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Intervention de François Rochebloine

Réunion du 9 décembre 2009 à 15h00
Déclaration du gouvernement préalable au conseil européen et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de regretter que nous soyons si peu nombreux à siéger dans cet hémicycle – moins de vingt – pour débattre d'un sujet de cette importance, à quelques jours du prochain Conseil européen.

Le projet européen, chacun le sait ici, fait partie des traditions fondatrices de la famille politique que je représente en cet instant. C'est avec une grande satisfaction que les députés du groupe Nouveau Centre voient se mettre en place les institutions réformées par le traité de Lisbonne. Certes, la période de transition a été longue et les négociations difficiles, mais le fait même qu'elles aient enfin abouti est un témoignage de la force acquise par l'idée européenne.

Mes premiers mots seront pour espérer que les travaux du Conseil européen, au-delà de leurs aspects techniques, soient l'occasion de manifester cette dynamique. Ce serait une indication de tendance stimulante pour tous ceux qui, dans chacun de nos pays, sont prêts à faire vivre, contre tout scepticisme, l'idéal européen.

Je sais bien que la rénovation des institutions européennes n'est pas une fin en soi. Elle a été présentée, à juste titre, comme le moyen d'améliorer l'efficacité des politiques européennes dans une Union élargie, autrement dit comme le moyen d'affronter les difficultés que l'application de chacune de ces politiques amène à constater. D'une certaine manière, l'Europe ne pourra plus avancer l'excuse de la défaillance de ses institutions pour expliquer ou justifier retards, échecs ou incompréhensions.

Dans les domaines qui ont constitué, depuis le traité de Rome, le coeur historique des compétences communes de l'Europe, la réforme institutionnelle ne fera que rendre plus criante l'insuffisance éventuelle de sa réponse et ce d'autant plus que les normes européennes et les contraintes comme les garanties qui en découlent font désormais directement partie de notre environnement juridique et administratif national.

Tel est particulièrement le cas de la politique agricole commune, sur laquelle le groupe Nouveau Centre interpelle régulièrement le Gouvernement, comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'État.

Personne ne peut contester la gravité de la situation des agriculteurs. Aucune filière de la production n'a échappé à la baisse des revenus ; les producteurs laitiers en particulier ont perdu la moitié de leurs revenus entre 2008 et 2009. Diminution de la demande, explosion des charges des entreprises, anticipations négatives liées à la libéralisation imminente des échanges, autant de facteurs de désespérance et de colère dont on a vu les conséquences immédiates à travers les récentes manifestations et qui appellent de toute évidence une réaction européenne concertée en même temps que des mesures d'urgence.

Souvenons-nous : nous sommes passés de la conception d'une Europe du tarif douanier commun, constitutif d'un grand marché agricole intérieur, à une Europe que la contradiction au moins apparente des situations nationales et la pression de la mondialisation ont poussée à l'encadrement de plus en plus strict des productions tout en acceptant un abaissement progressif des protections extérieures. En même temps, la montée de la préoccupation du développement désormais qualifié de durable conduisait certains discours européens à confier généreusement aux agriculteurs le rôle noble mais peu lucratif de gardiens des équilibres naturels fondamentaux.

Il faut bien constater aujourd'hui que, poussées simultanément, ces tendances ne peuvent qu'aboutir à des contradictions, car la première condition pour que les agriculteurs jouent le rôle d'intérêt collectif qu'on veut bien leur reconnaître est qu'ils retirent de leur activité un revenu suffisant pour vivre. En même temps, on parle beaucoup de crise alimentaire, on voit même ressusciter les théories malthusiennes les plus classiques, faisant de la natalité une cause de dégradation de la planète.

Monsieur le secrétaire d'État, la conception exclusivement libérale qui a prévalu ces derniers temps dans la définition des mesures européennes de politique agricole correspond-elle aux intérêts à long terme de l'ensemble européen ? Ne faudrait-il pas faire entrer en ligne de compte, dans ce calcul à long terme, l'atout que représente une agriculture européenne significative et diverse pour la présence politique et pour l'indépendance réelle de l'Union européenne dans le monde ?

On objecte à cette idée le fait qu'une libéralisation totale de la production permettrait une baisse des prix à la consommation. Mais pour que cet argument soit pleinement convaincant, il faudrait que la diminution du prix payé au producteur soit du même ordre que celle du prix demandé au consommateur. Or tout le monde sait que cette corrélation est loin d'être établie. La clarté doit être faite sur les marges constatées à chaque étape du circuit de production et de distribution. C'est pourquoi nous avons souhaité la création de l'Observatoire des prix et des marges. Du reste, nous voudrions que cette question devienne un sujet de réflexion pour l'ensemble de l'Europe.

Enfin, nous soutenons des mesures conjoncturelles, comme l'extension au secteur de la production laitière du dispositif instituant un coefficient multiplicateur entre le prix d'achat au producteur et le prix de vente à la consommation.

Monsieur le secrétaire d'État, vous l'aurez compris, le groupe Nouveau Centre attend du Conseil européen qu'il fasse un inventaire courageux et rigoureux des problèmes de fond que les institutions européennes rénovées vont devoir immédiatement affronter ainsi que les solutions envisageables.

Il vous demande d'oeuvrer pour que le Conseil reconnaisse à la politique agricole, véritable valeur de test de l'efficacité européenne, la première place qu'elle mérite dans cet inventaire et dans ces solutions.

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