Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Martine Billard

Réunion du 12 mars 2009 à 10h00
Protection de la création sur internet — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

Oui, mais si leur connexion est piratée, elle risque d'être suspendue !

Le Gouvernement reconnaît lui-même enfin qu'il ne s'agit pas de supprimer tout téléchargement illégal – c'est d'ailleurs techniquement impossible, car les technologies évoluent plus vite que les lois. Pour contourner la censure constitutionnelle de 2006, ce texte propose donc de sortir de l'incrimination de contrefaçon en créant, à la charge des internautes, une obligation de sécurisation des connexions à Internet. Ainsi, en cas de détournement d'une connexion, c'est le titulaire de l'abonnement qui sera poursuivi, et non le responsable du téléchargement illégal. Cette obligation est inadmissible : elle introduit un retournement de la charge de responsabilisation au détriment des internautes. La sanction ne portera plus sur l'acte de téléchargement, mais sur le défaut d'installation de mesures de protection !

La Haute autorité aura compétence pour labelliser les outils de filtrage susceptibles de satisfaire à l'obligation de protection de la connexion. Or, le rapport du Conseil général des télécommunications au ministère de la culture, présidé par Jean Berbinau – actuel secrétaire général de l'Autorité de régulation des mesures techniques – préconise ouvertement, en application de la loi, « une expérimentation portant sur le filtrage sur le poste client synchronisé avec un serveur central ».

Ce rapport prône également l'établissement de « listes blanches » de sites Internet qui seraient autorisés pour les réseaux publics de connexion sans fil. Si la France en vient à une telle extrémité, il nous sera bien difficile de critiquer les pratiques de l'Internet dans les pays les moins libres de ce monde, de la Chine à la Biélorussie, qui sont sous l'emprise du contrôle politique d'État…

Quant à l'homologation envisagée des logiciels de sécurisation, elle exclut de facto la possibilité d'utiliser un ordinateur équipé en logiciels libres. Les utilisateurs de systèmes d'exploitation comme Linux se retrouveront donc dans une situation d'insécurité juridique discriminatoire. Le problème s'était déjà posé avec les DRM lors de l'examen de la loi DADVSI ; aujourd'hui, il se pose à nouveau, avec ces logiciels de sécurisation.

Au fond, les traités OMPI et la loi DADVSI autant que ce projet de loi dit « HADOPI » ne sont pas autre chose que des armes de guerre économique au service des sociétés dominantes du secteur de l'informatique, comme Microsoft et Apple, et contre les acteurs des logiciels libres – notamment ceux qui créent et produisent des logiciels non propriétaires. C'est un comble !

Revenons au débat sous-jacent : qu'en est-il de la rémunération des artistes, en particulier celle des auteurs ? En effet, c'est en leur nom que sont décidées de telles mesures liberticides contre les internautes. Hélas, aucune amélioration ne leur est accordée. Le système de répartition des droits est tel que les recettes des plateformes alimentent avant tout les majors de production, et fort peu les artistes. En outre, très peu d'artistes perçoivent une rémunération de la part de la SACEM, dont la répartition des droits a été citée hier. Au passage, je rappelle à ceux qui invoquent si souvent la pétition de 10 000 artistes – tout à fait respectable – que la SACEM compte plus de 3 000 sociétaires.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion