pour les internautes sur lesquels va désormais peser une présomption de culpabilité ; perdant pour les artistes trompés de manière éhontée puisque le projet de loi ne rapportera pas un euro de plus à la création. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le matin même du 9 avril, notre collègue Marc Le Fur, vice-président UMP de l'Assemblée nationale, nous avait pourtant alertés : « Il y a les “people”, et puis il y a le peuple. Et on a un peu oublié le peuple. Pardonnez-moi de défendre le peuple dans cette enceinte. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Il faut dire que la triste réunion de la commission mixte paritaire, qui avait précédé ce vote, avait – ultime provocation – été amenée à balayer les maigres avancées que nous avions pu obtenir. Elle avait notamment rétabli manu militari la triple peine – sanction pénale, sanction administrative et sanction financière, avec obligation pour l'internaute de continuer à payer son abonnement une fois son accès à internet coupé – ou était revenue sur l'amnistie des sanctions prises à l'encontre des internautes en vertu des dispositions de la loi DADVSI.
De fait, le durcissement final du projet de loi a été pour beaucoup dans le résultat du vote du 9 avril.
Ce jour-là, la loi HADOPI est morte politiquement et il ne s'agit désormais plus que d'assurer sa survie parlementaire. Cependant, Nicolas Sarkozy s'entête à vouloir la faire voter toutes affaires cessantes. C'est que le texte est la traduction législative des accords de l'Élysée signés il y a déjà un an et demi : son rejet par l'Assemblée nationale représente donc, pour le Président de la République, une défaite personnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C'est sous pression élyséenne que, lundi dernier, la commission des lois a vu son rapporteur se faire hara-kiri en défendant avec le même aplomb la suppression de dispositions qu'il avait pourtant défendues avec fougue et fait voter par l'Assemblée nationale en première lecture.
Il est par ailleurs paradoxal d'entendre la majorité se plaindre du retard qu'entraîne le rejet du projet de loi, alors que ce texte a pour conséquence de retarder bien inutilement la nécessaire adaptation du droit d'auteur à l'ère numérique. C'est d'autant plus vrai qu'il ne pourra techniquement être mis en oeuvre une fois voté – si un jour il l'est. Rappelons que les plus gros opérateurs estiment ne pouvoir lever les nombreux obstacles techniques que dans un délai minimal de dix-huit mois et en y consacrant plusieurs millions d'euros.
Madame la ministre, pour justifier votre démarche, vous avez affirmé, à plusieurs reprises, sur la base d'une assertion gratuite à défaut d'une étude sérieuse, que « la France est championne du monde en matière de piratage ».