La décision du Premier ministre de demander à l'Assemblée nationale de procéder à la désignation de ces deux députés permet à la fois de respecter le principe constitutionnel de la sincérité du scrutin de juin dernier et de profiter de cette opportunité offerte par la décision du Conseil européen de décembre 2008 pour rapprocher parlementaires nationaux et parlementaires européens.
J'en viens à la négociation climatique. La lutte contre le changement climatique sera, naturellement, au coeur des échanges du Conseil des chefs d'État et de gouvernement, mais aussi, pendant les dix jours qui viennent, des négociations de Copenhague.
C'est peut-être la première fois dans l'histoire que tous les pays de la planète sont appelés à prendre conscience, collectivement, de leur communauté de destin, et de faire le choix, ensemble, du salut ou du naufrage. Pour tous les pays de l'Union européenne, le changement climatique est une question grave, qui menace nos territoires, notre agriculture, notre mode de vie, mais, pour de nombreux pays, notamment des États insulaires comme les Seychelles ou les Maldives, lutter contre le changement climatique est une question de vie ou de mort.
Soyons donc très clairs sur l'objectif : l'accord de Copenhague doit permettre de limiter le réchauffement mondial à moins de 2 degrés par rapport à l'époque pré-industrielle. Cet objectif signifie qu'il faut atteindre le plus tôt possible un « pic mondial des émissions », et réduire celles-ci d'au moins 50 % par rapport à 1990 d'ici à 2050. Pour ce faire, nous devons parvenir à rallier tous les pays partageant nos ambitions, pour peser à Copenhague sur les États qui sont aujourd'hui les plus réticents à s'engager.
C'est le sens de la démarche commune très active engagée par le Président de la République avec le Président brésilien Lula. C'est aussi le sens de la démarche engagée par Jean-Louis Borloo, avec son plan « justice-climat » pour les pays en voie de développement.
En termes de propositions concrètes, la lettre commune du Président de la République française et du Président brésilien, publiée le 14 novembre dernier, est susceptible de constituer un point d'équilibre entre toutes les parties, dans la perspective d'un accord politique mondial à Copenhague. Ce raisonnement s'articule autour des sept propositions suivantes :
Premièrement, la réduction au plan mondial des émissions de CO2, qui se décline en trois types d'engagements.
Pour les pays développés : une réduction de leurs émissions d'au moins 80 % en 2050 par rapport à 1990, avec un objectif chiffré de réduction de leurs émissions à moyen terme – 2020-2030 –, dans une fourchette comprise entre moins 25 % et moins 40 %.
Pour les pays en développement les plus avancés, dits émergents : un engagement sur une déviation « significative », après une période de croissance et de rattrapage économique – ce qui est normal –, dans une fourchette comprise entre moins 15 % et moins 30 % de leurs émissions par rapport à la tendance actuelle.
Pour tous les pays : des plans nationaux de croissance à faible intensité en carbone permettant une réduction substantielle des émissions.
Deuxièmement, l'adaptation au changement climatique : un paquet « adaptation » doit permettre de répondre rapidement aux besoins des pays en développement. Le plan « justice-climat », présenté par Jean-Louis Borloo, propose à ce titre un dispositif d'appui spécifique aux pays les plus vulnérables – Afrique, pays les moins avancés, pays insulaires en développement –, sur la base de projets identifiés, avec un financement dédié pouvant provenir notamment de mécanismes innovants.
Troisièmement, la coopération technologique : l'accord de Copenhague doit permettre le déploiement accéléré des technologies bas-carbone – captage et stockage du carbone, énergies renouvelables, nucléaire – et le partage des meilleures pratiques, notamment en matière d'efficacité énergétique.
Quatrièmement, de nouveaux financements pour les actions de lutte contre le changement climatique : nous défendons le principe d'une contribution universelle, proposée par le Mexique, et le développement de mécanismes de financement innovants pour lutter contre le changement climatique. Un financement public spécifique pour les années 2010-2012, dites période de fast start, à destination des pays les plus pauvres et les plus vulnérables, devrait, par ailleurs, accompagner les actions immédiatement entreprises sur la base de l'accord signé à Copenhague.
Cinquièmement, un engagement global sur un objectif de réduction de moitié de la déforestation d'ici à 2020, et un arrêt de celle-ci d'ici à 2030. Nous souhaitons que 20 % des sommes consacrées au fast start 2010-2012 soient consacrées à cet objectif.
Sixièmement, la création d'un mécanisme de mesure, de communication et de vérification des actions engagées. Les pays qui ne prendraient pas des engagements comparables doivent être dissuadés de se comporter en « passagers clandestins ». À cet égard, l'Union européenne ne doit pas s'interdire de recourir à un « mécanisme d'inclusion carbone » aux frontières, qui évitera à nos entreprises d'être injustement concurrencées par la production de pays moins regardants sur les normes environnementales.
Enfin, septièmement, la création d'une organisation mondiale de l'environnement, à laquelle la France tient beaucoup, qui aurait notamment vocation à assurer le suivi et le respect des engagements pris.
Au plan européen, le Conseil des 10 et 11 décembre doit permettre de construire, sur l'ensemble de ces points, une position commune. Trois sujets restent, à ce stade, encore en débat et feront l'objet de négociations finales entre les chefs d'État et de gouvernement.
Premier sujet, la conditionnalité du passage de 20 % de réduction des émissions de CO2 en 2020 à 30 % de réduction. L'Europe doit, dans ce domaine, avoir une approche généreuse, mais aussi réaliste. Pour passer à 30 % de réduction, il faut que les engagements pris par les autres parties soient réellement comparables. Ne nous laissons pas leurrer par des effets d'annonce. Les États-Unis ont, par exemple, annoncé le 25 novembre une réduction de leurs émissions de CO2 de 17 % en 2020, mais ce pourcentage est calculé par rapport à 2005. Ramené à l'année de référence 1990, cet engagement ne correspond, en fait, qu'à une baisse de l'ordre de 4 % de leurs émissions. L'Union doit rester ferme sur ses ambitions pour la planète et les conditions d'un relèvement éventuel de l'objectif européen, conformément aux conclusions du Conseil européen de mars 2007, devront être examinées, après Copenhague, sur la base d'une analyse précise de l'accord, en liaison étroite avec le Parlement européen.
Deuxième sujet, le montant que la communauté internationale, en général, et l'Union européenne en particulier, consacreront au financement fast start des actions à conduire dans les pays en développement entre 2010 et 2012. Le Président de la République, lors de son récent déplacement à Trinidad et Tobago, a souhaité que la communauté internationale mobilise 7 milliards d'euros de crédits publics, dont 20 % seraient consacrés à la lutte contre la déforestation.
Troisième sujet, la référence explicite, dans les conclusions du Conseil, à la constitution d'une organisation mondiale de l'environnement.
La Conférence de Copenhague s'est ouverte lundi et se clôturera le 18 décembre sur un ultime segment de négociation. Y participeront cent douze chefs d'État et de gouvernement, y compris le Président Obama, ce que le Président de la République, qui s'était entretenu de ce sujet avec lui il y a une semaine, a accueilli avec satisfaction.
Les négociations seront conduites à la fois pendant la conférence, mais aussi en marge, avec une réunion ad hoc sur l'articulation entre politique de développement et climat le 14 décembre et, aussi, le sommet sur la forêt en Afrique centrale, qui se tiendra le 16 décembre à Paris à l'initiative du Président de la République, à la veille du dernier segment de la négociation.
Nous pensons aujourd'hui qu'un accord politique ambitieux à Copenhague est un objectif pleinement atteignable. La multiplication, ces derniers jours, d'annonces majeures, comme les annonces récentes par la Chine et l'Inde de réductions chiffrées de l'intensité carbone de leur économie, sont autant de signaux politiques importants et qu'il faut prendre très au sérieux.
J'en viens aux questions économiques et financières et à la préparation de la sortie de crise qui seront également à l'ordre du jour du Conseil européen.
Dans le domaine financier, la présidence suédoise a tenu l'agenda ambitieux qui lui avait été fixé par le Conseil européen de juin, qui consistait à dégager, au sein du Conseil, un accord complet sur la réforme de la supervision européenne, pour permettre au nouveau système d'être pleinement opérationnel en 2010 et tirer les leçons de l'immense crise financière que nous avons connue en 2008. C'est un pas décisif pour renforcer la solidité du système financier en Europe.
À la veille du précédent Conseil européen d'octobre, la présidence suédoise était déjà parvenue à dégager un accord sur le volet macrofinancier, qui prévoit la création d'un Comité européen du risque systémique, chargé de prévenir l'apparition des très grands risques de marché comme nous en avons connu en 2007 et surtout en 2008.
La présidence a remporté un nouveau succès lors du conseil Écofin du 2 décembre, en dégageant un accord sur le volet microfinancier. Conformément aux conclusions du Conseil européen de juin, cet accord prévoit la création de trois nouvelles autorités de surveillance respectivement chargées des banques, des assurances et des marchés et valeurs mobilières.
Comme nous le souhaitions, ces autorités pourront exercer, sous certaines conditions, des pouvoirs contraignants sur les superviseurs nationaux. Elles pourront, par exemple, intervenir en cas de désaccord entre ces derniers et jouiront de pouvoirs accrus en cas d'urgence ou en situation de crise. Ce succès est d'autant plus important que des sensibilités différentes, selon la formule consacrée, étaient réunies autour de la table. Nous disposons donc désormais d'un système de régulation financière.
Dans le domaine économique, le Conseil européen était convenu, il y a un an, d'un plan de relance européen destiné à soutenir une activité économique profondément ébranlée par la crise. Ce plan, ainsi que les mesures nationales, nous permettent d'assister aux premiers signes, certes fragiles, de la reprise, et au retour à une croissance positive au second semestre de cette année.
Cette évolution favorable doit encore être consolidée : il est trop tôt pour mettre fin aux mesures de soutien. Lorsque la croissance sera à nouveau solidement installée, nous devrons supprimer graduellement ces dernières et engager un effort majeur de consolidation des finances publiques.
Cela étant, nous devons également préparer l'avenir. Car ce n'est pas sur nos institutions que les peuples nous jugeront, mais bien sur nos résultats. En la matière, l'Europe doit être visionnaire si elle veut « faire le xxie siècle et non le subir », selon les termes du Président de la République.
Le débat sur la stratégie dite « UE 2020 », appelée à prendre la suite de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi, est, de ce point de vue, absolument fondamental : nous avons besoin, avec l'appui de la nouvelle Commission européenne et de tous les États membres, de construire maintenant, ensemble, une Europe plus forte, parce que l'Europe sort de la crise économique et financière la plus grave que le monde ait connue depuis 1929 et qu'il faut donner à nos entreprises, en particulier aux PME, les moyens de retrouver rapidement une croissance élevée et durable, et parce que l'Europe doit, à l'heure où émerge un monde multipolaire, être capable de lutter à armes égales contre les autres grands pôles de développement économique de la planète.
Si nous voulons réussir demain là où la stratégie de Lisbonne a échoué hier, nous devons doter la nouvelle stratégie européenne d'une véritable colonne vertébrale, bien plus solide. Concrètement, cela revient à dire que la stratégie de l'Europe ne doit pas se réduire à la somme de vingt-sept stratégies nationales. La Commission doit également apporter toute sa contribution à cette démarche.
À ce propos, j'insisterai particulièrement sur six points jugés essentiels par la France et auxquels la future stratégie « UE 2020 » devrait faire écho. J'en ai fait part à Mario Monti, chargé par le président Barroso d'une mission sur la relance du marché intérieur et que j'ai rencontré mercredi dernier, comme aux vingt-six autres États membres, le 4 décembre, à Bruxelles, lors du Conseil « compétitivité » de l'Union européenne.
Premier point : l'Europe doit impérativement, pour rester compétitive, chercher de nouvelles sources de croissance, en se tournant sans hésitation vers l'économie de la connaissance, l'innovation et les technologies vertes. Cet objectif rejoint exactement les priorités identifiées en France par la commission sur le grand emprunt. Du reste, la démarche menée en France, qui consiste à déterminer les priorités d'avenir, pourrait parfaitement être européanisée, et nombre de projets privilégiés au titre de cette réflexion stratégique sont appelés à trouver un puissant écho en Europe.
Deuxième point : l'Europe doit parvenir à réconcilier ses 500 millions de citoyens avec son marché intérieur, dont ils se méfient souvent, craignant de voir leurs droits sociaux affaiblis, la qualité des biens ou des prestations servis atténuée et, en définitive, d'être moins protégés. Je souhaite un marché intérieur qui parvienne à concilier un fonctionnement efficace, un niveau de protection élevé du consommateur et un respect de la cohésion sociale de l'Union.
Le troisième point concerne justement la dimension sociale. La crise l'a bien montré : l'Europe de demain doit se montrer plus soucieuse de la cohésion sociale, en anticipant les restructurations, en investissant dans nos systèmes éducatifs, en soutenant la formation et la reconversion des travailleurs. Dans ce domaine, il ne faut pas négliger l'extérieur. Il est inconcevable qu'une multinationale étrangère comme General Motors impose à toute l'Europe un chantage sur des milliers d'emplois, en jouant d'une stratégie de division entre États de l'Union et de surenchère sur les aides d'État, comme le firent, jadis, les Horaces contre les Curiaces, ou, si l'on préfère, en appliquant la tactique du salami. (Sourires.)