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Séance en hémicycle du 9 décembre 2009 à 15h00

Résumé de la séance

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  • relance

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de l'Assemblée nationale de la République islamique du Pakistan, conduite par sa présidente Mme Fehmida Mirza. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Giraud

Ma question, qui s'adresse à M. le Premier ministre, concerne la réforme des collectivités territoriales, dont les premières victimes sont les territoires ruraux et de montagne. Pourtant, les collectivités – communes, départements – et les élus qui les incarnent jouent un rôle majeur et déterminant en termes de proximité et de maintien de la population locale.

J'ai relu toutes les questions qui ont été posées dans cet hémicycle au sujet de cette réforme. J'ai donc relu toutes les réponses. Qu'y ai-je trouvé en termes d'aménagement du territoire, de représentation et de compétence pour les territoires ruraux et de montagne ? Rien : oubliés, absents !

Lors du congrès de l'Association nationale des élus de la montagne, dont le président Henri Nayrou est à mes côtés, j'ai rencontré des élus inquiets pour l'avenir de leur collectivité qui représente la cellule de base importante à préserver afin d'assurer le lien entre la population et son territoire. Leur inquiétude n'était pas liée à l'appartenance à un groupe politique.

La loi du 9 janvier 1985 a posé clairement le principe juridique du droit à la différence de la montagne, qui a aussi été reconnu pour d'autres territoires ou parties de territoires spécifiques de notre République. À ce titre, êtes-vous prêts à accepter que la réforme territoriale prévoie :

D'abord, un avis obligatoire des comités de massifs, mode de gouvernance original et efficace voulu par le législateur, en cas de regroupement d'intercommunalités, de départements ou de régions ayant tout ou partie de leur territoire en zone de montagne ;

Ensuite, une représentativité obligatoire des collectivités classées « montagne » dans les commissions départementales de coopération intercommunales ;

Enfin, un seuil maximal au même titre qu'un seuil minimal de conseillers territoriaux, afin d'éviter la marginalisation des territoires ruraux et de montagne notamment au sein des conseils régionaux ?

Avez-vous calculé que, si l'on retient un seuil de quinze à vingt conseillers territoriaux dans un département comme les Hautes-Alpes, il en faudra 200 dans les Bouches-du-Rhône, ce qui supposerait de transformer le stade vélodrome en hémicycle régional ?

J'en viens au plus important : êtes-vous prêt à modifier le texte au nom de l'article 8 de la loi montagne, comme vous sembliez l'admettre le 3 novembre devant le Conseil national de la montagne que vous présidiez, pour que les départements et les régions conservent une capacité générale d'intervention en zone de montagne et que demeurent les solidarités qui ont été bâties avec ces territoires ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Monsieur le député, j'ai assisté au congrès des élus de la montagne dans votre commune. Avec Mme Kosciusko-Morizet et M. Marleix, le Gouvernement est venu les écouter.

Le Conseil national de la montagne s'est réuni sous la présidence du Premier ministre qui a accepté qu'un groupe de travail soit immédiatement constitué pour que l'avis des communes de montagne soit pris en compte dans la préparation de la réforme des collectivités territoriales.

La commission des lois du Sénat a commencé à examiner le texte portant réforme des collectivités territoriales et le Gouvernement s'apprête à donner un avis favorable à des amendements visant à supprimer le seuil minimal de 5 000 habitants pour les groupements de communes. Cette demande des élus de la montagne sera donc satisfaite.

S'agissant de la consultation préalable des comités de massif et de la création d'un collège spécifique, nous ne pouvons pas vous donner une réponse positive, mais nous souhaitons naturellement que la nouvelle commission départementale de coopération intercommunale offre aux élus de la montagne la possibilité d'être présents. Cette disposition est d'ores et déjà prévue.

Enfin, le Gouvernement, par la voix du secrétaire d'État aux collectivités territoriales, s'est engagé sur un nombre minimal de quinze conseillers territoriaux. Il y aura certes des inégalités territoriales de représentation, mais, dans sa rédaction actuelle, la loi prévoit une solidarité des départements vis-à-vis des communes rurales et de montagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Jacques Gaultier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Gaultier

Monsieur le ministre d'État, ministre de l'écologie, en charge des négociations sur le climat, lundi, la conférence sur le climat a commencé à Copenhague. Elle représente un enjeu capital en vue d'une prise de conscience planétaire, d'une modification de nos comportements, et pour la mise en place d'une mutation écologique à l'échelle mondiale grâce à la participation de 192 pays.

La France, par la voix du Président de la République, a réaffirmé à plusieurs reprises sa détermination à voir aboutir un consensus dan le droit fil du Grenelle de l'environnement, mais aussi de la présidence française de l'Union européenne, au cours de laquelle a été adopté le paquet « Energie-climat », validé par les 27 pays membres et formellement par le Conseil en avril 2009.

L'Union européenne affiche des objectifs pour le moins ambitieux, à savoir la réduction de 30 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020 par rapport au niveau de 1990 au cas où un accord international serait conclu.

Vous étiez présent à l'ouverture de la conférence, monsieur le ministre d'État. Pouvez-vous nous préciser la position de la France et nous dire quelles sont, selon vous, les chances d'aboutir à un accord global, ratifié par tous les États, contrairement au protocole de Kyoto de 1997, qu'il s'agisse des pays industrialisés ou des pays émergents ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Monsieur Gaultier, la conférence s'est ouverte formellement lundi matin. La France était présente et a réaffirmé sa position. D'ailleurs, le Président de la République avait indiqué des règles très claires.

En premier lieu, il faut que les chefs d'État et de gouvernement soient physiquement présents pour la négociation finale. Eux seuls, dans la situation actuelle, peuvent engager leurs pays et leurs peuples. Je pense que nous sommes en train de gagner cette croisade, alors que ce n'était pas le cas ni à Kyoto, ni à Poznan, ni à Bali.

La deuxième règle est d'honorer les engagements de Bali. Nous avons donné notre parole : les pays industrialisés, qu'ils aient ou non signé le protocole de Kyoto, doivent, individuellement et collectivement, s'engager sur une réduction de 25 % à 40 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990.

En troisième lieu, les pays émergents qui ont besoin d'assurer leur croissance, doivent maîtriser leurs émissions de gaz à effet de serre pour atteindre un pic.

En quatrième lieu, les grands pays pauvres les moins avancés, ceux qui subissent déjà le chaos climatique, doivent disposer d'un financement public international prévisible et additionnel parfaitement identifié. Nous avançons sur ce plan « Justice – climat », avec 10 milliards de dollars par an pour ces pays avant même la période post-Kyoto.

Enfin le Président de la République souhaite que soit créée une organisation internationale, seule à même d'opérer la régulation et de faire le suivi des engagements de Copenhague. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, mes chers collègues (Interruptions et huées sur les bancs du groupe UMP)…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Chers collègues, calmez-vous.

Poursuivez, monsieur Mamère, le temps tourne.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Si je peux exercer ma fonction de député s'adressant au Gouvernement, je vais le faire maintenant. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ma question s'adresse à M. Chatel, ministre de l'éducation (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP) et porte sur deux sujets qui me semblent indissociables : la suppression de l'histoire en terminale S et la question de l'identité nationale. (Mêmes mouvements, qui couvrent la voix de l'orateur).

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Hier, le président de la République a procédé à un amalgame en réduisant la question de l'identité nationale à celle de la religion et en faisant de l'islam la religion des immigrés. (Exclamations vives et prolongées sur les bancs du groupe UMP. – Claquements de pupitres continus.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Non, monsieur le président, je suis désolé.

Pour ma part, je garde mon calme. (Exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Dans la mesure où vous avez laissé courir le chronomètre, il m'est difficile de poser une question puisque mes collègues de droite m'en empêchent. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je ne poserai donc pas ma question. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Eh bien, regagnez votre place ! Et je vais donner la parole à M. Rochebloine pour la question suivante (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Rochebloine, vous avez la parole pour le groupe Nouveau Centre. (Huées et claquements de pupitres prolongés sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Madame la secrétaire d'État chargée des aînés, vous venez d'annoncer dix mesures pour la prise en charge des personnes âgées dans notre société et, plus précisément, pour mieux lutter contre les phénomènes de maltraitance. (Claquements de pupitres et vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je vous en prie ! Monsieur Rochebloine, poursuivez !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

L'État a en effet la lourde responsabilité de protéger (Mêmes mouvements)…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, pensez à l'image que vous donnez !

Monsieur Rochebloine, veuillez poursuivre !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

L'État a en effet la lourde responsabilité de protéger les personnes les plus fragiles, les plus vulnérables de notre société. (« C'est scandaleux ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Aujourd'hui, si des milliers de personnes âgées sont accueillies en structures d'hébergement, l'actualité nous informe, hélas ! de dysfonctionnements plus ou moins graves, ce que le réseau d'alerte national de vos services n'a pu que confirmer. (Brouhaha incessant sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Bien sûr, il ne s'agit pas là de généraliser le cas de quelques établissements. Ces dernières années, notre pays a fait de gros effort pour construire ou réhabiliter de nombreux établissements qui doivent répondre à des normes de qualité et de sécurité exigeantes. (Même mouvement.)

Il ne s'agit pas non plus de stigmatiser les personnels qui assurent leur mission au quotidien, avec constance et dévouement. Au contraire, nous pensons qu'il faut identifier les problèmes pour agir ensemble et assurer une meilleure prise en charge des personnes âgées. (Vives protestations prolongées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Au Nouveau Centre, nous pensons qu'il est en effet primordial de définir une politique publique volontariste de la « bientraitance », associant tous les acteurs concernés et, en premier lieu, les collectivités territoriales. Cela suppose que soient consentis des moyens humains et financiers en conséquence, et cela implique aussi que les établissements soient ouverts sur la société, d'où des expériences innovantes comme les pôles intergénérationnels que vous inaugurerez prochainement dans ma circonscription. (Mêmes mouvements.)

Mais l'État n'a-t-il pas lui aussi des responsabilités ? Sa responsabilité est engagée au niveau de la formation des personnels, notamment concernant les aspects humains et éthiques de leurs métiers. La maltraitance commence par l'indifférence, et l'indifférence trouve souvent son origine dans l'ignorance. (Brouhaha permanent sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Sa responsabilité concerne également le respect des impératifs éthiques, tout autant que la qualité technique et la sécurité des établissements.

Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous préciser vos intentions en la matière ? (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mes chers collègues, M. Mamère a lui-même dit qu'il renonçait à poser sa question ; l'incident est donc clos. (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Cuvillier

On n'a jamais vu une présidence pareille ! C'est incroyable !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'incident est clos !

Madame la secrétaire d'État, vous avez la parole.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée des aînés

La maltraitance de nos aînées ne relève pas de la responsabilité de la gauche ou de la droite ; chaque fois qu'elle survient, elle est une humiliation et une insulte pour les aînés eux-mêmes, ainsi que pour l'ensemble des professionnels et des bénévoles qui s'occupent, avec courage et dévouement, des personnes âgées, à domicile ou dans des établissements.

Au-delà de la question des moyens – réglée par la loi de financement de la sécurité sociale, que le Parlement vient d'adopter –, il nous faut de toute urgence ouvrir quelques chantiers. J'en citerai quatre.

Tout d'abord, il faut étendre la formation déjà prévue dans le plan « bientraitance », avec la formation de deux référents par établissement en trois ans. Celle-ci doit également être élargie aux aidants familiaux.

Ensuite, il nous faut certainement réviser notre système d'évaluation, c'est-à-dire d'inspection et de contrôle, et de traitement des signalements, en liaison étroite avec les départements. Il s'agira essentiellement de bousculer des mécanismes et des pratiques en vigueur depuis des décennies, qui donnent les résultats plutôt peu probants que nous connaissons.

Par ailleurs, nous devrons veiller à ce que les 200 établissements recensés dans le cadre de l'enquête nationale effectuée à ma demande se mettent en conformité avec la loi dans un délai de trois mois. À défaut, ces établissements seront fermés.

Enfin, je souhaite étendre les compétences de l'Agence nationale d'évaluation des établissements médico-sociaux, afin qu'elle puisse rendre publiques les évaluations relatives à chaque établissement.

Plusieurs députés du groupe SRC. C'est fini !

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée des aînés

Une société qui admettrait par abstention de laisser perdurer de telles situations et de tels risques de maltraitance…

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée des aînés

…ne serait plus digne de porter le nom de nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Ma question s'adresse à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.

Monsieur le ministre, l'un de vos collègues considèrent que les propos de bistrot fondent le débat national. Lundi soir, à l'hôtel Bristol – ce n'est pas n'importe quelle gargote ! –, le Président de la République a tenu à remercier le premier cercle de ses donateurs. Ces derniers donnent tous les ans à l'UMP entre trois et sept fois le SMIC. Ils sont repartis pleinement rassasiés et rassurés.

Les 9 millions d'euros collectés par le trésorier de l'UMP sont le meilleur placement du monde : ils rapportent les 13 milliards d'euros du bouclier fiscal, les 20 milliards de réductions d'impôts sur les cessions des filiales, j'en passe et des meilleures !

Devant ces donateurs prestigieux, le Président de la République s'est engagé à ne jamais revenir sur le bouclier fiscal. (« C'est scandaleux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il y a là de quoi les fidéliser.

Le Président de la République avait parlé de République irréprochable.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Il doit être le Président de tous les Français, et non le collecteur de fonds de l'UMP. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le ministre du budget, vous êtes le trésorier de l'UMP. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez fait voter à votre majorité les franchises médicales qui touchent tous les malades ; l'imposition des indemnités journalières, qui touche tous les accidentés du travail ; l'augmentation programmée des impôts locaux, qui touchera tous les ménages !

Monsieur le ministre des comptes publics, vous êtes censé combattre l'évasion et la fraude fiscale. Est-ce compatible avec votre fonction d'animateur du club des financeurs de l'UMP ? N'y a-t-il pas là sinon conflit d'intérêts, pour le moins confusion des genres ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Je ne sais pas ce que l'on dit au Fouquet's ou au Bristol. Mais dans les bistrots de nos villages, on entend la grande majorité des Français pour lesquels la justice fiscale était jusqu'alors le socle de l'identité nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Monsieur le député, en matière de confusion, le parti socialiste est vraiment très fort. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous confondez tout : les idées, les hommes, les femmes ! Véritablement, le parti socialiste n'est plus qu'une machine à confusion.

Y a-t-il confusion des genres lorsque l'on est à la fois ministre du budget et trésorier d'un parti politique ? Il n'y a pas de problème : il n'y a pas de confusion des genres. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Un membre du Gouvernement est un responsable politique – c'est également vrai pour certains députés. Voilà un grand scoop ! Le Président de la République est aussi un homme politique.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il rame !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Nous sommes des hommes et des femmes politiques et nous exerçons des responsabilités dans nos partis.

Par ailleurs, lorsque l'on est ministre du budget, on est responsable des finances du pays ainsi que du contrôle fiscal. Je n'ai pas vraiment le sentiment que, sur ce dernier sujet, quiconque puisse m'accuser d'être laxiste. Vraiment pas ! (« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Ceux qui le font devraient lire les journaux et regarder la télévision plus souvent : il me semble plutôt entendre l'accusation inverse.

Je ne sais pas ce que vous essayez de démontrer au travers de votre question stupide (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC), mais j'aurais du mal à y répondre autrement que comme cela. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC – Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-François Lamour, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. (Des députés des groupes SRC et GDR se lèvent et quittent l'hémicycle en continuant de protester vivement. – « Dehors, dehors ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Lamour

Ma question s'adresse à M. Éric Woerth, ministre du budget et j'y associe l'ensemble de mes collègues parlementaires du groupe UMP au Conseil de Paris. (Protestations continues sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Lamour

Ma question leur donnera une bonne occasion de continuer à hurler, monsieur le président. Vous allez voir ! (Huées et claquements de pupitres sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Lamour

Alors que nos concitoyens sont victimes d'une crise économique sans précédent et que le Président de la République, le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement consentent un effort historique en faveur de la relance, certaines collectivités territoriales font le choix injustifiable de faire payer à leurs habitants la note de leurs erreurs de gestion. Tel est notamment le cas des régions gérées par la gauche et de Paris, dont le maire, Bertrand Delanoë, semble frappé d'une véritable folie fiscale.

Écoutez plutôt les chiffres : 35 % d'augmentation de la taxe foncière (Très vives exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Claquements de pupitres) ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Lamour

…12 % de hausse de la taxe d'habitation ; 18 % d'augmentation pour la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

Pendant ce temps-là, les charges ont explosé, en particulier à cause du recrutement de 10 000 agents supplémentaires et d'une augmentation de 40 % des frais de fonctionnement. C'est du jamais vu, et le maire de Paris vient d'annoncer qu'il compte rééditer ce funeste exploit en 2010 !

Le pire, c'est que Bertrand Delanoë justifie ces coups de massues infligés aux Parisiens par une prétendue dette de l'État. Nous devons la vérité aux Parisiens et aux Français.

Monsieur le ministre, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur la réalité…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. (« Des excuses ! Des excuses ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mes chers collègues, je vous en prie !

Vous avez la parole, monsieur le ministre du budget. (Protestations prolongées sur les bancs du groupe SRC dont les députés continuent de scander : « Des excuses ! Des excuses ! »)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Je vais répondre à la question de Jean-François Lamour.

Pour être clair, monsieur le député, il n'y a pas de dette de l'État vis-à-vis des collectivités locales, surtout vis-à-vis de Paris, c'est le moins que l'on puisse dire. Je ne sais à quoi correspond le chiffre qui a été avancé par son maire, mais l'État respecte scrupuleusement tous ses engagements et obligations constitutionnels s'agissant des transferts de compétences.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

C'est faux ! Menteur ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Le montant des droits à compensation est même validé par la commission consultative d'évaluation des charges, c'est-à-dire par les élus eux-mêmes, qu'ils soient de droite ou de gauche.

En second lieu, Paris ne fait pas partie des communes les plus défavorisées de France : c'est le moins que l'on puisse dire. (« Des excuses ! Des excuses ! », sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Le montant total des aides de l'État a augmenté de 0,7 %, alors que l'inflation ne progressait que de 0,4 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

C'est faux ! Pendant sept ans, cela n'a pas bougé !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Monsieur Lamour, l'État transfère 1,3 milliard d'euros à Paris ; c'est considérable. Il n'a donc rien à se reprocher en la matière. Si le maire de Paris augmente les impôts, c'est sa décision, sa politique, sa responsabilité. Entre 2001 et 2008, il a augmenté les charges de personnels de 30 % (« Le pognon ! Le pognon ! » sur les bancs du groupe SRC)…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

…et les embauches dans les mêmes proportions. C'est donc bien pour financer ses choix que la mairie de Paris a décidé d'augmenter les impôts des Parisiens. Il est toujours très facile de rejeter la responsabilité sur d'autres. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Vous en êtes véritablement les spécialistes, mesdames, messieurs de l'opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, mesdames, messieurs les ministres, je vous appelle à retrouver calme et sérénité. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Marie-Jeanne

Monsieur le président, rassurez-vous, je n'ajouterai pas au désordre ambiant.

Ma question s'adresse au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Conformément aux dispositions prévues par l'article 120 de la loi du 12 mai 2009 relative à la simplification et à la clarification du droit et à l'allégement des procédures, l'ordonnance n° 2009-1 401 du 17 novembre 2009 a réduit la liste des actes des collectivités territoriales obligatoirement transmis au représentant de l'État au titre du contrôle de légalité. Ainsi, en matière de voirie routière, les communes et les départements n'auront plus à transmettre à celui-ci « les délibérations relatives aux tarifs des droits de voirie et de stationnement, au classement, au déclassement, à l'établissement des plans d'alignement et de nivellement, à l'ouverture, au redressement et à l'élargissement des voies ».

Le rapport du Premier ministre et du ministre de l'intérieur rendu au Président de la République et annexé à cette ordonnance précise bien que « les régions, n'ayant pas de voiries routières, elles ne sont pas concernées par l'allégement des actes transmis au contrôle de légalité en ce domaine ». Dois-je vous rappeler que les routes nationales ont été transférées aux régions d'outre-mer et non aux départements ? À cause de l'omission de cette spécificité, ces régions se trouvent exclues du dispositif d'allégement nécessaire.

Cette intervention un peu technique, j'en conviens, a pour objet d'interpeller le Gouvernement afin qu'il soit mis fin au caractère discriminatoire de cette ordonnance. (Applaudissements sur divers bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser M. Brice Hortefeux et Mme Marie-Luce Penchard. Je m'efforcerai, en leur absence, d'apporter une réponse claire à votre question, qui est en effet quelque peu technique, voire pointue.

Ainsi que vous le soulignez, l'ordonnance du 17 novembre 2009 a allégé la liste de certains actes obligatoirement transmis au représentant de l'État dans le cadre du contrôle de légalité, à la fois dans le domaine de la fonction publique territoriale, pour l'ensemble des collectivités locales, et en matière de voirie routière, pour les communes et les départements. Sont visées les délibérations concernant la délimitation des voies communales et départementales, leur nature juridique, ainsi que la redevance perçue pour leur occupation.

S'agissant de la voirie routière, l'ordonnance n'a pas prévu de dispositions particulières pour les régions, qu'elles soient de métropole ou d'outre-mer ; il n'y a donc aucune discrimination d'aucune sorte. En effet, le code de la voirie routière ne comprend pas, à ce jour, pour les régions, les actes que vous venez de citer, notamment ceux qui portent sur la délimitation des voies et la fixation de la redevance perçue pour leur occupation. La suppression de leur transmission au représentant de l'État ne pouvait donc pas figurer dans l'ordonnance incriminée.

Toutefois, monsieur le député, une expertise juridique approfondie sera menée dans les meilleurs délais par les services du ministère de l'intérieur et de l'outre-mer, aux fins de clarifier, voire d'améliorer le dispositif applicable aux régions d'outre-mer en matière de voirie routière. Vous serez naturellement immédiatement tenu informé des conclusions de cette expertise.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Suguenot

Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, un tiers des ménages se trouve aujourd'hui endetté sous différentes formes de crédits à la consommation. Il convient d'y ajouter environ 10 % au titre des découverts bancaires.

Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il fallait voter notre proposition de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Suguenot

Le surendettement explose aujourd'hui en France, avec près de 20 % de dossiers supplémentaires sur les trois premiers trimestres de 2009 par rapport à la même période de l'an passé. Cela représente un peu plus de 162 000 dossiers traités par les commissions de surendettement et les cours d'appel, contre un peu moins de 138 000 il y a un an.

Bien sûr, madame la ministre, il y a les effets de la crise économique, mais les crédits renouvelables ont aussi une incidence significative sur la situation financière : ils sont récurrents dans l'immense majorité des dossiers de surendettement, 84 % de ceux-ci étant liés au revolving.

Même s'il ne faut pas faire le procès du crédit à la consommation, qui remplit un rôle économique majeur, notamment au titre de la croissance, il est urgent que certaines pratiques soient encadrées. Je pense à la publicité, à la pratique des cartes dites confuses, à l'encadrement des activités de rachat et de regroupement des crédits ; je pense, enfin, au nécessaire accompagnement des personnes surendettées.

Madame la ministre, pouvez-vous nous faire part de vos propositions pour mieux protéger nos concitoyens, notamment dans le cadre du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation dont l'imminence explique que des propositions de loi portant sur la même question n'aient pas été retenues, projet dont nous débattrons dans les prochains mois, probablement dès le mois de janvier ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le député, le Gouvernement est très préoccupé par la situation du surendettement…

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

…qui a effectivement augmenté d'environ 16 % depuis un an. Dans le panier du surendettement, le crédit à la consommation occupe une grande part. C'est pourquoi nous avons déposé un projet de loi au Sénat qui, après avoir été voté, revient devant votre assemblée.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Ce projet de loi est actuellement examiné par la commission des affaires économiques sous l'autorité du président Ollier, sur la base du rapport rédigé par François Loos, qui a accompli un travail de fond sur la situation du surendettement et sur le crédit.

La lutte que nous entendons mener contre les pratiques excessives et abusives en matière de crédit porte sur quatre points. Premièrement, si le crédit à la consommation est utile, comme vous l'avez dit, il ne doit pas devenir excessif et nuisible.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Le premier point noir est donc celui de la publicité : le projet de loi vise à mettre fin à la publicité agressive, parfois proche du harcèlement.

Deuxièmement, les personnes contractant un crédit à la consommation n'ont parfois pas conscience de leur engagement. Le projet de loi imposera donc aux banques l'obligation de vérifier la solvabilité des personnes s'apprêtant à prendre un tel crédit et de vérifier le fichier du surendettement.

Troisièmement, vous avez évoqué le revolving, que j'appelle personnellement le « tout renouvelable », car actuellement, les magasins ne proposent que du crédit renouvelable. Le projet de loi mettra fin à cette situation en imposant à chaque chaîne de magasins pratiquant le crédit à la consommation de proposer soit du renouvelable, soit de l'amortissable.

Quatrièmement, le projet de loi contiendra des dispositions visant les crédits renouvelables pour toujours, c'est-à-dire ne comportant pas d'amortissement : il s'agit de rendre l'amortissement obligatoire dans chacune des mensualités de remboursement.

J'espère que dans un bon esprit, nous pourrons tous ensemble, début janvier, apporter des améliorations à la situation critique que nous connaissons actuellement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je vous remercie de me donner la parole, monsieur le président, et je remercie également mon collègue Jean-Yves Le Bouillonnec, qui a renoncé à poser sa question sur la politique du logement – il ne manquera évidemment pas de la poser dès la prochaine séance de questions au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…vous êtes aujourd'hui chef du Gouvernement, après avoir été, comme nous, un parlementaire. Vous avez l'habitude de répondre aux questions des députés avec respect, même si vous exprimez votre point de vue avec fermeté et combativité. Notre collègue Christian Eckert a posé une vraie question à M. le ministre du budget – un ministre du Gouvernement qui se trouve être également trésorier de l'UMP et accompagne le Président de la République à un dîner pour y exprimer ses remerciements aux donateurs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Quand on apprend que le Président de la République, accompagné du ministre du budget, trésorier de l'UMP, a garanti aux donateurs qu'il ne toucherait ni au bouclier fiscal ni aux niches fiscales, c'est une vraie question (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…qui mérite une vraie réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Un ministre de la République n'a pas le droit de qualifier une question aussi grave de stupide. Je vous demande donc, monsieur le Premier ministre, de répondre à cette question et de demander au ministre du budget d'exprimer des excuses et de retirer le mot « stupide ». (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président Ayrault, vous savez combien je respecte le Parlement et combien je respecte l'opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Lemasle

Pas toujours ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Je dois dire d'ailleurs que c'est la majorité actuelle qui a oeuvré pour que les droits de l'opposition soient accrus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – « Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

J'ai siégé au sein de cette assemblée pendant trente ans et, même si vous ne voulez pas l'admettre, j'affirme qu'il n'y a jamais eu autant d'efforts accomplis, depuis le début de la Ve République, pour améliorer les droits de l'opposition. (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Ainsi, il n'y avait jamais eu, avant la présente législature, un président de commission issu de l'opposition !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

On n'avait jamais offert à l'opposition la possibilité de maîtriser une partie de l'ordre du jour, comme c'est le cas actuellement. Vous pouvez trouver que c'est insuffisant, mais reconnaissez, puisque c'est la vérité, que cette majorité a fait des efforts pour améliorer la situation de l'opposition ! (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Nous n'avons jamais été dans la situation où se trouve l'opposition actuelle, car vous n'auriez jamais toléré ce que nous avons su accepter – et nous ne le regrettons pas, en dépit de vos critiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Je voudrais vous dire une chose, monsieur Ayrault : quand vous allumez le feu, quand vous organisez la polémique,…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…il ne faut pas vous étonner que le Gouvernement vous réponde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Très souvent, alors que je me trouve sur le banc du Gouvernement, je reste silencieux en entendant les insultes – je pèse mes mots – qui fusent des bancs de l'opposition. C'est votre droit,…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…mais comprenez qu'il n'est pas possible, pour le Gouvernement, d'accepter sans réagir l'amalgame auquel vous avez tenté de procéder (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC)…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…en posant une question qui n'en était pas une. Il n'y a évidemment aucune incompatibilité entre la fonction de trésorier d'un parti politique et celle de membre du Gouvernement.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Vous n'êtes d'ailleurs pas allé jusqu'à l'affirmer, car vous savez bien qu'il n'y a pas d'incompatibilité. (« Si ! » sur les bancs du groupe SRC.)

En réalité, l'objectif de cette question était de semer le doute et le soupçon, en particulier sur le Président de la République.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

J'étais dans cet hémicycle quand trois députés de l'opposition ont été sanctionnés et ont vu leur rémunération suspendue pour avoir osé tenir des propos jugés insultants pour le Président de la République de l'époque.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Nous n'en sommes pas là, mais je vous demande, si vous voulez que les travaux de cette assemblée se déroulent sereinement, de ne pas créer des polémiques dont vous savez fort bien qu'elles n'ont aucun fondement juridique, aucun fondement constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Les députés des groupes SRC et GDR se lèvent et quittent l'hémicycle sous les huées des députés du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Monsieur le président, ma question, plus consensuelle, s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.

L'enseignement agricole, par la spécificité et la qualité de ses formations, joue un rôle majeur en particulier dans le développement des territoires ruraux et l'insertion de nos jeunes. C'est une voie d'excellence et de réussite pour les 173 000 élèves des 845 établissements français.

Ainsi, le lycée public agricole de ma ville obtient 80 à 100 % de réussite aux examens selon les filières et assure un taux d'embauche à la sortie équivalent. Cet établissement, comme quasiment tous les autres, s'ouvre sur le monde, notamment par sa présence au forum « Science et société » dans le cadre de l'année de la France au Brésil. Il stimule le commerce équitable, la protection de la biodiversité et le développement durable. Il travaille également sur un projet avec le Chili dans le cadre de l'accord de coopération signé par votre prédécesseur.

La qualité des formations, l'engagement citoyen des élèves, des enseignants, et la garantie d'embauche, nous incitent à défendre et à renforcer l'enseignement public agricole.

Dès votre arrivée, vous avez constaté un désarroi réel du corps enseignant et administratif. Nous vous avons incité à prendre des mesures d'urgence et vous avez lancé les assises de l'enseignement public agricole.

Lors de l'examen du budget, les crédits de cet enseignement ont été protégés des restrictions budgétaires ambiantes. Un amendement sénatorial a même rétabli 150 postes pour la rentrée 2010, pour le plus grand plaisir d'ailleurs de mon collègue Yves Censi, ici présent.

Nous attendons les conclusions de votre réflexion sur l'enseignement public agricole.

Permettez-moi d'ajouter que notre agriculture et son enseignement sont indissociablement liés à notre identité culturelle et nationale. Ne perdons pas de vue les enjeux majeurs de notre agriculture dans l'économie de la France de demain. Voilà pourquoi, il convient de défendre, plus que jamais, l'enseignement public agricole. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Monsieur le député, l'enseignement agricole est au coeur de l'avenir de l'agriculture française. C'est pourquoi, avec le Premier ministre, nous avons voulu lui redonner le sens de sa mission et des perspectives.

Nous avons tenu à le faire pour les rentrées de 2009 et 2010 en répondant aux besoins en termes de moyens. Nous avons ainsi rétabli 60 postes pour la rentrée de 2009 qui ont permis d'accueillir 400 élèves inscrits sur des listes d'attente dans différents lycées à travers le territoire et, avec l'aide de Luc Chatel, il y aura 150 postes supplémentaires pour la rentrée 2010 de façon à répondre aux attentes de l'enseignement agricole.

Au-delà de ces mesures immédiates, nous avons voulu, avec l'ensemble du Gouvernement, offrir des perspectives pour l'enseignement public agricole. J'ai ainsi ouvert, en septembre dernier, les assises de l'enseignement public agricole. Avec les responsables de l'enseignement, avec les élèves, avec les syndicats, nous avons réfléchi sur les missions de cet enseignement agricole et sur les nouvelles orientations que nous pouvions lui donner. Je clôturerai ces assises demain en fixant trois orientations principales à l'enseignement agricole dans notre pays.

Premièrement, placer l'enseignement agricole sur les nouveaux métiers liés au développement durable, aux industries agro-alimentaires.

Deuxièmement, mieux organiser l'offre de formation à l'échelle régionale de façon à tirer le meilleur parti des moyens disponibles.

Troisièmement, faire en sorte que l'enseignement agricole public soit, en France, un exemple en matière de liens avec la recherche et les hautes technologies car c'est en ces domaines que nous pourrons offrir à l'agriculture française la compétitivité dont elle a besoin en France et en Europe. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Marcon, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Marcon

Ma question s'adresse à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Au cours d'un récent déplacement en Alsace, notre Premier ministre a annoncé la création de l'entreprise à responsabilité limitée, répondant ainsi – j'allais même dire : enfin – à une préoccupation majeure des entreprises en nom propre : la protection des biens personnels en cas de faillite.

Cette annonce répond à une très ancienne revendication portant sur la clarification du patrimoine pouvant être investi dans l'activité professionnelle, qu'elle soit artisanale ou commerciale. Cette revendication a d'ailleurs été reprise dans le rapport que vous a remis Xavier de Roux, ancien député. Il faut impérativement sécuriser l'entrepreneur.

En cas de revers de fortune, l'entrepreneur individuel ne doit pas être condamné à tout perdre. Pour les entrepreneurs en société, le droit est déjà protecteur, puisque seuls les biens professionnels peuvent être saisis. En revanche, pour les entrepreneurs individuels, les entrepreneurs en nom propre, rien de tel n'existe. Ils doivent jusqu'à présent répondre de leurs engagements professionnels sur la totalité de leur patrimoine personnel : en cas de faillite, tous leurs biens peuvent être saisis, avec des conséquences souvent dramatiques pour leur famille.

Dans cette période de crise, il faut absolument favoriser la prise de risque en limitant les conséquences personnelles d'un échec professionnel. Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement va-t-il donner une suite rapide à cette annonce ? Comment l'entreprise individuelle à responsabilité limitée va-t-elle fonctionner ? Permettra-t-elle de protéger enfin le patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel ? Quel sera le calendrier de mise en oeuvre de cette réforme qui est attendue depuis plus de trente ans par les artisans ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Monsieur Jean-Pierre Marcon, la question que vous posez est en effet très importante. Qui n'a pas eu, dans ses permanences, dans sa vie professionnelle ou parmi ses proches, l'occasion de rencontrer un artisan ruiné,…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

…celui qui s'est vu saisir sur ses biens propres du fait d'une défaillance, en l'occurrence d'une faillite d'entreprise ?

Il y avait là une injustice française, posée au coeur de notre économie, puisque l'entrepreneur qui opte pour la forme sociétale limite son risque à son apport. L'entrepreneur individuel, lui, ne le peut pas ou, plus exactement, ne le pouvait pas.

C'est la raison pour laquelle je voudrais saluer l'annonce quasi historique – vous avez évoqué une attente de trente ans – qui a été faite par le Premier ministre la semaine dernière. Dès que le Parlement votera cette disposition, plus jamais un artisan qui aura démarré son activité sous la forme individuelle ne pourra être ruiné. Il sera poursuivi sur le capital qu'il aura affecté à son activité, mais ne pourra pas être saisi sur le reste de son patrimoine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Je tenais donc à saluer cette décision annoncée par le Premier ministre la semaine dernière. Quand la mesure entrera-t-elle en vigueur ? Une lettre rectificative a été adressée au Conseil d'État de façon à l'adjoindre au projet de loi relatif aux réseaux consulaires, qui sera discuté au début de l'année prochaine.

Vous voyez donc, monsieur le député, que nous entendons aller vite, parce qu'il faut mettre fin à cette injustice. Il y a là un signal adressé à tous les artisans et à tous les entrepreneurs individuels de ce pays – ils sont un million et demi.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

C'est un signal du rétablissement de l'équité. C'est le signe que l'on peut entreprendre et que, même si l'on connaît une défaillance, on a droit à une seconde chance. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Claude Birraux, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Birraux

La semaine dernière, l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques a adopté le rapport que Christian Bataille et moi-même avons présenté sur la modulation de la norme thermique de 50 kilowattheures par mètre carré et par an dans les bâtiments neufs en 2012, cela compté en énergie primaire. Cette étude nous avait été demandée par l'article 4 de la loi Grenelle I.

Nous n'avons pas voulu triturer les lois de la thermodynamique ni celles de Lavoisier : ce sera donc en moyenne 50 kilowattheures par mètre carré et par an en énergie primaire, modulés en fonction de la géographie et de l'altitude ; et, parce que nous avons en tête Copenhague et la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, ce sera 5 kilogrammes de gaz carbonique par mètre carré et par an.

En proposant ces normes, nous incitons fortement au progrès technologique, afin d'inclure les solutions les plus performantes et leur diffusion rapide. Nous incitons à arbitrer entre les solutions pour que ce soit la meilleure combinaison qui soit choisie.

Notre ambition est de demeurer une référence pour l'avenir et d'aller vers le zéro émission, qui est l'objectif de l'Union européenne pour 2021.

Monsieur le ministre d'État, que comptez-vous faire de nos propositions ? (Applaudissements sur divers bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Le bâtiment représente 40 % de notre dépense énergétique et 25 % des émissions de gaz à effet de serre ; ce secteur est donc un enjeu déterminant dans la lutte contre le changement climatique.

Le Parlement ne s'y est d'ailleurs pas trompé, puisque, lors des débats du Grenelle de l'environnement, vous avez voté, ici même, à la quasi-unanimité, une nouvelle norme applicable au 1er janvier 2013 : la norme BBC – Bâtiment basse consommation – dans le neuf, qui permettra, vous l'avez souligné, de ne dépenser que 50 kilowattheures par mètre carré et par an.

Face à ce défi, nous devons évidemment mettre à jour notre réglementation thermique. Le rapport de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont vous êtes le président, va nous permettre d'avancer dans ce sens, notamment en modulant la norme BBC en fonction de différents paramètres.

Votre rapport valide un certain nombre de points essentiels à nos yeux. D'abord, il valide les coefficients de conversion qui avaient, vous le savez, fait l'objet d'âpres discussions. Il conforte l'objectif, longuement débattu, des 50 kilowattheures par mètre carré et par an ; il précise que nous parlons, bien évidemment, en énergie primaire. Il confirme, enfin, que les techniques existantes permettent dès aujourd'hui d'atteindre ces objectifs de basse consommation, sans surcoût pour la construction de bâtiment, ce qui est crucial.

Votre proposition de moduler la norme en fonction de la taille des logements aura retenu toute l'attention du Gouvernement. (Approbations sur les bancs du groupe UMP.)

Grâce à vos travaux, avec Jean-Louis Borloo et Chantal Jouanno, nous serons en mesure, dès le mois de janvier 2010, d'établir les grandes lignes de cette nouvelle réglementation thermique, et de publier les textes dès la mi-2010. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, du fauteuil que j'ai l'honneur d'occuper, je forme le voeu que nos débats retrouvent rapidement la sérénité qui leur est due, et qui leur fait en ce moment cruellement défaut.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Efficacité énergétique des bâtiments

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58-1 du règlement.

Je voudrais revenir sur les incidents qui ont eu lieu tout à l'heure, pour souligner tout d'abord que, à ma connaissance, c'est la première fois depuis très longtemps qu'un député est empêché en définitive, puisque cela s'est traduit de cette façon, de poser une question au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Il a dit qu'il renonçait à poser sa question !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Je vous prie de m'excuser, cher collègue, je m'adresse au président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

C'est la première fois qu'un député ne peut poser sa question et recevoir une réponse de la part du Gouvernement.

Nous avons très bien compris qu'il s'agissait d'une suite aux événements qui ont eu lieu la semaine dernière, pour lesquels le bureau s'est réuni. Chacun a pu s'exprimer, chaque président de groupe et tous ceux qui l'ont souhaité. J'ai une simple question à poser : pendant combien de temps le groupe UMP empêchera un député du groupe de la gauche démocrate et républicaine de poser une question au Gouvernement ? Il est important que nous ayons une réponse aujourd'hui parce qu'un précédent a été créé.

Ensuite, je pense, je l'ai déjà dit la semaine dernière, que personne n'a à s'ériger ici en juge de quoi que ce soit. Nous avons un règlement, il doit être appliqué s'il a été enfreint. Le juge pour les députés, ce sont les électeurs. Il me paraît pour le moins surprenant qu'on puisse endosser ce rôle ici.

En outre, je considère tout à fait anormal qu'un ministre qualifie une question de « stupide ». Cela aussi, c'est quelque chose d'exceptionnel, et la réponse du Premier ministre sur le fait qu'il entend des invectives ou des injures n'a strictement rien à voir. Là aussi, le règlement est là pour sanctionner éventuellement les injures. J'observe simplement que les injures qui sont proférées dans cet hémicycle, personne ne les entend, contrairement aux propos du ministre du budget qualifiant de « stupide » la question d'un député, qui ont été publics et retransmis par la télévision. Je ne comprends pas que le ministre n'ait pas été rappelé à l'ordre. Si on part sur ces bases-là, je me demande dans quelles conditions on va travailler dans cette assemblée dorénavant. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Merci, monsieur Sandrier, notamment pour le ton qui est le vôtre, qui sied à nos débats.

Tout à l'heure, notre collègue Mamère a commencé son intervention dans le calme, puis un brouhaha assez fort, c'est exact, s'est élevé, et il a décidé lui-même, vous l'avez entendu comme moi, de renoncer à poser sa question. S'il l'avait posée complètement, il aurait évidemment eu une réponse. On ne peut que regretter ce qui s'est passé.

Quant à ce que peuvent exprimer les uns ou les autres, il ne m'appartient pas de le commenter depuis le fauteuil que j'ai l'honneur d'occuper.

La parole est à M. François Rochebloine, à qui je demande de contribuer à la sérénité des débats.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Je partage votre souhait d'un retour à la sérénité et, comme vous venez de le dire, monsieur le président, j'observe que c'est M. Mamère lui-même qui a renoncé à poser sa question. J'ai pris la parole derrière lui pour poser la mienne, et je dois dire que j'ai eu quelque difficulté, pour ne pas dire quelque mérite, à me faire entendre dans un brouhaha pas possible. Malgré tout, j'ai posé ma question. Quant à l'intervenant suivant, M. Eckert, il a été écouté dignement. Je souhaite que nous puissions continuer à travailler dans un climat serein dans cette assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Merci de ces déclarations qui vont toutes dans le même sens : le retour à la sérénité indispensable à nos travaux. Chacun devra y mettre du sien. Je vous en remercie par avance, au nom de notre institution.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux de venir vous présenter, au nom du Gouvernement, les enjeux du Conseil européen qui se tiendra les 10 et 11 décembre, et auquel participera le Président de la République. Ce Conseil sera le premier de la nouvelle Europe, celle issue de l'entrée en vigueur, le 1er décembre, du traité de Lisbonne.

Vous le savez, le programme de ce Conseil est extrêmement chargé et donne la pleine mesure des nombreux défis que l'Europe doit relever, maintenant que la page institutionnelle qui nous a occupés pendant tant d'années est tournée.

Les chefs d'État et de gouvernement évoqueront en effet, au cours de cette dernière réunion conduite sous présidence suédoise, les questions institutionnelles, le climat avec la conférence de Copenhague qui vient de s'ouvrir, les questions économiques et financières, la préparation de la sortie de crise, l'asile et l'immigration, enfin l'élargissement et les questions internationales. Je serai donc un peu long si je veux couvrir l'ensemble des dossiers que mon collègue Bernard Kouchner et moi-même avons préparés ces deux derniers jours à Bruxelles.

Je commencerai, si vous le voulez bien, par évoquer le nouveau fonctionnement de l'Europe avec les institutions que nous sommes en train de mettre en place.

L'entrée en vigueur du nouveau traité a en effet marqué l'aboutissement d'un long cheminement. On a vu, le 19 novembre, les chefs d'État et de gouvernement désigner, à l'issue d'un Conseil européen extraordinaire, le premier Président stable du Conseil européen, M. Herman Von Rompuy, et la première Haute représentante pour les affaires étrangères, Mme Catherine Ashton.

Herman Van Rompuy, désigné à l'unanimité des chefs d'État et de gouvernement pour deux ans et demi au poste de Président du Conseil européen, garantira la continuité de l'activité du Conseil européen et représentera l'Union européenne sur la scène internationale. En tant que Premier ministre de Belgique, M. Van Rompuy a pleinement fait la preuve des qualités requises pour exercer cette responsabilité nouvelle : fort engagement européen, sens du compromis, connaissance des dossiers, confiance des autres chefs d'État et de gouvernement. Le Président de la République l'a reçu vendredi dernier : il lui a dit toute l'importance que nous attachons à sa fonction et à son rôle d'impulsion et l'a assuré du plein soutien de la France dans l'accomplissement de sa tâche.

J'ai, pour ma part, rencontré la nouvelle Haute représentante des affaires étrangères, Catherine Ashton, lundi soir, à l'issue du Conseil affaires générales « nouvelle formule ». Vous le savez, le Conseil affaires générales et relations extérieures est désormais scindé en un Conseil affaires générales ayant vocation à préparer le Conseil européen – il est en quelque sorte le dernier filtre avant le Conseil – et un Conseil affaires étrangères, qui sera bientôt présidé par la Haute représentante et uniquement par elle. Mme Ashton devra, dans les semaines à venir, mettre en oeuvre les orientations ambitieuses fixées par le Conseil européen d'octobre pour le futur Service européen pour l'action extérieure et soumettre ses propositions afin que le Service soit officiellement établi, donc en ordre de fonctionnement, à partir du mois d'avril prochain.

C'est pour la France un sujet essentiel, je tiens à le dire compte tenu de ce que j'ai pu lire ici ou là dans la presse britannique. Le Service européen doit être, en effet, l'un des instruments d'une Europe politique plus influente sur la scène internationale, capable de mobiliser au service de ses objectifs, de façon efficace et cohérente, l'ensemble des outils de la politique extérieure de l'Union.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Nous avons donc une coordination de l'ensemble des volets de l'action extérieure de l'Union, d'un côté, une coordination de l'action avec les États, de l'autre, Mme Ashton étant à la fois vice-présidente de la Commission et représentante du Conseil. Nous nous félicitons également – car il s'agit d'un poste stratégique – que Pierre de Boissieu demeure secrétaire général du Conseil, ce qui est important durant la phase de mise en forme des nouvelles institutions.

Le deuxième temps fort du mois de novembre a été la désignation par le président Barroso des nouveaux membres de la Commission et la répartition des portefeuilles au sein de la Commission Barroso II.

Nous nous réjouissons que le président Barroso ait attribué à Michel Barnier le portefeuille du marché intérieur et des services. C'est un portefeuille important que la France n'avait jamais obtenu dans le passé. Les attributions dont Michel Barnier aura la responsabilité sont au coeur de la construction européenne et représentent un enjeu crucial pour la vie quotidienne des 500 millions de citoyens de l'Union européenne. Le dossier du marché intérieur, notamment dans sa dimension relative à la régulation des services financiers, est fondamental pour contribuer à la sortie de crise, préparer les conditions du retour à la croissance en Europe, et préserver le rôle moteur que l'Europe a acquis au sein du G20 à l'initiative du Président de la République pendant la présidence française de l'Union européenne.

Les nouveaux commissaires devront être auditionnés par le Parlement européen à la première session plénière de janvier, afin que la Commission soit pleinement opérationnelle le 1er février prochain. Je me félicite également de la nomination d'un commissaire à l'agriculture roumain favorable à la PAC. Comme vous le savez, nous sommes en ce moment même engagés dans une opération consistant à regrouper les vingt-deux États de l'Union qui sont attachés à la pérennisation de la politique agricole commune.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Concernant l'augmentation du nombre de sièges au Parlement européen, la future présidence espagnole vient de manifester son intention de demander au Conseil européen de convoquer une conférence intergouvernementale pour apporter les modifications nécessaires au traité. Le nombre de députés européens devrait ainsi être de 754 jusqu'en 2014, puis de 751 après les élections de 2014, conformément au traité de Lisbonne, les Allemands perdant trois eurodéputés.

À titre transitoire, en attendant la ratification de cet acte modificatif par chacun des vingt-sept États membres et son entrée en vigueur, les États qui voient leur nombre de sièges augmenter sont invités par le Parlement européen à y désigner des « observateurs ». Ces dispositions transitoires se traduiront pour la France par la désignation de deux observateurs issus des bancs de l'Assemblée nationale, qui deviendront députés européens de plein exercice lorsque toutes les procédures de ratification nationale seront achevées. Il appartient au Président de l'Assemblée nationale d'organiser les modalités de cette désignation.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

La décision du Premier ministre de demander à l'Assemblée nationale de procéder à la désignation de ces deux députés permet à la fois de respecter le principe constitutionnel de la sincérité du scrutin de juin dernier et de profiter de cette opportunité offerte par la décision du Conseil européen de décembre 2008 pour rapprocher parlementaires nationaux et parlementaires européens.

J'en viens à la négociation climatique. La lutte contre le changement climatique sera, naturellement, au coeur des échanges du Conseil des chefs d'État et de gouvernement, mais aussi, pendant les dix jours qui viennent, des négociations de Copenhague.

C'est peut-être la première fois dans l'histoire que tous les pays de la planète sont appelés à prendre conscience, collectivement, de leur communauté de destin, et de faire le choix, ensemble, du salut ou du naufrage. Pour tous les pays de l'Union européenne, le changement climatique est une question grave, qui menace nos territoires, notre agriculture, notre mode de vie, mais, pour de nombreux pays, notamment des États insulaires comme les Seychelles ou les Maldives, lutter contre le changement climatique est une question de vie ou de mort.

Soyons donc très clairs sur l'objectif : l'accord de Copenhague doit permettre de limiter le réchauffement mondial à moins de 2 degrés par rapport à l'époque pré-industrielle. Cet objectif signifie qu'il faut atteindre le plus tôt possible un « pic mondial des émissions », et réduire celles-ci d'au moins 50 % par rapport à 1990 d'ici à 2050. Pour ce faire, nous devons parvenir à rallier tous les pays partageant nos ambitions, pour peser à Copenhague sur les États qui sont aujourd'hui les plus réticents à s'engager.

C'est le sens de la démarche commune très active engagée par le Président de la République avec le Président brésilien Lula. C'est aussi le sens de la démarche engagée par Jean-Louis Borloo, avec son plan « justice-climat » pour les pays en voie de développement.

En termes de propositions concrètes, la lettre commune du Président de la République française et du Président brésilien, publiée le 14 novembre dernier, est susceptible de constituer un point d'équilibre entre toutes les parties, dans la perspective d'un accord politique mondial à Copenhague. Ce raisonnement s'articule autour des sept propositions suivantes :

Premièrement, la réduction au plan mondial des émissions de CO2, qui se décline en trois types d'engagements.

Pour les pays développés : une réduction de leurs émissions d'au moins 80 % en 2050 par rapport à 1990, avec un objectif chiffré de réduction de leurs émissions à moyen terme – 2020-2030 –, dans une fourchette comprise entre moins 25 % et moins 40 %.

Pour les pays en développement les plus avancés, dits émergents : un engagement sur une déviation « significative », après une période de croissance et de rattrapage économique – ce qui est normal –, dans une fourchette comprise entre moins 15 % et moins 30 % de leurs émissions par rapport à la tendance actuelle.

Pour tous les pays : des plans nationaux de croissance à faible intensité en carbone permettant une réduction substantielle des émissions.

Deuxièmement, l'adaptation au changement climatique : un paquet « adaptation » doit permettre de répondre rapidement aux besoins des pays en développement. Le plan « justice-climat », présenté par Jean-Louis Borloo, propose à ce titre un dispositif d'appui spécifique aux pays les plus vulnérables – Afrique, pays les moins avancés, pays insulaires en développement –, sur la base de projets identifiés, avec un financement dédié pouvant provenir notamment de mécanismes innovants.

Troisièmement, la coopération technologique : l'accord de Copenhague doit permettre le déploiement accéléré des technologies bas-carbone – captage et stockage du carbone, énergies renouvelables, nucléaire – et le partage des meilleures pratiques, notamment en matière d'efficacité énergétique.

Quatrièmement, de nouveaux financements pour les actions de lutte contre le changement climatique : nous défendons le principe d'une contribution universelle, proposée par le Mexique, et le développement de mécanismes de financement innovants pour lutter contre le changement climatique. Un financement public spécifique pour les années 2010-2012, dites période de fast start, à destination des pays les plus pauvres et les plus vulnérables, devrait, par ailleurs, accompagner les actions immédiatement entreprises sur la base de l'accord signé à Copenhague.

Cinquièmement, un engagement global sur un objectif de réduction de moitié de la déforestation d'ici à 2020, et un arrêt de celle-ci d'ici à 2030. Nous souhaitons que 20 % des sommes consacrées au fast start 2010-2012 soient consacrées à cet objectif.

Sixièmement, la création d'un mécanisme de mesure, de communication et de vérification des actions engagées. Les pays qui ne prendraient pas des engagements comparables doivent être dissuadés de se comporter en « passagers clandestins ». À cet égard, l'Union européenne ne doit pas s'interdire de recourir à un « mécanisme d'inclusion carbone » aux frontières, qui évitera à nos entreprises d'être injustement concurrencées par la production de pays moins regardants sur les normes environnementales.

Enfin, septièmement, la création d'une organisation mondiale de l'environnement, à laquelle la France tient beaucoup, qui aurait notamment vocation à assurer le suivi et le respect des engagements pris.

Au plan européen, le Conseil des 10 et 11 décembre doit permettre de construire, sur l'ensemble de ces points, une position commune. Trois sujets restent, à ce stade, encore en débat et feront l'objet de négociations finales entre les chefs d'État et de gouvernement.

Premier sujet, la conditionnalité du passage de 20 % de réduction des émissions de CO2 en 2020 à 30 % de réduction. L'Europe doit, dans ce domaine, avoir une approche généreuse, mais aussi réaliste. Pour passer à 30 % de réduction, il faut que les engagements pris par les autres parties soient réellement comparables. Ne nous laissons pas leurrer par des effets d'annonce. Les États-Unis ont, par exemple, annoncé le 25 novembre une réduction de leurs émissions de CO2 de 17 % en 2020, mais ce pourcentage est calculé par rapport à 2005. Ramené à l'année de référence 1990, cet engagement ne correspond, en fait, qu'à une baisse de l'ordre de 4 % de leurs émissions. L'Union doit rester ferme sur ses ambitions pour la planète et les conditions d'un relèvement éventuel de l'objectif européen, conformément aux conclusions du Conseil européen de mars 2007, devront être examinées, après Copenhague, sur la base d'une analyse précise de l'accord, en liaison étroite avec le Parlement européen.

Deuxième sujet, le montant que la communauté internationale, en général, et l'Union européenne en particulier, consacreront au financement fast start des actions à conduire dans les pays en développement entre 2010 et 2012. Le Président de la République, lors de son récent déplacement à Trinidad et Tobago, a souhaité que la communauté internationale mobilise 7 milliards d'euros de crédits publics, dont 20 % seraient consacrés à la lutte contre la déforestation.

Troisième sujet, la référence explicite, dans les conclusions du Conseil, à la constitution d'une organisation mondiale de l'environnement.

La Conférence de Copenhague s'est ouverte lundi et se clôturera le 18 décembre sur un ultime segment de négociation. Y participeront cent douze chefs d'État et de gouvernement, y compris le Président Obama, ce que le Président de la République, qui s'était entretenu de ce sujet avec lui il y a une semaine, a accueilli avec satisfaction.

Les négociations seront conduites à la fois pendant la conférence, mais aussi en marge, avec une réunion ad hoc sur l'articulation entre politique de développement et climat le 14 décembre et, aussi, le sommet sur la forêt en Afrique centrale, qui se tiendra le 16 décembre à Paris à l'initiative du Président de la République, à la veille du dernier segment de la négociation.

Nous pensons aujourd'hui qu'un accord politique ambitieux à Copenhague est un objectif pleinement atteignable. La multiplication, ces derniers jours, d'annonces majeures, comme les annonces récentes par la Chine et l'Inde de réductions chiffrées de l'intensité carbone de leur économie, sont autant de signaux politiques importants et qu'il faut prendre très au sérieux.

J'en viens aux questions économiques et financières et à la préparation de la sortie de crise qui seront également à l'ordre du jour du Conseil européen.

Dans le domaine financier, la présidence suédoise a tenu l'agenda ambitieux qui lui avait été fixé par le Conseil européen de juin, qui consistait à dégager, au sein du Conseil, un accord complet sur la réforme de la supervision européenne, pour permettre au nouveau système d'être pleinement opérationnel en 2010 et tirer les leçons de l'immense crise financière que nous avons connue en 2008. C'est un pas décisif pour renforcer la solidité du système financier en Europe.

À la veille du précédent Conseil européen d'octobre, la présidence suédoise était déjà parvenue à dégager un accord sur le volet macrofinancier, qui prévoit la création d'un Comité européen du risque systémique, chargé de prévenir l'apparition des très grands risques de marché comme nous en avons connu en 2007 et surtout en 2008.

La présidence a remporté un nouveau succès lors du conseil Écofin du 2 décembre, en dégageant un accord sur le volet microfinancier. Conformément aux conclusions du Conseil européen de juin, cet accord prévoit la création de trois nouvelles autorités de surveillance respectivement chargées des banques, des assurances et des marchés et valeurs mobilières.

Comme nous le souhaitions, ces autorités pourront exercer, sous certaines conditions, des pouvoirs contraignants sur les superviseurs nationaux. Elles pourront, par exemple, intervenir en cas de désaccord entre ces derniers et jouiront de pouvoirs accrus en cas d'urgence ou en situation de crise. Ce succès est d'autant plus important que des sensibilités différentes, selon la formule consacrée, étaient réunies autour de la table. Nous disposons donc désormais d'un système de régulation financière.

Dans le domaine économique, le Conseil européen était convenu, il y a un an, d'un plan de relance européen destiné à soutenir une activité économique profondément ébranlée par la crise. Ce plan, ainsi que les mesures nationales, nous permettent d'assister aux premiers signes, certes fragiles, de la reprise, et au retour à une croissance positive au second semestre de cette année.

Cette évolution favorable doit encore être consolidée : il est trop tôt pour mettre fin aux mesures de soutien. Lorsque la croissance sera à nouveau solidement installée, nous devrons supprimer graduellement ces dernières et engager un effort majeur de consolidation des finances publiques.

Cela étant, nous devons également préparer l'avenir. Car ce n'est pas sur nos institutions que les peuples nous jugeront, mais bien sur nos résultats. En la matière, l'Europe doit être visionnaire si elle veut « faire le xxie siècle et non le subir », selon les termes du Président de la République.

Le débat sur la stratégie dite « UE 2020 », appelée à prendre la suite de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi, est, de ce point de vue, absolument fondamental : nous avons besoin, avec l'appui de la nouvelle Commission européenne et de tous les États membres, de construire maintenant, ensemble, une Europe plus forte, parce que l'Europe sort de la crise économique et financière la plus grave que le monde ait connue depuis 1929 et qu'il faut donner à nos entreprises, en particulier aux PME, les moyens de retrouver rapidement une croissance élevée et durable, et parce que l'Europe doit, à l'heure où émerge un monde multipolaire, être capable de lutter à armes égales contre les autres grands pôles de développement économique de la planète.

Si nous voulons réussir demain là où la stratégie de Lisbonne a échoué hier, nous devons doter la nouvelle stratégie européenne d'une véritable colonne vertébrale, bien plus solide. Concrètement, cela revient à dire que la stratégie de l'Europe ne doit pas se réduire à la somme de vingt-sept stratégies nationales. La Commission doit également apporter toute sa contribution à cette démarche.

À ce propos, j'insisterai particulièrement sur six points jugés essentiels par la France et auxquels la future stratégie « UE 2020 » devrait faire écho. J'en ai fait part à Mario Monti, chargé par le président Barroso d'une mission sur la relance du marché intérieur et que j'ai rencontré mercredi dernier, comme aux vingt-six autres États membres, le 4 décembre, à Bruxelles, lors du Conseil « compétitivité » de l'Union européenne.

Premier point : l'Europe doit impérativement, pour rester compétitive, chercher de nouvelles sources de croissance, en se tournant sans hésitation vers l'économie de la connaissance, l'innovation et les technologies vertes. Cet objectif rejoint exactement les priorités identifiées en France par la commission sur le grand emprunt. Du reste, la démarche menée en France, qui consiste à déterminer les priorités d'avenir, pourrait parfaitement être européanisée, et nombre de projets privilégiés au titre de cette réflexion stratégique sont appelés à trouver un puissant écho en Europe.

Deuxième point : l'Europe doit parvenir à réconcilier ses 500 millions de citoyens avec son marché intérieur, dont ils se méfient souvent, craignant de voir leurs droits sociaux affaiblis, la qualité des biens ou des prestations servis atténuée et, en définitive, d'être moins protégés. Je souhaite un marché intérieur qui parvienne à concilier un fonctionnement efficace, un niveau de protection élevé du consommateur et un respect de la cohésion sociale de l'Union.

Le troisième point concerne justement la dimension sociale. La crise l'a bien montré : l'Europe de demain doit se montrer plus soucieuse de la cohésion sociale, en anticipant les restructurations, en investissant dans nos systèmes éducatifs, en soutenant la formation et la reconversion des travailleurs. Dans ce domaine, il ne faut pas négliger l'extérieur. Il est inconcevable qu'une multinationale étrangère comme General Motors impose à toute l'Europe un chantage sur des milliers d'emplois, en jouant d'une stratégie de division entre États de l'Union et de surenchère sur les aides d'État, comme le firent, jadis, les Horaces contre les Curiaces, ou, si l'on préfère, en appliquant la tactique du salami. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Quatrième point : nous devons nous interroger collectivement sur la place que l'Europe entend occuper au cours des dix ou vingt ans à venir. Le risque principal, nous le savons, est la marginalisation de l'Europe et l'accentuation de sa dépendance à l'égard des pôles industriels émergents.

Soyons clairs : le mythe de l'Europe post-industrielle a vécu. Nous avons besoin d'un socle industriel et d'emplois industriels, car une économie fondée sur les seuls services n'est pas viable à long terme.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Je note du reste que de nombreux pays, même parmi les plus libéraux de l'Union, prennent conscience du fait que la désindustrialisation est le risque majeur. Nous devons donc être capables de mettre collectivement au point une véritable politique industrielle et énergétique commune qui relève le défi de la désindustrialisation européenne.

Cinquième point : l'Union européenne est aujourd'hui l'espace économique le plus ouvert au monde.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Il n'est pas question de revenir sur cet acquis. Toutefois, nous devons faire preuve de pragmatisme à l'égard de tous nos partenaires. Les combats idéologiques appartiennent au passé ; mais à quoi sert-il d'être vertueux entre nous si, en dehors de l'Europe, d'autres ne respectent pas les règles – parfois les plus restrictives au monde – que nous nous imposons ?

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Nous devons bien évidemment nous appliquer à nous-mêmes des règles justes et équitables. Néanmoins, comme le souligne le Premier ministre François Fillon, la question n'est pas seulement de savoir si la concurrence est parfaitement assurée entre Français et Allemands ou entre Français et Italiens : il s'agit aussi de savoir si l'Europe dispose des instruments nécessaires pour lutter contre la concurrence extrêmement forte des pays du Sud-Est asiatique, de la Chine, de l'Inde et du continent américain.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Ne soyons pas naïfs : comme le président Barroso le dit lui-même, l'Europe doit savoir se défendre, faire respecter ses normes et promouvoir ses intérêts et ses valeurs en matière industrielle, sociale et environnementale. Je songe naturellement à l'affaire récente du contrat relatif aux ravitailleurs que nous devions livrer aux États-Unis, dans laquelle nous nous sommes heurtés à un mur s'agissant des marchés publics.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

J'y viens justement : en sixième et dernier lieu, l'ouverture européenne doit obéir à un esprit de réciprocité, y compris en matière de marchés publics. Alors que les plans de relance européens sont totalement ouverts aux entreprises étrangères, comme l'illustre la manière dont Hitachi vient de remporter en Grande-Bretagne un marché de près de 8,5 milliards d'euros que briguaient également Alstom et Siemens, nos entreprises européennes se heurtent à un mur dans plusieurs pays qui nous imposent un traitement discriminatoire. Cette situation n'est pas acceptable, et ce n'est pas être protectionniste que d'insister sur la nécessité de rétablir l'équité et la réciprocité.

La France transposera donc en droit interne les dispositions dérogatoires à l'accord sur les marchés publics de l'OMC de 1994, tout en appelant une démarche européenne. Voilà pourquoi j'ai demandé vendredi dernier à la Commission, au nom de la France, de proposer les mesures réglementaires qui s'imposent pour faire appliquer les dispositions de cet accord au niveau européen, dans un esprit de parfaite réciprocité.

Quatrièmement, le Conseil européen sera également appelé à approuver le nouveau plan pluriannuel sur l'espace de liberté, de sécurité et de justice, dit « programme de Stockholm ».

Ce programme, qui succède à ceux de Tampere et de La Haye, définit nos objectifs pour les cinq années à venir. Il correspond aux priorités que nous nous étions fixées. Tout d'abord, appliquer concrètement les engagements du pacte européen sur l'immigration et l'asile, adopté à l'initiative de Brice Hortefeux sous la présidence française. Ensuite, renforcer la coopération opérationnelle en matière policière et judiciaire : il s'agit de bâtir une architecture européenne en matière de sécurité,…

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…et nous formulerons d'importantes propositions dans ce domaine, en matière de lutte contre la drogue.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

La troisième priorité consiste à accroître l'efficacité de l'Europe de la justice au profit des citoyens, notamment en appliquant le principe de reconnaissance mutuelle. Enfin, il s'agit de développer la dimension extérieure de la justice et des affaires intérieures, en faisant des relations extérieures un facteur de renforcement de la sécurité de l'espace européen de libre circulation.

L'application de ce nouveau programme sera l'une des priorités de la présidence espagnole qui débutera le 1er janvier prochain. Je puis vous assurer qu'il s'agit également d'une priorité absolue pour la France. À cette fin, la présidence espagnole pourra bénéficier des nouvelles règles établies par le traité, qui facilite notamment le processus de décision dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. Vous savez que nous faisons partie du groupe de pays pionniers qui peuvent recourir à la coopération renforcée.

Enfin, l'actualité internationale chargée rejaillira sur le programme du Conseil européen.

S'agissant tout d'abord de l'Afghanistan, rappelons, au lendemain du discours prononcé par le président Obama le 1er décembre, que le renforcement militaire de la coalition n'a pas de sens si le volet civil de notre assistance n'est pas couronné de succès. Grâce à une aide annuelle de près de 950 millions d'euros – il s'agit du montant consolidé de l'aide des États membres et de la Commission –, l'Union européenne peut jouer un rôle majeur dans la stabilisation de la situation et apporter une contribution décisive à la définition des priorités de la communauté internationale.

À ce propos, la conférence internationale de Londres, le 28 janvier prochain, aura pour but de redéfinir les termes de la relation entre la communauté internationale et l'Afghanistan. Il s'agira de créer les conditions d'une appropriation croissante des responsabilités par les Afghans eux-mêmes.

En second lieu, le programme nucléaire iranien constitue un problème très grave. Vous le savez, l'Iran continue d'accumuler de l'uranium faiblement enrichi, violant ainsi les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, sans objectif civil identifiable. Le 27 novembre dernier, le conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique lui a demandé de se conformer sans délai à ses obligations internationales et de cesser immédiatement ses travaux sur le site de Qom. Cette résolution, la dixième en ce sens, venait s'ajouter aux cinq résolutions du Conseil de sécurité.

Malheureusement, l'Iran continue de rester sourd à nos inquiétudes sur la finalité de son programme nucléaire. Je rappelle qu'il n'existe aucune centrale électronucléaire dans le pays ! Non seulement celui-ci ne répond pas aux offres de dialogue, mais il défie la communauté internationale en continuant de fabriquer de l'uranium enrichi : le Président iranien vient d'annoncer la construction de dix nouvelles usines d'enrichissement.

Notre offre de négociation reste sur la table, mais il doit être clair que nous attendons de l'Iran des gestes concrets et un changement profond de comportement sur le dossier nucléaire. Si l'Iran persiste à refuser de coopérer avec la communauté internationale, nous devrons prendre des mesures plus fortes, à la mesure de l'enjeu, de l'urgence, de l'inquiétude des pays de la région et des efforts de dialogue que nous avons consentis.

Nous chercherons à privilégier l'adoption de nouvelles mesures, en priorité au Conseil de sécurité. Mais il appartient aux Européens de prendre leurs responsabilités, et nous souhaitons que l'Union s'y prépare dès maintenant. Il s'agit d'un enjeu essentiel pour l'avenir de la sécurité internationale et régionale ; le temps presse.

En ce qui concerne le Proche-Orient, le Conseil affaires étrangères a rappelé hier la priorité absolue de l'Europe – la reprise des négociations de paix –, mais aussi plusieurs principes, dont la sécurité d'Israël et le soutien des négociations conduisant à l'établissement d'un État palestinien. Il a également qualifié la récente décision du gouvernement israélien relative au moratoire sur la colonisation en Cisjordanie de « premier pas dans la bonne direction », soulignant néanmoins que Jérusalem avait vocation à devenir la capitale des deux États.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Je souhaite enfin évoquer l'état d'avancement des négociations avec la Turquie et plusieurs États des Balkans.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Avec la clôture du débat institutionnel, le long processus de stabilisation et d'intégration européenne des Balkans sera, grâce à la perspective offerte aux pays de la région depuis les sommets de Zagreb en 2000 et de Thessalonique en 2003, l'une des priorités de l'Union. La France y est attachée ; il s'agit d'un enjeu majeur pour la sécurité de notre continent.

C'est grâce à elle que les États concernés ont accompli d'importants progrès, qui ont été positivement relevés par la Commission européenne dans son dernier rapport sur l'élargissement. De plus, dans l'ensemble de la région, des accords de facilitation des visas avec l'Union européenne vont entrer en vigueur ou sont prévus prochainement.

Mais ces progrès restent à consolider et beaucoup reste encore à faire :…

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…l'accord slovéno-croate, tout récemment signé, devrait faire l'objet de procédures référendaires en Slovénie ; la Croatie doit trouver une solution à la transmission d'éléments de preuve exigés par le tribunal de La Haye et plus encore réformer son système judiciaire, encore lent et corrompu ; la Serbie ne pourra poursuivre son rapprochement avec l'Union européenne que si elle sait se montrer irréprochable et régler ses comptes avec l'histoire en arrêtant le général Mladic et M. Hadzic, en livrant ces criminels de guerre au tribunal de La Haye et en produisant des éléments de preuve sur ces dossiers ; le différend entre la Grèce et l'ancienne république yougoslave de Macédoine sur le nom de cet État ne permet pas pour l'heure de fixer une date pour le début des négociations d'adhésion de ce pays, repoussées au 1er semestre 2010, sous la présidence espagnole.

Et je n'oublie ni le Kosovo dont, en dépit des progrès enregistrés, la reconnaissance de l'indépendance demeure une question ouverte pour cinq des États membres de l'Union, ni la Bosnie-Herzégovine, dont les responsables politiques restent encore incapables de faire aboutir les réformes qui doivent permettre de démanteler le quasi-protectorat en place depuis quinze ans dans ce pays et dont le maintien interdit tout nouveau progrès au-delà de l'accord de stabilisation et d'association que nous allons soumettre à votre assemblée.

Enfin, l'absence de progrès réels de la Turquie dans le respect de ses engagements de 2005 au titre du protocole d'Ankara, qui prévoyait l'ouverture des ports et aéroports du pays au commerce chypriote ainsi que la normalisation des relations avec la République de Chypre, est un autre sujet de préoccupation pour le Conseil européen qui devrait conclure à la reconduite des mesures restrictives adoptées par l'Union européenne en 2006 aussi longtemps que ces conditions n'auront pas été remplies par Ankara.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Pardonnez-moi, mesdames, messieurs les députés, d'avoir été un peu long pour exposer les principaux sujets inscrits à l'ordre du jour du prochain Conseil européen. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Conseil européen des 10 et 11 décembre devra faire face à des enjeux majeurs, alors que la crise systémique du capitalisme se prolonge durablement et que les dangers d'une crise environnementale sont chaque jour plus palpables.

Le risque est grand de voir les peuples continuer à en subir de plein fouet les conséquences dramatiques : les peuples européens, avec l'installation d'un chômage de masse et une érosion continue des salaires et du pouvoir d'achat ; les peuples du Sud avec la persistance des famines, la déstabilisation des cours des marchandises, les dérèglements climatiques résultant d'un modèle de développement qui leur a été refusé.

Au vu des premiers éléments de conclusions dont nous disposons, tout porte à croire que ce premier Conseil européen depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne n'apportera pas les bonnes réponses.

L'Union européenne s'attend à 7 millions de chômeurs supplémentaires en 2010 ; la croissance demeure famélique après deux décennies de politiques libérales de rigueur et de compétitivité ; les inégalités sociales explosent avec des écarts de PIB par habitant variant de 1 à 20. Face à cette situation qui ne prête aucunement à l'optimisme, tous les leviers économiques devraient être mobilisés. Qu'en est-il d'une politique budgétaire européenne au service de l'emploi, de la révision du pacte de stabilité, de la refonte de la Banque centrale, de la suppression pure et simple des paradis fiscaux, de la taxation de la finance ?

Le Président de la République a annoncé triomphalement une victoire de la vision régulatrice française, mais cette victoire ressemble en tout point à une victoire à la Pyrrhus.

La mise en scène d'une opposition entre Londres et Paris sur la régulation de la finance ne trompe personne et les précédents, telle la directive Hedge funds qui accorde un blanc-seing aux fonds spéculatifs, localisés aux deux tiers aux îles Caïmans, ne plaident guère en faveur de la thèse d'une Union européenne régulatrice des marchés de capitaux. Si la France a réellement su imposer ses vues à Bruxelles et à Londres, monsieur le secrétaire d'État, faut-il s'attendre à ce que cette directive sous sa forme actuelle soit enterrée ?

On nous annonce des avancées considérables concernant la supervision macro-économique et micro-prudentielle. En réalité, la position arrêtée par les Européens est plus qu'insuffisante. Permettez-moi tout d'abord de souligner la faute grave qu'ont commise les dirigeants européens qui, aveuglés par la liberté des capitaux, ont mis en place un espace monétaire commun sans l'assortir d'un contrôle sur les banques. Nous en connaissons le résultat : 3 000 milliards de fonds publics appelés à la rescousse. Les entités de surveillance proposées s'inspirent du rapport libéral de M. de la Rosière, ancien directeur du FMI à son époque la plus dérégulatrice et actuel conseiller du président de BNP-Paribas, qui a provisionné 1 milliard d'euros pour les bonus de ses traders et détient vingt-trois filiales dans les paradis fiscaux. La régulation est entre de bonnes mains ! Ces entités, scindées pour les affaiblir, ne prémuniront pas contre de nouvelles crises. Leurs pouvoirs d'alerte et de sanction sont proprement inexistants et in fine soumis à l'accord des États.

Les cris d'orfraie poussés par la City ne sont qu'une diversion. La spéculation et les transactions occultes se poursuivront dans les îles anglo-normandes, au Liechtenstein, en Suisse ou au Luxembourg. Faut-il rappeler que la moitié du commerce mondial transiterait par ces paradis fiscaux qui abritent 11 000 milliards de dollars issus de divers trafics et de l'évasion fiscale pratiquée par des particuliers fortunés ou encore par des entreprises à travers les prix de transfert ? Les conséquences pour les États se traduisent par une perte de recettes équivalente à 2 % à 3 % du PIB, ce qui correspond bien évidemment à des sommes considérables.

Il est consternant que l'Europe, où se situent quatre des six places financières les plus opaques de la planète, soit le refuge de telles zones de non-droit. La parodie à laquelle s'est livrée l'OCDE en dressant des listes noires et grises recensant les paradis fiscaux illustre un manque de volonté politique flagrant. Il aura suffi à Monaco de signer plusieurs conventions d'échanges d'informations avec d'autres paradis fiscaux pour sortir de ces listes.

Monsieur le secrétaire d'État, allez-vous enfin agir pour que ces paradis fiscaux qui minent l'Europe soient supprimés ?

Enfin, je souhaiterais revenir sur l'idée d'une taxation des transactions financières destinée à limiter la spéculation et à financer le développement. Plusieurs ministres et le Président de la République française lui-même défendent aujourd'hui l'idée d'une taxe sur la finance, ce qui est une excellente chose. Il est temps cependant de passer des discours aux actes.

(Mme Catherine Vautrin remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

L'Union européenne, dont le PIB est supérieur à ceux des États-Unis et de la Chine réunis et qui concentre une grande partie des transactions de change, serait un espace économique suffisant pour mettre en place cette taxe. Monsieur le secrétaire d'État, le commissaire français Michel Barnier s'est-il vu remettre une feuille de route pour l'instauration d'une taxe de type Tobin de caractère obligatoire avec un taux significatif ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

En plein sommet de Copenhague, le changement climatique sera une thématique majeure du Conseil européen. Je me félicite que l'Union européenne ait avancé des objectifs chiffrés de réduction de CO2 mais je déplore que les engagements adoptés dans le cadre du paquet climat-énergie soient largement inférieurs aux préconisations du GIEC.

Le volontarisme de l'Union en ce domaine doit être nuancé. Récemment, la Commission européenne a publié une liste de 164 secteurs industriels qui se verraient exemptés de tout effort de réduction, dont certains comptent parmi les plus polluants, tels la sidérurgie, la cimenterie ou l'armement.

Plus grave encore, l'Union européenne s'en remet une fois de plus à la main invisible du marché pour lutter contre le changement climatique alors que les mécanismes fondés sur le marché issus du protocole de Kyoto, comme les droits à polluer, sont pour l'instant un échec. L'injustice s'ajoute à l'inefficacité, car de la taxe carbone aux quotas d'émissions, c'est le consommateur qui supporte le coût de ces ajustements par le marché.

Je m'oppose par principe à cette loi du plus fort dans le domaine de l'environnement.

Les pays du Nord ne peuvent décemment s'acheter une conscience en finançant des projets environnementaux douteux dans les pays pauvres, en rachetant de gigantesques forêts primaires, en privatisant la nature, pendant que les pays en développement, qui sont les principales victimes du changement climatique alors qu'ils n'en sont pas responsables, continueront à subir la domination des multinationales déjà lancées dans une gigantesque opération de verdissement.

Il faut y ajouter la spéculation qui sévit sur les marchés non régulés du carbone, soulignée par un récent rapport du Sénat. L'auto-régulation est un leurre : l'environnement est trop important pour être confiés aux financiers !

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Ce qui me semble plus grave encore dans la position de l'Union européenne, c'est que jamais n'est remis en cause le système qui conduit au productivisme et à l'épuisement des ressources.

La question environnementale m'amène à aborder la dette de l'Union européenne envers les pays du Sud.

Alors que les financements nécessaires à l'adaptation climatique sont estimés par la Commission européenne à 100 milliards par an, sa contribution est pour l'instant dérisoire. Les conclusions du dernier Conseil européen évoquent la comptabilisation de cette aide environnementale avec l'aide publique au développement, au sens de l'OCDE. Je ne peux m'empêcher d'y voir la volonté de confondre les indicateurs afin d'atteindre artificiellement les 0,7 % du PIB réclamés par l'ONU au titre de l'aide au développement.

En outre, l'engagement pris par les États membres de consacrer, en 2010, 0,51 % de leur PIB au développement a été purement et simplement abandonné dans les conclusions du Conseil européen. La pression de la France, aux côtés de l'Italie, a-t-elle été mise en avant ?

Sur ces deux points, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande des réponses précises.

Pour conclure, je crains que l'orientation libérale que je viens de dénoncer ne soit renforcée par les nouvelles institutions issues du traité de Lisbonne. Son adoption laborieuse, contre l'avis de plusieurs peuples européens,…

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

…constitue une atteinte aux principes démocratiques. L'entrée en vigueur de ce traité ne légitime en rien le tour de force orchestré par les libéraux-conservateurs et les socio-libéraux européens.

Au lieu d'être stable et incarnée, l'Union sera représentée par des personnages effacés,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

, vice-président de la commission des affaires européennes. Vous n'êtes pas très gentil pour eux !

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

…sans que l'on ait daigné consulter les citoyens européens. Ces personnages, choisis par les États au terme de marchandages politiciens allant à l'encontre de l'intérêt général, demeureront, n'en doutons pas, les instruments de ceux qui les ont nommés.

Avec une Union lestée d'un président du Conseil favorable à la liberté du marché et d'une représentante extérieure britannique qui a soutenu la guerre en Irak, l'espoir d'une Europe au service des peuples semble durablement enterré. Les députés communistes et républicains, quant à eux, continueront de défendre ce principe. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de regretter que nous soyons si peu nombreux à siéger dans cet hémicycle – moins de vingt – pour débattre d'un sujet de cette importance, à quelques jours du prochain Conseil européen.

Le projet européen, chacun le sait ici, fait partie des traditions fondatrices de la famille politique que je représente en cet instant. C'est avec une grande satisfaction que les députés du groupe Nouveau Centre voient se mettre en place les institutions réformées par le traité de Lisbonne. Certes, la période de transition a été longue et les négociations difficiles, mais le fait même qu'elles aient enfin abouti est un témoignage de la force acquise par l'idée européenne.

Mes premiers mots seront pour espérer que les travaux du Conseil européen, au-delà de leurs aspects techniques, soient l'occasion de manifester cette dynamique. Ce serait une indication de tendance stimulante pour tous ceux qui, dans chacun de nos pays, sont prêts à faire vivre, contre tout scepticisme, l'idéal européen.

Je sais bien que la rénovation des institutions européennes n'est pas une fin en soi. Elle a été présentée, à juste titre, comme le moyen d'améliorer l'efficacité des politiques européennes dans une Union élargie, autrement dit comme le moyen d'affronter les difficultés que l'application de chacune de ces politiques amène à constater. D'une certaine manière, l'Europe ne pourra plus avancer l'excuse de la défaillance de ses institutions pour expliquer ou justifier retards, échecs ou incompréhensions.

Dans les domaines qui ont constitué, depuis le traité de Rome, le coeur historique des compétences communes de l'Europe, la réforme institutionnelle ne fera que rendre plus criante l'insuffisance éventuelle de sa réponse et ce d'autant plus que les normes européennes et les contraintes comme les garanties qui en découlent font désormais directement partie de notre environnement juridique et administratif national.

Tel est particulièrement le cas de la politique agricole commune, sur laquelle le groupe Nouveau Centre interpelle régulièrement le Gouvernement, comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'État.

Personne ne peut contester la gravité de la situation des agriculteurs. Aucune filière de la production n'a échappé à la baisse des revenus ; les producteurs laitiers en particulier ont perdu la moitié de leurs revenus entre 2008 et 2009. Diminution de la demande, explosion des charges des entreprises, anticipations négatives liées à la libéralisation imminente des échanges, autant de facteurs de désespérance et de colère dont on a vu les conséquences immédiates à travers les récentes manifestations et qui appellent de toute évidence une réaction européenne concertée en même temps que des mesures d'urgence.

Souvenons-nous : nous sommes passés de la conception d'une Europe du tarif douanier commun, constitutif d'un grand marché agricole intérieur, à une Europe que la contradiction au moins apparente des situations nationales et la pression de la mondialisation ont poussée à l'encadrement de plus en plus strict des productions tout en acceptant un abaissement progressif des protections extérieures. En même temps, la montée de la préoccupation du développement désormais qualifié de durable conduisait certains discours européens à confier généreusement aux agriculteurs le rôle noble mais peu lucratif de gardiens des équilibres naturels fondamentaux.

Il faut bien constater aujourd'hui que, poussées simultanément, ces tendances ne peuvent qu'aboutir à des contradictions, car la première condition pour que les agriculteurs jouent le rôle d'intérêt collectif qu'on veut bien leur reconnaître est qu'ils retirent de leur activité un revenu suffisant pour vivre. En même temps, on parle beaucoup de crise alimentaire, on voit même ressusciter les théories malthusiennes les plus classiques, faisant de la natalité une cause de dégradation de la planète.

Monsieur le secrétaire d'État, la conception exclusivement libérale qui a prévalu ces derniers temps dans la définition des mesures européennes de politique agricole correspond-elle aux intérêts à long terme de l'ensemble européen ? Ne faudrait-il pas faire entrer en ligne de compte, dans ce calcul à long terme, l'atout que représente une agriculture européenne significative et diverse pour la présence politique et pour l'indépendance réelle de l'Union européenne dans le monde ?

On objecte à cette idée le fait qu'une libéralisation totale de la production permettrait une baisse des prix à la consommation. Mais pour que cet argument soit pleinement convaincant, il faudrait que la diminution du prix payé au producteur soit du même ordre que celle du prix demandé au consommateur. Or tout le monde sait que cette corrélation est loin d'être établie. La clarté doit être faite sur les marges constatées à chaque étape du circuit de production et de distribution. C'est pourquoi nous avons souhaité la création de l'Observatoire des prix et des marges. Du reste, nous voudrions que cette question devienne un sujet de réflexion pour l'ensemble de l'Europe.

Enfin, nous soutenons des mesures conjoncturelles, comme l'extension au secteur de la production laitière du dispositif instituant un coefficient multiplicateur entre le prix d'achat au producteur et le prix de vente à la consommation.

Monsieur le secrétaire d'État, vous l'aurez compris, le groupe Nouveau Centre attend du Conseil européen qu'il fasse un inventaire courageux et rigoureux des problèmes de fond que les institutions européennes rénovées vont devoir immédiatement affronter ainsi que les solutions envisageables.

Il vous demande d'oeuvrer pour que le Conseil reconnaisse à la politique agricole, véritable valeur de test de l'efficacité européenne, la première place qu'elle mérite dans cet inventaire et dans ces solutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

Monsieur le secrétaire d'État, le traité de Lisbonne est entré en vigueur le 1er décembre dernier. Ne boudons pas notre plaisir puisque c'est l'aboutissement de plus de quinze ans d'efforts pour adapter nos institutions après l'élargissement et pour assurer un véritable rayonnement de l'Europe dans le monde.

L'Union européenne était dans l'impasse. Après les demi-échecs des traités d'Amsterdam et de Nice en 1997 et 2000, à l'occasion desquels les Européens s'étaient montrés incapables d'une réforme en profondeur de nos institutions, ce fut l'échec cuisant du projet de constitution pour l'Europe après les « non » français et néerlandais.

Il aura fallu tout le talent et l'énergie du Président de la République pour y croire encore, pour proposer un traité simplifié, pour donner une impulsion décisive sous présidence française pour qu'enfin le nouveau traité voie le jour, un traité voulu par la France et à la rédaction duquel notre pays a contribué de manière décisive à travers notamment la Convention européenne présidée par Valéry Giscard d'Estaing qui a fourni le socle sur lequel repose le nouveau texte.

Il est évident que, dans une Europe à vingt-sept, il n'y aura pas de nouveau texte institutionnel avant longtemps. C'est pourquoi, alors que se déroule le premier Conseil européen dans le cadre du nouveau traité, il faut rappeler brièvement les avancées importantes que ce texte permettra.

La présidence stable du Conseil européen et la création du poste de Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères devraient permettre tout d'abord une meilleure continuité dans l'action de l'Union et une meilleure visibilité internationale.

Le nouveau traité permettra également de réelles avancées grâce à la suppression de la possibilité de veto nationaux dans une quarantaine de domaines, principalement en matière de coopération judiciaire et policière.

Le traité de Lisbonne introduit également un nouveau système de vote au sein du Conseil, dont l'application a toutefois été différée à la demande de la Pologne. Quant aux nouveaux pouvoirs du Parlement, ils s'appliquent dès à présent et pourraient changer la donne dans des domaines importants pour l'Europe et notre pays. Je pense notamment à l'agriculture, mais aussi à la pêche, aux affaires de police et de justice ainsi qu'en matière budgétaire.

Je tiens à souligner à cette tribune que le droit de regard des Parlements nationaux dans l'élaboration des textes européens est renforcé, ce qui se traduira par un rôle plus actif pour notre assemblée en matière européenne.

Le Conseil européen des 10 et 11 décembre marque donc l'entrée en vigueur d'un nouveau texte avec de nouvelles règles de fonctionnement plus efficaces et plus démocratiques.

Nous voyons également arriver aux commandes de l'Union européenne pour mettre en oeuvre ce nouveau texte de nouvelles équipes. À cet égard, je ne peux que me réjouir de la nomination de Michel Barnier en tant que commissaire européen chargé du marché intérieur et des services financiers. On connaît sa très grande maîtrise des questions européennes et sa foi dans l'Europe. Je n'ai aucun doute, pour ma part, quant à sa capacité à exercer avec brio un poste que la France n'a jamais occupé depuis les débuts de la construction européenne, comme vous l'avez souligné tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État.

Il succède, dans cette fonction clé, au coeur du marché unique et donc de la construction européenne, à un commissaire qui avait une curieuse conception de sa fonction puisqu'elle consistait pour l'essentiel à renoncer à agir à travers le doit dérivé pour appliquer le traité à coup d'arrêts de la Cour de justice, ce qui a été fait abondamment depuis cinq ans. À quoi sert un commissaire européen s'il ne fait que saisir la Cour pour faire appliquer un traité ? Voilà une vision un peu courte de cette fonction et je suis certain que Michel Barnier ne la partagera pas.

La France a également oeuvré pour que le poste clé pour notre pays de commissaire européen à l'agriculture soit occupé par un Roumain avec une vision proche de la nôtre. C'est essentiel pour l'avenir.

Par ailleurs, l'on peut légitimement espérer que le nouveau commissaire au commerce aura une vision proche de celle de la France s'agissant des relations commerciales internationales. Alors qu'il va falloir achever, dans les mois qui viennent, le cycle des négociations de Doha, il faut continuer à construire l'organisation mondiale du commerce et faire le lien avec l'OIT ainsi qu'avec les mesures qui seront prises dans le cadre du sommet de Copenhague. Une mondialisation est à construire aujourd'hui et, comme moi, vous savez que l'Europe a un rôle essentiel à jouer en la matière.

Un nouveau texte, de nouveaux commissaires européens mais aussi de nouveaux pays à la tête du Conseil – l'Espagne, la Belgique et la Hongrie s'apprêtent à succéder à la Suède –, un président stable et un Haut représentant pour les affaires étrangères, voilà de quoi, il faut l'espérer, mettre en oeuvre une nouvelle politique.

Cette nouvelle politique doit transcrire une nouvelle vision indispensable du marché intérieur et des politiques communes. Le débat sur l'avenir de la politique agricole commune est à cet égard particulièrement éclairant.

À la PAC des années soixante, l'Union doit être capable de substituer une nouvelle politique agricole commune dans laquelle une plus grande liberté sera laissée aux agriculteurs pour défendre leurs intérêts face aux transformateurs et aux distributeurs. C'est cette nouvelle PAC que Bruno Le Maire cherche à promouvoir et qu'il faut à tout prix imposer aujourd'hui. La France ne peut pas accepter qu'on démantèle purement et simplement la politique agricole commune. En revanche, elle accepte de mettre en place une nouvelle PAC plus conforme au commerce mondial et à la place que l'Europe entend jouer en matière agricole dans le monde.

Ces nouvelles régulations, la France les appelle de ses voeux et doit en être l'initiatrice dans tous les domaines. C'est le cas notamment dans le domaine de la pêche où il nous faut une nouvelle politique commune à quelques jours des difficiles négociations sur les quotas de pêche pour lesquelles la France doit veiller à ce que les marins pêcheurs ne soient pas pénalisés.

Une nouvelle politique est également nécessaire en matière de concurrence, car l'on ne peut plus appliquer ce que l'on a fait avant la crise puisque, le Président de la République l'a dit, le monde ne sera plus le même après la crise. Cela implique de se doter d'une nouvelle vision de la politique de la concurrence, mais aussi de la libre circulation des marchandises et des capitaux, sans oublier les dimensions sociale et fiscale du marché intérieur. Dans ces domaines, malheureusement, la règle de l'unanimité persiste, ce qui rendra les avancées bien plus difficiles. La France doit être moteur pour faire avancer le marché intérieur en matière fiscale et sociale.

La nouvelle Union européenne se doit également d'être plus sûre. À ce sujet, on attend beaucoup du programme de Stockholm qui est à l'ordre du jour du Conseil européen et qui doit poser les bases du programme de travail européen dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice pour les cinq prochaines années. Voilà un sujet sur lequel les citoyens européens nous attendent.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

Forte d'un nouveau texte et de nouvelles équipes, l'Union européenne est maintenant armée pour jouer un rôle nouveau dans un monde plus sûr, à la construction duquel elle doit participer. Nous espérons que les conclusions du Conseil européen sur le Moyen-Orient seront enfin entendues, sans oublier les dossiers de la Bosnie et de l'Afghanistan, que vous connaissez parfaitement bien, monsieur le secrétaire d'État.

Pour un monde plus sûr, plus juste, mieux organisé et régulé, l'action résolue de l'Union européenne pour une meilleure régulation financière, sous l'impulsion du Président Sarkozy, doit être poursuivie et étendue à tous les sujets.

Enfin, l'Europe doit agir pour un monde soucieux de notre environnement, de la préservation de notre planète, donc des générations futures.

En conclusion, ce mois de décembre 2009 est l'occasion d'un nouveau départ, c'est une chance à saisir. Nous savons pouvoir compter sur vous, monsieur le secrétaire d'État, pour faire entendre un message d'espoir à Bruxelles aux côtés du Président de la République, du Premier ministre et du ministre des affaires étrangères, un message de paix et de justice, en définitive le message de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Monsieur le secrétaire d'État, l'exercice du débat public préalable à la tenue d'un Conseil européen a quelque chose d'un peu formel. Comme souvent sur les questions européennes, ce n'est pas le nombre qui compte, mais la conviction de ceux qui participent à la démarche. (Sourires.)

Comme vous l'avez souligné, le Conseil européen se place dans un contexte un peu particulier : l'application du traité de Lisbonne, la désignation du premier président stable du Conseil européen et la nomination de la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères.

J'attache une grande importance à ce que sera l'évolution des rapports avec le Parlement européen. Son rôle est accru en raison de la mise en oeuvre du traité de Lisbonne. Il devient colégislateur européen dans un nombre plus important de domaines, notamment au niveau des décisions budgétaires. Nous le verrons dans la prochaine période.

La reconnaissance d'un rôle plus important des parlements nationaux incitera peut-être nos collègues à être présents dans d'autres débats qui porteront sur les affaires européennes. Dans cette perspective, l'affirmation plus nette des travaux et de la place de notre propre commission des affaires européennes ne peut qu'être soulignée favorablement.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez survolé un grand nombre de questions. Pour ma part, j'aborderai trois points : la réforme des institutions européennes, le contexte économique et l'emploi, enfin la position du Conseil européen au moment où s'ouvre le sommet de Copenhague sur le changement climatique.

Premièrement, la mise en place du service européen d'action extérieure constitue un enjeu considérable. Ce sera vraisemblablement l'un des services diplomatiques les plus étoffés du monde. Cela mérite beaucoup d'attention de notre part. Il serait intéressant que nous ayons une meilleure connaissance des préconisations françaises quant à cette construction, qui coûtera cher au budget européen et qui devra se faire en partenariat avec un certain nombre de pays majeurs, dont la France.

J'en profite pour rappeler ce qui pourrait être une suggestion à l'adresse du Conseil des ministres qui se réunira dans deux jours : on pourrait souffler à la Commission et à son président que c'en est terminé de la période de vacance comme de la période d'intense réflexion et qu'il est temps pour la Commission et son président de recouvrer le rôle d'impulsion qu'ils doivent jouer dans la construction européenne. Les responsables ont été nommés ou renouvelés dans leurs fonctions, ils peuvent donc désormais se consacrer à leur travail. Si l'on veut ouvrir des perspectives pour l'Union européenne, il s'agit d'avoir une Commission un peu plus dynamique.

Le Conseil européen a raison de demander à la Commission de lui présenter rapidement une proposition législative « en vue de l'adoption dans le courant du premier semestre de 2010 » des modalités de mise en oeuvre d'une « consultation publique sur l'initiative citoyenne ». Il s'agit de l'une des avancées intéressantes, sur le fond, du traité de Lisbonne mais qui peut très bien être dévoyée dans les modalités de son application. La France doit rester très attentive à la manière dont cette procédure démocratique pourrait être incitatrice et pour cela veiller à ce qu'elle ne soit pas bloquée par des règlements trop compliqués.

En ce qui concerne la situation financière et celle de l'emploi, le Conseil reprend les conclusions du conseil Écofin du 2 décembre dernier sur l'introduction d'incitations aux institutions financières. C'est de bonne guerre et c'est ce qu'il faut faire. Je ferai toutefois part de deux préoccupations. D'abord, on retrouve dans le projet de conclusions du Conseil, le voeu très pieux que les rémunérations dans le secteur bancaire fassent l'objet d'une autorégulation du secteur. Je crois sincèrement que c'est là se montrer très gentil avec le monde bancaire, cette mesure étant vouée à n'avoir aucun effet. Ensuite, comme notre collègue Asensi, je m'attendais à une décision volontariste du Conseil européen quant à l'instauration d'une taxe sur les transactions financières,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

…cela au moment où se tient la conférence de Copenhague. C'eût été un signal très fort de la part de l'Union européenne. Nombreux sont ceux qui l'ont réclamé, dont la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

À propos de la nouvelle stratégie de Lisbonne, je crois qu'une nouvelle gouvernance est nécessaire, ainsi que la mise en place d'un système fiable de surveillance et d'évaluation des mesures prises. Quant à la nécessité « d'associer plus activement les partenaires sociaux et les autorités régionales et locales », elle a déjà été évoquée à cette tribune il y a un certain temps.

Sur de nombreux points, le Conseil attend de la Commission, pour le début de l'année 2010, une proposition ambitieuse sur la « stratégie de l'Union européenne pour 2020 ». On reconnaît là l'Union européenne de toujours qui fixe des échéances parfois un peu éloignées. Aussi aimerais-je que nous ayons un débat avec le Gouvernement au sein de la commission des affaires européennes sur ce que pourrait être pour la France cette stratégie de l'Union européenne dans la perspective de 2020.

Il faut alerter le Conseil européen sur la nécessité de surveiller le destin des fonds structurels mis en oeuvre en France au titre de l'objectif 2, fonds essentiels au développement de notre région. Il convient de préparer 2020 en restant attentifs à ce qui se passera jusqu'en 2013. Certaines réflexions au niveau européen tendent à réviser fondamentalement les fonds structurels, ce qui remettrait en cause quelques stratégies de développement de notre territoire.

Je ne reviens pas sur le programme de Stockholm, héritier du programme de La Haye. Sa mise en oeuvre devrait advenir conformément à ce qui a été souhaité.

Pour ce qui est de la conférence de Copenhague sur le changement climatique, je crois que ses orientations – portées en partie par la France à la suite du Grenelle de l'environnement, je le reconnais volontiers –, vont plutôt dans le bon sens. Je crains toutefois que cela ne se termine pour la France et pour l'Union européenne sur un doute considérable si des engagements financiers ne sont pas décidés. Cette question est au centre des négociations du Conseil européen. De nombreux pays attendent ce geste de la France. Si nous ne sommes pas à la hauteur, nous porterions une responsabilité pas forcément dans l'échec, relatif ou non, de la conférence de Copenhague, mais dans le fait que la France n'aurait pas honoré son rôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Avant de quitter cette tribune, vous me permettrez de suggérer au Conseil qui se réunit demain et après-demain d'aborder deux thèmes.

Une directive sur les services sociaux d'intérêt général s'impose. Le traité de Lisbonne la rend possible ; or aucune allusion à une telle directive n'est faite pour le moment. Il revient à la France d'en revendiquer l'édiction. Et comme cela relève des compétences de notre ancien collègue Michel Barnier, aujourd'hui commissaire européen au marché intérieur et aux services, je rappelle que nous avons souhaité l'entendre ès qualités sur cette question au sein de la commission des affaires européennes.

Le second thème, qui mérite une attention plus soutenue, concerne l'évolution de l'espace social européen et les ambitions que nous devons nourrir en la matière. Croire que nous pouvons sortir de l'actuelle crise financière ou que nous pouvons nous confronter aux impératifs découlant du changement climatique sans rappeler et évaluer nos exigences en matière d'espace social européen me paraît faire preuve d'une étonnante cécité. La France doit donc formuler auprès de l'Union européenne une revendication à la hauteur de son destin.

Sur ce point également je forme des voeux pour qu'en liaison avec le Parlement européen, la France et l'Assemblée soient porteuses d'un projet et d'une réelle ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(M. Marc Le Fur remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Michel Herbillon, suppléant M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le prochain Conseil européen sera le moment de la transition entre deux étapes de l'aventure européenne. Fort des nouveaux outils institutionnels de l'Union européenne si longuement et si difficilement forgés, il va enfin se tourner vers l'avenir.

Il doit traiter en effet, dans un raccourci éloquent, de tous les défis que l'Europe doit maintenant prendre à bras-le-corps. Mais avant de les évoquer, il nous faut nous arrêter un instant sur le contexte institutionnel. Depuis le 1er décembre, nous disposons enfin de tous les moyens nécessaires pour agir et, au fond, nous n'avons plus d'excuses pour tergiverser.

Je pense avant tout à ce qui est peut-être le moins spectaculaire mais, à coup sûr, le plus important : la réduction du champ du vote à l'unanimité. N'y avait-il pas en effet quelque absurdité dans le fait qu'un État contre vingt-six puisse prendre en otage des politiques aussi importantes que la lutte contre le terrorisme ou le réchauffement climatique ?

Viennent ensuite les nouveaux acteurs chargés de la responsabilité décisive de porter l'impulsion européenne. En ce qui concerne le choix du président, abstenons-nous de juger à la hâte M. Van Rompuy sans l'avoir vu à l'oeuvre. Il n'est peut-être pas la personnalité médiatique que certains appelaient de leurs voeux, mais en tant qu'ancien Premier ministre belge, il a assurément les qualités de conciliation et d'écoute mais aussi de fermeté indispensables au fonctionnement de l'Union.

Quant à Mme Ashton, il est évident qu'elle aura un rôle primordial au sein de l'Union européenne grâce au poids politique que va lui conférer sa fonction. En effet, en plus d'être à la tête du premier service diplomatique du monde, n'oublions pas qu'elle sera également vice-présidente de la Commission. Elle a donc toutes les cartes en main pour apporter cohérence et audace à notre politique étrangère commune.

Mais notre nouveau traité ne s'arrête pas là. Traité de l'efficacité, il est aussi le traité de la démocratie européenne. Il réserve une place éminente au Parlement européen, désormais sur un pied d'égalité avec le conseil des ministres, mais aussi aux parlements nationaux, dès à présent « vigies » attentives du principe de subsidiarité.

Il est aussi, à bien des égards, le « traité des peuples » en leur permettant de se prévaloir de la charte des droits fondamentaux à l'encontre des législations européennes, en leur donnant un droit d'initiative sur l'agenda européen, et en veillant, grâce à la « clause sociale horizontale », à ce que toutes les politiques européennes soient jugées à l'aune de critères sociaux.

Vous le voyez, nous disposons désormais de tous les moyens pour agir et les tâches ne manquent pas, inspirant l'ordre du jour du prochain Conseil européen.

Notre premier devoir, notre première responsabilité nous lient à la planète tout entière. Les chefs d'État et de gouvernement seront amenés à débattre de la position de l'Union sur le changement climatique à la lumière des premiers résultats de la conférence de Copenhague. La commission des affaires européennes de l'Assemblée a affirmé avec force son soutien à un accord contraignant, global et ambitieux à Copenhague, que l'Europe promeut sans relâche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Vous savez bien qu'une telle position ne sera pas soutenue !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Nous connaissons les deux points centraux des débats. Premièrement, l'Union doit demeurer exigeante vis-à-vis de ses partenaires, en particulier des États-Unis et de la Chine, dont les offres ne sont pas à la hauteur des défis. Et, disons-le sans détours, si d'aventure nos partenaires refusaient de consentir un effort au moins comparable au nôtre, nous devrons savoir nous protéger, en refusant résolument le dumping écologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Le deuxième point central sur lequel l'Europe devra insister à Copenhague est le lancement sans retard d'un financement international à destination des pays les plus vulnérables.

En cohérence avec l'opportunité qui nous est donnée de nous imposer aux premières places de la nouvelle révolution industrielle, celle de l'économie verte, le Conseil européen débattra des grandes lignes de la nouvelle stratégie de Lisbonne. Il faudra tirer toutes les conséquences du bilan – hélas modeste – des dix dernières années.

La voie souple et informelle choisie pour la première stratégie de Lisbonne n'était en effet pas la bonne. Il faut renforcer la cohérence de nos actions en se fixant des objectifs clairs et en organisant un système rigoureux d'évaluation et de contrôle, comportant des éléments obligatoires.

Je conclus avec la dernière tâche d'un Conseil européen décidément fort occupé. Il est temps aujourd'hui de donner un nouvel élan à la construction de notre espace commun de liberté, de sécurité et de justice. Je suis heureux de constater que la préoccupation qui anime désormais le programme de Stockholm est limpide et pertinente. Il entend répondre, de manière pragmatique et efficace, aux difficultés auxquelles se heurte la vie quotidienne des peuples européens, par exemple en matière de divorces, de successions, de recouvrement des pensions, d'une plus grande complémentarité des systèmes judiciaires. Le programme de Stockholm entend aussi répondre au besoin de protection des citoyens en ce qui concerne la gestion des catastrophes et la protection civile.

Il est temps de mettre au second plan les débats idéologiques (Sourires sur les bancs du groupe GDR), sur la nature fédérale de l'Europe, sur les enchevêtrements des compétences ; il est temps d'agir, en renouant avec une Europe politique qui se concentre sur la satisfaction des besoins concrets de nos peuples. C'est à ce prix et à ce prix seulement que l'Europe renouera ce lien affectif avec ses peuples…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

…qui s'est distendu à cause de quinze longues années d'introspection institutionnelle, dont l'Europe est sortie, enfin, grâce à la ratification du traité de Lisbonne. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Ratification obtenue contre la volonté des peuples !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Conseil européen de décembre sera le dernier à se tenir sous l'égide de la seule présidence tournante du Conseil. À partir de l'an prochain, cette instance informelle sera élevée au rang d'institution de l'Union européenne. C'est ainsi que se conçoit la présidence stable du Conseil européen. En tant que premier titulaire de la fonction, Hermann van Rompuy aura la lourde tâche de concrétiser les promesses du nouveau traité.

Je souhaite également plein succès à Mme Catherine Ashton qui devra mettre en place le Service européen d'action extérieure. Je profite de cette occasion, monsieur le secrétaire d'État, pour vous demander les dernières précisions en votre possession sur ce service, ses contours et ses méthodes, ainsi que sur la participation française à ses effectifs.

Puisque, avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, nous entamons une nouvelle phase de l'histoire de l'Union, permettez-moi de formuler quelques réflexions sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur, je dirais même qui me préoccupe : l'élargissement de l'Union. Je ne voudrais pas, en effet, que, dans la relative euphorie de l'achèvement d'un long cycle de débats institutionnels, nous en venions à oublier les avertissements d'hier et les défis de demain.

Les avertissements d'hier, ce sont les signaux très clairs et convergents que nous ont envoyés les citoyens des États membres, qui n'ont pas manqué d'exprimer leurs craintes liées à un élargissement sans fin d'une Union européenne définitivement coupée de leurs préoccupations quotidiennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Or, pour travailler désormais à l'approfondissement de la construction européenne, il nous faut un cadre repérable pour les citoyens européens,…

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

…mais aussi aux yeux du monde. Une union d'États souverains qui prétend mettre en commun suffisamment de souveraineté pour se doter d'un service d'action extérieure et parler d'une seule voix aux grands de la planète, doit savoir qui elle est. Je suis persuadé qu'une Union européenne qui ne parviendrait pas à définir ses frontières serait condamnée à perdre son identité, soit par congestion, soit par dilution.

Par congestion, en faisant adhérer des États en dépit du critère de la « capacité d'absorption » de l'Union. Cette notion est, à tort, souvent l'oubliée des célèbres critères de Copenhague. Parmi ces derniers, en effet, chacun connaît le critère politique de l'existence d'un État de droit, le critère de l'économie de marché et le critère juridique de la reprise de l'acquis communautaire. Mais la capacité d'absorption ou d'intégration d'un nouvel État membre figure bien dans les conclusions du Conseil européen de Copenhague de 1993, et la France a d'ailleurs beaucoup oeuvré à l'obtention d'un rappel et d'une clarification de ce quatrième critère.

L'affaiblissement de l'Europe par dilution serait à craindre si l'adhésion d'États trop lointains venait à rendre illusoire l'idée même d'approfondissement.

Entendons-nous bien : il ne s'agit pas de remettre en cause les élargissements récents, ni ceux qui sont programmés à brève échéance, pour la Croatie et l'Islande. Ce que l'on appelle le « grand élargissement » de 2004-2007, même s'il fut un peu précipité, est l'aboutissement de l'un des idéaux fondateurs de l'Union européenne, avec la réunification du continent. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'élargissement dans sa forme actuelle n'est pas terminé : de façon comparable à la Croatie, les États des Balkans ont vocation à adhérer. Il en va de même, à plus long terme, bien sûr, du fait de leurs liens historiques, géographiques, spirituels et même culturels avec les pays de l'Union, de l'Ukraine, de la Biélorussie et probablement de la Moldavie. Quant au cas islandais, il fait immédiatement penser aux États membres « naturels » que sont la Norvège et la Suisse, s'ils le souhaitent.

Mais après ? Après, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il n'y aura plus de raison d'élargir l'Union car tous les États européens auront adhéré. L'Union européenne devra alors, plus que jamais, mener une ambitieuse politique de voisinage avec la Turquie, les États de Transcaucasie, d'Afrique du Nord et du Proche-Orient. Le Partenariat oriental ou l'Union pour la Méditerranée en sont de vivants exemples, qui doivent prospérer.

Mais j'y insiste : l'élargissement, en tant que tel, aura vécu. Il nous faut maintenant nous consacrer pleinement à l'approfondissement et à l'intégration.

À cet égard, je veux vous faire ici une proposition qui m'apparaît d'une grande portée symbolique et pratique : la France ne pourrait-elle pas suggérer à l'ensemble de ses partenaires de transformer l'actuelle direction générale de la Commission européenne chargée de l'élargissement en direction générale chargée de l'intégration ?

Au-delà d'un simple changement de dénomination, il s'agirait d'envoyer un message fort, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'Union. À l'intérieur, pour donner enfin à tous les Européens les repères dont ils ont besoin, c'est-à-dire des frontières identifiables, une identité européenne à cultiver et à renforcer.

Le message adressé à l'extérieur serait lui aussi éloquent : nous dirions au monde que nous avons atteint notre masse critique, et que l'idée d'une Europe condamnée à se diluer dans un grand marché déstructuré aura vécu. En revanche, ceux qui attendent l'avènement d'une Europe mieux et plus intégrée sauront que cette Europe-là est en marche, et pour de bon. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, beaucoup de choses importantes ont été dites au cours du débat. Je vais essayer de répondre, non pas sur tous les points, car je ne le pourrai pas, mais au moins sur les principaux.

Je remercie d'abord M. Delebarre d'avoir dit, avec beaucoup d'élégance, que dans ce débat, la qualité et les convictions remplacent la quantité. Il a tellement raison ! Et s'agissant de sa personne, il sait qu'il a et les convictions et la qualité. De ce point de vue, nous sommes servis.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Je verse une larme. J'espère que cela figurera au compte rendu. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Versez, versez. Moi, je verse une larme en pensant que ce Conseil, le premier du genre à se tenir dans le cadre du nouveau traité, aurait peut-être mérité, surtout à cette heure-ci, plus de présence. Pardonnez-moi d'être un peu critique. Je suis moi-même ancien parlementaire, je me sens donc un peu chez moi, ici. Pardonnez cette franchise.

M. Asensi a soulevé plusieurs questions importantes, et d'abord cette fameuse directive Hedge funds. Ce point a également été soulevé par M. Delebarre. La Commission a présenté, le 30 avril dernier, une proposition de directive visant à encadrer les gérants des fonds alternatifs, les hedge funds, par un enregistrement obligatoire auprès des superviseurs, une information sur leur activité et leurs expositions aux risques. Cette directive est encore en cours de négociation. Elle fait suite, comme vous le savez, aux conclusions du G20.

Cela étant, du côté français, nous avons émis un certain nombre de réserves. Il ne faudrait pas, et je vous rejoins sur ce point, monsieur Asensi, que cette directive aboutisse à mettre un tampon européen sur le passeport de hedge funds non européens qui ne rempliraient pas les conditions que nous essayons d'imposer. Nous sommes donc extrêmement vigilants sur les critères de ce label européen et les conditions de son utilisation.

Mais je veux ajouter, monsieur Asensi, car la critique est aisée mais l'art est difficile, que nous revenons de loin. En l'absence de régulation, des deux côtés de l'Atlantique, il était un peu facile – et c'est peut-être une raison de la crise – de jouer avec les règles, d'accumuler des quantités impressionnantes de fonds spéculatifs et de créer des bulles. Depuis 2008, depuis les initiatives françaises et la création du G20, un certain nombre de choses ont été obtenues. Certes, tout n'est pas parfait,…

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…mais regardez ce qu'était la situation en ce qui concerne les paradis fiscaux. Aujourd'hui, nous sommes en train de monter un système de supervision des deux côtés de l'Atlantique. Nous n'en sommes qu'au début. Mais compte tenu des résistances que nous avions face à nous, il est incontestable que nous avons fait des progrès. Certes, on peut toujours dire qu'on peut faire mieux. Mais quand même, reconnaissons le chemin parcouru.

S'agissant des financements innovants, la taxe Tobin et toutes les choses qui vont avec la suite de Copenhague, nous sommes en plein dans le sujet. Il est peut-être un peu tôt, mais au fur et à mesure que nous avancerons, l'Assemblée nationale sera naturellement informée des évolutions.

Évoquant Copenhague, vous avez parlé d'un risque d'autorégulation. C'est pour cela que, côté français, nous voulons une organisation mondiale de l'environnement. Nous nous battons, y compris au sein même de l'Union. Tout le monde n'est pas d'accord. Mais je prends toujours l'exemple de la prolifération nucléaire. Pour garantir le TNP, il faut des inspecteurs, une agence, des critères. C'est cela qui permet de savoir, par exemple, que tel ou tel pays triche. Si l'on prend des engagements à Copenhague et qu'il n'y a pas de structure internationale pour vérifier que les engagements sont tenus, comment va-t-on faire ?

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Oui, et pour éviter un nouveau Kyoto, justement, il faut que nous ayons un instrument fort. L'enjeu est considérable. Il y va quand même de la survie de la planète. Du côté français, nous nous battons beaucoup sur ce point, je veux que vous le sachiez.

Idem, d'ailleurs, puisque nous parlions d'autorégulation, sur cette fameuse idée d'inclusion carbone, c'est-à-dire, en fait, d'une taxe aux frontières frappant les entreprises ou les pays qui feraient du dumping écologique, alors même que nous allons, nous, demander à nos entreprises de faire des sacrifices. Ce n'est pas non plus une idée facile à faire passer, y compris au sein même du Conseil, mais elle progresse. Je pense que nous allons y arriver. Toute la question, c'est de savoir quel est l'affichage, dans la négociation, et comment on fait pour la mettre en oeuvre dans le cadre de l'OMC. Ce que nous savons, et j'en ai parlé avec Pascal Lamy, c'est que cette taxe éventuelle serait compatible avec les règles de l'OMC.

Vous avez poursuivi, monsieur Asensi, par une attaque sur les dirigeants. Je suis d'accord avec M. Herbillon, laissons un peu de temps au temps. J'ai rencontré Mme Ashton, et je crois que vous serez surpris, à l'usage. Je ne veux pas revenir sur un débat qui a déjà deux ou trois semaines, mais je trouve un peu déplacée la virulence de certaines attaques, qui, franchement, n'étaient, pas très élégantes.

Vous avez repris l'antienne selon laquelle le traité serait « non démocratique ». Je préfère ne pas revenir sur la polémique autour du plan B. Je vous dis simplement que quand le Président de la République n'était encore que candidat, la France était enlisée dans un non et le reste de l'Europe se réunissait sans elle, qui est pourtant membre fondateur de l'Union. Dans ce contexte, il a pris sur lui de reprendre le traité, d'aller le négocier avec Mme Merkel, de dire à la télévision qu'il demandait mandat au peuple français de le laisser ratifier ce traité par la voie parlementaire, et ce alors même que ses deux principaux rivaux insistaient pour la tenue d'un nouveau référendum. Rappelez-vous, ce n'est pas si vieux. Eh bien, pardon, je trouve que tout cela est plutôt courageux. C'est tout sauf « non démocratique », monsieur Asensi.

S'agissant de l'aide au développement, vous avez mis en cause l'intention de la France et de l'Italie de sabrer dans l'APD.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Non, c'est le contraire. J'ai noté que leurs positions étaient intéressantes, et j'ai demandé si elles pouvaient jouer de leur influence pour faire avancer les choses.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Je suis là pour écouter et dialoguer, monsieur le président. Ce que je veux simplement vous dire, monsieur Asensi, c'est que l'aide publique au développement est plutôt en hausse. Certes, on peut dire qu'il serait bon d'être à 0,7 % du PIB. Nous sommes à 0,44 %. Je veux que vous sachiez, quand même, que l'aide publique de l'Union européenne est constituée à 20 % par de l'argent français, qui malheureusement, je le dis au passage, perd son drapeau français. Nous avons fait un choix ; nous avons décidé d'être européens – peut-être trop –, et l'essentiel de notre aide au développement passe par les canaux de l'Union européenne. Honnêtement, nous n'avons pas à rougir de l'effort que nous faisons. Ce qu'il faut, c'est s'assurer que cet argent soit mieux dépensé, en synergie avec les États, et que la contribution de la France soit reconnue. Mais je pense que la nomination du Haut représentant de l'Union européenne servira justement à cela.

Monsieur Rochebloine, je tiens à vous dire que la PAC sera un enjeu majeur de la grande négociation qui va commencer dans les mois qui viennent sur ce qu'on appelle les perspectives financières. Il y a maintenant un clivage évident à l'intérieur de l'Union, ce n'est pas la peine de se cacher derrière son petit doigt. Vingt-deux pays, que Bruno Le Maire va d'ailleurs réunir demain, à Paris, considèrent que l'agriculture est un enjeu stratégique. Nous, Français, nous le disons et le répétons. Mais ce n'est pas parce que nous sommes français que nous le disons. L'image du Français agricole, paysan, c'est une plaisanterie. L'agriculture revêt une importance stratégique dans une planète qui comptera neuf milliards d'êtres humains dans trente ans. Il y va, naturellement, d'une puissance géopolitique. Il y va de la sécurité de nos concitoyens et des Européens, en termes de qualité et de traçabilité. Il y va de l'aménagement du territoire dans une phase de grand changement climatique.

Bref, il serait totalement fou de priver l'Europe d'un de ses instruments de puissance majeurs à l'échelle de la planète, et ce au moment où des fonds souverains asiatiques ou du Golfe, achètent à tour de bras, là où ils le peuvent, des terres agricoles. Nous avons des réservoirs de terres agricoles considérables, en Europe de l'Ouest et de l'Est. Le président Poniatowski évoquait tout à l'heure l'Ukraine.

Ayons une vision stratégique, et non pas simplement mercantile. Il ne s'agit pas seulement de savoir combien de fonds sont dépensés. Je rappelle d'ailleurs que les États-Unis, grand pays libéral, subventionnent leur agriculture à hauteur de 25 milliards de dollars par an.

Par conséquent, il faut atterrir, être dans le réel. C'est pour cela que le Président de la République est tout ce qu'il y a de plus clair. Il dit : « Je ne cèderai pas, parce que ce qui est en cause, c'est stratégique pour la France, son avenir, son identité, sa puissance économique, et même son indépendance nationale. » Cela est d'ailleurs vrai de la France comme de l'Europe.

À partir de là, il y aura une discussion, qui ne sera pas simple, avec les « récalcitrants ». Nous verrons. Ce que je sais, c'est que nous, les Français, nous mettons aujourd'hui 19 milliards au pot. Nous en retirons 14, dont 11 pour la PAC. Nous sommes donc contributeur net à hauteur de 5 milliards. Ce n'est pas gratuit, notre présence dans l'Europe. Cela sert à beaucoup de choses, cela sert à être multiplicateur de puissance, cela sert à faire le bien en Europe de l'Est, mais c'est quand même 5 milliards. Et il y a 1,5 milliard par an au titre du chèque britannique, vingt-cinq ans après. Je dis qu'il y a de la marge dans la négociation,…

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…et j'attends avec beaucoup de sérénité le début des discussions avec ceux qui sont « récalcitrants ». Je peux vous dire que mon collègue Bruno Le Maire est exactement dans le même état d'esprit.

Nous devons, c'est vrai monsieur Rochebloine, remplacer l'optique absolument libérale, qui était la philosophie des précédentes Commissions, par une régulation des marchés.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Car nous avons vu les marchés s'effondrer les uns après les autres.

Au mois de juillet, nous avons mis en place un groupe de travail sur le lait. Nous avons mis de l'argent. Nous avons – j'allais dire forcé – convaincu la Commission européenne de remettre un peu d'argent dans le marché du lait…

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…pour assurer le sauvetage des producteurs qui étaient dans une situation terrible. Maintenant, il faut des contrats écrits entre les producteurs et les industriels, mettre en place des marchés à terme. Le Gouvernement est extrêmement vigilant sur tous ces sujets, vous le savez.

Monsieur Fasquelle, je voudrais vous remercier pour votre soutien. Vous avez évoqué le nouvel équilibre des institutions. Vous avez raison. Nous devons tous bien comprendre qu'avec l'entrée en vigueur du traité le 1er décembre, nous sommes en train de changer de culture. Les rapports juridiques entre les institutions nationales et européennes sont en train de changer. Nous allons clairement vers un système où quatre-vingt-sept domaines vont être en codécision entre le Parlement européen et le Conseil. Cela signifie un changement de méthode de travail pour les membres du Gouvernement, pour les parlementaires, pour les parlementaires européens. Il faut que les parlements nationaux travaillent ensemble et également en synergie avec le Parlement européen, parce que vous devrez assurer un travail de contrôle, de subsidiarité ; une vigilance sera indispensable pour que tout fonctionne.

Est-ce que tout fonctionnera harmonieusement ? Nous sommes dans une période de rodage. Je me suis modestement livré à un travail de rédaction d'une sorte de mode d'emploi sur le fonctionnement futur, à destination des parlementaires, des ministres, des patrons de collectivités territoriales. Nous en avons parlé hier, monsieur Delebarre, il faut savoir comment les patrons des grandes villes, des départements, des régions vont travailler avec cette Europe-là, comment ramener l'argent qui nous revient, sous forme de fonds sociaux, structurels ou régionaux, et comment faire en sorte de bien consommer ces crédits. L'« équipe de France », quelle que soit sa couleur politique, doit apprendre à mieux travailler avec l'Europe. C'est tout un exercice de pédagogie du nouveau système. Il y a un défi à relever, y compris pour le parlement national, car il est vrai que beaucoup de choses ont été transférées à Bruxelles. Il faut donc être très vigilant. Je parle en tant que membre du Gouvernement, mais aussi comme quelqu'un qui a suivi, dans cette maison, ces questions pendant de nombreuses années.

Vous avez évoqué la pêche, monsieur Fasquelle. Nous sommes passés d'un livre vert à un livre blanc – les couleurs changent ! Vous aurez en 2010 – je m'adresse au député du Touquet – une vision globale de la politique de la pêche. J'ai rencontré l'ancien commissaire à la pêche – il vient de changer. Nous serons très vigilants du côté français, afin que ne disparaisse pas cet outil très important pour les mêmes raisons que pour l'agriculture, au moment de la mise en place des nouvelles règles. Nous avons tenu dernièrement des assises de la pêche sur ce sujet.

M. Delebarre et M. Poniatowski m'ont interrogé sur le Service européen pour l'action extérieure. La presse britannique a fait mention de résistances. Il n'y en a aucune de la part de la France. Bernard Kouchner et moi-même avons joué le jeu depuis le début. Il ne s'agit pas de faire de la rétention nationale sur le sujet, mais de comprendre que notre intérêt au Conseil est d'avoir un multiplicateur de puissance qui travaille en synergie avec nous.

Le Service européen pour l'action extérieure sera composé de personnes qui viendront de la Commission, du Conseil et des États. Nous travaillons, au ministère des affaires étrangères et européennes, à la constitution de l'équipe que nous allons proposer d'envoyer.

Cela fait à peine une semaine que Mme Ashton, que j'ai rencontrée lundi soir, a été nommée. Elle s'installe. Nous ne connaissons pas l'organigramme ni le mode de fonctionnement. Il est un peu tôt, mais, le moment venu –et je rebondis sur la proposition des deux commissions –, il sera indispensable que le Gouvernement vous fasse un point sur la situation, vous indique le nombre de personnes que la France enverra, les implications financières, le type de carrière qu'auront ces diplomates. Il faut savoir que le Service européen pour l'action extérieure va monter en puissance. Il n'existera pas dès demain matin, mais il a, en effet, vocation, monsieur Delebarre, à être un des principaux au monde dans les années qui viennent.

Ce service – et cela fait partie des réflexions de Mme Cathy Ashton et du travail qu'elle mène avec les États et M. Barroso – devra être coordonné et fonctionner en harmonie avec le reste des services de la Commission qui ont un volet international : l'aide au développement, l'énergie, le commerce. Il faudra coordonner cet aspect-là et le mettre en phase avec l'action des États. C'est un travail qui n'est pas simple, mais je crois – je le dis avec une certaine envie – que Mme Ashton a sans doute, aujourd'hui, le plus beau métier dans toute l'Europe : celui de faire vivre la politique étrangère de l'Union. C'est une très belle mission.

Monsieur Delebarre, sur la stratégie économique, ce que l'on appelle l'Agenda 2020, si la commission invite le Gouvernement à venir exposer ses idées en matière de stratégie industrielle et de politique industrielle commune, nous serons naturellement prêts à le faire.

Depuis ma nomination, je me suis emparé, avec mon collègue Michel Mercier, de deux dossiers concernant les fonds structurels et le transfrontalier. M. Pierre Lequiller rendra un rapport à la fin du mois de janvier sur la consommation des fonds structurels, nous serons donc fixés côté État. Nous ferons ensuite un débat très utile au niveau national pour améliorer le système.

Je suis en train d'examiner très précisément comment faire en sorte que la France ait une politique coordonnée sur l'ensemble de nos frontières avec les pays membres de l'Union et les non-membres, comme la Suisse. Vous serez tous invités au mois de janvier à un débat, un colloque. Des parlementaires – Étienne Blanc, Fabienne Keller – et des députés européens seront missionnés pour travailler sur ce sujet extrêmement important. Je me rends en Belgique la semaine prochaine, je suis allé au Luxembourg, je dois aller en Suisse, à la demande de M. Accoyer, car il y a de nombreux problèmes frontaliers qui touchent à l'emploi, aux allocations de chômage, à la santé, aux infrastructures. Ce sont des sujets de fond qu'il convient de traiter – ils ne l'étaient pas jusqu'à présent.

Je voudrais remercier M. Herbillon de son engagement et de sa fidélité au sein de la commission des affaires européennes. En ce qui concerne la philosophie de ce système institutionnel, les peuples ne nous jugeront pas sur les institutions. Je crois que le débat institutionnel n'a que trop duré. Il ne s'agit pas de savoir comment vont fonctionner les institutions. Nous avons la boîte à outils ; ce qui est en cause, c'est notre capacité à fabriquer avec celle-ci des politiques communes,…

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…qu'il s'agisse de l'industrie, de l'énergie, de l'immigration, de la lutte anti-drogue, etc.

Ce n'est pas « Yes we can », comme dirait M. Obama, j'aurais plutôt tendance à dire « Just do it » – faites-le ! Les peuples nous diront : « Maintenant que vous avez vos institutions, votre Président, vos commissaires, les États, faites ces politiques communes ! » Nous serons jugés sur cette capacité-là.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Croyez que j'en ai pleinement conscience.

M. le président Poniatowski m'a posé une question lourde sur les élargissements. Laissons de côté la Turquie, qui fait l'objet du débat que vous savez. Vous connaissez la position de la France : non à l'adhésion quant au point d'atterrissage ; oui à la négociation parce que cela intéresse tout le monde de voir une Turquie consolidée dans sa démocratie et dans ses relations avec le reste de l'Europe ; oui à des relations bilatérales aussi étroites que possible, de l'Afghanistan à l'énergie, au commerce, etc.

Vous nous avez mis en garde, avec raison, contre la fatigue de l'élargissement, sur le fait que si nous repartions sur un cycle d'élargissement, nous risquerions de perdre tout le monde, et vous avez indiqué que le moment était venu d'approfondir. Vous n'avez naturellement pas tort. Mais dans le même temps, vous êtes allés très loin dans votre vision de l'élargissement puisque vous incluez des pays comme l'Ukraine, la Biélorussie, qui n'ont pas, à nos yeux, vocation à entrer dans l'Union – mais il s'agit d'un autre débat.

Au point où nous en sommes, toujours en laissant de côté la Turquie, les frontières de l'Union sont essentiellement réglées. Les élargissements qu'impliquait la fin de la guerre froide sont derrière nous.

Il reste à achever le travail de stabilisation et de paix dans les Balkans, là où le feu de la guerre civile et ethnique continue à couver sous la cendre dans bien des endroits. L'Islande est un cas à part. Elle n'était pas candidate, puis la crise est arrivée et elle est maintenant candidate. Nous répondons aux Islandais : nettoyez sur le plan financier vos écuries d'Augias, passons un accord sur les pêcheries, puis nous verrons. Chacun à son rythme.

Pour l'instant, la Croatie est presque parvenue au bout de la négociation. Mais de nouveaux problèmes se posent dans ses relations avec le Tribunal pénal de l'ex-Yougoslavie. Le procureur Serge Brammertz, que nous avons auditionné lundi à Bruxelles devant le Conseil, n'est pas satisfait du type de coopération obtenu avec la Croatie. Tout cela engendre du retard. Nous attendons une réforme sérieuse du système judiciaire croate.

Côté français, nous pensons que les Balkans occidentaux doivent entrer dans l'Union, car il y va tout simplement de la paix sur le continent. Stabiliser ces pays, leur imposer un certain nombre de réformes du système judiciaire, obtenir ce que j'appelle le nettoyage des placards de l'histoire – l'arrestation des criminels de guerre –, tout cela n'est possible que s'il existe une perspective européenne. Il faut donc que cette perspective demeure. Nous allons y travailler. C'est très difficile dans certains pays, comme la Bosnie, où il y a de facto une tutelle internationale et européenne. Mais nous devons continuer à progresser, car le feu couve à peu près partout dans cette zone.

Les principes sont clairs : il faut aller dans cette direction, mais en faisant en sorte que chaque élargissement se fasse sur les mérites du pays, et pas de manière prématurée – nous avons eu des exemples en 2007 de pays que nous devons aujourd'hui continuer à aider par un système de vérification et de contrôle. Autre principe, faire attention à ne pas importer dans l'Union des pays qui n'auraient pas réglé leurs problèmes politiques – je pense notamment à l'exemple chypriote, à la Slovénie, à la Croatie. Nous devons accomplir un effort très important de règlement des questions politiques dans chaque cas. À partir de là, il faut continuer le processus. La France sera du côté de la stabilisation dans les Balkans, qui est dans l'intérêt de la paix et de la sécurité en Europe.

Nous avons eu, je crois, un débat utile sur le Conseil européen, le premier depuis l'application du traité de Lisbonne. C'était important. Je remercie chaque député pour sa participation et pour l'attention qu'il a portée à ce débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificatives pour 2009. (nos 2070, 2132).

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

La représentation nationale pourrait-elle savoir, à ce moment de nos débats, si le travail législatif relatif au texte que nous allons examiner a été effectué par un cabinet de consultants juridiques extérieurs ou par des fonctionnaires de grande qualité qui ont pour fonction d'aider à l'élaboration des propositions parlementaires ?

Ma question est pertinente, alors que le président de la commission des lois a récemment trouvé judicieux de sous-traiter, pour la première fois, le travail d'élaboration législatif à un cabinet de consultants pour 84 000 euros, et sachant que les propositions avancées, sur les conseils de la société Nexis Lexis, durent être retirées, pour certaines en séance, compte tenu de leur incongruité – par exemple, la proposition stupide de la suppression de la commission d'attribution de la carte de combattant.

Je voudrais savoir, monsieur le président, si le recours à une société privée, pour faire mal ce que l'Assemblée et ses fonctionnaires font bien, va cesser.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Sur ce sujet, le président de l'Assemblée nationale a fait une mise au point on ne peut plus claire, que vous trouverez sur notre site internet.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi de finances rectificative de fin d'année donne généralement l'occasion de dresser un premier bilan de l'exercice écoulé, la présentation du projet de loi de règlement n'intervenant que plus tard, au printemps.

C'est peu de dire que l'année 2009 aura été singulière. Un chiffre permet de prendre la mesure des évolutions en oeuvre : le montant du déficit, évalué à 141 milliards d'euros, est historique. L'ampleur de la dégradation de nos comptes, qui peut légitimement effrayer, appelle une extrême vigilance. Nous l'assumons, cependant. Nous assumons les pertes de recettes fiscales. Chercher à les compenser ou à les limiter, par des augmentations de fiscalité, aurait été une erreur. De même, nous assumons les choix effectués dans la construction du plan de relance destiné à nous permettre de sortir de la crise.

Le succès d'une politique se mesure d'abord aux résultats obtenus. Ceux-ci sont au rendez-vous. La France a été l'un des premiers pays développés à sortir de la récession, avec une croissance de 0,3 % au deuxième et au troisième trimestre 2009. C'est également, avec l'Allemagne, le pays où le marché de l'emploi résiste le mieux. Dans notre pays, le nombre de chômeurs a certes augmenté de plus de 20 % depuis deux ans, mais, pendant la même période, il a plus que doublé aux États-Unis et augmenté de plus de 30 % au sein de la zone euro.

En outre, la situation économique s'est clairement améliorée durant ces derniers mois. En effet, la consommation des ménages se maintient, et les enquêtes réalisées auprès des entreprises révèlent que les affaires reprennent progressivement. Ces premiers résultats positifs n'auraient pas été possibles sans la politique de relance qui a profondément marqué l'exercice budgétaire de l'année 2009.

Nous avons fait le choix stratégique de soutenir la relance de l'économie en donnant la priorité à l'investissement et au financement des entreprises, sans oublier le pouvoir d'achat et la consommation, contrairement à ce qui nous a été reproché.

La première priorité est l'investissement, parce que notre modèle social permet d'assurer, ce qui n'est pas le cas pour nombre de nos voisins, une solidarité envers les plus fragiles. Le modèle préexistait, et il a pu jouer à plein, apportant un soutien à l'indispensable moteur qu'est la consommation.

La seconde priorité est le financement des entreprises. En restant inactif, alors que l'accès au crédit devenait difficile, voire impossible, l'État se serait montré irresponsable.

Ces deux priorités n'ont en rien écarté la mise en oeuvre de mesures de soutien spécifiques pour les ménages les plus modestes. Ceux-ci ont perçu 3 milliards sous forme d'allégements d'impôts ou d'allocations spécifiques.

Le plan de relance a payé non seulement grâce aux choix qui ont été effectués, mais grâce à la rapidité de sa mise en oeuvre. Plus des trois quarts des sommes annoncées dans le plan de relance au titre de la période 2009-2010 ont d'ores et déjà été injectés dans l'économie : près de 27 milliards d'euros lui ont ainsi permis de tenir le choc.

Le projet de loi de finances rectificative confirme les dernières prévisions annoncées en septembre, lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2010. Le coût des mesures fiscales du plan de relance devrait s'établir à un peu moins de 16 milliards en 2009.

La consommation des crédits budgétaires du plan de relance est un peu plus difficile à prévoir. Le succès de certains dispositifs est exceptionnel. Je pense en particulier à la prime à la casse, qui devrait dépasser cette année le seuil de 500 000 versements, pour un total de 500 millions d'euros. Elle a joué un rôle important dans la bonne résistance des ventes de véhicules neufs. Au total, les ouvertures et annulations de crédits proposées sur les programmes de la mission « Plan de relance de l'économie » s'équilibrent.

Il reste naturellement une certaine incertitude sur le niveau d'exécution effective des crédits, par exemple au regard du calendrier de réalisation des opérations d'investissement. Chacun mesure d'ailleurs la difficulté de le respecter au niveau local. C'est ce qui justifie l'assouplissement qui vient d'être apporté au dispositif de relance FCTVA, conformément aux annonces faites par le Premier ministre au congrès des maires de France.

Sous réserve de cette incertitude, c'est un effort d'environ 39 milliards d'euros que le Gouvernement consacre, cette année, à la relance de l'économie, somme qui intègre les 6 milliards de prêts consentis aux constructeurs automobiles.

La relance n'est pas l'ennemi de la maîtrise des dépenses, bien au contraire. Durant cette année de crise exceptionnelle, nous avons, dans ce domaine, gardé notre objectif de maîtrise, dont rien ne nous détournera. C'est la seule alternative possible face à ceux qui ne voient l'avenir des finances publiques françaises qu'à travers l'augmentation des impôts.

Nous avions construit la loi de finances sur l'objectif d'une stricte stabilisation des dépenses en euros constants. En définitive, nous allons faire mieux que le zéro volume, c'est-à-dire l'inflation. Nous réussissons à limiter l'évolution des dépenses de l'État à 2 milliards de moins que le plafond de dépenses voté par le Parlement, ce qui représente, hors relance, une baisse des dépenses en euros courants de 0,1% par rapport à 2008. C'est la première fois que cela se produit.

Ce résultat inédit est lié, c'est vrai, à une baisse de 5,1 milliards de la charge de la dette. Cela peut sembler paradoxal dans un contexte d'augmentation du déficit, mais la baisse des taux d'intérêt et de l'inflation fait plus que compenser en volume l'augmentation de la dette. La charge de celle-ci serait ainsi de 37,9 milliards à la fin de 2009, contre 43 milliards prévus en loi de finances initiale.

À l'inverse, la crise a un impact défavorable sur d'autres dépenses, notamment les dépenses sociales, qu'il faut remettre à niveau à hauteur de 1,3 milliard pour éviter de reconstituer une dette envers la sécurité sociale, ou le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, qui s'inscrit en augmentation de l,l milliard, en raison de l'évolution comparativement plus favorable de la situation économique de la France par rapport aux autres États membres. Il faut aussi financer les mesures de lutte contre la grippe A, pour un coût évalué à 400 millions d'euros en 2009.

Pour limiter l'impact des aléas de la conjoncture, j'avais insisté, dès le PLF pour 2008, sur l'importance de la réserve de précaution. Elle nous a permis, cette année, de financer les autres dépenses apparues en cours d'année. Je pense par exemple aux 110 millions ouverts dans ce collectif pour financer les mesures d'urgence en faveur des agriculteurs annoncées par le Président de la République, ou aux 88 millions de crédits ouverts pour financer l'acquisition de terrains et les études préalables à la construction du nouveau Palais de justice de Paris.

Cette marge inédite de 2 milliards d'euros, d'autres gouvernements auraient sans doute cédé à la facilité de la dépenser en engageant des dépenses nouvelles. Nous faisons le choix de la responsabilité, puisque j'ai proposé de la consacrer à l'apurement de nos dettes à l'égard de la sécurité sociale en amplifiant l'effort engagé depuis deux ans, à hauteur de 5,1 milliards en 2007 et de 750 millions en 2008.

Compte tenu de deux autres mesures présentées dans ce collectif – l'affectation de 200 millions d'euros de surplus du panier de recettes « allégements généraux » et du surplus de dette reprise au FFIPSA l'an dernier –, le montant de notre dette vis-à-vis de la sécurité sociale, qui s'élevait à 3,5 milliards à la fin de 2008, devrait être ramené à moins de 1 milliard à la fin de l'année. Nous poursuivons par conséquent notre effort de réduction de la dette en combattant les sous-budgétisations chroniques.

Ainsi, l'État ne joue plus avec la situation financière de la sécurité sociale pour améliorer artificiellement son propre solde budgétaire. C'est sans doute un des apports de la création d'un ministère des comptes publics. C'est aussi le signe de notre détermination à ne pas mélanger les dettes : d'un côté, il y a une dette sociale, inacceptable par principe ; de l'autre, il y a la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale, qui doit être limitée parce qu'elle complique nos relations avec celle-ci et que nous réduirons pratiquement à zéro à la fin de 2009.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Du côté des recettes, aucune information ne nous conduit à revoir les prévisions pour 2009 communiquées lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2010. En particulier, le produit des recettes fiscales reste attendu à 212 milliards, en diminution de 53 milliards par rapport à 2008 – cette diminution est considérable, puisqu'elle est supérieure au déficit de 2007 –,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

…dont 16 milliards au titre des mesures du plan de relance. Bien sûr, cela reste une prévision. Nous aurons peut-être de bonnes nouvelles en fin d'année avec l'impôt sur les sociétés, puisqu'il demeure jusqu'à la fin de l'année une incertitude élevée sur le versement du dernier acompte.

Au total, la prévision de déficit budgétaire est donc en ligne avec celle annoncée lors de la présentation du PLF pour 2010. Il s'élèverait, pour 2009, à 141 milliards d'euros. Tel est le double résultat de la confirmation des prévisions de recettes et d'une exécution des dépenses conforme au plafond de dépense voté par le Parlement après ouverture de 2 milliards de crédits pour apurer des dettes vis-à-vis de la sécurité sociale.

Sur le plan fiscal, ce collectif marque une nouvelle étape dans la lutte contre la fraude et les paradis fiscaux.

À côté des dispositions relatives à la poursuite de la modernisation de notre administration fiscale et à l'adaptation de notre droit communautaire, les principales mesures fiscales de ce projet de loi de finances rectificative élaboré avec Christine Lagarde, qui présente en ce moment à la commission des affaires économiques le projet de loi sur le crédit à la consommation, concernent la lutte contre l'économie souterraine et les paradis fiscaux.

Les mesures de lutte contre les paradis fiscaux témoignent une nouvelle fois de notre détermination à agir. Les discours sur la situation nationale ou internationale doivent se concrétiser dans notre corpus juridique et dans des actions qui engagent le Gouvernement et l'administration.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Ces mesures reprennent largement certaines suggestions présentées par la commission des finances dans son rapport d'information du 10 septembre 2009. Je me réjouis que le Gouvernement et l'Assemblée nationale se retrouvent dans une détermination commune, qui dépasse les clivages partisans, à changer les règles du jeu fiscal international

Depuis un an, la France a joué un rôle essentiel dans le processus engagé par le G20. La tentation était parfois grande de baisser les bras, mais les résultats enregistrés montrent que nous avons eu raison de poursuivre notre effort. Même si l'on peut les trouver insuffisants, ils dépassent ceux que nous aurions pu imaginer à l'origine. Depuis le 2 avril, nous avons signé quatorze accords ou conventions d'échange d'informations conformes au standard de l'OCDE. Pour aller plus loin, nous avons également signé des accords avec Hong-Kong, les îles anglo-normandes, l'île de Man ou Malte, qui ne figuraient pas sur la liste. La France possède désormais un des réseaux d'accords les plus étendus au monde.

À nous maintenant de montrer l'exemple en déterminant les sanctions appropriées aux États qui refusent d'adopter les normes de l'OCDE. Nous en sommes à la troisième phase de la lutte engagée au G20 contre les paradis fiscaux. À Londres, nous avions identifié les États non coopératifs. À Pittsburgh, nous avons engagé les mises en demeure. Les sanctions s'adressent désormais aux États récalcitrants. Je veillerai à ce que notre arsenal anti-paradis-fiscaux reste inscrit dans le cadre de la coordination internationale. Il faut éviter, en effet, même si certains ajustements sont envisageables, que chaque État ne recommence à jouer cavalier seul.

Nous avons choisi de proposer un dispositif de sanction puissant, mais cette politique pénaliserait inutilement nos entreprises et resterait inefficace si la France s'engageait seule dans cette action courageuse mais isolée. Tel n'est pas le cas. Le Congrès américain et le Bundestag sont saisis de projets de lutte contre l'évasion fiscale dans les paradis fiscaux. Les temps ont bel et bien changé. Mais il faut prouver chaque jour que les intentions se transforment en réalités.

Nous prévoyons d'insérer dans le code général des impôts une définition des paradis fiscaux qui correspond aux États de la liste de l'OCDE, mais qui exclut ceux qui ont signé une convention fiscale avec la France. Ces mesures s'appliqueront à un nombre limité d'États ou de territoires. Il faut s'en féliciter : c'est le signe que notre action n'est pas moins ambitieuse mais qu'elle a été tout simplement plus efficace.

Nous avons prévu la possibilité d'intégrer dans la liste les États qui ne respecteraient pas, à l'avenir, leurs engagements. Nous ne nous contenterons pas d'une signature ; l'échange d'information doit être effectif et vérifié, grâce aux mécanismes internationaux de « revue par les pairs » que le G20 a mis en place.

Sur le fond, ces mesures reprennent les recommandations du G20. Elles forment un tout cohérent qui devrait singulièrement décourager les échanges économiques avec les États et les territoires considérés comme non coopératifs.

Nous proposons que les rémunérations des actifs financiers délocalisables – intérêts, dividendes, redevances – soient taxées à 50 %. Ces revenus sont aujourd'hui soit exonérés, soit taxés à des taux allant de 18 à 33 %.

Nous avons souhaité distinguer les revenus financiers, qui entrent dans le champ de cette nouvelle retenue, des revenus tirés d'une activité économique réelle qui, eux, n'ont pas vocation à voir leur traitement dégradé.

Nous proposons ensuite que les dividendes perçus en provenance de ces États soient également taxés. Ils sont aujourd'hui exonérés au titre du régime « mère-fille » d'élimination des doubles impositions. Cette exonération est supprimée.

Nous proposons la quasi-interdiction de déduction des dépenses payées dans ces États. La déduction ne sera autorisée que dans des conditions très restrictives et toutes les charges déduites devront faire l'objet d'une déclaration annexée à la déclaration de résultats, afin de permettre un suivi par l'administration fiscale.

Nous proposons le renforcement des dispositions anti-abus permettant de taxer les bénéfices de filiales situées dans ces États. Il appartiendra au contribuable et non plus à l'administration de démontrer que ces bénéfices n'ont pas à être taxés en France.

Enfin, ce « paquet » anti-paradis fiscaux est complété par l'obligation pour les grands groupes de documenter leurs prix de transfert, conformément aux recommandations du Forum européen sur les prix de transferts et à la pratique de plusieurs de nos partenaires. La France sera en avance dans ce domaine. Cette obligation n'est d'ailleurs pas exclusivement limitée aux paradis fiscaux.

En ce qui concerne la lutte contre l'économie souterraine, le Président de la République a fixé une ligne claire : « frapper les délinquants aux portefeuilles. »

Les Français n'acceptent plus que les trafiquants vivent grand train en toute impunité : cela doit changer. L'action du fisc doit accompagner et compléter, mieux qu'aujourd'hui, celle des agents des services de police. Le retour de l'État dans les quartiers, c'est aussi le retour de l'équité fiscale.

Cela demande d'abord une organisation adaptée ; nous la mettons en place. Il faut une organisation capable de lier les efforts des policiers et des agents du fisc pour identifier les délinquants, constater leur activité illégale et en tirer les conséquences sur le plan fiscal. Le temps où, dans les quartiers, chacun travaillait dans son coin – la police d'un côté, le fisc un peu de l'autre –, est révolu.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

J'ai mis à la disposition de la police cinquante agents du fisc – je les ai rencontrés – qui exerceront, à partir des renseignements collectés auprès des services de police, leur mission de taxation des revenus des délinquants. Cela vient donc en complément de la participation des agents du fisc aux groupes d'intervention régionaux, où ils assistent les autres services et collectent des renseignements.

Mais pour frapper les délinquants sur leurs revenus, nous devons aussi adapter notre législation. Le projet de collectif prévoit donc un paquet cohérent de mesures.

Il faut renforcer les échanges d'information entre les agents des impôts et les services de police, en autorisant les communications spontanées ; c'est l'objet de l'article 11 de ce collectif qui revient sur certains secrets professionnels mal compris.

Il faut ensuite que cette information puisse être exploitée. Pour cela, nous proposons d'adapter nos procédures de contrôle pour les activités illégales. Aujourd'hui, curieusement, il est plus facile de taxer les activités légales dissimulées que les activités illégales. Ainsi, les activités occultes peuvent être immédiatement taxées d'office, pas les activités illégales, pour lesquelles l'administration fiscale est tenue de mettre en demeure le contribuable de déposer une déclaration d'impôt ! Autre exemple, le délai de reprise fiscale n'est que de trois ans pour les activités illégales contre dix ans pour les activités occultes.

Au-delà des procédures, il faut que nous disposions d'une base d'imposition adaptée : dans de trop nombreux cas aujourd'hui, l'administration n'est pas en mesure d'identifier le revenu taxable des trafiquants, car les trafics se font en liquide, sans laisser de trace sur les comptes bancaires. Nous changeons donc concrètement les choses.

Soit les délinquants sont appréhendés avec des produits illégaux. Ils seront alors taxés sur la base de ces produits. Concrètement, cela veut dire que les personnes qui se livrent par exemple à des trafics de stupéfiants seraient présumées, sauf preuve contraire, avoir perçu un revenu d'un montant égal à la valeur de la drogue, et taxées sur cette base. Ce pourrait être le cas également pour le trafic d'armes ou la fausse monnaie.

Soit la police ne parvient pas à appréhender les trafics, mais elle signale au fisc que tel ou tel mène un train de vie considérable et qui ne s'explique pas. Le Gouvernement vous proposera un amendement qui permettra de taxer ces trafiquants sur la base de leur train de vie, mais avec une liste modernisée de signes extérieurs de richesse, comprenant par exemple les dépenses de voyages, ou encore de bijoux.

On ne peut plus accepter que les délinquants qui vivent de la drogue, de la contrefaçon, du trafic d'armes ou de faux billets, ou encore de la contrebande de tabac ou d'alcool, ne soient jamais taxés alors que tout cet argent leur donne un train de vie considérable. Il va de soi que, parallèlement, les procédures pénales à leur encontre se poursuivent.

Les autres mesures du collectif ont une nature plus technique, ce qui est habituel.

Sans entrer dans un inventaire exhaustif, je signale quelques-unes d'entre elles. Elles visent à poursuivre la modernisation de notre administration, à transposer en droit français certaines exigences du droit communautaire, en ouvrant a des entités européennes des régimes purement nationaux, ou en alignant les conditions de taxation des uns et des autres.

Au titre de cet effort de modernisation, l'obligation de déposer des déclarations ou de payer par voie électronique va être élargie. C'est une source d'efficacité pour l'administration fiscale : des coûts réduits, un service plus rapide et plus sûr pour les contribuables, des possibilités accrues de recoupement des informations. À compter d'octobre 2010, toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 500 000 euros seront tenues de télédéclarer et de télépayer leur TVA et leur impôt sur les sociétés ; ce seuil sera abaissé à 230 000 euros en octobre 2011. Cela représente 175 000 entreprises en plus qui télérègleront leur impôt sur les sociétés et 508 000 en plus pour la TVA.

Nous sollicitons par ailleurs l'autorisation du Parlement de procéder à la réforme du statut du conservateur des hypothèques par voie d'ordonnance. C'est peu habituel et le Parlement n'aime guère cette procédure, mais il s'agit de la disparition d'un régime et d'une réforme techniquement complexe, compte tenu de la multiplicité des textes, fiscaux et non fiscaux, législatifs et réglementaires, à adapter. L'ordonnance permettra de gagner du temps.

S'agissant des mesures d'adaptation au droit communautaire, le régime d'intégration fiscale, qui permet à une entreprise d'être imposée sur ses bénéfices consolidés, est modernisé. Il permettra, comme l'exige la Cour de justice des Communautés européennes, d'intégrer une sous-filiale qu'une société détient à plus de 95 % par l'intermédiaire d'une filiale établie dans un autre État de l'Union européenne.

La taxation de dividendes perçus par des organismes sans but lucratif est rénovée

Réactivité face à la crise, avec la mise en oeuvre rapide du plan de relance ; maintien des repères, en conservant le cap de la maîtrise des dépenses et de la clarification des comptes, ce que nous prouvons en 2009 même si la chute brutale des recettes occulte d'autres évolutions ; cohérence entre les discours et les actes, avec les mesures que nous présentons pour lutter plus efficacement contre les fraudes, dans les paradis fiscaux ou sur le territoire français contre l'économie souterraine. Voilà, mesdames, messieurs les députés, les trois principes qui orientent l'action du Gouvernement ; voilà les trois principes sur lesquels nous avons construit ce collectif très dense, ce qui explique le nombre d'amendements dont il fait l'objet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ce collectif présente deux caractéristiques. D'abord, sur le plan budgétaire, il confirme la maîtrise des dépenses, tout en rendant encore plus évidente la nécessité absolue de sécuriser nos recettes. Ensuite, il comporte d'importantes mesures fiscales pour lutter contre la fraude et en particulier les paradis fiscaux. Nous espérons que la France, en se montrant exemplaire, entraînera d'autres pays et sera mieux à même de lutter contre les activités illicites sur son propre territoire.

Voyons d'abord les aspects budgétaires. Ce collectif montre clairement que la règle que nous nous sommes donnée, qui consiste à voter une norme de dépenses qui fait que celles-ci n'évoluent pas plus vite que l'inflation, est totalement respectée pour la sixième ou septième année consécutive. Nous pouvions cependant être inquiets, au début de 2009, car il fallait intégrer les mesures du plan de relance pour 24 milliards d'euros environ. Nous les avons cantonnées dans une mission spécifique créée dans la nomenclature de la LOLF. Mais, hors plan de relance, j'ai le plaisir de vous annoncer que la règle stricte du maintien en volume des dépenses par rapport à l'année précédente a été mieux que respectée. En effet, de façon un peu paradoxale, nous avons fait en 2009 une économie de plus de cinq milliards d'euros sur les intérêts de la dette, alors même que nous avons énormément emprunté pour couvrir le déficit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Ce qui a joué, c'est, d'une part, que pour 15 % environ de notre dette à long terme, le capital est indexé sur l'inflation ; la forte diminution de celle-ci nous a procuré des économies. D'autre part, les taux ont diminué et nous avons eu recours de façon assez importante, même si cela s'atténue en fin d'année, à des financements en bons du trésor, donc de court terme, pour lesquels la baisse des taux d'intérêt est particulièrement sensible.

À partir de là, le ministre a choisi de continuer de mener une politique, à laquelle il attache le plus grand prix, visant à l'assainissement des comptes entre l'État et la sécurité sociale.

Monsieur le ministre, je veux rendre hommage à votre ténacité en la matière. Comme vous l'avez dit, il faut que nous fassions le ménage dans nos propres comptes en ce qui concerne l'endettement croisé entre l'État et la sécurité sociale. Il doit être réduit à zéro afin que nous puissions contempler dans son immensité le stock de 1 400 milliards d'euros de dette. Il faut commencer par faire le ménage en interne avant de prendre à bras-le-corps le problème plus général du stock de dette.

Ainsi, 3,2 milliards d'euros ont été utilisés pour réduire la dette de l'État envers la sécurité sociale au titre de 2009, année pour laquelle les dotations des programmes relatifs aux relations avec la sécurité sociale étaient déjà insuffisantes. Deux autres milliards d'euros ont servi à apurer des dettes contractées avant 2009. En conséquence, à la fin de l'année 2009, les dettes de l'État envers la sécurité sociale ne dépassent pas le milliard d'euros : la situation est donc complément assainie.

Le solde des 5 milliards d'euros, rendus disponibles par la baisse des frais financiers, est utilisé pour faire face à l'augmentation du prélèvement de l'Union européenne, dépense obligatoire de l'ordre d'1 milliard d'euros.

L'exécution de la mission « Plan de relance » s'est parfaitement déroulée. Une dépense supplémentaire de l'ordre d'1 milliard d'euros, par rapport aux prévisions, s'explique par le succès du remboursement anticipé du FCTVA aux collectivités territoriales. Nous ne pouvons que nous en réjouir puisqu'elle témoigne d'un fort volume d'investissement : les collectivités territoriales, qui effectuent 75 % des investissements civils du pays, ont répondu présent à la demande du Gouvernement.

En guise de bilan du plan de relance, nous pouvons dire que ce dernier a été parfaitement calibré et qu'il a eu une efficacité réelle. Sur ce dernier point, il suffit de constater la performance de notre pays au second trimestre, avec une croissance positive de 0,3 %, et celle du troisième trimestre. Des mesures comme la prime à la casse – parfaitement articulée avec le « bonus », elle a véritablement soutenu l'industrie automobile dont chacun sait combien elle est importante dans notre pays –, ou les mesures de relance très rapides en matière d'infrastructures publiques sont efficaces.

Lorsque, dans quelques semaines, nous nous interrogerons sur le grand emprunt, il nous faudra nous souvenir des deux caractéristiques du plan de relance.

Il ne comportait que des mesures d'investissements – cela est indéniable si on analyse l'usage des 24 milliards de la mission « Plan de relance ». Il s'agissait de mesures non récurrentes ne pesant pas sur le déficit structurel. Demain, il faudra tenir bon sur ces deux principes.

Pour traiter des recettes, j'ai voulu m'appuyer sur deux comparaisons. En quelle année avons-nous enregistré des recettes budgétaires équivalentes aux 230 milliards d'euros de 2009 ? En 1996.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Monsieur le rapporteur général, vous n'étiez pas né !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Encore raisonnons-nous en valeur courante ! Autrement dit, le niveau des recettes en valeur courante est le même en 2009, certes après la crise, qu'en 1996. Vous pouvez constater à quel point nos recettes ont dégonflé.

J'ai également fait une comparaison par cycle. La notion de cycle peut-être discutable, mais considérons qu'un cycle a une durée de six ou sept ans. L'année 2003 correspondait au point bas d'un cycle : le niveau de recettes prévu n'avait pas été atteint en raison d'un très faible taux de croissance, et le déficit avait atteint 57 milliards d'euros. Or, en 2003, nous avions enregistré 270 milliards d'euros de recettes, alors qu'en 2009, si j'ajoute aux recettes réelles les effets d'accordéon liés au remboursement plus rapide des crédits de TVA ou d'impôt sur les sociétés, dans le cadre du plan de relance, les recettes s'élèvent à 254 milliards d'euros. Ainsi, le point bas du cycle précédent, en 2003, est plus élevé que le point bas du cycle actuel !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Conclusion : depuis 2000, la baisse des recettes du budget de l'État a été absolument considérable. Elle est de l'ordre de 100 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Monsieur le ministre, il faut vraiment prendre cette donnée en considération.

Aujourd'hui, nos recettes sont à l'étiage de 1996, et elles se situent à un niveau sensiblement inférieur à celui de l'année 2003. J'en tire une conclusion, et à la commission des finances, nous le répétons depuis plusieurs années : il faut sécuriser nos recettes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Les recettes baissent depuis 2000, cette année-là comprise.

Dans ces conditions, le déficit est considérable. Il s'élève à 141 milliards d'euros, soit le niveau le plus élevé depuis soixante-cinq ans. Il s'agit de chiffres que nous n'avons jamais connus. Le déficit public consolidé représente 8,2 points de PIB, et nous prévoyons qu'il atteindra 8,5 points en 2010.

Sans anticiper sur le débat que nous aurons à la fin du mois de janvier, lors du collectif de début d'année, sur l'emprunt national, je pense qu'il ne pourra pas être dissocié d'un débat sur le rétablissement de nos comptes publics et sur la nécessité de nous doter de règles de gouvernance plus strictes.

Monsieur le ministre, j'ai entendu avec beaucoup d'intérêt vos récentes déclarations en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Vous avez évoqué l'idée de traiter le problème à l'image de l'Allemagne qui, l'été dernier, a réformé sa Constitution pour limiter à 0,65 point de PIB ses déficits publics consolidés à l'horizon 2016. En tout cas, le grand emprunt devra être l'occasion de poser cette question.

L'assainissement des comptes publics ne constitue pas un obstacle au retour à une croissance de qualité ; il s'agit, au contraire, d'un élément nécessaire pour y parvenir. Avec des comptes très dégradés, les agents économiques, qu'il s'agisse des ménages ou des entreprises, perdent confiance dans l'avenir. Avec des comptes très dégradés, des emprunts trop élevés et la remontée inévitable des taux d'intérêts, l'emprunteur est étouffé. Pour retrouver un niveau de croissance satisfaisant, nous devons absolument nous forcer à suivre une trajectoire d'assainissement de nos comptes publics.

Le volet fiscal du collectif contient des dispositions très importantes concernant les paradis fiscaux. Une taxation des flux entrants et sortants des territoires non coopératifs est prévue. Une liste nationale de ces territoires est mise en place. En commission, nous avons adopté des amendements afin de durcir le processus de mise à jour de cette liste.

Certaines dispositions concernent la taxation des revenus illicites sur lesquels, aujourd'hui, les prélèvements sont paradoxalement moindres que ceux en vigueur sur les revenus licites mais occultes.

Monsieur le ministre, j'insiste sur un point et un seul. De façon unanime, la commission des finances a souhaité que nous nous dotions de moyens judiciaires en matière fiscale, afin de pouvoir lutter de manière appropriée contre la fraude fiscale. Celle-ci est, aujourd'hui, de plus en plus complexe : elle utilise des moyens extrêmement détournés, des intermédiaires et des montages de plus en plus sophistiqués. Elle est aussi de plus en plus rapide : toute trace disparaît si elle n'est pas découverte très vite. Nous avons donc adopté un amendement qui permettra de garantir une plus grande efficacité aux enquêtes conduites en matière fiscale grâce à la constitution d'une liste d'agents fiscaux disposant de la qualité d'officier de police judiciaire. Bien entendu, ils agiront sous le contrôle exclusif d'un magistrat. Les fonctions de contrôle de l'administration fiscale et ses fonctions éventuellement judiciaires, sous l'autorité d'un magistrat, sont bien séparées. Une recommandation de la mission d'information sur les paradis fiscaux, constituée au sein de la commission des finances avec des collègues comme Jean-François Mancel, Nicolas Perruchot, Henri Emmanuelli ou Jean-Pierre Brard, est à l'origine de cette disposition. Je suis certain que ce sujet donnera lieu à des débats très importants.

Pour conclure, je répète que ce collectif est très vertueux. Il montre à quel point nous avons tenu la norme de dépense, à quel point nous avons maîtrisé le plan de relance, et combien ce dernier a été parfaitement calibré – les résultats sont là pour en témoigner.

Il s'agit d'un collectif très important qui permettra de consolider la position de la France dans les négociations internationales conduites par le Président de la République, afin que notre pays soit écouté.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2009 a fait l'objet d'un vote favorable de la commission des finances. Le moment venu, j'inviterai l'Assemblée nationale à suivre son exemple. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Ce n'est pas habituel, mais j'applaudis M. Carrez qui a été courageux !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative me paraît avoir un double intérêt.

Tout d'abord, il permet de mesurer l'ampleur de la dégradation de la situation de nos comptes publics.

Ensuite, il comprend, dans sa deuxième partie, un certain nombre de mesures qui nous semblent positives – même si elles méritent d'être complétées et précisées – en matière de lutte contre les paradis fiscaux, contre la fraude fiscale ou ce qui a aussi été qualifié d'économie souterraine.

Pour ce qui concerne l'ampleur de la dégradation de la situation de nos comptes publics, en termes de dépenses, le Gouvernement distingue entre dépenses « crise » et « hors crise », en mettant à part les dépenses du plan de relance. Je vous avoue mon scepticisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

En effet, le budget dit « normal » est lui aussi impacté par la crise. Cette dernière a eu sur les dépenses des effets à la baisse – c'est le cas de la charge de la dette, compte tenu de la faiblesse des taux d'intérêt et de l'inflation liée à la crise –, et à la hausse – c'est le cas de certaines dotations à la sécurité sociale. D'ailleurs, je constate que la Commission européenne ne retient guère cette distinction. Elle raisonne plutôt globalement à partir de la situation réelle de nos comptes.

Monsieur le ministre, le plan de relance était nécessaire. Nous n'avons jamais contesté son intérêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

…et, notamment, l'insuffisance du volet consacré au soutien de la demande, de la consommation et de l'emploi.

Quand on compare les résultats des plans de relance allemand et français, on constate qu'effectivement un véritable plan de relance, comportant un vrai volet de soutien de l'emploi et de la demande, peut avoir des effets positifs en matière d'activité et d'emploi. À cet égard, la comparaison avec l'Allemagne est extrêmement intéressante : malgré une récession trois fois plus forte que celle enregistrée par la France, ce pays a maintenu relativement son niveau d'emploi ; en clair, la situation de l'emploi en Allemagne s'est beaucoup moins dégradée qu'en France.

Encore une fois, les plans de relance sont intéressants, mais on ne peut distinguer leurs crédits de ceux des autres missions. En effet, ils n'en sont pas aussi distincts que vous le prétendez, comme en attestent les va-et-vient constatés entre la mission « Plan de relance » et la mission « Travail et emploi », pour ne citer que celle-ci. En outre, une partie d'entre eux sera inévitablement pérennisée ; je pense notamment aux crédits du Fonds d'investissement social, dont on peut douter qu'ils seront annulés dès le 31 décembre 2010 – ce qui, du reste, ne serait pas souhaitable.

Dès lors, la seule approche qui me paraisse réaliste consiste à prendre en compte le déficit public ainsi que l'ensemble des dépenses. C'est, du reste, au respect de cette approche qu'il faut dès aujourd'hui appeler à propos du grand emprunt qui pourrait, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, s'apparenter à un plan de relance bis. Si l'on raisonne ainsi, monsieur le ministre, c'est-à-dire globalement, on constate que les dépenses augmentent. Pourquoi cacher cette réalité ? Vous dites qu'il faut assumer le plan de relance : assumez-le jusqu'au bout, y compris ses incidences sur l'évolution de la dépense publique ! Celle-ci a augmenté, non pas de 0,1 %, comme vous le prétendez, mais de 5,7 %, si l'on prend en compte les dépenses supplémentaires contenues dans le plan de relance.

Je reconnais là le talent extraordinaire de Bercy,…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

… qui réussit à communiquer sur les économies réalisées au cours de cette année budgétaire, alors que nous n'avons jamais autant dépensé et que le déficit n'a jamais été aussi élevé. Même la presse s'est fait avoir, puisque c'est en lisant les journaux, le lendemain de votre intervention à la radio et à la télévision, que j'ai découvert ces prétendus 2 milliards d'économies : je me suis demandé où elles étaient passées, ce qu'elles représentaient. Très intelligemment, vous avez annoncé qu'elles serviraient à rembourser les dettes de l'État vis-à-vis de la sécurité sociale.

Mais raisonner ainsi, c'est saucissonner les problèmes ! Vous avez fait des économies parce que la charge de la dette est moins importante, grâce à des taux d'intérêt moins élevés ; mais le niveau des dépenses est beaucoup plus élevé, en raison de la crise. Donc, globalement, vous avez fait, non pas des économies, mais des dépenses supplémentaires. Assumez-le ! Force est de constater une amplification de la dégradation de la situation de nos comptes publics.

S'agissant des recettes, je partage entièrement les propos du rapporteur général, qui a été excellent sur ce point. En effet, les recettes diminuent non seulement à cause de la crise, mais aussi à cause de choix budgétaires et fiscaux que la majorité a faits consciemment. Ainsi, selon le rapporteur général, les allégements d'impôts non gagés, donc financés par une aggravation du déficit, se chiffreraient à 100 milliards d'euros, dont 70 milliards depuis 2000. M. Carrez précise : « Le niveau extrêmement bas des recettes en 2009 ne s'explique pas seulement par l'impact de la crise économique. Il est également la conséquence des choix budgétaires faits depuis 2000, qui ont contribué à affaiblir la capacité de l'État à financer les politiques publiques qu'il met en oeuvre. » Il y a 70 milliards d'euros qui manquent !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Oui, retenons cette référence.

L'assainissement des comptes publics, que le rapporteur général appelle de ses voeux, nécessitera non seulement une maîtrise de la dépense, mais aussi une maîtrise des recettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

En clair, M. Carrez a dit à la majorité qu'il fallait arrêter les baisses d'impôt non financées ou, plutôt, financées par une aggravation du déficit. Hélas, la majorité ne suit pas ce conseil, puisqu'elle ne cesse de voter des allégements d'impôt supplémentaires, notamment les réformes de la TVA sur la restauration et de la taxe professionnelle, qui sont toutes deux financées par une aggravation du déficit.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Par ailleurs, j'entends souvent le Gouvernement dire que la situation de la France n'est pas si mauvaise que cela si on la compare à celle de ses voisins. Mais il faut comparer ce qui est comparable. Si l'on étudie les chiffres d'Eurostat, on constate que certains pays ont un déficit important et un arriéré de dette relativement faible – c'est le cas de l'Espagne, qui présente un déficit supérieur à 10 % du PIB et une dette égale à 66 % du PIB –, tandis que d'autres ont, à l'inverse, une dette élevée et un déficit contenu – c'est le cas de l'Allemagne et de l'Italie – et que d'autres encore ont à la fois un arriéré de dette élevé et un déficit important : c'est le cas de la France.

Nous cumulons donc tous les inconvénients, ce qui justifie nos préoccupations, notamment au sujet du grand emprunt. Ce ne sont pas tant les priorités définies dans ce cadre que nous contestons que les modalités de leur financement. Encore une fois, il faut raisonner globalement : on ne pourra pas davantage isoler les mesures du grand emprunt du reste de la politique budgétaire et fiscale qu'on ne peut le faire avec celles du plan de relance.

Monsieur le ministre, vous évoquez de « nouvelles règles de bonne gestion des finances publiques ». Quelle n'a pas été ma surprise lorsque j'ai lu vos déclarations, selon lesquelles la loi de programmation des finances publiques était restée « un des rares repères pendant la crise, ce qui nous a permis de continuer à respecter le “ zéro volume ” : les dépenses de l'État ne progressent pas plus vite que l'inflation. De même, la création de niches fiscales doit désormais être gagée. » En effet, la loi de programmation votée, vous l'avez aussitôt contournée, voire violée, avec la disposition relative à la TVA sur la restauration, puis avec la réforme de la taxe professionnelle. Moins on respecte les règles, plus on veut qu'elles soient contraignantes pour ses successeurs. Curieux paradoxe !

Aujourd'hui, on parle d'inscrire dans la Constitution une espèce de règle d'or. Mais commençons par appliquer certaines règles de bon sens, notamment le respect de l'équilibre du solde primaire – c'est-à-dire l'équilibre entre les recettes et les dépenses hors charge de la dette – et de l'équilibre de la sécurité sociale. On parle beaucoup du déficit du budget de l'État, mais celui de la sécurité sociale est encore plus inadmissible.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

S'agissant de la lutte contre les paradis fiscaux, les mesures proposées vont dans le bon sens, mais elles méritent d'être complétées. À cet égard, la commission des finances a formulé un certain nombre de propositions qui s'inspirent de celles de la mission d'information sur les paradis fiscaux, que j'ai eu l'honneur de présider en liaison étroite avec le rapporteur général, Gilles Carrez. Sur ce sujet, un point nous paraît central, monsieur le ministre : le service fiscal judiciaire.

En effet, lorsque nous comparons la situation de la France à celle d'autres pays, nous nous apercevons qu'en France, les procédures sont beaucoup plus lentes qu'ailleurs. C'est pourquoi nous avons souhaité, dans le cadre de la mission d'information, que soit créé un service fiscal judiciaire. Cependant, au sein de la commission des finances, nous nous sommes mis d'accord sur la mise en oeuvre d'une procédure fiscale judiciaire. Celle-ci représente un progrès incontestable par rapport à la situation actuelle, même si je suis de ceux qui souhaiteraient que nous allions encore plus loin, notamment vers la mise en place du service fiscal judiciaire.

En tout état de cause, je souhaite, monsieur le ministre, que vous acceptiez cet amendement de la commission des finances, dont le sort témoignera de la volonté réelle ou non du Gouvernement d'améliorer la lutte contre la fraude fiscale. En effet, il ne suffit pas d'afficher une volonté : il faut se donner les moyens de traquer davantage la fraude fiscale. Or nous n'y parviendrons que si nous modifions les procédures en cours et que nous mettons en oeuvre un service ou, tout au moins, une procédure fiscale judiciaire. Des agents du fisc bénéficieraient ainsi de prérogatives d'officiers de police judiciaire et travailleraient bien entendu sous le contrôle du juge. Qu'il soit nécessaire de prendre des précautions pour éviter l'arbitraire, chacun peut le comprendre. Mais il est important que nous progressions dans ce domaine.

Je suis très heureux de saluer certains éléments positifs de ce projet de loi de finances rectificative, notamment les dispositifs anti-abus et la lutte contre la fraude fiscale, mais il me semble qu'il faudra aller plus loin. Quant à la situation des comptes publics, nous aurons l'occasion d'y revenir, notamment lors de l'examen du premier collectif qui devrait nous être présenté dès le mois de janvier 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Encore une fois, le discours sur la maîtrise de la dépense ne suffit pas ; il est aussi essentiel de maîtriser les recettes. Je rappellerai, pour conclure, que la deuxième préconisation du rapport Pébereau était de ne pas alléger les impôts tant que la situation de nos comptes publics ne serait pas rétablie. Je ne comprends pas que ce qui était déjà considéré comme extrêmement préoccupant en 2005 ne soit pas davantage pris en considération aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Le fait que nous tenions ce discours responsable ne signifie que nous sommes hostiles à des plans de relance et à la définition de priorités pour préparer l'avenir, bien au contraire. Mais nous sommes attentifs aux modalités de financement de ces mesures. C'est toute la question d'une politique économique, budgétaire et fiscale responsable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Monsieur le ministre, je souhaite revenir, à mon tour, sur la situation économique de notre pays en cette fin d'année. Le 1er décembre, le Président de la République s'est exprimé à ce sujet sur un mode qu'il affectionne, celui de l'autosatisfaction. J'observe que vous êtes plus prudent dans votre expression. Il est vrai qu'en termes de chute du PIB, la France figure parmi les pays qui ont été le moins touchés par la crise. Mais la situation actuelle du chômage révèle ce qui a manqué à notre plan de relance : un volet emploi. Et l'on s'apercevra à l'avenir qu'il lui manquait également un volet revenus.

Monsieur le ministre, vous avez placé la France et l'Allemagne sur le même plan, estimant que les deux pays n'avaient pas trop souffert du chômage. En réalité, en juillet 2008, juste avant la crise, les deux pays affichaient le même taux de chômage harmonisé, à savoir 7,4 %. En octobre 2009, le taux de chômage de l'Allemagne était pratiquement inchangé, à 7,5 %, tandis que la France avait dépassé les 10 %.

L'Allemagne a connu une récession plus forte que la France, étant beaucoup plus ouverte au commerce international que la France et disposant de moins de stabilisateurs automatiques. Toutefois, elle a su limiter l'impact de la récession sur le chômage ; en France, les chiffres du chômage ont explosé, ce qui s'explique par le fait que la politique économique pratiquée, en particulier le plan de relance, ne comporte aucune mesure en faveur de l'emploi. Lorsqu'on examine les chroniques de conjoncture de l'INSEE, on s'aperçoit que les emplois aidés, composante importante d'une politique de l'emploi, n'ont pas bougé : vous n'avez fait que rajouter quelques emplois aidés, après en avoir détruit autant en 2006 et 2007. Aucun effet ne vient donc compenser la hausse massive du chômage et les destructions d'emplois dans le secteur marchand.

Pire, vous avez maintenu une subvention aux heures supplémentaires pour un coût de 3 milliards d'euros, alors que toutes les études montraient que celle-ci allait détruire entre 80 000 et 90 000 emplois. En supprimant cette mesure, vous auriez non seulement fait une économie, mais également contribué à limiter les destructions d'emplois. Vous auriez d'ailleurs pu faire bien mieux en remplaçant cette mesure par la mise en place d'emplois aidés, en créant par exemple 150 000 emplois jeunes, ce qui aurait efficacement contribué à la lutte contre les effets de la récession.

Où est passé le plan de relance ?

Comme l'a rappelé le rapporteur général, l'essentiel de ce plan résidait dans l'investissement public ; nous y étions favorables, sous réserve que soit mise en place, parallèlement, une politique pour l'emploi et les revenus. Lorsqu'on se penche sur les données des comptes trimestriels de l'INSEE, on s'attend à ce que l'investissement public ait fortement augmenté, comme cela aurait dû être le cas si la relance avait joué son rôle. Or, au cours des neuf premiers mois de cette année, l'investissement public a baissé de 1,5 %. Je vous le demande à nouveau : où est passé le plan de relance ?

Il est exact que la consommation a plutôt bien résisté dans ce contexte de récession, ce qui s'explique par deux facteurs : premièrement, l'effet de la prime à la casse, qui va peu à peu disparaître ; deuxièmement, surtout, une formidable désinflation. En effet au cours des neuf derniers mois, la forte baisse du prix du pétrole et des produits alimentaires a compensé la faible augmentation des revenus des ménages. Cependant, cet effet-là est également derrière nous, et le problème des revenus se fait ressentir dès maintenant : au troisième trimestre, le pouvoir d'achat et la consommation des ménages n'ont pas augmenté. C'est à partir de maintenant que l'absence de mesures en faveur du pouvoir d'achat, oubliées lors du plan de relance, va se faire ressentir, car le pouvoir d'achat des ménages va diminuer du fait du retour à la normale de l'inflation.

Le Président de la République et les ministres nous ont expliqué que le déficit était en grande partie dû à la crise, M. Sarkozy affirmant même que notre déficit avait augmenté comme en Allemagne. Certes, la crise a contribué au déficit, mais l'Allemagne et la France ne se trouvaient pas dans la même situation en matière de finances publiques en 2008.

En 2005, les deux pays se trouvaient en déficit excessif : 3 % du PIB en France, 3,4 % en Allemagne. Trois ans plus tard, en 2008, l'Allemagne avait ramené son déficit à zéro, mettant à profit, comme tous les pays européens, une période de croissance pour réduire son déficit. Dans le même temps, vous allez laissé le déficit partir à la dérive, avec le paquet fiscal et tous les allégements fiscaux qu'a rappelés le rapporteur général, ce qui fait que la France a abordé la récession en affichant un déficit excessif pour la première fois de son histoire.

Quand un pays est touché par la récession alors qu'il est déjà en déficit de 3,4 %, il n'est pas étonnant qu'il se retrouve, un an plus tard, au plus fort de la récession, à 8,2 % de déficit ! De son côté, l'Allemagne, partie d'un déficit nul en 2008, est aujourd'hui à 3,7 %. Sa situation n'a rien à voir avec la nôtre, qui me paraît dramatique, car je ne vois rien, dans votre politique, qui soit de nature à ramener le déficit à des valeurs acceptables.

Le déficit de la France s'élève à 141 milliards d'euros, ce qui représente l'investissement de l'État, augmenté de la totalité des intérêts de la dette – 42 milliards d'euros dans le budget initial, 37 milliards d'euros aujourd'hui – et de toutes les dépenses du budget général en matière salariale. Quand un État finance tous les intérêts de sa dette et toutes ses dépenses salariales par le déficit, il se trouve dans une situation intenable. Quand, tous les jours, l'État emprunte entre 0,5 milliard et 1 milliard d'euros sur les marchés financiers afin de régler ses dépenses courantes, il me paraît indécent d'évoquer un grand emprunt destiné à financer les dépenses d'avenir.

J'ai entendu cet après-midi les membres du Gouvernement expliquer que les collectivités locales maîtrisaient mal leurs finances. Je trouve que quand un État finance la moitié de ses dépenses courantes par le déficit, c'est-à-dire par l'impôt des générations futures, il est mal placé pour donner des leçons à des collectivités territoriales qui, elles, ne s'endettent que pour investir ! (« Très bien ! sur les bancs du groupe SRC.)

Dans une telle situation, peut-on accepter qu'il soit procédé à une réforme de la taxe professionnelle coûtant 11,7 milliards d'euros à nos finances publiques ? Peut-on accepter que soient prises des mesures de baisse de la TVA pour 2,5 milliards d'euros ? Dans le contexte que nous connaissons, c'est complètement irresponsable ! Et que penser des allégements fiscaux consentis depuis 2002 pour plus de 40 milliards d'euros, essentiellement au bénéfice des plus favorisés de nos concitoyens ? Ces mesures ont toutes été financées avant la récession, mais financées par le déficit, c'est-à-dire par l'impôt sur les générations futures.

Dans la situation où elle se trouve, la France aurait besoin d'une politique cohérente, afin de retrouver la confiance. Nos concitoyens et nos entreprises ont besoin de savoir où l'on va. Or, au lieu d'une politique cohérente, c'est à une succession de plans de communication que l'on assiste. Le projet de loi de finances dont nous avons discuté, qui va d'ailleurs revenir la semaine prochaine en commission mixte paritaire, était vide de toute signification : les mesures dites d'avenir qu'il contient dépendent en effet d'un grand emprunt dont nous débattrons dans le cadre d'un prochain collectif budgétaire.

Ce collectif budgétaire est un constat au fil de l'eau dont le seul intérêt, comme le disait le président de la commission des finances, est de montrer l'énormité de notre déficit et les problèmes que nous allons devoir résoudre pour le réduire. Demain, nous allons discuter d'un grand emprunt : je crains qu'il ne subisse le même sort que les 300 propositions du rapport Attali, exposées il y a un an et demi et censées libérer la croissance française, mais dont on se demande ce qu'elles sont devenues. Le rôle d'un budget est de faire apparaître la cohérence d'une politique économique. Aujourd'hui, c'est un fait, la France manque d'une politique cohérente.

Comment croire aux prévisions sur la réduction future du déficit ? Comment croire Mme Lagarde quand elle affirme que nous reviendrons peut-être, en 2013, à des déficits comparables à ceux admis par le traité de Maastricht ? L'alpha et l'oméga de votre politique de RGPP, la seule mesure de réduction de déficit que vous ayez instaurée, a consisté dans le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite – ce qui vous conduit, cette année, à mettre en oeuvre le plus grand plan social du pays, avec 33 000 emplois supprimés – pour un résultat limité à 500 millions d'euros d'économie. Comparée aux 141 milliards d'euros de déficit, cette économie ne représente qu'une journée de déficit public. Qui peut croire que vous avez pris la mesure de la situation financière de la France ?

Que trouve-t-on dans ce collectif ? Rien d'autre qu'une politique à la petite semaine, lorsqu'on analyse le rapport de la Cour des comptes.

Ainsi, il n'y figure pas d'ouverture de crédits pour l'acquisition de vaccins, ce qui fait peser sur l'assurance maladie le préfinancement de la campagne de vaccination, pour un montant de 900 millions d'euros. En revanche, on y trouve des ouvertures de crédits qui ne répondent pas aux principes de la LOLF.

Aucun motif autre que le souci de limiter le volume des crédits ouverts en loi de finances – et son impact sur le solde budgétaire affiché – ne justifie le renvoi délibéré et récurrent à des ouvertures par voie réglementaire de crédits dont il est d'ores et déjà patent qu'ils seront nécessaires.

Enfin, le collectif comporte des annulations de crédits ouverts au titre du plan de relance dans le domaine de l'écologie – ce qui paraît bien malvenu au moment du sommet de Copenhague – ou en matière de recherche et d'enseignement supérieur : vous ouvrez 15 millions d'euros d'un côté pour en annuler 107 de l'autre, sans aucune cohérence ni avec l'engagement du Président de la République au sujet du budget de l'enseignement supérieur ni avec le grand emprunt dont nous débattrons dans le cadre du prochain collectif.

Il y a, certes, quelques points positifs, comme cela a été souligné précédemment.

Ainsi l'article 14, relatif aux paradis fiscaux, dote notre pays d'une propre liste de territoires non coopératifs. On aurait pu s'attendre à de vraies avancées en la matière, mais vous n'avez retenu que quelques-unes des propositions émises par le rapport parlementaire. Pour l'essentiel, cet article s'en remet à l'OCDE, puisqu'il prévoit le retrait automatique de la liste dès lors que cette organisation aura exprimé son point de vue. Certes, l'OCDE est une institution tout à fait respectable, mais n'oublions pas que bon nombre d'États ont disparu de la liste grise en signant des conventions. Ainsi, Monaco a disparu de la liste après avoir signé des accords avec le Quatar, les Îles Vierges, Andorre, le Liechtenstein, le Luxembourg. Cependant cela sera-t-il vraiment de nature à modifier le comportement de ceux qui utilisent les paradis fiscaux ? Qui peut être dupe de ce genre de conventions ?

Vous avez choisi une liste initiale restreinte en 2010, en excluant a priori certains pays européens – nous en avons beaucoup discuté en commission – sous la menace d'une réintégration en cas de non-respect de quatre critères. Qui peut croire que vous oserez vraiment réintégrer des États européens dans la liste, alors que vous les en avez sortis au départ ?

Les vraies questions en Europe sont celles de la renégociation de la directive Épargne et de la généralisation de l'échange automatique d'informations pour l'ensemble des revenus d'épargne, imposée à l'ensemble des pays européens. Il faut également créer de nouvelles obligations déclaratives, par exemple l'obligation pour un établissement financier de déclarer tout mouvement financier, tout produit, tout montage financier en lien avec un territoire non coopératif.

Il faudrait aussi étendre ces mesures déclaratives aux professions juridiques et financières qui procèdent à de tels montages.

Enfin, nombre de sujets ne sont pas traités : je pense par exemple aux sociétés d'assurance, aux pavillons de complaisance dont on pourrait interdire l'accès aux eaux territoriales. J'ai entendu le ministre parler des trois phases actuelles de lutte contre les paradis fiscaux. Le pas le plus important sera réalisé dans les phases 4 ou 5. Pour l'instant, nous n'en sommes qu'aux déclarations d'intention.

Revenons-en à la politique économique.

Pour moi, nous sommes loin d'être sortis de la crise. Le rebond d'activité constaté actuellement dans de nombreux pays est dû en effet pour l'essentiel au commerce extérieur. C'est lui qui explique la reprise des deuxième et troisième trimestres. Si l'on retire, comme le font les conjoncturistes, la contribution du commerce extérieur, il apparaît que la demande intérieure continue à baisser. L'effet sur la consommation qui a résulté de la baisse des prix du pétrole est derrière nous. Dans les trimestres et les années à venir, les destructions d'emplois ne seront plus compensées par des augmentations de pouvoir d'achat individuelles dues à la désinflation. Comme le prévoient tous les instituts de conjoncture, la progression de la consommation sera lente parce que les destructions d'emplois vont se poursuivre et que rien ne viendra compenser le pouvoir d'achat. La reprise est donc extrêmement fragile.

Dans une telle situation, les deux axes manquants de la relance, l'emploi et le pouvoir d'achat, sont plus que jamais d'actualité. Il faut en effet une politique active de l'emploi, dans l'esprit par exemple des emplois jeunes. Il faut des emplois publics, qui permettent de résister à une destruction considérable de l'emploi. Je rappelle que 800 000 emplois seront détruits en 2009 et 2010 si l'on en croit les prévisions des principaux instituts. Face à une telle situation, le Gouvernement ne peut pas se limiter à stopper la diminution des emplois aidés dans le secteur public : il faut créer des emplois non marchands.

On connaît les résultats d'une telle politique : les créations d'emplois pour les jeunes redonnent confiance aux jeunes, aux ménages et contribuent, à ce titre, à l'amélioration de la croissance et à la reprise de l'emploi dans le secteur privé.

Il convient également de soutenir le revenu des ménages modestes. À cet égard, nous l'avons déjà dit et nous y reviendrons : notre pays a besoin d'une très profonde réforme fiscale. Celle-ci devra aller complètement à l'encontre de ce qui a été fait depuis 2002.

La fiscalité française actuelle est très peu redistributive par rapport à celle de la plupart des autres pays européens développés.

Cela est d'abord dû au fait que nos impôts indirects sont extrêmement élevés et régressifs. Ils représentent ainsi 3,5 % des revenus des ménages les plus riches et 11,7 % pour les plus modestes.

S'agissant des impôts directs, la CSG, contribution proportionnelle, n'est pas redistributive et l'impôt sur le revenu s'est réduit comme une peau de chagrin au fil des diminutions successives du taux d'imposition des revenus sur les hauts revenus depuis 2002. D'ailleurs, aujourd'hui, le produit de la CSG est plus élevé que celui de l'impôt sur le revenu. Si l'on additionne les deux, on arrive à 7 % de la richesse nationale, c'est-à-dire à peu près à ce que représente l'impôt sur le revenu dans la plupart des pays européens.

Voilà pourquoi nous disons qu'il est indispensable de mettre en oeuvre une profonde réforme de l'impôt sur le revenu. Il faut fusionner les deux composantes, rendre la CSG progressive et instaurer un impôt citoyen sur le revenu. Tout le monde paie un impôt sur le revenu, même les plus modestes avec la CSG. Cet impôt doit être progressif. Ce sera une façon de redonner du pouvoir d'achat aux plus modestes.

Je rappelle qu'il existe 470 niches fiscales dans notre pays. Celles-ci sont à l'origine d'un nouveau paradoxe : plus on monte dans l'échelle des revenus et plus l'impôt devient régressif. Les très très hauts revenus devraient être soumis au taux marginal, soit 40 %. Or le taux d'imposition moyen des mille plus gros revenus ne se rapproche pas du tout de 40 % : il est de 25 %. Et si l'on s'en tient aux dix plus gros revenus, ce taux est de moins de 20 %.

Comment arrive-t-on à un tel résultat ? À cause de la multiplication des niches fiscales, auxquelles le citoyen lambda n'a pas recours, car il ne les connaît pas, mais que ceux qui optimisent leur fiscalité utilisent abondamment pour arriver à ces situations que nous avons découvertes lorsque nous avons étudié les conséquences du bouclier fiscal. Une trentaine de personnes, dotées d'un patrimoine de 15 millions, ne payaient ainsi aucun impôt sur le revenu et, utilisant le bouclier fiscal, se faisaient rembourser tout leur ISF et une partie de leur CSG. Il faut remédier à cette situation scandaleuse. Nous avons besoin d'une importante réforme fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Il est par ailleurs nécessaire d'augmenter la durée d'indemnisation du chômage. La montée massive du chômage que nous enregistrons actuellement, et qui est sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale, va se traduire par une explosion du chômage de longue durée et, surtout, par une explosion du nombre des chômeurs en fin de droits. Cela va engendrer un problème grave : beaucoup de chômeurs finiront par se retrouver à l'ASS ou au RMI et il sera très difficile de sortir de cette situation. Il est donc indispensable d'accroître la durée d'indemnisation du chômage pendant la crise.

Il faut aussi favoriser l'investissement plutôt que la spéculation. Nous proposons – et, dans la situation actuelle, c'est la bonne mesure à prendre – de moduler l'impôt sur les sociétés de façon à favoriser l'investissement plutôt que la distribution de bénéfices, plutôt que la rente.

Il convient également de mettre en place une vraie régulation financière à l'échelle européenne. On l'a vu pendant la crise, des banques ont cessé de pratiquer leur métier de banquier, qui consiste, rappelons-le, à gérer des dépôts, à accorder des crédits aux entreprises et aux ménages en conservant majoritairement dans leurs comptes les crédits octroyés. C'est à la banque d'être attentive à ces crédits. Aujourd'hui, elles se défont quasiment de la totalité de leurs crédits soit par la titrisation soit par le biais de produits de couverture. Eh bien, il faut remettre en place une véritable régulation à l'échelle européenne pour faire en sorte que les banques jouent leur rôle !

En d'autres temps – je pense à la suite de la crise de 29 – Roosevelt avait vraiment changé les règles du jeu aux États-Unis. Face à la crise actuelle, les mesures de régulation dans le secteur financier ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux puisqu'on parle d'obliger simplement les banques, en Europe, à garder 5 % des crédits qu'elles émettent.

Enfin, il faut investir massivement dans la croissance verte. Il s'agit, bien sûr, de lutter contre le réchauffement climatique, mais, pour qu'on change de modèle de croissance, pour que la croissance intègre réellement la notion de développement durable, il convient d'agir pour que les prix des biens échangés sur le marché prennent en compte le coût pour l'humanité de la dégradation de l'environnement. Cela implique que la taxe carbone augmente régulièrement pour que les entreprises et les ménages prennent conscience qu'il faut diviser par quatre notre consommation d'énergie.

Pour atteindre cet objectif il aurait fallut intégrer ces dispositions dans une vraie réforme de la fiscalité telle que celle que je mentionnais. Si l'on veut instaurer une vraie fiscalité écologique, il faut mener parallèlement une politique de redistribution qui permette aux ménages modestes d'avoir les moyens financiers de s'adapter aux changements technologiques, et non pas de subir une perte de revenus.

Oui, il faut une véritable réforme fiscale en France, laquelle prendrait d'une certaine façon le contre-pied de la politique que vous avez suivie en matière d'impôt sur le revenu. En choisissant pour la fiscalité écologique, de partir d'un niveau faible et de redistribuer forfaitairement, vous avez raté une occasion. En combinant les deux réformes fiscales, on aurait pu réponde au défi écologique et corriger une fiscalité profondément injuste.

Telles sont quelques-unes des orientations que nous proposons pour que notre pays sorte réellement et durablement de la crise. Toutefois nous ne nous faisons guère d'illusion sur votre volonté d'en tenir compte. Derrière les grands discours sur la solidarité et la régulation que votre gouvernement et le Président de la République tiennent sur la scène internationale,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

… il y a la réalité de votre politique qui consiste à perpétuer les mêmes injustices et les mêmes inégalités que celles qui ont conduit l'économie mondiale dans la crise.

Ce collectif budgétaire montre bien que, au-delà de quelques mesures positives sur les paradis fiscaux, tout continue comme avant dans les autres domaines. Voilà pourquoi le groupe socialiste a déposé cette motion de rejet préalable, qu'il vous invite à voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Mesdames, messieurs les députés, je souhaite évidemment que la motion qui vient d'être présentée par M. Muet soit rejetée afin que l'examen de ce texte puisse commencer le plus rapidement possible. Ne pas procéder à l'ouverture des crédits en loi de finances rectificative ne me semble par la meilleure manière de répondre à la situation actuelle.

Monsieur Muet, vous vous êtes livré à une critique en règle de l'ensemble de la politique du Gouvernement. Certes, je ne peux pas vous le reprocher, mais j'aurais aimé que, au-delà de la mini-satisfaction que vous exprimez sur un article du collectif concernant les paradis fiscaux, vous vous montriez un peu plus indulgent. Pourquoi réclamer un peu d'indulgence ? Parce que beaucoup d'observateurs étrangers considèrent que nous avons eu raison…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

… d'être réactifs dans le plan de relance que vous vous êtes évertué à critiquer, de mener ces politiques, jugées appropriées par le directeur général du Fonds monétaire international. Si vous ne me croyez pas, accordez au moins un peu plus de crédit, si j'ose dire, au directeur général du FMI.

Vous avez également critiqué le déséquilibre de ce plan de relance et l'insuffisant soutien à la consommation. Mais regardez donc ce qui se passe dans notre pays : les transferts sociaux, particulièrement nécessaires pour soutenir la consommation, n'ont jamais autant augmenté qu'en 2009 ; ils ont progressé trois fois plus vite que les années précédentes.

Vous avez critiqué aussi les baisses d'impôt. Comme l'a souligné le rapporteur général, elles ont représenté 66 milliards depuis 2000 mais la moitié de ces réductions ont été votées par la gauche en deux ans seulement.

L'enseignement principal de la crise que le Gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, a tiré, c'est qu'il faut accompagner les entreprises en cette période difficile.

Parce que, sans elles, le risque est fort que des emplois soient détruits et que la création de valeur soit elle aussi en panne. C'est la raison des baisses d'impôts. Je pense notamment aux 11,6 milliards d'allègements de charges, que vous avez critiqués, mais qui vont être très bien venus pour nos entreprises dans cette période.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Ce n'est pas ça le problème ! Ce n'est pas ce qu'on a dit !

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Cette critique ne me semble donc vraiment pas appropriée. Elle l'est même encore moins qu'hier au vu des leçons que la crise nous a données.

Au-delà de ces critiques qui ne me paraissent pas fondées, il y a vos propositions, que j'ai attendues et qui sont arrivées à la fin de votre propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Évidemment ! Nous n'allions pas les faire au début !

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Heureusement, elles sont venues, car, sinon, il n'y aurait eu que des critiques, et c'eût été dommage – vous connaissant – que vous en restiez là ! (Sourires.)

Vous proposez…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

…un certain nombre de choses que nous faisons déjà.

Vous vous plaignez de l'insuffisance de la régulation, mais c'est sous l'impulsion de la France que l'Union européenne met en place les instruments de régulation que vous réclamez. Vous ne pouvez pas le nier : s'il n'y avait pas eu cette impulsion française, il ne fait pas de doute que les modes de régulation que nous souhaitons n'auraient pas été instaurés.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Vous appelez de vos voeux la croissance verte. Or, après le Grenelle de l'environnement, c'est quand même grâce à l'impulsion de la France que les discussions vont avoir lieu à Copenhague !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Un peu d'humilité, monsieur le secrétaire d'État !

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Vous réclamez la croissance verte, mais c'est nous qui, par les dispositions que nous prenons, sommes en train d'en jeter les bases !

Enfin, vous voulez que l'on réalise la fusion des prélèvements. Il faut reconnaître qu'il peut y avoir débat sur ce point, y compris dans la majorité, mais il convient aussi d'indiquer combien la redistribution que vous appelez de vos voeux à travers cette mesure est incomplète. En effet, la redistribution, en France, s'effectue largement à travers les transferts sociaux dont je parlais tout à l'heure.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Je l'ai écouté très attentivement, monsieur le député…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

…et c'est pour cela que je tente de répondre !

On ne peut pas être dans la critique systématique ou alors, on n'atteint pas l'objectif recherché. Et, lorsque vous abandonnez la critique systématique, vous en venez à formuler des propositions qui sont mises en oeuvre par le Gouvernement, avec le soutien de la majorité. Pour toutes ces raisons, je demande à celle-ci de rejeter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Mon explication de vote sera très succincte.

Je tiens d'abord à souligner l'excellence des arguments que M. le secrétaire d'État vient de développer. J'insisterai également, à mon tour, et comme l'a fait le président de la commission des finances, sur la qualité de l'intervention du rapporteur général, qui a été parfaitement éclairante sur les conditions et les caractéristiques de ce projet de loi de finances rectificative.

Il faut effectivement souligner, dans ce qui nous a été présenté, le fait que l'on réalise une économie de 5,1 milliards d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale, ce qui constitue déjà, en soi, un élément très significatif. Nous avons eu l'occasion de le souligner en commission, mais il fallait le répéter à l'ouverture de ce débat.

En outre, un certain nombre de transferts ont été mis en oeuvre dans ce projet de loi de finances rectificative, notamment – qui s'en plaindrait ? – un remboursement de la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale, qui passe de 3,5 milliards à 1 milliard d'euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

J'entends bien ce que nous disent le président de la commission des finances et M. Pierre-Alain Muet : on ne doit pas tout confondre. Néanmoins, quand l'occasion se présente, dans un débat de ce type, de souligner que l'État réduit son niveau de dette à l'égard des organismes sociaux, je crois que, tous ici, nous ne pouvons que nous en féliciter.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

C'est l'exploit du siècle ! Avec les dettes qu'il y a…

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Je veux également souligner, en tant que rapporteur spécial du budget de la défense, le fait que, dans ce collectif budgétaire, le surcoût des opérations militaires est financé en totalité. Or je sais que vous êtes toujours très attentif, monsieur le rapporteur général, à la sincérité des budgets présentés.

En ce qui concerne les arguments développés par Pierre-Alain Muet, je tiens à relever celui des transferts aux collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Dans votre intervention, vous n'avez pas fait référence à l'article 2 de ce projet de loi de finances rectificative, qui porte pourtant précisément sur les compensations de transferts aux régions par l'attribution d'une part de la TIPP. Il s'agit d'une conséquence de la loi d'août 2004 qui institue ces mécanismes,…

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

…ce qui explique que nous continuons à les appliquer, loi de finances après loi de finances et collectif budgétaire après collectif budgétaire.

Monsieur Emmanuelli, je ne connais pas le chiffre concernant votre région…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Ça se voit ! Demandez au maire de Bagnols-sur-Cèze ce qu'il pense de tout cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Je note néanmoins, monsieur Muet, que, pour la région Rhône-Alpes, ce sont 5 millions d'euros supplémentaires qui sont compensés au titre de la TIPP. Pour l'Île-de-France, le chiffre est de 5,9 millions d'euros,…

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

… et, pour la région Centre, monsieur le secrétaire d'État, 2,7 millions d'euros sont ainsi versés à la région.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Pour la région Auvergne, le montant est de 1,8 million d'euros. Voilà des sommes significatives qui sont en application stricte des compensations accordées aux collectivités locales.

Enfin, en ce qui concerne les dispositions permettant d'aider et de renforcer la lutte contre le blanchiment ou la fraude fiscale, les mesures qui nous sont proposées sont intéressantes, parce qu'elles permettent de réaliser ce que, dans certains cas, les groupes d'intervention régionaux, ou GIR, n'avaient pas pu faire. Cela aussi va dans le bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Nous repousserons donc évidemment cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Je suis étonné, monsieur le secrétaire d'État, que vous ayez reproché à Pierre-Alain Muet la faiblesse de ses propositions, alors qu'il en a passé en revue de nombreuses, malheureusement absentes de votre projet de loi de finances rectificative. Ces manques sont d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous voterons cette motion, car notre pays se trouve confronté à deux situations angoissantes : d'une part, l'explosion du chômage, et, de l'autre, la dérive des déficits et l'emballement de la dette.

Je suis surpris que vous ayez rapproché, s'agissant de l'emploi, la situation française de celle que connaît l'Allemagne, puisque ce pays a stabilisé son chômage, tandis que nous assistons, chez nous, à la poursuite de son explosion : 50 000 demandeurs d'emploi de plus le mois dernier. Le taux de chômage de l'Allemagne était équivalent, en juillet 2008, à celui de la France : 7,4 %. Il restait là-bas, le mois dernier, à 7,5 %, tandis qu'il a malheureusement atteint chez nous les 10 % !

La destruction des emplois dans le secteur marchand est aggravée par une politique absurde qui privilégie les heures supplémentaires – conséquence perverse de la loi TEPA – aux créations d'emploi. Cette mesure va coûter 3 milliards d'euros ! Outre le fait qu'elle est financée par le déficit, elle fait obstacle à la création d'emploi, puisque, quand les marchés sont là, les entrepreneurs donnent des heures supplémentaires plutôt que de créer des emplois en proportion.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Ça, c'est une mesure inspirée par les républicains indépendants ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Or ces 3 milliards pourraient être, au moins en partie, employés à la création d'emplois-jeunes. Le bénéfice de cette mesure serait double : la suppression de la disposition évoquée conduirait à la création d'emplois et laisserait des marges pour créer des emplois-jeunes, qui avaient si bien réussi pour rétablir la confiance au cours des premières années du gouvernement de Lionel Jospin.

Voilà pourquoi nous pensons que, si le plan de relance était nécessaire, il lui a manqué un fort soutien à l'emploi. À cet égard, le relatif rebond de l'activité que nous observons, et dont nous nous félicitons, résulte surtout, quand on l'examine, du redressement du commerce extérieur, et non de la demande intérieure.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Bref, monsieur le secrétaire d'État, vous déplorez l'absence de propositions qui ont bien été faites. J'aurais aimé pouvoir les rappeler, puisque l'on nous reproche toujours de ne pas en faire, mais le temps me manque. À cet égard, la relance de l'investissement, la justice fiscale…

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Ce sera pour la discussion générale, mon cher collègue ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Je conclus donc, monsieur le président, en invitant nos collègues à voter la motion de rejet préalable défendue par Pierre-Alain Muet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Sommes-nous, monsieur le président, sur la base de deux minutes ou de cinq minutes pour ces explications de vote ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Deux minutes, mon cher collègue ! C'est la règle générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Le groupe GDR votera bien sûr cette motion de rejet préalable. D'abord, pour une raison qui nous a été donnée par le rapporteur général lui-même, lequel manie le paradoxe avec un art consommé. En effet, il nous a dit que la discussion sur le grand emprunt allait être une occasion de poser la question de l'assainissement des comptes publics. C'est tout de même extraordinaire !

La question que nous aurons à nous poser sera donc la suivante : comment désendetter l'État au moment où celui-ci propose de s'endetter encore plus ? (Sourires sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Voilà qui est excellent ! C'est un exercice particulièrement intéressant, auquel nous allons nous livrer dès le mois de janvier, si j'ai bien compris.

Pour aller plus loin, je dirai que votre obsession de la dépense publique, alors même que vous êtes en train d'alourdir la dette, est tout de même suspecte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Je vois deux raisons à cette obsession.

La première, c'est que vous êtes en train de préparer nos concitoyens à l'idée que l'heure approche où ils devront payer l'addition encore un peu plus qu'ils ne le font aujourd'hui, car ils ont déjà commencé !

Plusieurs députés du groupe SRC. Pas tous !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Certains seulement, en effet !

La seconde, c'est que vous voulez cacher, en définitive, ce qui « plombe » aujourd'hui les finances publiques. En effet, la cause est à chercher non pas dans les dépenses publiques, mais dans l'avalanche de cadeaux fiscaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

La démonstration a été faite : quand on augmente – ce que vous avez fait – de 46 % en deux ans les cadeaux fiscaux, quel est le résultat, sinon un endettement encore plus fort du pays ? Alors que les 73 milliards représentent 3,5 points de PIB, vous accordez des exonérations de cotisations sociales ; on en est à 32 milliards d'euros ! La Cour des comptes nous demande de vérifier l'efficacité de ces deux postes de dépenses.

Je pense qu'on ne l'a pas fait. Si c'était le cas, on s'apercevrait qu'il y a probablement 50 milliards d'euros à gagner.

Avec ces cadeaux, d'une part, vous remplissez le tonneau des Danaïdes des dividendes de la spéculation (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) et, d'autre part – surtout – vous ne faites que préparer les ingrédients de la crise suivante. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Le groupe Nouveau Centre a soutenu le Gouvernement lors de l'élaboration du plan de relance. Vous, vous le critiquez, mais vos critiques sont infondées. Regardez ce qu'il en est a posteriori : l'incidence du plan de relance sur le budget de l'État est de 39 milliards. Cela représente 11 % d'augmentation des dépenses mais ce sont heureusement des dépenses non renouvelables : il en restera 16 milliards en 2010, et, dès 2011 le coût du plan de relance reviendra à zéro.

Vous nous aviez dit que nous n'en faisions pas assez pour soutenir la consommation. Cependant, mes chers collègues, s'il faut tenir compte du budget de l'État, il convient de ne pas oublier la sécurité sociale ! De combien les prestations sociales financées par le système français de protection sociale – soit 440 milliards d'euros – ont-elles augmenté en 2009 ? Eh bien de 5 % – soit environ 20 milliards.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Si l'on ajoute ces 20 milliards de la sécurité sociale aux 39 milliards du budget de l'État, nous en sommes à 59 milliards ! Faites la somme de tout cela, monsieur Muet : vous verrez que c'est pour cette raison que la consommation a tenu en France, qu'elle ne s'est pas effondrée !

De plus, grâce à ces 20 milliards, les petites retraites ont été revalorisées, et des prestations de différentes natures ont soutenu la consommation tout au long de l'année 2009.

Votre critique est donc totalement infondée. A posteriori, chacun peut constater que la stratégie est bonne : 59 milliards, représentant 3 % du PIB. Et vous nous proposez d'aller encore plus loin, d'augmenter encore plus tant nos recettes que nos dépenses ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Or le total des dépenses publiques a atteint, en 2009, 56 % de la richesse nationale. Vous devriez, au contraire, nous dire que nous sommes allés trop loin !

C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre rejettera votre motion. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Je préférais Giscard d'Estaing.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma