La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mes chers collègues, durant l'interruption de nos travaux, le 10 avril dernier, Lech Kaczynski, président de la Pologne, son épouse et quatre-vingt-quatorze autres personnalités dont plusieurs parlementaires polonais ont péri dans une catastrophe aérienne.
En votre nom, j'adresse au Parlement polonais et aux familles des victimes les condoléances de l'Assemblée nationale.
Je vous demande d'observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)
La parole est à M. Jean Gaubert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Des milliers d'agriculteurs manifestent aujourd'hui. La presse a parlé de céréaliers ; sans doute sont-ils majoritaires, mais tous les agriculteurs auraient de bonnes raisons de manifester aujourd'hui. Éleveurs de bovins, producteurs de lait, de viande, de porcs, de volailles, de fruits et légumes, viticulteurs, en réalité, c'est toute l'agriculture qui souffre. Les chiffres indiquent que le revenu des agriculteurs a baissé de 30 à 50 %. Lesquels de nos concitoyens accepteraient une telle baisse, qui, dans certaines filière, fait suite à celle de l'an passé ? Quelles en sont les raisons ? Plus que la surproduction, ce sont la dérégulation, la libre circulation, la fin des quotas, la fin de la gestion des marchés de l'Union européenne qui sont en cause. Si l'on y ajoute le dumping social, y compris à l'intérieur des frontières européennes, le tableau est noir et la situation particulièrement néfaste. Sans oublier les effets de négociations parfois calamiteuses : ainsi l'accord de Blair House qui a conduit l'Europe à limiter ses cultures de protéagineux pour faire de la place aux cultures et autres intérêts américains.
Face à une telle situation, monsieur le ministre, que proposez-vous à nos agriculteurs ? Une loi de modernisation de l'agriculture, dites-vous. À supposer qu'elle ait une quelconque efficacité – nous en parlerons plus tard –, quand la mettrez-vous en place ? Les agriculteurs réclament des mesures immédiates, urgentes, de nature à leur permettre d'avoir un espoir, un revenu dont ils puissent vivre. Ce qu'ils veulent, ce ne sont plus des paroles, mais des résultats, des chiffres, des moyens.
Monsieur le ministre, dites-nous ce que vous êtes en mesure aujourd'hui de promettre à la paysannerie française, et si vous êtes capable de tenir ces promesses ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le député, les agriculteurs de France savent qu'ils peuvent compter sur le soutien total de l'ensemble du Gouvernement et de l'ensemble de la majorité (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) dans la crise terrible qu'ils traversent depuis plusieurs mois.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Paroles, paroles !
Ce ne sont pas des paroles, mais des actes ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Le soutien que nous leur avons apporté, c'est un plan d'urgence décidé par le Président de la République et par le Premier ministre en octobre dernier à Poligny, qui a permis de remettre 1,8 milliard d'euros de prêts de trésorerie dans les exploitations françaises.
Le soutien que nous leur apportons, ce sont des plans de développement sur lesquels nous travaillons dans la filière du lait, des fruits et légumes, de l'élevage…
…pour leur apporter un soutien concret dans les mois à venir. Le soutien que nous leur apportons, c'est la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche qui sera étudiée à partir du 18 mai au Sénat.
Cette loi a un objectif : donner les instruments économiques à tous les producteurs agricoles français pour qu'ils puissent lutter à armes égales avec leurs concurrents européens,…
…notamment avec l'Allemagne pour que nous gagnions en compétitivité et que nous restions la première agriculture européenne dans les années à venir. Ce soutien concret, c'est la bataille que je livre depuis plusieurs mois sur la régulation européenne des marchés agricoles. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Permettez-moi de vous faire remarquer que, sur ce sujet, nous avons marqué des points. Nous avions demandé l'intervention européenne sur le marché du lait : 300 millions d'euros ont été mis sur la table et les prix ont augmenté en janvier dernier. Les socialistes avaient réclamé la régulation européenne dans les années 1990 : ils avaient été battus. Nous, nous avons eu gain de cause ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je demanderai demain à Dacian Ciolos d'intervenir sur les marchés des céréales pour faire remonter les prix des céréales. Nous obtenons des résultats aujourd'hui alors que vous, vous n'aviez rien obtenu hier sur la régulation des marchés agricoles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Isabelle Vasseur, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, l'agriculture représente depuis toujours l'une des forces économiques incontournables de notre pays.
La crise à laquelle nos agriculteurs sont confrontés depuis deux ans, toutes productions confondues, commande des réponses rapides et adaptées, véritable défi que nous devons relever si nous voulons sauver cette exception française.
Aujourd'hui, des milliers de céréaliers se retrouvent à Paris pour lancer un cri d'alarme face à la baisse des cours mondiaux, aux fluctuations des prix des marchés de céréales, qui ont entraîné une baisse de 51 % de leur revenu en 2009, et aux contraintes environnementales, sans cesse croissantes.
Monsieur le ministre, je sais que vous mesurez, comme nous tous, la profonde détresse et l'inquiétude légitime des paysans français.
Ainsi, dès novembre dernier, vous avez lancé un plan de soutien exceptionnel à l'agriculture, comprenant des mesures bancaires et des allégements de charges ; 1,8 milliard d'euros de prêts bonifiés et 650 millions d'euros d'aides publiques ont été débloqués à cette occasion.
Dans le prolongement des annonces faites par le Président de la République lors de son déplacement dans l'Essonne le 6 avril dernier, vous avez également installé un comité de suivi sur la situation des grandes cultures, destiné à résoudre les problèmes conjoncturels et structurels.
Cependant, ces mesures doivent être poursuivies et complétées afin d'assurer la pérennité des filières agricoles.
En effet, nos agriculteurs souhaitent un revenu décent et stable qui leur permette de vivre de leurs productions, l'allégement des contraintes administratives, la poursuite de la recherche et de l'innovation et la juste reconnaissance de leur participation à la protection de l'environnement.
Alors que votre projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche arrive devant la représentation nationale, pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, vos propositions pour stabiliser les revenus des agriculteurs, renforcer la compétitivité de l'agriculture, sauvegarder les terrains agricoles et instaurer une véritable politique de l'alimentation ?
Monsieur le ministre, je compte sur vous, nous comptons sur vous pour ne pas laisser tomber la « ferme France » ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Merci, madame la députée, d'avoir exposé clairement le débat et ses enjeux. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
La crise agricole que nous traversons n'est pas seulement une crise économique qui touche le revenu des agriculteurs : c'est une crise morale pour tous les paysans français, qui s'interrogent sur leur avenir.
Ce n'est pas seulement une crise nationale : c'est une crise européenne de l'agriculture et de la politique agricole commune.
Enfin, ce n'est pas seulement une crise conjoncturelle : cette crise remet en cause tous les équilibres agricoles du monde de demain.
Voilà ce à quoi nous devons faire face aujourd'hui. Le nouveau monde agricole dans lequel nous entrons se caractérise par une volatilité des prix insupportable pour les agriculteurs, par une concurrence de plus en plus forte avec de nouveaux acteurs – la Russie, l'Inde, la Chine, le Brésil – qui n'étaient pas présents hier sur les marchés internationaux, et par des risques et des aléas de plus en plus marqués en matière environnementale, sanitaire et de volatilité des prix.
Afin d'y faire face, nous prendrons toutes les mesures nécessaires : le plan d'urgence de Poligny, voulu par le Président de la République et par le Premier ministre, la stabilisation du revenu des agriculteurs, grâce à la loi de modernisation de l'agriculture, qui inclura des contrats et de nouveaux systèmes assurantiels, un renforcement de l'observatoire des prix et des marges et une analyse filière par filière des écarts de compétitivité qui nous séparent de nos concurrents, notamment l'Allemagne, afin que nous restions la première agriculture européenne.
Enfin, il faudra poursuivre la bataille que nous menons depuis plusieurs mois en vue de la régulation européenne des marchés agricoles. En effet, il n'y aura d'agriculture ni en France ni en Europe tant que durera la spéculation qui menace les paysans français et européens, et à laquelle la régulation que nous instaurerons mettra fin au cours des mois à venir. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. Novelli, en tant que secrétaire d'État en charge du tourisme.
La semaine dernière, un petit volcan islandais au nom imprononçable, que personne ne connaissait, a gelé le ciel européen pendant plus de cinq jours. Du reste, certains volcanologues islandais eux-mêmes se demandent si un autre volcan, plus grand, ne pourrait pas lui aussi se réveiller : il faut surveiller cela. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question porte toutefois sur un autre événement géologique, qui surviendra au cours des années à venir et comporte deux aspects. D'une part, la baisse probable de la production mondiale de pétrole, et en particulier des exportations en provenance des pays de l'OPEP ; d'autre part, le croisement entre la courbe de la demande et de celle de l'offre.
Actuellement, l'offre est suffisante, mais il est probable, à en croire un rapport publié par le Pentagone la semaine dernière, que d'ici à 2015, voire à 2012, une pénurie – qui pourrait atteindre, selon ce rapport, dix millions de barils par jour – entraîne de graves conséquences économiques et sociales dans le domaine énergétique, notamment sur le transport aérien. En effet, le kérosène n'y étant pas du tout taxé, on peut dire que le prix du litre de kérosène est indexé sur le cours du baril à New York. Une très forte hausse des prix des carburants aériens est donc prévisible.
Monsieur le ministre, êtes-vous d'accord avec cette anticipation du déclin géologique inéluctable de la production et de la consommation de pétrole dans le monde ? Si ce n'est pas le cas, je serais inquiet ; si c'est le cas, par quelles mesures sociales et économiques comptez-vous tenter de faire en sorte que cette transition malheureuse se déroule dans les meilleures conditions possibles ?
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
J'ai cru comprendre que la question de M. Cochet concernait l'énergie, auquel cas M. Borloo serait mieux à même que moi d'y répondre. Si elle concerne le transport aérien, je veux vous dire, monsieur Cochet, que je ne rejoins pas vos récentes déclarations selon lesquelles ce mode de transport n'a pas d'avenir.
Il est vrai que les récents événements ont montré la fragilité de notre système et révélé que, dans une société moderne, certaines fonctions peuvent à tout moment s'arrêter, ce qui nous invite à l'humilité face à la nature et aux éléments. Mais l'aménagement du monde laisse présager une évolution différente.
D'abord, au niveau régional et national, le transport ferroviaire à grande vitesse prend de plus en plus le relais du transport aérien, même si nous avons encore besoin de ce dernier pour des liaisons d'aménagement du territoire telles que Paris-Aurillac, Paris-Agen ou Paris-Lannion, où il est absolument nécessaire. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Au niveau européen, la construction de l'Europe ferroviaire va également permettre au TGV – ou au train rapide dans les autres pays que le nôtre – de remplacer le transport aérien.
Mais, au niveau mondial, la nécessité de disposer d'un transport aérien ouvert et de bonne qualité, y compris dans les pays les plus pauvres, est manifeste.
La situation nous appelle simplement à réfléchir à l'avion du futur, moins consommateur d'énergie, à de nouvelles procédures d'atterrissage et de décollage, à des améliorations de la qualité des avions qui les rendent de moins en moins polluants.
Mais on ne peut concevoir le xxie siècle sans transport aérien, sans un transport aérien régulé. C'est cette régulation que recherche l'Europe ; nous nous y emploierons la semaine prochaine, lors d'une réunion extraordinaire des ministres européens des transports. Le transport ferroviaire et des modes de transport alternatifs couvriront quant à eux les petites et moyennes distances.
En somme, l'avenir est à un transport équilibré, où le transport aérien conserve sa place, et où de nouvelles énergies vont apparaître, préfigurées par les avions solaires qui existent déjà.
Merci, monsieur Cochet, de m'avoir permis de vous apporter ces précisions !
Madame la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, les habitants de Lisieux dans le Calvados ne verront pas aujourd'hui les questions au Gouvernement. Pourquoi ? Parce que, depuis le 9 mars dernier, ils ne reçoivent plus la télévision… Après l'Alsace et avant les Pays de la Loire en mai prochain, la Basse-Normandie a basculé vers la télévision numérique terrestre. À grand renfort de publicité, on a proclamé que chacun, moyennant des réglages d'antennes et l'achat d'un décodeur, y trouverait son compte, notamment grâce à une meilleure qualité d'image et un accroissement du nombre de chaînes. Dans les faits, et pour un coût qui n'a rien de négligeable, le résultat est aléatoire, sinon désastreux.
À Lisieux, ville de 25 000 habitants, les habitants ne reçoivent plus les chaînes publiques. Voilà cinquante jours qu'ils galèrent après avoir appelé et payé des spécialistes qui ne peuvent rien résoudre.
Il s'agit non de rechercher les responsabilités – entre TDF, le CSA, la TNT et les opérateurs sur le terrain, chacun en a sûrement une part – mais d'appeler l'attention sur les aléas techniques et les déficits de couverture du territoire, question sur laquelle le groupe Nouveau Centre vous avait déjà alertée lors de la discussion d'une proposition de loi sur la TNT.
Ce qui importe aujourd'hui, c'est de mettre fin aux dysfonctionnements rencontrés en Basse-Normandie et d'éviter qu'ils ne se reproduisent ailleurs.
Mes questions sont les suivantes, madame la secrétaire d'État : les mesures provisoires qui ont été prises seront-elles efficaces et durables ? Quand pourrons-nous garantir à nos concitoyens une solution fiable et de qualité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.
Monsieur le député, avant le 30 novembre 2011, l'ensemble de la France aura basculé vers le tout numérique avec dix-huit chaînes gratuites, une meilleure qualité d'image et de nouveaux services sur les fréquences libérées. Le passage, techniquement un peu délicat, s'opère région par région. En février, l'Alsace n'a connu aucun problème majeur. En mars, cela a été le tour de la Normandie et nous avons rencontré à Lisieux une situation absolument inédite, heureusement circonscrite à cette ville : les trois diffuseurs privés ne se sont pas entendus avec France Télévisions et l'émetteur de Lisieux n'a plus été alimenté, empêchant l'accès aux chaînes de France Télévisions de plusieurs centaines de foyers. Vous nous avez immédiatement alertés et, à la demande du Gouvernement, le CSA a pu mettre en place sans attendre une fréquence temporaire et résoudre le problème afin que les habitants puissent recevoir ces chaînes.
C'est en juin que sera mise en place une fréquence définitive. Un dispositif d'accompagnement a été développé : 450 habitants en ont profité sur place tandis que 300 autres ont pu en bénéficier par le biais du centre d'appel.
Nous essayons de tirer tous les enseignements de ce dysfonctionnement afin d'éviter de le voir ressurgir en mai en région Pays de la Loire, ou en juin en Bretagne. Un groupe de travail spécifique au CSA a été mis en place pour résoudre le problème de l'alimentation des émetteurs secondaires, qui ne se reproduira pas. Au total, 330 millions d'euros sont investis pour que tous les Français puissent bénéficier de la télévision numérique terrestre dans de bonnes conditions, sans écran noir. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, le rapport que vous avez demandé à M. Jamet sur la situation financière des départements vient de vous être remis.
Si la situation financière périlleuse des conseils généraux, sur laquelle nous vous alertons depuis des mois, est enfin reconnue, les mesures conjoncturelles proposées ne sont pas à la hauteur de l'analyse et ne règlent en rien le problème structurel des finances départementales.
Les conseils généraux sont en effet victimes d'un effet de ciseaux mortifère avec des recettes qui stagnent, voire régressent, et des dépenses sociales qui explosent, dépenses décidées par l'État et sur lesquelles nous n'avons aucune maîtrise, qu'il s'agisse de la dépendance, de l'exclusion ou du handicap.
Pour boucler leur budget, tous les départements ont dû procéder à des coupes sombres dans nombre de politiques publiques pourtant essentielles pour nos concitoyens – soutien à la vie associative, sportive, culturelle, à la politique de la jeunesse, aux actions éducatives, au développement communal –, au risque d'aggraver inéluctablement la fracture sociale et territoriale.
Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé une concertation avec l'association des départements de France. Entendez-vous entrer dans une vraie négociation et apporter enfin des réponses de fond au problème essentiel du financement des trois allocations individuelles de solidarité versées par les départements pour le compte de l'État, allocations qui relèvent de la solidarité nationale et pour lesquelles la dette de l'État à l'égard des départements, donc des contribuables locaux, s'élève à ce jour à quelque 8 milliards d'euros ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente du conseil général de la Haute-Vienne, j'ai deux éléments de réponse à vous apporter.
Le rapport Jamet analyse de manière objective et actualisée la situation financière des départements. Rappelons à ce propos que l'aide de l'État aux départements s'élève à 12,2 milliards d'euros au titre de la dotation globale de fonctionnement auxquels s'ajoutent 2 milliards au titre de la dotation globale d'équipement.
Ce rapport montre bien que certains indicateurs déterminent le poids des charges pesant sur les finances des départements. Au regard de ces critères objectifs, il constate que certains départements pourraient, plus que d'autres, connaître des difficultés dans les années qui viennent. Mais il met aussi en évidence la pluralité des situations et la qualité de la gestion de certains. (Brouhaha.)
Je suis heureux de vous annoncer que les droits de mutation à titre onéreux progressent en 2010 de manière importante. Ils augmentent de 34 % au premier trimestre en moyenne, ce qui est de nature, vous en conviendrez, à améliorer la situation financière des départements.
À la suite de la remise du rapport, le Premier ministre a annoncé qu'il réunira au mois de mai la commission exécutive de l'association des départements de France afin d'engager une concertation, en liaison avec les ministères concernés. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Soyez certains que différentes pistes de travail devront être explorées, conformément aux conclusions et aux préconisations du rapport : ainsi l'évaluation de l'impact sur les dépenses locales de normes excessives fixées sans concertation, la mise en oeuvre d'un comité de suivi pour les départements qui le souhaitent ou le renforcement de systèmes de péréquation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, et porte sur ce qui est appelé depuis quelques jours dans la presse « l'affaire de Nantes ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Jeudi et vendredi derniers, une femme a bruyamment alerté les médias sur la contravention dont elle avait fait l'objet trois semaines auparavant, tandis qu'elle conduisait un véhicule en portant un voile intégral. Les services de l'État ont alors fait part des suspicions pesant sur un individu soupçonné de vivre avec plusieurs femmes, dans des conditions de polygamie et de fraude aux aides sociales. Vous avez décidé, sans délai, de saisir la justice pour que toute la lumière soit faite sur ces agissements.
Monsieur le ministre, je tiens à vous faire part du soutien déterminé des députés du groupe UMP. Cette affaire illustre toute la différence entre la majorité et l'opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dès que vous avez été informé par vos services, vous avez en effet saisi la justice. Le député-maire de Nantes en est resté, quant à lui, à l'étonnement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Eh bien nous, nous nous étonnons que les collectivités locales, gestionnaires des dispositifs sociaux, n'aient à aucun moment pris des mesures contre ces fraudes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Nouvelles protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Nos compatriotes attendent de leurs élus et des membres du Gouvernement qu'ils s'attaquent très directement et très franchement, comme vous le faites, aux détournements du système des aides sociales. Nos compatriotes refusent que quelques individus à l'idéologie extrémiste exploitent des femmes et des enfants pour financer leur train de vie.
Monsieur le ministre, ma question est celle que se pose l'ensemble de nos concitoyens : quels sont les moyens mis en oeuvre par l'État pour en finir avec de tels détournements et pour mettre un coup d'arrêt aux dérives de quelques individus sans scrupule ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Une première remarque, madame la députée : l'immense majorité des musulmans de France aspire à vivre tranquillement. Et, comme tous nos concitoyens, ils ont droit au respect et à la protection de l'État. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Pour m'entretenir régulièrement avec le président du Conseil français du culte musulman, M. Mohammed Moussaoui, je peux dire combien il désapprouve la dérive radicale de certains extrémistes.
Deuxième remarque : certains radicaux cherchent précisément à utiliser le débat sur le voile intégral…
…pour mettre à l'épreuve la détermination de la République à combattre le communautarisme. C'est ce qui s'est produit la semaine dernière à Nantes. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Troisième remarque : il appartient aux responsables publics de dire la vérité et de faire appliquer la loi. C'est pourquoi, dès que j'ai été informé par le préfet de Loire-Atlantique d'un certain nombre de faits et de soupçons, j'ai saisi l'autorité judiciaire. Ces faits ont été considérés comme suffisamment graves et étayés pour que le parquet décide l'ouverture d'une enquête, confiée à la police judiciaire de Rennes et au groupe d'intervention régional de Loire-Atlantique.
Parce que la République doit faire respecter le droit des femmes, parce que la République doit refuser qu'elles soient emmurées, instrumentalisées, humiliées (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP), parce que la République doit veiller à ce que les allocations financées par la solidarité nationale ne soient pas détournées, j'avais le devoir de porter cette affaire devant la justice.
C'est pourquoi, madame la députée, vous l'aurez compris, en liaison et en accord avec le Premier ministre, j'ai décidé de ne rien céder au « politiquement correct » qui, comme toujours dans notre histoire, préfère ne rien dire, ne rien faire, ne rien penser pour ne prendre aucun risque. Nous ne céderons rien et cette affaire ira jusqu'à son terme ! (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, dans la droite ligne des réformes Balladur et Fillon qui n'ont en rien réglé la question du financement de nos régimes de retraites mais qui sont, par contre, responsables du creusement des inégalités entre retraités et de l'appauvrissement de ceux-ci, votre gouvernement et la majorité s'apprêtent à porter un coup fatal à notre système de retraite par répartition.
Sous couvert de crise financière et économique, de déficits abyssaux, de complicité avec le MEDEF, vous voulez imposer de nouveaux reculs majeurs, vous voulez que les Français partent plus tard à la retraite, qu'ils cotisent plus longtemps, qu'ils perçoivent des pensions amoindries.
Pour cela vous n'hésitez pas à faire du Conseil d'orientation des retraites votre outil médiatique de manipulation de l'opinion publique, tout en sachant très bien que les projections financières à l'horizon 2050 sont des plus fantaisistes.
Qui sont ces experts qui, aujourd'hui, prétendent être crédibles sur de telles échéances ? Ceux, souvent les mêmes, qui encensaient hier la capitalisation, système spéculatif qui a plongé un nombre gigantesque d'hommes et de femmes dans la détresse, n'ont pas plus de crédibilité en donneurs de leçons.
Sachez, monsieur le Premier ministre, que la retraite à 60 ans n'est pas négociable. Ne soyez pas tenté, comme vous l'avez fait pour les 35 heures, de laisser ce marqueur symbolique tout en le vidant de son contenu et de son effectivité, par exemple au moyen de mécanismes de décote scandaleux.
Garantir notre système de retraite exige une vraie politique de l'emploi public et privé, notamment en direction des jeunes. Il faut aussi avoir le courage de toucher à la répartition des richesses, d'élargir l'assiette des cotisations sociales aux revenus financiers, de faire contribuer l'ensemble des revenus du travail – bonus, stock-options, intéressement et participation.
Monsieur le Premier ministre, votre ambition est d'agir à marche forcée, corsetant ainsi le temps du débat public, avec un texte qui serait examiné en urgence en septembre.
Avec des dizaines de milliers de pétitionnaires, avec l'ensemble des organisations syndicales je vous demande de renoncer à votre projet et à son calendrier, pour respecter l'exigence d'un large débat démocratique. Je vous demande de laisser du temps, et donc toutes ses chances, à une réforme de fond de notre système de retraite par répartition. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Monsieur le député, c'est vous et personne d'autre qui voulez affaiblir notre système par répartition. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.) En effet, en n'acceptant pas l'idée de le réformer, vous l'affaiblissez, et en l'affaiblissant vous le détruisez. Le système de retraite par répartition fait partie de notre pacte républicain. Nous y tenons, sur les bancs de la droite comme sur ceux de la gauche. Mais il n'est plus financé aujourd'hui. Il faut regarder la réalité en face ; c'est ce que fait le Gouvernement.
En 1993 et en 2003, les réformes d'Édouard Balladur puis de François Fillon ont permis de résoudre environ 40 % du problème. C'est déjà énorme, mais nous devons aller plus loin. Le Conseil d'orientation des retraites, que vous stigmatisez, intègre tous les partenaires sociaux et des parlementaires, de droite comme de gauche, dontf votre ami M. Gremetz. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Lorsque le COR fait des projections jusqu'en 2050, il ne prend pas partie : il éclaire l'avenir. Ce n'est ni de droite ni de gauche ! Il projette les conditions du régime actuel sur trente, quarante ou cinquante ans, et nous explique ce qui se passera si nous ne faisons rien. Et il apparaît que la charge sera, dans ce cas, insupportable.
Monsieur le député, pour bien affronter la réalité, il ne faut pas la nier. Or la réalité, c'est que notre système de retraite doit être réformé si nous voulons le conserver et éviter de faire supporter à nos enfants des charges intolérables. Tel est l'objet de la concertation, de la négociation, du dialogue que nous avons engagé avec tous les partis politiques, dont le parti communiste et le parti socialiste. J'ai bon espoir que nous parviendrons à un consensus. Je vous tends la main, monsieur Muzeau ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Serge Grouard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, ma question porte sur un sujet qui, je le crois, peut tous nous réunir. J'y associe bien volontiers nos collègues Catherine Quéré, Claude Darciaux, Bertrand Pancher et Christian Jacob avec lesquels j'étais au Mexique il y a quelques jours.
Vous l'avez compris, je veux attirer votre attention sur la situation dramatique dans laquelle se trouve l'une de nos compatriotes, Florence Cassez, détenue dans une prison mexicaine depuis mille six cents jours sans qu'aucune preuve de sa culpabilité n'ait pu être établie, au terme d'une procédure truffée d'invraisemblances – on vient même d'apprendre que son arrestation n'avait été finalement qu'un simulacre, une sinistre mise en scène. J'ai pu, il y a quelques jours, rencontrer Florence Cassez ; j'ai admiré son courage en même temps que je lisais la détresse dans ses yeux.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous demande trois choses simples.
La première, sur le plan du droit, est de faire en sorte que soit instruit sans délai le procès du procès de Florence Cassez afin de démontrer son caractère totalement arbitraire.
La deuxième est que la France continue d'exercer une pression politique, et que la préparation de l'année du Mexique en France soit l'occasion d'un geste mexicain pour libérer Florence Cassez ou autoriser son transfèrement.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais que nous exprimions à nouveau notre solidarité totale à notre compatriote, par le biais notamment de sa famille et de ses parents, présents dans les tribunes du public et que je me permets de saluer. (Applaudissements sur tous les bancs).
La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, je vous le dis clairement : la France n'abandonnera pas Florence Cassez. Les autorités françaises, et en tout premier lieu le Président de la République, suivent de très près ce dossier et mettent tout en oeuvre pour la soutenir. Le Président de la République, qui s'est entretenu plusieurs fois avec Florence Cassez, a reçu à deux reprises sa famille que je veux saluer à mon tour.
Nous avons exprimé à plusieurs reprises au Gouvernement mexicain notre préoccupation quant aux conditions se sont déroulés l'arrestation de Mme Cassez, mais également l'instruction, puis le procès en première instance comme celui en appel. Nous avons de bonnes raisons de penser qu'elle n'a pas pu exercer ses droits de la défense de manière satisfaisante ni bénéficier d'un procès équitable. Les derniers développements de cette malheureuse affaire viennent d'ailleurs de le confirmer au Mexique.
Je le répète : pour nous, cette affaire n'est pas close. Les autorités françaises restent mobilisées pour trouver une solution soit sur le plan juridique, lorsqu'il sera reconnu que les conditions n'ont pas été respectées, soit par la mise en oeuvre de l'accord de transfèrement auquel le Président Calderón s'est lui-même engagé.
Le Président de la République rencontrera à nouveau le Président Caldérón en juin à l'occasion du G20.
Pour ce qui est de l'année du Mexique, s'il s'avère que, malheureusement, Florence Cassez n'est toujours pas libérée, chacune de ses manifestations sera l'occasion pour tous les Français de rappeler le sort de Mme Cassez et nos exigences quant à sa libération. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, le sommet de Pittsburgh, les G20 qui se sont succédé, le discours de Toulon du Président de la République, tout cela devait sonner le glas du capitalisme débridé qui a plongé le monde fin 2008 dans une crise financière et économique profonde.
Les victimes, ce sont les salariés dont le pouvoir d'achat chute, même lorsqu'ils parviennent à conserver leur emploi. Pour les coupables, pourtant identifiés, tout est redevenu comme avant, notamment dans les banques, que l'État a soutenues. Les bonus sont de retour. Le PDG de BNP-Paribas a augmenté sa rémunération de 151 % en 2009 tandis que vous revalorisiez le SMIC de 0,5 %...
La banque Goldman Sachs a refilé des actifs pourris à ses propres clients sur le dos desquels elle a réalisé d'incroyables plus-values à court terme !
Parallèlement, la régulation financière, dix-huit mois après le discours de Toulon, n'est toujours pas en place, ni sur le plan mondial, ni même sur le plan européen.
Les spéculations avérées sur la dette grecque, celles peut-être en cours sur la dette d'autres pays de la zone euro, fragilisent nos positions et la monnaie commune.
L'Europe n'a pas de politique économique et ne dispose pas de véritable régulateur financier. Elle n'a pas rompu sérieusement avec les paradis fiscaux qui se trouvent même parfois à l'intérieur de ses frontières.
Monsieur le ministre, quand vos déclarations d'intention seront-elles suivies d'effet ?
Quand allez-vous enfin prendre les mesures nécessaires pour instaurer le capitalisme moralisé et juste qu'attendent nos concitoyens ?
La France perd confiance dans son exécutif ; saura-t-elle mettre son organisation financière au service de son économie et des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Monsieur le député, vous venez d'aborder deux sujets, tout en faisant un amalgame.
Le premier porte sur le degré d'implication de la France dans la mise en oeuvre d'une régulation financière bancaire à l'échelle internationale et sur le plan européen. C'est exactement le message que la France porte depuis de nombreux mois…
…et qu'elle continuera de porter à l'occasion de la présidence du G20 pour lutter contre la spéculation et pour favoriser la mise en place de strictes règles d'application, morales mais aussi économiques, dans un seul souci et avec un seul objectif : favoriser l'investissement et la création d'emploi, lutter contre les faiblesses, renforcer les solidarités.
Quant à la deuxième partie de votre question, elle porte, si j'ai bien compris, sur la situation de la Grèce, le plan européen et la position française.
Notre priorité est de soutenir la Grèce car celui qui se refuse à voir dans les attaques lancées contre ce pays des attaques contre l'euro commettrait une erreur fatale d'analyse de la situation actuelle de l'état d'esprit des marchés financiers.
Pour cette raison, non seulement la France peut s'enorgueillir d'être aux avant-postes au sein de l'Eurogroupe comme de l'Union européenne pour définir les contours des modalités de soutien.
Elle peut aussi consacrer toute son énergie pour définir un plan de soutien de l'Union et du FMI. La confiance n'excluant pas le contrôle, nous aurons le même degré d'exigence que nos partenaires amis et voisins allemands pour suivre l'évolution de ce qui sera, non pas une dépense budgétaire pour le contribuable français, mais un prêt dans une logique de partenariat qui permettra des retours sur investissements. Nous viendrons régulièrement, ces trois années, devant l'Assemblée faire le point sur les modalités de soutien de la France et de l'Union à la Grèce.
Je serai devant la commission des finances demain et la semaine prochaine avec Christine Lagarde au nom du Gouvernement pour défendre le collectif budgétaire de la France et ses mesures de soutien à la Grèce. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable, de la mer, des technologies vertes et des négociations sur le climat, le jeudi 15 avril dernier, le volcan islandais Eyjafjöll entrait en éruption, dégageant un gigantesque nuage de cendres qui allait dériver sur une grande partie du continent européen.
Comme ce fut le cas en France, les responsables de l'aviation civile de la plupart des pays européens ont décidé de fermer leur espace aérien pendant près de cinq jours. Cette situation inédite, dont l'impact sur le trafic aérien a été plus important que lors des attentats du 11 septembre, a eu pour effet de bloquer quelque 150 000 de nos concitoyens à l'étranger.
À la suite de la réouverture des aéroports français le mardi 20 avril,…
…nombre d'entre eux ont été informés par leur compagnie aérienne qu'ils étaient inscrits sur des vols programmés quinze jours à trois semaines après la date initialement prévue pour leur retour. Il semble en effet que les compagnies avaient envisagé, dans un premier temps, de ne rapatrier les Français bloqués à l'étranger que sur les places disponibles de leurs vols réguliers.
Ainsi, parmi les différents groupes avec lesquels je suis resté en contact permanent, trente et un nordistes, qui auraient dû revenir de Delhi le 20 avril, ne se sont vu proposer comme dates que les 8 et 9 mai prochains. Heureusement, et j'en remercie vos services, monsieur le ministre d'État, ainsi que ceux de Bercy, ils ont pu rentrer en fin de semaine dernière.
Ma question sera triple. Pouvez-vous nous dire si, comme se le demandent nombre de Français et d'Européens, la fermeture des espaces aériens était vraiment nécessaire ? Ensuite, pouvez-vous nous dire quelles sont les mesures mises en place par la France pour assurer le retour de nos compatriotes dans les meilleures conditions et les meilleurs délais ?
M. Huyghe a dépassé son temps de parole, alors que j'ai eu mon micro coupé quand j'ai dépassé le mien !
Enfin, à votre connaissance, reste-t-il encore actuellement des Français en souffrance à l'étranger ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur le député, sous l'autorité du Premier ministre, nous avons pris, avec Jean-Louis Borloo, un certain nombre de mesures.
La première a consisté à appliquer un principe de sécurité. Nous disposions d'informations selon lesquelles des traces de cendres avaient été décelées sur des avions, ce qui impliquait que, comme nos voisins européens, nous fermions notre espace aérien.
Nous l'avons fermé progressivement, en fonction des analyses des nuages et des vols. Ces analyses ont permis, dès le samedi, de rouvrir certains aéroports ouverts dans le sud de la France, où ont pu atterrir des vols long courrier à destination, initialement, de Roissy, de Lille ou d'autres aéroports situés dans le nord du pays. Avec l'aide de la SNCF et des autocaristes, nous avons pu, dès lors, rapatrier un certain nombre de nos compatriotes et d'autres voyageurs.
Ce mouvement s'est amplifié pendant le week-end et, à partir de lundi, nous avons pu convaincre les autorités européennes qu'il était possible d'assouplir le dispositif dans la mesure où les analyses météorologiques montraient que l'espace était à nouveau sans danger, et rouvrir progressivement les aéroports du nord du pays, dont les grands aéroports de la région parisienne.
Je remercie tous ceux qui ont contribué à cet effort, en particulier la SNCF et les autocaristes.
À aucun moment nous n'avons pris de risque. Nous avons néanmoins prévu des vols supplémentaires sur Air France et d'autres compagnies. Si les compagnies françaises nous ont apporté leur meilleure collaboration, certaines autres compagnies ont en revanche adopté une attitude un peu trop distante vis-à-vis de leurs passagers, et nous leur demanderons des comptes lundi prochain, à l'occasion du conseil extraordinaire des ministres des transports européens qui se tiendra à Bruxelles.
Très peu de nos compatriotes restent bloqués à l'étranger et ils ne voyageaient pas avec des compagnies françaises. Avec le concours du ministère des affaires étrangères, nous nous efforçons de les rapatrier dans les plus brefs délais. Mais ils se comptent désormais, j'y insiste, sur les doigts de la main.
La parole est à Mme Françoise Imbert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, le médiateur de Pôle emploi a démissionné après avoir présenté son rapport sur les dysfonctionnements du service public de l'emploi, estimant n'avoir ni les moyens ni le soutien nécessaire pour continuer son travail.
Pôle emploi connaît bien des difficultés depuis la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC. Outre cette fusion mal préparée, les salariés de Pôle emploi ont dû gérer une importante hausse du chômage : 15 % environ en un an. Les effectifs ne correspondent pas à cette nouvelle charge de travail, et des postes sont même supprimés dans certaines agences.
Des personnes recrutées temporairement, occupant donc elles-mêmes un emploi fragile, n'ont pas reçu la formation nécessaire pour effectuer certaines tâches. Leur contrat arrive bientôt à échéance et elles se demandent ce qu'elles vont devenir. De plus, l'appel à des opérateurs privés pour réaliser des missions confiées jusqu'à présent à l'organisme n'arrange guère la situation.
Un profond malaise touche tous les conseillers de Pôle emploi, victimes d'une charge de travail trop importante, victimes de la nouvelle culture du rendement et de la culpabilisation du citoyen demandeur, victimes de l'incompréhension de la hiérarchie et d'un manque patent de moyens matériels. Des agences commencent à être affectées par des mouvements de grève.
Monsieur le secrétaire d'État, allez-vous entendre l'inquiétude du personnel ? Allez-vous accorder les moyens humains et matériels nécessaires au service public de l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Madame Imbert, vous avez rappelé à quel point la réforme de Pôle emploi était difficile dans un contexte de crise où les agents devaient faire face à l'accroissement du nombre de demandeurs d'emploi. Ce n'est sans doute pas pour rien que, depuis de nombreuses années, les majorités qui se sont succédé n'ont pas eu le courage de procéder à cette réforme. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Reste, et je vous remercie de l'avoir souligné, que les agents de Pôle emploi ont su faire face à une situation difficile. Ils sont parvenus à indemniser tous les demandeurs d'emploi sans qu'on déplore aucun retard. Ils sont parvenus à traiter 90 % des dossiers en moins de cinq jours après leur dépôt alors que, en 1993, on pouvait constater de très importants retards. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Aucune agence n'a fermé alors que, en 1993 toujours, à l'occasion d'une crise bien moins grave, de nombreuses agences de l'ANPE s'étaient trouvées dans ce cas. Enfin, les agents de Pôle emploi ont fait face à la crise en oeuvrant chaque jour pour que deux millions de personnes puissent recevoir leur indemnité chaque mois et pour que, chaque mois, 240 000 personnes retrouvent un emploi.
Nous sommes au demeurant pleinement conscients de ce qu'il reste beaucoup à faire pour poursuivre l'amélioration de Pôle emploi. C'est dans cette perspective que nous avons souhaité mettre en place un médiateur…
…chargé d'écouter les doléances des demandeurs d'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ce médiateur bénéficie du concours de vingt-six médiateurs régionaux ainsi que d'un service support. Il y a un mois, il a rendu un rapport qui propose des mesures visant à améliorer la communication vis-à-vis des demandeurs d'emploi, mais aussi à résoudre certains points techniques – il s'agit en particulier d'apporter des réponses aux situations de cumul d'allocations.
Moins d'un mois après la remise de son rapport, le médiateur n'a pas souhaité poursuivre sa mission. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je regrette que, contrairement aux agents, il n'ait pas voulu rester sur le front. Je souhaite que nous continuions à poursuivre ce travail d'écoute et d'amélioration de Pôle emploi avec les agents. J'ai donc demandé à son directeur de faire en sorte qu'un nouveau médiateur soit chargé de cette mission dans les plus brefs délais. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, notre monnaie, l'euro, est attaquée par les spéculateurs, à travers la Grèce elle-même aux prises avec une situation très grave.
Le Président de la République a eu raison de prendre très vite position pour qu'un plan européen intervienne, avec 45 milliards d'euros promis, dont les deux tiers accordés par les États membres et un tiers par le FMI. Comme vous l'avez dit tout à l'heure, il ne s'agit évidemment pas de dons ni de subventions, mais de prêts, dont vous pourriez du reste nous préciser le taux.
De son côté, Athènes s'est engagée dans une politique de rigueur pour réduire rapidement son déficit. Le Premier ministre grec, Georges Papandréou, après avoir temporisé, a été contraint de demander l'activation de ce plan vendredi dernier. Lorsque l'on a la même monnaie, la solidarité est indispensable, et il faut aller vite.
Premièrement, considérez-vous que les mesures prises par la Grèce sont suffisantes ?
Deuxièmement, la zone euro va-t-elle parler d'une seule voix, et dans quels délais, lorsqu'on entend notamment les conditions et les réticences exprimées par l'Allemagne ?
Enfin, cette crise pose un problème à plus long terme. Le gouvernement économique de l'Europe, réclamé par la France depuis longtemps, est plus que jamais nécessaire. On ne peut avoir la même monnaie et mener des politiques économiques divergentes. Quels sont les espoirs d'aboutir à ce gouvernement économique de l'Europe ? Vous savez à quel point le groupe UMP est attaché à cette idée : sous l'égide de Jean-François Copé, nous l'aborderons d'ailleurs demain, avec nos vingt-six partenaires européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Monsieur le député, je vous remercie de me permettre de réaffirmer la position du Gouvernement, parfaitement claire.
La Grèce est en butte à des difficultés structurelles, dont cette crise aura été le révélateur. C'est une prise de conscience indiscutablement douloureuse pour le peuple grec, et exigeante pour l'actuel gouvernement grec. Conscient de ses responsabilités, celui-ci a mis en place un dispositif et pris des engagements fermes.
L'Union européenne a un double devoir. Le premier est d'être solidaire vis-à-vis d'un peuple ami, membre de la zone d'euro. Le second, comme je le disais tout à l'heure en réponse à M. Eckert, est d'être bien conscient que l'attaque des marchés sur la Grèce est une attaque contre notre monnaie. Et laisser attaquer notre monnaie, c'est laisser attaquer notre économie, nos entreprises et leur capacité à accéder à des capitaux.
Nous sommes donc devant une responsabilité majeure, je dirai même historique. C'est la raison pour laquelle nous n'aurons de cesse de souligner le rôle de la France dans le travail de coordination à l'échelle de l'Union européenne. Vous savez bien, monsieur le président de la commission des affaires européennes, combien il est important d'être aux avant-postes de ce dispositif de soutien. Les récentes prises de position de la chancelière allemande ont permis de lever, d'une certaine manière, les derniers points d'interrogation à cet égard.
Ce dispositif de soutien, pour ce qui concerne l'Union européenne, consiste en un plan de 30 milliards, complété par 15 milliards en provenance du FMI. Chaque État membre de l'Union prendra sa quote-part. Il ne s'agit pas, je le rappelle, de dépenses budgétaires, donc d'un déficit supplémentaire. Nous serons dans l'épaisseur du trait. Il s'agira d'un dispositif de prêt, dans une logique donnant-donnant. Nous prêtons, pour une certaine durée, à un certain taux, qui offrira un retour pour les contribuables français. Cela permettra à la Grèce, durant ces trois années, de se retrouver à situation. Mais c'est aussi un message adressé aux marchés : qui attaque la Grèce attaque l'Europe, attaque l'euro, attaque la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christophe Priou, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, depuis le passage de la tempête Xynthia, les familles et les entreprises sinistrées doivent faire face à la difficulté et parer au plus urgent, pour sauver ou reconstruire ce qui peut l'être. Nous avons entendu bien des choses ces derniers semaines à propos des indemnisations. L'État et les assurances se sont engagés à rembourser les propriétaires des maisons condamnées à la destruction. Qui plus est, vous avez assuré que les maisons et les terrains seront achetés au prix du marché estimé avant la tempête.
Les assureurs rembourseront les propriétaires à hauteur des dégâts occasionnés et l'État paiera la différence, par l'intermédiaire du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier. Principalement financé par un prélèvement sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles, ce fonds a été créé en 1995 pour indemniser les biens frappés par des catastrophes naturelles telles que la tempête Xynthia.
Lors de l'examen de la loi de finances pour 2010, j'avais souligné que les financements du fonds Barnier – 157 millions d'euros en 2010 – devraient, à moyen terme, être sollicités de façon accrue, ne serait-ce que pour tenir compte du plan séisme dans les Antilles et de la poursuite des actions en matière de prévention des inondations. Or la tempête Xynthia laisse une lourde facture, de plusieurs centaines de millions d'euros, bien au-delà des ressources du fonds Barnier.
Monsieur le ministre d'État, pouvez-vous nous indiquer comment seront financées les indemnisations et les démolitions, et quelle sera la durée des procédures ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Monsieur le député, l'État a décidé, dans les zones dites à risque, de s'engager à racheter à l'amiable, à toute personne qui le souhaite, sa maison et son terrain, à leur valeur d'avant la tempête – avant même que quiconque ait envisagé l'hypothèse d'une tempête.
Permettez-moi de rappeler au Parlement la situation dans laquelle ces gens se sont retrouvés : ils ont perdu des leurs, ou des voisins ; ils ont aussi probablement perdu leur bien puisqu'il ne leur est plus possible d'y vivre, et personne ne le leur rachètera. Voilà pourquoi nous avons mis en place cette procédure exceptionnelle et unique de garantie de rachat amiable par l'État, au-delà du prix des assurances.
À cette heure-ci, en Vendée, sur un peu plus de 900 cas au total, 816 personnes ont pris contact avec la cellule d'indemnisation amiable, 507 sont en rendez-vous d'évaluation, et 76 ont déjà reçu leur évaluation. En Charente-Maritime, 200 personnes ont pris contact avec la cellule d'indemnisation amiable, 75 rendez-vous ont été pris.
C'est le moins que nous puissions faire. Cela dit, j'ai été très surpris, je l'avoue, par certains commentaires. Je mets au défi ceux qui se plaisent à critiquer cette procédure d'aller à La Faute-sur-Mer et à L'Aiguillon-sur-Mer annoncer aux habitants qui ont tout perdu, leur coeur et leurs biens, qu'ils ne bénéficieront pas de l'indemnisation amiable !
Sur le fonds Barnier, nous disposons effectivement de 150 millions d'euros, plus 60 millions d'euros de réserve. Nous ferons appel au budget de l'État s'il y a un besoin complémentaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre du budget et des comptes publics. Monsieur le ministre, il y a un an, votre majorité a voté la baisse de la TVA à 5,5 % dans la restauration. Quel est le résultat au bout de douze mois ? Les restaurateurs n'ont apporté aucune des contreparties que le Gouvernement prétendait exiger d'eux.
Nous attendions une baisse des prix de 11,8 % sur au moins sept produits mis à la carte. La baisse globale est estimée à 1,17 % tout au plus, et la plupart des restaurateurs n'ont pratiqué aucune baisse.
Nous attendions 20 000 embauches et 20 000 contrats en alternance sur deux ans. Nous n'avons rien. Seuls 5 200 emplois ont été créés in extremis en 2009 : juste de quoi compenser les suppressions d'emplois du début de l'année.
Nous attendions une revalorisation des salaires. Nous ne constatons, à ce jour, ni augmentation, ni même engagement en ce sens des principales organisations patronales du secteur.
Monsieur le ministre, alors que le Gouvernement prétend réduire les niches fiscales, alors que notre dette s'alourdit tous les jours, nous rendant tributaires du cynisme des marchés, nous vous demandons solennellement d'exiger que chacun de ces engagements soit tenu, sous peine, dans le cas contraire, d'un retour au taux antérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.
Madame la députée, je voudrais vous donner quelques chiffres afin de compléter votre information, car il existe plusieurs points sur lesquels ils apportent un éclairage différent.
Quel est, parmi tous les secteurs de l'économie française, celui qui, au deuxième trimestre 2009, aura créé le plus d'emplois ? La restauration ! C'est un élément indiscutable.
Quel est le secteur qui, selon la dernière enquête de Pôle emploi, recrutera le plus en 2010 ? Encore la restauration !
Quel est le secteur qui a enregistré quatre fois moins de défaillances que dans l'ensemble de l'économie française ? Toujours la restauration !
Enfin, madame la députée, je ne peux pas vous laisser dire qu'il n'y a pas eu d'accord social dans la restauration. Ce fut même un accord historique, applicable dès le 1er mars. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Il se manifestera par une prime de 500 euros, par une revalorisation de la grille salariale de près de 5 %, par deux jours de congés supplémentaires et par la création – historique elle aussi – d'une mutuelle dans le secteur.
Vous n'avez pas parlé des avantages sociaux ni des créations d'emplois. Vous faites comme si cela n'existait pas !
Je le répète : cet accord est historique, il produit déjà des résultats. Comme vous l'avez rappelé, il est à mettre en oeuvre sur deux ans. Nous ferons les comptes au bout de ces deux ans, et vous verrez alors que le contrat d'avenir aura constitué une véritable contrepartie à la baisse du taux de TVA dans la restauration.
Il faut en finir avec les contrevérités et, surtout, cesser de stigmatiser une profession qui ne le mérite pas et de dresser ainsi les Français les uns contre les autres. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Baisse de la TVA dans la restauration.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)
La conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté pour les séances du mardi 18 et du mercredi 19 mai les propositions d'ordre du jour suivantes:
Mardi 18 mai, l'après-midi :
Débat sur l'application de la loi relative à la modernisation de l'économie ;
Débat sur les relations entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.
Mercredi 19 mai, l'après-midi :
Débat sur la politique de la ville ;
Débat sur l'évolution de la politique immobilière de l'État.
Il n'y a pas d'opposition ?
Il en est ainsi décidé.
Mes chers collègues, trois nouveaux députés vont exprimer leur premier vote dans cet hémicycle. J'ai l'honneur de saluer en votre nom ces nouveaux collègues : Jacques Houssin, Gérard Menuel, Françoise de Salvador. (Applaudissements.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, mes chers collègues, l'amélioration du dialogue social dans la fonction publique doit être un objectif permanent pour un gouvernement soucieux de la qualité du service public assuré par les fonctionnaires.
Dans le cas présent, nous sommes face à une nouvelle duperie de la part du Gouvernement, qui met en avant un vocabulaire sans que la pratique soit en adéquation avec les mots utilisés.
Ce même gouvernement réussit à obtenir un accord avec six organisations syndicales représentatives en répondant à quelques-unes de leurs revendications, mais ces réponses ne coûtent rien, que ce soit en termes financiers ou en termes juridiques.
C'est donc un leurre et, très rapidement, le débat parlementaire aidant, les véritables intentions du Gouvernement sont apparues : il s'agissait ni plus ni moins que de casser la dynamique créée par la loi de 1984 dans la fonction publique et, une fois de plus, de lui porter un mauvais coup.
Tout à fait !
Plus grave enfin, le Gouvernement utilise le support législatif que constitue ce texte pour engager, en catimini, le processus de mise à mal du système de retraite des fonctionnaires, pour ce qui concerne les infirmiers et infirmières.
Imposer à ces fonctionnaires et aux personnels paramédicaux un marché de dupes à propos de leurs retraites, alors que cela aurait dû être examiné calmement dans le cadre de la réforme globale en préparation, ce n'est pas du dialogue social ! Le Gouvernement décide, sans discuter, la suppression de toute prise en compte de la pénibilité de leurs fonctions.
Supprimer la seule disposition légale qui reconnaissait la pénibilité du métier des infirmiers et infirmières, augure mal…
…des promesses d'ouverture du Gouvernement à l'occasion de la réforme des retraites et contredit les déclarations du chef de l'État du 24 mars dernier.
Le Gouvernement ne peut plus se prévaloir d'un accord avec les syndicats puisque c'est unanimement que ces derniers ont condamné la méthode et sur la forme et sur le fond.
Le ministre Éric Woerth me disait, le 8 avril dernier, que je n'aimais pas l'État. C'est là une accusation grave, que je pourrais facilement lui retourner : quand on appartient à un gouvernement qui, sous couvert de révision générale des politiques publiques, met tout en oeuvre pour démanteler les services publics, qui sont la base indispensable de notre République, on ne défend pas l'État garant de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.
En ce qui me concerne, comme mes collègues du groupe SRC, je suis attaché à l'État s'il joue son rôle de régulateur et de protecteur des citoyens. Ce n'est pas l'État que je n'aime pas, c'est l'instrumentalisation qui en est faite par le Gouvernement.
Par ailleurs, vous témoignez d'une vision rétrograde du rôle des élus territoriaux, et vous voulez rompre purement et simplement l'équilibre de la représentation paritaire, aussi bien au niveau local que dans les instances nationales.
Pourtant, les élus ne sont pas fermés à des évolutions, élaborées dans la concertation, qui améliorent le dialogue social. Le respect de l'équilibre paritaire est un préalable qui détermine beaucoup de choses.
Vous vous êtes inspirés du rapport Fournier de janvier 2002 sur les carences du dialogue social dans la fonction publique de l'État. Les dispositions de votre projet relatives à la fonction publique de l'État sont intéressantes, mais ne peuvent en aucun cas être transposées à la fonction publique territoriale où la composition paritaire des instances permet un dialogue social de qualité. Par votre initiative, vous allez réaliser un alignement par le bas et une forme de mise au pas des syndicats de fonctionnaires territoriaux et, surtout, des élus locaux.
La spécificité de la fonction publique territoriale tendra inéluctablement à disparaître dans une grande instance dominée par l'administration d'État. On en reviendra à la période antérieure à la décentralisation.
Le Gouvernement montre à quel point il méconnaît le rôle des élus dans les collectivités locales et révèle une conception archaïque du rôle de l'élu, plus digne du XIXe siècle, époque où le préfet nommait les maires, que d'une vision moderne où l'élu participe à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques publiques comme partenaire de l'État dans une république décentralisée.
Enfin, le Gouvernement a introduit, par le biais d'amendements de dernière minute, plusieurs mesures instaurant l'intéressement collectif dans la fonction publique en se fondant sur un projet d'accord-cadre pourtant rejeté unanimement par les partenaires sociaux.
L'introduction du concept de productivité représente un risque pour le service public. La fonction publique ne peut pas être soumise à des objectifs de productivité, car l'intéressement collectif des fonctionnaires conduira à mettre les personnels en concurrence et entraînera des injustices et des tensions incompatibles avec la bonne organisation des services.
Quant à la manière, je dois rappeler que c'est en séance que nous avons découvert ces amendements.
Nous n'avons donc pas eu le temps nécessaire pour les étudier. C'est là, une fois de plus, une remise en question du travail du Parlement et, pire encore, le non-respect des principes de dialogue social posés par le projet de loi.
Nous ne partageons, madame la ministre de la santé, monsieur le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, ni la philosophie ni la finalité de ce texte. Pour ces seules raisons, nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les vingt-neuf premiers articles de ce projet de loi auraient pu constituer le tremplin d'un nouveau type de partenariat social. Ils auraient pu nous conduire à penser que vous souhaitiez voir se développer une véritable culture de négociation sur les conditions de travail dans le secteur public, car des avancées importantes ont été obtenues par les syndicats.
Je citerai, par exemple, la généralisation de la logique de l'élection aux organisations syndicales de fonctionnaires ou encore la création d'une instance de dialogue social commune aux trois fonctions publiques.
Ces avancées ne sauraient cependant faire oublier les insuffisances et, surtout, les régressions importantes induites par ce projet de loi.
Tout d'abord, si le relevé de décisions des accords de Bercy parlait d'une évolution du paritarisme, celle-ci est apparue comme une suppression pure et simple.
De plus, imposés par l'emploi d'une méthode pour le moins cavalière – le dépôt d'amendements au dernier moment qui empêche le débat démocratique –, les articles additionnels après l'article 30 sont tout aussi contestables. Loin d'engager la refonte des grilles indiciaires attendue par les agents pour tenir compte de l'évolution de leurs fonctions et de leurs responsabilités, l'un de ces articles se borne à proposer une revalorisation du premier échelon du premier grade et la mise en place d'un grade à accès fonctionnel après le deuxième.
Outre que cette revalorisation ne concerne qu'une infime partie des agents de catégorie A, la création d'un grade à accès fonctionnel ne répond pas, selon les huit organisations syndicales représentatives des trois versants de la fonction publique, aux attentes des personnels. Les organisations demandent donc une réelle négociation sur la refonte des catégories A et A+ pour l'ensemble de la fonction publique.
Toujours avec la même méthode, le Gouvernement a souhaité étendre les principes d'intéressement collectif et individuel à l'ensemble de la fonction publique. Il s'agit non pas de compenser une absence d'augmentation du traitement indiciaire par une prime perçue uniformément par tous les personnels d'un ministère, mais bien d'instaurer davantage de concurrence entre les services et d'exclure certains personnels via une évaluation fondée sur des critères dont on peut discuter l'objectivité. C'est, en réalité, une aggravation des conditions de travail des fonctionnaires.
Enfin, au moyen, cette fois-ci, d'une lettre rectificative, vous avez fait le choix d'anticiper sur la réforme des retraites et sur le dossier de la pénibilité, pour porter atteinte aux droits des personnels des établissements publics de santé. Vous remettez en cause leurs conditions de départ en retraite au nom d'une revalorisation qui leur est due au regard de leur niveau de formation et de leurs responsabilités ; une telle revalorisation avait d'ailleurs été promise par le Président de la République.
On cherche à nous faire croire que le salaire annuel des infirmières devrait être augmenté de 2 000 euros nets en début de carrière et de près de 4 000 euros en fin de carrière. Ce n'est pas la vérité, car vous omettez, sans doute délibérément, de préciser que ces sommes correspondent à la création de trois nouveaux échelons que personne n'aura atteint en 2015 ! Vous avez également omis de prendre en compte le fait que toutes les organisations syndicales se sont prononcées contre le volet salarial de ce protocole.
La rénovation du dialogue social commence donc par un dialogue de sourds, comme je l'ai déjà dit dans la discussion générale.
En effet, ce protocole n'a été signé dans son entier que par le syndicat national des cadres hospitaliers, le SNCH, qui est ultra-minoritaire, alors que la rénovation du dialogue social consacre justement le principe majoritaire en subordonnant la validité d'un accord à la condition qu'il ait été signé par une organisation syndicale ayant réuni au moins 50 % des voix. Le SNCH en représente à peine 1 %, mais c'est lui que vous considérez. Ce n'est pas admissible !
Permettez-moi de vous rappeler qu'un dialogue est en principe une discussion qui vise à ce que les deux parties trouvent un terrain d'entente.
Or ce texte, notamment par l'inacceptable chantage qu'il exerce sur les infirmières et les infirmiers, n'est en réalité qu'un vaste monologue dans lequel le Gouvernement confirme sa volonté de mettre au pas les fonctionnaires et de démanteler ce qu'il reste de nos services publics.
Pour toutes ces raisons, nous voterons bien sûr contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte sur lequel nous sommes amenés à nous prononcer aujourd'hui est le fruit d'un long travail de concertation entre l'État et les partenaires sociaux, le fruit d'un dialogue constructif qui a abouti à un projet de loi, lequel trouve ici son équilibre.
À ce titre, je tiens à rendre un hommage tout particulier à mon collègue et ami, André Santini, qui a, en tant que secrétaire d'État, initié ce projet de loi et largement contribué à sa rédaction. Ce texte, je le rappelle, s'inscrit dans la continuité des actions menées par les gouvernements successifs depuis 2002 en faveur du dialogue social et de la négociation collective. Il consacre aussi les évolutions profondes du dialogue social, un des piliers de notre démocratie, dont il convenait de redéfinir le cadre afin de continuer à le faire vivre, à le développer, à le rendre le plus riche possible.
À cet égard, même si l'accélération des réformes engagées auxquelles je faisais référence avait déjà produit ces dernières années des effets sensibles, le rapport hiérarchique qui existe aujourd'hui encore dans la fonction publique méritait d'être révisé en raison des règles de fonctionnement qui étouffaient parfois le dialogue social plus qu'elles ne le favorisaient. En effet, le dialogue au sein des organismes, strictement cantonné à certains sujets, est trop formel, pour ne pas dire obsolète, impliquant de fait une déficience de la représentativité.
Or, et je reviendrai sur ce point, dans une démocratie sociale rénovée, nous avons besoin de syndicats dont la légitimité soit incontestable, car un syndicat plus légitime, c'est un syndicat qui négocie plus efficacement au nom des salariés qu'il représente et qui sait trouver avec ses interlocuteurs des solutions adaptées à tous.
Ce texte actualise les modalités du dialogue en modifiant les conditions de représentativité et d'accès aux élections des organisations syndicales dans les différentes fonctions publiques. Ces conditions relèvent du bon sens : d'une part, exister depuis au moins deux ans et, d'autre part, vérifier le respect des critères d'indépendance et le respect des valeurs républicaines.
Rappelons une nouvelle fois que les accords de Bercy du 2 juin 2008, à l'origine de cette réforme, ont été signés par six des huit syndicats de fonctionnaires.
J'en viens maintenant à l'article 30, qui reconnaît la formation des professions infirmières en leur offrant la possibilité de passer en catégorie A et, de fait, de bénéficier d'une revalorisation salariale. Nous pensons, pour notre part, que cette avancée est méritée ! Elle introduit une plus grande justice sociale pour les infirmiers et infirmières, valeur à laquelle nous sommes très attachés sur les bancs centristes de cette assemblée.
Désormais, tout infirmier ou infirmière pourra donc, dès le mois de juin, opter pour un passage en catégorie A de la fonction publique hospitalière et bénéficiera ainsi d'un supplément de rémunération d'environ 2 000 euros nets par an, dès décembre, tout en prolongeant de cinq ans sa carrière professionnelle.
Les infirmiers et infirmières actuellement en poste pourront néanmoins choisir de maintenir leur droit à la retraite à cinquante-cinq ans, avec, dans ce cas, une revalorisation moindre. Pour les futurs diplômés, cette reconnaissance sera automatique et leur vaudra de débuter leur carrière directement en catégorie A.
Je profite de cette occasion pour rappeler que, dans cette même logique, nous veillerons à ce que soit accordée une attention particulière à la question de la pénibilité du travail dans le cadre des réformes que nous envisageons.
Pour conclure, vous l'aurez compris monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre et apparentés approuve l'esprit et les modalités de ce projet de loi qui va incontestablement dans le bon sens, celui de la modernisation du dialogue social, et donc de la recherche d'un véritable progrès social, construit pas à pas, avec pragmatisme et réalisme. C'est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous mesurons tous l'importance du texte sur lequel nous allons nous prononcer dans quelques instants.
C'est en effet la première fois depuis 1946, depuis le vote du premier statut général de la fonction publique, que le Parlement est appelé à fixer le cadre général dans lequel doit se développer le dialogue social dans la fonction publique.
Depuis cette époque, bien des choses ont changé. La fonction publique a changé dans ses effectifs, ses métiers et ses méthodes. À côté de la fonction publique d'État, on a vu émerger une fonction publique territoriale et une fonction publique hospitalière. Les syndicats ont changé, cultivant de moins en moins l'idéologie et recherchant de plus en plus le pragmatisme. Le management lui-même a changé, car si la hiérarchie administrative demeure, l'exercice de l'autorité est aujourd'hui constamment éclairé par des procédures de consultation préalable. Les exigences du public ont changé, car il ne demande plus seulement qu'un service soit rendu ; il attend un service à la fois performant et économe des deniers publics.
Ce changement profond du paysage exigeait un changement profond des règles du dialogue social. C'est ce que le Gouvernement nous propose, en nous soumettant un texte ambitieux qui révise les conditions de représentativité des syndicats, sujet ô combien sensible, chacun le sait ; qui généralise les pratiques d'élection ; qui assure la représentation de tous les agents, quel que soit leur statut, qu'ils soient fonctionnaires ou contractuels ; qui ouvre très largement le champ de la négociation collective dans les administrations et qui repense fondamentalement les règles du paritarisme. L'important, aujourd'hui, n'est pas de savoir s'il y a autant de représentants des syndicats que des administrations. L'important, c'est de savoir s'il y a autour de la table les personnes compétentes pour faire avancer les sujets traités dans le cadre du dialogue social.
Je voudrais, à ce stade, souligner rapidement trois points.
Premièrement, l'ambition du Gouvernement n'est pas solitaire. Elle est partagée avec les organisations syndicales puisque cette loi est en réalité la traduction législative des accords syndicaux de Bercy, qui ont été signés par six syndicats sur huit représentant les trois quarts des effectifs de la fonction publique. Je voudrais à cette occasion saluer le sens de la responsabilité des organisations syndicales et, je l'avoue, j'aurais aimé que le sens de l'intérêt général prévale de la même manière sur tous les bancs de cet hémicycle.
Deuxièmement, ce texte illustre notre conception des relations avec les organisations syndicales. Nous ne sommes pas dans une logique systématique d'affrontement ; nous ne sommes pas non plus dans la perspective d'un affaiblissement des organisations syndicales. Nous avons la conviction que la France a besoin d'une économie vigoureuse et d'une société solidaire. Elle a donc besoin à la fois d'entreprises fortes et de syndicats responsables. On sait très bien que, dans les entreprises comme dans la fonction publique, un syndicat est plus responsable quand il est plus fort. Alors, disons-le clairement : nous souhaitons un syndicalisme fort, dans la fonction publique comme dans les entreprises.
Troisièmement, j'évoquerai l'entrée de l'intéressement dans la fonction publique. Il faut le rappeler, l'intéressement est, comme la participation, une idée gaullienne. C'est le général de Gaulle qui a créé l'intéressement dans les entreprises privées en 1959. C'est Jacques Chirac qui a étendu l'intéressement aux entreprises publiques en 1987. Et c'est Nicolas Sarkozy qui, avec François Fillon, en 2010, parachève cette oeuvre en étendant l'intéressement à l'ensemble des fonctions publiques.
Je voudrais exprimer un regret, s'agissant de la polémique qui a entouré le débat sur le statut des infirmières hospitalières. Il était pourtant urgent, chacun peut en convenir, que ces personnels soient reclassés en catégorie A, puisqu'ils sont recrutés désormais au niveau de la licence. Il était logique de mettre fin à ce qu'il faut bien appeler une distorsion injustifiable entre les infirmières publiques et les infirmières privées, les premières pouvant partir à la retraite à cinquante-cinq ans, les autres à soixante. Elles faisaient pourtant le même métier et l'on ne peut pas dire que la pénibilité est plus grande dans les hôpitaux publics que dans les cliniques privées.
Le système proposé par le Gouvernement est fondé sur le droit d'option, respectueux du choix des personnels et, par conséquent, cette disposition reçoit notre plein accord. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 508
Nombre de suffrages exprimés 508
Majorité absolue 255
Pour l'adoption 319
Contre 189
(Le projet de loi est adopté.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean Gaubert, pour le groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, mes chers collègues, le texte que nous sommes appelés à voter – ou à ne pas voter – était très attendu. Il s'est même fait attendre, car il a été inscrit à plusieurs reprises à l'ordre du jour. Au regard de ce qu'il est advenu, il aurait pu attendre encore un peu ! Certes, il procède de bonnes intentions : moraliser, réguler et responsabiliser, qui n'adhérerait pas à de telles propositions ? Nous avons, pour notre part, abordé l'examen de ce texte sans a priori, tant les déclarations de Mme la ministre nous semblaient encourageantes.
Trois sujets principaux nous ont occupés longuement.
D'abord, le crédit revolving, ou crédit renouvelable, qui apparaît dans 85 % des dossiers de surendettement et dont nous avons souhaité la suppression. Vous avez, de votre côté, voulu un aménagement qui, en réalité, n'est que cosmétique et n'apportera aucun changement. Nous n'avons donc pas pu nous entendre sur ce point.
Ensuite, le taux d'usure, qui est aujourd'hui de 20 %, voire plus dans certains cas. Chacun sait que c'est un des moyens pour les banques – entre autres ! – de gagner beaucoup d'argent sur le dos des pauvres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) D'une façon générale, les banques gagnent bien plus d'argent sur le dos des pauvres que sur celui des riches !
Nous avons proposé de baisser ce taux. Nous ne sommes pas les seuls puisque M. Delevoye, le Médiateur de la République, a lui-même dit dans un rapport que, lorsque le taux pratiqué s'élevait à plus de 10 %, les consommateurs ne pouvaient pas rembourser le prêt principal. Pour autant, nous n'avons pas été entendus. En outre, vous avez proposé une réforme du taux d'usure qui aboutira, pour certains prêts, à une augmentation de ce qui était déjà insupportable.
Enfin, nous avons discuté du fichier positif. Le débat a été long et riche. Après le premier point qui avait été acquis au Sénat, c'est-à-dire un rapport, nous aurions un peu progressé, puisqu'on nous a proposé une « préfiguration ». Si je ne cite pas la phrase de Clemenceau, je ne peux m'empêcher d'y penser !
Pourquoi une telle frilosité sur ce dossier ? Tout simplement parce que nous savons que, dans notre pays, la Banque de France et certaines grandes banques n'y sont pas favorables.
Pourquoi n'y sont-elles pas favorables ? Tout simplement parce que, hormis la Banque de France, elles détiennent illégalement leur propre fichier, ce qui leur suffit. De plus, cela leur donne un avantage concurrentiel par rapport à d'autres banques qui n'ont pas la pratique du crédit à la consommation, je pense, en particulier, à La Banque postale. C'est le moyen pour elles d'empêcher les autres d'entrer sur le marché.
C'est la vraie raison et c'est ce que le Gouvernement a voulu continuer de protéger !
Un autre élément a été évoqué, certes en dehors de cet hémicycle, à savoir la crainte de voir des banques étrangères pénétrer sur notre territoire. Comme si les banques françaises n'entraient pas sur le marché des autres pays ! Le bon libéralisme tend, bien évidemment, à se protéger chez soi pour attaquer les marchés des autres.
Nous avions déjà bien assez de raisons de changer d'avis, donc de voter contre ce texte en trompe-l'oeil,…
…inspiré par et pour les prêteurs contre les emprunteurs.
Le comble de tout cela, c'est qu'après des heures et des heures de débat, Mme la ministre, non présente aujourd'hui mais représentée, a osé mettre en cause le vote de notre assemblée sur trois amendements. J'oserai même ajouter qu'elle a humilié l'Assemblée nationale et, en premier lieu, les députés UMP à l'origine de ces amendements que nous avions soutenus, puisque nous en avions déposé d'identiques.
Cette humiliation n'est ni à l'honneur du Parlement ni à celui de ce gouvernement. Quels étaient les objectifs de ces trois amendements qui, sans doute, bouleversaient véritablement les choses ? D'abord, l'exigence de la double signature pour les crédits à la consommation. Nous savons tous que le défaut de double signature est certes à l'origine de quiproquos, mais souvent de situations dramatiques pour celui qui n'a pas su que son conjoint s'était endetté. Ensuite, la moralisation du démarchage du crédit à domicile, amendement présenté par notre collègue Lionel Tardy. Enfin, tenez-vous bien, la remise en cause du projet de livret épargne pour les microcrédits. Ainsi, rien n'est passé, aucun amendement ne devait être voté ! Tel est le sens du dialogue de ce gouvernement !
Dans ces conditions, je l'ai dit tout à l'heure, si nous avions déjà des raisons suffisantes de voter contre ce projet, nous en avons une de plus. Et si nous avions encore le moindre état d'âme, tel n'est plus le cas ! Ce débat était bouclé d'avance. Nous ne pourrons donc pas nous associer à cette mascarade ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Monsieur le secrétaire d'État, nous avons beaucoup d'estime pour vous, mais nous regrettons que Mme Lagarde soit défaillante ! Certes, elle se trouve en Chine, mais le Président et son épouse s'y trouvant aussi, on peut se demander ce qu'elle va y faire, surtout sachant le rôle des ministres lorsque Sa Majesté impériale est elle-même présente ! (Sourires.)
Nous sommes aujourd'hui réunis pour procéder au vote du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation. Vu l'état de notre démocratie, dont les fondements sont chaque jour un peu plus sapés par le Président de la République, c'est presque quelque chose d'exceptionnel que de solliciter encore le vote des représentants de la nation ! En réalité, monsieur le secrétaire d'État, et vous le savez pour avoir lu le compte rendu des débats au Journal officiel, il s'agit d'une farce, non d'une farce confectionnée par les excellents artisans que vous fréquentez, mais d'une farce au sens lyonnais, donc d'une mauvaise farce de Guignol ! Le déroulement des débats sur ce texte l'a, une fois de plus, tristement illustré.
Nous n'étions pas assez naïfs pour penser que le Gouvernement allait accepter les amendements du groupe de la gauche démocrate et républicaine, ni même ceux du groupe socialiste, Jean Gaubert vient de le rappeler. Après tout, on peut bien considérer comme démocratiquement acceptable, à défaut d'être réellement démocratique, le fait que la majorité gouverne seule, même si les remarques de l'opposition relèvent parfois, voire souvent, du bon sens. Nous ne nous attendions donc pas à ce que vous transformiez en profondeur ce mauvais texte. Mais je dois dire que le mépris avec lequel le Gouvernement a traité sa propre majorité, et, par conséquent, l'institution parlementaire dans son ensemble, nous a laissés pantois, au moins dans un premier temps. Au point que je me demande, ma chère collègue qui remplacez M. Borloo sur ces bancs – et je m'adresse également à vous, monsieur le président, qui êtes médecin –, s'il n'y a pas sur les bancs de l'UMP des collègues qui ont une caractéristique morphologique particulière ou une vertu « gastro-entérologique » exceptionnelle ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La caractéristique morphologique serait de ne pas avoir de colonne vertébrale et la vertu gastro-entérologique serait d'avoir un estomac permettant d'avaler toutes les couleuvres ! (Sourires sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Alors que votre majorité avait adopté un certain nombre d'amendements qui visaient à améliorer, au moins à la marge, votre projet initial, la ministre s'est obstinée à « faire sauter » ces dispositions, un tant soit peu utiles, en imposant une seconde délibération. Avec cette arme antiparlementaire par excellence, toujours pas mieux encadrée par la réforme constitutionnelle dont vous prétendiez pourtant qu'elle allait « revaloriser le rôle du Parlement », vous avez réussi à revenir sur l'interdiction du démarchage à domicile, cette pratique commerciale extrêmement pénible, voire agressive, qui confine au harcèlement des plus faibles en particulier. De même, vous êtes revenus sur ce qu'on appelle la « double signature », à savoir le fait de demander la signature des deux conjoints lors de la contraction d'un crédit afin d'éviter que l'un des conjoints se retrouve à son insu avec une dette énorme sur le dos. Laquelle ou lequel d'entre nous n'y a pas été confronté dans sa permanence ?
Pourquoi ne pas avoir accepté ces améliorations pourtant modestes et souhaitées par votre propre majorité ? Pourquoi ne pas avoir présenté un texte qui réponde réellement au fléau du surendettement ? Ce fléau qui touche plus 800 000 foyers et dont l'origine est à chercher dans le concours d'un accident de la vie indépendant de la volonté des victimes, de la faiblesse générale des salaires et d'un appétit indécent et insatiable des établissements de crédit, premiers bénéficiaires de la misère des familles qu'ils tondent.
Pourquoi ? Tout simplement parce que, contrairement à la plupart de nos concitoyens, vous vivez dans un monde totalement déconnecté de la réalité. Votre vision de l'économie est tellement déformée qu'elle ne prend en compte que les intérêts des grands groupes et des banques. Je vous rappelle que le coût des crédits renouvelables dépasse 50 % au bout de quelques années, alors que les banques, elles, s'approvisionnent en liquidités à un taux annuel d'environ 2 %. De l'argent toujours moins cher pour les uns, des taux d'usure extraordinairement élevés pour la majorité ; 2 milliards de bonus pour les traders en 2009 d'un côté, 2 millions de personnes surendettées de l'autre ; près de 8,5 milliards d'euros de bénéfices nets pour BNP Paribas et le Crédit agricole, principaux acteurs du crédit à la consommation, contre une hausse de 18 % du surendettement et plus de 600 000 emplois détruits depuis le début de la crise !
Je vous remercie, monsieur Brard, d'indiquer le sens du vote de votre groupe.
C'est un sens complexe, monsieur le président !
Voilà le système dans lequel vous vous situez. Parce que vous ne voulez pas mettre fin au crédit renouvelable et que vous vous opposez à la création d'un crédit social, nous allons renouveler notre opposition à votre politique perverse – dont participe également le texte sur les paris en ligne – qui vise à enrichir les privilégiés au détriment des plus modestes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
D'ores et déjà, je fais annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, mes chers collègues, il y avait urgence à moderniser notre législation relative au crédit à la consommation.
Nous l'avons fait !
Le changement de nos comportements quotidiens et la violente crise économique et sociale qui secoue notre pays justifient cette urgence. Quatorze millions de Français font appel au crédit à la consommation, neuf millions au crédit renouvelable et, parmi eux, plus de 213 000 par an déposent un dossier de surendettement, soit un taux d'augmentation de plus de 18 % entre 2008 et 2009. Bref, si la France demeure un pays d'épargnants avec un taux d'épargne de 16 % sur le total de nos ressources, ce qui reste un record en Europe, les temps changent aussi dans notre pays. Cette signature française d'un peuple épargnant, nous l'avons affirmé avec force pendant ces débats, n'est pas un archaïsme, mais une chance. Le drame actuel du peuple grec nous le rappelle avec acuité. Vous et nous devons en être fiers. Il reste que le crédit à la consommation bien utilisé est légitime et mérite l'attention du législateur.
Soyons clairs, le projet de loi du Gouvernement est un vrai texte normatif qui, une fois adopté, changera directement la vie quotidienne des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le Nouveau Centre salue les avancées pratiques que sont l'encadrement de la publicité sur ce type de produit financier, l'allongement du délai de rétractation de sept à quatorze jours, ainsi que, pour la première fois dans notre législation, un véritable dispositif de promotion du microcrédit.
Belle histoire que celle du microcrédit ! Belle leçon que donnent les pays émergents, et notamment un des plus pauvres d'entre eux, le Bangladesh, aux pays développés ! Cette leçon est simple : les gens modestes remboursent aussi bien leurs prêts que les riches pour des questions d'honneur et pour des raisons économiques. Il était important pour la France d'écouter les leçons de Mohammed Yunus, prix Nobel de la paix en 2006, et de libérer l'énergie des familles modestes de notre pays et de leurs projets. Le texte du Gouvernement ouvre la porte à cette libération. Cela mérite d'être salué, même s'il faut avoir conscience que nous devons aller beaucoup loin dans ce domaine.
Reste, monsieur le secrétaire d'État, que vous et le Gouvernement êtes à la croisée des chemins. Le carrefour, le révélateur, ce sera ce que vous ferez du répertoire national du crédit. Si, pour une énième fois, le Gouvernement nous refait le coup du père Clemenceau, à savoir une bonne commission, rebaptisée pour l'occasion « instance de préfiguration », suivie d'un nouvel enterrement administratif, alors votre texte et cette réforme ne seront qu'un texte, qu'une réforme d'ajustement, certes utile, mais minime et limité.
Mais si, au contraire, le Gouvernement met en place, dans les douze mois à venir, le répertoire national du crédit, alors cette réforme fera date parce qu'elle osera traiter du coeur du problème, à savoir l'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur par le prêteur.
Les centristes ont choisi de faire confiance (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…
…au président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, artisan de ce compromis auquel nous avons pris une part décisive sur une question qui nous tient à coeur depuis 2003, et de faire confiance à Mme la ministre. Nous donnons du crédit à sa parole qui a résonné fortement dans cet hémicycle et je me permets de la citer : « aujourd'hui, nous ne discutons plus de l'opportunité de ce répertoire, elle est acquise, nous discutons de sa mise en oeuvre ».
Mais, pour nous centristes, fidèles à la devise de la Banque de France, « la confiance n'exclut pas le contrôle ».
Dans le cadre de l'instance de préfiguration instituée par la loi, le Nouveau Centre défendra le principe d'un répertoire dont les informations seront détenues par la Banque de France (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), un répertoire consultable par les organismes prêteurs après autorisation de l'emprunteur et qui engagera leur responsabilité. Nous avons donc choisi de faire le pari de ce compromis, car il nous semble être une avancée décisive vers l'organisation de rapports plus sains entre emprunteurs et prêteurs.
Ne nous décevez pas ! Ne décevez pas l'ensemble des parties prenantes de ce problème humain extrêmement sensible qu'est le surendettement.
Fidèles à nos convictions de toujours sur ce dossier, nous serons à vos côtés, vigilants, pour vous rappeler vos paroles audacieuses prononcées dans l'hémicycle le vendredi 9 avril.
Parce que nous avons fait ce choix, celui de l'audace vigilante (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) les centristes apporteront leur soutien à cette réforme qui peut devenir une des belles, une des grandes réformes de ce mandat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, année après année, nous ne pouvons que constater l'ampleur des dégâts provoqués par le surendettement en lisant le nombre sans cesse croissant de dossiers soumis aux commissions départementales de surendettement.
Certes, le recours au crédit permet indiscutablement de favoriser tout un pan de notre économie en facilitant certaines transactions, sans attendre que le consommateur ait épargné les sommes nécessaires pour concrétiser son acte d'achat, et près de 14 millions de ménages ont aujourd'hui au moins un prêt à la consommation en cours.
La grande majorité d'entre eux supportent sans souci ces prêts. Malheureusement, beaucoup trop de foyers sont aspirés dans cette spirale infernale de l'accumulation de crédits délivrés à la va-vite sur le lieu de vente, sans mise en garde réelle, et c'est alors que les difficultés apparaissent avec leur cortège de conséquences désastreuses : impayés, huissiers, saisies, expulsions, voire divorce ou même suicide.
Ce constat dressé, nous devons bien admettre que le remède législatif à un tel fléau a tardé à venir.
Je souhaite donc féliciter publiquement Mme la ministre qui a courageusement pris ce sujet à bras-le-corps et soumis à la représentation parlementaire, un texte ambitieux, volontariste, courageux,…
…visant à préserver le consommateur de la délicate situation de surendetté.
À l'occasion des débats de ces derniers jours, j'ai parfois fait part de mon « impatience » à voir mises en place certaines mesures qui auraient permis plus encore de renforcer la sécurité de l'emprunteur…
…mais, globalement, ce projet de loi répond parfaitement au problème posé. En outre, la ministre a su entendre les remarques formulées par les sénateurs et les députés pour faire de ce texte un véritable outil de prévention du surendettement.
Grâce au renforcement des règles applicables en matière de publicité, qu'il s'agisse des encarts publiés dans les magazines de programmes TV ou des publicités objets de mailing, il ne sera dorénavant plus possible de faire croire au consommateur que le recours au crédit peut améliorer sa situation financière.
Emprunter doit être considéré comme un acte majeur qui engage l'emprunteur à rembourser. Cette simple affirmation peut sembler dérisoire, mais c'est certainement l'absence d'une telle mention qui fait oublier à bon nombre de consommateurs l'importance de leur engagement.
Le renforcement des conditions d'obtention d'un crédit grâce à une vérification accrue et systématique de la solvabilité de l'emprunteur devrait aussi contribuer à limiter les cas de surendettement. C'est là un devoir de contrôle que les prêteurs ont depuis trop longtemps traité de façon trop légère. Il était bon de les replacer aussi devant leurs responsabilités.
Cet objectif en termes de contrôle de solvabilité sera, à mon sens, totalement atteint lorsqu'un fichier positif sera mis en place. Là encore, je remercie Mme la ministre d'avoir accédé à nos demandes en acceptant l'amendement que j'ai déposé avec plusieurs de mes collègues pour ramener à douze mois seulement, au lieu de dix-huit, le délai sous lequel devra lui être remis le rapport sur la création de ce fichier positif.
À n'en pas douter, ce texte devrait très rapidement porter ses fruits et nous ne pouvons que nous en réjouir, car c'est aussi une réponse adaptée qui est apportée aux attentes des consommateurs et des associations représentatives.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP soutient ce texte et votera le projet de loi qui lui est soumis. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 501
Nombre de suffrages exprimés 497
Majorité absolue 249
Pour l'adoption 308
Contre 189
(Le projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de M. Marc Laffineur.)
L'ordre du jour appelle le débat sur les contrôles des passagers des transports aériens dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
L'organisation de ce débat ayant été demandée par la commission des affaires européennes, la parole est à son président, M. Pierre Lequiller.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, mes chers collègues, avec les présidents Jean-Luc Warsmann et Christian Jacob, j'ai proposé le thème de notre débat d'aujourd'hui, la sûreté du transport aérien dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, d'une part, parce c'est à l'évidence un sujet essentiel dans la mesure où il concerne la vie même de nos concitoyens mais aussi la défense des libertés individuelles, et, d'autre part, parce que c'est un exemple éclairant de la nécessité de mener une action européenne.
Que ce soit dans le domaine de la sécurité aérienne, nous venons de le voir à propos de l'éruption du volcan islandais, ou dans celui de la sûreté aérienne et de la lutte antiterroriste, sujet du débat d'aujourd'hui, la condition de l'efficacité est en effet d'avancer ensemble.
S'il convient de mettre en perspective les risques réels, le danger d'actions terroristes visant le transport aérien reste, hélas, d'actualité. Aussi est-il de la responsabilité première des pouvoirs publics, européens et nationaux, de définir le point d'équilibre entre l'acuité de la menace, le confort des passagers et la défense des libertés individuelles.
Dans la ligne des travaux de notre assemblée sur ces sujets, je voudrais insister rapidement sur deux points principaux : d'une part, la nécessité pour le législateur de ne pas s'effacer devant les experts, s'agissant notamment des systèmes de sûreté, et, d'autre part, l'attention majeure qui doit être portée au respect des libertés fondamentales, notamment en matière de transfert de données.
S'agissant des systèmes de sûreté, avant le traité de Lisbonne les prescriptions européennes étaient élaborées en comitologie, par des groupes d'experts. Les experts compétents ont ainsi décidé en 2008 qu'il convenait de prévoir l'usage du scanner corporel dans les aéroports européens. Face à cette décision impliquant les libertés individuelles, la commission des affaires européennes, sur le rapport de nos collègues Didier Quentin et Marietta Karamanli, a adopté en décembre 2008 des conclusions s'opposant à la décision du comité d'experts, en soulignant la nécessité de mettre en place dans ce domaine un cadre législatif. Le Parlement européen est allé dans le même sens.
La question des scanners est redevenue d'actualité après la tentative d'attentat avortée de décembre dernier sur le vol Amsterdam-Detroit. Dans ce contexte, les États membres ont souhaité renforcer les mesures de contrôle, notamment par la technique du scanner.
À la suite des travaux de notre commission, nous avons eu sur ce sujet un dialogue très constructif avec le Gouvernement – avec vous, monsieur le secrétaire d'État – qui a débouché il y a quelques semaines sur un amendement de notre collègue Didier Quentin au projet de loi LOPPSI, pour encadrer en France le déploiement à titre expérimental du scanner corporel. Pourriez-vous nous préciser l'état actuel de la négociation communautaire à propos de ces dispositifs de contrôle, s'agissant en particulier du scanner ?
Au-delà de la question des scanners, celle, plus générale, de la proportionnalité des mesures de contrôle de sûreté demeure. Pouvez-vous nous indiquer où nous en sommes à présent à ce sujet, sur le plan national comme sur le plan européen ?
Le second aspect de notre débat d'aujourd'hui concerne les transferts de données, sujet sur lequel reviendra directement notre excellent rapporteur Guy Geoffroy, qui suit cette question de façon permanente.
La CNIL, par la voix de son président, notre collègue sénateur Alex Türk, nous a ainsi fait part en commission de son inquiétude devant la mise en oeuvre en Grande-Bretagne du dispositif de renforcement des contrôles frontaliers e-Borders, qui implique la transmission de nombre de données personnelles concernant les voyageurs à destination du Royaume-Uni.
L'échange de données entre les compagnies et les autorités étatiques a donné lieu à une résolution de notre assemblée sur la proposition de décision relative à l'utilisation des données des dossiers de passagers – données dites PNR – à des fins répressives. Cette résolution a été adoptée par notre commission, sur le rapport de Guy Geoffroy, en février 2009, et est devenue, sur la base d'un rapport de la commission des lois, définitive en octobre dernier.
Sans détailler le contenu de cette résolution, ce qui sera fait par Guy Geoffroy, je rappelle que, tout en considérant comme nécessaire la mise en place d'un système européen dans ce domaine, elle avait notamment souligné que le plein respect du droit à la vie privée et du droit à la protection des données devait être assuré à chaque étape de la collecte et du traitement des données, et qu'un encadrement strict devait être prévu s'agissant des transferts de données vers les États tiers.
Dans le nouveau contexte du traité de Lisbonne, le Parlement européen s'est impliqué activement dans le débat PNR, à propos de la renégociation de l'accord de juillet 2007 entre l'Union européenne et les États-Unis, comme il s'est activement impliqué dans le débat sur le projet d'accord SWIFT.
Cette implication du Parlement européen, qui renforce la nature démocratique de l'Union, doit, dans le même esprit, aller de pair avec une implication accrue des parlements nationaux.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous indiquer quelles suites ont été données à la résolution de l'Assemblée sur les PNR et où en sont précisément les négociations communautaires dans ce domaine ? Quelles sont à cet égard les positions actuelles du Parlement et du Conseil ? (Applaudissements.)
La parole est à M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des affaires européennes et de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la séance qui nous réunit cet après-midi est importante parce qu'elle fait suite à de nombreux débats tant au sein de la commission des affaires européennes qu'au sein de la commission des lois sur toutes ces questions. Elle porte sur des sujets éminemment importants dans le monde d'aujourd'hui, caractérisé par une aspiration permanente à la fois à plus et mieux de liberté et à plus et mieux de sécurité.
Depuis le « 11 septembre », le souci de sécurité a pris des dimensions qui débordent largement le cadre national, qui ne peuvent échapper au cadre européen et nous concernent, bien au-delà, à l'échelle internationale.
Nous le savons, conjuguer – ce par la voie de l'intervention du Parlement puisqu'il s'agit des libertés fondamentales – les deux aspects essentiels auxquels nous aspirons que sont la sécurité et la liberté d'aller et de venir, n'est jamais évident. Nous pouvons nous rappeler que, déjà sous la IIIe République, alors que le Parlement essayait de lutter contre le mouvement anarchiste, qui avait causé la mort de pas moins qu'un Président de la République, les lois qui en étaient sorties avaient été appelées par certains des « lois scélérates », preuve qu'en la matière l'accord et l'unanimité ne vont pas de soi.
Je souhaiterais aujourd'hui rappeler quelques éléments de la réflexion de la commission des affaires européennes sur deux sujets que le président Lequiller a abordés. Le premier est celui des échanges d'outils d'information pour prévenir les actes terroristes. Le second, sur lequel d'autres reviendront de manière plus précise que moi, concerne le contrôle physique des passagers.
Nous le savons, depuis le 11 septembre, les exigences américaines en matière de connaissance des données concernant les passagers qui atterrissent sur le sol américain n'ont cessé de croître. La pression exercée par les États-Unis sur l'Europe a conduit à ce que l'on a appelé un accord provisoire ; mais peut-on parler d'accord, tant ce texte a été dicté par une exigence unilatérale à laquelle l'Europe a été, malgré elle, priée de se plier ?
J'avais en son temps évoqué en commission des affaires européennes ces questions. J'avais émis – et la commission avait bien voulu me suivre – un avis favorable à ce présumé accord, tout en relevant ses limites et en insistant sur la nécessité de revenir dessus tôt ou tard.
Or il sera dorénavant possible de le faire parce que le traité de Lisbonne a rebattu les cartes en donnant au Parlement européen et aux parlements nationaux de nouveaux droits en la matière, qu'il faut utiliser. Nous ne pouvons qu'être satisfaits de savoir que récemment, le 22 avril, en séance plénière, la commissaire européenne aux affaires intérieures a annoncé qu'elle proposerait ce que nous avions proposé nous-mêmes : un paquet PNR combinant une dimension européenne – le rapprochement entre les politiques nationales – et une stratégie à l'égard des autres pays, en particulier des États-Unis, de l'Australie et du Canada.
Tout cela doit se faire dans la vigilance mais également avec un optimisme raisonnable, parce que nous savons que, depuis les péripéties de l'accord SWIFT, dont nous avons également eu l'occasion de parler récemment à la commission des affaires européennes, les États-Unis sont plutôt demandeurs d'un nouvel accord, et nous devons, pour avancer, profiter de cette demande mais également de leur compréhension de l'évolution du système et des dispositifs institutionnels dans notre pays et en Europe. Il sera intéressant, monsieur le secrétaire d'État, de connaître votre sentiment sur cette stratégie PNR à l'échelle nationale et européenne.
En ce qui concerne le contrôle physique des passagers, je serai bref, car je sais qu'Odile Saugues en parlera ; elle a accompli au nom de la commission un excellent travail en la matière, tout comme Marietta Karamanli et Didier Quentin.
Je souhaite dire notre extrême sensibilité à cette question des scanners tels qu'ils ont été expérimentés. Fort heureusement, cette expérimentation a été abandonnée, le Parlement européen ayant exercé une pression positive. Nous avons pu, grâce au Gouvernement – il faut vous en remercier, monsieur le secrétaire d'État –, faire passer un amendement, déposé par Didier Quentin, sur la loi LOPPSI. Nous avons, là aussi, besoin de connaître votre position concernant l'engagement de la France sur ces sujets.
Ce qui est important, chers collègues, c'est que nous soyons à même, en soutenant le Gouvernement et les efforts de nos autorités au sein de l'Union européenne, d'atteindre l'ensemble des objectifs relatifs à la sécurité et aux libertés, en garantissant entre ces éléments une véritable proportionnalité, indispensable à l'avancée sur toutes ces questions dont la France, l'Europe et nos concitoyens ont besoin. (Applaudissements.)
La parole est à M. Yanick Paternotte, au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il est heureux qu'un des premiers débats tenus par notre assemblée à l'occasion de cette semaine dite de contrôle – la bien nommée – soit consacré, à la demande de notre commission des affaires européennes, aux sujets essentiels de la préservation de la sûreté, de la lutte contre le terrorisme, dans un secteur d'activité clé, comme nous le mesurons chaque jour et davantage encore ces derniers jours, celui du transport aérien.
Représentant dans ce débat le président de la commission du développement durable, notre excellent collègue Christian Jacob, je voudrais en premier lieu vous rappeler l'intérêt tout particulier qu'attache cette commission aux questions que posent les transports aériens en général, celle de la sûreté en particulier. Elle le fait régulièrement lors de l'examen du budget annuel des transports aériens ; elle a également pu étudier ces sujets dans les nombreux débats qui se sont tenus depuis bientôt près de deux ans dans le cadre des textes du Grenelle de l'environnement.
S'il est de fait que la plupart des attentats visant les passagers et les modes de transport des dernières années sont survenus dans des métros, des trains ou des autobus, une vigilance extrême s'impose à nous pour le secteur du transport aérien. Nous avons bien entendu tous à l'esprit les attentats épouvantables du 11 septembre 2001 et ceux déjoués à Londres en août 2006.
Il me paraît nécessaire que la mesure simple et efficace dont l'Europe a su se doter – je parle de la limitation de l'emport en cabine des substances liquides, gels et aérosols –, mesure qui certes n'est pas toujours très populaire mais qui est aujourd'hui en vigueur dans plus de soixante pays, soit maintenue en attendant que les alternatives technologiques qui permettraient de détecter les substances dangereuses pour le transport aérien soient réellement au point.
Nous entendons régulièrement dénoncer – c'est un peu moins le cas ces derniers temps – ce qui constituerait un « excès des mesures physiques de contrôle » dans les aéroports. Mais il faut insister sur le fait que la politique de sûreté aérienne est malheureusement toujours à l'ordre du jour et que les menaces qui pèsent sur nous tous sont récurrentes.
Certes, l'amplification nécessaire des contrôles ne doit pas, comme Guy Geoffroy l'a rappelé, aller à l'encontre des libertés et de l'intégrité des personnes, et il est heureux que la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI, récemment adoptée en première lecture par notre Assemblée, prévoie un encadrement des dispositifs de scanners corporels, dont l'usage est ainsi autorisé à titre expérimental et pour une durée limitée, en particulier à Roissy, où il y en a un exemplaire, au terminal 2E.
Pour autant, la sûreté aérienne doit rester une grande priorité, ce qui exige des contrôles sans cesse plus efficaces et des outils toujours plus performants.
Nos collègues de la commission des affaires européennes, le président de celle-ci, notre excellent collègue Pierre Lequiller, Mme Odile Saugues, M. Guy Geoffroy se sont particulièrement penchés sur deux problématiques très importantes : celle de l'utilisation à des fins répressives des « données des dossiers passagers », ce que l'on appelle en acronyme les données PNR, et celle des taxes de sûreté aérienne. Leurs interventions nous éclaireront sûrement dans ce débat.
Nous savons qu'existe une directive-cadre du Conseil sur l'utilisation des données PNR et que des négociations sont en cours sur ce point entre les États-Unis et l'Europe. Qu'il me soit permis de réaffirmer que la lutte contre le terrorisme et contre toute forme de criminalité doit rester une préoccupation constante et que, dans le même temps, le droit à la vie privée et à la protection des données doit être assuré à chaque étape de la collecte et du traitement de ces données.
Cet équilibre nécessaire entre la sécurité et la liberté individuelle est une préoccupation constante de notre commission qui porte bien son nom, « développement durable », et au nom de laquelle j'ai l'honneur de m'exprimer.
S'agissant des redevances de sûreté, je voudrais rappeler que depuis les attentats de septembre 2001, les nouvelles mesures de sûreté mises en place ont été financées par des taxes ou des redevances, et que la facturation du coût de la sûreté aéroportuaire relève des compétences nationales. La Commission européenne a toutefois, dans une récente proposition de directive, fait valoir l'importance d'un lien entre coûts et redevances de sûreté, et la nécessité de la transparence lors de la détermination du niveau des redevances – il ne faudrait pas en effet que celles-ci couvrent plus que les besoins de la sûreté et deviennent un impôt supplémentaire Nous en convenons tout en insistant sur le fait que la question du mode de financement de la sûreté aérienne relève principalement des compétences nationales.
Nous pouvons nous rallier aux analyses et points de vue présentés par la commission des affaires européennes, tant il est vrai que les problématiques du transport aérien relèvent de plus en plus d'un encadrement communautaire.
Qu'il me soit permis, en conclusion de cette brève intervention, de remercier les initiateurs de ce débat et de former un souhait très fort : celui de voir l'Assemblée tenir plus souvent des débats concernant le transport aérien. C'est en effet en termes de croissance, d'emploi, d'aménagement du territoire, de protection de la santé des riverains un excellent thème de développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, question difficile que celle abordée aujourd'hui, car les mesures de sûreté aérienne sont toujours perçues comme excessives par les passagers et, en cas de problème, la responsabilité du ministre, quel que soit le Gouvernement en place, est évidemment toujours engagée. Les pouvoirs publics sont à la recherche d'un équilibre entre le confort des passagers et la fiabilité des dispositifs de sécurité. Mais aujourd'hui, l'administration n'est pas libre de sa décision puisque nous devons appliquer les normes définies à Bruxelles, souvent sous la pression des États-Unis qui ne nous apparaissent pas toujours respectueux des libertés publiques. J'ajoute, dans ce panorama, que certains de nos partenaires européens ont tendance à s'aligner sur les positions américaines. Or la construction européenne est d'abord un combat dans lequel l'Europe n'est pas un pion, mais un acteur autonome de la scène internationale.
Je distinguerai deux thèmes majeurs : la mise en oeuvre par le gouvernement français des normes européennes et son action dans la négociation communautaire.
L'action conduite en France par l'administration de l'aviation civile se situe dans un cadre réglementaire que j'ai décrit dans deux rapports récents rédigés pour la commission des affaires européennes. Le premier portait sur l'organisation de la sécurité, et j'y relevais la mauvaise articulation des compétences entre les organismes intergouvernementaux – Eurocontrol –, communautaires – l'AESA – et les compétences nationales. Nous venons d'en avoir un exemple avec la fermeture des espaces aériens à la suite de l'éruption d'un volcan en Islande. Je redoute, et c'était l'objet de mon second rapport, qu'en matière de sûreté, l'évolution des textes en discussion à Bruxelles ne conduise à une certaine confusion. Depuis les attentats de septembre 2001, de nouvelles mesures de sûreté ont été mises en place : la Commission européenne a adopté en décembre 2002 un règlement sur la sûreté aérienne civile qui renforce considérablement les moyens mis en oeuvre pour harmoniser les règles au sein de l'Union européenne afin de faciliter la protection du transport aérien. Ainsi, en vertu de ce texte, chaque État membre doit adopter un programme national de sûreté concernant les contrôles d'accès dans les aéroports et l'inspection des voyageurs, des bagages, du fret, des matériels embarqués et des membres du personnel.
Les passagers financent pour l'essentiel le coût de la sûreté en payant des taxes ou des redevances aux compagnies aériennes. Les taxes liées à la sûreté sur les vols intracommunautaires représentent 1 % à 2 % du prix moyen du billet d'avion en Europe. En France, les mesures préventives des exploitants d'aéroport à la charge des entreprises et de leurs clients s'élèvent à 800 millions d'euros par an, auxquels s'ajoutent les coûts des mesures directement appliquées par les compagnies aériennes. Ces coûts figurent parmi les plus lourds d'Europe par passager ou par tonne de fret transporté. De plus, l'accumulation des mesures de contrôle a beaucoup allongé le temps de traitement du passager à l'aéroport. Si nombre d'entre eux ne contestent pas le bien-fondé de ces mesures qui les rassurent, ils demandent des moyens de contrôles adaptés au flux, et des nouvelles technologies, par ailleurs coûteuses, telles que les scanners corporels, dont la généralisation ne saurait être envisagée avant la fin des expérimentations en cours.
La Commission européenne a adopté, en mai 2009, une proposition de directive sur les redevances de sûreté aérienne en Europe, ayant pour objectif affiché de garantir, lors de la détermination du niveau des redevances, la transparence, l'absence de discrimination et la consultation des compagnies aériennes, ainsi que l'existence d'un lien entre coûts et redevances de sûreté ; il est également proposé d'établir une autorité de supervision indépendante dans chaque État membre. La directive s'applique aux aéroports qui enregistrent plus de cinq millions de passagers par an et, si ce seuil n'est pas atteint, au plus grand aéroport de l'État. Car actuellement, le recouvrement des coûts de sûreté aérienne est réglementé au niveau national. Je sais, monsieur le secrétaire d'État, que vous êtes favorable à cette proposition de directive sous réserve qu'elle laisse les États membres souverains…
Oui, c'est vrai.
…dans la définition de leur système de recouvrement du financement des mesures de sûreté et qu'elle tienne compte des particularités du système français centralisé par l'État. Or un amendement du Parlement européen imposerait, s'il était adopté, que les mesures additionnelles de sûreté telles que le déploiement des scanners corporels soient financées par l'État. Pour ma part, je considère que le Parlement européen doit respecter les compétences dévolues aux États…
…et le principe de subsidiarité, et je vous demande de maintenir avec la plus grande fermeté la position française.
Cela m'amène à aborder la question du transfert aux agents de sécurité des aéroports des tâches dévolues à la police nationale. Ce mouvement est très largement engagé et suscite des réserves de ma part. La formation des personnels n'est pas homogène et je suis frappée par les disparités de comportement entre les agents chargés de leur mise en oeuvre. Je ne m'attends pas, au moment où le Gouvernement réduit les effectifs de la police, à le voir redéployer des fonctionnaires vers les aéroports pour effectuer cette tâche régalienne. Je pense néanmoins important pour les passagers d'avoir un recours possible à une présence policière en cas de litige et une information adéquate.
Par ailleurs, je partage l'avis de Marietta Karamanli qui, en décembre 2008, a considéré que l'autorisation donnée par l'Union européenne de déployer les scanners corporels ne dispensait pas notre pays de se doter d'une réglementation encadrant leur déploiement. Je me félicite, comme le président Lequiller et d'autres collègues, qu'une solution raisonnable ait pu être trouvée pour encadrer l'expérimentation de ces nouveaux procédés. Il serait intéressant de posséder une étude d'impact afin de faire le point.
Cette question illustre l'escalade technologique à laquelle nous condamne la volonté de tendre vers le risque zéro. Nous sommes en effet sur ce plan quelque peu à la remorque des États-Unis qui sont en train de nous imposer, après le scanner corporel, l'examen aux rayons X de la totalité des marchandises embarquées en soute dès lors qu'elles leur sont destinées. Les États-Unis n'ont pas à nous imposer des méthodes pour effectuer les contrôles de sûreté. Il faut être ferme sur ce point. Nous sommes suffisamment responsables pour prévenir les actes terroristes. L'exemple de l'attentat manqué du 25 décembre dernier a surtout démontré le manque de coordination des services de renseignements US, qui a eu en Europe pour conséquence l'exigence américaine de déploiement d'appareils coûteux.
Dans ces conditions, je suis très prudente concernant les accords dits « PNR » qui permettent aux Américains de ficher ceux qui se rendent aux USA : à quoi bon stocker des données si elles ne sont pas exploitées correctement ? Soyons vigilants sur les risques que cela représente pour les libertés publiques, veillons à assurer un système juridique cohérent et protecteur pour nos concitoyens.
Je m'interroge, par ailleurs, sur l'interdiction de transporter des liquides en cabine, qui est appliquée de manière disparate, souvent incompréhensible pour le passager, dont l'utilité n'apparaît pas évidente à l'Union européenne et qui présente moins d'intérêt pour la sûreté qu'une fouille approfondie des bagages en soute.
Au final, je ne pense pas que le débat sur la sûreté aérienne doive se limiter aux experts siégeant à Bruxelles. Aussi, je souhaite que soit engagé un débat public au niveau européen pour définir le point d'équilibre entre les contraintes des mesures de sûreté pour les passagers, leurs coûts et la traduction sur le prix du billet, et, parallèlement, le niveau de sûreté qu'il est souhaitable d'atteindre.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le débat sur le contrôle des passagers dans les transports aériens s'insère dans le cadre plus global de la lutte contre le terrorisme à l'échelle internationale. Depuis les funestes attentats de septembre 2001, force est de constater que les États-Unis tentent, par tous les moyens dont ils disposent, d'exercer une véritable tutelle sur bon nombre d'États, notamment européens, en leur imposant des règles antiterroristes exorbitantes, trop souvent de manière unilatérale, quand ils ne se livrent pas directement, à l'insu des citoyens comme des États, à des actes d'espionnage. Le récent exemple de l'affaire SWIFT en atteste. Saluons à cet égard la décision du Parlement européen de rejeter l'accord SWIFT conclu entre le Conseil européen et l'administration américaine, accord qui revenait à prendre acte de l'espionnage des transactions interbancaires intraeuropéennes pratiqué par la CIA depuis fin 2001, et à pérenniser cette pratique en la drapant des atours de la légalité, ignorant les exigences communautaires, notamment les garanties juridiques, en matière de transfert des données personnelles à des fins répressives. Tant la forfaiture des exécutifs européens sur ce dossier que les intenses pressions américaines sur les représentants nationaux élus au Parlement européen en vue d'un vote favorable à cet accord, sont inacceptables pour les députés communistes, républicains et du Parti de gauche.
En matière de sécurité, ni les États membres ni l'Union européenne ne doivent se faire dicter leur conduite par les États-Unis au prétexte que les législations européenne et nationale en vigueur freinent la bonne marche de leur programme de surveillance des circuits financiers du terrorisme – le Terrorism Finance Tracking Program. Il serait à cet égard préférable d'amplifier la coopération et la concertation entre les États membres, l'Union européenne et les États-Unis. Notre assemblée s'honorerait à faire valoir auprès du Gouvernement et des institutions européennes l'exigence d'équilibre et de loyauté dans les relations transatlantiques sur ces questions. Car, depuis 2001, la quasi-totalité des nouvelles règles de sécurité s'appliquant aux transports aériens de passagers sont imposées, notamment aux États membres de l'Union européenne, par les États-Unis et l'Australie. Les accords portant sur les données des dossiers de passagers des transports aériens, dits « accords PNR » et le cas des scanners personnels ne dérogent pas à la règle. Les accords PNR et le dossier SWIFT comportent d'ailleurs des similitudes puisqu'il s'agit dans les deux cas de collecte, de traitement et de transfert de données personnelles et commerciales à des fins répressives.
C'est pourquoi les droits des citoyens concernant leurs propres données à caractère personnel, notamment les droits d'accès, de rectification et d'indemnisation en cas d'utilisation abusive, doivent être convenablement définis, et respecter les préconisations du G29, l'équivalent européen de la CNIL. Le paquet PNR que doit présenter la Commission européenne ainsi que le projet d'accord PNR devront donc respecter les principes de nécessité et de proportionnalité, et comporter des garanties suffisantes et des sauvegardes assurant notamment le respect de la vie privée, la protection de l'accès aux données à caractère personnel et un droit de recours juridique non discriminatoire aux ressortissants européens devant les juridictions américaines, ce qui n'est pas le cas actuellement. En l'absence de telles garanties, le risque est grand de voir les données PNR utilisées pour déterminer qui a le droit de voler ou non, en violation des droits fondamentaux des citoyens, les dix-neuf données PNR recueillies permettant d'ores et déjà le recours au profilage. Comme sur le dossier SWIFT, nous souhaitons qu'un équilibre et même une symétrie soient trouvés entre l'Union européenne et les États-Unis, permettant les mêmes contrôles et garantissant les mêmes droits aux personnes contrôlées de part et d'autre de l'Atlantique – de même avec l'Australie.
Mais une telle exigence ne pourra être satisfaite qu'au travers d'une coopération accrue, transparente et loyale entre les États concernés en matière de lutte contre le terrorisme. Les députés communistes, républicains et du Parti de gauche plaident donc pour que cette forme de coopération se substitue le plus vite possible à l'unilatéralisme qui caractérise les pratiques sécuritaires intrusives des États-Unis dans ce domaine.
Au sujet épineux des scanners corporels, nous regrettons une fois de plus qu'un événement médiatique, la tentative d'attentat à bord du vol Amsterdam-Detroit en décembre dernier, motive la précipitation avec laquelle la France, le Royaume-Uni et le Danemark ont cédé à la pression américaine. Ainsi, l'article 18 bis de la LOPPSI votée par la majorité permet une expérimentation des scanners corporels dans les aéroports pendant trois ans à compter de la promulgation de la loi ; mais l'urgence a été jugée telle que la Direction générale de l'aviation civile a même anticipé cette promulgation en autorisant l'installation d'un scanner à ondes millimétriques au terminal T2 de Paris-Charles-de-Gaulle pour les passagers à destination des Etats-Unis. Nous saisissons l'occasion de ce débat pour dénoncer, là encore, cette politique du fait accompli et l'habitude qui consiste à faire passer des mesures pérennes pour de banales expérimentations. La présidence en exercice de l'Union européenne s'en est d'ailleurs émue, qui réclamait le 7 janvier une position commune sur ce sujet.
Sur le fond, nous sommes particulièrement sceptiques pour ne pas dire hostiles à ce nouvel outil, car son efficacité est loin d'être prouvée en termes de détection des explosifs, ainsi que l'affirment nombre de spécialistes, d'acteurs de la sécurité dans les aéroports et de policiers.
Au-delà des problèmes liés au respect de la vie privée et de l'intimité des personnes scannées et à la santé – rappelons qu'à l'heure actuelle aucune étude scientifique précise sur les conséquences pour la santé des personnes soumises aux scanners corporels n'a été effectuée –, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche s'inquiètent de cette dérive qui consiste à voir dans la technologie la panacée à tous les problèmes que rencontre une société.
En l'espèce, il conviendrait de s'interroger sur les ressorts sociologiques et philosophiques qui conduisent un gouvernement à promouvoir une société dans laquelle être observé nu, jusqu'aux moindres détails de son intimité, devient une norme banale de sécurité.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la sécurité aérienne a été au coeur de l'actualité internationale de ces deux dernières semaines, à la suite de l'émission massive de cendres par un volcan islandais, dont je ne me hasarderai pas ici à prononcer le nom.
Le débat qui nous occupe aujourd'hui concerne davantage la sûreté des vols que leur sécurité.
La sécurité renvoie en effet à l'ensemble des mesures prises en matière de sauvetage et de lutte contre les incendies d'aéronefs, de prévention du péril animalier et de contrôles environnementaux. En revanche, les mesures de sûreté, au premier rang desquelles figure le contrôle des passagers, sont quant à elles destinées à prévenir les actes de terrorisme et de malveillance qui pourraient porter atteinte à l'intégrité des passagers et des aéronefs.
La sûreté est bien évidemment une préoccupation légitime, que nul ne saurait contester. Chacun garde en mémoire des attentats tragiques, dont ceux du 11 septembre 2001, et les menaces sur les vols civils sont bien réelles.
Pour autant, on ne doit pas s'interdire de s'interroger sur l'efficacité des mesures prises en la matière. Je dirai même que l'enjeu, à savoir la sauvegarde de vies humaines, nous y oblige.
Depuis maintenant huit ans que je rapporte devant la commission des finances le budget des transports aériens, je ne cesse de dénoncer l'inefficacité des mesures de sûreté, de plus en plus nombreuses, de plus en plus contraignantes et de plus en plus coûteuses.
En effet, les attentats du 11 septembre 2001 ont provoqué un véritable emballement des mesures réglementaires, à l'initiative des USA, comme plusieurs collègues l'ont rappelé. Le montant des dépenses de sûreté – financées par la taxe d'aéroport supportée par les compagnies et donc in fine par les passagers – est passé en France de 115 millions d'euros en 2000 à plus de 600 millions d'euros en 2009 ! Aux États-Unis, on dépasse les 4 milliards de dollars.
Le corpus normatif a connu une véritable inflation, les réglementations se surajoutant les unes aux autres, afin de répondre, parfois trop tard, aux événements. Un risque d'utilisation d'explosifs liquides est identifié ? Aussitôt, l'emport de liquides en cabine est strictement encadré. Mes chers collègues, vos épouses ou vos conjoints qui emportent un peu de parfum se le font prélever. Pensez que c'est avec du parfum que vous allez faire sauter un avion ! On met les flacons à la poubelle. Un terroriste tente de détruire un appareil à l'aide d'explosifs dissimulés dans ses chaussures ? Il est immédiatement demandé aux passagers de se déchausser avant l'accès au moment des contrôles de sûreté.
Désormais, il est question de systématiser le contrôle des passagers par un passage au scanner corporel. Mais jusqu'où ira-t-on ? Envisagera-t-on, lorsqu'on constatera que le scanner corporel ne suffit pas, de généraliser la palpation ? D'imposer à tous la fouille au corps, et ses développements les plus attentatoires à l'intégrité physique ? Tout cela en pure perte. Car le contrôle des passagers, tel qu'il est aujourd'hui pratiqué, ne suffit malheureusement pas à empêcher un groupe terroriste déterminé de parvenir à ses fins.
La position que je défends aujourd'hui devant vous n'est pas inspirée par la seule défense de la vie privée et de la dignité humaine – valeurs défendues avec ardeur par le Nouveau Centre. Elle repose sur un constat étayé.
En tant que rapporteur sur les transports aériens, j'ai organisé, en 2003, onze tentatives de franchissement des dispositifs de sûreté dans les aéroports français, après en avoir prévenu le secrétaire d'État chargé des transports et le directeur général de l'aviation civile. Le secrétaire d'État de l'époque est ici présent.
Ces tentatives furent effectuées avec des matériels de nature à permettre un détournement d'aéronef, notamment des armes de poing – Beretta, Parabellum –, des explosifs – pains de plastique et produits inflammables utilisables pour la fabrication de cocktails Molotov –, et un poignard de combat en carbone.
Eh bien, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, sur onze tentatives, combien en ai-je réussi ?
Dix, sachant qu'à la onzième nous avions fait exprès de nous faire prendre en mettant une petite lime à ongles, la seule chose qu'ils aient trouvée. Voilà ce qu'était la onzième tentative non réussie.
Deux ans plus tard, des journalistes de l'émission Capital sont venus me voir pour refaire l'expérience. Je les ai donc conseillés ; ils ont fait et réussi ces tentatives, mais en les enregistrant et en les filmant cette fois. Vous avez donc pu voir ces images intéressantes montrant que les journalistes étaient passés avec des pains de plastiques ou leur équivalent, et qu'ils les avaient déposés dans les toilettes d'aéronefs à destination des États-Unis.
Voilà la seule question qu'il convient de se poser : est-ce que tout cela sert à quelque chose ? Qui sont les véritables gagnants de cette folle dérive de la course à la sûreté dans laquelle s'est lancé le monde depuis 2001, à la demande de l'administration Bush ? Ce ne sont pas les citoyens qui, au contraire, supportent des coûts croissants et une lenteur croissante de l'accès aux avions. Les grands gagnants sont les fabricants des dispositifs de contrôle de plus en plus sophistiqués et coûteux, qui sont massivement américains.
Pour plus d'efficacité, il faudrait réorienter la politique de sécurité vers l'amont, en se donnant les moyens d'infiltrer et de démanteler les réseaux terroristes. Tout le reste ne sert à rien.
Monsieur le secrétaire d'État, je pense que la France, représentée par votre personne, devrait prendre des initiatives au sein de l'Union européenne puis faire des propositions à nos partenaires nord-américains. L'administration Obama n'est pas l'administration Bush. On ne peut durablement faire croire des contrevérités au peuple.
À chaque nouvelle tentative réussie, la question de notre collègue Mme Saugues se posera : qu'ont fait les services de sécurité et de renseignements ? Comment se fait-il qu'ils n'aient pas trouvé ?
Mes chers collègues, supposez que l'on ait un attentat terroriste tous les dix ans. Combien de passagers transitent-ils chaque année dans les aéroports français ? Environ 70 à 80 millions. Pensez-vous que pour trouver deux personnes d'un commando terroriste, il faille contrôler exhaustivement 800 millions de personnes ? C'est totalement insensé ! Il n'est pas besoin d'avoir fait Polytechnique pour le comprendre !
C'est donc grâce à la recherche en amont, à la détection des réseaux terroristes et à leur infiltration par les services de sécurité que l'on assurera la sécurité des transports.
Je profite de votre présence, monsieur le secrétaire d'État, pour vous demander si le Gouvernement entend prendre des initiatives en ce sens.
Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais profiter de cette occasion – la première en ce qui me concerne depuis 2004 – pour vous remercier des efforts consentis par vos services et par les Gouvernements successifs depuis cette date, afin de faire avancer la sécurité, après notamment le drame de Charm-el-Sheikh et la mission que j'avais menée à l'époque avec Odile Saugues pour essayer de formuler des propositions.
En 2004, nous avions fait une quarantaine de propositions afin de faire progresser le niveau de sécurité du transport aérien de voyageurs, sur le plan national et européen et dans le cadre de la conférence IATA.
Je voudrais témoigner des efforts réalisés pendant ces six années par le Gouvernement, afin de faire avancer des dossiers parfois très complexes qui nécessitent un minimum de consensus national. Cela a été fait avec beaucoup de sérieux, de méthode et de constance.
Restent les problèmes de sûreté dont il est plus question aujourd'hui. Puisque personne ne l'a fait, je voudrais dire qu'il faut quand même comprendre les exigences des différents gouvernements américains – je ne suis pas sûr que ceux de M. Bush ou de M. Obama divergent fondamentalement sur ce point –, qui ont subi sur leur sol les attentats du 11 septembre 2001 et qui concentrent dans leur espace aérien la moitié du trafic mondial.
Les États-Unis ont des exigences très fortes – trop fortes, pensent certains – et aimeraient imposer leur point de vue au reste du monde. Nous ne pouvons pas ignorer non plus que la France est aussi une puissance militaire, diplomatique et industrielle, et que, de ce seul fait, elle constitue une cible pour le terrorisme.
Il est clair aussi que la France ne peut en aucun cas accepter le recul des libertés individuelles et qu'elle doit trouver ce difficile équilibre évoqué par plusieurs de nos collègues entre les libertés – notamment celle d'aller et de venir – et un niveau de plus en plus élevé de sûreté exigé par l'opinion et dans le cadre européen et sur le plan international dans notre dialogue parfois difficile avec les États-Unis.
S'agissant des deux dossiers dont il a été beaucoup question aujourd'hui – le scanner corporel et les données PNR – je voudrais, au nom du groupe UMP, me faire l'écho de quelques remarques déjà soulevées, notamment à propos du coût des appareils.
Bien qu'important, ce coût reste marginal dans le coût global de la sécurité du transport aérien : un million d'euros l'appareil. S'il fallait en équiper tous les aéroports et pour d'autres vols que ceux assurant la liaison avec les États-Unis, le coût serait supérieur. À la limite, là n'est pas le problème.
Il faut avoir un souci – qui est le vôtre – d'assurer un équilibre entre le niveau de sécurité et toutes les exigences qui en découlent et la nécessité de faire en sorte que le transport aérien reste fluide. Ces contrôles ne doivent pas avoir un effet dissuasif, en provoquant des délais, de l'encombrement et des retards. Ce serait une erreur qu'aucun Gouvernement ne peut faire.
Le problème du statut des personnels qui ont accès aux scanners corporels a été évoqué par notre collègue socialiste, et je pense que ce sujet doit être spécifiquement étudié.
Dans le modèle américain ou anglo-saxon, ce sont des agents publics, détenteurs de l'autorité publique, qui examinent à la fois les personnes, les papiers et les bagages. En France, le contrôle des papiers est assuré par la PAF et celui des personnes et des bagages relève davantage de la compétence de sociétés qui se voient attribuer des marchés.
Or le recrutement géographique des personnels de ces sociétés, le niveau de leur formation et leur suivi posent certaines questions sur lesquelles il est nécessaire de réfléchir, d'autant plus si elles accèdent bientôt à des données qui touchent aux libertés individuelles et en tout cas à l'image des voyageurs.
Concernant les données PNR, je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par les uns et les autres. Il est évident qu'il faut que nous arrivions à un consensus au niveau européen et aussi à une négociation avec les États-Unis. Un point important n'a pas été complètement tranché : l'utilisation possible de ces données PNR dans les vols intracommunautaires. Ce problème important doit être réglé.
Pour conclure, je voudrais signaler une difficulté dont il n'a pas été question aujourd'hui mais qui me paraît primordiale. C'est bien beau d'avoir des données. C'est bien beau que ces données circulent entre les différents pays. Mais si elles ne sont pas exploitées par les services de renseignements, nous retrouverons les failles constatées lors de l'accident ou l'incident de Schipol.
Nous devons renforcer nos moyens d'échange d'informations et de renseignements et avoir une capacité d'intervention rapide à partir de l'exploitation de ces données. Même s'il est parfois difficile de le dire, nous savons que, même en Europe et dans le cadre de l'Union européenne, certains États sont plus des maillons faibles que des partenaires particulièrement vigilants et actifs de ce système de sécurité.
Dans ce domaine aussi, la France doit mener une réflexion – même si elle ne peut être entièrement publique – avec d'autres pays qui sont ses alliés fidèles, notamment sur des théâtres d'opérations extérieures, et essayer d'imposer une communauté du renseignement qui joue tout son rôle dans les problèmes de sécurité et de sûreté qui sont au centre de nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, monsieur le représentant du président de la commission du développement durable, je voudrais vous remercier de nous donner l'occasion de faire le point sur les contrôles et la sûreté des passagers dans les transports aériens.
La commission des affaires européennes, en accord avec la commission des lois, a demandé un débat sur ce sujet de contrôle parlementaire important. Il nous permettra de faire le point sur les mesures et d'écouter les différentes suggestions de Mme Saugues, M. Muzeau, M. de Courson – un spécialiste du sujet –, M. Gonnot et bien évidemment des présidents et des rapporteurs.
Auparavant, je voudrais dire un mot sur la situation du secteur aérien que nombre d'entre vous ont évoquée.
La semaine dernière, nous avons été confrontés à une crise sans précédent, que les autorités françaises ont essayé de gérer de manière efficace, notamment en demandant une coordination rapide au niveau européen. Comme je l'ai dit hier à Bruxelles au commissaire concerné – et comme je le répéterai mardi lors d'une réunion extraordinaire des ministres des transports de l'Union –, j'ai été un peu déçu par la longueur des délais, imputable ni à la Commission ni à la présidence espagnole, mais à certains de nos partenaires qui, pour des raisons de calendrier que vous pouvez deviner, ont pris leur temps.
Cette forme de timidité dans la réaction montre que nous avons beaucoup de progrès à réaliser au niveau européen pour mieux mesurer les risques qui peuvent menacer le trafic aérien, et pour étudier les éventuelles alternatives à ce mode de transport – j'en parlais hier avec le commissaire Kallas – et les moyens d'être plus efficace lors de crises de ce type.
La France a milité en faveur d'une réouverture prudente, progressive et pragmatique du ciel, après de nombreux vols d'essai. Nous avons ainsi testé des couloirs aériens avec des avions sans passagers. Nous nous sommes concertés en cellule de crise, et je dois dire que nous avons bénéficié d'une bonne modélisation de la part des compagnies françaises, aussi bien pour les vols d'essai que, je l'ai dit tout à l'heure à Sébastien Huyghe, pour les vols exceptionnels destinés à rapatrier nos concitoyens bloqués à l'étranger – le Gouvernement a ainsi conseillé aux compagnies d'affréter vingt vols supplémentaires. Cela a permis le retour de près de 150 000 Français bloqués hors de nos frontières.
Cette crise majeure est sans doute la plus importante que le transport aérien ait connue depuis le 11 septembre 2001 – bon nombre d'entre vous ont fait allusion –, et ce alors que les entreprises, qu'elles soient françaises, européennes ou mondiales, commençait à peine à sortir de la crise économique de l'an dernier. À cet égard, Hervé Novelli a fait le point sur la situation économique, non seulement avec les compagnies aériennes, mais aussi avec les tour-opérateurs et l'ensemble des acteurs du tourisme.
Je reviens aux mesures de sûreté, qui ont pour objet la protection contre et la prévention des actes d'intervention illicites – notamment terroristes et criminels – et les détournements d'avion. Les mesures de « sûreté », comme vous le savez, diffèrent des mesures de « sécurité », destinées à prévenir les accidents et à réduire le risque aérien.
Les mesures de sûreté, dont Charles de Courson est devenu un spécialiste dans le mauvais sens du terme en parvenant à les déjouer – mais il a toujours pris soin d'avertir les ministres concernés et la direction générale de l'aviation civile (Sourires) –, visent à empêcher l'introduction, au sein des aéroports, d'armes, d'explosifs, de substances dangereuses ou de tout autre objet susceptible de porter préjudice aux passagers et à la sûreté des aéronefs.
Nous avons donc à prendre des mesures de prévention : c'est la responsabilité de l'État et le travail de certains opérateurs du secteur privé. Les contrôles, en ce qu'ils relèvent de l'action publique, doivent être permanents, proportionnés et efficaces. En 2009, les gestionnaires d'aérodromes auront consacré 604 millions d'euros au financement de la sûreté aérienne. Comme Odile Saugues l'a rappelé, ces dépenses sont couvertes par une taxe d'aéroport : en d'autres termes, c'est le passager aérien qui paie, et non le contribuable. Cette disposition a pour objectif de lutter contre une menace que nos services de renseignement ont à évaluer en permanence : la menace terroriste.
Le transport aérien est une cible emblématique : à travers les compagnies, ce sont les pays, dont le nôtre, que les terroristes peuvent viser à tout instant. Il est donc impératif de développer des dispositifs, et de le faire avant tout au niveau international. La France est l'un des membres les plus actifs de l'OACI, l'Organisation de l'aviation civile internationale, basée à Montréal : elle y est représentée par un ambassadeur et le secrétaire général est un Français. Cette organisation a fait de la sûreté l'un de ses objectifs prioritaires, avec l'environnement et la sécurité. Comme le savent les membres de votre commission des affaires européennes, l'OACI est la seule instance internationale dont la France suit les recommandations de manière systématique. Pour le reste, nous appliquons naturellement la réglementation européenne et notre propre législation.
En ce qui concerne les vols vers les États-Unis, destination très sensible, des mesures de sûreté complémentaires sont prises. Cela paraît bien légitime après les attentats du 11 septembre 2001, et après la dernière tentative d'attentat du 25 décembre 2009, qui a heureusement échoué.
Cependant, le président Lequiller l'a rappelé, l'Europe n'est pas à l'abri de la menace. Dès 2002, l'Union européenne a ainsi adopté une série de dispositions relatives à la sûreté aérienne. Elles portent sur les restrictions relatives au contenu des bagages à mains et sur les normes techniques applicables aux équipements utilisés pour le contrôle des passagers, des bagages et du fret.
En 2008, le Parlement européen et le Conseil ont adopté un nouveau règlement sur la sûreté qui entrera en vigueur ce jeudi 29 avril. Vous avez d'ailleurs souhaité accompagner l'application de cette réglementation en adoptant, le 2 décembre dernier, la proposition de loi de Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Grâce à ce texte, le Gouvernement peut légiférer par ordonnance afin d'adapter nos textes nationaux à la nouvelle réglementation européenne. Ce nouveau règlement doit permettre de simplifier les procédures de contrôle applicables. Ainsi, nous avons introduit l'inspection-filtrage unique, c'est-à-dire la possibilité du contrôle unique pour les passagers en correspondance lorsqu'ils sont en provenance d'un pays européen. Un tel dispositif témoigne de notre volonté d'être exemplaires en matière de sûreté tout en évitant la multiplication des contrôles inutiles. Notre mot d'ordre est donc double : plus d'efficacité dans les contrôles, et plus de fluidité pour les passagers – M. Gonnot a évoqué ces questions.
Nous devons également travailler sur l'acceptabilité des mesures prises. Les enquêtes d'opinion que réalise régulièrement, à la demande du Gouvernement, la Direction générale de l'aviation civile, confirment que les passagers, dans leur très grande majorité, acceptent ces contrôles réalisés pour leur protection. Cela ne signifie pas pour autant qu'ils jugent agréables toutes les méthodes de contrôle employées : je pense notamment à la palpation de sécurité, qui, bien qu'elle soit la mesure la plus efficace, n'est pas toujours bien ressentie.
Les portiques sous lesquels passent tous les passagers ne sont conçus que pour détecter des objets métalliques, et ne suffisent donc pas à détecter les explosifs. Souvenez-vous, à titre d'exemple, que le vol entre Amsterdam et l'Amérique du Nord avait à son bord un terroriste nigérian ayant dissimulé des explosifs dans ses sous-vêtements.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité, avec le ministre de l'intérieur, dès le mois de janvier dernier, que la France teste en situation réelle le fameux portail à ondes millimétriques. À l'initiative de votre commission des affaires européennes, l'Assemblée nationale a adopté un amendement au projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, dit LOPPSI, dans le but de permettre des expérimentations. Cette loi prévoit de nombreux garde-fous, qui garantissent la protection de l'intimité et de la dignité des passagers. Tout d'abord, les personnes contrôlées doivent être volontaires ; en outre, ces appareils ne permettent aucun stockage, aucun enregistrement ni aucune transmission d'images : toutes les garanties en matière de libertés individuelles sont donc prévues. Par ailleurs ces images sont toujours visionnées par une personne de même sexe que le passager, et les opérateurs chargés du visionnage, installés dans des bureaux situés à distance des portiques, ne sont pas en contact direct avec le passager. Enfin, ces opérateurs agissent sous la surveillance d'officiers de police judiciaire compétents, eux-mêmes régulièrement contrôlés.
L'appareil actuellement mis en démonstration à l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle met en évidence une accélération du traitement des passagers et une réduction des effectifs nécessaires. Il reçoit un accueil favorable des passagers ainsi que des personnels concernés. La question des personnels, que vous avez tous abordée, est en effet fondamentale. Comme vous le savez, quelque 10 000 personnes sont concernées ; elles appartiennent à des sociétés de surveillance privées, et agissent sur ordre des gestionnaires d'aérodrome et sous le contrôle des services permanents de l'État – direction de la sécurité de l'aviation civile, police aux frontières, gendarmerie et douanes. Elles doivent être titulaires d'un certificat de qualification professionnelle aéroportuaire, et sont donc formées en conséquence. Quant aux agents qui encadrent l'utilisation du portail à ondes millimétriques, ils reçoivent une formation complémentaire incluant des éléments techniques et des rappels déontologiques. De son côté, le Parlement européen a demandé à la Commission une communication sur ces scanners corporels, laquelle permettra la définition d'une base réglementaire européenne pour l'utilisation et le déploiement de ces équipements.
Un autre outil prometteur est l'utilisation des informations sur les passagers contenues dans les bases de données des compagnies aériennes, dites données PNR – Passenger name record. Ces données, croisées avec d'autres sources d'information, permettent d'identifier les passagers à risques – sur la base de renseignements : M. de Courson en a parlé – avant leur embarquement. Certains pays, au premier rang desquels les États-Unis, le Canada ou l'Australie, ont déjà mis en place leur propre système PNR ; d'autres commencent à le développer. En France, la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme en a ouvert la possibilité.
Dans le cadre des pouvoirs dont elles disposent, les douanes françaises effectuent d'ores et déjà plus de 60 % de leurs saisies annuelles de stupéfiants dans les aéroports de Roissy et d'Orly grâce à une exploitation intelligente des données PNR. Ces données, monsieur le président Lequiller, sont bien sûr encadrées et protégées selon des règles strictes soumises à l'appréciation de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
Nous oeuvrons en outre au renforcement de la coordination du renseignement au niveau européen : nos services spécialisés travaillent de plus en plus avec leurs homologues européens. Ils procèdent à une analyse de la menace et croisent leurs conclusions avec celles des autres services, ainsi qu'avec la Direction générale de l'aviation civile. En fonction de ces échanges, nous sommes ainsi en mesure de faire évoluer le niveau de sûreté dans un ou plusieurs aéroports, sur un ou plusieurs types de vols jugés sensibles.
La DGAC est par ailleurs en relation permanente avec ses homologues européens à travers le Comité de la sécurité de l'aviation civile européenne, au sein duquel chaque élévation substantielle du niveau de sécurité fait l'objet d'une communication informelle, voire d'une concertation.
Enfin, le Gouvernement français, comme ses partenaires européens et internationaux, envisage de faire évoluer les contrôles sur les bagages de cabine et sur les bagages transportés en soute. En témoigne le règlement publié au Journal officiel de l'Union européenne le 10 avril dernier, qui permettra aux passagers de conserver en cabine leurs liquides, pâtes et gels qui sont aujourd'hui systématiquement refusés. Sachez par ailleurs, cher président Lequiller, que l'autorisation d'emport des articles acquis en duty free, dûment présentés dans des sacs scellés par l'OACI avec une preuve d'achat, est prévue pour le 29 avril 2011. Cela suppose, comme vous le souhaitiez, monsieur Paternotte, que d'ici à cette date les industriels puissent concevoir des équipements permettant de détecter automatiquement toutes les catégories d'explosifs.
Pour conclure, je rappellerai que l'action du Gouvernement en matière de sûreté aérienne, qui doit s'inscrire dans un cadre international et notamment européen, vise à maintenir un haut niveau de sûreté. Cela a effectivement un coût, monsieur de Courson. Nous essayons de mettre à fprofit, de manière optimale, l'ensemble des moyens dont dispose la puissance publique : équipements de détection, informations sur les passagers, formation continue et recrutement des personnels de sûreté ; c'est d'ailleurs, me semble-t-il, sur ce dernier point que nous devons fournir les efforts les plus importants. L'ensemble de ces mesures a pour objectif d'améliorer l'efficacité des contrôles tout en réduisant les contraintes pour les passagers.
Tout cela, nous devons le faire de manière efficace, mais en restant très attentifs au respect des libertés individuelles et à la préservation de l'intimité des passagers. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services (nos 1889, 2388, 2374).
Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d'appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé sur la base d'un temps attribué aux groupes de vingt heures.
Chacun des groupes dispose du temps de parole suivant : le groupe UMP, cinq heures quinze ; le groupe SRC, sept heures dix ; le groupe GDR, quatre heures vingt-cinq ; le groupe du Nouveau centre, trois heures dix. Les députés non inscrits disposent de quarante minutes.
En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles des rapporteurs et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée du temps du groupe de l'orateur.
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.
Monsieur le président, madame la rapporteure, chère Catherine Vautrin, monsieur le rapporteur pour avis, cher Charles de Courson, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services que j'ai l'honneur de présenter porte l'une des plus grandes réformes des chambres depuis leur création. Les chambres consulaires, dont certaines datent du XVIe siècle, ne pouvaient pas rester au bord du chemin et rater le passage au XXIe siècle. Cette réforme était incontournable. Elle marque une double ambition : celle de reconnaître et de conforter les chambres consulaires dans leur rôle d'acteurs territoriaux de référence pour les entreprises françaises ; celle aussi d'amorcer une réorganisation de grande ampleur pour tenir compte des évolutions économiques, institutionnelles et territoriales de notre pays.
J'ajouterai qu'il n'est pas inutile de rappeler une évidence : si cette réforme vise les chambres consulaires, qui sont des acteurs importants de notre vie économique, elle concerne des acteurs plus importants encore, les entreprises.
Alors que les efforts du Gouvernement se concentrent sur la création, le développement et l'accompagnement des entreprises, quoi de plus cohérent que de vouloir renforcer l'efficacité des chambres, qui sont les premiers relais de ces actions ?
Ce projet de loi est un texte important, car il concerne avant tout l'entreprise. Les chambres constituent le premier relais entre l'entreprise et l'administration. Être au coeur des entreprises et de l'économie, voilà le rôle et les défis des chambres d'aujourd'hui – et, bien sûr, des chambres de demain.
Chaque fois que le Parlement sera tenté de modifier le présent texte, il faudra se demander si cela répond réellement aux intérêts des acteurs de terrain que sont les entreprises, aux intérêts de la croissance et de l'emploi.
À l'heure où nous nous apprêtons à examiner ce projet de loi, il convient aussi de souligner qu'il marque l'aboutissement d'une décennie – voire de deux décennies – de travail et de réformes, dont il faut bien dire que, à ce jour, elles étaient inachevées.
Dès 1999, un rapport de l'inspection générale des finances soulignait l'urgence d'une réforme des chambres de commerce et d'industrie, en relevant que « les chambres consulaires n'ont pas connu de réforme d'envergure depuis le XIXe siècle, c'est-à-dire l'époque à laquelle remontent leurs statuts. La position stratégique de l'institution consulaire est fragile. Dans les missions qui fondaient, aux yeux du législateur, leur légitimité il y a un siècle, les CCI sont désormais concurrencées. Dans ces conditions, différer leur réforme ne ferait qu'accentuer les pressions pour une remise en cause de l'existence même de l'institution consulaire. »
En 2003, une première réforme a été lancée, qui s'est déclinée en trois étapes. La première a été la modification des modalités de l'élection des membres des chambres consulaires. La seconde a vu la refonte du régime de financement des chambres, qui a été arrêté par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2004. La troisième étape, enfin, s'est concrétisée par la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, a clarifié les missions et restructuré le réseau.
La réforme visait quatre objectifs essentiels : simplifier le cadre juridique et clarifier les missions afin de permettre une meilleure visibilité des interventions consulaires ; renforcer l'accompagnement des entreprises par des services améliorés ; mettre en place une coordination plus efficace des actions des différents niveaux consulaires et, enfin, accentuer leur rôle de conseiller des pouvoirs publics en matière de développement économique. Reconnaissons que ces objectifs n'ont pas été complètement atteints.
Nous voyons aujourd'hui l'aboutissement d'un deuxième mouvement, initié en 2008. Il s'est appuyé sur une large et longue concertation qui s'est matérialisée notamment par la création d'un groupe de travail spécifique. De vifs débats ont eu lieu au sein du réseau des chambres de commerce et d'industrie. Les acteurs se sont emparés pleinement du sujet, et lors de son assemblée générale du 25 novembre 2008, l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie a proposé une motion constituant une synthèse entre l'approche régionale intégrale et la préservation de l'autonomie des chambres de base, motion approuvée par 108 voix contre 58.
De même, l'assemblée permanente des chambres de métiers s'est prononcée à 94 % en décembre 2008 pour une réforme de son réseau reposant sur un renforcement de l'échelon régional.
Après le temps de la concertation dans les réseaux est venu le temps du travail parlementaire. Depuis la présentation du texte en conseil des ministres en juillet dernier, les parlementaires, et en premier lieu vos rapporteurs Catherine Vautrin et Charles de Courson, ont mené – je le dis comme je le pense – un remarquable travail de fond,…
…avec le souci constant d'écouter les acteurs et de veiller à préserver l'équilibre du texte. Qu'ils en soient ici remerciés du fond du coeur.
Je veux aussi saluer l'implication des députés des commissions, la commission des finances saisie pour avis et la commission des affaires économiques – et je salue son éminent président, Patrick Ollier…
Ils ont contribué à améliorer largement le texte et ont suscité des débats qui n'ont jamais été médiocres.
Le projet de loi se présente en deux volets.
Le premier consiste à porter la réforme des réseaux consulaires, chambres de commerce et d'industrie et chambres des métiers et de l'artisanat, en renforçant l'échelon régional.
Le second consiste à simplifier les régimes administratifs de certaines professions réglementées afin de dégager des marges de compétitivité. Cette simplification s'intègre dans la transposition dans notre droit national de la directive européenne relative aux services dans le marché intérieur.
Le titre Ier porte sur la réforme des réseaux consulaires. En matière de réforme des réseaux consulaires, l'ambition assumée de ce projet de loi est de renforcer l'échelon régional pour l'organisation territoriale des chambres consulaires, tout en préservant –c'est le défi qu'il nous faut relever – les services de qualité effectués sur le terrain par les chambres. Pourquoi ce choix de renforcer l'échelon régional ? Il faut légitimement nous poser cette question. Je voudrais avancer trois éléments pour y répondre.
Premièrement, la régionalisation permettra à nos chambres de mutualiser un certain nombre de services et de compétences. Cela procède à la fois des principes de bonne gestion et du souci d'efficacité du service rendu aux entreprises. Très concrètement, les chambres pourront mutualiser des services supports comme l'informatique, la gestion des systèmes de paie, les outils de communication. La chambre régionale offrira aussi à l'ensemble des entreprises de leur territoire des services et des compétences – notamment juridiques – que chaque chambre au niveau local ne peut nécessairement développer dans les mêmes proportions. Elle permettra une mise en commun du savoir-faire technique et humain, une valorisation des meilleures pratiques. Lorsqu'une chambre au niveau local conduit une expérimentation ou met en oeuvre une innovation réussie, pourquoi ne pas la faire partager aux chambres voisines ?
Deuxième élément qui, de mon point de vue, justifie cette régionalisation : la région est devenue – ce n'est une nouveauté pour personne dans cet hémicycle – un acteur au sens institutionnel du terme, et le juste échelon au niveau territorial pour la conduite des stratégies de développement économique. Dans mon esprit, il est cohérent de donner aux chambres les moyens de créer un interlocuteur de référence pour les pouvoirs publics, au juste niveau. C'est la condition nécessaire pour avoir voix au chapitre, pour défendre les intérêts des entreprises et pour accompagner efficacement ou pour faire corriger, si nécessaire, les politiques économiques régionales.
Le troisième élément enfin n'est que la conséquence des deux premiers : la régionalisation, j'en suis convaincu, permettra aux entreprises – et c'est cela l'essentiel – d'avoir un meilleur service au moindre coût. Alors que nous sortons difficilement de la crise, …
…alors que les entreprises françaises subissent comparativement à leurs voisins européens des taux de prélèvements élevés, plus lourds que la moyenne, l'objectif de réduction de la pression fiscale doit être partagé par tous, à plus forte raison lorsqu'il va de pair avec une amélioration de l'efficacité et de la qualité du service rendu. J'observe d'ailleurs que c'est un objectif assez largement partagé, et cohérent avec les préconisations de la révision générale des politiques publiques – cohérent seulement, car il ne saurait se réduire à la seule RGPP. Je souhaite clarifier ce point : cette réforme devra permettre de restituer aux entreprises une partie du prélèvement opéré sur elles sans que l'efficacité en pâtisse pour autant. La dynamique de réflexion en termes de coût-efficacité n'est pas réservée à la seule administration, elle s'impose aussi aux partenaires des pouvoirs publics.
Ce projet de loi a suscité de nombreux débats, D'abord au sein des réseaux, qui ont réalisé un important travail de synthèse et d'explication de la réforme. Ce texte, qui s'appuie sur les propositions des réseaux pour ses grandes lignes, tire une forte légitimité du respect des délibérations des assemblées générales des deux réseaux consulaires. Ne l'oublions jamais : nous ne faisons que proposer un texte qui sera, certes, adopté par le Parlement – qui l'amendera et le corrigera au besoin –, mais qui restera très largement inspiré d'un consensus issu des délibérations des assemblées des deux réseaux.
Des appréhensions minoritaires se sont également exprimées et le travail des commissions a permis d'en tenir compte. La version issue des travaux de la commission des affaires économiques est le fruit d'une recherche d'équilibre entre les orientations majoritaires des réseaux et les craintes exprimées par certaines chambres. Cependant, toute recherche d'équilibre doit se faire sans perdre de vue les objectifs premiers de la réforme.
Ainsi, les missions des chambres consulaires ont été réaffirmées, comme a été rappelée leur importance pour notre tissu économique. Certaines chambres ont évoqué à demi-mot leur crainte de voir la réforme les priver des ressources nécessaires à leurs missions. Je tiens à répondre clairement à ces allégations infondées : le Gouvernement n'a aucunement l'intention de remettre en cause le rôle et les missions des services de proximité assurés par les chambres consulaires.
La réforme des réseaux consulaires passe par le renforcement de l'échelon régional, qui deviendra le récipiendaire des ressources fiscales dont s'acquittent et s'acquitteront les entreprises françaises. Cet échelon régional permettra de garantir la solidarité et la cohérence entre les chambres territoriales ; pour ce faire, nous nous devons de faire confiance aux élus des chambres.
Le Gouvernement s'opposera à ceux qui rejettent le principe même de ce renforcement régional et n'ont de contre-proposition que le statu quo. Les chambres consulaires, je le redis, ne sauraient s'exonérer du devoir de réforme qui incombe à l'ensemble des structures publiques.
Ce renforcement régional ne se fera pas aux dépens des chambres infra-régionales, qu'il s'agisse des chambres de commerce et d'industrie territoriales ou des chambres des métiers et de l'artisanat départementales. Toutes conserveront leurs missions de services de proximité aux entreprises : il n'est pas question de se priver de leurs compétences. Ces chambres locales sont et demeureront l'échelon de proximité du réseau au service des chefs d'entreprises et des artisans.
Par ailleurs, grâce au travail important de la commission des affaires économiques, et de sa rapporteure, Catherine Vautrin, la configuration spécifique, et même atypique, des chambres de commerce de la région Île-de-France est bien prise en compte. L'Île-de-France représente environ un quart du poids économique de notre pays, et la chambre de commerce et d'industrie de Paris recouvre Paris et les trois départements de la Petite couronne. Il fallait tenir compte de cette situation exceptionnelle : d'où la création de la CCI Paris-Île-de-France et des chambres départementales d'Île-de-France.
De même, il fallait prendre en considération les métropoles régionales sans pour autant remettre en cause le renforcement de l'échelon régional. Aussi le texte actuel prend-il acte de l'existence économique des métropoles et leur reconnaît un rôle d'animation de la vie économique, rôle qu'elles seront amenées à développer dans les années à venir, en cohérence bien évidemment avec les orientations régionales.
Enfin, grâce au travail de la commission des finances et de son rapporteur pour avis, Charles de Courson, les chambres disposeront de ressources fiscales pérennes, assises pour 40 % sur une assiette foncière et 60 % sur une assiette de valeur ajoutée.
Il me semble cependant que l'effort budgétaire auquel le réseau des chambres de commerce et d'industrie doit s'astreindre pourrait être renforcé afin de répercuter pleinement cette réforme sur nos entreprises. Nous aurons l'occasion d'en débattre tout à l'heure.
J'en viens au titre II et à la directive « Services ». Le projet de loi s'intéresse à certaines professions réglementées du commerce, de l'artisanat et des services afin d'en simplifier les régimes administratifs et ainsi dégager des marges de compétitivité pour ces professions.
Les simplifications initialement proposées s'inscrivent dans le cadre de la directive européenne relative aux services dans le marché intérieur. J'ai souhaité, dans les domaines relevant de ma compétence, mener des concertations approfondies avec les professions concernées et ainsi profiter de la transposition de cette directive pour moderniser et adapter à un environnement en forte évolution leurs capacités d'exercice professionnel. Le travail de la commission des affaires économiques a permis d'en élargir très utilement le périmètre.
À propos de périmètre, la question est posée de celui des marchés d'intérêt national. Aujourd'hui, un grossiste concurrent du marché d'intérêt national ne peut s'installer dans le périmètre dit « de référence » du marché, sauf dérogation préfectorale exceptionnelle. Le Gouvernement projetait de simplifier les critères d'octroi de cette autorisation. La commission des affaires économiques est allée au-delà de cette ouverture en supprimant ces périmètres. Nous aurons l'occasion d'échanger à ce sujet, mais si le Gouvernement souhaite effectivement favoriser la concurrence en réformant le dispositif actuel, c'est en maintenant la possibilité de créer ou de conserver un périmètre autour des marchés d'intérêt national dans des conditions nouvelles. Il me paraît raisonnable de soutenir une position de compromis permettant de concilier les différents intérêts : artisans, commerçants, épiciers, restaurateurs qui souhaitent parfois pouvoir bénéficier de services de proximité avec l'installation facilitée de nouveaux acteurs. Sans oublier ceux de tous les entrepreneurs et agriculteurs pour lesquels les marchés d'intérêt national constituent un débouché important et un modèle économique essentiel.
Le projet de loi se penche sur le métier d'agent d'artiste, métier qui nécessite aujourd'hui une licence pour pouvoir être exercé. Afin de faciliter l'accès à cette profession, il est proposé de remplacer cette licence par une obligation d'inscription à un registre national. Les incompatibilités d'exercice de cette profession seront réduites à l'activité de producteur d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles.
Plusieurs dispositions portent sur les experts-comptables. Il est proposé d'assouplir les règles de détention de capital et de droits de vote des sociétés d'experts-comptables, ce qui leur permettra de trouver de nouveaux partenaires. Il est également proposé de permettre aux experts-comptables d'exercer une activité commerciale à titre accessoire, d'accepter un mandat social dans une société, un groupement ou une association, de conseiller et assister les entrepreneurs relevant du régime des micro-entreprises, autrement dit les auto-entrepreneurs pour les aider à se développer.
Un article adopté en commission des affaires économiques vient opportunément étendre les prestations relevant des services à la personne pouvant faire l'objet d'un paiement par un chèque emploi service universe. Ainsi, l'utilisation du CESU sera étendue aux centres aérés et centres de loisirs sans hébergement, aux prestations d'aide à domicile des titulaires de l'allocation personnalisée d'autonomie, ascendants des bénéficiaires de CESU, aux assureurs et mutuelles pour partie de l'indemnisation d'un tiers, victime d'un assuré et, enfin, au transport en taxi des personnes âgées ou à mobilité réduite, financé par les prestations sociales.
Vous l'aurez compris, mesdames et messieurs les députés : il s'agit de faciliter l'exercice de professions réglementées du commerce et des services. Or, j'y insiste, dans une période économique difficile, toute simplification administrative susceptible de développer la compétitivité est bienvenue. De fait, la commission des affaires économiques a utilement enrichi le projet du Gouvernement.
Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les principales mesures de ce projet de loi sur lequel la représentation nationale est invitée à se prononcer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Catherine Vautrin, rapporteure de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, mon premier mot sera : « Enfin ! »
Nous voilà enfin réunis pour discuter du projet de loi portant réforme d'une partie du réseau consulaire et de la transposition dans notre droit interne de certaines dispositions de la directive communautaire du Parlement européen et du Conseil en date du 12 décembre 2006, dite directive « Services ». Adopté en conseil des ministres en juillet 2009, ce texte fait suite aux travaux de l'ACFCI, conclus par un vote en avril 2009 – vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État.
Vous venez de l'expliquer, le premier titre du projet de loi, probablement le plus long, traite spécifiquement de la réforme d'une partie des réseaux consulaires, chambres de commerce et d'industrie et chambres de métiers.
Ces deux catégories d'institutions font depuis longtemps partie de notre paysage institutionnel et économique : plusieurs d'entre vous se souviennent peut-être que la première chambre de commerce a été fondée à Marseille à la toute fin du xvie siècle.
C'est donc avec d'autant plus de précaution que le législateur, d'une main tremblante, pour reprendre la célèbre expression de Montesquieu , cherche aujourd'hui à réformer ces institutions afin de mieux les adapter à l'organisation de notre territoire et, surtout, aux attentes de nos entreprises.
Sans nier ce qui a été fait par le passé, force est néanmoins de constater que, sur ces sujets, nous sommes quelque peu restés au milieu du gué.
Lorsque, à la demande de Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, j'ai commencé à travailler sur ce texte avec le Gouvernement, on distinguait trois positions différentes. D'abord, celle des partisans de la réforme, qui avaient voté la proposition de l'ACFCI ; celle ensuite des défenseurs de l'approche départementale actuelle, qui reprochaient au texte de privilégier la régionalisation et craignent que les missions de proximité ne soient pas maintenues ; celle enfin des partisans d'une approche dite « métropolitaine », c'est-à-dire des intérêts des grandes chambres qui souhaitaient mettre en avant leur spécificité.
Chacun ayant eu à coeur de développer des arguments particulièrement intéressants, j'ai cherché tout au long de ces auditions à trouver une sorte de dénominateur commun. Il me semble que nous sommes aujourd'hui parvenus à un équilibre qui permet à chaque position d'être représentée et, surtout, qui répond aux attentes de nos entreprises – puisque c'est bien des entreprises de notre pays que nous parlons.
Certes, les compromis ne sont jamais faciles à trouver, et ce fut le cas de certains de ceux que nous avons dégagés ; mais j'ai noté avec satisfaction la volonté de discuter et d'aller de l'avant dont chacun faisait preuve. Chacun, en effet, avait compris qu'il s'agissait d'animation économique du territoire, d'entreprises, donc d'emploi.
La logique générale du premier titre consiste à renforcer les chambres au niveau régional, tout en veillant à conserver le lien de proximité si important qui fait la spécificité des chambres. Celles-ci doivent être confortées dans leurs missions de soutien au développement économique des territoires, de formation et de gestion d'équipements comme les ports et les aéroports.
Voilà pourquoi j'ai souhaité garantir au niveau local la capacité à mener des actions, à faire preuve d'esprit d'initiative et à attribuer les moyens d'un fonctionnement efficace, consciente du relais que les chambres peuvent assurer entre les différents acteurs de terrain.
Le texte redéfinit les missions et les appellations des différentes chambres. Vous l'avez compris, les CCI s'appelleront désormais chambres de commerce et d'industrie territoriales, les chambres régionales de commerce et d'industrie prendront le nom de chambres de commerce et d'industrie de région, cependant que l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie représentera l'ensemble du réseau.
Au-delà de ces changements sémantiques, quatre sujets ont pris, me semble-t-il, une importance particulière ; je les passerai rapidement en revue.
Il s'agit tout d'abord de l'organisation et des missions. Le projet de loi rationalise le paysage actuel en privilégiant le niveau régional des chambres. Il définit les fonctions dévolues aux CCIT et aux CCIR, car, une fois encore, il était logique de travailler à leur complémentarité et d'éviter les doublons.
La commission des affaires économiques a accepté plusieurs changements apportés aux dispositions gouvernementales qui nous avaient été initialement présentées.
Il nous semblait tout d'abord important de bien préciser ce dont nous parlions, donc de revenir sur les missions avant d'entrer de plain-pied dans l'organisation du réseau. Le plan logique supposait, me semble-t-il, d'aborder en premier lieu les missions des chambres, puis leur fonctionnement, enfin leur financement.
Une fois ce préalable posé, il fallait dresser une liste exhaustive de ces fameuses missions, quel que soit le niveau des chambres, afin que l'on connaisse le rôle qui leur est dévolu, mais en veillant à ne pas établir une liste fermée qui viendrait brider les initiatives.
Dans l'esprit de l'amendement que j'ai présenté et qui constitue désormais l'article 1er A que vous avez évoqué, monsieur le secrétaire d'État, j'ai ensuite souhaité, toujours dans un souci de clarification, énoncer les missions dévolues à chaque « étage » du système consulaire.
En second lieu, il m'a paru nécessaire, tout en veillant à préserver la rationalisation du réseau des chambres, de refléter l'organisation réelle de nos territoires. Voilà pourquoi j'ai souhaité, comme plusieurs de nos collègues, que soit reconnue la notion de chambre de commerce et d'industrie métropolitaine.
Ces chambres auront vocation à animer le bassin d'activité correspondant à une métropole, au sens où l'entend l'actuel projet de loi relatif à la réforme des collectivités territoriales, qui facilite du reste la fusion entre les chambres.
Là encore, aidée par les nombreuses auditions auxquelles j'ai procédé, je pense qu'une certaine adaptation était nécessaire, particulièrement à l'heure de la réforme des collectivités territoriales, dont, comme l'histoire nous le montre, le maillage actuel du réseau consulaire tire son inspiration.
Un mot enfin du cas parisien et francilien.
Nous avons longuement réfléchi à la question de savoir si l'on pouvait traiter la CCI de Paris de la même manière que les autres chambres territoriales, alors qu'elle représente 67 % du poids économique de la région Île-de-France et rassemble 380 000 ressortissants, contre 1 400 pour certaines autres chambres de notre territoire.
Sans vouloir anticiper trop longuement sur les débats que ne manquera pas de susciter l'article 7 bis, spécifiquement relatif à l'organisation francilienne, je rappellerai que la commission des affaires économiques a choisi une organisation fondée sur un compromis…
…entre MM. Jean-François Bernardin, président de la CCI de Versailles-Yvelines-Val-d'Oise et par ailleurs président de l'ACFCI, et Pierre Simon, président de la CCIP.
Il s'agit donc de créer une seule CCI pour l'ensemble de la région Île-de-France,…
…les CCI actuelles de la région devenant des chambres de commerce et d'industrie départementales, certes dépourvues de la personnalité morale.
Je sais que ce projet se heurte encore à des difficultés, pour ne pas dire à l'opposition de certains de nos collègues de Seine-et-Marne et de l'Essonne,...
…et, naturellement, je le regrette. Mais nous devons tous ensemble aller de l'avant et préserver le schéma ainsi adopté. Nous en reparlerons d'autant plus facilement que plusieurs amendements confortent encore davantage les actions des chambres de commerce et d'industrie départementales, tout en respectant cet accord, élément essentiel de la réforme. (Exclamations sur certains bancs du groupe UMP.)
Je mesure aussi que, sur tout le territoire, la concertation devra permettre à chacun de s'exprimer et d'être entendu lorsqu'il s'agira de déterminer un point entièrement réglementaire, monsieur le secrétaire d'État : la localisation des chambres régionales. Je pense, au hasard, à la Lorraine, à la spécificité corse,…
…mais je crois que, une fois encore, chacun devra se montrer responsable en cherchant à mutualiser et à optimiser plutôt qu'à diviser ou à multiplier les structures. Je sais, monsieur le secrétaire d'État, que l'État aura à coeur d'accompagner les chambres dans cette étape importante – purement réglementaire, nous le reconnaissons volontiers ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Une fois les missions et l'organisation clarifiées, j'ai réfléchi aux modalités de fonctionnement des chambres de commerce et d'industrie.
La question s'est d'abord posée de savoir s'il fallait profiter de ce projet de loi pour modifier tout ou partie des règles électorales, qui sont, chacun en conviendra, d'une redoutable complexité.
C'est vrai.
Ces règles conduisent en effet à faire élire des personnes parmi trois catégories – services, industrie, commerce –, elles-mêmes divisées en sous-catégories qui varient selon le nombre d'employés dans l'entreprise considérée, le nombre de sous-catégories pouvant lui-même varier selon la région !
Si, là encore, monsieur le secrétaire d'État, le système relève en très grande partie du domaine réglementaire, le projet de loi a permis quelques initiatives, choisissant notamment de faire désormais élire les membres des CCIT et des CCIR le même jour – vous reconnaîtrez que nous sommes restés très modestes. Cette concomitance me semble une fois encore plus simple, plus claire, plus efficace et propre à générer des économies.
Respectant la volonté quasi unanime des chambres, je pense qu'un scrutin de liste n'est pas souhaitable : mieux vaut en rester au scrutin majoritaire plurinominal à un tour et faire en sorte que les élections se tiennent à la date prévue en fin d'année. Ce point me semble lui aussi très important.
Permettez-moi enfin, monsieur le secrétaire d'État, d'effleurer une question de nature bien plus réglementaire, mais qui, dans la bouche d'une élue, prendra tout son sens. En faisant élire au même moment un titulaire et un suppléant, nous souhaitons favoriser une plus grande mixité. Je rappelle qu'actuellement, les femmes – quand bien même elles s'intéressent, vous le voyez, au dossier des chambres de commerce –…
Je m'en réjouis !
…ne représentent malheureusement que 11 à 12 % des élus. Il y a là un grand pas à franchir.
En second lieu, j'ai naturellement réfléchi au financement des chambres de commerce et d'industrie, dont chacun souhaitait qu'il soit à la fois pérenne et non budgétisé.
À ce propos, je tiens à remercier M. Charles de Courson, rapporteur pour avis de la commission des finances, pour le travail qu'il a accompli et pour la solution finalement adoptée, élaborée au sein de la commission des finances, avalisée par le rapporteur général, et qui permet d'envisager l'avenir avec sérénité.
À la suite de la disparition de la taxe professionnelle, votée dans la loi de finances pour 2010, il a fallu trouver un dispositif de substitution. Il est désormais prévu que le financement des CCI, qui bénéficiaient tout de même de 1,2 milliard d'euros par le biais de l'IATP, repose en partie sur la valeur foncière des entreprises, à hauteur de 40 % – c'est la CFE, la cotisation foncière des entreprises – et sur la valeur ajoutée qu'elles produisent, à hauteur de 60 %.
Même si je suis parfaitement d'accord avec l'architecture du système proposé, j'ai souhaité l'amender afin de mettre à contribution toutes les entreprises, notamment les plus petites, jusqu'alors exemptées en pratique de tout paiement de la CVAE alors qu'elles sont les premières utilisatrices des CCI. Voilà pourquoi la commission des affaires économiques a porté les taux respectifs de la CFE et de la CVAE de 30 et 70 % à 40 et 60 %.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai entendu et je sais que vous attendez beaucoup de ce texte en termes d'économie – ce qui n'interdit pas pour autant de rester réaliste et surtout de laisser aux chambres les moyens de réussir cette réforme. En d'autres termes, pour être couronnée de succès, la réforme doit être claire dans ses principes, efficace dans son organisation et porteuse d'espoir pour ses équipes – les chefs d'entreprise qui s'y impliquent à titre bénévole et tous les salariés des chambres.
Pour ce qui est des chambres de métiers et de l'artisanat, il est prévu que leur future organisation comporte une assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat, des chambres de métiers et de l'artisanat de région, des chambres régionales de métiers et de l'artisanat et des chambres départementales.
Une telle différenciation au plan régional peut paraître étrange, mais elle est pleinement justifiée : si plus de la moitié des chambres d'une région le souhaitent, elles peuvent se regrouper en une CMAR, les chambres ayant choisi de rester indépendantes prenant alors le statut de chambres départementales rattachées.
La philosophie générale du projet définit clairement les missions assignées aux chambres de métiers et de l'artisanat et celles dévolues à l'APCM, établissement public placé à la tête du réseau. Elle garantit durablement leur financement.
Précisons enfin que l'équilibre proposé par ce projet convient à tout le réseau, qui l'a adopté à plus de 94 % de ses membres ; autrement dit, il a recueilli un consensus quasi total.
Le titre II du projet de loi consiste à transposer plusieurs dispositions de la directive « Services », laquelle vise, comme vous le savez, à favoriser l'accès aux activités de services ainsi que leur exercice au sein de l'Union européenne. Elle prévoit notamment que le droit d'un État de subordonner cet accès à une autorisation doit être strictement limité.
Pour les dispositions de nature législative, la France a choisi de transposer cette directive au moyen de différents textes.
Le présent projet concerne plusieurs aspects, à commencer par le périmètre de référence des marchés d'intérêt national. Le projet prévoyait un assouplissement des conditions d'installation. Après avoir auditionné les différents représentants de la filière agroalimentaire, qu'il s'agisse du marché d'intérêt national de Rungis, de la FNSEA, de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, de la CGPME, des producteurs de fruits et légumes, de la Fédération nationale de l'épicerie, des groupes de distribution, j'ai noté que bon nombre d'acteurs du secteur étaient favorables à la levée de cette réglementation.
Le périmètre de référence, qui succède au périmètre protégé, constitue une restriction disproportionnée à la liberté d'établissement. J'ai la même volonté que vous, monsieur le secrétaire d'État, de protéger l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse des commerçants, des restaurateurs ou des producteurs agricoles. Mais, à ce stade, ma conclusion est différente de la vôtre.
En effet, si l'interdiction pour les grossistes de s'installer à proximité d'un MIN a incontestablement eu sa justification au moment de la création des marchés d'intérêt national, le régime d'autorisation préalable qui était proposé par le projet de loi constitue une entrave excessive qui va à l'encontre des préconisations de la directive. C'est le sens de l'un des amendements votés par la commission des affaires économiques.
En ce qui concerne la suppression de la licence d'agent artistique, le projet de loi vise à remplacer le régime actuel d'autorisation par une inscription à un registre. Cette réforme a suscité des inquiétudes parmi les professionnels. Après les avoir rencontrés, nous avons rédigé divers amendements adoptés par notre commission, de nature, nous le pensons, à répondre aux différentes attentes.
L'article 13 du projet de loi est, quant à lui, relatif à l'exercice de la profession d'expert comptable. Je sais, monsieur le secrétaire d'État, combien les concertations avec votre cabinet ont été intenses. J'ai moi-même eu l'occasion de travailler avec les professionnels.
Je souhaite que, d'ici à la navette avec le Sénat, nous poursuivions le travail sur le point spécifique de la participation des associations de gestion et de comptabilité au capital des sociétés d'expertise comptable et, réciproquement, de la participation des experts comptables au capital de ces AGC.
L'article 14 relatif à l'exercice de l'activité de placement lève les restrictions en matière d'exercice à titre lucratif de l'activité de placement.
Quant aux articles 15 à 17, ils traitent plus particulièrement de la coopération administrative en matière de contrôle des prestataires de service au sein de l'Union européenne.
Enfin, les derniers articles du projet de loi se composent de dispositions transitoires. Elles sont essentiellement relatives aux importantes questions de personnel consécutives à la réforme des réseaux consulaires.
Il est notamment prévu que les personnels sous statut de droit public employés par les chambres territoriales seront désormais transférés au niveau régional et ensuite mis à disposition des chambres territoriales : c'est une concrétisation de la régionalisation souhaitée par le projet de loi.
Il est également spécifié que les changements de dénomination n'affectent en rien les contrats et les marchés passés par les chambres de commerce et d'industrie à la date de la promulgation de la présente loi.
Telles sont, monsieur le président, mes chers collègues, les grandes orientation de ce texte. Par la régionalisation qu'il met en oeuvre, il est sans nul doute important pour l'organisation de notre vie économique. Nous le voyons à travers la nouvelle définition des stratégies, le vote des budgets des chambres et la volonté de décliner les outils à l'échelon des territoires pour répondre réellement à leurs attentes.
C'est en cela que ce projet de loi porte en lui un véritable équilibre, équilibre attendu tant par une partie des parlementaires qui se sont intéressés au sujet que par bon nombre des acteurs concernés.
Je ne doute pas que de nouvelles améliorations seront encore apportées au texte au cours des débats dans notre hémicycle, puis au Sénat.
En tout état de cause, la diversité des expériences, des points de vue et des idées émises a incontestablement contribué à enrichir le texte. J'espère qu'il permettra, une fois promulgué, de valoriser l'action de ces différents acteurs au service de l'économie de nos territoires, de l'emploi et donc de la croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
La commission des finances s'est saisie pour avis du titre Ier du projet de loi relatif à la réforme des réseaux consulaires et des articles 18 et 19 du titre III relatifs aux dispositions transitoires et finales s'y rapportant.
Dans la mesure où la plupart des amendements adoptés par la commission des finances ont été repris ou précisés par la commission des affaires économiques et où la commission des finances est favorable à cette réforme, je souhaiterais concentrer mon intervention sur deux points cruciaux : le financement des chambres et la réforme de leur organisation.
En premier lieu, notre commission a souhaité créer un mode pérenne de financement fiscal des CCI au niveau régional.
En effet, si l'article 79 de la loi de finances initiale pour 2010, adopté en commission mixte paritaire, a permis d'éviter in extremis une budgétisation des CCI – solution extrêmement nuisible –, il s'est avéré que ce dispositif fiscal n'était ni régionalisé ni opérationnel, pour les raisons que j'ai exposées dans le rapport pour avis.
La commission des finances a donc travaillé en étroite liaison avec l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, les représentants des CCI, des CRCI, des organisations professionnelles et du ministère de l'économie, ainsi qu'avec Mme la rapporteure, pour proposer un outil fiscal qui soit opérationnel dès le 1er janvier 2011, tout en reprenant le principe, posé par l'article 79, d'une taxe pour frais de chambre reposant sur deux éléments : une taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises, d'une part, et une contribution à la cotisation sur la valeur ajoutée, d'autre part.
Le dispositif proposé à l'article 7 ter vise donc quatre objectifs.
Il s'agit, tout d'abord, de maintenir l'autonomie fiscale des chambres de commerce, mais au niveau régional et non plus local.
Il s'agit, par ailleurs, d'assurer la cohérence du mode de financement des chambres régionales avec celui retenu pour les collectivités territoriales, compte tenu de la suppression de la taxe professionnelle. En effet, il nous semblait cohérent d'établir une symétrie entre la réforme du financement des collectivités territoriales et la réforme des CCI.
Il s'agit, ensuite, d'inciter les chambres régionales à développer l'activité économique de leur territoire sous le contrôle de leurs électeurs, suivant la même logique que celle que nous avions choisie à l'occasion de la réforme de la taxe professionnelle.
Il s'agit, enfin, de neutraliser les effets de la réforme sur les chambres régionales en 2011, tout en les incitant à une bonne gestion par une réduction progressive de la pression fiscale sur les entreprises.
Le texte qui vous est aujourd'hui proposé vous invite donc à créer une taxe pour frais de chambre composée de deux contributions, elles-mêmes adossées au nouveau mode de financement des collectivités territoriales.
La première partie – 40 % – repose sur une taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises fondée sur un taux régional voté par chaque chambre régionale chaque année. Ce taux est fixé en 2011, gelé à la hausse en 2012 et susceptible d'être augmenté d'un point au maximum chaque année à compter de 2013. Certains se demandent peut-être la raison de ces pourcentages puisque la répartition de l'assiette entre la cotisation foncière et la cotisation sur la valeur ajoutée n'était pas de 60 % et 40 %, mais de 70 % et 30 %. Si nous avons fait ce choix, c'est afin de rééquilibrer le financement entre les petites et moyennes entreprises et les grandes entreprises.
L'autre partie – 60 % – de cette taxe repose sur une contribution sur la cotisation sur la valeur ajoutée fondé sur un taux national, à l'image de la CVAE perçue par les collectivités territoriales. Toutefois, ce taux est réduit progressivement de 2011 à 2013 pour alléger le poids de la fiscalité sur les entreprises. Cette réfaction progressive impose aux chambres régionales un effort de productivité et une réduction de leurs dépenses par rapport à 2010. Nous avons eu de grands débats sur cette question, mais il faut rappeler que la part fiscale finançant les chambres est soumise à de grandes variations. Elle est en moyenne d'un tiers mais peut aller de 15 % à 70 %. L'effort ainsi demandé aux chambres doit donc être pondéré.
Enfin, le produit de la CVAE est versé à un fonds de financement national des chambres régionales, qui le répartit entre les chambres proportionnellement à leur base de valeur ajoutée.
Ce nouveau dispositif de financement est donc une avancée majeure pour le réseau des CCI, qui disposeront d'un outil fiscal pérenne garantissant leur autonomie financière et leur niveau de ressources, moyennant un effort de productivité.
S'agissant du financement des chambres de métiers et de l'artisanat, la commission des finances a proposé de simplifier le dispositif existant, tout en l'adaptant de deux façons à la présente réforme.
Il s'agit, d'une part, de régionaliser la perception du droit fixe et du droit additionnel de la taxe pour frais de chambre de métiers.
Il s'agit, d'autre part, de remplacer la détermination en valeur absolue du droit fixe de la taxe foncière alimentant les chambres de métiers par un taux indexé sur l'évolution du plafond de la sécurité sociale, afin de ne plus devoir soumettre chaque année sa réévaluation au Parlement, comme c'est le cas depuis plusieurs dizaines d'années.
Enfin, la commission des finances a souhaité rendre le régime applicable dans les départements d'Alsace et de Moselle compatible avec la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, qui impose au Parlement d'encadrer le pouvoir fiscal des chambres consulaires.
La commission des finances s'est également penchée sur la réforme de l'organisation des réseaux consulaires.
Tout en confirmant l'intérêt d'une mutualisation des fonctions au niveau régional, elle a jugé important de consolider les compétences des établissements de proximité – CCI territoriales et chambres départementales de métiers. Je me félicite donc que les amendements qu'elle a adoptés en ce sens aient été repris ou précisés par la commission des affaires économiques.
Notre commission avait également estimé nécessaire d'introduire des éléments supplémentaires de souplesse dans le cadre de la réforme des CCI. Elle a donc adopté un amendement consistant à offrir aux CCI territoriales d'une même région la possibilité de fusionner si la majorité d'entre elles le décident, à l'instar du schéma proposé pour les chambres de métiers. Je me permettrai donc de défendre devant vous la position de la commission des finances sur ce point.
Dans le même sens, nous avons adopté un amendement consistant à offrir un bonus aux chambres de métiers ayant fait le choix de la régionalisation.
Enfin, je vous proposerai deux amendements consistant à ne pas pénaliser financièrement les établissements des deux réseaux, CCI et CMA, en cas de fusion.
Globalement, les amendements de la commission des finances constituent une véritable avancée alliant responsabilité et rigueur de gestion au bénéfice des entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Catherine Vautrin a fort bien dit qu'il fallait aller au-delà des changements sémantiques. Monsieur le secrétaire d'État, il ne faut pas se fier à votre air patelin… (Sourires.)
Ça commence bien !
Et pourtant !
…mais, vous le savez, l'habit ne fait pas le moine et, avant de vous donner l'absolution, je passerai un temps certain à vous confesser sur la réalité de vos intentions. (Sourires.)
Vous avez parlé de « longues et larges concertations », monsieur le secrétaire d'État : la langue de bois commence, me disais-je en vous entendant. Vous auriez aussi pu, les enrichissant d'une troisième dimension, les qualifier de « profondes », et même ajouter à cette dimension spatiale, sans qu'on y voie trop clair, en parlant de concertations « vaporeuses ». (Sourires.) Plus tard – et je reconnais que vous êtes, en matière de libéralisme, un homme de foi – vous avez déclaré : « Nous sortons difficilement de la crise ». Certes, nous ne pouvons contester ni le mot « crise » ni l'adverbe « difficilement », mais il faut vraiment avoir l'aveuglement des vieux croyants pour penser que l'on sort de cette crise. Moi, j'aurais tendance à dire que l'on s'y enfonce comme on descend au fin fond de l'enfer. C'est le résultat de votre politique, mais il faut reconnaître que vous n'êtes pas seul responsable. Plus globalement, c'est votre système qui est responsable de la situation dans laquelle nous sommes, même si vous avez contribué avec zèle à nous y plonger.
Ce renforcement régional, avez-vous dit, ne se fera pas au détriment des structures infrarégionales. Mais moi, voyez-vous, j'ai beaucoup de révérence pour Descartes, et ce que vous donnez aux uns, j'ai tendance à penser que ce que vous allez donner aux chambres régionales, vous allez forcément le retirer aux chambres départementales. Je note que notre collègue André Schneider, qui est alsacien, donc homme de raison et de rationalité, n'est pas loin de partager mon point de vue.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous extrapolez !
Vous nous dites, monsieur le secrétaire d'État, que vous allez « agréger » ainsi les chambres départementales dans les chambres régionales. Il y aura en fait des antichambres et des chambres. Or c'est dans la chambre que les problèmes se règlent, et non dans l'antichambre. Du reste, lorsque vous allez à l'Élysée, c'est évidemment dans le bureau du Président, et non dans la salle d'attente, que les problèmes se règlent…
Tout cela n'est que du vocabulaire. Tous ces mots ne visent qu'à endormir les gens…
Avec vous, c'est raté ! (Sourires.)
…mais ne traitent pas le fond du sujet. Vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'État, pour être un des idéologues du régime. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Pour être un idéologue, il faut pour le moins avoir des idées. Or on ne peut pas tous vous accuser d'en avoir… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La démocratie passe précisément par la confrontation des idéologies. Je sais que, pour certains d'entre vous, c'est un gros mot. Il est vrai qu'il faut connaître l'idéologie d'en face.
Les mots que j'entends n'honorent pas ceux qui les prononcent !
Les idéologues sont de toutes sortes. Reconnaissez cependant qu'il vaut mieux faire référence à une idéologie plutôt que d'être confronté à sa propre vacuité idéologique et intellectuelle. Or, justement, avec M. Novelli, il y a du contenu, de l'épaisseur, de la largeur, de la longueur – parfois (Sourires) – et de la profondeur – toujours…
Cela dépend dans quel sens on veut s'orienter, monsieur de Courson, car lorsqu'il est question de M. Novelli, on pense à la hauteur des dividendes et à la faiblesse des salaires…
Mais revenons-en à notre sujet. Quand M. le secrétaire d'État parle de simplification, il faut savoir traduire la novlangue et comprendre qu'il s'agit de désarticulation. Quand M. le secrétaire d'État parle d'adaptation, il faut comprendre qu'il s'agit en fait de s'adapter aux exigences de ceux dont vous représentez les intérêts ici, chers collègues de la majorité. Certains les représentent d'ailleurs sans le savoir tant ils sont imbibés de cette idéologie : ils l'ont bue dès le biberon ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le présent texte touche à beaucoup de domaines : les chambres de commerce, les experts-comptables, les agents artistiques – c'est une sorte d'énumération à la Prévert. Il vise à procéder à une réorganisation en profondeur de l'architecture, du fonctionnement et des missions des CCI. C'est une réforme d'ampleur : elle aura en effet des répercussions directes non seulement sur les quelque 150 chambres de commerce et les 32 000 personnes qu'elles emploient aujourd'hui. Mais c'est également une réforme lourde de conséquences parce que les chambres consulaires d'aujourd'hui font souvent un travail formidable pour le développement économique local, et, partant, pour l'emploi sur l'ensemble du territoire.
Je suis sûr, monsieur le secrétaire d'État, que vous êtes prêt à adhérer à ces propos.
Tout à fait !
Disant cela, vous seriez dans l'oraison funèbre, alors qu'il s'agit pour moi de célébrer les mérites de ces chambres qui ont démontré leur utilité pour faire prospérer le tissu économique.
Malheureusement, le rôle et les résultats obtenus par ces chambres sont généralement très peu connus du grand public. Je dis « malheureusement » car si nos concitoyens connaissaient mieux l'importance des CCI, il vous serait bien plus difficile de présenter un texte qui préfigure votre réforme des collectivités territoriales et les mesures de recentralisation autoritaire qu'elle contient. Le projet illustre en effet à merveille la conception autoritaire défendue par « Sa Majesté ».
Puisque vous semblez avoir des références, mon cher collègue, je vous rappellerai que Marx disait que lorsque l'histoire se répète, c'est en farce. Mais c'est un autre débat. Gardons ces échanges pour d'autres lieux.
Par exemple. Je ne doute pas que nous pourrions élargir le cercle à quelques collègues intéressés par ces disputes intellectuelles peu fréquentes dans notre hémicycle.
À condition que je le préside ! (Sourires.)
Le Président de la République n'est pas respectueux des territoires, pas plus avec cette réforme qu'avec celle du Grand Paris. La démarche est la même : autoritaire, centralisatrice, dominatrice, ignorante des relais et visant même à les réduire.
Avant de vous exposer en détail les raisons qui nous amènent à formuler notre jugement, permettez-moi, mes chers collègues, de me tourner plus particulièrement vers les gens qui nous écoutent et nous regardent, sur Internet par exemple. Je voudrais en effet revenir quelques instants sur le rôle et l'importance du réseau des chambres de commerce et d'industrie.
Les chambres de commerce font partie intégrante du service public national puisqu'il s'agit d'établissements publics ayant vocation à assurer des missions d'intérêt général.
Jean-Pierre Brard défendant les chambres de commerce : c'est la meilleure !
Ma chère collègue, vous ne connaissez pas l'essence de la théorie qui fonde nos convictions.
En dernière analyse, l'économie est toujours déterminante même s'il ne faut pas ignorer la superstructure. J'ai offert à Mme Lagarde, ici même, voilà trois semaines, le livre II du Capital.
Je pourrais vous choisir un autre extrait qui sera utile à votre édification.
Nous pourrions faire des lectures collectives et commentées. Dans le cas particulier, l'exégèse pourrait être particulièrement précieuse.
Donc, oui, nous nous intéressons aux chambres de commerce, qui fondent une partie de la réalité nationale. On en compte aujourd'hui près de 150, réparties sur l'ensemble du territoire, ainsi que 21 chambres régionales. Leur budget global annuel s'élève à environ 4 milliards d'euros. Ces établissements sont des acteurs majeurs du développement économique local puisqu'ils gèrent de nombreuses installations, à savoir, notamment, 90 aéroports fréquentés par plus de 64 millions de passagers, 121 ports commerciaux, plus de 120 zones d'activité économique, de nombreux centres routiers, près de 20 palais des congrès et parcs d'exposition, ou encore plus de 50 pépinières et incubateurs d'entreprises. Comme vous le savez, les incubateurs d'entreprises sont particulièrement importants pour l'aide à la création d'entreprises et d'emplois.
Eh oui, mon cher collègue, c'est moi qui le dis ! Je suis obligé de le faire car personne sur vos bancs ne l'a encore fait. J'espère que ce sera repris dans les différentes interventions.
Vous n'aimez donc pas qu'on vous tende le miroir dans lequel vous pouvez voir les turpitudes de votre politique ! Nous vous le tendrons autant de fois qu'il le faudra. En tout état de cause, c'est non pas vous que je veux convaincre, car je sais cette mission impossible, ce sont les gens qui nous regardent et nous écoutent. Je veux leur faire comprendre notre point de vue et leur montrer que ce texte, s'il n'est ni tout noir ni tout blanc, est plutôt noir que blanc dans certaines de ses parties.
Vous le voyez, j'ai l'esprit dialecticien et je sais que M. Novelli n'est pas étranger à cette dialectique, sauf que nous ne l'abordons pas de la même manière et n'en tirons pas les mêmes conclusions.
Les chambres de commerce sont également très investies dans la formation professionnelle. Celle-ci constitue une mission prioritaire pour les CCI : elles assurent chaque année, au sein de leurs 500 établissements, la formation de plus de 600 000 élèves, apprentis, salariés ou demandeurs d'emploi. Ces quelques faits, méconnus du grand nombre, méritent d'être soulignés afin de mieux comprendre l'enjeu de ce texte de loi qui organise, de fait, le démantèlement de ces structures aujourd'hui au service du public.
Je l'ai dit au début de mon propos, ce projet de loi préfigure la réforme des collectivités territoriales et reflète le mépris du président Sarkozy envers la démocratie et les élus locaux. Quant au lien avec la réforme des collectivités, je me permets de vous citer, monsieur le secrétaire d'État : dans un entretien paru dans Les Échos en octobre 2008, vous affirmiez que le projet de loi était « à relier au débat qui s'engage sur les réformes des collectivités ». Vous ajoutiez : « J'attends du réseau consulaire qu'il donne l'exemple. »
Or, qu'est-ce qui est à l'origine de la réforme des collectivités ? Tout simplement la volonté du président Sarkozy d'en finir avec les résistances qui pourraient venir d'instances démocratiquement élues, et donc légitimes, à savoir les conseils généraux et régionaux. En majorité situées à gauche de l'UMP, ces collectivités peuvent encore freiner les ravages sociaux provoqués par vos politiques, imaginées dans les salons du Fouquet's.
Le palais présidentiel ne serait-il donc pas assez délicat ? Le président ne vous inviterait-il donc pas là où vous le souhaiteriez ? Adressez vos critiques à qui de droit, mon cher collègue, mais pas à moi, qui n'ai les moyens de vous inviter ni au Fouquet's ni à La Tour d'Argent !
Pour vaincre ou, du moins, contourner ces résistances, les projets du président Sarkozy prévoient tout simplement la remise en cause des départements, hérités de la Révolution, et l'affaiblissement des pouvoirs régionaux, issus de la décentralisation.
Concrètement, pour entamer cette évolution, ce projet de loi renforce considérablement les chambres de commerce et d'industrie de région. Celles-ci disposeront désormais d'une compétence générale et deviendront l'interlocutrice unique auprès des pouvoirs publics et des acteurs régionaux pour représenter les intérêts économiques du territoire et des entreprises de leur circonscription. Surtout, les CCI régionales seront seules compétentes pour la répartition des ressources. On aurait pu imaginer une autre réforme, qui tienne mieux compte de la réalité territoriale. Certes, on peut changer les structures, mais pourquoi prévoir le même uniforme pour toutes ?
Quant aux chambres de commerce et d'industrie autres que régionales, elles deviendront des chambres « territoriales », rattachées à la chambre de région. Ces CCI territoriales perdront donc leur autonomie financière et budgétaire et, par conséquent, l'indépendance dans l'administration de leur établissement. Elles seront désormais soumises au bon vouloir et à la tutelle des CCI régionales. On peut imaginer ce que cela donnera lorsqu'elles seront d'obédience différente, voire opposée.
Dans ce cadre, la notion de « territoire » employée au détriment de celle de « département » n'est pas anodine. Comme vous le savez, il s'agit là d'une notion vague et abstraite qui facilitera toutes les évolutions prévues par les prochaines réformes, toutes les transgressions et toutes les désarticulations. Cela étant, le renforcement du pouvoir des chambres régionales présente surtout l'avantage, pour l'actuel gouvernement, de court-circuiter les conseils régionaux, instances élues au suffrage universel comme vous vous en souvenez. C'est en effet le préfet de région, nommée par le Président de la République et par lui seul, qui exercera la tutelle de l'État sur les CCI régionales.
J'en profite pour revenir un instant sur la réforme territoriale : marginaliser le rôle des élus dans l'administration du Grand Paris sous prétexte de donner une place aux acteurs économiques, c'est nier le suffrage universel hérité de notre histoire et qui est devenu pour vous un carcan à briser. Mais notre peuple connaît son histoire et vous ne pouvez évidemment pas abolir le suffrage universel.
Vous avez un bolchevik parmi vous, vous devriez vous en méfier car il a des références.
Vous voulez éliminer, relativiser le poids des élus pour donner le pouvoir ultime à ceux qui détiennent la finance, le capital, et qui s'enrichissent du travail des salariés. Telle est la réalité.
La démocratie vous gêne. Vous répétez en effet à qui ne veut plus l'entendre que l'échelon pertinent du développement est la région et que cette nouvelle organisation du réseau consulaire favorisera la croissance et l'emploi. Prouvez-le, monsieur le secrétaire d'État, au lieu de vous contenter de l'affirmer, de faire des déclarations d'intention et de pratiquer la méthode Coué !
En réalité, la seule efficacité économique de ce projet de loi est celle qui consiste à faire faire des économies à l'État en démantelant les réseaux consulaires. Or, comme vous le répétez vous-même sans relâche, cette réforme s'inscrit dans le cadre de la « régression générale des politiques publiques », la RGPP, que je serais tenté pour ma part d'appeler le « PLMFP » : plan de licenciements massifs dans la fonction publique. Cette réforme, qui vise à ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux, et dont les effets commencent déjà à se faire ressentir dans nos écoles et à l'hôpital public, illustre le dogmatisme libéral du gouvernement dont vous faites partie : réduire à tout prix l'intervention de l'État dans l'économie afin de laisser libre cours aux prétendues lois du marché.
Depuis le début de la crise financière internationale, tout le monde a pourtant pu constater les désastres qu'entraîne la « main invisible du marché », pour reprendre l'expression d'Adam Smith et non de Brecht – on ne peut pas tout lui mettre sur le dos –, cette main qui remplit les poches d'une poignée de privilégiés en poussant la grande majorité dans la difficulté.
Concrètement, la RGPP appliquée aux chambres de commerce signifie la disparition pure et simple d'un grand nombre de chambres territoriales. Ce plan social gouvernemental se cache derrière de jolis vocables de la novlangue libérale tels que « regroupement de services », « mutualisation des fonctions administratives » ou « chasse aux doublons ».
En réalité, vous mettez en place une « gouvernance régionale » des chambres de commerce qui, elle, fera bel et bien doublon avec un certain nombre d'organismes et d'administrations. Mais il est vrai que les missions de développement économique régional, les agences régionales du développement économique, les schémas régionaux de développement ne vous intéressent qu'en Alsace. Parce que vous voulez court-circuiter les collectivités élues, vous allez créer des doublons tout en prétendant en supprimer. Cette démarche est totalement contraire au bon sens, au respect des personnels des CCI et à l'efficacité économique.
La raison d'être des CCI, en même temps que leur atout, c'est bien la proximité. Leurs missions sont complémentaires avec les politiques de développement régionales, nationales et européennes. Notre excellente collègue Catherine Vautrin parle d'ailleurs, page 47 de son rapport, de « la volonté du Gouvernement de maintenir […] un lien entre les chambres et le terrain, la proximité étant un gage de leur efficacité ». Mais trois pages plus loin, car il faut tout lire,...
…il est écrit : « Mais, surtout, il est prévu que seules les chambres de commerce et d'industrie de région bénéficient de ces ressources : indéniablement, il s'agit là d'un signe fort en faveur de la régionalisation du réseau des chambres de commerce qui sous-tend l'ensemble du projet de loi. » Le résultat de tout cela sera la marginalisation des antennes départementales.
Le projet de loi n'est donc pas seulement discutable sur le plan de la conception de la démocratie locale qu'il sous-tend, il est également absurde d'un point de vue économique.
Enfin, cette réforme fait preuve d'un invraisemblable mépris à l'égard des 31 000 salariés – agents et contractuels – des chambres de commerce et d'industrie.
Le devenir des personnels est le grand absent, tant du projet de loi que des débats qui ont commencé alors même, je le répète, que les chambres emploient près de 31 000 personnes.
D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez pas du tout abordé, dans votre propos, la question des personnels. Quant à Mme Vautrin, elle n'y a fait qu'une délicate et fugace allusion, sans doute pour ne pas les inquiéter davantage en leur révélant la réalité du sort qui leur est promis. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Avec ce texte, les CCI de région deviendront l'employeur des personnels de droit public des chambres territoriales et régionales. Le statut national risque ainsi de voler en éclats, tout comme les règlements intérieurs de chacune des CCI. La réforme sert de prétexte à une refonte profonde du statut du personnel afin de faciliter ce que M. Woerth appelle « l'effort de rationalisation, de mutualisation – il n'a pas dit “de mutilation”, mais c'était très fort dans son esprit (Sourires) – et de réduction de la dispersion des structures afin d'améliorer leur efficience et les services rendus aux entreprises ». Encore un bel exemple de novlangue technico-libérale pour parler d'une destruction massive d'emplois dans la fonction publique !
Concrètement, la réforme engagerait le démantèlement du statut des personnels des CCI en nivelant par le bas tous les règlements intérieurs des CCI départementales, négociés depuis 1952. En d'autres termes, il s'agit d'une régression catastrophique des acquis sociaux du personnel.
La disparition programmée d'un certain nombre de CCI territoriales entraînera inévitablement des suppressions de postes, à commencer par ceux des contractuels. D'autre part, la gestion exclusive des ressources humaines par les CCI régionales conduira très probablement à des mobilités géographiques et professionnelles forcées.
En tout état de cause, ce texte ne prévoit rien qui puisse empêcher un tel scénario. Aucune garantie n'est donnée. Bien au contraire, dans le cadre de la mobilité prévue par la réforme, les agents pourraient être mis à disposition d'une CCI territoriale très éloignée de leur domicile. En effet, si les personnels des CCI territoriales sont gérés par les CCI régionales, il va de soi, et c'est l'un des buts de la réforme, que des économies d'échelle seront faites, au moins, sur les personnels des services support et que, plus grave, ces personnels seront susceptibles d'être mutés dans n'importe quelle CCI de la région sous peine de devoir démissionner. Ainsi, en Midi-Pyrénées – même si les Français sont mauvais en géographie, je vous rappelle quelques réalités –, plus de 200 kilomètres séparent les CCI de Cahors et de Foix. En Provence-Alpes-Côte-d'Azur, il faut parcourir plus de 220 kilomètres pour relier Martigues et Nice. Et ce sont loin d'être des cas isolés !
Sans même évoquer la critique formulée par le président de la CCI des Deux-Sèvres, M. Gérard Lefèvre, que connaît M. Novelli, qui n'est pas un dangereux gauchiste,…
…et qui s'interrogeait sur la pertinence d'un « management bicéphale » partagé entre les échelons régional et local, j'aimerais insister sur le fait qu'il est totalement invraisemblable de croire qu'un tel système de gestion des ressources humaines puisse durablement fonctionner sans provoquer de tensions permanentes. Nous avons en effet un triste exemple de ce que ces méthodes peuvent provoquer. Personne ici n'a le droit d'ignorer l'ampleur de la souffrance au travail et, même si comparaison n'est pas raison, nous devons garder présents à l'esprit les drames qui se sont produits chez France Télécom et qui, hélas, ne sont pas exceptionnels.
Avant de terminer sur une remarque plus « proactive »… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le secrétaire d'État, lui, m'écoute…
Plusieurs députés UMP. Nous aussi !
…car il est habitué à l'effort intellectuel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est que je suis sans cesse interrompu, monsieur le président. (Rires.)
Avant de terminer sur une remarque plus « proactive », disais-je, je voudrais vous rappeler les propos de notre ancien collègue de la majorité présidentielle, M. Gérard Trémège. Il y a près d'un an, celui-ci résumait ainsi le projet de loi dans les Échos…
Il n'est plus là !
Il n'est plus là, mais son esprit est toujours présent et il l'a laissé en héritage à ses collègues de l'UMP.
Je le cite : « Il s'agit ni plus ni moins que de faire disparaître les chambres consulaires locales, en les faisant absorber par leurs structures régionales car elles n'auraient plus de stratégie, ni de ressources, ni de personnels propres, entièrement centralisés à l'échelon régional. Il ne s'agit pas d'une réforme qui modernise, mais d'une réforme qui tue, faisant disparaître des outils de proximité, animés de chefs d'entreprise dévoués à leurs territoires, soucieux d'un prélèvement fiscal minimal sur leur tissu économique, pour financer leurs missions. » Voilà ce que dit un esprit libre de l'UMP ! Parce qu'ils ne sont pas nombreux, il est important de les mettre en valeur…
Je vous ai promis à l'instant que j'allais faire preuve de « proactivité ». Autrement dit, je vais prendre l'initiative de vous faire une proposition. La réforme dont les chambres de commerce ont besoin est celle d'une plus grande participation des salariés à leur gestion et à leur animation. Il est en effet invraisemblable que l'on puisse encore croire que le développement économique repose uniquement sur les chefs d'entreprise, même s'ils ont évidemment leur rôle à jouer. Pour que les CCI gagnent en lisibilité et en efficacité, pour qu'elles puissent se débarrasser de cette image de « Rotary club » local qu'elles traînent parfois, il ne s'agit pas uniquement de renforcer le poids de la représentation syndicale dans la négociation des accords collectifs, mais bien de faire d'elles de véritables acteurs du développement économique local, en mesure de mobiliser l'ensemble des énergies dans une démarche constructive et bénéfique pour tous. Mais je ne me fais pas trop d'illusions sur la « proactivité » de nos collègues de la majorité…
Parce que ce projet de réforme piétine les droits des collectivités territoriales, parce qu'il n'est pas économiquement rationnel et parce qu'il méprise les 31 000 personnes qui travaillent dans les chambres de commerce, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cette motion de renvoi en commission afin de permettre à la représentation nationale de réfléchir sereinement et sans précipitation aux solutions réelles qui doivent être trouvées pour accompagner efficacement les petites et moyennes entreprises de nos territoires.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez dit tout à l'heure que, très majoritairement, la consultation vous encourageait à persévérer dans la voie que vous avez choisie. Reste que nous ne sommes pas les représentants des chambres de commerce, mais ceux de l'intérêt national. Nous n'avons donc à tenir compte que de notre réflexion et de ce qui est conforme à l'intérêt commun,…
…et non pas des intérêts particuliers, aussi bien défendus soient-ils par vous-même, monsieur le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Nous nous rejoignons tous, monsieur Brard, lorsqu'il s'agit de reconnaître les CCI comme des acteurs du développement économique local. En revanche, quand vous avancez que nous n'avons qu'effleuré la question des personnels, la lecture du texte de la commission vous montrera que nous avons adopté des amendements permettant justement de mieux définir leur statut.
Quant à votre commentaire sur notre ami et ancien collègue Trémège, vous faites allusion à une interview qui date de plus d'un an ; or le texte que nous allons examiner a beaucoup évolué par rapport à celui auquel elle se réfère.
Enfin, quand vous nous expliquez qu'il conviendrait de renvoyer le texte en commission, je vous rappelle que celle-ci a organisé cinquante-trois auditions, rencontré plus de cent dix personnes et examiné près de quatre cents amendements – et je ne parle pas du travail réalisé par la commission des finances.
L'Assemblée ayant donc déjà largement travaillé sur le sujet, il est temps que nous en débattions ; c'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à votre motion de renvoi.
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis, ce texte, dans sa forme initiale et pour ce qui concerne les chambres de commerce – partie la plus délicate, la plus complexe –, fait suite à une proposition de réforme élaborée, comme vous l'avez rappelé, monsieur Novelli, par l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie en avril 2009 après un débat mené en 2008. Cette proposition a ensuite fait l'objet d'un texte présenté en juillet 2009 en conseil des ministres dans la continuité de la loi de 2005 en faveur des PME.
L'objectif du présent projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services s'inscrit dans le cadre de la RGPP, n'en déplaise à notre collègue Jean-Pierre Brard, et vise à rationaliser l'organisation administrative et territoriale des chambres de commerce et d'industrie et des chambres des métiers et de l'artisanat, mais aussi à réformer le régime administratif de plusieurs professions réglementées dans le domaine du commerce, de l'artisanat et des services.
La rapporteure de la commission des affaires économiques, Catherine Vautrin, a mené, ces dernières semaines, un important travail d'auditions et de consultations qui l'a conduite à amender ce texte en vue d'obtenir le meilleur consensus possible et la meilleure application possible, compte tenu de la diversité des situations constatées sur le terrain, sans pour autant s'éloigner de l'objectif défini par M. le secrétaire d'État.
Sous l'autorité du président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, je salue, à travers Catherine Vautrin, l'apport du travail parlementaire sur un sujet que je qualifierai de sensible, de même que je salue le travail du rapporteur pour avis de la commission des finances, Charles de Courson, pour ce qui concerne les questions de financement.
Le premier objectif visé par le texte est bien de rationaliser le maillage des chambres consulaires sur l'ensemble du territoire et de préciser leurs compétences respectives, ce à quoi s'est particulièrement attachée notre rapporteure.
La logique générale consiste à renforcer le niveau régional des chambres et à en diminuer le nombre au plan local afin de réaliser des économies – nous nous trouvons donc bien dans le cadre de la RGPP – tout en conservant un important réseau de proximité.
Pour ce qui est des CCI, l'échelon régional est renforcé avec le rattachement des CCI actuelles, dont le nombre sera restreint à terme. Les CCI régionales deviennent des CCIR et les autres des CCIT – territoriales – ou des CCIM – métropolitaines.
En ce qui concerne les CCIT, un seuil minimum de 8 000 ressortissants est prévu d'ici à cinq ans, tout en conservant le principe d'une CCIT au moins par département, condition qu'il convient de bien préciser à l'attention de nos collègues élus en milieu rural.
Je me félicite de la prise en considération des CCIM et souhaite qu'il soit tenu compte, en termes de représentation, de leur poids économique.
Les CCIR, quant à elles, élaborent les stratégies régionales mutualisant certaines fonctions support et perçoivent les ressources affectées qu'elles redistribuent au niveau infrarégional.
La tête de réseau et l'animation du réseau sont assurées par l'ACFCI.
Je souligne mon attachement à un droit d'initiative permettant aux CCIT de mener des expériences sur leur territoire. Je précise également que je partage l'avis de Mme la rapporteure selon lequel il faut qu'elles puissent recruter et gérer librement les personnels nécessaires en vue du bon accomplissement de leurs missions.
M'exprimant au nom du groupe UMP, je sais que certains de mes collègues se sont interrogés : ceux élus en milieu rural, sur l'avenir du rôle de proximité des CCI ; ceux élus en milieu urbain, au sujet du développement des métropoles. Le texte me paraît de nature à satisfaire les uns et les autres et je demeure persuadé que vous saurez, monsieur le secrétaire d'État, comme Mme la rapporteure et M. le rapporteur pour avis, apporter toutes les réponses à leurs questions légitimes.
Je n'ai pas encore évoqué le cas particulier de l'Île-de-France, région qui compte plusieurs CCI dont une qui revêt une ampleur spécifique, à savoir la CCI de Paris. Je sais qu'un compromis a été avancé entre les présidents de l'ACFCI et ceux de la CCIP. Reste qu'à mon sens le débat parlementaire se révélera fort utile pour que nous parvenions à un résultat satisfaisant.
Je connais les préoccupations de plusieurs de nos collègues d'Île-de-France et je suivrai avec intérêt les débats que nous allons mener avec vous, monsieur le secrétaire d'État, ainsi qu'avec Mme la rapporteure, M. le rapporteur pour avis, et le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, qui connaît bien la question.
Je ne m'attarderai pas sur le système électoral, qui me paraît aller dans le sens de la simplification.
En matière financière, j'ai bien noté la volonté du Gouvernement de réduire les dépenses des chambres de 15 % sur trois exercices, de même que le nouveau mode de financement des chambres faisant suite à la réforme de la taxe professionnelle, financement qui devrait assurer la pérennité, la cohérence, l'équilibre des ressources et l'autonomie financière des CCIR.
Je soutiens en particulier le vote aux deux tiers, par les élus consulaires, de la stratégie annuelle et du budget des CCIR, acte fort et fondateur proposé par la commission des affaires économiques sous l'impulsion de sa rapporteure.
Pour ce qui est des chambres de métiers, l'échelon régional est également renforcé et l'architecture du réseau simplifiée. Les chambres qui souhaitent se regrouper constitueront une CMA de région, dont chacune constituera une section. Celles qui ne souhaitent pas ce regroupement resteront des chambres départementales, rattachées à la CMA de région. Les ressources seront collectées au niveau régional et réparties entre les chambres départementales.
Le réseau, dont l'animation demeurera assurée par l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat, a adopté cette réforme à une très large majorité.
Le deuxième objectif de ce texte consiste à réformer le régime administratif de plusieurs activités réglementées, à savoir les marchés d'intérêt national, les agents d'artistes, les experts comptables, les organismes privés de placement, les structures intervenant dans le domaine des services à la personne.
Vous nous avez expliqué, monsieur le secrétaire d'État, que la France devait transposer d'autres dispositions de la directive européenne « Services » de décembre 2006 qui vise à faciliter l'accès aux activités de services de l'Union européenne.
Pour ce qui concerne les marchés d'intérêt national, Mme la rapporteure a bien expliqué pourquoi elle avait proposé à la commission des affaires économiques, qui l'a adopté, un amendement supprimant le périmètre de référence, au-delà de l'assouplissement du régime des autorisations dans ce périmètre qui figuraient dans le texte initial. Monsieur le secrétaire d'État, je pense qu'il faut modifier les conditions de création des MIN, qui étaient sans doute appropriées à l'époque où elles ont été adoptées, mais c'était il y a bien longtemps.
Quant à la profession d'agent artistique, le texte supprime le régime d'autorisation administrative pour son exercice – c'est-à-dire la licence d'agent artistique – afin de le remplacer par une inscription au registre des agents artistiques. Sur ce sujet aussi, Mme la rapporteure a réalisé un important travail avec les professionnels pour apporter les précisions nécessaires à la définition de la profession, afin que soit maintenue l'incompatibilité entre l'activité d'agent artistique et celle de producteur d'oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques, et que soit spécifié le caractère obligatoire de ladite inscription.
Il s'agit par ailleurs de moderniser et d'assouplir les conditions d'exercice de la profession d'expert-comptable : forme juridique, détention de capital, actes de commerce, client principal.
Enfin, le texte lève les restrictions en matière d'exercice à titre lucratif de l'activité de placement et transpose directement une disposition de la directive européenne relative à la coopération administrative en matière de contrôle de prestataire de service.
Vous l'aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, le groupe UMP, au-delà des dispositions de transposition de la directive européenne concernant plusieurs professions réglementées relevant du domaine du commerce, de l'artisanat et des services, partage votre objectif de réforme des réseaux consulaires.
Vous aurez également compris que le texte de la commission sera largement soutenu par mon groupe. Il a été – je le pense vraiment – enrichi de la manière la plus constructive, surtout en ce qui concerne la partie touchant aux chambres de commerce.
Je ne doute pas que le débat parlementaire apportera de nouvelles précisions et que le texte final aboutira à une réforme d'importance, recherchant l'efficacité tant dans la rationalisation des structures que dans l'action de proximité, cela au service du monde économique, des entreprises et de l'emploi – pour reprendre vos termes et ceux de Mme la rapporteure. Le groupe UMP votera donc ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma