Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 12 mars 2009 à 10h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • numérique
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  • téléchargement

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet (nos 1240, 1486, 1481, 1504).

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à Mme Martine Billard.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Madame la présidente, madame la ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, bien des raisons justifient le renvoi en commission du projet de loi relatif à la création sur Internet. Elles portent tant sur le fond que sur la forme de nos travaux. Dans la mesure où les droits d'auteur et droits voisins sur Internet constituent une matière législative particulièrement technique, il serait nécessaire que la commission des lois, celle des affaires culturelles et celle des affaires économiques, qui ont pris des positions contradictoires sur nombre de dispositifs du texte – par exemple sur l'interopérabilité –, puissent de nouveau en débattre sereinement.

Le Gouvernement n'avait pas ménagé les artifices de procédure pour faire passer en force le texte de la loi DADVSI. Certes, nous légiférons aujourd'hui sur la base du rapport de Denis Olivennes – à l'époque PDG de la FNAC –, mais il ne serait pas moins indispensable de disposer d'un bilan de cette loi. Nous aimerions savoir, en effet, pour quelles raisons la majorité UMP s'est finalement rangée à l'idée qu'elle serait inadaptée et déjà obsolète – ce que l'opposition n'avait cessé de répéter lors des débats de 2005-2006.

À l'époque, la majorité de l'Assemblée affirmait de façon péremptoire, au mépris des mises en garde lancées par les acteurs des cultures numériques, notamment ceux du mouvement qui défend le principe des logiciels libres, que la protection juridique des « mesures techniques de protection » – DRM, en anglais – était le seul moyen de sauver la création : reconnaît-elle aujourd'hui s'être trompée ? Il est désormais avéré que ces DRM ne remplissent pas le rôle de protection des droits des créateurs. Et ce sont aujourd'hui les majors de la musique qui abandonnent ces dispositifs de contrôle anti-copie, tant ceux-ci sont rejetés par les consommateurs qui se retrouvent empêchés de jouir légitimement de leurs droits sur des biens qu'ils ont acquis légalement. On peut citer l'exemple de la plateforme multimédia MySpace sans DRM, lancée il y a plus d'un an par quatre majors. Les DRM sont donc abandonnées, mais les plateformes multimédias sont toujours inaccessibles au logiciel libre, et les rémunérations des artistes ne sont pas améliorées !

L'article 52 de la loi DADVSI fait obligation au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport sur la mise en oeuvre de ladite loi dans les dix-huit mois suivant sa promulgation et précise : « Ce rapport comporte un chapitre spécifique sur les conditions de mise en place d'une plateforme publique de téléchargement permettant à tout créateur vivant, qui se trouve absent de l'offre commerciale en ligne, de mettre ses oeuvres ou ses interprétations à la disposition du public et d'en obtenir une juste rémunération. » – cette dernière phrase étant issue d'un amendement de notre collègue Frédéric Dutoit. Le renvoi en commission permettrait de laisser au Gouvernement le temps de nous présenter ce fameux rapport d'application, dont nous aurions dû avoir communication dès l'an dernier.

Un autre point de forme plaide pour le renvoi en commission. Contrairement aux affirmations du Gouvernement et du rapporteur, les conclusions du rapport de la mission Olivennes ne font en rien consensus parmi les professions concernées par la protection des droits d'auteur et de la création sur Internet. Ainsi, alors que le rapporteur qualifie d'« historique » et d'« exemplaire » l'accord signé, le 23 novembre 2007 à l'Élysée, entre quarante-deux organisations réunissant les fournisseurs d'accès à Internet, des chaînes de télévision, des représentants des ayants droit de l'audiovisuel, du cinéma et de la musique, nous apprenons ces derniers jours par voie de presse que plusieurs représentants des FAI récusent leur signature de cet accord et expliquent que les négociations se sont faites sur des bases bilatérales avec le négociateur Olivennes, et non multilatérales dans le cadre d'une discussion commune. Ils auraient signé un texte dont ils ne connaissaient pas le contenu ! Avouez qu'il y a là motif à organiser de nouvelles auditions devant les commissions pour connaître le fin mot de l'histoire et savoir quelle est la position réellement défendue par les FAI.

Ce texte s'apparente à un tel bourbier juridique que M. Pierre Kosciusko-Morizet, président de l'association pour le commerce et les services en ligne, qui ne représente pas moins de cent quatre-vingts entreprises, juge que le projet de loi « date un peu et n'est pas tellement adapté ». Il demande « un moratoire de six mois » pour donner au Gouvernement le temps de réécrire sa copie. Six mois : c'est précisément le temps nécessaire à la représentation nationale pour retravailler le texte après son renvoi en commission !

Cela permettrait en outre de revenir sur les causes de la censure constitutionnelle décidée à l'été 2006 contre les dispositifs qui prévoyaient déjà une « riposte graduée » en trois étapes, en cas de téléchargements illicites. Or la finalité même du texte relatif à la diffusion et à la protection de la création sur Internet est d'instituer une Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet – HADOPI – pour réintroduire la riposte graduée censurée en 2006. Comme le téléchargement est difficile à prouver, à moins d'aller inspecter le disque dur de la personne suspectée, le Gouvernement a cherché un autre critère d'incrimination et n'a rien trouvé de mieux que d'obliger les particuliers à installer un logiciel de sécurisation de leur poste et, en cas de défaut d'installation, de les rendre responsables de tout téléchargement jugé illicite par les représentants des ayants droit.

À propos de cette question centrale de l'obligation de sécurisation, Fabrice Le Fessant, chercheur à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique et enseignant en informatique à l'École polytechnique, indique, dans une note diffusée le 16 février dernier, que « cette loi est inadaptée à un certain nombre de caractéristiques techniques des réseaux et d'Internet ». La note met en évidence que « le système d'identification du coupable, fondé sur l'adresse de la connexion Internet, implique une sécurisation de l'installation informatique, hors de portée des simples particuliers ». Les grandes entreprises salarient des experts en informatique pour la maintenance de leurs postes et la protection de leurs accès au réseau ; nous ne pouvons en attendre autant de particuliers. Les députés peuvent d'ailleurs constater eux-mêmes que, malgré toutes les protections dont sont dotés leurs postes de l'Assemblée nationale, de nombreux spams arrivent encore à passer, dont certains sont d'ailleurs assez désagréables. Du reste, la première faille de sécurité est souvent le logiciel : un grand éditeur de logiciels a dû effectuer quarante-neuf mises à jour critiques de sécurité en 2006 et quarante-trois en 2007, car des failles permettaient à un intrus de prendre le contrôle de l'ordinateur. Quant aux connexions sans fil, chacun sait qu'il est facile de se connecter sur un réseau wi-fi qui n'est pas le sien.

Les réseaux de pair à pair vont migrer vers les nouveaux réseaux sociaux « d'amis à amis », beaucoup plus difficiles à contrôler. Je crois, mes chers collègues, que nous devrions auditionner les experts de l'INRIA, afin d'éviter un faux pas législatif.

Mais je voudrais aussi, madame la ministre, vous interpeller à propos de spams que nous recevons en ce moment et qui sont envoyés par une liste de diffusion appelée « J'aime les artistes ! ». Je les reçois sur ma messagerie personnelle : cette intrusion dans ma vie privée est un peu surprenante. Je me suis demandé qui était derrière « J'aime les artistes ! » et j'ai découvert que ces pourriels étaient envoyés par la société Push It Up, qui s'exprime ainsi sur son site : « Push It Up conçoit vos campagnes Internet, intégrant la recherche de relais et supports, la diffusion de spots viraux… De la création d'outils marketing classiques à la réalisation de mini-sites satellites, en passant par des campagnes de mots clés, emailing ciblé, jusqu'au marketing viral. » Des « spots viraux » ! Du « marketing viral » !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Tout cela n'est-il pas un peu consternant ? Et qui se trouve derrière tout cela ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

La société a été fondée par deux personnes, dont l'une, en 2008, était candidate aux élections municipales dans le huitième arrondissement de Paris, soutenue par le parti radical valoisien. « J'aime les artistes ! » n'est donc pas si neutre que cela.

S'il y a deux chambres, dans notre Parlement, ce n'est pas un hasard : l'une doit pouvoir corriger les éventuelles erreurs de l'autre. On a souvent dit que, au Sénat, la loi a été votée à l'unanimité. Je tiens à préciser que les sénateurs communistes et Verts se sont abstenus, et que le groupe GDR de l'Assemblée votera contre ce texte, pour des raisons que j'ai déjà exposées dans mon explication de vote sur la motion d'irrecevabilité et que nous développerons tout au long de ce débat.

Je voudrais m'attarder sur un autre motif de renvoi en commission. Vous partez d'un postulat contestable quant à l'origine des difficultés des industries culturelles, que ce soit dans le rapport, dans l'avis des deux commissions parlementaires, ou dans l'argumentaire de Mme la ministre.

Le Gouvernement et les rapporteurs dressent un tableau apocalyptique de l'économie de la création culturelle, postulant que les téléchargements sont responsables de la chute des ventes de disques et de DVD. Je cite l'exposé des motifs : « Le marché du disque a baissé de près de 50 % en volume et en valeur au cours des cinq dernières années, ce qui s'est traduit par un fort impact aussi bien sur l'emploi des maisons de production que sur la création et le renouveau artistique avec la résiliation de nombreux contrats d'artistes et une baisse de 40 % du nombre de nouveaux artistes “signés” chaque année. Le cinéma et la télévision commencent à ressentir les premiers effets de ce changement des usages et le livre ne devrait pas tarder à suivre. »

Sans contester que l'industrie culturelle soit bouleversée par les nouveaux usages liés à l'utilisation massive d'Internet, il me semble que l'analyse mérite d'être à la fois affinée et inscrite dans un contexte plus vaste de transformation massive des usages, d'un basculement d'une partie de notre économie vers le numérique. On nous explique que l'industrie du disque souffre d'une très grave crise liée au téléchargement illégal d'oeuvres. Mais de quelle crise parle-t-on ? Les revenus issus du spectacle vivant ou même de la diffusion publique d'oeuvres augmentent régulièrement. En réalité, seule la vente de supports – c'est-à-dire de CD – souffre, mais cette technologie peut désormais être considérée comme dépassée, comme le vinyle le fut en son temps. Quant à la question même de la baisse des ventes de CD, comment ne pas la lier au fait que les prix exorbitants pratiqués n'ont pas baissé en vingt ans ? Les industries du disque n'ont-elles pas, ainsi, tout simplement tué la poule aux oeufs d'or ?

La crise est d'abord celle des maisons de disques qui ne se sont pas dotées suffisamment vite de plateformes de téléchargement. Rien dans le projet de loi ne permet au secteur du disque de faire face aux vrais enjeux, aux nouveaux défis de l'ère numérique.

En ce qui concerne l'industrie cinématographique, les entrées en salles progressent, la vidéo à la demande se développe et les bouquets attirent chaque jour de nouveaux consommateurs. Ainsi, la dernière enquête Médiamétrie pour l'année écoulée contredit les assertions du rapporteur, selon lesquelles la fréquentation des salles serait en baisse. Certes, elle risque de l'être bientôt en raison de la crise économique : les familles voyant leurs moyens se réduire, cela peut provoquer, à terme, des baisses de fréquentation, mais celles-ci ne seront pas liées aux téléchargements. Il est vrai que la vente de supports – CD, DVD ou cassettes vidéo, ces dernières ayant complètement disparu – décline régulièrement. Cependant, on peut noter qu'elle ne représente en 2007 que 16,5 % des sommes collectées par la SACEM. La vente de fichiers numériques ou de musiques sous des formes spécifiques, comme les sonneries téléphoniques, même si elle représente un faible volume de 10 millions d'euros, augmente très fortement : de près de 27 %. La musique à la demande, qui pèse aujourd'hui 3,46 millions d'euros, augmente de 85 %. Autant de bonnes nouvelles ! Le spectacle vivant et les sonorisations publiques sont en forte hausse. Il y a par conséquent d'importantes possibilités de compensation.

Au moment du débat sur la loi DADVSI, vous aviez refusé les amendements des Verts qui proposaient une contribution des FAI et des opérateurs téléphoniques à la création culturelle, sous prétexte que cela fragiliserait ces derniers. Pourtant, cela ne les fragilisait plus dans la loi audiovisuelle et vous avez adopté une telle contribution. Je regrette qu'une telle mesure ne soit pas prévue pour aider à la rémunération des auteurs.

En fait, nous assistons à une transformation du modèle économique. L'introduction du numérique a bouleversé la pratique et la consommation de la culture. Au titre des pratiques numériques ne donnant pas lieu à perception de droits d'auteur ou de droits voisins, le rapporteur souligne l'augmentation des visionnages en streaming – directement sur l'écran en ligne –, sur des sites web spécialisés, tels que YouTube ou Dailymotion, ou l'écoute en ligne sur Deezer. Ce dernier dispositif, grâce à son instantanéité, remporte un franc succès. On a beaucoup entendu dire que la gratuité, c'est le vol ; or, Deezer propose de la musique gratuite aux internautes qui s'y connectent ! S'agirait-il donc de vol dans certains cas, et pas dans d'autres ?

Ensuite, vous ne dites rien du succès des sites de revente en ligne par les particuliers, et de ses conséquences. Ainsi, au début du mois de janvier, alors que la revente des cadeaux offerts lors des fêtes de fin d'année était promue au rang de sport national, le patron de l'un de ces sites d'enchères et de revente en ligne, M. Pierre Kosciusko-Morizet, n'a cessé, dans les médias, de nous expliquer le succès de sa démarche en se vantant d'avoir inventé un magnifique slogan publicitaire – « Devenez radins ! ». Grâce à de tels sites, chacun peut acheter ou visionner un DVD, ou encore écouter un CD pendant un temps, pour ensuite les revendre d'occasion à d'autres internautes et à des prix défiant très largement les prix d'articles neufs. Là encore, il convient d'éclairer davantage les commissions parlementaires saisies, afin qu'elles évaluent mieux l'impact réel de ces sites de vente d'occasion, de particulier à particulier, sur les chiffres de ventes de biens culturels, et sur leur contribution aux sociétés de collecte des droits d'auteur des artistes.

Selon l'OCDE, le téléchargement de musique en réseaux de « pair-à-pair » ne conduit pas tous les utilisateurs à substituer systématiquement ce type d'acquisition aux modes traditionnels de consommation ; si certaines études démontrent que le partage non autorisé de fichiers a un effet négatif sur les ventes de musique, d'autres prouvent au contraire qu'il a un effet positif, et d'autres encore que son impact est nul. Vous le voyez : la question mérite d'être étudiée davantage.

Quoi qu'il en soit, le téléchargement existe de manière massive depuis une décennie. Peut-on dire que cette période a été mise à profit pour étoffer l'offre légale de téléchargement et en améliorer la qualité ? Hélas, non seulement le consommateur n'a toujours pas accès à l'ensemble des artistes, mais il lui est bien souvent impossible de se constituer un capital musical, car la durée de vie et d'utilisation des fichiers est limitée par les mesures techniques de protection – les DRM, qui ont fait l'objet d'un long débat en 2006. Je me réjouis que vous reconnaissiez aujourd'hui qu'elles étaient une erreur ; je regrette qu'elle n'ait pas été évitée d'emblée – nous aurions gagné du temps, ce qui aurait profité aux auteurs.

En outre, les offres légales utilisent les DRM compatibles avec le seul système d'exploitation de Microsoft, et non avec les ordinateurs équipés des systèmes Apple ou Linux, non plus qu'avec les baladeurs Apple – qui représentent pourtant 60 % du marché. Force est donc de constater le verrouillage actuel du marché par quelques majors qui en contrôlent presque les trois quarts et, ce faisant, empêchent l'émergence d'un marché concurrentiel. Ainsi, un album peut être proposé en promotion à 6,99 euros, contre 9 euros sur les plateformes payantes. Comment, dans ces conditions, convaincre les jeunes qu'il faut acheter des CD ou bien télécharger à ce prix ?

En somme, il est abusif de prétendre que ce projet de loi favorise les artistes. Au contraire : il maintient le système existant sans qu'on se donne la peine d'ouvrir le débat sur des mécanismes contributifs qui permettraient de compenser le téléchargement. Les internautes, in fine, devront payer un logiciel de sécurisation et des mises à jour régulières. Et l'on nous dit que l'augmentation de l'abonnement aux fournisseurs d'accès afin d'inclure une rémunération supplémentaire pour les artistes serait insupportable !

Ce projet de loi revient au dispositif de « riposte graduée » en trois étapes, que mettra en oeuvre la Haute autorité – une autorité administrative dérogatoire à l'autorité judiciaire. Celle-ci sera saisie par des agents désignés par les industries de la production culturelle, et fichera les identités électroniques des internautes en reprenant une procédure de la loi contre le terrorisme. Le cas échéant, elle enverra aux internautes une « recommandation » électronique, puis une autre avec accusé de réception. Ensuite, l'accès à Internet sera suspendu, mais l'internaute devra tout de même continuer à payer les frais d'abonnement à son fournisseur – à moins que l'un de nos amendements, adopté en commission, ne le soit aussi dans l'hémicycle. En cas de détournement d'une connexion à l'insu du particulier, par piratage ou par utilisation d'un réseau sans fil ouvert, la personne poursuivie ne sera pas celle qui a procédé au téléchargement non autorisé, mais le titulaire de l'abonnement.

Ce dispositif est un non-sens historique. Au plan juridique, il est inacceptable ; en pratique, il est inefficace, puisqu'il n'empêchera pas l'échange d'oeuvres numérisées entre particuliers. En revanche, il provoquera d'importants dommages collatéraux.

Nombreux sont les principes et les libertés fondamentales au regard desquels ce texte est inacceptable. Ainsi, la loi permet à la Haute autorité de demander l'identification des personnes liées à une adresse IP collectée par les sociétés d'auteurs, et ce en dehors de toute intervention de l'autorité judiciaire. Or, lors de la refonte de la loi « informatique et libertés », en 2004, le Conseil constitutionnel avait restreint le traitement des fichiers d'infractions en le subordonnant à la condition que les données recueillies n'acquièrent un caractère nominatif que dans le cadre d'une procédure judiciaire, et que la conservation des informations soit limitée à un an – ce qui n'est pas le cas dans le présent texte.

Les mesures d'exception relatives à l'accès aux données personnelles accordé aux services de police luttant contre le terrorisme ne peuvent être étendues à la lutte contre l'échange non autorisé de musiques et de films. La dérogation permettant – à juste titre – aux services antiterroristes d'accéder aux données de connexion sans contrôle de l'autorité judiciaire à des fins préventives est une mesure d'exception temporaire, que le Conseil constitutionnel a acceptée parce qu'elle concerne certains des crimes les plus réprimés du code pénal. Or, dans le cas qui nous occupe, il ne s'agit ni de crimes, ni d'atteintes aux personnes. Le droit pénal français distingue clairement entre les crimes et les délits contre les personnes d'une part, et ceux contre les biens de l'autre !

Les sociétés privées ne doivent pas être habilitées à rechercher des infractions pénales sur Internet. Le groupe « Article 29 » – équivalent de la CNIL au niveau européen – l'a dit : même si tout individu a naturellement le droit d'exploiter des données judiciaires dans le cadre de litiges le concernant, ce principe ne va pas jusqu'à permettre l'examen approfondi, la collecte et la centralisation de données à caractère personnel par des tiers, y compris la recherche systématique à grande échelle, comme le balayage d'Internet ou la demande de communication de données personnelles détenues par d'autres acteurs tels que les fournisseurs d'accès. De telles enquêtes sont de la compétence des autorités judiciaires.

La coupure de l'accès à Internet est une mesure manifestement disproportionnée au regard des objectifs visés, car elle constitue une sanction aux effets puissants, qui pourrait entraîner de graves répercussions dans une société où l'accès à Internet est devenu une condition de l'inclusion sociale. En effet, un nombre croissant de formalités s'effectuent désormais en ligne ; les administrations d'État sont d'ailleurs les premières à encourager cette pratique pour bien des formalités, notamment pour réduire la part du téléphone dans ses contacts avec les administrés.

La suspension de l'accès à Internet, sanction choisie par le Gouvernement, va à l'encontre des positions récentes du Parlement européen. En février 2009, à l'occasion de la parution du rapport visant à garantir aux citoyens européens « un accès à Internet sans réserve et sûr », présenté par l'eurodéputé grec Stavros Lambrinis, la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures a adopté à l'unanimité le principe en vertu duquel le droit d'accès ne doit pas être refusé en tant que sanction. Autant dire que son refus de la riposte graduée, envisagée par le présent projet, est clair. Ledit rapport fait écho au vote par le Parlement européen, en septembre dernier, de l'amendement au projet de directive du « paquet télécom ».

Un relevé informatique ne constitue pas une preuve suffisante. Dans un rapport que le ministère de la culture a tenté d'enterrer, le professeur Jean Cedras, agrégé de droit pénal et ancien avocat général à la Cour de cassation, a indiqué que l'imputabilité des actes – quelles qu'en soient l'ampleur ou la gravité – à un internaute particulier, qui est la condition essentielle de sa responsabilité pénale ou civile, est impossible à établir sans la visite de son disque dur. Une réponse graduée automatique, aussi séduisante qu'elle apparaisse aux sociétés représentant les ayants droit, est donc un abus de pouvoir.

Selon l'étude de l'INRIA que j'ai déjà citée, « cette loi est inadaptée à un certain nombre de caractéristiques techniques des réseaux et d'Internet, et va introduire de nouveaux problèmes sans résoudre ceux qu'elle vise ». Et pour cause : l'internaute n'est pas toujours en mesure de savoir que la mise à sa disposition, d'un simple clic, de telle ou telle oeuvre n'est pas légalement autorisée. Il faudrait en effet analyser les liens hypertextes pour, éventuellement, savoir où l'utilisateur se retrouve – ce qui n'est guère à la portée de tous !

Rien, dans les systèmes existants, ne permet d'identifier la personne qui a téléchargé. Ainsi, comment rechercher le « coupable » lorsque, dans une même famille vivant sous un même toit, qui dispose d'un boîtier de connexion unique et, partant, d'un seul identifiant, plusieurs personnes majeures – parents et enfants, par exemple – utilisent la même connexion ? Si la riposte graduée permettra d'établir le caractère délictueux d'un acte, elle n'établira ni l'intention de le commettre, ni l'identité de celui qui l'a commis. Tout cela rappelle un peu la responsabilité collective et les fameuses lois Pasqua dites « anti-casseurs » – aujourd'hui supprimées.

Le présent texte introduira une discrimination, parmi les usagers d'Internet, entre les personnes physiques, sommées de se doter d'une protection pour ne pas être suspendues de connexion, et les entreprises, pour lesquelles cette mesure est évidemment exclue. Et qu'en sera-t-il des auto-entrepreneurs, dont le Gouvernement fait tant la promotion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Oui, mais si leur connexion est piratée, elle risque d'être suspendue !

Le Gouvernement reconnaît lui-même enfin qu'il ne s'agit pas de supprimer tout téléchargement illégal – c'est d'ailleurs techniquement impossible, car les technologies évoluent plus vite que les lois. Pour contourner la censure constitutionnelle de 2006, ce texte propose donc de sortir de l'incrimination de contrefaçon en créant, à la charge des internautes, une obligation de sécurisation des connexions à Internet. Ainsi, en cas de détournement d'une connexion, c'est le titulaire de l'abonnement qui sera poursuivi, et non le responsable du téléchargement illégal. Cette obligation est inadmissible : elle introduit un retournement de la charge de responsabilisation au détriment des internautes. La sanction ne portera plus sur l'acte de téléchargement, mais sur le défaut d'installation de mesures de protection !

La Haute autorité aura compétence pour labelliser les outils de filtrage susceptibles de satisfaire à l'obligation de protection de la connexion. Or, le rapport du Conseil général des télécommunications au ministère de la culture, présidé par Jean Berbinau – actuel secrétaire général de l'Autorité de régulation des mesures techniques – préconise ouvertement, en application de la loi, « une expérimentation portant sur le filtrage sur le poste client synchronisé avec un serveur central ».

Ce rapport prône également l'établissement de « listes blanches » de sites Internet qui seraient autorisés pour les réseaux publics de connexion sans fil. Si la France en vient à une telle extrémité, il nous sera bien difficile de critiquer les pratiques de l'Internet dans les pays les moins libres de ce monde, de la Chine à la Biélorussie, qui sont sous l'emprise du contrôle politique d'État…

Quant à l'homologation envisagée des logiciels de sécurisation, elle exclut de facto la possibilité d'utiliser un ordinateur équipé en logiciels libres. Les utilisateurs de systèmes d'exploitation comme Linux se retrouveront donc dans une situation d'insécurité juridique discriminatoire. Le problème s'était déjà posé avec les DRM lors de l'examen de la loi DADVSI ; aujourd'hui, il se pose à nouveau, avec ces logiciels de sécurisation.

Au fond, les traités OMPI et la loi DADVSI autant que ce projet de loi dit « HADOPI » ne sont pas autre chose que des armes de guerre économique au service des sociétés dominantes du secteur de l'informatique, comme Microsoft et Apple, et contre les acteurs des logiciels libres – notamment ceux qui créent et produisent des logiciels non propriétaires. C'est un comble !

Revenons au débat sous-jacent : qu'en est-il de la rémunération des artistes, en particulier celle des auteurs ? En effet, c'est en leur nom que sont décidées de telles mesures liberticides contre les internautes. Hélas, aucune amélioration ne leur est accordée. Le système de répartition des droits est tel que les recettes des plateformes alimentent avant tout les majors de production, et fort peu les artistes. En outre, très peu d'artistes perçoivent une rémunération de la part de la SACEM, dont la répartition des droits a été citée hier. Au passage, je rappelle à ceux qui invoquent si souvent la pétition de 10 000 artistes – tout à fait respectable – que la SACEM compte plus de 3 000 sociétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Certes, parmi les nombreux signataires de ladite pétition, les artistes sont mieux représentés que les sociétaires de la SACEM. Elle est parfaitement respectable, je le répète ; néanmoins, en regard du nombre d'artistes concernés par cette loi, elle demeure assez minoritaire.

Chacun peut aujourd'hui constater que, même avec des chiffres d'affaires en baisse, les majors de production continuent à engranger des bénéfices, et ce pour une raison simple : les coûts de diffusion sur Internet diminuent, et sont bien inférieurs aux coûts de fabrication d'un CD. Dans le même temps, la proportion des droits d'auteur dans la répartition des bénéfices stagne, alors même que les sommes perçues par les sociétés de distribution passent de 40 % sur les CD à 61,60 % sur les téléchargements. D'où le déséquilibre suivant : une augmentation de 20 % de la rémunération des distributeurs d'un côté, mais aucune augmentation pour les auteurs de l'autre !

Certes, les téléchargements illicites posent problème, et il convient d'inciter les internautes qui souhaitent écouter de la musique à utiliser les plateformes « légales ». Cependant, ce problème est loin d'être le seul : au fil de l'évolution technologique, la répartition des bénéfices, in fine, profite aux distributeurs et ignore les auteurs. J'insiste sur ce point, car on nous présente trop souvent les artistes comme les pauvres victimes des seuls internautes qui téléchargent illégalement, les autres acteurs n'étant responsables de rien. C'est une fable !

Une des solutions pour rémunérer les auteurs serait de percevoir une taxation sur les FAI et sur les opérateurs de téléphonie mobile. Si ceux-ci ont aujourd'hui un tel succès, c'est qu'ils peuvent mettre à la disposition du public un ensemble d'oeuvres qui plaisent à celui-ci. De même que la télévision a aidé à financer le cinéma, ils doivent contribuer à financer l'ensemble de la culture, tant en matière de cinéma que de musique.

Une autre solution serait d'envisager la licence collective étendue volontaire – et nous défendrons un amendement en ce sens – par exemple lors de l'abonnement aux services des FAI, avec une clé de répartition plus juste pour les artistes. À défaut, on s'achemine vers des dispositifs encore plus arbitraires et qui ne reviendront pas moins cher aux particuliers, leur coût étant reporté sur les prix d'abonnement aux fournisseurs d'accès.

Enfin, il faut que les distributeurs prennent leurs responsabilités, ainsi que les majors, en ce qui concerne la musique, et qu'ils baissent le prix des morceaux ou celui des forfaits sur les plateformes de téléchargement payantes. Dans ces conditions, beaucoup d'internautes qui, pour avoir accès à la culture, utilisent aujourd'hui Internet plutôt que d'acheter des CD, recourront à ces plateformes légales.

Une telle réflexion nécessite le renvoi en commission, que je vous demande de voter…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

…pour éviter d'adopter un texte absurde technologiquement, discriminatoire, qui porte atteinte aux libertés et qui n'améliorera ni la rémunération des auteurs ni la situation de la création culturelle dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Cela va peut-être réveiller les députés du groupe UMP !

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, il a de nouveau été fait allusion, au cours de cette intervention, à la loi DADVSI, qui demeure. Il est important qu'elle existe…

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Elle permet de faire face à un certain type de délits, comme le piratage massif ou le fait de faire sauter des systèmes de protection. Il est normal qu'il y ait, en pareil cas, une réponse pénale.

En revanche, le petit piratage, léger, quotidien, un peu inconscient – encore que, aujourd'hui, compte tenu de l'ampleur des débats, personne ne peut plus ignorer qu'il porte préjudice aux artistes en commettant cet acte – n'avait pas de réponse appropriée. Voilà pourquoi nous avons déposé ce projet de loi.

Nous ne sommes pas attachés à un seul modèle. Nous souhaitons une multiplicité de modèles légaux, la seule exigence étant qu'ils reconnaissent les droits des artistes, des créateurs, bref, de tous les ayants droit.

On oppose le niveau des prix, mais ceux qui sont cités sont toujours ceux d'iTunes, qui sont en effet les plus élevés – près de dix euros, et 99 centimes pour un titre – la rémunération de l'auteur étant d'ailleurs supérieure à ce qui a été indiqué : environ 9 centimes. Mais il y a aussi les abonnements Orange. Je ne veux pas faire de publicité, mais pour 12 euros, vous avez accès à plus d'un million de titres. Il y a là une multiplicité d'offres, pour un prix extrêmement réduit. Et, plus nous réduirons le piratage, plus ce type d'offres forfaitaires extrêmement intéressantes, et qui n'oublient pas les artistes, pourra se développer.

Les sites de streaming ou de type Deezer sont, comme l'a rappelé Jean Dionis du Séjour, de plus en plus populaires. Nous avons tous des enfants qui aiment aller sur les sites de streaming…

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

…et c'est tout à fait normal, mais au moins, ceux-ci reconnaissent les ayants droit, des accords ayant été passés avec la société des auteurs.

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Nous n'y sommes pas opposés. Et il ne s'agit pas ici d'une espèce de licence globale, car, sous le nom de contribution créative, c'est bien elle qui reparaît tout à coup sous de nouveaux oripeaux ; or nous savons tous qu'elle est injuste puisqu'elle pénalise nombre de personnes qui ne piratent pas. On sait en effet que seulement 35% d'utilisateurs d'Internet font du téléchargement illégal.

Encore une fois, oui à une multiplicité de sites ! D'ailleurs, nous le savons, les habitudes de consommation vont évoluer. Les gens vont aller sur les sites écouter et réécouter la musique qu'ils aiment, sans doute la téléchargeront-ils légalement, et in fine, peut-être iront-ils acheter le CD, qui devient de plus en plus intéressant, qui offre des services de plus en plus variés, making of, récits, etc. Cette évolution, loin de nous y opposer, nous la prenons en compte. Mais nous demandons que les artistes et les auteurs ne soient pas oubliés. Tel est l'esprit du projet de loi.

On ne cesse de nous dire que nous sommes en train de lutter contre l'Europe. D'abord, je ferai remarquer que le problème du téléchargement illégal se pose partout en Europe – et en dehors également. Chacun essaie d'apporter des réponses.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

Mais tout le monde ne traite pas le problème de la même façon !

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Cela montre que l'on ne peut pas balayer la question d'un revers de main et rester sans rien faire. Car les solutions apportées étant en général inopérantes, cela veut dire que l'on garde la situation telle qu'elle est en laissant la musique s'effondrer et en mettant le cinéma en danger.

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Des décisions ont été prises en Europe, en faveur soit d'avertissements soit d'une suspension. La loi a été votée en Nouvelle-Zélande.

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Elle a été un peu différée, mais elle existe. Des suspensions sont prévues en Irlande, ainsi qu'aux États-Unis. Dans nombre de pays, il y a des systèmes d'avertissements qui entraînent une baisse massive des téléchargements. Nous ne sommes donc pas les seuls à nous préoccuper de la situation des créateurs et des artistes. Mais la réponse que nous apportons est française, en ce qu'elle fait intervenir une haute autorité, par souci de protéger les consommateurs et les données personnelles. Dans les autres pays, il y a une transparence totale et les FAI se procurent directement toutes les coordonnées des contrevenants, sans aucune protection.

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

De façon très indiscrète, puisque sans aucune protection des contrevenants !

L'abonné serait, in fine, pénalisé, dites-vous. Mais il est responsable de son ordinateur !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

L'Assemblée elle-même n'est pas capable de sécuriser son système !

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Cela ne veut pas dire, madame Billard, qu'un gros nuage noir va s'abattre sur une famille ! L'abonné recevra des mails successifs, puis une lettre recommandée, ce qui lui donnera le temps de prendre conscience qu'il y a un problème. On ne vous tombe pas dessus à l'improviste ! On vous laisse le temps de discuter au sein de la famille et de comprendre où il y a difficulté.

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Quant au disque dur, c'est un élément de preuve que le téléchargeur illégal pourra adresser à l'HADOPI.

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Au bout du long processus qui aboutit à la sanction, le disque dur fait partie des éléments de preuve : je ne vois pas où est le problème.

S'agissant de la Wi-Fi, le projet de loi vise à développer tous les logiciels de sécurisation. Nombre d'entre eux sont gratuits. Lorsque vous achetez le « pack » Microsoft, Word, Excell ou PowerPoint, l'un d'entre eux est fourni automatiquement. Même chose pour le « pack » OpenOffice. Les éditeurs de logiciels libres fournissent également des pare-feu gratuits. On peut aussi s'en procurer de manière payante. Ce marché va sûrement se développer, à la faveur de la prise de conscience collective que cette loi favorisera.

Je suppose que personne, dans cette assemblée, n'a jamais piraté la connexion à une borne Wi-Fi publique.

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Le débit est si lent et il est si incommode d'aller pirater dans un jardin public, qu'à mon avis, le problème ne se pose guère ! Et d'ailleurs ces bornes pourront, elles aussi, être sécurisées.

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Par les systèmes pare-feu ! Cela n'a rien de compliqué ! Les entreprises le font aujourd'hui.

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Nos discussions avec les fournisseurs d'accès montrent qu'il n'y a pas de problème. Apparemment, nous ne voyons pas les mêmes personnes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est vrai ! Vous, ce serait plutôt la famille Bettencourt !

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Il n'est pas question de listes blanches, mais d'un processus de responsabilisation et d'un changement de pratiques, pour avoir la liberté de beaucoup consommer sur Internet, mais en toute légalité et en respectant les artistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Madame Billard, vous dites qu'il faut renvoyer ce texte en commission, parce que le travail n'a pas été suffisamment approfondi.

Nous avons, en commission des lois, procédé à soixante auditions. Les députés de la commission étaient invités à toutes. Malheureusement, certains d'entre eux, qui disent aujourd'hui que le travail n'a pas été assez approfondi, n'y ont pas assisté. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Nous avons entendu de nombreux professionnels de tous secteurs d'activité : télécommunications, Internet, informatique, culture. Nous avons rencontré les représentants syndicaux. Bref, nous avons fait, en commission des lois, un travail d'écoute maximal.

En outre, nous avons travaillé avec un grand nombre de députés et nous avons adopté des amendements présentés par votre groupe, madame Billard, d'autres présentés par le groupe SRC, par le groupe Nouveau Centre et, bien sûr, de nombreux amendements présentés par le groupe UMP. La commission a donc fait son travail en faisant montre de l'attitude la plus ouverte possible à l'égard de celles et ceux qui voulaient s'exprimer sur ce texte.

Madame Billard, nous avons reçu quatre fournisseurs d'accès à Internet, qui nous ont assuré qu'ils tiendraient leur engagement, pris lors de la signature des accords de l'Élysée, de souscrire à ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Ils nous ont dit, et vous pouvez le vérifier en vous reportant aux rapports d'auditions, que l'application des dispositions de ce projet de loi – réponse graduée et suspension de l'abonnement – était techniquement possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Certes, ils nous ont également expliqué, et nous en avons parlé avec Mme la ministre et son cabinet, que, dans les zones non dégroupées, la mise en place du dispositif serait plus difficile, plus longue et plus coûteuse. C'est pourquoi il y a actuellement des discussions avec le Gouvernement pour étudier les modalités, l'échéance et le coût de cette mise en place. Par conséquent, vous ne pouvez pas dire que les fournisseurs d'accès à Internet se prétendent incapables d'appliquer techniquement ce projet de loi.

Par ailleurs, nous avons reçu les professionnels du Net et de l'informatique. Ils nous ont tous dit que, si les technologies de piratage évoluent, celles qui permettent de les identifier évoluent aussi. C'est le cas avec les virus et les antivirus : tous ceux qui ont un ordinateur savent bien qu'il faut s'équiper d'un antivirus et le mettre à jour régulièrement, car les virus, eux aussi, évoluent.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

M. Brard aurait bien une tête de cheval de Troie !

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Nous sommes donc bien conscients, en présentant ce projet de loi, que les technologies de piratage évolueront, mais il en ira de même des technologies permettant de les identifier.

Le corps de ce projet de loi est la réponse graduée et pédagogique permettant d'expliquer aux Français qu'il est nécessaire aujourd'hui de télécharger légalement. Nous comprenons bien que la consommation de biens culturels, l'écoute de musiques, le visionnage de films passent de plus en plus par Internet. Mais il existe parallèlement des possibilités de plus en nombreuses, faciles et économiquement accessibles de télécharger, de consommer ces biens culturels légalement sur Internet. Il faut l'expliquer aux Français. C'est pourquoi nous misons sur la pédagogie. Un premier avertissement sera donc adressé par mail. Si l'internaute continue, il recevra un deuxième avertissement par lettre recommandée. S'il poursuit, nous discuterons avec lui – période de transaction au cours de laquelle nous ferons, avec la Hadopi, de la pédagogie –…

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

…pour lui faire comprendre l'importance du téléchargement légal. Enfin, si l'internaute continue à ne pas respecter la loi, nous recourrons à la sanction la plus pédagogique : la suspension de l'abonnement. Pourquoi est-ce pédagogique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Parce que cela touche directement l'outil qui permet de télécharger illégalement. Cela prouvera à l'internaute qu'il n'est plus possible de télécharger illégalement dans notre pays.

Nous sommes convaincus qu'à partir du moment où il n'y aura plus d'offres illégales à côté des offres légales, ces dernières se développeront de façon très importante et que les revenus ainsi générés permettront de financer la création. Tel est l'esprit de ce projet de loi. C'est ce qui nous mobilise aujourd'hui en faveur de ce texte. Ce n'est pas plus compliqué que cela !

Il est évident, madame Billard, que la culture doit être la plus accessible possible. C'est pourquoi nous nous réjouissons que l'offre légale sur Internet se soit démultipliée, élargie…

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

…et permette, par exemple, à des internautes qui souscriraient un abonnement de 12 euros par mois de télécharger autant de titres qu'ils le souhaitent.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

La contribution créative est moins chère et rapporte à tout le monde !

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Ce qui est formidable dans le système que nous vous proposons, c'est qu'il ne s'agit pas de vente forcée. Le consommateur consomme ce qu'il souhaite. Il pourra en conséquence, s'il le veut, aller sur un site de streaming, site de visionnage en direct. Aujourd'hui, c'est gratuit, puisque financé par la publicité. Cela paie donc les auteurs, les compositeurs et les créateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Enfin, il peut, s'il le désire, acheter des titres en allant sur des plateformes légales de téléchargement. Cela ne posera aucun problème. Chacun pourra consommer en fonction de ses besoins, de ses souhaits et aussi de ses moyens. C'est cela, l'avenir du téléchargement légal sur Internet.

Enfin, arrêtez d'opposer les internautes et les artistes !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est ce que vous faites !

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Arrêtez de caricaturer le monde de la musique ! Messieurs, vous êtes des connaisseurs du monde culturel : cessez donc de soutenir qu'il s'agit uniquement de financer les producteurs, les « majors » qui exploitent leurs artistes ! Demandez aux artistes que vous connaissez s'ils peuvent travailler sans les producteurs, qu'ils soient petits, indépendants ou qu'ils appartiennent à de grands groupes mondiaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est comme un patron dans une usine ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Quand vous êtes un artiste, vous avez besoin d'un producteur pour vous accompagner dans votre développement ! Rencontrez-les, c'est ce que le groupe UMP a fait la semaine dernière ! Ils nous l'ont expliqué !

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Alors discutez de nouveau avec eux et vous verrez qu'un artiste a besoin de son producteur comme un producteur a besoin de son artiste. C'est ce qui fait la force de notre filière culturelle. Continuons à la défendre ensemble !

Madame Billard, je vous assure que le travail effectué en commission a été suffisant. Nous devons maintenant passer à l'examen des différents articles et amendements. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Gosselin.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Après les explications de Mme la ministre et de M. le rapporteur, je dirai quelques mots au nom du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Votre démonstration, madame Billard, était bien évidemment celle que l'on attendait. Nous l'avons écoutée sagement, mais très attentivement, monsieur Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Si nous dormions – puisque telle est votre impression –, ce n'était naturellement que d'un oeil, pour être encore plus vigilants !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Nous entendons bien vos arguments, madame Billard, arguments qui ne nous changent d'ailleurs pas de ceux qui ont été exposés hier. Ce texte serait ainsi contraire à l'Europe. J'aime cette façon de brandir l'Europe comme une menace quand cela vous arrange, et de vous y opposer quand il s'agit de la faire progresser ! Mais c'est un autre débat sur lequel nous reviendrons peut-être un autre jour.

C'est aussi l'antienne habituelle et sempiternelle sur un régime liberticide.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je reprends les termes employés. Ce serait une atteinte aux libertés individuelles…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

…aux libertés publiques ! Ce serait une discrimination ! Les artistes seraient lésés !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Si les artistes sont aujourd'hui à nos côtés, c'est forcément que nous les avons manipulés…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

…mais nous nous apprêterions immanquablement à les léser ! C'est ce que vous avez sous-entendu !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Enfin, il y a toujours dans vos discours ces grosses et affreuses entreprises qui réalisent des profits ! Vous oubliez de dire que 99 % d'entre elles, dans le secteur musical, et 95 % dans le secteur du cinéma, sont des PME. Ces petites et moyennes entreprises créent des emplois, les protègent et cherchent à les développer.

Vous parlez, bien sûr, de tous ces éléments avec coeur et conviction – conviction dont je ne doute pas –, mais telle n'est pas la réalité. La discrimination n'est pas celle que vous décrivez.

S'agissant du travail accompli en commission, je reprendrai quelques éléments cités par le rapporteur. Plus de 120 personnes ont été auditionnées attentivement et ont pu s'exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je rappelle qu'à l'automne 2007, le rapport Olivennes, qui avait aussi très largement fait place aux uns et aux autres, a conduit aux accords de l'Élysée, dont je sais qu'ils ont été décriés, certains les considérant comme de petits accords…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

…par rapport aux grands accords historiques. Il n'empêche que quarante entreprises de fourniture d'accès se sont mises d'accord pour progresser et offrir un certain nombre de garanties concernant le développement de l'offre. Nous attendons effectivement, en retour, le développement de l'offre. Vous avez raison sur ce point, celle-ci est encore aujourd'hui insuffisante, même si elle a crû depuis quelque temps. Les internautes attendent aussi en contrepartie, c'est vrai, une baisse des tarifs. Mais tout l'intérêt de ce projet de loi, c'est qu'il permettra d'obtenir dans de bonnes conditions, en limitant le téléchargement illégal, une offre à des prix beaucoup plus compétitifs.

Nous devons recourir, c'est vrai, à la pédagogie. Nous n'avons pas la prétention de résoudre toutes les difficultés. Nul ne prétend du reste que cette loi restera gravée dans le marbre indéfiniment ou pour vingt, trente ou quarante ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

La société évolue. Internet évolue. Nous prétendons donc rédiger une loi pédagogique.

Nous savons aussi parfaitement qu'un certain nombre de jeunes et de moins jeunes qui utilisent Internet passent par des réseaux de téléchargement illégaux de bonne foi, sans en être conscients et sans nécessairement se préoccuper de savoir s'il y a ou non rétribution.

L'intérêt aujourd'hui est d'évoluer avec eux et de leur expliquer avec pédagogie qu'il existe des règles qui profitent aussi aux artistes et aux producteurs.

Si l'on veut préserver et développer ensemble la création française, si l'on veut que, demain, des artistes puissent se produire et si l'on veut aussi découvrir de jeunes talents, nous devons nous en donner les moyens. Cette loi pédagogique, mesurée, donc efficace, sera une des voies pour y parvenir.

En conclusion, comme vous vous en doutez et compte tenu de l'excellent travail accompli par le rapporteur et ses collègues rapporteurs pour avis, le groupe de l'Union pour un mouvement populaire ne votera pas la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

La motion de renvoi en commission défendue par notre collègue Martine Billard se trouve, ce matin, d'autant plus justifiée pour celles et ceux qui ont assisté la nuit dernière à notre discussion générale que celle-ci s'est conclue de manière très frappante par les interventions de MM. Martin-Lalande, Suguenot, Tardy, Dupont-Aignant et Calméjane, qui ont soulevé successivement des interrogations rejoignant, sur bien des points, nos préoccupations.

Pourquoi est-il demandé à notre Assemblée de renvoyer ce texte en commission ? Il ne s'agit certes pas de punir notre rapporteur, considérant qu'il n'aurait pas fait son travail. Je soulignerai toutefois, monsieur Riester, que vous vous en prenez un peu légèrement à nos collègues, membres de la commission des lois, en leur faisant valoir que vous avez entendu tout le monde et qu'ils auraient dû assister à ces auditions. Vous savez très bien que j'ai dû moi-même frapper à la porte et attendre quarante-huit heures avant que l'on me permette de participer à certaines de celles-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Vous n'êtes, cependant, en rien en cause, monsieur Riester, en tant que rapporteur de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Mais, comme l'a rappelé avec beaucoup de pertinence notre collègue Billard, nous devons incontestablement travailler de nouveau ce texte qui est mauvais et mal calé.

Mme la ministre a eu la bonté, ce matin, de commencer à répondre à certains des arguments que nous avons développés dans la discussion générale. M. Riester s'est également livré à cet exercice. Mais votre argumentaire, aimable bavardage, est resté très général. Vous nous avez ainsi narré un conte de fées. Je suis très frappé de constater que vous reprenez exactement les arguments défendus dans cet hémicycle par M. Donnedieu de Vabres. Sans doute est-ce d'ailleurs parce que ce sont les mêmes personnes qui ont rédigé les argumentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Vous commettez une erreur essentielle. C'est la raison pour laquelle nous affirmons que votre projet de loi est un pari perdu d'avance. Vous essayez, en effet, de bousculer, de faire basculer, bref de changer par la loi les habitudes de millions de nos concitoyens internautes. Vous nous réaffirmez aujourd'hui que c'est pour permettre le développement des offres légales de téléchargement attractives. Mais qu'est-ce qui a empêché, au cours de ces trois dernières années, que ces offres légales se développent, que les catalogues s'ouvrent et, surtout, chers collègues, que les prix baissent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Il est, en effet, aujourd'hui frappant que le titre téléchargé soit toujours à 0,99 euro ! Faut-il une nouvelle fois, vous dire qu'en cette affaire, certains réalisent des profits considérables, parce qu'ils n'ont pas à intégrer les coûts de fabrication des supports physiques, mais que les auteurs et artistes interprètes y ont perdu ? Un auteur et un artiste interprète sont aujourd'hui moins bien rémunérés pour un titre téléchargé, sur une offre commerciale, qu'ils ne l'étaient hier ou le sont encore aujourd'hui grâce à la vente de CD ou le sont de DVD.

De la même façon, madame la ministre, je vous trouve bien faible, s'agissant de la loi DADSVI. Beaucoup d'entre vous – et j'interpelle là directement nos collègues de la majorité – ont constaté que cette loi est un échec patent, ce que nous avions d'ailleurs prédit. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas tout simplement l'abroger ? Vous affirmez, madame la ministre, qu'en pratique, la riposte graduée s'appliquera et qu'il n'y aura pas de procès en contrefaçon. Mais nous écrivons la loi, dans cet hémicycle ! Elle doit être précise ! Aujourd'hui, l'internaute est menacé par une sorte de double et même, comme nous l'avons démontré, de triple peine. Il y aura, si nous n'abrogeons pas la loi DADSVI, un cumul de sanctions administratives et pénales.

Vous faites un peu facilement le procès – et surtout sans guère d'arguments – de la contribution créative. Nous reprocher d'essayer de mettre en place de nouveaux modes de rémunération de la création dans notre pays pour tenir compte des évolutions technologiques, c'est tout de même un curieux procès, surtout quand on sait que votre projet de loi ne rapportera pas un euro de plus à la création !

Selon vous, il n'est pas juste que tous les internautes, y compris ceux qui ne téléchargent pas, paient cette contribution créative, mais nous payons bien la redevance audiovisuelle même si nous ne regardons pas France Télévisions, et on paie des impôts même si l'on ne va pas dans les musées, à des concerts ou au théâtre.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Mais si, c'est exactement la même chose. Il y a un principe de solidarité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

On paie des redevances, des taxes, des impôts parce qu'on s'inscrit dans une collectivité. Ce que vous niez, c'est la notion même de collectivité. Votre projet de loi, nous le répétons, a un défaut majeur : il oppose inutilement nos concitoyens, les créateurs et les internautes, les artistes et leurs publics, et c'est la raison pour laquelle son échec est signé d'avance.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Vous mettez beaucoup d'huile sur le feu, en effet !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Nous voterons donc la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Selon M. Gosselin, c'est une loi qui ne durera pas très longtemps.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

J'ai dit qu'elle pourrait s'adapter le cas échéant !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est vrai que ce gouvernement a une créativité extraordinaire puisqu'il vient d'inventer les projets de loi rectificative mensuels. On peut donc imaginer la durée de vie de votre loi, madame la ministre.

Le rapporteur et vous-même étiez dans vos rôles tout à l'heure, avec un certain talent d'ailleurs. On me dit que vous avez reçu chacun deux mails, un de M. Olivennes et un du PDG d'Universal, pour vous remercier de défendre leurs intérêts avec un grand zèle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur Riester, vous parliez de musique. Moi, je préfère la flûte et la harpe à la grosse caisse que vous utilisez.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

C'est la flûte désenchantée quand on vous écoute !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

N'insultez pas Mozart. C'était un homme de culture et d'ouverture et il ne se reconnaîtrait pas en vous, je peux vous le garantir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je n'ai pas cette prétention, mais qui êtes-vous pour distribuer les bons points ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mme Billard a très bien démontré que les dispositions que vous prenez ne permettront pas d'atteindre les objectifs que vous fixez.

Avec « jaimelesartistes.com », il y a même intrusion dans la vie privée des parlementaires. Si, même ici, nous ne sommes pas protégés, madame Albanel, ce n'est pas avec vous que nous devrions discuter, mais avec M. Morin, le ministre de la défense, pour mettre en place des systèmes plus sécurisés.

En réalité, ce n'est pas l'objectif. La vérité, vous l'avez dite, et pas seulement entre les lignes, à propos de cette loi DADVSI qu'il eût fallu abroger comme Patrick Bloche l'a très bien expliqué : vous avez déclaré en effet que cette loi a permis d'attraper le gros poisson mais qu'il reste du « petit piratage, léger, inconscient ». Autrement dit, vous vous acharnez sur les petits, les faibles, pour les livrer aux requins.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Bien sûr ! Faites pleurer ! Ajoutez encore une petite couche !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je ne fais pas pleurer. Nous, nous sommes là pour défendre les libertés des gens qui n'ont pas les moyens de faire entendre leur voix, c'est ici notre légitimité. Vous, vous êtes les fondés de pouvoir des privilégiés. Mme Albanel dit d'ailleurs que, sur 99 centimes d'euros, l'auteur en perçoit dans certains cas jusqu'à 9 ! Un cheval, une alouette, c'est ainsi que vous voyez l'égalité. Nous, nous sommes les fils de la Révolution française (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…de la Commune de Paris. Ça vous fait hurler ? C'est l'hommage du vice à la vertu que vous nous rendez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Évidemment qu'il faut retourner en commission, madame la ministre, puisque vous n'avez fait ni évaluation de la loi DADVSI ni étude d'impact pour savoir ce que pourrait donner votre nouvelle loi. Vous n'appliquez même pas les critères définis dans la réforme constitutionnelle et dans la révision générale des politiques publiques. Vous avez un objectif, et tout le resten'est qu'habillage pour faire passer la pilule et la rendre moins amère.

Qui est responsable de la misère des auteurs, des auteurs-interprètes ? Qui a cassé le statut des intermittents ? C'est vous, mais vous ne voulez pas l'admettre.

Après les centres de rétention administrative pour les travailleurs immigrés, vous inventez le centre de rétention électronique…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…où, dans un espace immatériel comme il se doit, vous allez reléguer tous les internautes que vous aurez poursuivis de vos foudres parce qu'ils ne contribuent pas assez à l'enrichissement des majors.

Nous refusons cette mise en quarantaine de tous ceux qui sont obligés d'utiliser Internet. Je ne parle pas de ceux qui l'utilisent pour le plaisir, même si je ne vois pas pourquoi on ne l'utiliserait pas également pour le plaisir, mais de tous ceux qui cherchent un travail. Imaginez le père ou la mère de famille dont le fils ou la fille aura téléchargé sans les en informer. Ces parents, au chômage, n'auront pas le droit d'utiliser Internet parce que vous les aurez bouclés, peut-être avec un bracelet électronique, dans le centre de rétention électronique.

Nous sommes là pour défendre les libertés individuelles et collectives et nous allons mener une lutte pied à pied, comme l'ont fait nos ancêtres à Valmy,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…seuls contre toute l'Europe de la coalition. Nous sommes les héritiers de cette tradition de liberté que vous foulez aux pieds.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Cette motion de renvoi en commission nous a posé à nous, centristes, un problème de conscience.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Ce genre de débat pose tout de même un problème à la démocratie représentative. Ce sont en effet des sujets complexes technologiquement et sociologiquement, et ils mériteraient du temps et une instruction approfondie, au sens fort du terme.

Qui est à l'aise dans cette assemblée avec la gestion des adresses IP ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Qui est à l'aise quand il est question de la faisabilité de la suspension de l'accès à Internet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Osons dire que nous sommes des généralistes et que, sur ce genre de sujets complexes, on touche peut-être à une limite de la démocratie représentative.

Faut-il alors s'en remettre à un accord socioprofessionnel ? C'est une bonne démarche, je l'ai dit, et c'est une vraie différence par rapport à la DADVSI. Cela dit, on faisait parler les industries culturelles et le monde des télécom, mais où étaient les consommateurs,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

…où étaient les jeunes ? C'est donc nous, en définitive, qui devons nous exprimer, nous, les représentants du peuple dans sa diversité.

On peut reconnaître que la démarche est bonne, madame la ministre, mais on ne peut en aucun cas signer les yeux fermés. Il faut instruire et débattre – et, madame Billard a raison, instruire de façon approfondie car ces questions sont complexes technologiquement et extrêmement « fluides » du point de vue sociologique.

J'ai assisté à un certain nombre d'auditions. Par rapport aux standards de cette maison, le travail réalisé en commission a été correct et j'en donne acte au rapporteur. Il a procédé à une série d'auditions de qualité, il a fait son travail de manière systématique,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

…avec talent, on peut le dire. Je ne parle pas de la caricature de l'examen en commission au titre de l'article 88 mais, sur le fond, le travail a été correct.

Est-ce suffisant sur des problèmes de ce genre ? Non, et c'est là que la question posée par Martine Billard est une question de fond sur les limites de la démocratie représentative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Regardez les hésitations dans le travail en commission, par exemple dans le débat sur l'amende ou la suspension de l'accès à Internet. La commission des affaires économiques, sur proposition de Lionel Tardy, UMP, a abandonné la suspension de l'accès à Internet au profit de l'amende. Éphémère membre de la commission des lois, je puis assurer que, dans celle-ci aussi, les débats, sous la haute autorité de M. Warsmann, ont été extrêmement serrés.

Par respect pour le travail du rapporteur et pour ne pas être déloyal envers vous, madame la ministre, et envers votre équipe, dont je salue la disponibilité, je ne voterai pas la motion de renvoi en commission (« Et voilà ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR)… Je me suis expliqué, je crois, et nous vous surprendrons dans le débat : vous avez rendez-vous avec un certain nombre d'amendements importants et nous verrons où sera le PS !

Dans la mesure où le travail a été correct et même si ce type de problème montre bien les limites de notre démocratie représentative, nous ne voterons pas le renvoi en commission, madame la ministre, mais, en contrepartie, il faudra nous donner du temps sur certains points précis et, notamment, sur ceux qui ont été les plus discutés en commission. La commission des lois, je le rappelle, s'est prononcée à un cheveu pour la suspension de l'accès à Internet alors que la commission des affaires économiques s'est prononcée contre. Nous devons donc avoir énormément du temps pour en discuter dans l'hémicycle. Ce n'est qu'à cette condition que nous ne voterons pas le renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mon rappel au règlement, madame la présidente, concerne évidemment le déroulement de notre débat.

Comme vous le savez, vous qui vous intéressez beaucoup à l'audiovisuel, notre débat est très suivi, et en direct, grâce à la décision du président Accoyer. Il faut aider nos compatriotes à comprendre ce qui se passe ici et, en particulier, décrypter l'intervention de M. Dionis du Séjour.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

M. Dionis nous a expliqué que Mme Billard avait raison, que ses arguments étaient convaincants, qu'il fallait se battre et, au moment de passer à l'action, il garde le fusil et donne les cartouches à l'adversaire !

C'est ça, les centristes, et il faut éclairer ceux qui nous regardent.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Brard, votre intervention n'avait rien d'un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Nous allons maintenant passer au vote.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Mon rappel au règlement, madame la présidente, est fondé sur l'article 58, alinéa 1, et concerne le déroulement de nos travaux.

Puisque nous allons entamer dans quelques instants, sous votre autorité, l'examen des articles et des amendements, il est important de dire que ce débat se déroule sous influence, et je voudrais le démontrer.

Depuis quelques jours, et Patrick Bloche y a fait référence hier à plusieurs reprises, un site qui est soutenu par la ministre de la culture et qui la soutient également, « jaimelesartistes.com » est accessible sur Internet.

Jusque-là, on pourrait penser que ce sont les grandes orgues de la propagande officielle et simplement s'interroger sur le fait que ce sont les contribuables qui paient ce site.

Cela dit, madame la ministre, nous souhaitons un éclaircissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Selon M. Paul, les ministères n'ont plus le droit de créer des sites !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Justement, monsieur Lefebvre, vous êtes mal informé ! Je vais donc ferrer le poisson. Lorsque l'on se rend sur ce site, et que l'on accède aux codes source des pages, on découvre une liste cachée de partenaires, qui ont probablement aidé à son financement et qui s'appellent M6, le SNEP, la SACEM, la SACD…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Ce sont ceux qui représentent et qui aiment les artistes !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

…Canal Plus, TF1, Neuf Cegetel, Numéricable, Telecom Italia – pourquoi pas ? – et Orange. Le tout à la rubrique « Partenaires ».

Madame la ministre, nous ne commencerons pas l'examen des articles avant d'avoir reçu des éclaircissements de votre part. Nous avons la conviction que ce site a été financé à la fois par de l'argent public – vous allez nous communiquer les montants – et par des partenaires privés, dont je viens de donner la liste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Si vous êtes la ministre des lobbies, il faut l'assumer (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ; cela colorera nos débats. En tout cas, vous n'êtes certainement pas la ministre du pluralisme dans les médias : parmi ces partenaires, il y a Canal Plus et TF1 ; or vous étiez cette semaine sur les plateaux de ces chaînes pour faire la promotion de votre texte ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Ce n'était pas M. Bloche, ni Mme Billard, ni M. Brard, ni M. Mathus qui étaient sur Canal Plus ; c'était la ministre ! Il y a une évidente collusion d'intérêts.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

La collusion d'intérêts entre Canal Plus et Orange est bien connue !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Au nom du groupe socialiste, je vous demande, madame la ministre, les éclaircissements les plus complets sur le financement de ce site. Si vous ne parvenez pas à les donner, nous demanderons autant de suspensions de séance qu'il le faudra pour vous permettre de vous renseigner auprès de vos conseillers.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

En tout cas, chapeau pour le pluralisme, et bonjour les lobbies !

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Je m'inscris en faux contre les allégations déplaisantes de M. Christian Paul,…

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

…qui laissent entendre que je me serais rendue sur des plateaux de télévision – ce qui fut d'ailleurs fort bref – en échange de financements de la part de ces chaînes. C'est totalement faux.

Il est tout à fait légitime pour un ministère de produire un site d'information. Cela montre d'ailleurs la modernité de la démarche du ministère de la culture et de la communication, qui a à coeur d'informer, de relayer ses messages, surtout quand il s'agit de défendre les artistes.

Les sociétés que vous avez citées, monsieur le député, font partie des sociétés signataires des accords de l'Élysée.

Il faut d'ailleurs faire de grandes recherches pour trouver ces codes source. En tout état de cause, ces sociétés n'ont pas contribué pour un centime à l'élaboration du site, qui est entièrement porté par le ministère.

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Nous ne nous cachons d'ailleurs pas : le site porte notre logo, et chacun voit bien qu'il s'agit d'un site officiel du ministère. Il n'y a aucune collusion avec les sociétés que vous mentionnez.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Quand c'est vous, c'est de l'information ; quand c'est nous, c'est de la propagande ! Ces propos sont inadmissibles !

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Nous faisons de l'information, monsieur Bloche. Nous portons un message avec force, et nous continuerons de le faire : nous aimons les artistes et nous les défendons. Ils le savent, ils pétitionnent et nous soutiennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Madame la ministre, j'ai soulevé la question lors de mon intervention. Vous dites ne pas voir où est le problème avec ce site, qui porte la bannière du ministère. Mais je vous ai déjà indiqué que la société qui a réalisé ce site, Push it up, envoie des mails à un certain nombre de personnes et que j'en ai reçu un, non pas à l'une de mes adresses publiques, dans ma circonscription ou à l'Assemblée nationale, mais à mon adresse personnelle, ce qui est une intrusion dans ma vie privée. Je me demande comment ils ont bien pu trouver cette adresse, qui n'est nullement publique.

En outre, sur son site « pushitup.com », que chacun peut aller voir, cette société se vante de diffuser des spots viraux et d'aller jusqu'au marketing viral. Comment le ministère peut-il passer un accord avec une société qui se vante de telles pratiques ? Je croyais que nous étions, en tant que législateurs, préoccupés par la lutte contre le marketing viral. Il est problématique qu'une société avec laquelle le ministère de la culture a passé un marché pour sa communication se vante de recourir à de tels procédés. Comment le ministère contrôle-t-il les sociétés avec lesquelles il passe des marchés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Bloche, je vous donne la parole pour une minute, puisque vous me la demandez, mais je relève que nous ne sommes absolument plus dans le cadre d'un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Merci de me donner la parole, madame la présidente. Nous sommes au coeur de ce qu'est le règlement de l'Assemblée nationale, car il s'agit d'une grave perturbation du bon déroulement de nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

J'ai souhaité dès hier, pour que nous ayons des échanges plus sereins aujourd'hui, interpeller Mme la ministre pour lui demander de clore ce site…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

…et de cesser de nous envoyer, sous forme de lettres électroniques quotidiennes, la prose de ce que l'on ne peut qualifier autrement que de site de propagande gouvernementale.

Madame la ministre, si c'est de la communication et qu'il s'agit d'un site officiel, financé par de l'argent public, le moins que l'on puisse alors demander, c'est que la parole y soit donnée à ceux qui s'opposent à ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Au lieu de dialoguer avec M. Luc Besson sous les ors du ministère, acceptez la contradiction ; acceptez que nous dialoguions avec vous sur ce site officiel et que nous y développions nos arguments. Cela, ce serait de la communication ! Comme ce n'est pas le cas, il s'agit d'un site de propagande.

Dans la mesure où cela perturbe gravement nos travaux et remet en cause la séparation des pouvoirs et l'indépendance du Parlement, je demande – et elle de droit, madame la présidente – une suspension de séance de dix minutes.

Rappels au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt-deux, est reprise à onze heures vingt-quatre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Vous m'avez demandé une suspension de séance ; nous venons de faire une suspension de séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

On est paisible ou on ne l'est pas, madame la présidente…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Nous avons l'habitude que les choses se passent de façon extrêmement paisible pour pouvoir travailler correctement. On vient de me demander une suspension de séance ; je l'ai accordée. À présent, j'ai appelé l'examen des amendements, et la parole est à M. Martin-Lalande. Je vous donnerai la parole immédiatement après.

Je suis saisie d'un amendement n° 200 rectifié .

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Je tiens tout d'abord à rendre hommage au travail engagé en 2000 par M. André Santini avec un certain nombre d'experts pour définir ce qui a été appelé les « droits de l'homme numériques ». D'autres initiatives sont allées dans le même sens en Europe et dans le monde.

L'amendement vise simplement à rappeler un certain nombre de principes fondamentaux dans une société de l'information.

Ainsi, toute personne physique, même mineure, et toute personne morale légalement reconnue a droit a une identité numérique, c'est-à-dire à un nom de domaine et à un numéro d'immatriculation. Toute personne, physique ou morale, a un droit d'accès aux portails et sites de son choix. Le référencement des personnes physiques ou morales doit se faire sans discrimination. Toute personne a le droit de crypter des données à des fins de confidentialité, d'authentification et d'intégrité. Toute personne a droit au respect de la propriété intellectuelle des biens immatériels qu'elle possède. En matière de citoyenneté, toute personne a un droit d'accès numérique à l'ensemble des services publics ainsi qu'à toutes les procédures administratives ; ce droit d'accès au service public se fait dans le respect de la confidentialité et avec toutes les garanties d'authentification et d'intégrité des données numériques transmises. Enfin, toute communication non sollicitée doit être identifiée clairement et sans équivoque dès sa réception par le destinataire.

L'objet de l'amendement n'est pas de régler cette question à l'occasion du présent projet, mais de rappeler que celui-ci doit s'inscrire dans le respect d'une conception exigeante des droits de l'homme au sein de la société de l'information.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Nous sommes engagés dans cette discussion pour un certain temps. Ou bien il en sera comme avec Mme Bachelot et Mme Boutin sur les deux textes précédents : certes nous n'étions pas vraiment sur la même planète, mais la discussion a été paisible de bout en bout, chacun défendant ses arguments. Ou bien on veut nous contraindre et nous imposer le bâillon, et cela ne se passera pas comme cela !

Madame la présidente, dans l'univers politique, le groupe GDR n'est ni un satellite ni une poussière cosmique non identifiée ; nous ne sommes pas membres du groupe socialiste, et quand ce dernier demande une suspension, cela vaut pour lui et non pour nous. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que le groupe socialiste souhaite nous avoir dans ses rangs, car nous sommes par nature des gens indociles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Absolument.

Madame la ministre, des questions simples vous ont été posées. Sur le site en question, Bouygues, TF1, M6 sont appelés des « partenaires ». En quoi sont-ils des partenaires ? Vous dites qu'ils n'ont rien payé. Ce qui serait pire encore, c'est que vous vous acoquiniez avec de tels « partenaires » gratuitement, si j'ose dire, que vous leur serviez la soupe sans leur faire payer leur écot.

Notre collègue Patrick Bloche a fait une proposition qui pourrait être consensuelle. Que vous ayez le droit de vous exprimer, en tant que membre du Gouvernement, sur un site financé par le ministère, il n'y a là rien que de très normal. Mais le pluralisme appelle la pluralité des expressions. Nous pourrions sortir de la présente difficulté si vous vous engagiez à ce que chacun des groupes présents dans cet hémicycle puisse réagir à votre position.

Je termine en rappelant, madame la ministre, que vous avez dit qu'il ne fallait pas confondre communication et propagande. Or il se trouve que je suis le rapporteur spécial des crédits du Premier ministre…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur Apparu, vous pourriez être le secrétaire du comité central chargé de la propagande. Vous ne dépareriez pas à un tel poste, coutumier que vous êtes de vieilles pratiques que l'histoire a reléguées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Rapporteur spécial des crédits de Matignon, disais-je, j'ai découvert, l'année dernière, que 5 millions d'euros étaient prévus pour la communication. Mais, subrepticement, en catimini, 4 millions d'euros supplémentaires ont été utilisés à cette fin. Ils ne devaient pas apparaître au grand jour. Monsieur Lefebvre, vous qui êtes la petite voix de sa majesté impériale, savez-vous quel était l'objet de ces 4 millions d'euros ? Cette somme était destinée à financer une campagne – vous allez me dire s'il s'agissait d'une campagne de propagande ou de communication – pour convaincre les Français qu'en 2008, leur pouvoir d'achat avait augmenté.

Madame la ministre, si vous voulez échapper à la critique qui vous reproche de faire de la propagande, acceptez le pluralisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

C'est l'hôpital qui se moque de la charité, monsieur Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Si vous l'acceptiez, je pense qu'il pourrait y avoir un consensus entre nous. Vous qui êtes une femme de culture, vous ne pouvez pas être hostile au pluralisme, sauf à enterrer à nouveau nos grandes personnalités des Lumières.

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Monsieur Brard, je vous remercie de me qualifier de « femme de culture », et je tiens à vous rassurer : il ne s'agit que d'un site d'information gouvernementale. Le prestataire de services qui a fait ce site — je précise que nous l'avons choisi au terme d'un appel d'offres – avait proposé d'y mettre le nom d'un certain nombre de signataires des accords de l'Élysée. Nous n'avons pas jugé cela opportun, et nous lui avons demandé…

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

…de n'en rien faire. Il faut donc chercher les codes sources pour voir l'état antérieur de la fabrication du site et trouver leurs noms. Voilà tout. Il n'y a absolument rien d'autre derrière ce site : c'est seulement un site d'information gouvernementale. Je vous demande de me croire parce que je ne suis vraiment pas quelqu'un qui manie l'arme de la propagande. Ce n'est pas du tout mon but. Par contre, je souhaite informer et convaincre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Franck Riester, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 200 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

…et nous sommes d'accord sur la nécessité d'appréhender les questions liées à Internet de façon très large.

J'ai vraiment apprécié, monsieur Martin-Lalande, quand vous avez dit qu'il fallait avoir une vision exigeante des droits de l'homme dans la société numérique. Mais ce que vous voulez faire passer à travers cet amendement n'est pas directement rattaché au texte. De plus, l'accès à Internet ne constitue pas un droit fondamental, mais plutôt une commodité essentielle. C'est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement.

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Même avis que la commission. En effet, l'accès à Internet ne peut être considéré comme un droit fondamental. Certes, nous savons bien l'importance qu'Internet revêt dans un grand nombre de secteurs de la vie actuelle, mais je rappelle qu'on peut y avoir accès partout hors de chez soi. Ce serait donc aller trop loin que de considérer l'accès à Internet à son domicile comme un droit fondamental.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Madame la ministre, je suis très surpris par vos propos puisqu'ils sont en contradiction avec la politique affichée du Gouvernement. En effet, je rappelle que le plan « France numérique 2012 » de M. Besson…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

…affirme que la connexion Internet est une obligation relevant des droits essentiels de nos concitoyens. Vos propos incongrus et votre projet de loi sont contradictoires avec les objectifs proclamés du Gouvernement. Nous pensons, comme M. Martin-Lalande, qu'inscrire dans la loi que « l'accès à Internet constitue un droit fondamental » relève du bon sens. Il suffit d'observer la société pour constater que l'accès à Internet devient indispensable à la vie quotidienne, et pas seulement celle des plus aisés. On voit très bien, en particulier dans le monde rural, que la connexion à Internet est un apport essentiel à la vie quotidienne et que, demain, il ne sera plus possible de s'en passer. Vouloir couper cette connexion constitue une atteinte extrêmement grave aux libertés individuelles, mais aussi aux conditions de vie ordinaires de nos concitoyens. C'est une grave erreur.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Une petite précision concernant le site « jaimelesartistes.fr » : les partenaires collectifs ne figurent pas directement sur le site, mais ils sont sur ses sources HTML. Et cela me pose un problème que n'importe quel internaute, en tapant l'adresse des sites de Canal Plus, M6 ou France Télévisions, obtienne ainsi un lien vers le site et puisse y accéder aux sources. Je demande donc au ministère de retirer les noms de ses partenaires collectifs des codes sources HTML du site « jaimelesartistes.fr ». C'est le moins qu'il puisse faire.

S'agissant de l'amendement, j'estime qu'il est important. Nous sommes un certain nombre à penser que l'accès à Internet s'avère indispensable dans notre société moderne. Nous nous battons tous les jours, moi y compris dans ma circonscription, pour faire reculer les zones blanches, à la demande de tous nos concitoyens. L'État a décidé que la fracture numérique sera son cheval de bataille, par le biais des ambitions du plan « France numérique 2012 ». Cet amendement va donc dans le bon sens, et je souhaite son adoption.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je partage tout à fait ce que viennent de dire M. Mathus et M. Tardy. Madame la ministre, vous nous répondez, d'une manière assez désinvolte : « Mais on peut avoir un accès à Internet partout ailleurs. » Or, premièrement, ce n'est pas toujours vrai et, deuxièmement, il ne suffit pas d'y avoir potentiellement accès, encore faut-il disposer d'un ordinateur. Il peut s'agir d'un PC portable, mais je rappelle que tout le monde n'en possède pas, puisque l'on peut recevoir Internet chez soi à partir d'un PC fixe, difficilement transportable.

Certes, il y a des possibilités de se connecter à des accès disponibles en dehors de son domicile, mais ils sont payants pour les trois quarts d'entre eux – hôtels, webcafés… Cela veut dire que l'internaute qui aura subi une coupure de son accès continuera à payer l'abonnement et, en plus, devra payer pour se connecter ailleurs. Or, de plus en plus de démarches administratives indispensables, imposées par les administrations, le Pôle emploi ou les impôts doivent être effectuées par Internet. En effet, vous réduisez le personnel d'accueil, et il y a maintenant des serveurs téléphoniques hyper-compliqués, dans lesquels bon nombre de personnes se perdent : « Taper un, puis taper deux ; ensuite, taper trois »… à la fin, elles ne savent plus ce qu'elles doivent faire et raccrochent, après avoir passé pas mal de temps au téléphone, sans être arrivées à joindre l'interlocuteur qu'elles recherchaient. Elles ont alors tendance à aller sur Internet – c'est d'ailleurs l'objectif des administrations – parce que c'est plus facile pour contacter ces services. Et pourtant, vous nous dites, madame la ministre : « L'accès à Internet n'est pas un droit fondamental, essentiel, on peut s'en passer. »

De plus, je rappelle que les droits évoluent en fonction des besoins de la société. Au début du XXe siècle, l'électricité n'était pas un droit essentiel ; dans les campagnes, jusque vers 1950, il y avait beaucoup d'endroits sans accès à l'électricité, où on en était encore à la lampe à pétrole et à la bougie. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît que l'accès à l'électricité est un droit essentiel. Il en est de même de l'accès à l'eau. Internet, à son tour, devient, peu à peu, un droit essentiel pour pouvoir s'insérer dans la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous sommes tous bien conscients qu'il faut faire en sorte que les connexions à Internet soient possibles partout. Néanmoins, de là à affirmer que c'est un droit fondamental, il y a un pas. Cela reviendrait à judiciariser encore un peu plus notre société parce que l'on sait bien qu'il y a des endroits où l'accès demeurera extrêmement difficile, ce qui serait source de procès. Inscrire dans la loi que c'est un droit fondamental me paraîtrait donc une erreur. Je comprends bien l'esprit dans lequel notre collègue a déposé cet amendement. Nous partageons tous ses motivations, mais on ne peut pas aller jusque-là. On constate déjà la judiciarisation des problèmes liés aux antennes-relais des téléphones portables. Faisons attention à ne pas judiciariser en permanence notre société, même si cela fait, bien sûr, les choux gras des avocats de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur Laffineur, pour ne pas judiciariser, il y a une solution simple : ne pas faire de nouvelles lois, surtout quand elles sont inutiles.

Nous connaissons depuis longtemps notre collèguePatrice Martin-Lalande : il sait ce que parler et écrire veut dire, y compris à propos de l'espace numérique. Deux phrases de son amendement sont extrêmement importantes : « L'accès à Internet constitue un droit fondamental. » et : « Le droit à l'anonymat numérique est reconnu à chaque individu. ». Dans l'exposé sommaire, il utilise l'adverbe : « solennellement ». Il est vrai que sa rédaction a une connotation solennelle, ce qui renvoie à des textes qui font honneur à notre État républicain. Nous sommes évidemment très favorables à cet amendement.

Madame la ministre, vous nous répondez qu'on n'est pas obligé d'avoir Internet chez soi. Mais Martine Billard l'a fort bien dit : les droits évoluent. L'accès à l'électricité et à l'eau est un droit fondamental, et le droit à la communication est devenu, lui aussi, un droit fondamental. Songez à la vieille dame isolée dans son village du Massif Central et qui, aujourd'hui, peut communiquer avec ses petits-enfants. Vous voulez les priver en ne reconnaissant pas cette faculté comme étant un droit fondamental. Vous qui avez été à Versailles – seulement de passage, je le reconnais…

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Quatre ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous avez l'air de dire cela comme si ces quatre ans, c'était la perpétuité.

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Au contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je reconnais que c'est quatre fois plus que la peine que vous proposez ! À Versailles, du temps de sa splendeur et de la présence de son résident le plus illustre, le Roi Soleil, il n'y avait pas de robinet, et ce n'était pas un droit fondamental que d'avoir l'eau chez soi. Aujourd'hui, chacun considère que c'en est un.

Vous avez dit que l'accès à Internet était possible dans nombre de lieux en dehors de son domicile. Mais pour l'eau, c'est la même chose. Si je suis votre raisonnement, allez-vous alors renvoyer les gens qui n'ont pas pu payer leur facture d'eau à la borne-fontaine la plus proche ou bien au lavoir, ou bien encore faire appel aux porteurs d'eau qui descendraient en ligne directe des familles spécialisées qui ravitaillaient Versailles à l'époque ? Bien sûr que non. Si nous raisonnons par analogie, il est incontestable que l'accès à la communication numérique est un droit fondamental. À ce titre, j'apprécie particulièrement le caractère solennel que notre collègue Martin-Lalande a donné à la rédaction de son amendement. Les collègues, quel que soit leur banc, sont placés ce matin devant leurs responsabilités. Comme ce projet de loi est globalement médiocre et dangereux, ils ont là l'occasion de prendre position. Vous voyez bien, mes chers collègues, que, si cet amendement est adopté, il donnera une autre portée et un autre sens au projet de loi, et il amènerait évidemment l'Assemblée à en décliner toutes les conséquences dans la suite de son examen.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Dans le même esprit que les orateurs précédents, je tiens à remercier notre collèguePatrice Martin-Lalande pour cet amendement empreint d'un grand humanisme.

À une époque où nous aimons tous parler de politique de civilisation, votre laconisme sur la civilisation numérique me surprend, madame la ministre, alors que, historiquement dans notre République, votre ministère est celui des libertés nouvelles, des terres à défricher. C'est comme si vous étiez restée à Versailles – en effet, M. Brard avait raison de rappeler votre parcours –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ils n'ont pas de pain ? Qu'ils mangent de la brioche !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

… mais le Versailles d'un autre siècle.

Qu'y a-t-il d'essentiel dans cet amendement ? L'idée que depuis les années soixante-dix, depuis une trentaine d'années, nous sommes entrés progressivement dans la civilisation numérique, quittant peu à peu la civilisation industrielle, et qu'il faut en tirer les conséquences dans le domaine de la vie privée comme celui de la vie de la cité numérique. Cela passe par la reconnaissance de droits. Actuellement, la liberté de communication s'appelle droit d'accès à Internet. Or, porter attente à la liberté de communication, c'est porter atteinte à un droit fondamental. Ce n'est pas une simple commodité de vie quotidienne, monsieur le rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

C'est le droit à la communication, la liberté de communiquer avec les autres, donc un droit essentiel.

Cela étant, je crains le vote sur cet amendement, monsieur Martin-Lalande, car la majorité n'est pas préparée à ce type de débat. Elle est venue pour un texte qui aurait pu être rebaptisé Surveiller et punir, alors le concept de liberté de communication lui est assez étranger. Tout au long de ce débat, avec les bons interprètes présents, nous allons essayer de faire en sorte que cette langue étrangère, celle d'une civilisation nouvelle, devienne celle de la représentation nationale. En guise de premier travail pratique, je vous propose de voter l'amendement de M. Martin-Lalande.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Sur le vote de l'amendement n° 200 rectifié , je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Corinne Erhel.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Cet amendement est important parce qu'il constitue un préalable. En commission des affaires économiques, nous avons discuté de ce sujet, qui doit être abordé en amont. Vous ne pouvez pas, d'un côté, promouvoir le développement des usages et des contenus et, de l'autre, mettre l'accent sur la suspension à l'accès à Internet comme sanction potentielle. Hier déjà, j'ai souligné la contradiction qui existe entre ce projet de loi et le plan France numérique 2012, et qui pose un vrai problème.

Madame la ministre, j'en profite pour revenir sur une question déjà posée hier, pendant la discussion générale. Envisageant la possibilité de suspendre une connexion Internet, vous savez que des ajustements techniques importants sont nécessaires, et que leur coût est estimé à 70 millions d'euros. La question vous a déjà été posée hier par François Brottes et moi-même, et je vous la repose : qui paiera ces ajustements techniques ? Le budget de l'État ? Les opérateurs ? Le consommateur internaute ? Vous n'avez pas répondu sur ce point important.

Quant à l'amendement de M. Martin-Lalande, il pose un préalable essentiel, sur lequel chacun d'entre nous doit s'exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Cher collègue, nous avons un peu de temps avant le scrutin public annoncé.

Vous avez la parole, monsieur Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Comme certains ont la tête un peu dure, il faut sans cesse répéter et trouver des arguments nouveaux.

Je voudrais m'appuyer sur les propos de notre collègue Marc Laffineur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Brard, pour être très précise, je vous accorde généreusement une minute cinquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est largement suffisant pour sortir la quintessence du propos de notre collègue Marc Laffineur. En gros, il a dit : reconnaître qu'il s'agit d'un droit fondamental serait aller trop loin. Qu'est-ce qu'un droit fondamental ? C'est un droit ouvert à tous, nous le savons depuis la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Souvenez-vous, à l'époque, qui disait que tout ça allait trop loin. Trois états étaient réunis : le tiers état, le clergé et la noblesse. Deux disaient : ça va trop loin ! Certains auraient même préféré ne pas commencer du tout. À un moment donné, le clergé et la noblesse – et vous représentez bien la noblesse, celle des coffres-forts (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – ont expliqué que cela allait trop loin, et ils se sont opposés aux droits conquis par le tiers état, que nous représentons ici – nous en sommes les filles et les fils, et fiers de l'être !

Nous sommes donc pour un droit pour tous, un droit fondamental, le droit numérique, le droit de la communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dupont

Je suis très surpris d'entendre parler de droit fondamental, en particulier s'agissant de l'eau et de l'électricité. D'où tenez-vous que les maires accordent ce droit fondamental aux gens qui achètent une maison en pleine campagne ou en pleine montagne et s'engagent à leur amener l'eau et l'électricité ? Où avez-vous vu cela ? Cela n'existe pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Il n'existe pas de droit fondamental à l'eau et l'électricité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Assoiffeurs ! Il y avait les affameurs, maintenant nous avons les assoiffeurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dupont

Pour avoir été maire pendant trente ans en zone rurale, je peux vous en parler. Le maire s'engage à développer des réseaux d'eau et d'électricité. Mais la personne qui achète une maison pour trois francs six sous, et qui vient ensuite réclamer un raccordement en eau et électricité qui va coûter des millions, doit d'abord s'interroger sur le faible prix d'achat de la maison. Enfin ! Quel maire ici présent accorde le droit fondamental à l'eau et l'électricité ? On n'a jamais vu ça ! Vous nous faites perdre notre temps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce sont les aristocrates du portefeuille ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Tout à l'heure, en présentant l'amendement, j'ai dit textuellement : son objectif n'est pas de régler cette question des droits de l'homme et du citoyen numérique, mais de rappeler que le projet de loi dont nous discutons doit s'inscrire dans une certaine conception exigeante et plus respectueuse des droits. Voilà ce que je voulais dire. Le débat a eu lieu. Chacun a dit son attachement à cet objectif. Cela étant, je pense que ce n'est pas le moment d'inscrire, dans ce texte, une disposition très générale. C'est pourquoi je retire l'amendement.

(L'amendement n° 200 rectifié est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'amendement est repris.

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 200 rectifié .

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 57

Nombre de suffrages exprimés 57

Majorité absolue 29

Pour l'adoption 11

Contre 46

(L'amendement n° 200 rectifié n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements, nos 336 rectifié et 401 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l'amendement n° 336 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Avant de défendre mon amendement, je voudrais souligner, à l'intention des gens qui nous regardent, les rapports de forces tels qu'ils existent actuellement et qui ne correspondent pas à la réalité du pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

Nous avons gagné les élections, je vous le rappelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il en va de la responsabilité de chaque citoyen pour que le rapport de forces dans l'hémicycle soit à l'image du pays réel, et qu'on ne soit pas dans ce monde improbable que nos collègues de l'UMP représentent.

Madame la ministre, aucune restriction ne peut être imposée aux droits et libertés fondamentaux des utilisateurs titulaires d'un accès à des services de communication au public en ligne sans décision préalable des autorités judiciaires, conformément à l'article 11 de la charte droits fondamentaux de l'Union européenne concernant la liberté d'expression et d'information.

Nous condamnons, à plusieurs titres, le système de la riposte graduée opéré par la Haute autorité à laquelle vous donnez le pouvoir de juger et de sanctionner, ce qui doit rester une prérogative exclusive de l'institution judiciaire indépendante du pouvoir exécutif. Par cet amendement, nous voulons réintroduire des principes essentiels du droit des personnes.

En effet, votre loi entre en totale contradiction avec la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui prévoit :« Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir d'ingérence d'autorités publiques et sans considérations de frontières. » C'est dans cet esprit que l'amendement 138 au « paquet télécoms », que nous reproduisons ici, a été adopté par le Parlement européen le 24 septembre 2008, par 88 % des eurodéputés, tous groupes confondus.

En matière de déni de droit, permettez-moi tout d'abord de rappeler que la coupure de l'accès à Internet représente, dans la société moderne, une sanction très lourde de conséquences. Cela instituerait une forme d'exclusion qui peut avoir de graves répercussions sur le plan professionnel et personnel. Il semble impensable qu'une Haute autorité ait un tel pouvoir, sans que la décision soit motivée par des considérations plus impérieuses que celles du « respect du droit d'auteur » que vous invoquez et auquel vous sacrifiez une possibilité pour chacun de s'informer et de se cultiver. En revanche, vous ne voulez pas sauvegarder ces droits d'auteur d'une façon sonnante et trébuchante.

Les prérogatives de l'HADOPI entrent également en contradiction avec le principe de proportionnalité. La Cour de justice des communautés européennes a rendu un arrêt du 29 janvier 2008, «Promusicae contre Telefonica », stipulant que les droits de propriété intellectuelle ne pouvaient être placés au-dessus des droits fondamentaux de respect de la vie privée, qui seront bafoués par le fonctionnement de la Haute autorité.

Madame la ministre, vous vous improvisez ainsi gendarme des communications. Dans quel but ? Pour protéger les intérêts financiers des grands groupes ! Votre gouvernement privilégie encore une fois l'application des droits relatifs à la propriété privée, exploités ici au premier chef par les majors du disque, au détriment de la liberté de citoyens et du droit des auteurs.

Il devient nécessaire dans ce pays que les parlementaires se mobilisent pour protéger la vie privée des citoyens contre ces dérives autoritaires. En se passant de la justice, votre gouvernement se détourne des fondements constitutionnels qui font – faut-il parler à l'imparfait ? – de notre pays un État de droit, et que nous défendrons ici farouchement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Patrick Bloche, pour présenter l'amendement n° 401 .

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Nous avons déposé cet amendement, car, dans le domaine de la culture en général, mais celui d'Internet en particulier, les règles s'établiront de plus en plus dans un cadre communautaire, les parlementaires nationaux que nous sommes ayant pour tâche de les transposer dans notre droit interne. D'ailleurs, la funeste loi DADVSI n'était-elle pas la transcription d'une directive européenne ultérieurement chargée – et de quelle façon ! – par le Gouvernement de l'époque ?

Cet amendement vise tout simplement à ce que nous prenions en compte le signe fort que nous a donné le Parlement européen en septembre dernier : tenez-vous bien, chers collègues, 88 % des parlementaires européens ont voté cet amendement appelé communément amendement 138 , lors de l'adoption d'une nouvelle version du « paquet télécoms ». Ils ont souhaité adresser un message non seulement aux parlementaires nationaux mais plus largement à nos concitoyens de l'Union européenne.

Il existe des principes, des droits fondamentaux qui sont essentiels et que nous devons respecter dès lors que nous sommes attachés à la démocratie au sein même de l'Union européenne. À partir de là, on ne peut pas restreindre dans n'importe quelles conditions ces droits fondamentaux, et donc les libertés des utilisateurs de services de communication au public en ligne. Toute la problématique de l'accès se trouve ainsi posée.

Vous dites, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que rien n'empêche une autorité administrative de couper l'accès à l'Internet. Certes, la puissance publique peut lui donner une telle délégation ; sauf que le Conseil constitutionnel, heureusement très vigilant pour ce qui touche aux privations ou aux restrictions de libertés individuelles, considère qu'une haute autorité ne peut remplir ce rôle. C'est là une faiblesse juridique essentielle du texte. L'amendement n° 138 au Paquet Télécom, que nous reprenons, rappelle ainsi qu'en matière de restriction des libertés, une décision judiciaire, avec la garantie de procédure contradictoire qu'elle implique, est nécessaire.

Cette disposition du texte est donc inconstitutionnelle ; elle remet également en cause, non seulement la Déclaration des droits de l'homme, mais aussi la Convention européenne des droits de l'homme. Il serait donc raisonnable de prendre en compte le principe démocratique élémentaire que soutient notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

La France est soumise à des principes de valeur supra-législative, qui garantissent effectivement l'intervention du juge en cas de procédure susceptible de conduire à une restriction des droits fondamentaux et des libertés ; c'est l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 66 de la Constitution. Toutefois, il ressort précisément des débats que nous avons depuis une heure que l'accès à l'Internet n'est précisément pas un droit fondamental.

Le texte ne privera pas les internautes de leur liberté de communiquer : ils pourront toujours le faire avec le téléphone ou n'importe quel autre moyen, y compris l'Internet, mais avec une autre connexion.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Si, monsieur Paul : l'amendement évoque les droits fondamentaux. Or l'accès à l'Internet n'en est pas un ; dès lors, il n'est pas nécessaire de recourir à une autorité judiciaire pour couper l'abonnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

L'amendement ne porte pas sur le fait de savoir si l'accès à l'Internet est un droit fondamental, mais sur les restrictions aux droits et libertés individuels !

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Je souscris aux propos du rapporteur. Si l'on appliquait votre logique, monsieur Bloche, on ne pourrait plus, au nom de la liberté d'aller et de venir, retirer le permis de conduire,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Ce n'est pas la même chose : votre texte implique une restriction des libertés !

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

…à cette différence près que les retraits de permis interdisent de conduire aucune voiture, quand la coupure de l'abonnement à l'Internet n'empêche pas d'y avoir accès dans quantité d'autres lieux.

Quant à l'arrêt Promusicae, évoqué par Jean-Pierre Brard, il concilie deux droits essentiels, la liberté de communication et la rémunération des auteurs, ce qui correspond précisément à l'esprit du projet de loi.

Enfin, l'Agence française de lutte contre le dopage, l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'Autorité des marchés financiers, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ou encore la Commission bancaire, bref, de nombreuses autorités administratives peuvent prendre des sanctions parfois très lourdes : interdiction d'exercer certaines professions, sanctions pécuniaires, sans parler, d'ailleurs, de cette autre procédure administrative qu'est le retrait de points sur le permis de conduire. Rien n'empêche donc une autorité administrative de suspendre provisoirement l'accès à l'Internet, sous le contrôle du juge.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Paul, j'ai des lunettes ; inutile de lever la main quinze fois : j'avais bien noté votre demande de parole, et vous la donne volontiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Bien que n'ayant jamais eu l'honneur de présider, je sais que cela exige une vue panoramique, de sorte qu'en ayant les yeux tournés vers les bancs de la majorité, on ne voit pas toujours ceux de l'opposition – mais l'inverse doit être vrai aussi.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Il faut s'habiller en jaune, comme M. Brard ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Je veux dire à M. le rapporteur et à Mme la ministre que ces questions de principe seront examinées à la loupe par le Conseil constitutionnel, que nous saisirons évidemment,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

…et aussi par les juristes. Peut-être faut-il d'ailleurs consulter ceux du ministère de la culture ; en tout cas, et je m'adresse aussi au président de la commission des lois, il faudrait veiller à répondre aux amendements en discussion, et non à celui qui les a précédés. L'amendement de Patrice Martin-Lalande concernait le droit d'accès ; ceux dont nous discutons ont pour objet de déterminer comment préserver certaines libertés fondamentales par rapport à l'usage de l'Internet. Je vous renvoie, au besoin, à l'excellent rapport du 6 janvier 2009 du Parlement européen, relatif au renforcement de la sécurité et des libertés fondamentales sur l'Internet.

Votre texte, madame la ministre, touche en effet à plusieurs libertés : celle qui relève de la vie privée ; la liberté d'expression et de communication ; celle, enfin et surtout, des droits de la défense s'agissant des libertés fondamentales. C'est pourquoi notre amendement, qui n'a rien à voir avec l'installation des tuyaux dans les hautes vallées alpines ou pyrénéennes, pose la question de l'exercice de ces trois libertés : « Aucune restriction aux droits fondamentaux et aux libertés des utilisateurs de service de communication au public en ligne ne peut être imposée sans une décision préalable des autorités judiciaires. » Il ne s'agit pas du droit d'accès ou de la fracture numérique, mais d'un problème juridique essentiel. Comment préserver, sous le contrôle du juge, certaines libertés fondamentales dans la civilisation numérique ? On ne peut comparer une question de vie privée et de liberté d'expression ou de communication au dopage. Puisque vous persistez à vouloir surveiller et punir, madame la ministre, que ce soit au moins sous le contrôle du juge et non sous celui, inconséquent, de je ne sais quelle autorité administrative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il y a un désaccord fondamental entre nous, madame la ministre : vous ne voulez pas reconnaître l'époque où nous vivons.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Le problème ne se pose pas en ces termes, allons !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Geoffroy, si vous voulez la parole, demandez-la. Monsieur Brard, veuillez poursuivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Je voulais seulement aider M. Brard à sortir de l'erreur !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

La pensée de M. Geoffroy, brillante par ailleurs, s'est figée depuis bien longtemps sur la question du progrès (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ; pour savoir où et quand, il faudrait faire de l'archéologie !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Soit, mais je vous abandonnerai dans les couches supérieures ! Vous resterez, vous, plongé dans les couches sédimentaires les plus profondes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le droit à la communication est selon nous un droit fondamental. Votre position, madame la ministre, est tout à fait intéressante. Sans nier le droit européen, vous refusez de vous y conformer. D'ailleurs, M. Warsmann, parlementaire pourtant actif – mais peu progressiste, il est vrai : nul n'est parfait –, ne dit rien ; à vrai dire, tout cela le gêne un peu.

Si l'on vous suit bien, madame la ministre, il restera, à ceux que vous punirez méchamment, la voix – mais si la grand-mère habite loin, ce sera difficile – ou les signaux de fumée. Il n'y a pas, dites-vous, de droit imprescriptible au permis de conduire. Mais les droits fondamentaux ont évolué ! Du temps de Louis XIV, les droits à la santé, au logement, au repos ou à la retraite n'existaient pas ; ils ont été conquis par les forces vives de notre peuple auxquelles s'opposent nos collègues de l'UMP.

Comparaison n'est pas raison, madame la ministre ; j'en ferai une qui prouvera votre erreur. Le droit de posséder un compte bancaire est désormais reconnu, y compris pour ceux qui n'ont plus de compte. J'aperçois l'un de vos conseillers venir à votre secours avec une bouée, vous sentant comme sur une plaque qui, en train de se détacher d'un iceberg, commence à dériver.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Prenez garde, les eaux sont glacées ! (Sourires.) Vous voyez bien que vos comparaisons, madame la ministre, ne sont pas raisonnables : le droit à la communication est assurément aussi fondamental que celui de posséder un compte bancaire. Quant à votre comparaison entre l'accès à l'Internet et le problème du dopage, elle témoigne d'une certaine audace de votre part, ce qui ne me semble pas être votre caractère premier.

Faut-il s'en remettre à Jean-Louis Debré et à Jacques Chirac, que vous réussissez à nous faire regretter ? S'ils ne sont pas de gauche, ils sont républicains. Faut-il s'en remettre à eux pour endiguer vos ardeurs liberticides ?

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

L'amendement n° 401 ne me semble pas mauvais. Il convient en effet de redonner au juge toue sa place dans la riposte graduée. La suspension de l'accès à l'Internet est une sanction qui doit relever exclusivement de l'autorité judiciaire ; nous sommes plusieurs députés à partager cette idée.

Bien que ses membres aient le statut de magistrat, l'HADOPI n'est pas une juridiction et elle n'a donc pas à prononcer les sanctions prévues. Si une autorité administrative peut en effet exercer un droit de sanction, le Conseil constitutionnel a clairement indiqué que ce droit devait être assorti, dans la loi, de mesures destinées à sauvegarder les droits et les libertés constitutionnellement garanties. Parmi eux figure en bonne place le respect des droits de la défense, lesquels imposent que la personne poursuivie puisse avoir accès à la procédure et répondre à l'accusation. Or, selon la rédaction actuelle du texte, l'internaute poursuivi n'aura ni accès au dossier, ni possibilité de répondre avant l'énoncé de la sanction ; il y a donc là une inconstitutionnalité flagrante ; d'où l'importance de cet amendement, que je soutiens.

(Les amendements nos 336 rectifié et 401 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Les amendements n'ont pas été rejetés ! Le comptage des voix est plus discrétionnaire qu'arithmétique !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 397 .

La parole est à M. Patrick Bloche.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Il est dommage que les amendements précédents aient été rejetés parce que leur adoption aurait mis le Gouvernement et une partie de sa majorité, celle qui le soutient dans la discussion de ce projet de loi, à l'abri d'un élément d'inconstitutionnalité majeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Le Conseil constitutionnel aura sans doute le souci de rappeler qu'on ne peut pas priver dans n'importe quelles conditions nos concitoyens des libertés individuelles auxquelles ils sont attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

À travers l'amendement n° 397 , nous avons souhaité relayer dans cet hémicycle les initiatives prises au Parlement européen pour atteindre des objectifs sur lesquels nous devrions tous être d'accord, qu'il s'agisse de l'accès du plus grand nombre à Internet ou de droits aussi essentiels que le droit à l'éducation ou à la culture. Nous ne parlons pas de droit fondamental, nous disons simplement que, dans les missions d'intérêt général que nous devons porter, l'accès de tous les citoyens à l'éducation doit être garanti à travers l'accès à Internet.

Mme Billard faisait référence au rapport présenté par notre collègue député européen, M. Stavros Lambrinidis, qui sera voté en séance plénière le 24 mars prochain au Parlement européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Ce rapport pointe, de façon remarquable comme l'indique Christian Paul, un certain nombre d'objectifs qui devraient nous réunir au-delà des clivages habituels qui existent au sein même de cet hémicycle.

L'exposé des motifs de ce rapport est très clair : « De même que chaque enfant a droit à l'enseignement et chaque adulte à la formation permanente, chaque individu tout au long de sa vie devrait avoir le droit d'accéder à l'ordinateur et à Internet. Les gouvernements devraient garantir un tel accès, même dans les régions les plus éloignées et pour les citoyens les plus pauvres. En outre, cet accès ne doit pas être refusé en tant que “sanction”. Les hommes de tous horizons, de toutes régions et de toutes cultures devraient pouvoir profiter du large éventail de services offerts par Internet. Ils pourront ainsi poursuivre leur développement personnel, nouer des relations éducatives, professionnelles et personnelles et explorer des possibilités économiques dans toute la mesure offerte par nos technologies et nos lois. » C'est bien écrit, et je pense que ces objectifs ne peuvent que nous rassembler.

Cela traduit en plus la place qu'Internet a prise dans la vie quotidienne de chacun. Ce n'est pas un gadget, ce n'est pas un élément secondaire, cela a autant d'importance aujourd'hui, pour la plupart de nos citoyens, que le téléphone et peut-être même encore plus car, c'est le miracle de cette technologie, on fait beaucoup plus de choses avec Internet qu'avec une simple ligne téléphonique.

Cet amendement ne peut, je pense, que recueillir l'adhésion de notre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Bien entendu, monsieur Bloche, nous partageons ces déclarations d'intentions et ces déclarations de principes. Bien évidemment, il est nécessaire de développer l'accès à Internet pour un grand nombre de Français, et nous souscrivons d'ailleurs totalement au plan numérique 2012 présenté par l'ancien secrétaire d'État à l'économie numérique, M. Besson, qui va être mis en place par Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Bien évidemment, il est nécessaire d'éduquer les jeunes le plus tôt possible à ces techniques pour qu'ils puissent s'éduquer, communiquer, partager des valeurs à travers Internet. Mais cela n'en reste pas moins un droit qui n'est pas un droit fondamental, un droit inaliénable, un droit sacré qui voudrait qu'on ne puisse pas le couper ponctuellement dans le cadre du dispositif que nous mettons en place. Je rappelle que les internautes qui verraient leur abonnement suspendu pourront avoir accès à Internet, dans des bibliothèques, dans des mairies, chez leurs voisins ou leurs voisines.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

C'est extraordinaire ! Ce sont des stratégies de contournement !

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

On est vraiment là sur une contradiction majeure, monsieur Bloche. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Avis défavorable. Nous sommes tous pour le développement d'Internet, nous sommes tous d'accord avec la déclaration que vous avez citée du député européen – qui d'ailleurs emploie le conditionnel et non le présent. Toutefois, le développement n'est pas du tout contradictoire avec l'idée de régulation sur laquelle s'appuie notre projet.

Nous pensons qu'Internet est une commodité essentielle, et non pas une liberté fondamentale. D'ailleurs, si on ne paie pas son abonnement Internet, on se le voit couper, purement et simplement.

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Si, au contraire.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

De nouveau, je suis étonnée. Ne pas être capable de se servir d'un ordinateur vous exclut aujourd'hui, nous le savons, du marché du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Apprendre à se servir d'un ordinateur, ce n'est pas non plus forcément pirater !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

L'évolution a été très rapide. Au début des années quatre-vingt-dix, il était encore possible de trouver du travail sans savoir se servir d'un ordinateur. Aujourd'hui, rendez-vous dans un pôle emploi et regardez les annonces, vous aurez beaucoup de mal à postuler si vous ne savez pas vous servir d'un ordinateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Aujourd'hui, nous en sommes à l'étape suivante, c'est-à-dire à l'ordinateur connecté à Internet.

J'aimerais citer une autre phrase de ce fameux rapport parce que je la trouve très intéressante par rapport à l'amendement de nos collègues du groupe SRC : « Considérant que l' “ e-illetrisme” – c'est-à-dire l'illettrisme sur Internet – sera l'illettrisme du XXIe siècle ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

…considérant que garantir l'accès de tous les citoyens à Internet équivaut à garantir l'accès de tous les citoyens à l'éducation – l'utilisation d'Internet se développe d'ailleurs, pour diffuser les cours de fac, donner les notes des lycéens – et considérant qu'un tel accès ne devrait pas être refusé comme une sanction par des gouvernements ou des sociétés privées – ce que va permettre ce projet de loi en refusant un accès au nom d'une sanction prononcée par une haute autorité sous l'impulsion des ayants droit représentés par des sociétés privées ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

…considérant qu'il est important de se pencher sur les questions émergentes telles que la neutralité des réseaux, l'interopérabilité, l'accessibilité globale de tous les noeuds Internet et l'utilisation de formats et de normes ouverts »…

Ce paragraphe montre bien le lien qui existe entre Internet et l'éducation, l'objet de l'amendement n° 397 . Il faut regarder ce qui est possible. Nous ne disons pas : « C'est fantastique, continuez à télécharger abusivement, illicitement… »

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Si vous aviez été présent depuis le début, vous l'auriez déjà entendu, cher collègue. Ce débat, nous l'avons déjà eu en 2005-2006. Nous l'avons toujours dit : nous sommes contre les téléchargements abusifs qui portent préjudice aux auteurs. Mais nous sommes en désaccord sur les méthodes proposées pour réduire ces téléchargements abusifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je ne dis pas pour les supprimer – même le Gouvernement et les rapporteurs reconnaissent qu'il faut proposer des solutions mais que, de toute façon, on n'arrivera jamais à empêcher le téléchargement, ce qui est déjà un progrès par rapport à M. Donnedieu de Vabres qui nous expliquait que la loi DADVSI et les fameux DRM allaient tout régler et que plus un téléchargement illégal ne passerait sur le net. Donc la situation évolue.

Nous considérons qu'il faut trouver des solutions pour garantir les droits d'auteur…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

…pour convaincre tous ceux qui téléchargent de le faire dans des conditions licites, mais nous sommes en désaccord avec la coupure de la connexion Internet. Cette sanction nous paraît inadmissible par rapport aux besoins d'Internet dans la société d'aujourd'hui et par rapport à la faute. Cela concerne le droit de la propriété, ce n'est pas une atteinte aux personnes physiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Il faut quand même maintenir une hiérarchie de la sanction. Ce projet de loi s'appuie sur une extension du droit utilisé dans la lutte contre le terrorisme. Nous sommes là à un autre niveau : l'atteinte à des droits de la propriété, toute désagréable qu'elle soit, n'est tout de même pas du même niveau qu'une atteinte aux personnes physiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Bernard Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

L'amendement qui nous est présenté consiste à garantir l'accès de tous les citoyens à Internet. Très bonne idée ! Mais, comme le disait Mme la ministre, la régulation n'est pas contradictoire avec le développement. Au contraire, la régulation est même un élément essentiel pour permettre le développement d'Internet.

J'ai été choqué par les propos de certains qui ont l'air de ne pas prendre en considération le fait qu'aujourd'hui, le téléchargement illégal encombre nos réseaux. Toutes les personnes que nous avons rencontrées lors de nos auditions nous ont expliqué que si nous luttons contre le téléchargement illégal, nous allons libérer de la place sur les réseaux. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

C'est ce que nous ont expliqué tous les spécialistes que nous avons rencontrés. Il est extrêmement choquant de voir que les fournisseurs d'accès mais également les collectivités territoriales qui investissent dans ces réseaux aujourd'hui créent du débit qui va, malheureusement, servir au téléchargement illégal.

Nombreux étaient les orateurs hier qui nous disaient qu'il fallait développer le télétravail et l'auto-entreprise, qu'il fallait permettre à la personne qui habite au fin fond de la Lozère d'avoir accès à Internet plus facilement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Merci pour la Lozère ! M. Morel-A-L'Huissier appréciera !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Je ne fais que reprendre des exemples qui ont été cités. Justement, il faut que l'argent public soit utilisé à bon escient.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Notre but aujourd'hui, à travers la lutte contre le piratage, est de favoriser le plan numérique 2012 et de favoriser la couverture complète du territoire national. Le caractère vertueux que nous voulons donner à l'utilisation d'Internet va exactement dans le sens de cet amendement qui vise à garantir l'accès de tous les citoyens à Internet.

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Je suis surpris par les réponses des rapporteurs et de Mme la ministre.

Il ne suffit pas de dire que c'est une très bonne idée et remettre sa réalisation à plus tard. Je crois que vous ne mesurez pas à quel point la France risque de s'isoler dans cette affaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Les observations de la Commission sur ce projet de loi, auxquelles nous n'avons pas fait allusion jusqu'à présent, sont extrêmement sévères. Elles cadrent avec le rapport qu'évoquait Patrick Bloche à l'instant sur le droit à l'éducation et toute une série de dispositions européennes. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la plupart des pays renoncent actuellement à un dispositif tel que celui que vous voulez mettre en place.

Le principe général que nous essayons de défendre à travers ces amendements, c'est l'existence d'un droit nouveau, le droit à l'information, le droit à la communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Et ce droit s'incarne à travers la connexion Internet.

Le travail des députés, qui représentent l'intérêt général, est justement d'essayer de fixer des ambitions à la société et d'inscrire dans le marbre des principes généraux qui ne sont pas du tout compatibles avec la défense de principes corporatistes ou d'intérêts particuliers, comme tente de le faire ce projet de loi.

Une maxime latine dit parcere subjectis et deballare superbos, défendre les pauvres et combattre éventuellement les puissants. Je crois que tous les députés devraient s'imprégner d'une telle devise parce que notre travail, ici, c'est justement de ne pas être les simples porte-voix des puissants.

Défendre les intérêts d'Universal, qui, cette année encore, a réalisé un bénéfice de dizaines de millions d'euros, ne relève pas de la tâche du Gouvernement ni des députés. En revanche, il leur incombe de fixer une ambition à la société française, en s'attachant, au prix de certains efforts, à faire du droit d'accès à Internet un droit fondamental.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Je suis triste que le Gouvernement, plus particulièrement la ministre de la culture, prête main-forte à un tel rétrécissement de notre horizon, pour des raisons marchandes tout à fait hors de propos. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Mme Billard a eu raison de souligner que la sanction doit être proportionnée au délit. On ne peut punir le téléchargement illégal de peines adaptées aux faits de terrorisme. Or la coupure d'Internet relève manifestement de ce type de sanction. Dans ce cas – nous y reviendrons quand nous discuterons l'article 2 –, de nombreux députés de toute sensibilité, dont je fais partie, préfèrent l'amende à la suspension.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Mais l'amendement porte sur un autre point. Il propose de garantir à tous l'accès à Internet, qui ne « doit pas être refusé comme une sanction par des gouvernements ou des sociétés privés ». Quel angélisme ! Veut-on garantir l'accès à Internet aux réseaux mafieux ou aux prisonniers ? Bien sûr que non : la sécurité nationale ou le combat contre certains réseaux passe par l'interdiction de l'accès à Internet.

Si les centristes jugent nécessaire de proportionner la sanction au délit, ils récusent l'angélisme de cet amendement. C'est pourquoi ils ne le voteront pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

Juste un mot, afin de répondre au rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. S'il s'agit de libérer de la bande passante sur les réseaux à Internet, on peut supprimer bien des usages non professionnels ou peu sérieux, tel que les jeux en ligne, qui font gagner beaucoup d'argent à certaines entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

L'intérêt d'Internet est justement de permettre la diffusion de tous les contenus. J'ajoute que ceux qui téléchargent le font à l'heure où les bureaux sont fermés. Les réseaux font donc facilement face à leur demande.

Mme la ministre me désole quand elle avance qu'Internet est une commodité essentielle, mais que le Gouvernement n'est pas tenu d'en garantir l'accès. Notre débat manquera de sérieux si l'on veut l'aborder uniquement sous l'angle artistique. Il faut aussi évoquer les autres usages d'Internet. À cet égard, la présence dans l'hémicycle de Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique serait très utile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Cela lui donnerait la possibilité de s'opposer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

Madame la ministre, vous envisagez le problème par le petit bout de la lorgnette. Pensez, par exemple, à ceux qui déclarent leurs revenus en ligne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

Mais le Gouvernement incite les contribuables à télédéclarer leurs revenus, dans le cadre de la RGPP ! À titre personnel, je reconnais que c'est bien commode, puisqu'on bénéficie d'un délai supplémentaire pour remplir sa déclaration.

Mais, pour cela, il faut avoir certificat inscrit sur le disque dur de son ordinateur, sans qu'il soit possible d'utiliser celui de quelqu'un d'autre. Que répondrez-vous aux contribuables qui ne pourront effectuer leur déclaration le moment venu, parce que leur enfant – ou, s'ils n'ont pas protégé leur wifi, leur voisin – aura effectué un téléchargement illégal ? Je rappelle que la plupart des Freebox ou Livebox ne prévoient à cet égard aucune protection. Dans ces conditions, chacun peut se retrouver privé d'un accès à Internet, ce qui constitue un grave préjudice.

Pensons à un autre exemple : de plus en plus d'universités développent les cours en ligne. Est-il normal d'en priver les étudiants, quand on sait que les bibliothèques universitaires et les lycées, malgré les efforts importants consentis par les régions, manquent d'ordinateurs ?

Gardons-nous de réduire la question de l'accès à Internet en le réduisant à un seul de ses usages !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

Oui, le droit à Internet fait désormais partie des droits fondamentaux, comme l'accès à l'eau, à l'électricité ou à d'autres services publics. Raisonnons par analogie. Chaque été, des arrêtés sont pris dans certains départements pour interdire le lavage des voitures et l'arrosage. La sanction à l'égard des contrevenants ne consiste pas à leur couper l'eau. Avec Internet, nous sommes exactement dans le même cas de figure.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Nos collègues de l'opposition ont invoqué sur un mode incantatoire le droit à l'éducation, qui ne saurait d'ailleurs être limité à l'accès à Internet. Mais garantir ce droit ne consiste pas à tout permettre. Mme Billard a noirci le tableau.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Elle a pourtant bien compris qu'il s'agit pas de sanctionner les bons ou les mauvais élèves, mais les pirates. C'est justement faire oeuvre de pédagogie que de rappeler qu'il y a des règles à respecter. Le droit à l'éducation passe aussi par là.

Enfin, à écouter les différents orateurs qui se sont employés à dramatiser la situation, on a l'impression que couper l'accès à l'Internet revient à rompre un lien entre l'individu et la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

C'est faux. Heureusement, madame Billard, que l'on peut respirer sans l'Internet pendant quelques heures !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Il est question de couper l'accès pendant un an, pas pendant quelques heures !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Vous feriez mieux d'en appeler à la responsabilité des utilisateurs, au nom même du droit à l'éducation que vous invoquez si volontiers avec tant de panache. Sanctionner quelqu'un qui veut se tenir hors de la loi, c'est aussi le ramener vers l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

C'est le type de sanctions que nous contestons !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Au reste, chère madame Billard, je n'ai pas manqué un seul instant de ce débat. Les propos que vous avez tenus ce matin étaient, comme d'habitude, passionnants.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Après l'intervention de M. Kert, il me semble important d'éclairer nos débats sur un point. Pendant notre discussion, qui s'étendra sur plusieurs semaines, je souhaiterais que nous bannissions de notre vocabulaire les termes « pirate » et « piraterie ».

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Si l'on veut aller dans le sens d'une clarification juridique, il faut savoir que les mots ont un sens. Pour avoir été enseignant dans une vie antérieure, monsieur Geoffroy, vous le savez bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Le mot de piraterie désigne une forme de banditisme pratiqué sur mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

La piraterie est sanctionnée dans le droit maritime. Il existe une convention des Nations unies relative au droit de la mer, dont je ne vous lirai pas le texte à ce stade du débat. Je le ferai cependant, à titre de représailles, si un de nos collègues emploie une nouvelle fois le mot de piraterie, qui ne correspond ni à la pratique du peer to peer ni à celle du téléchargement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

En aucun cas, le règlement ne prévoit d'élément sémantique, à moins que quelqu'un ne traite un de ses collègues de pirate, ce qui n'est pas arrivé.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Je conteste le parallèle établi par Mme la ministre, en commission comme dans l'hémicycle, entre la suspension de l'accès à l'Internet et la résiliation d'un abonnement pour non-paiement, qui, selon elle, ne suscite pas de protestations. J'aimerais que l'on en discute une bonne fois pour ne plus y revenir. Dans ce cas, contrairement à ce que prévoit le texte HADOPI, la résolution d'abonnement pour non-paiement n'est pas assortie d'une interdiction ni d'une inscription sur une liste noire interdisant toute autre inscription à l'abonné.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma