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Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du 27 avril 2010 à 15h00
Débat sur le contrôle des passagers dans les transports aériens

Dominique Bussereau, secrétaire d'état chargé des transports :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, monsieur le représentant du président de la commission du développement durable, je voudrais vous remercier de nous donner l'occasion de faire le point sur les contrôles et la sûreté des passagers dans les transports aériens.

La commission des affaires européennes, en accord avec la commission des lois, a demandé un débat sur ce sujet de contrôle parlementaire important. Il nous permettra de faire le point sur les mesures et d'écouter les différentes suggestions de Mme Saugues, M. Muzeau, M. de Courson – un spécialiste du sujet –, M. Gonnot et bien évidemment des présidents et des rapporteurs.

Auparavant, je voudrais dire un mot sur la situation du secteur aérien que nombre d'entre vous ont évoquée.

La semaine dernière, nous avons été confrontés à une crise sans précédent, que les autorités françaises ont essayé de gérer de manière efficace, notamment en demandant une coordination rapide au niveau européen. Comme je l'ai dit hier à Bruxelles au commissaire concerné – et comme je le répéterai mardi lors d'une réunion extraordinaire des ministres des transports de l'Union –, j'ai été un peu déçu par la longueur des délais, imputable ni à la Commission ni à la présidence espagnole, mais à certains de nos partenaires qui, pour des raisons de calendrier que vous pouvez deviner, ont pris leur temps.

Cette forme de timidité dans la réaction montre que nous avons beaucoup de progrès à réaliser au niveau européen pour mieux mesurer les risques qui peuvent menacer le trafic aérien, et pour étudier les éventuelles alternatives à ce mode de transport – j'en parlais hier avec le commissaire Kallas – et les moyens d'être plus efficace lors de crises de ce type.

La France a milité en faveur d'une réouverture prudente, progressive et pragmatique du ciel, après de nombreux vols d'essai. Nous avons ainsi testé des couloirs aériens avec des avions sans passagers. Nous nous sommes concertés en cellule de crise, et je dois dire que nous avons bénéficié d'une bonne modélisation de la part des compagnies françaises, aussi bien pour les vols d'essai que, je l'ai dit tout à l'heure à Sébastien Huyghe, pour les vols exceptionnels destinés à rapatrier nos concitoyens bloqués à l'étranger – le Gouvernement a ainsi conseillé aux compagnies d'affréter vingt vols supplémentaires. Cela a permis le retour de près de 150 000 Français bloqués hors de nos frontières.

Cette crise majeure est sans doute la plus importante que le transport aérien ait connue depuis le 11 septembre 2001 – bon nombre d'entre vous ont fait allusion –, et ce alors que les entreprises, qu'elles soient françaises, européennes ou mondiales, commençait à peine à sortir de la crise économique de l'an dernier. À cet égard, Hervé Novelli a fait le point sur la situation économique, non seulement avec les compagnies aériennes, mais aussi avec les tour-opérateurs et l'ensemble des acteurs du tourisme.

Je reviens aux mesures de sûreté, qui ont pour objet la protection contre et la prévention des actes d'intervention illicites – notamment terroristes et criminels – et les détournements d'avion. Les mesures de « sûreté », comme vous le savez, diffèrent des mesures de « sécurité », destinées à prévenir les accidents et à réduire le risque aérien.

Les mesures de sûreté, dont Charles de Courson est devenu un spécialiste dans le mauvais sens du terme en parvenant à les déjouer – mais il a toujours pris soin d'avertir les ministres concernés et la direction générale de l'aviation civile (Sourires) –, visent à empêcher l'introduction, au sein des aéroports, d'armes, d'explosifs, de substances dangereuses ou de tout autre objet susceptible de porter préjudice aux passagers et à la sûreté des aéronefs.

Nous avons donc à prendre des mesures de prévention : c'est la responsabilité de l'État et le travail de certains opérateurs du secteur privé. Les contrôles, en ce qu'ils relèvent de l'action publique, doivent être permanents, proportionnés et efficaces. En 2009, les gestionnaires d'aérodromes auront consacré 604 millions d'euros au financement de la sûreté aérienne. Comme Odile Saugues l'a rappelé, ces dépenses sont couvertes par une taxe d'aéroport : en d'autres termes, c'est le passager aérien qui paie, et non le contribuable. Cette disposition a pour objectif de lutter contre une menace que nos services de renseignement ont à évaluer en permanence : la menace terroriste.

Le transport aérien est une cible emblématique : à travers les compagnies, ce sont les pays, dont le nôtre, que les terroristes peuvent viser à tout instant. Il est donc impératif de développer des dispositifs, et de le faire avant tout au niveau international. La France est l'un des membres les plus actifs de l'OACI, l'Organisation de l'aviation civile internationale, basée à Montréal : elle y est représentée par un ambassadeur et le secrétaire général est un Français. Cette organisation a fait de la sûreté l'un de ses objectifs prioritaires, avec l'environnement et la sécurité. Comme le savent les membres de votre commission des affaires européennes, l'OACI est la seule instance internationale dont la France suit les recommandations de manière systématique. Pour le reste, nous appliquons naturellement la réglementation européenne et notre propre législation.

En ce qui concerne les vols vers les États-Unis, destination très sensible, des mesures de sûreté complémentaires sont prises. Cela paraît bien légitime après les attentats du 11 septembre 2001, et après la dernière tentative d'attentat du 25 décembre 2009, qui a heureusement échoué.

Cependant, le président Lequiller l'a rappelé, l'Europe n'est pas à l'abri de la menace. Dès 2002, l'Union européenne a ainsi adopté une série de dispositions relatives à la sûreté aérienne. Elles portent sur les restrictions relatives au contenu des bagages à mains et sur les normes techniques applicables aux équipements utilisés pour le contrôle des passagers, des bagages et du fret.

En 2008, le Parlement européen et le Conseil ont adopté un nouveau règlement sur la sûreté qui entrera en vigueur ce jeudi 29 avril. Vous avez d'ailleurs souhaité accompagner l'application de cette réglementation en adoptant, le 2 décembre dernier, la proposition de loi de Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Grâce à ce texte, le Gouvernement peut légiférer par ordonnance afin d'adapter nos textes nationaux à la nouvelle réglementation européenne. Ce nouveau règlement doit permettre de simplifier les procédures de contrôle applicables. Ainsi, nous avons introduit l'inspection-filtrage unique, c'est-à-dire la possibilité du contrôle unique pour les passagers en correspondance lorsqu'ils sont en provenance d'un pays européen. Un tel dispositif témoigne de notre volonté d'être exemplaires en matière de sûreté tout en évitant la multiplication des contrôles inutiles. Notre mot d'ordre est donc double : plus d'efficacité dans les contrôles, et plus de fluidité pour les passagers – M. Gonnot a évoqué ces questions.

Nous devons également travailler sur l'acceptabilité des mesures prises. Les enquêtes d'opinion que réalise régulièrement, à la demande du Gouvernement, la Direction générale de l'aviation civile, confirment que les passagers, dans leur très grande majorité, acceptent ces contrôles réalisés pour leur protection. Cela ne signifie pas pour autant qu'ils jugent agréables toutes les méthodes de contrôle employées : je pense notamment à la palpation de sécurité, qui, bien qu'elle soit la mesure la plus efficace, n'est pas toujours bien ressentie.

Les portiques sous lesquels passent tous les passagers ne sont conçus que pour détecter des objets métalliques, et ne suffisent donc pas à détecter les explosifs. Souvenez-vous, à titre d'exemple, que le vol entre Amsterdam et l'Amérique du Nord avait à son bord un terroriste nigérian ayant dissimulé des explosifs dans ses sous-vêtements.

C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité, avec le ministre de l'intérieur, dès le mois de janvier dernier, que la France teste en situation réelle le fameux portail à ondes millimétriques. À l'initiative de votre commission des affaires européennes, l'Assemblée nationale a adopté un amendement au projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, dit LOPPSI, dans le but de permettre des expérimentations. Cette loi prévoit de nombreux garde-fous, qui garantissent la protection de l'intimité et de la dignité des passagers. Tout d'abord, les personnes contrôlées doivent être volontaires ; en outre, ces appareils ne permettent aucun stockage, aucun enregistrement ni aucune transmission d'images : toutes les garanties en matière de libertés individuelles sont donc prévues. Par ailleurs ces images sont toujours visionnées par une personne de même sexe que le passager, et les opérateurs chargés du visionnage, installés dans des bureaux situés à distance des portiques, ne sont pas en contact direct avec le passager. Enfin, ces opérateurs agissent sous la surveillance d'officiers de police judiciaire compétents, eux-mêmes régulièrement contrôlés.

L'appareil actuellement mis en démonstration à l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle met en évidence une accélération du traitement des passagers et une réduction des effectifs nécessaires. Il reçoit un accueil favorable des passagers ainsi que des personnels concernés. La question des personnels, que vous avez tous abordée, est en effet fondamentale. Comme vous le savez, quelque 10 000 personnes sont concernées ; elles appartiennent à des sociétés de surveillance privées, et agissent sur ordre des gestionnaires d'aérodrome et sous le contrôle des services permanents de l'État – direction de la sécurité de l'aviation civile, police aux frontières, gendarmerie et douanes. Elles doivent être titulaires d'un certificat de qualification professionnelle aéroportuaire, et sont donc formées en conséquence. Quant aux agents qui encadrent l'utilisation du portail à ondes millimétriques, ils reçoivent une formation complémentaire incluant des éléments techniques et des rappels déontologiques. De son côté, le Parlement européen a demandé à la Commission une communication sur ces scanners corporels, laquelle permettra la définition d'une base réglementaire européenne pour l'utilisation et le déploiement de ces équipements.

Un autre outil prometteur est l'utilisation des informations sur les passagers contenues dans les bases de données des compagnies aériennes, dites données PNR – Passenger name record. Ces données, croisées avec d'autres sources d'information, permettent d'identifier les passagers à risques – sur la base de renseignements : M. de Courson en a parlé – avant leur embarquement. Certains pays, au premier rang desquels les États-Unis, le Canada ou l'Australie, ont déjà mis en place leur propre système PNR ; d'autres commencent à le développer. En France, la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme en a ouvert la possibilité.

Dans le cadre des pouvoirs dont elles disposent, les douanes françaises effectuent d'ores et déjà plus de 60 % de leurs saisies annuelles de stupéfiants dans les aéroports de Roissy et d'Orly grâce à une exploitation intelligente des données PNR. Ces données, monsieur le président Lequiller, sont bien sûr encadrées et protégées selon des règles strictes soumises à l'appréciation de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Nous oeuvrons en outre au renforcement de la coordination du renseignement au niveau européen : nos services spécialisés travaillent de plus en plus avec leurs homologues européens. Ils procèdent à une analyse de la menace et croisent leurs conclusions avec celles des autres services, ainsi qu'avec la Direction générale de l'aviation civile. En fonction de ces échanges, nous sommes ainsi en mesure de faire évoluer le niveau de sûreté dans un ou plusieurs aéroports, sur un ou plusieurs types de vols jugés sensibles.

La DGAC est par ailleurs en relation permanente avec ses homologues européens à travers le Comité de la sécurité de l'aviation civile européenne, au sein duquel chaque élévation substantielle du niveau de sécurité fait l'objet d'une communication informelle, voire d'une concertation.

Enfin, le Gouvernement français, comme ses partenaires européens et internationaux, envisage de faire évoluer les contrôles sur les bagages de cabine et sur les bagages transportés en soute. En témoigne le règlement publié au Journal officiel de l'Union européenne le 10 avril dernier, qui permettra aux passagers de conserver en cabine leurs liquides, pâtes et gels qui sont aujourd'hui systématiquement refusés. Sachez par ailleurs, cher président Lequiller, que l'autorisation d'emport des articles acquis en duty free, dûment présentés dans des sacs scellés par l'OACI avec une preuve d'achat, est prévue pour le 29 avril 2011. Cela suppose, comme vous le souhaitiez, monsieur Paternotte, que d'ici à cette date les industriels puissent concevoir des équipements permettant de détecter automatiquement toutes les catégories d'explosifs.

Pour conclure, je rappellerai que l'action du Gouvernement en matière de sûreté aérienne, qui doit s'inscrire dans un cadre international et notamment européen, vise à maintenir un haut niveau de sûreté. Cela a effectivement un coût, monsieur de Courson. Nous essayons de mettre à fprofit, de manière optimale, l'ensemble des moyens dont dispose la puissance publique : équipements de détection, informations sur les passagers, formation continue et recrutement des personnels de sûreté ; c'est d'ailleurs, me semble-t-il, sur ce dernier point que nous devons fournir les efforts les plus importants. L'ensemble de ces mesures a pour objectif d'améliorer l'efficacité des contrôles tout en réduisant les contraintes pour les passagers.

Tout cela, nous devons le faire de manière efficace, mais en restant très attentifs au respect des libertés individuelles et à la préservation de l'intimité des passagers. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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