La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (nos 1549, 1860, 1837 et 1838).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de huit heures et vingt-trois minutes pour le groupe UMP, de dix heures et neuf minutes pour le groupe SRC, de cinq heures et vingt-neuf minutes pour le groupe GDR, de quatre heures pour le groupe Nouveau Centre, et de cinquante minutes pour les députés non-inscrits.
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Olivier Dussopt.
Madame la présidente, monsieur le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des lois, il est des constats difficiles, qui soulignent des contradictions apparentes alors qu'en réalité ils ne sont que le fruit de choix.
Que constatons-nous aujourd'hui ? Le système financier est fortement ébranlé par une crise sans précédent qui a pour conséquence des appels généralisés à la régulation, à l'encadrement, au bon sens et à la nécessité de reconstruire un système économique et financier décent, plus soucieux de règles éthiques, pour ne pas dire morales.
Nous avons tous en tête les échanges qui se sont déroulés dans cet hémicycle cet après-midi, à propos des résultats et des décisions prises à la suite du sommet du G20. Vous le savez, monsieur le ministre, nous ne croyons que peu aux annonces du Gouvernement auquel vous participez, et encore moins à celles du Président de la République. Ce texte ne va faire que confirmer notre sentiment.
En effet, vous présentez devant l'Assemblée un texte à l'exact opposé de cette ambiance générale à laquelle vous voudriez nous faire croire – un texte qui libéralise et autorise que soient ouvertes toutes les vannes aux opérateurs et autres acteurs des médias et des télécommunications, prêts à bondir sur un marché qu'ils jugent intéressant. C'est la principale raison de notre opposition à ce texte.
Ce texte nous paraît en réalité inopportun, et cela d'abord parce qu'il ne répond à aucune nécessité de transcription d'un quelconque élément du droit communautaire – malgré les déclarations, ce matin encore, du rapporteur, qui déclarait dans La Croix : « Devant les pressions persistantes de la Commission européenne, la France s'est engagée à libéraliser le secteur des paris et jeux en ligne. »
En réalité, il n'y a ni obligation ni empressement de la Commission européenne à libéraliser ce secteur. En l'absence de toute législation communautaire, c'est le droit national de chaque État qui s'applique, dans le respect des traités européens existants. Il est d'ailleurs utile de rappeler que les jeux d'argent et de hasard en ligne ont été formellement exclus à la fois de la directive « services » et de la directive « commerce électronique ». En outre, la Commission européenne s'est toujours refusée à légiférer, y compris lorsque le Parlement le lui a instamment demandé à la suite d'un rapport d'initiative parlementaire et d'une résolution en date du 10 mars 2009, et en dépit aussi de la demande de quelques-unes des commissaires qui la composaient.
La seule législation européenne s'appliquant relève donc des traités en vigueur. Il s'agit principalement des articles relatifs à la libre prestation de services et à la liberté d'établissement, les traités prévoyant la possibilité d'y déroger pour instituer des monopoles ou accorder des droits exclusifs.
Si, au fil de la jurisprudence, certains ont craint que les marges de manoeuvre de l'État soient restreintes, ce risque est aujourd'hui écarté. Ainsi, différents arrêts ont amené les États à devoir justifier de plus en plus précisément les restrictions à la liberté d'établissement et de prestation de services. Pour être conformes au droit communautaire, les monopoles sur les jeux d'argent et de hasard doivent être motivés par des raisons impérieuses d'intérêt général, telles que l'ordre public – par exemple la lutte contre la fraude ou la criminalité – ou l'ordre social – par exemple la lutte contre les addictions et la protection des publics vulnérables. Voilà autant de conditions faciles à réunir en matière de jeux d'argent et de hasard en ligne !
Il n'y a donc pas d'obligation européenne à libéraliser ce secteur. En réalité, la Commission avait demandé à la France une simple mise en conformité avec la législation des traités communautaires.
Deux choix s'offraient donc à nous : soit la libéralisation totale, sachant que le développement des opérateurs reconnus par la France aurait pour conséquence l'ouverture du marché aux opérateurs européens, soit le renforcement du monopole public.
Avec ce texte, vous faites le choix de la libéralisation – alors même que la Cour de justice des communautés européennes a rendu le 8 septembre dernier un arrêt confirmant le droit du Portugal à maintenir un strict monopole public sur ce secteur des jeux en ligne, au grand dam, d'ailleurs, des opérateurs qui n'ont pas manqué de dénoncer cet arrêt de la Cour.
Vous comprendrez que nous ne partagions ni vos choix ni vos points de vue : ce texte ne nous paraît ni opportun ni justifié. Il nous semble même dangereux car, toujours dans la logique de la législation communautaire, rien n'est véritablement prévu à notre sens pour empêcher le dépôt de recours par les opérateurs non reconnus par l'Autorité de régulation des jeux en ligne, mais reconnus dans d'autres États de l'Union et qui voudraient agir en France.
En effet, le principe de reconnaissance mutuelle risque d'empêcher cette Haute autorité de maîtriser à terme l'entrée de nouveaux opérateurs, même non voulus, sur le marché. Qui pourra empêcher un opérateur de demander à la justice européenne de lui accorder le droit de s'établir et d'offrir une prestation sur le territoire français, dès lors qu'il disposera d'une licence dans un autre État membre ?
De la même manière, l'idée de fixer autoritairement un taux de retour, avec en tête des considérations liées à l'addiction, est une idée qui peut paraître louable en elle-même. Mais je crains qu'elle ne puisse résister longtemps à un ou à plusieurs recours appuyés sur le principe de la liberté d'entreprendre et donc de fixer librement ce taux de retour.
Dans la mesure où l'Union n'exigeait pas cette libéralisation, dans la mesure où la Cour de justice européenne a rendu un arrêt renforçant le droit des États membres à maintenir un monopole, il nous paraîtrait plus judicieux de ne pas adopter ce texte, et de réfléchir à un nouveau modèle – à un autre modèle, qui consisterait à renforcer le monopole public de la Française des jeux et du PMU.
Il nous paraît donc plus judicieux d'abandonner l'orientation que vous avez choisie pour nous tourner vers celle mise en oeuvre notamment au Portugal. J'imagine sans peine que ce n'est pas votre opinion, ni celle du Gouvernement. J'imagine même que vous trouverez des arguments pour défendre votre choix. Mais nous voyons aussi que la raison européenne qui a été annoncée ne tient plus, du fait de l'arrêt de la Cour de justice des communautés du 8 septembre dernier.
Alors nous ne pouvons nous empêcher de poser une autre question : celle de la vraie raison qu'il y a à pousser ce texte que rien n'impose ni ne justifie.
Cette raison, nous la voyons transparaître et la presse s'en est déjà fait l'écho. Il suffit de regarder la liste des opérateurs qui ont fait connaître leur souhait d'entrer sur ce marché. Groupes audiovisuels privés, grands noms du casino, sociétés de téléphonie, sociétés de production, organisateurs de diverses compétitions : toutes et tous ont répondu présents, comme toutes et tous avaient déjà répondu présents dans un célèbre restaurant, au soir du 6 mai.
Je sais que l'évocation du restaurant ne vous convient guère.
J'en profite d'ailleurs, monsieur le ministre, pour vous dire qu'au-delà du débat bien légitime sur un tel texte, et même au-delà de la polémique, je regrette, comme Michèle Delaunay, les propos que vous avez tenus à l'encontre d'Aurélie Filipetti après la présentation de la motion. Je les ai pour ma part jugés déplacés, et je ne suis pas le seul dans ce cas. Je vous le dis calmement, tout simplement pour vous rappeler que la courtoisie à l'égard des différents orateurs aurait pu vous imposer plus de mesure dans la réponse que vous lui avez faite.
Je vais tenir les mêmes propos à votre égard, vous savez. Cela vous fait peur ?
Vous défendez aujourd'hui un projet de loi indéfendable, un projet de loi qui transpire la générosité et la reconnaissance, mais la générosité et la reconnaissance d'un homme, d'un seul homme envers ceux qui l'ont soutenu il y a maintenant deux ans.
Vous défendez un texte que personne ne demande ni n'exige, un texte incertain et fragile dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences, un texte que vous n'arrivez pas à laver du soupçon de gage de reconnaissance donné à certains amis.
C'est aussi un texte indécent dans une période de crise où chacun appelle, la main sur le coeur, à une meilleure régulation du système économique – alors même que ce texte propose de libéraliser un secteur basé sur les jeux d'argent.
Vous le voyez, les raisons de s'opposer à ce texte sont nombreuses. Nous le ferons. Nous le ferons avec détermination, en votant contre ce texte mais aussi en défendant des amendements au cours des débats, notamment pour protéger les mineurs et les plus fragiles, et pour éviter que ne se multiplient de singulières relations entre opérateurs, parieurs et organisateurs d'événements, sportifs ou autres.
À ce sujet, vous me permettrez de souligner la faiblesse de l'article 23, consacré aux conflits d'intérêts : nous vous proposerons des amendements pour le renforcer.
À défaut de vous convaincre de renoncer, monsieur le ministre, j'espère que nous appellerons l'attention de tous sur les éléments les plus inacceptables à nos yeux de ce texte.
Vous l'avez compris : si nous nous étions trouvés dans la situation où vous vous trouvez aujourd'hui, nous n'aurions pas fait les mêmes choix. Nous aurions favorisé le renforcement du PMU et de la Française des jeux, afin d'établir et de conforter un véritable monopole public, en nous appuyant sur des considérations relatives à l'ordre public et à l'ordre social. Votre texte fait le choix de la libéralisation ; mais il peut, de surcroît, apparaître comme un texte qui hésite entre monopole et libéralisation effrénée.
En outre, nous mettons, pensons-nous, le doigt dans un engrenage : en 2012, au moment de la clause de revoyure, ce texte conduira à une libéralisation totale des activités, mais aussi des conditions de leur organisation et des secteurs qui seront concernés par ces jeux d'argent.
Il est, je crois, encore temps de changer. Nous en avons les moyens. Je ne peux m'empêcher de me référer à vos propres paroles, lorsque vous évoquiez la présence de nombreux sites illégaux – certains conduits et mis en place par celles et ceux qui veulent demain entrer sur le marché légal. Nous vous proposerons d'ailleurs des amendements visant à ce que tous ceux qui gèrent aujourd'hui des sites illégaux ne puissent pas être amnistiés, afin que la gestion de ces sites leur interdise de recevoir une licence délivrée par l'ARJEL. Nous ne voulons pas d'amnistie pour ceux qui gèrent ces sites illégaux.
De la même façon, vous nous dites qu'il est difficile de gérer et d'empêcher la diffusion, la prolifération, la mise en place de ces sites internet illégaux. Dans le débat sur la HADOPI, pourtant, d'autres membres du Gouvernement nous expliquaient que nous disposions des moyens techniques de contrôler l'intégralité des communications et de l'activité sur le réseau.
Ce parallèle avec HADOPI, si bref soit-il, en appellera malheureusement d'autres. Nous mettons un doigt dans l'engrenage ; mais eu égard à ses conséquences juridiques incertaines, le texte que vous défendez aujourd'hui et auquel nous nous opposons sera, je le crains, voué à la même inefficacité que le projet HADOPI. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Alors ne faisons rien : c'est la grande spécialité du parti socialiste !
Nous l'avons dit et redit depuis le début de ce débat : la perception des jeux de hasard et d'argent repose en France sur des valeurs sociales et politiques partagées par la communauté des citoyens. Nous avons aussi été nombreux à souligner que nous touchions ici à des problèmes moraux et éthiques.
La réglementation des jeux de hasard et d'argent est donc très souvent le reflet de la représentation que se fait une société de la place que peuvent raisonnablement occuper les jeux, et du caractère proportionné des gains qu'ils permettent – je préciserai : des gains qu'ils permettent pour le joueur, sans oublier l'usage de l'argent qui peut être prélevé pour l'intérêt général.
Le régime juridique général français en matière de jeux de hasard et d'argent est celui de l'interdiction, avec des exceptions au profit de trois monopoles strictement contrôlés par l'État. La protection de l'ordre public comme la préservation de l'ordre social et de la santé publique sont ainsi facilités. La pertinence, encore aujourd'hui, de ce régime juridique d'interdiction pour les jeux et paris en ligne, et la pérennité de ce cadre légal, forcent le respect du législateur face à l'équilibre qu'ont su trouver leurs prédécesseurs entre la préservation de cette activité et la nécessité de l'encadrer strictement afin de protéger l'ordre social et l'ordre public.
Peu de réglementations traversent ainsi les âges politiques en restant aussi cohérentes et adaptables aux différentes évolutions du secteur des jeux. Il est regrettable que votre gouvernement fasse peu de cas de ce genre de particularités juridiques et culturelles françaises, et s'empresse de céder aux gourous de la libéralisation.
Néanmoins, monsieur le ministre, nous partageons avec votre gouvernement certains de vos constats concernant le secteur des jeux.
Premier constat qui s'impose à nous, le développement endémique du secteur des jeux en ligne et la forte proportion du taux de Français jouant en ligne en dehors de tout cadre légal. Cela génère une réelle insécurité juridique pour les joueurs et accentue les risques pour la santé publique.
Ce premier constat est consubstantiel du second : l'offre française de jeux de hasard et d'argent en ligne est inadaptée, notamment sur les segments du poker et des paris sportifs.
Il en résulte un manque à gagner pour l'État dans la mesure où la manne de 2 à 2,5 milliards d'euros de mises attendues en 2010 échappe à tout prélèvement et, par conséquent, un manque à gagner pour les filières sportive et hippique, qui bénéficient de l'allocation d'une part des prélèvements.
Ce constat est partagé sur tous les bancs de cette assemblée et la nécessité de repenser et de réformer le secteur des jeux et paris en ligne français s'imposait. C'est là que les traductions juridiques de nos « valeurs socio-politiques » respectives divergent radicalement, monsieur le ministre.
Cette divergence de fond peut être ainsi résumée : nous estimons que vous avez élaboré des mauvaises solutions. Vous prétendez vous attaquer aux fondements des problèmes. En réalité, vous les instrumentalisez pour satisfaire des intérêts particuliers. Il en résulte un constat pour le moins inquiétant pour les législateurs que nous sommes : la philosophie de votre réforme repose sur une tromperie construite à partir de faits matraqués pour être instrumentalisés.
Ainsi, les objectifs affichés de protection de l'ordre public et social et de préservation de la santé publique, qui devraient être au centre des préoccupations de votre politique visant à réguler les jeux, ne sont que des leurres destinés à faire passer la pilule de l'ouverture à la concurrence du secteur des jeux d'argent et de hasard.
Certes, nous nous réjouissons de la conservation de la forme mutuelle des paris hippiques. Nous attirerons néanmoins votre attention au cours des débats sur les risques que fait peser cette réforme sur toute la filière équine, notamment en termes d'emplois et de perte de qualité de la filière. Mesurons bien ce que représente cette filière, qui va de l'élevage aux employés du PMU, en particulier pour des régions comme la Normandie.
L'extension du champ des jeux avec l'autorisation d'une offre de poker va également dans le bon sens. Mais, pour le reste, nous voyons surtout dans votre texte de mauvaises solutions.
Nous contestons énergiquement la logique même de l'ouverture à la concurrence sur un secteur aussi sensible que celui des jeux de hasard et d'argent. Pourquoi ne pas avoir imaginé une simple modernisation des opérateurs historiques français en leur permettant notamment d'exploiter une palette élargie de jeux en ligne ?
Addiction et surendettement des joueurs, corruption dans le sport et les courses, trucage des matches, blanchiment d'argent, les risques avérés d'une telle libéralisation, même régulée, sont trop nombreux pour que la puissance publique se prive du contrôle des acteurs historiques du secteur.
De surcroît, le risque de nuisance sur la santé publique, l'ordre public et l'ordre social est loin d'être négligeable et appelle à la prudence. Mais votre volonté de mettre à bas l'État administrateur pour bâtir l'État stratège et en faire un poste avancé du libéralisme débridé l'emporte pour marginaliser ses prérogatives de puissance publique.
En corollaire, nous sommes, par principe, opposés à l'autorisation de la publicité en faveur d'un opérateur de jeux ou de paris agréé. Dans la mesure où le rôle de toute publicité réside dans l'incitation à consommer, il est irresponsable d'alléguer qu'elle ne fait courir aucun risque à la santé publique. Il est hypocrite d'arguer qu'elle contrera efficacement l'offre illégale.
Nous nous opposons, avec une plus grande fermeté encore, à la généralisation en France des paris à cote fixe. Leur éthique est discutable : ils opposent le joueur et le bookmaker, l'intérêt du second étant de voir perdre le premier. Ils comportent des risques importants pour la santé publique dans la mesure où les gains potentiels, souvent plus attrayants que pour les paris mutuels, accroissent le potentiel addictif de ce type de pari, au détriment par exemple du PMU.
Par ailleurs, le pari à cote fixe fera courir un risque non négligeable au secteur sportif. L'exemple du Royaume-Uni est à cet égard instructif, et le Gouvernement serait bien inspiré de ne pas s'en inspirer : outre-Manche, les cas de fraude, de corruption, de paris truqués, de cotes pourries sont avérés et entachent régulièrement le monde du sport.
Pourquoi ne pas suivre la voie de la sagesse de dizaines d'États américains qui, en raison des risques évoqués, ont interdit cette forme de paris ? À la lecture de vos propositions, comment ne pas craindre que, encore une fois, ce soit les citoyens les plus vulnérables qui fassent les frais de cette libéralisation ?
J'en viens aux motivations de ce projet de loi.
De l'instrumentalisation des faits à la justification par l'absurde, vous vous êtes livré à un petit jeu de manipulation des enjeux pour justifier la manoeuvre d'ouverture à la concurrence.
C'est d'abord le prétexte européen que vous avez brandi comme un étendard pour dissimuler votre manque flagrant de courage politique.
Sur des questions aussi sensibles que les jeux et les paris, il ne fallait surtout pas avouer que votre seule préoccupation résidait dans la croissance privée du secteur au détriment des missions qui découlent des prérogatives d'ordre public de l'État.
Or, vous le savez pertinemment, monsieur le ministre, aucun texte communautaire ne nous impose cette libéralisation. Aucun ! Une position du Parlement européen de mars 2009 estime même qu'une « approche purement axée sur le marché intérieur ne convient pas dans un domaine aussi sensible ».
Seule la Commission européenne tente de pousser les États membres à l'ouverture du secteur des jeux et paris à la concurrence. Pas étonnant : elle est emmenée dans cette quête du Graal par l'ancien bookmaker McCreevy, commissaire européen à la concurrence, mais elle le fait sans base légale.
En réalité, c'est assez rare pour être souligné, Europe n'est pas, cette fois, la source de nos maux.
Autre artifice, il s'agirait de préserver l'ordre social et la santé publique. Permettez-nous de douter de cette volonté.
Il y a en effet un curieux paradoxe, pour des décideurs politiques, à vouloir, sous couvert de leur protection, exposer les joueurs à une publicité massive, pour, paraît-il, écraser une offre pléthorique de jeux en ligne drapée dans la légalité.
S'agirait-il alors de renforcer la lutte contre la fraude ? Là encore, le rapporteur a, par anticipation, procédé à un constat d'échec de la lutte contre l'offre illégale : la compétence territoriale des juges entrave les poursuites, l'évolution rapide des techniques ou des opérateurs rend difficile leur identification. Alors que la lutte contre les opérateurs illégaux n'a jusqu'alors donné aucun résultat probant en dépit d'un arsenal juridique existant, comment pouvez-vous marteler que la pub légale asséchera l'offre illégale ?
L'espoir qu'affiche votre gouvernement est une manière bien peu orthodoxe de faire de la politique. En matière de lutte contre la fraude, vous ne le savez que trop bien, monsieur le ministre, tout est affaire de volonté politique et de moyens au niveau national, et de priorités au niveau international.
Le fait que pas un des arguments massues développés par le Gouvernement ne puisse raisonnablement justifier l'ouverture à la concurrence ne peut que susciter notre inquiétude. Il dénote un manque flagrant de courage politique, à moins que ce ne soit tout simplement votre croyance au libéralisme qui vous aveugle.
Depuis le XIXe siècle, les gouvernements ont considéré que l'ordre public et social justifiait le maintien du régime général de l'interdiction des jeux et des paris. Avec ce projet, la concurrence devient la règle, dans la limite bien évidemment du respect de l'ordre public et social. Dès lors, la préservation de l'ordre social, la protection de l'ordre public et les enjeux de santé publique sont relégués du rang de garde-fous d'ordre public à celui de simples filets de sécurité aux mains d'une autorité administrative dont nous doutons qu'elle aura les moyens de mener à bien l'ensemble de ses missions.
Nous en sommes désormais convaincus, seuls les intérêts économiques et financiers ont présidé à l'élaboration de cette réforme, car la croissance des profits du secteur exprimés en milliards pèse à vos yeux beaucoup plus que les risques qu'elle comporte pour les citoyens.
Illustration est faite, s'il en était besoin, que ce gouvernement ne connaît qu'une valeur, celle du fric, et qu'il ne recule devant aucune hypocrisie pour satisfaire aux sacro-saints dogmes libéraux.
La protection du marché ou la création des conditions favorables à son développement semblent depuis longtemps précéder, en valeur politique, les préoccupations de santé publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce texte, vous vous en souvenez, a connu sa genèse lorsque le commissaire européen au marché intérieur, M. McCreevy, a considéré qu'il était nécessaire d'ouvrir à la concurrence les paris en ligne dès lors que certains opérateurs en situation d'exclusivité nationale avaient commencé à les proposer. Au nom des règles de la libre concurrence dans l'Union européenne, il pensait que ces paris devaient être autorisés en particulier à travers le principe de la reconnaissance mutuelle en fonction de l'implantation, dans l'Union européenne, de certains opérateurs.
Cette idée s'est concrétisée par la mise en demeure de la France, parmi d'autres pays de l'Union européenne, par ce même commissaire en octobre 2006.
Je ne reprendrai pas les arguments développés à l'instant par André Chassaigne, mon collègue du Puy-de-Dôme. Depuis 2006, j'ai souligné, rejoignant en cela mon collègue Jacques Myard sur son interprétation du droit européen, que le principe de subsidiarité devait avant tout être mis en exergue compte tenu du fait que la directive « services » exclut explicitement les jeux d'argent et de hasard du champ de compétence européen. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
C'est donc avec une grande satisfaction que nous avons pris connaissance de l'arrêt que la Cour de justice des Communautés européennes vient de rendre sur ce point. Rendu le 8 septembre dernier, l'arrêt Santa Casa laisse aux États la possibilité de faire échec à la libre prestation des services en matière de jeux sur internet au motif que cette activité doit être régie par des considérations de sécurité publique et d'intérêt général, rendant ainsi légitime l'organisation des jeux sur la base de monopoles sous contrôle de l'État. La Cour a ainsi reconnu la spécificité des activités de jeux en ligne et a laissé une marge d'appréciation aux États, aux législateurs, pour réguler ce secteur.
La Cour de justice des communautés européennes a donc estimé que la restriction en cause au principal peut, au regard des particularités liées à l'offre de jeux de hasard par internet, être considérée comme justifiée par l'objectif de lutte contre la fraude et la criminalité.
Par conséquent, la Cour de justice européenne est d'avis que l'article 49 du traité instituant la Communauté européenne ne s'oppose pas à une réglementation d'un État membre, telle que celle en cause, qui interdit à des opérateurs établis dans d'autres États membres où ils fournissent légalement des services analogues, de proposer des jeux de hasard par internet sur le territoire dudit État membre. En effet, la Cour considère qu'il n'y a pas lieu de retenir un principe de reconnaissance mutuelle dans le domaine des jeux d'argent sur internet. Un État est donc fondé à interdire à un opérateur de proposer une offre de jeu sur son territoire, s'il ne lui en a pas donné lui-même le droit.
Nous ne pouvons que nous féliciter de cet arrêt, qui conforte la philosophie même de ce projet de loi.
Ainsi, le seul problème qui est posé aujourd'hui, c'est de mettre fin à l'offre illégale, soit par des mesures à caractère répressif, des sanctions comme cela avait été engagé par la France, soit de faire rentrer cette offre, aujourd'hui illégale, dans le cadre d'une parfaite régulation s'appuyant sur les opérateurs nationaux confirmée par ledit arrêt de la Cour de justice européenne au nom de l'intérêt général et de la sécurité publique. Nous les connaissons, il s'agit de la Française des jeux pour les loteries et les paris sportifs et du PMU pour les paris hippiques.
Quant aux exploitants de casinos, il importe également de les faire bénéficier du développement des jeux en ligne, en particulier le poker dont ils pourraient légitimement être les prestataires dans un cadre légal et régulé.
Fort de ce constat, et s'appuyant sur l'arrêt de la Cour de justice européenne, il est important que ce texte conforte le modèle français d'organisation des jeux et de paris et canalise l'offre aujourd'hui illégale pour permettre une égalité stricte du point de vue du taux de retour aux parieurs, des prélèvements, et du respect des conditions d'éthique ainsi bien sûr que des critères de lutte contre les fraudes et le blanchiment.
Je salue donc la création de l'ARJEL comme un élément positif de régulation correspondant à une vision nationale de contrôle. Mais il faut faire attention à ne pas introduire de dérives à l'occasion de ce texte, je pense à la généralisation des paris à cote fixe, compte tenu d'une offre limitée de la Française des jeux, ou à l'autorisation telle qu'elle est envisagée des paris en direct.
Quant à la cote fixe, j'en rappelle les principaux risques liés au fait que l'opérateur est financièrement concerné par le résultat des paris et, par voie de conséquence, les conflits d'intérêts qui peuvent en résulter. Le modèle français du jeu, c'est le mutuel. Le système du Pari mutuel a ainsi fait ses preuves en France, avec un succès qui n'a cessé de croître depuis 1891, et reçoit toute la confiance des parieurs. Il est le meilleur système de pari pour éviter les conflits d'intérêts en tout genre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C'est pourquoi près de 130 pays dans le monde ont adopté le modèle du Pari mutuel pour organiser la prise des paris hippiques. Je vous propose donc, monsieur le ministre, d'instituer comme modèle français, voire européen du jeu, le principe du jeu mutuel et de ne pas accepter la logique du pari à cote fixe dont vous connaissez les conséquences (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC),…
…et cela, en aucun cas en pénalisant le développement des paris. On a bien vu que la forme mutuelle n'avait pas empêché le développement, dans notre pays, des paris sur les courses hippiques.
Il me semble également important d'évoquer ici le problème des paris en direct, ce que l'on appelle le live betting. Comme chacun le sait, ce type de paris est effectué pendant la manifestation sportive, les cotes étant réactualisées en permanence en fonction de l'évolution de la situation. Il s'ensuit que ce type de pari génère un risque de fraude élevé et de nature à accentuer les dépendances au jeu. Les paris en direct représentent, de mon point de vue, une dérive que nous ne pouvons pas accepter, car il s'agit d'une source aggravée de conflits d'intérêts dont on connaît les risques en matière d'éthique du sport. L'Union européenne ayant fixé comme règle de conduite le soutien au sport amateur grand public, c'est bien cela qu'il faut continuer à soutenir à travers le nouveau dispositif, comme l'avait fait jusqu'à maintenant le CNDS.
Enfin, s'agissant d'un sujet comme celui que traite ce projet de loi, je rappelle, monsieur le président de la commission des finances, que, depuis la réforme de la Constitution, le règlement de notre assemblée offre désormais une possibilité de saisine du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques à l'égard des études d'impact. Il serait donc opportun qu'une telle étude nous soit proposée pour que nous soyons éclairés sur l'ensemble des considérations de ce texte. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Une question est dans tous les esprits, monsieur le ministre : pourquoi ?
Pourquoi avez-vous décidé de présenter ce texte ? Pourquoi cette urgence ? Qu'est-ce qui, au fond, vous pousse ? Le moins que l'on puisse dire, tous ceux qui sont sur ces bancs tomberont d'accord sur ce point, c'est que cela n'est ni la pression des Français ni l'attente de l'opinion. (« Ça c'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Pour répondre à cette interrogation, vous avez avancé quatre arguments qui peuvent tous être démentis.
Le premier argument, utilisé pendant longtemps, était l'argument européen selon lequel nous serions obligés, par les autorités européennes, à procéder à une telle évolution,…
… nous ne pourrions pas faire autrement car sinon cela serait pire. Depuis le 8 septembre nous savons que cet argument est fallacieux. Nous savions d'ailleurs – cela vient d'être rappelé –, depuis une lecture attentive de la directive, que les jeux d'argent n'entraient pas dans son cadre et le moins que l'on puisse dire pour tous ceux qui se sentent attachés à l'idée européenne c'est que l'on n'avait pas fait l'Europe pour les bookmakers.
Deuxième argument, vous nous avez dit que l'augmentation de la demande était très importante et que la progression des connexions en témoignait. Mais il aurait était très simple de répondre à la demande des « consommateurs » en se servant des instruments qui sont les nôtres, de la Française des jeux, du PMU,…
… contrôlés par l'État dans l'ordre de la sécurité publique et de l'intérêt général pour que nous puissions avoir la garantie que les choses iront dans le sens de la protection, des jeunes en particulier.
Troisième argument : vous avez dit qu'il s'agissait de faire reculer l'illégalité, que plusieurs milliers de sites existaient aujourd'hui et que nous ne pouvions pas accepter une telle anarchie. Monsieur le ministre, si vous étiez venu devant cette assemblée avec un texte prévoyant des armes plus contraignantes encore que celles dont nous avons disposé jusqu'à maintenant,…
…je suis sûr que nous vous aurions soutenu à l'unanimité pour interrompre les connexions ou traiter du problème bancaire. Bref, nous aurions tous été disposés à vous aider à cet égard, mais cela n'est pas le choix que vous avez fait !
Quatrième argument : il faut trouver de nouveaux financements, des financements « innovants » comme on dit aujourd'hui, pour la filière sportive notamment. Mais dans ce cas, la réponse Française des jeux et PMU était une solution possible. Donc, aucun de ces quatre argument ne tient.
En réalité, pourquoi abandonnez-vous le modèle français ? Pourquoi l'État renonce-t-il à assumer sa mission de maîtrise et de régulation ? Il n'y a, je regrette de le dire, qu'une réponse à cette question : cela n'est ni en raison de l'Europe ou de l'augmentation de la demande, ni pour instaurer une régulation nouvelle ou des financements innovants, c'est pour faire entrer des opérateurs privés sur le marché juteux du jeu. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
C'est un renoncement au modèle français qui est extraordinairement pénalisant au moment même où, en Europe dans d'autres pays – je pense à l'Allemagne –, on se demande comment on va faire pour empêcher les dérives.
Je ferai une observation complémentaire sur un sujet que vous connaissez beaucoup mieux que d'autres, monsieur le ministre : celui de la filière hippique. Celle-ci est d'autant plus précieuse qu'elle représente 70 000 emplois, et vous êtes vous-même particulièrement attaché à sa défense. Il y a une filière hippique qui marche en Europe – j'allais dire : dans le monde –, c'est l'élevage français de pur-sang qui se détache des autres en dépit de la surface relativement limitée de son action. C'est une construction unique ! Les pays scandinaves, quant à eux, ont choisi de ne pas exposer leur filière hippique à l'aléa que nous sommes en train de vivre ici. Tous les pays qui ont fait un autre choix, notamment en direction du pari à cote fixe et des bookmakers, tous sans exception ont vu s'effondrer leur architecture des courses et de l'élevage. De ce point de vue, le choix est aventureux.
Les conséquences des choix qui vont être faits sont très importantes. On annonce que 200 millions d'euros de publicité vont être dégagés pour assurer la promotion de cette filière des jeux en ligne. Il faudrait être bien naïf pour croire que l'on va dépenser 200 millions d'euros uniquement pour sauver la santé psychologique des joueurs, et notamment des jeunes (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR), et que cette publicité n'aura pas pour effet d'accroître le nombre de joueurs, voire leur addiction.
C'est donc un choix de société que vous allez faire et très nombreux sur ces bancs sont ceux qui ne le partagent pas et le combattront. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Cela n'est pas le débat de la législature, mais cela restera un débat historique ! Cela fait en effet près de deux siècles, depuis 1891-1893, que le Parlement n'a pas eu à discuter de ces problèmes – je crois que la dernière fois c'était pour les lévriers et la pelote basque ! Nos prédécesseurs avaient pour objectif de moraliser, de lutter contre les dérives, de contrôler et d'instaurer un monopole qui fonctionne plutôt bien depuis plus de 200 ans. Comme le demandait François Bayrou, était-il vraiment impérieux de présenter un tel texte ?
Le seul chevènementiste de l'Assemblée nationale a pu imaginer qu'il allait encore devoir se battre contre une directive européenne, et s'y soumettre. Eh non, coup de tonnerre, coup de poker, le 8 septembre, la libéralisation n'est plus obligatoire ! Les États sont désormais libres de faire ce qu'ils veulent. Il n'y a plus aucune exigence, aucune urgence. Comme le disait Gaëtan Gorce, la politique de la France ne se fait pas à la corbeille, mais elle ne doit pas non plus se faire dans les stades de football, même s'il s'agit de ceux de la Coupe du Monde.
Un tel texte n'était pas nécessaire. Ce qui eût été utile, Gaëtan Gorce l'a également dit, c'est la proposition de coproduction, de travail ensemble, qui a été faite par Jean-François Copé. Nous aurions en effet pu discuter de certaines choses. Vous avez dit tout à l'heure que les socialistes ne comprenaient rien à l'internet. Permettez-moi d'abord de m'associer à mes camarades socialistes : peut-être que, moi non plus, je n'y comprends rien. Je serai donc solidaire avec eux. Cependant, il y a une évidence : les technologies et les choses ont évolué. Mes enfants jouent au poker. Il y a un véritablement engouement pour ce jeu !
Il fallait donc que nous réfléchissions, en particulier aux problèmes de l'addiction. Or, je pense que nous avons réellement raté une occasion de travailler ensemble sur ces sujets. Nous avons aussi raté une occasion exceptionnelle de renforcer la qualité du travail sur l'addiction que font la Française des jeux, et en particulier le PMU. Le travail de celui-ci sur l'addiction est en effet remarquable. Je vois que cela vous fait rire, monsieur le rapporteur, mais cela ne me fera pas changer d'avis ! Nous en reparlerons lors de la discussion des amendements si vous le souhaitez. Cela dit, je serai bon joueur, peut-être plus que vous, en tout cas plus gentleman.
À cet égard, sans être le gentleman d'Epson, je considère, monsieur le ministre, que les propos que vous avez tenus tout à l'heure à l'adresse d'Aurélie Filipetti auraient pu être beaucoup plus modérés. Parler de « caniveau » m'a semblé particulièrement excessif ! Cela ne se fait pas !
C'est Mme Filipetti qui m'a agressé ! Il ne faut pas inverser les rôles !
Veuillez poursuivre, monsieur Hutin ! M. le ministre prendra la parole, s'il le souhaite, immédiatement après votre intervention !
Le pari que vous faites, monsieur le ministre, est risqué, en particulier au niveau du mouvement sportif. Je pense que des flux d'argent considérables vont se déplacer et je suis assez inquiet s'agissant du financement du Centre national pour le développement du sport. Je suis très inquiet pour le financement de l'Agence française de lutte contre le dopage. De l'argent va obligatoirement partir et il va y avoir un déferlement sur les autres jeux. La Française des jeux et le PMU ont intérêt à s'accrocher pour continuer.
Je suis très inquiet aussi pour l'équilibre de la filière équine. C'est un sujet qui concerne aussi les collectivités locales – cela va probablement vous intéresser, monsieur le ministre. L'hippodrome de votre ville est sans doute l'un des plus beaux d'Europe, c'est magnifique ! Environ 2 000 personnes y travaillent directement et 1 000 lads sont en formation – c'est important à l'heure où l'on parle tant de formation continue !
Vous n'allez pas me dire ce qui est bien pour ma ville !
Je dis du bien de Chantilly ! Je trouve cela plutôt sympathique. Vous êtes en effet très tendu, monsieur le ministre !
Les 10 000 points de vente PMU sont essentiels. Nous parlions de La Poste et de la proximité. Je sais, pour être élu d'une circonscription populaire, que les points PMU sont essentiels pour que les gens se rencontrent. On ne peut parler d'addiction à ce sujet, monsieur Lamour. Le buraliste auquel le Gouvernement impose de demander la carte d'identité du client pour lui vendre des cigarettes, des jeux, est aussi capable de contrôler un minimum de choses s'agissant de ces habitués qui viennent jouer. Maintenant, si vous n'avez pas d'estime pour les buralistes et si vous considérez qu'ils ne savent pas le faire, c'est un autre problème !
J'en viens à l'argument de la santé publique. J'ai lu cet été La Dame de pique, de Pouchkine, ouvrage intéressant sur l'addiction. Les cartes ont des couleurs et des valeurs. Pour la couleur, votre projet affiche la volonté de lutter contre l'addition, mais la couleur des cartes s'efface très vite quand la valeur l'emporte. Bientôt, une déferlante nous recouvrira avec la publicité, les médias, les alliances, les groupes de télévision et les opérateurs 3G, qui seront bientôt les rois du marché. On n'aura plus besoin de donner de l'argent aux élèves pour aller en classe ; ils en gagneront pendant les cours avec leur téléphone 3G. C'est un risque qu'il faut aussi considérer.
Certains orateurs ont mentionné Pouchkine et Dostoïevski.
Je préfère Stefan Zweig, l'auteur de Vingt-quatre Heures de la vie d'une femme. C'est un des plus beaux livres qui soient !
Je l'ai lu également pendant les vacances. Mais pourquoi passer sous silence un autre auteur, qui s'est exprimé hier soir ? Je veux parler d'Éric Woerth. (M. le ministre sourit.) C'est la première fois que vous vous détendez, monsieur le ministre.
Hier, sur Direct8, cet auteur s'est déclaré « républicain pour lutter contre la fraude fiscale ». Mais, à votre avis, monsieur le ministre, à qui l'ARJEL va-t-elle délivrer ses autorisations ? Vous avez parlé de remettre les compteurs à zéro. Quel entrepreneur français travaillant dans l'illégalité absolue et ne payant pas d'impôt au su de tout le monde – ce qui n'est assurément pas le cas des 2 000 entrepreneurs devant lequel s'est exprimé le Président de la République (« À voir ! » sur les bancs du groupe SRC) – pourrait être accueilli dans nos mairies et recevoir un agrément pour des marchés publics ? Voilà un problème d'éthique républicaine qui me semble essentiel : faut-il leur accorder une amnistie qu'on refuserait à coup sûr à un petit entrepreneur ?
La Bibliothèque nationale de France conserve une belle gravure exécutée par Guérard en 1703 représentant un personnage « riche au matin et gueux au soir ». Dans quelques années, trouvera-t-on une estampe du même style intitulée « fraudeur au matin, et adoubé et amnistié au soir » ?
En Italie, Gandini a filmé un documentaire sur la vidéocratie. Je souhaite de tout coeur qu'on ne puisse jamais réaliser un reportage sur la France intitulé La Ludocratie. Monsieur le ministre, je vous demande d'agir en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'ouverture à la concurrence des jeux en ligne relève à mon sens d'un choix contestable – et qui n'est pas contesté uniquement sur nos bancs. Derrière votre volonté affichée, logique en apparence, de contrôler et d'assécher l'activité illégale, se cache en fait l'inquiétante propension du Gouvernement et de l'UMP à sous-estimer a priori les méfaits d'un libéralisme qui va plonger notre pays dans le gouffre.
À ce propos, monsieur ministre, vous avez cru bon de répondre à M. Gorce que nous pourrions avoir quelque aversion pour l'argent. Je le conteste, mais je vous fais remarquer que, si l'argent est nécessaire, le fric ne l'est pas.
J'observe ensuite que l'Europe même n'imposait pas cette ouverture libérale, ce qui constitue une précieuse indication sur les ressorts cachés de votre choix. Les conditions de l'ouverture sont-elles une garantie pour offrir aux consommateurs des possibilités de paris sportifs sécurisés ? Je ne le pense pas. Garantissent-elles la préservation de l'intégrité des compétitions et assurent-elles un retour financier vers l'ensemble du sport français ? Je ne le pense pas, et M. Giscard d'Estaing non plus. Garantissent-elles un développement modéré susceptible de contenir l'accroissement des phénomènes de dépendance ? Je ne le pense pas. En la matière, la première des préventions est la limitation de l'offre. Enfin, ces conditions garantissent-elles un cadre idoine afin d'éviter l'explosion des phénomènes de blanchiment d'argent sale ? Je ne le pense pas, car l'ouverture accroît mécaniquement les possibilités dans ce domaine.
J'appelle également votre attention sur la rédaction actuelle du dernier alinéa de l'article 52. Cet alinéa, qui émane d'un amendement de M. le rapporteur, fragiliserait la centralisation des droits par les organisateurs, alors que les droits des marques et des signes distinctifs des clubs sont déjà reconnus par ailleurs dans le code de la propriété intellectuelle.
Il est primordial de maintenir un système permettant un retour financier solidaire à l'ensemble des acteurs de la discipline, grâce à la centralisation et à la mutualisation des revenus qui seront générés par la concession des droits liés à l'organisation des compétitions. Il faut être aveuglé par l'appât du gain pour feindre d'oublier que, pour qu'il y ait un premier, il faut qu'il y ait un dix-huitième.
Mais il y a plus grave. Par le biais des paris, éléments d'enjeux financiers d'autant plus dangereux qu'ils échappent à la sphère sportive, je vois mal comment le lucre ne mettrait pas sa main sale sur ce filon livré aux bas instincts.
La tentation de se doper pour améliorer sa propre performance, celle de corrompre pour amoindrir celle des autres, et le recours à des petits arrangements minables vont distiller un trouble supplémentaire dans un monde déjà peu vertueux, à en juger par les matchs qui se terminent dans les prétoires. Les cibles sont connues : les joueurs mais aussi les arbitres, les dirigeants, les entraîneurs, les intermédiaires ou les gens d'influence. Je ne vois parmi eux aucune citadelle imprenable. N'a-t-on pas dit, d'ailleurs, qu'il n'y avait pas de citadelle imprenable, mais seulement des citadelles mal attaquées ?
Un mot sur les arbitres, avec une particularité pour ceux du rugby qui, dans l'esprit des géniteurs britanniques, étaient considérés comme des joueurs capables, ainsi que les autres, de faire des fautes sans pour autant renoncer à leurs pâques. Que vont-ils devenir face à des enjeux considérables suspendus à un en-avant de trois centimètres non sifflé ? Le texte a-t-il prévu des dispositions particulières pour ces paramètres humains ? Rien. Il propose seulement d'arrêter la mer avec les mains.
Et le dopage ? C'est au moment où la pression va devenir démesurément forte que le Gouvernement cherche des échappatoires pour le budget de l'AFLD, l'Agence française de lutte contre le dopage, dont je salue l'action courageuse qui bouscule les usages douteux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous sommes d'accord pour augmenter le prélèvement de la taxe Buffet, qui fêtera bientôt ses dix ans, mais seulement pour des actions de solidarité envers le sport de masse d'où sortent des champions qui passent à la télévision et rapportent l'argent des droits. Il n'y a aucune raison pour que ce « plus » vienne abonder le financement de la lutte contre le dopage, qu'un État digne de ce nom doit assumer en totalité.
Vous avez choisi d'ouvrir les vannes sans prendre des précautions à la mesure des enjeux. Cela rapportera gros à quelques-uns ; mais coûtera très cher à beaucoup. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, il n'aura échappé à personne que, depuis quelques années, notre pays est confronté au développement d'une offre illégale massive de jeux et paris en ligne, située pour l'essentiel à l'étranger.
Les conséquences de la prolifération de ce marché sauvage sont pour le moins malheureuses. Les consommateurs jouent sur des sites n'offrant parfois aucune garantie et présentant des risques de tricheries. Par manque de contrôle, l'intégrité des compétitions peut être mise à mal. Enfin, les opérateurs illégaux profitent financièrement de la situation au détriment tant de l'État que des organisateurs de compétitions et donc des filières sportives, particulièrement hippiques.
Voilà pourquoi je me réjouis aujourd'hui de voir ce secteur se réglementer et de pouvoir enfin débattre du projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. Je tiens à saluer le ministre et le rapporteur pour la qualité de leur travail, ainsi que pour l'écoute dont ils ont fait preuve lors de l'élaboration de ce texte, fruit d'une longue concertation.
Le projet de loi tel qu'il nous est présenté m'apparaît comme équilibré. En effet, il répond tout d'abord, par la délivrance d'agréments, par la mise en place d'un cahier des charges ou par l'instauration d'une autorité de régulation des jeux en ligne, à bon nombre de nos inquiétudes quant à la maîtrise et à la régulation de cette activité sensible que constituent les jeux d'argent en ligne. Les sociétés illégales et non autorisées devront être sévèrement sanctionnées.
Si l'offre française est compétitive sur le plan fiscal et réglementaire, de nombreux emplois seront créés. C'est essentiel pour notre pays, dans la période particulièrement sensible que nous traversons.
Au-delà de ces considérations, il me paraît légitime d'affirmer que le projet de loi sera profitable à l'ensemble des acteurs concernés.
Je pense d'abord aux consommateurs, qui vont désormais se voir proposer une offre de paris sécurisés. En outre, le texte permet de progresser dans la lutte contre la dépendance aux jeux avec, entre autres, un taux de retour aux joueurs plafonné, l'obligation pour les sites des opérateurs de comporter un modérateur de jeu permettant de détecter des joueurs à problème, ou encore l'affectation d'une partie des recettes sociales de ces jeux à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, qui participera activement à la lutte contre la dépendance.
La légalisation sera également profitable au monde hippique, puisque le ministre s'est engagé à ce que les opérateurs contribuent au financement de cette filière, qui représente plus de 60 000 emplois et joue un rôle considérable dans l'aménagement du territoire. De plus, elle mettra fin à la situation actuelle dans laquelle les sociétés de course voient se multiplier les paris illégaux.
Enfin, la légalisation sera profitable à la filière sportive dont je suis un ardent défenseur. Je pense d'abord à notre sport professionnel qui, par manque de compétitivité, semble trop souvent jouer dans la deuxième division européenne. L'ouverture du marché des paris en ligne constitue pour le sport professionnel une formidable opportunité, qu'il ne saurait être question de gâcher.
À ce titre, je me félicite que le projet de loi confirme clairement le droit de propriété des organisateurs sur l'exploitation commerciale de la compétition sous forme de paris.
Cette mesure est capitale à double titre.
Elle fait des organisateurs des compétitions sportives des acteurs incontournables de la régulation du marché, notamment pour l'encadrement des paris portant sur leurs compétitions. Ce point est essentiel afin de préserver les compétitions des risques liés à cette activité particulière.
La mesure garantit en outre à l'ensemble des acteurs de la discipline un retour financier solidaire par le biais de la centralisation et de la mutualisation des revenus générés par la concession des droits liés à l'organisation de paris. C'est pourquoi j'insiste tout particulièrement sur la nécessité de voter l'article 52 tel qu'il a été rédigé par le Gouvernement.
Je crois qu'en termes éthiques, et plus encore sur la question des paris sportifs, l'intérêt général est garanti par l'organisateur. Ce serait prendre de vrais risques que de laisser les clubs entrer en relation avec des opérateurs au-delà de la question du sponsoring. Celui-ci constitue, comme le partenariat, une autre opportunité formidable pour les clubs professionnels, puisqu'il va leur donner la possibilité de trouver de nouveaux partenaires financiers.
À ce sujet, permettez-moi de m'étonner que le Gouvernement ait refusé d'autoriser dès à présent la publicité sur les jeux en ligne. En effet, pour l'heure, parmi la vingtaine de clubs qui ont déjà contractualisé avec les sociétés qui seront sur le marché des partenariats, aucun n'a obtenu de ses partenaires des sommes importantes pour pouvoir pénétrer le marché de plus en plus difficile de la compétition française et européenne.
Les clubs professionnels ont beaucoup de mal à s'imposer sur la scène européenne, d'autant qu'il sont eux aussi touché par la crise. C'est pourquoi il est nécessaire de ne pas les priver trop longtemps de la manne financière que pourrait leur apporter cette activité particulièrement lucrative.
D'ailleurs, je ne vois pas ce qui, sur le plan juridique, s'oppose à donner aux clubs cette autorisation : lorsqu'un entrepreneur lance un nouveau produit sur le marché, rien ne l'empêche de communiquer sur ce produit au préalable.
Croyez bien, monsieur le ministre, que sur fond de crise, l'ensemble des clubs professionnels que j'ai interrogés attendent avec impatience cette autorisation.
Si le sport professionnel va largement tirer profit de cette légalisation, le sport amateur n'est pas pour autant oublié.
Le projet de loi prévoit en effet qu'un pourcentage des mises sur les paris sportifs, qui passera progressivement à 1,8 % en 2012, sera affecté au Centre national pour le développement du sport. De plus, ce prélèvement n'est pas plafonné, ce qui garantit des recettes supplémentaires pour cet établissement public destiné à soutenir le sport amateur.
Cette nouvelle ressource financière pour le CNDS constitue un signe fort envoyé au sport amateur français. Il serait encore plus fort si nous parvenions à porter le taux de prélèvement à 1,8 %, plus rapidement que ne le prévoit le texte, car c'est le niveau de prélèvement auquel est soumise actuellement la Française des jeux. L'égalité, me semble-t-il, devrait être rapidement atteinte.
Enfin, cette légalisation sera profitable aux finances de l'État puisque les opérateurs légaux devront s'acquitter d'une fiscalité qui, pour l'instant, lui échappe totalement.
Cette ouverture s'inscrit dans un contexte où le chiffre d'affaires du PMU et de la Française des jeux se développe. Ils ont pris toutes les mesures pour s'adapter à cette nouvelle situation. Je m'étonne donc de la position de blocage de l'opposition…
…face à une évolution législative qui va assainir le marché (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) et permettre aux sociétés autorisées de se développer en soutenant l'emploi et en apportant des moyens nouveaux au monde du sport sans compromettre les autres domaines.
Au-delà des quelques faiblesses que je viens d'évoquer et qui, je n'en doute pas, seront corrigées au cours des débats, c'est donc un texte pleinement équilibré qui nous est présenté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
En écoutant l'orateur, je me disais : c'est quand même beau, la foi.
Je ne reviendrai pas sur divers aspects qui ont été abordés, comme la question de l'urgence. On nous avance aussi que, puisque c'est illégal, il faut faire quelque chose. Cela devient un leitmotiv chez vous. Il y a quelques semaines, on nous disait à propos du travail du dimanche, que, puisque c'est illégal et que des gens ont commencé à le faire, il faut le légaliser. Il en va de même aujourd'hui. Je constate cependant que, pour la loi HADOPI, qui ne concernait pas les mêmes, l'avis a été opposé : il n'y avait rien d'illégal au téléchargement puisque rien n'était codifié, et vous l'avez rendu illégal. Je ne reviens pas sur les relations personnelles de tel ou tel qui ont pu jouer. On a bien compris qu'il s'agissait surtout de satisfaire l'avidité de certains et, au risque de déplaire à monsieur Depierre, ce n'est évidemment pas cela qui va relancer l'activité économique et l'emploi dans notre pays. Ce serait si simple…
Nous le savons tous, le jeu est très dangereux. Il présente un risque d'addiction, un risque pour la famille également dans beaucoup d'endroits, le risque enfin de servir au blanchiment de l'argent sale. Or ce risque était, jusqu'à présent, assez bien contrôlé par la réglementation sur les jeux et sur les casinos. Malheureusement, les dispositions qui vont être mises en place font courir le danger de faciliter le trucage ; cela s'est avéré dans d'autres pays qui ont adopté le même système.
Je veux ensuite souligner la contradiction dans vos propos. On va développer un secteur, dites-vous, et cela ne risque pas de bouleverser des équilibres. Or, si ces jeux sont officialisés, la filière hippique risque de souffrir. En Italie par exemple, elle a perdu 30 % des flux financiers. On ne peut donc pas dire qu'il n'y aura pas de conséquence – à moins que, pour rester au même niveau, on n'encourage à jouer, et c'est sans doute le plus grand risque. Actuellement, ce qui retient certaines personnes de jouer, c'est qu'il leur faut pour cela faire un certain nombre de démarches. Pouvoir le faire simplement et directement de chez soi va les désinhiber. Et qui cela concernera-t-il en premier lieu ? Beaucoup d'entre vous ont dû, comme moi, aller dans les salles de jeu de leur circonscription : on voit bien que ceux qui y viennent ne sont pas les gens qui ont les poches bien garnies, mais plutôt des gens qui rêvent. On va encore transformer le rêve en endettement pour certaines familles.
Mais il est vrai que cette question ne vous touche guère. Dans quelques jours nous examinerons un texte consacré à la réglementation du crédit à la consommation. On nous fera encore valoir pour les mêmes raisons – la crise, le développement économique – qu'il ne faut pas réglementer le crédit, mais laisser des familles continuer à s'endetter davantage, jusqu'à la ruine même, situation que nous connaissons bien.
Sur ce sujet comme sur d'autres, vous nous présentez toujours des projets dits a minima. On met le pied dans la porte ; quelques mois ou quelques années après, on enlève la porte, et c'est l'ouverture à tous les vents. Ce sera encore le cas ici.
Enfin, sans tomber dans la paraphrase, je ne peux m'empêcher de rappeler deux phrases célèbres. La première était « s'ils n'ont plus de pain, qu'ils mangent de la brioche ». L'autre est beaucoup plus récente : « s'ils ne peuvent pas payer le carburant, qu'ils prennent leur vélo ». Il ne faudrait pas qu'on en vienne à dire dans quelques mois « s'ils n'ont plus de pain, qu'ils jouent ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai entendu ce soir nombre de critiques contre ce projet. C'est sans doute parce qu'il innove et que c'est un grand projet…
..même si certaines critiques peuvent être légitimes.
J'en suis convaincu, nous avons à relever un certain nombre de défis. Dans un rapport que j'avais commis pour la commission des affaires européennes, j'identifiais deux défis principaux, à savoir les enjeux européens et les enjeux d'internet.
Ce soir, on peut penser que les enjeux européens ont changé de nature. L'arrêt Santa Casa constitue en effet une véritable gifle pour M. McCreevy et son « tout concurrence ».
Nombre d'avocats pensaient que, après l'arrêt Gambelli, après l'arrêt Placanica, le train de la Commission allait passer en force ; il y a eu un coup d'arrêt très net. Cela étant, attention. On sait qu'en matière européenne, je pense qu'il faut défendre la subsidiarité bec et ongles car c'est là que réside notre souveraineté ; il n'en demeure pas moins que Santa Casa n'est pas la Française des jeux.
Il faut donc être vigilant. Moi qui n'ai pas toujours confiance dans le système des juges, je préfère que l'on agisse sur le plan politique et que l'on négocie bien les accords internationaux plutôt que d'en déléguer ensuite l'interprétation à un système juridictionnel qui devient parfois totalement incontrôlable. Nous disposons donc d'un arrêt qui me confirme dans mes convictions, mais qui, pour autant, n'est pas un deus ex machina. N'allons donc pas trop vite.
Ensuite, il y a la planète internet, qui s'impose à nous. Nous ne reviendrons pas au temps de la marine à voile. Il est évident que nous devons lutter contre les dizaines de milliers de sites illégaux qui ponctionnent l'argent des joueurs – ils leur en rendent certes beaucoup – au détriment de la filière sportive, de la filière hippique, et des rentrées fiscales de l'État qui permettent quand même, entre autres, de mettre en place des aides pour le sport, d'entretenir nos écoles, etc. Il est donc tout à fait légitime qu'il y ait une fiscalité d'État sur les jeux, et je ne peux pas admettre que certains de nos compatriotes aient créé des sites justement pour y échapper. Il y a là une véritable fraude, qui doit cesser.
Vous proposez quand même un dispositif d'ouverture, mais maîtrisée et limitée pour l'instant – et pour longtemps encore je pense – aux jeux en ligne. C'était une demande de la Commission, mais aussi d'un certain nombre d'opérateurs afin de capter le jeu illégal et de le réintégrer dans le contexte normal économique et fiscal.
Laissez-moi vous dire une chose : ceux qui entreprennent auront toujours le dernier mot par rapport à ceux qui aboient quand la caravane passe.
En tout cas, vous nous proposez un système cohérent, c'est-à-dire une licence nationale, comme je le proposais d'ailleurs dans le rapport que j'ai mentionné, avec une autorité, l'ARJEL. L'enjeu est aujourd'hui de bloquer les sites illégaux, ce qui sera imparable. Il faut donner des moyens technologiques puissants, réglementer la publicité, assurer le suivi des paiements pour ceux qui veulent y échapper. Bien entendu, ce système ne sera pas parfait. Il n'en demeure pas moins que si l'on ramène au bercail, sur la base de licences nationales, avec un code de déontologie, la plupart des opérateurs qui sont aujourd'hui dans l'illégalité, on aura pratiquement gagné la partie.
Il y a aussi, bien sûr, des enjeux d'ordre public. Nous sommes ici dans un domaine qui ne relève pas du commerce ordinaire ou de prestations ordinaires. J'en suis d'accord, il touche à la protection des consommateurs, à celle des mineurs, à la question de la dépendance, qui est réelle, à la criminalité. Sur ces aspects, c'est à l'État de faire son travail et de mener une politique cohérente.
Il y a aussi des enjeux économiques et, à l'instar de certains d'entre nous, je m'interroge sur l'équilibre entre les paris sportifs et la filière hippique, voire les casinos.
Monsieur le ministre, le problème des paris à cote a été souligné par plusieurs députés. J'attends de votre part des propositions susceptibles de répondre aux questions posées. Dans l'histoire du jeu en France, les paris à cote ont laissé un très mauvais souvenir.
Au XIXe siècle, ils ont été à l'origine de très nombreuses fraudes, et il a fallu y mettre un terme. Si je reconnais que notre rapporteur a déjà fait de nombreux effort pour encadrer ces paris, je pense que « vous pouvez mieux faire », pour reprendre l'expression consacrée des bulletins scolaires.
Je suis persuadé que vous nous proposerez des solutions satisfaisantes. C'est une question d'équilibre : il faut maîtriser l'offre des jeux, garantir qu'elle se fait dans de bonnes conditions, éviter les fraudes et, enfin, permettre à l'ensemble du système économique d'en bénéficier. Quel que soit le côté de l'hémicycle où nous siégeons, il n'y a pas de différence : nous sommes tous intéressés par les courses hippiques, par les casinos et par le développement des sports dans nos communes.
Il faut avancer les yeux ouverts. Je suis de ceux qui pensent que le pari peut être relevé. Dix contre un, cher Gaëtan Gorce ; dix contre un que nous pouvons réussir !
En effet il y a de bonnes choses dans ce projet de loi : elles ne sauraient être passées sous silence. Le fameux article 52 du texte constitue à lui seul une petite révolution en précisant le droit de propriété des organisateurs des manifestations sportives. Désormais, ces derniers pourront, par voie contractuelle, bénéficier de l'existence des jeux, et cela au profit des fédérations sportives et du sport français.
J'accepte volontiers que l'on puisse se poser de multiples questions sur ce dossier. Je m'en suis posé, je m'en pose encore, mais si le diable se cache dans les détails, pour la première fois, nous essayons de construire une politique cohérente, ce qu'il faut saluer. Je me souviens que lors d'une de mes conversations avec Michel Charasse, alors ministre délégué au budget, je lui avais déjà fait remarquer que la Française des jeux c'était bien, mais qu'il existait une filière économique, la filière hippique, et qu'il fallait mener une politique cohérente.
Avec ce texte, nous devons enfin intégrer dans un projet cohérent le retour aux filières économiques, aux filières sportives, la fiscalité d'État et le respect de l'ordre public. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les orateurs de l'opposition qui m'ont précédé ont déjà parfaitement exprimé ce que nous devons penser de ce texte.
Entre la prohibition qui n'aurait guère de sens, chacun en convient, et la banalisation couplée à l'incitation, qui va favoriser toutes les addictions – monsieur le ministre, vous en prenez la responsabilité –, vous aviez la possibilité de dégager une voie acceptable et raisonnable. Cela n'a pas été votre choix car, comme toujours, des intérêts puissants veillaient au grain, et vous avez décidé de les entendre au-delà du raisonnable.
Pour ma part, je voudrais évoquer une question qui revient chaque fois qu'une loi concernant l'internet est débattue en France.
Depuis plus de dix ans, nous sommes nombreux, en particulier au Parlement, à réfléchir et à agir pour qu'internet ne soit pas un espace hors du droit. Les lois républicaines, et notamment la loi pénale, s'appliquent sur le net – ce qui ne signifie pas que cette application est facile sur un réseau mondial. Nous sommes également nombreux à considérer que l'état de droit ne doit pas être dégradé sous prétexte qu'il concerne le net. Le droit à un procès équitable ne doit pas disparaître quand l'internaute navigue sur les réseaux numériques.
La régulation du net est nécessaire. Elle peut prendre des formes particulières, les internautes y contribuent souvent en direct. Mais, quand il s'agit de questions essentielles, de nos libertés ou, à l'inverse, de crimes ou de délits, il convient alors de rappeler les principes de l'état de droit et, singulièrement, le rôle du juge.
En effet, depuis 2002, la tentation de court-circuiter les juridictions est permanente quand il s'agit de réguler des activités ou des contenus en ligne. Ainsi, en 2003, lors de l'examen du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, nous avions examiné dans la nuit des amendements de M. Ollier proposant de mettre en place des dispositifs pénalisant les hébergeurs, que le Parlement n'avait pas voulu accepter.
Ensuite, très récemment, dans la loi Hadopi I, le juge était déjà dessaisi au profit d'une autorité administrative. Le rapporteur nous dira sans doute, comme il l'a fait en commission, que les deux situations ne sont pas identiques et qu'il s'agit, avec ce projet de loi, de filtrer des sites et non de couper des accès.
Nous pouvons tout de même constater l'existence d'une dérive préoccupante : je vous invite à y réfléchir avant de légiférer.
L'accès à l'internet est désormais reconnu comme essentiel pour permettre l'exercice des libertés d'expression et de communication. Le Conseil constitutionnel a rendu une jurisprudence historique à ce sujet en redonnant toute sa place au juge. Il s'agit d'ailleurs sans doute du principal et même de l'unique bénéfice de la loi HADOPI.
Bien sûr, les causes généralement invoquées pour justifier les filtrages relèvent souvent de combats nécessaires et irrécusables. Mais le filtrage par une autorité administrative comporte plusieurs risques que vous semblez réellement sous-estimer : un risque juridique de voir peu à peu des autorités administratives se substituer aux tribunaux et un risque technologique dénoncé sur tous les bancs, celui du « surblocage », celui du zèle des opérateurs invités à filtrer large sous peine de sanctions. Il y a aussi le risque de l'impuissance face au réseau numérique et, enfin, le risque qu'une dérive fasse du filtrage ou du blocage l'arme ultime quand la réalité du monde numérique échappe – ce qui est visiblement votre cas en matière de jeux en ligne.
Le filtrage, c'est l'illusion sécuritaire avec ses dégâts collatéraux. Cette illusion sécuritaire est d'ailleurs devenue, monsieur le ministre, la marque de fabrique de votre gouvernement. Pourtant, pour les jeux en ligne, comme pour les autres sujets, le Gouvernement ne règle rien : les contournements et les cryptages sont légion et, au fond, c'est se désarmer que de s'en remettre au seul filtrage.
Mais, faute de trouvez d'autres parades, comme celles que permettrait la coopération internationale, vous tentez de présenter le filtrage comme un bouclier magique. Cet après-midi, nous avons pourtant entendu en souriant le Premier ministre nous annoncer, à cette même tribune, que les paradis fiscaux avaient disparu : s'ils peuvent disparaître grâce à la coopération internationale, il doit bien être possible de faire quelques progrès en matière d'investigation et de répression en ce qui concerne les sites illégaux, sans mettre en danger le fonctionnement de l'internet.
Car pour l'internet, on voit déjà poindre les dégâts collatéraux : le filtrage se transformera, tôt ou tard, en attaque contre la liberté d'expression. Or ces atteintes sans contrôle du juge présentent des perspectives inquiétantes pour l'avenir du net.
Mais finalement, monsieur le ministre, faudrait-il filtrer si on ne s'apprêtait pas à ouvrir un très grand casino planétaire ? Dans votre éloge d'un filtrage sans aucune garantie juridique sérieuse, il y a déjà l'aveu d'échec d'une régulation uniquement rendue nécessaire par vos propres turpitudes.
L'internet ne doit pas être l'otage des tables de jeux électroniques que vous voulez offrir au monde entier. Je répète ce que vous ont dit avant moi tous les députés socialistes : nous ne serons pas les complices bienveillants de cette prise d'otage de l'internet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, je traiterai, pour ma part, du volet sportif de ce projet de loi, en renouvelant mes regrets quant à l'absence de sollicitation pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation à laquelle j'appartiens. Cette dernière aurait pourtant eu son mot à dire sur un texte dont les conséquences sur le monde du sport ne sont pas négligeables.
Je concentrerai mon propos sur trois points relatifs à ce sujet.
Le premier concerne les risques que le développement des paris sportifs en ligne fera peser sur les compétitions sportives.
La menace n'est pas nouvelle, mais les risques de tricheries et de fraude ne feront qu'augmenter avec la mise en oeuvre de cette loi. Malheureusement, le procédé est connu : on approche un joueur favori dans une compétition et on lui demande de « laisser filer » en échange d'une somme supérieure à celle qu'il aurait gagnée en remportant sportivement la compétition. Je citerai, par exemple, le doute qui a entouré le match du tennisman russe Nikolay Davydenko, alors quatrième joueur mondial, qui lors d'un tournoi en Pologne, en 2007, a été battu par un challenger argentin quasiment inconnu. Alors qu'il avait remporté le premier set, il perdait le second, puis abandonnait au troisième en raison d'une blessure. Deux jours plus tard, le site de paris en ligne Betfair décidait d'annuler les enjeux de ce match : 5 millions d'euros avaient été misés sur une victoire du joueur argentin ! Le même Davydenko sera condamné quelques semaines plus tard pour « manque de combativité » face à son adversaire dans le cadre d'un autre tournoi.
Quelles sont les conséquences de ce phénomène ? Tout d'abord, il risque d'instiller un doute de plus en plus important sur la sincérité des compétitions et sur leurs résultats. Nous pouvons évidemment établir un parallèle avec la pratique du dopage qui jette le discrédit sur des performances sportives sortant de l'ordinaire. Par ailleurs, désormais, quand le champion en titre d'une discipline essuiera un revers inattendu, le public ne pourra s'empêcher de se demander s'il n'y a pas eu anguille sous roche, baleine sous gravillon, ou tout simplement billet sous table. Ce risque de suspicion généralisé est dangereux pour le sport, pour son image et pour ses valeurs.
Il s'agit d'un fléau pour le mouvement sportif et pour les millions de bénévoles qui le font vivre, ce qui explique notre exigence concernant les types de paris autorisés et les types de compétions qui pourront faire l'objet de paris, sujets que nous traiterons lors des débats sur les articles 7 et 52.
Deuxième conséquence du développement des paris sportifs : ils constituent un détournement de ce que doit représenter le sport dans notre société.
Je ne répéterai pas ce qui a été dit sur la publicité : elle est la clé de ce texte, et la motivation principale des opérateurs de jeux et de paris. Sa légalisation sur les chaînes de télévision et de radio, sur internet, et même sur les réseaux de téléphonie mobile rendra d'autant plus irrésistible la tentation de parier systématiquement sur les compétitions.
Mieux encore : le téléspectateur parieur se retrouvera devant son poste de télévision pour regarder un match exclusivement diffusé par la chaîne qui aura acquis les droits audiovisuels du championnat, tandis que la même chaîne fera de la publicité pour une société de paris en ligne qu'elle détiendra partiellement ou totalement, puisqu'on ne trouve aucune disposition anti-concentration dans le projet de loi. L'incitation à jouer sera énorme ; elle fait courir un véritable danger au sport.
En effet, créer ainsi une habitude, un réflexe de pari c'est déplacer l'enjeu sportif vers l'enjeu financier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) La vision du sport n'est plus la même, elle n'est plus désintéressée et tournée vers l'exploit sportif : ce dernier est désormais remplacé par l'appât du gain.
Par ailleurs, on sait que pour beaucoup de jeunes, les sportifs et notamment les footballeurs sont des modèles, auxquels ils s'identifient. Je ne crois pas qu'il soit réactionnaire, conservateur, ni même sentimental de dire que nous devons faire en sorte, de concert avec le mouvement sportif, que l'image du sport et des sportifs qui comptent soit celle d'hommes et de femmes qui font du dépassement de soi un objectif quotidien, qui visent l'excellence, qui savent perdre ou gagner avec loyauté, et non pas celle de têtes de gondoles d'opérateurs de paris ou de sites de poker en ligne.
Je souhaite maintenant insister sur un deuxième point relatif au financement de la filière sportive
Nous aurons l'occasion de reparler du budget du sport en général et de celui du CNDS en particulier, mais tout de même : jusqu'où devons nous aller dans la perspective de grappiller quelques petits sous ?
Ce que l'on nous propose – le paradoxe est incroyable mais indiscutable –, c'est de financer le sport grâce à une activité économique qui représente une menace pour l'intégrité des compétitions. Le tout, à l'heure où sport et santé sont placés sous la même enseigne ministérielle et où, dans le même temps, l'activité en question constitue un problème de santé publique majeur !
Alors, bien sûr, on cherche à obtenir quelques décimales supplémentaires pour le financement du sport pour tous via le CNDS, parce que « c'est toujours ça de pris » et que le budget du sport est tellement inexistant au sein du budget de l'État qu'on aurait tort de ne pas sauter sur l'occasion.
C'est malheureusement vrai, et ce sont les seuls outils parlementaires dont nous disposons. Certains de nos amendements vont bien sûr dans ce sens et nous espérons que vous serez sensibles à nos propositions de mutualisation des recettes tirées des contrats passés entre opérateurs et organisateurs de compétitions.
Il ne faut tout de même pas se cacher que, s'agissant du CNDS, les sommes en question sont dérisoires – 200 millions d'euros environ – au regard de l'enjeu que représentent les équipements sportifs sur tout le territoire : elles suffisent tout juste, à la louche, pour construire trois piscines, un gymnase et trois vestiaires.
Je rappelle la promesse du candidat Nicolas Sarkozy de porter le budget du sport à 3 % du budget de l'État.
Or nous atteignons à peine 0,2 %. Ce n'était pas une promesse anodine : elle avait suscité beaucoup d'espoir chez les sportifs, les bénévoles, les agents du ministère, les pratiquants... Une fois de plus on a communiqué, affiché et provoqué de la souffrance en abandonnant des engagements qui avaient pourtant du sens dans ce milieu. Aujourd'hui, on bricole et le financement du sport n'a aucune lisibilité ni aucune cohérence, ce texte se révélant particulièrement emblématique en la matière.
Enfin, troisième point, je souhaite aborder la question de l'article 52 qui renforce le droit de propriété des fédérations sur les compétitions qu'elles organisent – un droit déjà en vigueur mais qui méritait d'être conforté.
Cet article nous est vendu comme un bras de levier accordé au mouvement sportif face aux sociétés opératrices de paris. Comme son consentement est requis, l'organisateur sera en mesure d'imposer son propre cahier des charges en ce qui concerne les modalités de paris. Pourtant, rien dans le texte ne mentionne ce sujet spécifique ; c'est pourquoi nous vous proposerons un amendement rendant son insertion obligatoire dans les contrats négociés.
Je reviens maintenant sur la disposition contenue dans l'alinéa 9 de cet article, introduit à une heure fort avancée de la nuit au cours des débats en commission, avec un avis défavorable du Gouvernement. Cette disposition, qui n'avait fait l'objet d'aucune concertation avec le mouvement sportif, vise à permettre aux sociétés sportives de négocier au cas par cas et en direct avec les opérateurs de paris les conditions d'exploitation de leurs marques, de leurs bases de données et de leur image. Il s'agit là d'une véritable rupture avec la gestion collective qui a toujours fait la force du sport français, fondée sur un lien fort de solidarité entre sport amateur et sport professionnel, intra et intersport.
Un premier ballon d'essai avait été lancé par Frédéric Lefebvre lors des débats sur la loi de modernisation de l'économie, qui visait à permettre aux sociétés sportives de droit privé d'organiser des compétitions en lieu et place des fédérations. L'amendement avait été rejeté mais le débat a resurgi par le biais de l'amendement adopté tard dans la nuit en commission. Nous y reviendrons et j'espère vivement que nous allons régler définitivement cette question afin de servir l'ensemble du sport français selon le principe de solidarité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons un texte important puisque faisant appel à de nombreuses dimensions de la société française. Nous sommes face à la création d'un marché et d'une nouvelle législation qui va l'encadrer. Ses conséquences économiques, sociales, juridiques et même culturelles ou éthiques sont très nombreuses et nécessitent une ligne directrice voire une réflexion sur leur conformité à nos valeurs républicaines. Il s'agit d'un vrai débat de société, nous sommes tous d'accord sur ce point, et il est heureux que nous en discutions au sein de cet hémicycle.
La France, monsieur le ministre, est observée très attentivement par l'ensemble des pays européens,…
…car elle a choisi, par la voix du Gouvernement, de prendre la responsabilité de créer un modèle Français.
, rapporteur pour avis. Pas sur Internet, la question que nous abordons est nouvelle !
Je parle de modèle français d'un point de vue législatif, mes chers collègues.
Nous devons créer ce modèle en nous appuyant à la fois sur nos conceptions de protection des citoyens, sur les principes particuliers à la France et inscrits dans la Constitution de la Ve République, et en même temps sur la nécessité de réguler une activité aujourd'hui débordée par l'invasion des opérateurs illégaux, sans contrôle de l'équité des jeux, sans restitution à l'État de la fiscalité qui lui serait due et sans connaissance de l'origine des financements des opérateurs ou même des joueurs, avec tous les risques de blanchiment qui y sont associés, sans encadrement, enfin, des conséquences sur les comportements de dépendance sur le territoire national.
Vous le savez, mes chers collègues, les jeux de hasard et d'argent sont interdits en France pour des raisons tout à fait compréhensibles d'ordre public. Ils sont autorisés, par exception, à être gérés par des organismes qui en ont le monopole dans leurs domaines respectifs, je pense au PMU et à la Française des Jeux. Ils peuvent être aussi exceptionnellement autorisés par le biais des casinos dans le cadre d'autorisations très encadrées et délivrées par l'État français.
Pour chacun, il a toujours existé un motif et des objectifs de financement d'oeuvres sociales ou de causes nationales ou d'intérêt général. C'était le cas pour la loterie nationale dont les premiers émetteurs, en 1936, étaient les blessés de guerre – les gueules cassées étant les plus célèbres –, pour les paris sportifs avec la création du loto sportif dont 30 % des enjeux étaient, en 1985, dévolus au FNDS – on l'a oublié –, donc avec un objectif prioritaire de financement du sport en France. Cela a toujours été le cas aussi pour le financement de la filière hippique française vers lequel l'organisation des courses est tout entière tournée. Enfin, les autorisations d'ouverture des casinos sont notamment soumises à des motifs de développement des activités touristiques locales, avec des retours financiers importants au profit des collectivités territoriales.
Ainsi, les jeux sont non seulement très encadrés, mais ils constituent aussi un monopole permettant de respecter cet objectif d'intérêt général, ou d'intérêt public, pour employer une expression plus européenne. C'est le cas des jeux distribués aussi bien dans des réseaux physiques que sur Internet. Ce monopole de l'État Français permet bien sûr une régulation du marché et même un encadrement très précis des choix des entreprises contrôlées par l'État.
À ce titre, on peut se poser des questions au sujet du Rapido, jeu qui comporte des aspects très contestables en regard des addictions qu'il suscite. Comme l'a rappelé le ministre, c'est Mme Parly, secrétaire d'État de Lionel Jospin, qui a directement signé son autorisation. C'était une exception étonnante et, devant les tribunaux européens, c'est peut-être la seule faille à notre modèle français. Ainsi, malgré la teneur des motions qui viennent d'être présentées, il faut bien convenir que cette faille est d'origine socialiste. J'ai été très étonné que notre collègue Delaunay défende cette option en la comparant avec les machines à sous dans les casinos, Mme Parly ayant bien procédé à une première en introduisant ces appareils dans les cafés.
La finalité de cette organisation nationale n'obéit donc pas aux principes de libre entreprise ou d'économie de marché comme n'importe quelle autre activité commerciale, et je crois qu'en la matière, c'est une bonne chose. L'objectif premier n'est pas la réalisation libre de bénéfices commerciaux privés, mais d'avoir une offre limitée quoique suffisante pour éviter les effets pervers de la prohibition.
Le but poursuivi n'est donc pas capitalistique, mais de redistribution publique par l'État ou par des prélèvements destinés à des fonds spéciaux. Aujourd'hui, le modèle français, c'est cela. Il est directement issu de principes de droit romain qui se justifient particulièrement dans ce domaine, puisque la morale qui les sous-tend suppose que la loi s'impose à tous pour organiser la vie économique et sociale.
À côté de ce modèle français, il en existe d'autres issus du droit anglo-saxon. Même si celui-ci a souvent soumis les autorisations accordées aux opérateurs – bookmakers, salles de bingo – à des redistributions accordées aux oeuvres sociales, il part du principe inverse au nôtre : il accepte d'abord la réalité des jeux et de l'existence des opérateurs qui sont d'emblée autorisés à opérer à condition qu'ils se soumettent aux règles définies par la loi.
Alors qu'en France on inscrit dans la loi ce que l'on veut autoriser, dans la plupart des pays anglo-saxons, c'est l'inverse : tout est autorisé et l'on inscrit dans la loi ce que l'on veut interdire.
C'est aussi la différence entre un marché libéralisé et un marché avant tout régulé.
Votre régulation, c'est du provisoire ! La porte est ouverte au marché libéralisé !
Mais la porte est déjà grande ouverte, et à double battant, monsieur Chassaigne !
Le marché français n'est pas libéralisé ! C'est une différence fondamentale et c'est aussi à ce niveau que se situe le débat européen, et à mon sens le combat de la France.
Internet, comme pour beaucoup d'autres sujets, est venu bouleverser la donne dans la mesure où certains considèrent que tout y est libre et que les opérateurs y sont inaccessibles. D'abord, j'insiste sur le fait que ne rien faire, ce n'est pas défendre le modèle français. Défendre le modèle français, c'est créer une législation française fondée sur les principes qui sont les nôtres et que je viens d'évoquer. L'arrêt de la Cour européenne de justice Santa Casa a levé les doutes que certains avaient sur ce sujet.
Oui, le principe de subsidiarité s'applique dans le domaine des jeux de hasard et d'argent,…
…et oui, la législation peut être nationale. Pour nous, elle doit être nationale.
Le projet que nous examinons, monsieur le ministre, répond-il à ces objectifs ?
D'abord, il conforte ces principes pour ce qui est de la distribution physique, ou « en dur », notamment par des monopoles nationaux. De ce point de vue, chacun devrait s'en réjouir, sur tous les bancs de cette assemblée. Le présent texte, concomitant à l'arrêt Santa Casa, ferme la porte au débat sur la supposée illégitimité de ces monopoles. Il protège définitivement ceux-ci alors que les dix dernières années avaient semé le doute dans certains esprits troublés par des avis de la Commission européenne. Il ne s'agit donc pas du tout d'une libéralisation rampante : c'est exactement l'inverse.
Sur la question de l'ouverture à la concurrence des opérateurs de jeux en ligne, la question centrale est d'abord de savoir si elle constitue une entorse au modèle de société français, comme l'a soutenu Gaëtan Gorce. La réponse est non.
Je suis très attaché, avec le groupe UMP, à ce modèle, et c'est ce qui nous guide dans ce débat.
Certains pensent que l'immobilisme législatif est la meilleure défense. Tout prouve le contraire. Nous n'avons aucune objection de principe à la prohibition totale, sauf qu'elle ne marche pas. De ce point de vue, le modèle allemand, fondé sur ce choix, est un échec total, avec le record européen du chiffre d'affaires des jeux illégaux, qui connaît une croissance exponentielle.
Pour protéger le modèle français, aurions-nous dû défendre nos monopoles et une prohibition de tous les autres opérateurs sur internet, comme c'est le cas en ce moment ?
Et là, je m'adresse à mes amis de gauche. Madame Delaunay, vous décrivez un avenir totalement sauvage, alors que c'est précisément aujourd'hui qu'il l'est sur internet. N'avez-vous pas déclaré en commission être submergée de spams vous invitant à jouer sur des sites étrangers, risquant toutes les arnaques possibles, sans aucun organe de contrôle tel que nous voulons en créer aujourd'hui avec l'ARJEL ?
Comment lutter contre cette situation ? La réponse est simple : il s'agit d'appliquer les principes que nous avons toujours utilisés dans un domaine similaire, celui des casinos et des cercles de jeux. Il se trouve que ce fameux modèle français est déjà ainsi construit et n'est viable qu'en créant, dans certains domaines, des espaces très restrictifs et contrôlés par l'État.
Nous avons déjà, en France, des opérateurs privés qui ont reçu une autorisation du ministère de l'intérieur et dont l'activité est limitée de façon draconienne : ce sont les casinos. Voilà longtemps que l'on sait qu'il s'agit du seul moyen efficace de lutter contre les jeux de casinos et de table clandestins. Notre collègue Filippetti a cité des noms, ceux d'opérateurs de casinos, notamment, en les clouant au pilori. C'était étonnant dans la bouche d'une députée membre d'un parti qui a longtemps été au Gouvernement et qui a géré ces activités, qui les a même développées. Nous sommes en République française et c'est elle que vous accusez ! (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)
Ces citoyens, qui ne sont pas aujourd'hui opérateurs sur internet, se plient à la loi française comme ils se plieront demain à celle que nous allons voter. Et l'on peut s'étonner que nos collègues socialistes fassent semblant d'ignorer le fait que délivrer des autorisations à des opérateurs privés n'est pas du tout un phénomène nouveau en France. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
J'espère, madame la présidente, que j'aurai droit à quelques secondes supplémentaires.
Un tel dispositif existe déjà et vise à protéger les joueurs, d'une part, et à étouffer et à poursuivre plus efficacement les clandestins et les professionnels de l'arnaque, d'autre part.
Si je me réfère à cette grille d'analyse, je constate que ce texte se présente comme une restriction du marché et des possibilités de jeu et nous ne devons pas en avoir honte.
D'abord parce que le taux de fiscalité, plus élevé que dans la plupart des autres pays, et le taux de redistribution aux joueurs, plus bas qu'ailleurs, ont été établis précisément dans une volonté de modération des comportements compulsifs. Ensuite, ces mêmes taux permettent, contrairement aux allégations que nous venons d'entendre, une redistribution par l'État, et donc dans l'intérêt public, plus importante que n'importe où ailleurs. Au point, il convient de le remarquer, que tout le monde doute de l'importance des bénéfices potentiels à réaliser demain dans l'espace français.
Ce même taux de redistribution sur les paris sportifs – à hauteur de 80 à 85 % – permettra de lutter efficacement contre les pratiques de blanchiment par le betting exchange, qui permettent au crime organisé de couvrir ses pertes. On reste dans l'axe national qui a toujours été celui de la gestion des jeux en France.
Toujours en ce qui concerne cette dimension restrictive, j'ai écouté attentivement nos collègues de gauche rappeler en particulier que le ministre du budget n'avait pas prévu d'augmentation du marché. Il l'a fait à juste raison et je crois que la maîtrise de ce marché sera un gage de notre réussite. Du reste, pour qui se penche un peu sur les éléments techniques du projet de loi et de l'organisation générale du marché actuel, le risque d'une augmentation du nombre de joueurs – je le dis pour André Chassaigne dont je salue au passage la mesure de l'intervention – est largement évité.
Les contrôles à l'inscription pour les joueurs, l'abondement d'un compte ou la limitation des mises constituent un barrage évident au jeu spontané, surtout lorsque, en France, existent en parallèle 15 000 points de vente de la Française des Jeux et des milliers du PMU, où chacun peut jouer sans procédure particulière.
Le problème sur lequel il faudra se concentrer, est celui de la surveillance des mises individuelles, qui sera rendue possible par la nouvelle loi, ce qui devrait renforcer la position que la France a toujours tenue.
Les principes étant acquis – et ils me semblent respectés dans le texte –, il reste que le diable se cache aussi, bien souvent, dans les détails, comme l'a souligné notre ami Jacques Myard. Il ne vous étonnera pas, monsieur le ministre, que je soulève, une fois encore, deux questions particulières.
La première concerne le sort des opérateurs présents en ce moment, donc illégaux. Il leur sera demandé, passez-moi l'expression, de remettre les compteurs à zéro en fermant leurs comptes joueurs et en ne réutilisant pas leurs fichiers. On ne peut pas considérer cela comme suffisant au regard de la loi française car, vous l'avez confirmé, ils opèrent en ce moment en toute illégalité. Il ne serait donc pas normal que le fait d'avoir enfreint la loi actuelle constitue pour eux un avantage compétitif sur ceux qui la respectent. Ce serait un encouragement à entrer sur le marché avant le vote de la présente loi.
La seconde vise évidemment l'article 52. Il franchit, pour moi, la ligne jaune de notre volonté d'orienter le projet de loi dans le sens de l'intérêt général, et il risque de rompre la cohérence du texte dans notre volonté de respecter la doctrine de notre droit français.
S'agissant du droit au pari, d'abord, on crée une possibilité de négociation directe, contractuelle, entre les opérateurs de jeux et les organisateurs d'événements sportifs. C'est une nouveauté qui me surprend. D'un côté, on interdit toute relation capitalistique entre ces deux univers, pour éviter les conflits d'intérêt, et de l'autre, on accepte une contractualisation entre des ligues ou des fédérations et les opérateurs, individuellement, avec, à la clé, des versements de droits ou de royalties dont on ne sait pas s'ils seront différents, et comment ils le seront, entre les uns et les autres, et négociés sur des bases totalement libérées.
L'arrêt Santa Casa a d'ailleurs normalement réglé cette question de manière implicite, en disant qu'il convient de tenir à l'écart les organisateurs des paris sportifs de tout conflit sportif, ainsi que les organisateurs de l'événement sportif du pari. Or les conflits ne manqueront pas, puisque le projet situe le droit dans une démarche contractuelle. Dans ce sens, quarante-sept pays organisateurs de paris sportifs en Europe ont déjà signé un code de bonne conduite faisant respecter ces règles de stricte séparation.
Par ailleurs le mécanisme inscrit dans la loi, n'est pas non plus conforme à la notion d'intérêt général qui a permis de financer jusqu'à aujourd'hui l'ensemble du sport français au travers du CNDS. On le sait, 90 % des paris seront faits sur le football. Qu'en sera-t-il des autres fédérations ? Pourquoi ne bénéficieraient-elles pas de ce nouveau marché ? Pourquoi multiplier et segmenter les recettes provenant des jeux en ligne ? Je ne voudrais pas que cette loi, par ailleurs très bien faite, favorise l'émergence d'un sport à deux vitesses : d'un côté, les fédérations médiatisées, à vocation professionnelle, et de l'autre, celles peu médiatisées, à vocation amateur, mais pour lesquelles les retombées financières provenant des sources privées seront nulles.
Enfin, si l'on parle beaucoup de droit au pari, c'est d'un droit de propriété général, opposable à tous, qu'il s'agit en réalité dans le projet de loi. Je suis donc très étonné que l'on ne soit pas allé plus au fond de ce droit en matière de conséquences générales sur les libertés fondamentales, notamment la libre circulation de l'information, comme l'a fait le Conseil d'État.
Toute utilisation à des fins commerciales des éléments caractéristiques, parmi lesquels sont nommés les résultats, les calendriers, les statistiques, devront faire l'objet de paiements de droit. Qu'en sera-t-il, monsieur le ministre, mes chers collègues rapporteurs, de jeux autres que les paris, donc commerciaux, faisant référence à ces éléments ? On pourrait citer, mais je ne le ferai pas, le Trivial Pursuit, ou encore certains jeux télévisés. Qu'en sera-t-il devant les tribunaux, alors que les résultats publiés sont aujourd'hui dans le domaine public ? Qu'en sera-t-il des émissions radios et télé, non journalistiques mais de pronostics et de commentaire, ainsi que des éditeurs, tous et toutes à vocation commerciale ? Qu'en sera-t-il des voyagistes, qui organisent des déplacements sur les matchs en fonction des calendriers, et que certaines fédérations ont déjà traduits devant les tribunaux ? Ils ne sont pas protégés.
Monsieur le ministre, je regrette que l'on n'ait pas mutualisé ces droits en allant plus loin, comme l'ont fait d'autres professions, par exemple les auteurs et compositeurs, avec la création de la SACEM ou de la SACD. On aurait très bien pu imaginer une SACEM des sports. Mais je crois qu'il faudra pour cela aller au-delà de ce projet de loi. Comment se fait-il que nous ayons pris le risque de conflits, qui ne manqueront pas, à mon avis, de se produire ? C'est une entorse dommageable, dans un projet qui, par ailleurs, est tout à fait attendu. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
Ce débat a été intéressant, au-delà des outrances, que j'ai condamnées en leur temps. Il m'apparaît de plus en plus que ce texte de loi était nécessaire. C'est notre fierté que de faire évoluer notre modèle, parce que le monde a changé, et parce que l'offre de paris, tout comme les outils techniques, nous y poussent. En même temps, nous inventons un modèle qui respecte les fondements de celui que nous quittons. Le modèle actuel, celui des jeux physiques, des jeux en dur, est sous monopole. En ce qui concerne cette nouvelle manière de communiquer qu'est internet, nous adoptons un autre modèle.
Lorsque nous avons ouvert ce dossier, les questions que vous vous posez, nous nous les sommes posées exactement de la même manière. Et l'on pouvait y répondre de plusieurs manières.
La première réponse possible était de tout interdire. On considérait alors qu'il n'est pas bon qu'internet véhicule des jeux en ligne, et on l'interdisait. C'est la solution allemande. C'est la solution américaine. Le jeu en ligne est proscrit. Résultat : le jeu légal diminue chaque jour, et le jeu illégal progresse chaque jour.
Les Allemands se posent beaucoup de questions, et ils regardent très attentivement ce qui se fait en France. Les Américains se posent exactement les mêmes questions. Il ne sert à rien de se donner le sentiment d'être vertueux alors qu'en réalité, tout se passe ailleurs. En effet les outils de lutte contre les sites illégaux, contre l'avalanche de sites illégaux, contre le bombardement de sites illégaux auquel ont affaire ces États, se révèlent alors inefficaces.
Une deuxième solution était possible. Elle a été exposée par certains d'entre vous. Elle aurait consisté à donner à la Française des Jeux et au PMU le monopole des jeux en ligne, tout comme ils ont le monopole des jeux en dur. C'est, au fond, la situation actuelle. En rester là, c'était accepter, finalement, qu'il y ait une série de sites illégaux très difficiles à combattre,…
…avec un environnement juridique extraordinairement fragile, et avec des outils techniques peu adaptés à ce déferlement.
On pouvait se dire : dopons le PMU (Rires) – si j'ose dire ! – dopons la Française des Jeux. Faisons en sorte que ces deux monopoles d'État, ou en tout cas proches de la sphère publique, combattent les sites illégaux en asséchant leur offre par une augmentation de leur propre volume d'activité.
À cet égard je vous rappelle quand même que la Cour de justice des Communautés européennes n'a pas commencé à dire le droit avec l'arrêt Santa Casa, lequel confirme ce qu'elle avait déjà dit à travers l'arrêt Placanica, à savoir qu'il faut des réponses proportionnées, du point de vue de l'offre de jeux et des modalités d'organisation des pouvoirs publics.
Dans l'arrêt « Commission des communautés européennes contre Royaume d'Espagne », qui est encore plus récent que l'arrêt Santa Casa puisqu'il date du 6 octobre dernier, la Cour de justice des Communautés européennes reprend l'idée que la régulation doit être proportionnée et non discriminatoire.
Une régulation proportionnée est une régulation qui empêche, par principe, tout monopole de se prévaloir de l'ordre public – la lutte contre l'addiction, par exemple – pour assécher par sa propre expansion une offre illégale touchant des millions de gens. Dans ces conditions-là, cette expansion est, par principe, disproportionnée. Cela nous donne un environnement juridique qui est, franchement, très difficile et très fragile. On ne peut pas – sans jeu de mots – jouer à ça. Sinon on perdra dans les plus mauvaises des conditions, c'est-à-dire en n'ayant jamais fixé nos propres règles.
La vraie question que l'on doit se poser est celle de savoir que veut l'État français. Quelle est la position au fond du Gouvernement français face à une situation extrêmement claire, avec des gens habitués à jouer sur internet, avec des groupes organisés, et avec des tribunaux, notamment la CJCE, dont le droit n'est pas, c'est le moins que l'on puisse dire, totalement stabilisé ?
Notre réponse est équilibrée et je remercie, entre autres, Bernard Depierre, Nicolas Perruchot, Yves Censi et Jacques Myard, d'avoir noté, tout en exprimant leurs propres idées personnelles sur ce sujet, que la réponse du Gouvernement était cohérente, proportionnée et claire : oui, le pari en ligne est autorisé ; non, il n'est pas autorisé dans n'importe quelles conditions. Et celles que nous dictons sont très précises, régulant cette ouverture.
Nous sommes en face d'un marché, et un marché, on le régule.
Il n'y a pas de liberté d'accès à ce marché sans régulation. Celle que nous proposons est très claire ; elle est raisonnable, elle est cohérente, elle est proportionnée.
J'ai entendu certains d'entre vous dire, ou laisser entendre, car cette idée était d'une certaine manière à l'arrière-plan de leur discours, que nous pourrions favoriser la corruption ou le blanchiment. Comme si nous pouvions être soupçonnés de cela, alors que tout le mécanisme de régulation vise justement à lutter contre la corruption et le blanchiment !
Cette législation, cette nouvelle manière de voir, s'appuyant sur des fondamentaux français était nécessaire. Nous pouvons être fiers d'avoir su la présenter à l'Assemblée nationale.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Sur l'article 1er A, je suis saisie d'un amendement n° 970 .
La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.
Il s'agit d'un amendement important, situé en préambule de ce texte. Il vise à faire en sorte que le texte tire pleinement les conséquences de ce fameux arrêt Santa Casa, que la Cour de justice des Communautés européennes a rendu après les travaux de notre commission en juillet dernier. Notre texte doit s'inspirer intégralement du respect du principe de subsidiarité. Cela signifie qu'il est exclusivement de notre compétence nationale de déterminer le cadre dans lequel les jeux de hasard et les paris peuvent être régulés en France.
Ce principe de subsidiarité veut bien dire – et il est essentiel de le souligner pour la suite de l'examen de ce texte – que nous ne pouvons pas arguer, ni les uns ni les autres, de règles européennes qui s'appliqueraient au domaine du jeu. C'est l'exercice de notre droit souverain que de le réguler en France.
À partir de ce principe de subsidiarité, nous devons respecter pleinement les règles d'intérêt général, qui sont d'ailleurs le fondement de la plupart des organisations de jeux et de paris, ce qui a été rappelé à l'instant par notre collègue Yves Censi, et par Jacques Myard avant lui.
Par ailleurs, il faut que ce texte prenne en compte, à chaque moment, les considérations relatives à la sécurité publique, à la prévention de l'addiction, à la lutte contre la criminalité.
La parole est à M. Jean-François Lamour, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
Cet amendement nous permet d'aborder un peu plus sur le fond l'arrêt Santa Casa, dont je note qu'à aucun moment, dans aucun de ses attendus, il ne fait référence au principe de subsidiarité. Néanmoins, peu importe, car sur la philosophie de ce principe, monsieur Giscard d'Estaing, je vous rejoins totalement.
D'abord l'arrêt Santa Casa souligne qu'il ne peut pas y avoir distribution d'agrément de manière automatique. Ce n'est pas parce que vous avez obtenu l'agrément dans un pays de l'Union que vous pouvez automatiquement l'utiliser sur le sol français. Nous répondons immédiatement à cette question puisque nous-mêmes demandons à l'ARJEL, en tenant compte des agréments déjà obtenus dans d'autres pays, de vérifier, selon un certain nombre de principes, les dispositions techniques, d'éthique, de transparence des opérateurs qui sollicitent cet agrément.
Ensuite, l'arrêt indique qu'il ne peut y avoir d'ouverture à la concurrence sur les jeux de pur hasard. C'est ce que nous faisons puisque la Française des jeux conserve le monopole de tous les dispositifs de jeux de hasard, ainsi que les casinos. Je rappelle que seul le poker est autorisé en ligne pour les jeux de cercle. Tout le reste est du domaine des casinos en dur, en particulier la roulette et les bandits manchots, dont on sait le côté particulièrement addictif.
L'arrêt Santa Casa demande encore de mettre en place un dispositif de protection du joueur. Nous le faisons. Même si l'on peut critiquer le process de l'autorégulation, du centre d'appel, des CSAPA, ces centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie qui mettent en relation des joueurs excessifs avec des experts, le dispositif est mis en place, il existe et il est financé.
Enfin, l'arrêt précise qu'en matière de distribution de paris sportifs, il faut faire attention aux problématiques de corruption. L'article 52 du projet de loi répond parfaitement à cette préoccupation. Il prévoit que l'organisateur détenteur de droits devra obtenir des assurances de la part de l'opérateur en ligne, en particulier en matière de type de jeux autorisés. Je pense par exemple à l'interdiction de parier sur tout geste négatif : une main ou un carton jaune au football ne pourront en aucun cas faire l'objet de paris, non plus que les compétitions de très bas niveau, de type amateur ou junior, par exemple. Ce sera le rôle de l'ARJEL de chapeauter la discussion de ce droit aux paris entre l'opérateur et le détenteur des droits.
C'est déjà un cadre parfaitement solide, qui permet d'établir le dialogue entre l'opérateur et le détenteur des droits.
Vous le voyez, monsieur Giscard d'Estaing, cet arrêt Santa Casa correspond parfaitement, en particulier au regard de la subsidiarité, au projet de loi, à ce que nous souhaitons et à ce que nous mettons en place en matière de protection du joueur, mais aussi d'ouverture maîtrisée, régulée d'un nouveau type de jeu.
Tout à l'heure, j'ai entendu dire qu'il y a un modèle français du jeu. Oui, pour ce qui est du jeu en dur, du jeu physique. En revanche au niveau d'internet, un tel modèle n'existe pas et ne peut pas exister. Quiconque pense qu'on peut mettre en place un modèle strictement français en matière de jeux en ligne sur internet se trompe. Cela ne peut être qu'un modèle régulé tenant compte de l'existant. C'est bien le principe de subsidiarité, de monopole maintenu sur le jeu en dur mais d'ouverture maîtrisée et régulée pour le jeu en ligne que nous défendons aujourd'hui au travers de ce projet de loi.
Pour revenir à votre amendement, je rappelle que vous n'étiez pas en commission des finances quand nous l'avons examiné. Par principe, j'avais émis un avis défavorable. Finalement, je me range à cette philosophie que la subsidiarité doit exister dans notre droit, en particulier pour les jeux en ligne. J'émets donc un avis favorable.
Le Gouvernement est également favorable à cet amendement. L'arrêt Santa Casa, dont a très bien parlé le rapporteur, permet d'éclairer une partie du sujet mais pas tout le sujet. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il tient compte de l'organisation interne de chaque État en matière de jeu, ce qui est assez logique lorsque l'on s'attache à l'identité. Cet arrêt permet de consolider l'absence de reconnaissance mutuelle, que nous avons annoncée dès le départ, une telle reconnaissance impliquant par principe une absence de décision des États qui était inacceptable.
Le rapporteur, comme tout le monde ici, s'est référé à l'arrêt Santa Casa, qui a pu surprendre et parfois même déstabiliser. Toutefois, quand on le cite, il faut le citer dans sa totalité.
Tout ce que vous avez dit est exact, monsieur le rapporteur, mais vous avez omis – de façon que j'imagine fortuite – un point de cet arrêt, que je vais développer pour compléter votre intervention sans introduire de polémique.
L'arrêt Santa Casa dit simplement qu'en matière de paris en ligne, le droit européen ne s'oppose pas à l'existence d'un monopole public, compte tenu d'une tradition ou de l'orientation des financements vers le sport ou des activités sociales. Autrement dit, on peut parfaitement, dans ce pays, organiser des paris en ligne sous le monopole du PMU et de la Française des jeux, pour autant qu'on veille à ce que les politiques conduites par ces monopoles respectent l'intérêt général, financent des activités sportives et d'intérêt social, ne soient pas commercialement agressives et participent à la lutte contre les addictions, bref tous les éléments que nous voulons, semble-t-il, défendre sur ces bancs.
On aurait donc très bien pu, en se conformant à l'arrêt Santa Casa, ne pas bouleverser notre système juridique et s'appuyer sur les monopoles existants. Je voulais simplement corriger cette omission : il eût été dommage que le rapporteur, qui connaît parfaitement son dossier, ait brusquement oublié un des éléments qui y figurent !
(L'amendement n° 970 est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
La parole est à M. André Chassaigne pour défendre l'amendement n° 83 .
Cet amendement complète très utilement celui qui vient d'être adopté en matière de subsidiarité.
L'article 1er A ne nous satisfait pas totalement parce qu'il crée une confusion, laquelle apparaît d'ailleurs dans les explications que vous venez de donner à l'amendement de M. Giscard d'Estaing. Je relis cet article : « Les jeux donnant lieu à des paris d'argent ne sont ni un commerce ordinaire, ni un service ordinaire ; ils doivent faire l'objet d'un encadrement strict au regard des enjeux d'ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé. » Nous proposons d'ajouter un second alinéa ainsi rédigé : « Un monopole public est chargé de l'exploitation des jeux donnant lieu à des paris d'argent. »
Certains d'entre vous considéreront sans doute comme un pléonasme que de préciser qu'un monopole public est nécessaire pour garantir un encadrement strict. C'est aussi bien de l'inscrire dans la loi, car nous avons été très nombreux, et pas seulement dans les rangs de la gauche, à développer cette idée.
Or vous êtes orientés, dans le reste des articles, vers l'ouverture à la concurrence qui, à notre avis, ne permettra pas d'avoir un encadrement satisfaisant. Surtout, vous entrouvrez une porte qui débouchera très rapidement sur une généralisation de la concurrence et sur une perte d'importance des opérateurs historiques au profit d'une domination des opérateurs privés. C'est d'ailleurs ce que vous recherchez, vous l'avez dit. Cela répond à votre conception de la société. Vous pensez qu'un service public, ou qu'une forme de service public, ne permet pas une régulation suffisante. Nous pensons le contraire. Cet amendement a donc pour objet d'affirmer le maintien du monopole public pour l'exploitation des jeux.
Aujourd'hui, dans les paris sportifs à cote, 96 % du marché sont illégaux, 4 % seulement relèvent de la Française des jeux. Voilà la situation !
Je reviens sur le cas portugais, que l'on a évoqué de manière institutionnelle, juridique.
La situation au Portugal ne change pas, il y a toujours autant d'offres illégales et un monopole. On est exactement dans la même situation.
Nous avons le courage de prendre les choses en main. Nous sommes en responsabilité : déclamer des principes c'est bien, mais, nous, nous agissons. Nous mettons en place une ouverture maîtrisée à la concurrence, laquelle constitue une solution à l'offre illégale qui prospère aujourd'hui dans notre pays, et dont vous savez très bien, monsieur Chassaigne, que quels que soient les dispositifs technologiques que nous pourrions mettre en place, nous n'arriverions pas à la régler, tant cette offre est diffuse et complexe.
Le monopole public n'a strictement aucun sens dans le champ de l'internet. Il en a sur la partie physique, et d'ailleurs nous le maintenons et le confirmons, mais sur la partie internet, on sait que cela ne marche pas.
Vous pourrez toujours dire que si ; on voit bien que non, et cela dans n'importe quel pays. Les États-Unis ont bloqué tous les accès internet pour les jeux, et pourtant il n'y a jamais eu autant de joueurs dans ce pays.
Voilà pourquoi nous vous proposons une offre mesurée et maîtrisée et pourquoi nous émettons un avis défavorable à votre amendement.
Le Gouvernement est également défavorable. Comme le rapporteur, je pense que le monopole ne marche pas non plus dans ce domaine.
Les Portugais sont inondés d'offres illégales et, quelles que soient leurs méthodes, ils n'arriveront pas à les réguler. La loterie portugaise n'a rien à voir, dans son but même, avec la loterie française. La Française des jeux, et c'est tant mieux, s'est beaucoup développée : entre 1997 et 2001, l'ensemble des jeux a progressé en France de 45 % grâce à une politique très expansionniste ; entre 2001 et 2008, l'augmentation a été de 16 %. Outre que ce développement s'est effectué dans un contexte très différent, la politique de monopole française n'a pas été la même qu'ailleurs.
Nous ne pouvons pas juger en fonction des circonstances portugaises, qui ne sont pas les circonstances françaises et qui, à mon sens, ne permettent pas d'installer un monopole dans ce domaine. Vous pouvez nous dire le contraire et je respecte votre position, mais nous y avons beaucoup réfléchi et notre conviction est profonde.
Vous vous en doutez, je ne suis pas convaincu. Vous êtes persuadés qu'en légalisant des sites aujourd'hui illégaux, vous allez régler le problème de l'ensemble des sites illégaux.
Actuellement, on évalue à peu près à 25 000 le nombre de sites qui fonctionnent en toute illégalité. Si je suis votre raisonnement, vous allez légaliser ces 25 000 sites. Je vous souhaite beaucoup de courage ! Vous arriverez peut-être à légaliser cinquante ou cent sites couvrant une partie du marché, mais un nombre immensément plus important de sites illégaux continuera à fonctionner.
Vous venez vous-même de faire la démonstration qu'il n'est pas possible de s'attaquer à ces sites illégaux.
Vous nous dites que, dans le cadre de la loi, les moyens seront mis en place pour s'attaquer à ces sites illégaux, qu'on pourra les sanctionner, les réduire. Pourquoi, dans ce cadre-là, cela ne marcherait-il pas avec un monopole des jeux ou avec les opérateurs historiques ?
Pourquoi ce que vous mettez en oeuvre pour les uns ne marcherait-il pas pour les autres ? Simplement parce que vous n'avez pas la volonté politique. Vous pouvez apporter toutes les démonstrations possibles, il n'en reste pas moins que ce que vous démontrez est absurde. Vous dites tout et son contraire. Pourquoi ce qui serait valable d'un côté, ne le serait-il pas de l'autre, si la mise en oeuvre s'effectue au profit des opérateurs historiques qui existent actuellement dans notre pays ?
Je crois que derrière tout cela, il y a un artifice, non seulement un artifice – je suis trop gentil quand je parle d'artifice –, mais une hypocrisie – et je suis encore trop gentil, lorsque je prononce le mot d'hypocrisie. En fait, c'est un mensonge. Vous savez en effet parfaitement qu'il est possible de maintenir un monopole et vous ne le voulez pas parce que derrière cela se cache votre conception de la société. Vous considérez que l'ouverture à la concurrence des sociétés privées réglera tout, d'un coup de baguette magique
Pourtant vous savez fort bien que l'objectif des sociétés privées est de faire de l'argent. Or, en matière de jeux, notre éthique historique, la morale de notre République est que l'argent va pour l'essentiel – 75 % pour le PMU – aux joueurs par la mutualisation, le reste étant utilisé à des mesures d'intérêt général : le sport pour tous et l'accompagnement du sport hippique.
Vous savez qu'avec votre projet de loi, un glissement s'effectuera petit à petit au profit des opérateurs privés, que vous voulez servir, parce que, aujourd'hui, votre texte est en fait une loi de porteur d'eau, et non une loi qui vise à répondre aux exigences de notre République.
Monsieur le ministre, tout à l'heure, vous avez été courroucé quand nous avons eu le malheur d'avancer la possibilité que le monopole pourrait convenir. Cela vous mettait en colère. Votre argumentation pourrait aujourd'hui déclencher du chagrin – elle en déclenche – mais elle déclenche surtout de la pitié. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Colère pour colère, monsieur Chassaigne, vous n'êtes pas mal non plus.
Vos propos m'ont abasourdi : « absurdité, arrière-pensées »… et bien d'autres termes qui m'ont été droit au coeur, soyez en certain mais qui ne reflètent en aucun cas la réalité. Nous ne voulons pas légaliser des sites illégaux. Nous voulons réguler un marché. C'est assez différent. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Les opérateurs candidats pour exploiter ce marché en France passeront devant une autorité pilotée par l'État. Ils répondront à un cahier des charges, qui tiendra compte de l'ordre public et de l'ordre social. Ce cahier des charges instaurera une fiscalité et un certain nombre de règles touchant à l'addiction, aux jeux des mineurs, à la corruption, au blanchiment. Tout cela sera fait en liaison avec les filières sportives, hippiques et avec l'ensemble des acteurs de ce domaine. Je sais bien qu'il n'y a pas que la filière hippique, mais il est inutile de monter sur ses grands chevaux ! (Sourires.) Cela n'a pas de sens.
On fait ce qu'on peut !
Monsieur Chassaigne, la connotation que vous donnez à ce débat n'est, pour moi, pas la bonne. On régule un système qui, sinon, échapperait à toute régulation. Vous pouvez regarder votre monopole avec les yeux de Chimène, mais si celui-ci ne monopolise rien du tout, cela ne marchera pas. Votre monopole ne peut pas fonctionner, parce que cela ne marche pas avec internet.
Cela peut vous déplaire, mais c'est malheureusement une façon réaliste de voir la situation telle qu'elle est. Tous les États qui se fonderont sur leur monopole ou sur la volonté d'interdiction échoueront, car la prohibition ne marche pas. Vous avez en effet alors tout ce qui est mauvais et rien d'autre. Ensuite, vous vous réveillez pour constater que l'ensemble de la population a pris un certain nombre d'habitudes et il est bien difficile de revenir en arrière. Soyez réaliste !
J'ai écouté avec attention M. Chassaigne. Il a parlé avec la verve, la fougue, la passion qui le caractérisent. Cependant, je ne partage pas son analyse sur de nombreux points.
Plusieurs orateurs ont, pour résumer, parlé de « jeux en dur » et de « jeux en ligne ». Monsieur Chassaigne, si vous alliez au bout de la logique de votre amendement, cela signifierait que nous irions de fait vers une nationalisation de tous les acteurs des « jeux en dur » – PMU et La Française des jeux. Il y a aussi des acteurs privés, les casinos qui assument une mission sous contrôle des pouvoirs publics. Leur schéma de fonctionnement est considéré par tous comme satisfaisant. En effet, les obligations de lutte contre l'addiction, tous les éléments relatifs à la protection des mineurs sont appliqués de la meilleure façon qui soit par les casinos ; les contrôles et les sanctions sont très stricts.
Dans ce texte, on voit la volonté de prendre en compte le principe de réalité. Cela a été dit à de multiples reprises. Aujourd'hui, certains orateurs exercent illégalement sur notre territoire. L'opportunité qui va leur être donnée d'exercer en étant soumis par la loi à des contrôles et de bénéficier de soutiens me paraît tout à fait positive. À cet égard, il est fondamental de poursuivre l'examen du texte. Nous reviendrons au fur et à mesure sur certains points.
Nous devons méditer l'exemple de nos voisins belges. Ils ont mis en place un concept de continuum entre les opérateurs « en dur » et ceux en ligne. Cela mérite réflexion. Nous essaierons d'enrichir le débat par nos propositions, pour éviter de nous retrouver dans un schéma virtuel très satisfaisant intellectuellement mais qui se heurterait au principe de réalité. Les jeux en ligne sont réels, ils font malheureusement des dégâts. Nous devons faire en sorte qu'un certain nombre d'opérateurs publics – le PMU et La Française des jeux – ou des opérateurs encadrés et soumis à des éléments de contrainte permettent aux parts de marché qui vont vers l'illégalité de revenir dans le droit chemin de la légalité.
Je crois que c'est là tout l'enjeu de ce texte.
Monsieur Chassaigne, je veux vous apporter quelques éléments de réflexion. Nous savons que vous êtes passionné par le débat ; nous le sommes tous.
Vous considérez que les monopoles – le PMU et La Française des jeux – pose une question importante. Sans doute défendrez-vous cette approche tout au long de l'examen du projet de loi. Le texte vise à mettre les joueurs au coeur du nouveau dispositif. Il ne s'agit pas d'un problème de société. Je pense que vous faites une erreur d'appréciation. Quel pourcentage de joueurs de PMU jouent en ligne ? Aujourd'hui, parmi les jeunes joueurs en ligne, il n'y en a quasiment pas un qui ait joué un jour au PMU, au Loto, au Bingo ou au Tac au Tac. Ce sont deux typologies de joueurs différentes.
Monsieur Chassaigne, ne raisonnez pas comme si le principe des vases communicants existait avec les jeux de La Française des jeux, les jeux en dur. Ils ont des habitués qui viennent chercher un ticket de PMU ou une grille de Loto, alors que la grande masse des joueurs en ligne sont jeunes. Ils jouent via leur ordinateur. Ils ne savent pas à quoi ressemble un comptoir de Loto.
Votre argumentation tiendrait s'il s'agissait de la même masse de joueurs. Mais nous sommes en présence de deux typologies de joueurs très différentes. Je souhaite que l'on puisse, au cours de l'examen du texte, prendre plus en considération les joueurs et que l'on parle un peu moins des sociétés.
Je souhaite reprendre la parole, car certaines de mes questions sont restées sans réponse.
Actuellement, il y a environ 25 000 sites illégaux. Vous nous dites que la nouvelle loi permettra la légalisation d'un certain nombre de sites, disons 500 pour être généreux. Il resterait alors 24 500 sites. Qu'est-ce qui vous fait supposer qu'ils ne continueront pas leur activité ? Vous pensez pouvoir vous attaquer au système en mettant en place les mesures susceptibles de viser ces sites illégaux. Aujourd'hui, rien n'est fait pour s'attaquer à eux. Mieux encore, ils sont sur la place publique et personne ne dit rien. Vous nous répondez que vous n'êtes pas en mesure juridiquement de vous attaquer à ces sites dans le cadre de notre législation.
Dans ce cas, faisons évoluer la législation actuelle de façon à pouvoir nous attaquer à ces sites illégaux. Pourquoi pourrait-on s'y attaquer davantage en ouvrant la porte à la régularisation de certains ? Pourquoi avec les opérateurs existants ne serions-nous pas en mesure, aujourd'hui, de faire évoluer la situation de la même manière ?
Vous utilisez des arguments qui ne tiennent pas. Ils ont bien évidemment pour but de conforter votre projet de loi, mais vous êtes en continuelle contradiction et vous anéantissez vous-même vos arguments.
Vous dites que certains ne jouent qu'en ligne. Qu'est ce qui vous empêche de développer davantage les jeux en ligne avec un opérateur, soit l'un de ceux qui existent, soit un autre, qui pourrait être créé avec une dimension monopolistique ? Lorsque nous évoquons cela, vous êtes très embêté.
Vous soulignezqu'il existe une clientèle particulière qui n'est pas intéressée par le PMU, qui doit donc stagner. Cependant vous indiquez ensuite que, pour maintenir les dotations à la filière « cheval » il faudrait que le nombre de joueurs augmente. Vous êtes en continuelle contradiction.
Vous avez contourné le premier amendement défendu par M. Louis Giscard d'Estaing, en essayant de le dévoyer. Puis vous l'avez accepté, car il n'était pas très dangereux. Je salue l'intervention de M. Louis Giscard d'Estaing et son courage. Vous avez adopté cet amendement, en le détournant de son sens. Mon amendement est un signe amical en direction de M. Louis Giscard d'Estaing.
Monsieur Chassaigne, je ne peux pas vous laisser dire que nous nous opposons à l'intérêt général, en refusant le monopole. Il n'est pas question, pour nous, de nous opposer au monopole en général. Nous avons l'habitude de débattre des sujets au fond en nous respectant.
Le monopole est valable, non sur l'ensemble des jeux, mais sur certains d'entre eux.
Pourquoi veut-on garder le monopole pour un certain type de jeux, notamment les jeux en dur ? Parce que dans ce domaine, il est possible de lutter contre la concurrence. En effet, personne n'est capable d'organiser un loto à l'échelle nationale – il n'y a donc aucun danger –, et le monopole est possible. Pour la loterie nationale, c'est exactement la même chose.
Ainsi que M. le ministre l'a rappelé, confrontée au développement des jeux illégaux dans les cafés et les bars, la Française des jeux a lancé les jeux instantanés. C'est ainsi que l'offre illégale a été asséchée. Les loteries de grattage avaient, en effet, pour but d'enrayer les jeux clandestins.
Le PMU-PMH peut garder son monopole. Personne n'est en mesure d'organiser, en temps réel et avec l'électronique dont dispose La Française des jeux, des prises de paris PMU. Personne non plus ne peut inventer des hippodromes. Donc, on reste sur le monopole.
Dans d'autres secteurs, la diversité peut favoriser le développement des jeux clandestins ; les cercles de jeux ou les casinos peuvent se multiplier de façon clandestine, notamment dans les cafés. La France a lutté contre ces activités non en créant un monopole, mais en accordant à des personnes privées des autorisations d'organiser ces jeux. En collaboration avec les sociétés monopolistiques, elle a ainsi contribué à assécher l'offre illégale.
La donne a changé avec internet. S'agit-il des mêmes marchés que pour le PMU et la Française des jeux ? Pour tout ce qui est des lotos, par exemple, il n'y a pas de risques, mais pour les jeux qui présentent un risque, le monopole est insuffisant.
Vous ne pouvez pas dire, monsieur Chassaigne, que nous renonçons à l'intérêt général. Si le monopole pouvait être efficace et répondre à l'objectif que nous recherchons, personne, sur ces bancs, à l'UMP et au Nouveau Centre, ne s'y serait opposé. Le monopole ne fonctionne pas pour internet, car c'est la diversité qui assèche le marché. Il s'agit – comme ce fut le cas pour les casinos et les cercles de jeux – de gérer la diversité en encadrant un certain nombre d'opérateurs – pas les 25 000 – qui ne pourront pas faire n'importe quoi, mais qui seront en mesure d'assécher ce marché dans un cadre restrictif. Ce n'est donc nullement pour des motifs idéologiques que nous nous opposons au choix du monopole.
Nous sommes au coeur du débat. Selon vous le monopole n'est pas en mesure d'apporter une réponse parce que les publics de parieurs ne seraient pas les mêmes. C'est faux. Demandez aux PMU : la baisse des paris hippiques est sensible dès le début de la saison de football et le retour des paris sportifs.
Vous dites également que le monopole serait incapable de répondre à l'évolution et à la diversité des paris. C'est également faux : le PMU se prépare à organiser des paris sportifs tout comme la Française des jeux a pu le faire.
Le monopole ne pourrait pas protéger les parieurs, dites-vous encore et vous nous reprochez de vouloir défendre le monopole et non les parieurs. C'est encore faux. En ouvrant les paris sportifs et les paris en ligne à la concurrence, à des opérateurs privés, vous n'avez pas affaire à des clubs de philanthropes. Vous ouvrez ces paris à des hommes et à des femmes, dont on a parlé en termes polémiques tout à l'heure, qui sont animés par le souci de réaliser un profit. Sur le dos de qui ? Sur le dos du parieur, plus encore quand il s'agit de paris à cote fixe. Loin de protéger le parieur, vous mettez en place un système qui correspond à un saut dans l'inconnu au lieu de rester fidèles à nos principes.
Pourquoi l'Europe regarde-t-elle la France ? Parce que la plupart des États européens ont fait le choix de maintenir un système de monopole et de droits exclusifs.
La Suède et la Finlande ne s'en plaignent pas plus que le Portugal. La première réponse à apporter à une concurrence illégale consiste à faire appliquer la loi. Or vous ne le faites pas, monsieur le ministre. Comment, par conséquent, peut-on juger de son efficacité puisque vous renoncez à la faire appliquer ?
Pourquoi, au plan européen, ne pas prendre l'initiative d'une coopération entre les États, dans le but d'harmoniser non nos législations, mais les formes de contrôle et de sanctions. Nous devrions tout de même être capables – cela a été dit à la tribune par Christian Paul – de nous mettre d'accord – comme paraît-il nous l'avons été en ce qui concerne les paradis fiscaux – et de nous donner les moyens d'identifier, de poursuivre et de sanctionner ceux qui ne respecteraient pas les lois fixées dans chaque État pour assurer l'intérêt général.
Nous ne défendons pas le monopole pour le monopole. Nous le défendons parce qu'il est fidèle à notre tradition, parce qu'il s'agit de la meilleure façon de protéger le parieur, de garantir que les jeux ne seront pas soumis à des influences et parce qu'il sert une logique d'intérêt général qui doit continuer à gouverner l'organisation des paris dans notre pays.
Vous proposez une logique marchande : or on sait ce qu'elle donne. Nous proposons, quant à nous, une logique de service public et d'intérêt général. C'est là que se situe le débat. Il n'y a pas d'un côté ceux qui veulent bouger et s'adapter à la réalité et les autres. Le clivage est entre ceux qui souhaitent que l'évolution se fasse en conformité avec nos principes – on verra sur la cote fixe, autre infraction à ces principes – et ceux qui veulent faire un saut dans l'inconnu, qui ne correspond pas à l'idée que nous nous sommes toujours faite de la réglementation des jeux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ce que vous dites est faux, monsieur Gorce. La Suède que vous venez de citer est en train d'évoluer et en est au point où nous étions au moment du rapport Durieux. Elle se pose toutes les questions que nous nous sommes posées. Elle ne lutte pas contre les sites illégaux et elle est en train de changer sa législation en ouvrant son marché, notamment totalement sur la cote fixe. Nous savons de quoi nous parlons puisque nous sommes allés sur place. Tous les pays se posent les mêmes questions. Il ne suffit pas de tout interdire et de rester accroché au monopole.
Le monopole ne correspond plus au monde dans lequel nous vivons et en n'évoluant pas, nous risquons d'être dépassé. Vous êtes dans un monde virtuel ; or la loi doit correspondre au monde réel.
(L'amendement n° 83 n'est pas adopté.)
(L'article 1er A, amendé, est adopté.)
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 135 à 143 , portant article additionnel avant l'article 1er.
La parole est à Mme Michèle Delaunay pour les soutenir.
On ne peut qu'être saisie par une certaine perplexité lorsque l'on constate que ce qui a été rendu obligatoire le 1er septembre 2009 a été oublié un mois après !
Ainsi, vous ne présentez pas l'étude d'impact qui doit obligatoirement être jointe à tout projet de loi au Parlement. Le président Séguin a insisté fortement sur ce point, nous incitant à ne rien accepter qui n'ait reçu une évaluation en termes fiscaux et d'impact sur les comptes sociaux.
Nous accorderions davantage de crédit à vos arguments si nous disposions d'une telle évaluation. Son absence jette une ombre sur l'ensemble du débat et laisse penser que vous n'avez pas voulu la réaliser car vous en connaissez le caractère délétère pour votre raisonnement, en particulier l'impact sur les comptes sociaux des dégâts provoqués par l'augmentation du nombre de joueurs qui ne manquera pas de se produire. Nous vous donnons, sur ce point, rendez-vous.
Vous faites référence à la loi organique entrée en vigueur le 1er septembre. Vous auriez aussi pu évoquer la réforme de notre règlement, qui est entré en vigueur le 25 juin. Je vous fais juste observer que ce projet de loi est arrivé sur le bureau de l'Assemblée le 25 mars dernier. Par conséquent, ce projet ne relevait pas des nouvelles procédures.
Avis défavorable.
Ce projet de loi a, en effet, été déposé depuis fort longtemps, depuis le mois de mars dernier. Sa communication en conseil des ministres date de mars 2008.
Nous avons lancé une étude concernant la réalité de l'addiction aux jeux qui sera menée sur un an. Vous aurez bien sûr connaissance des résultats de cette étude dont on a parlé hier à Marmottan, une première dans ce domaine. Pas moins de 30 000 personnes seront interrogées.
Nous aurons le plaisir de nous revoir. Nous verrons alors qui a évolué, mais en tout état de cause, nous disposerons d'éléments précis.
Puis-je considérer que les amendements n°s 135 à 143 ont été défendus ?
Oui, madame la présidente.
(Les amendements identiques nos 135 à 143 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 144 à 152 .
La parole est à Mme Michèle Delaunay.
Il nous semble important de préciser les divers degrés qui conduisent à l'addiction en substituant à ce terme les notions de jeu problématique, d'addiction, de co-vulnérabilité. Celle de jeu problématique ne correspond pas à un syndrome addictif complet, mais, par l'importance des mises, elle a un impact sur la vie sociale et professionnelle du sujet.
Il est important de comprendre ce stade qui précède souvent l'addiction et de l'inscrire dans la loi ainsi que d'y faire figurer la co-vulnérabilité qui entraîne des addictions multiples.
Nous vous demandions, le 22 juillet dernier, de proposer une nouvelle rédaction de l'amendement dans laquelle vous auriez précisé la portée juridique de la co-vulnérabilité.
J'ai bien compris qu'il s'agit d'une association d'addictions.
Au singulier, le terme « addiction » recouvre la notion d'addictions multiples.
Quant au jeu problématique, première étape entre le jeu normal et l'addiction, il n'a que peu de portée juridique. Je vous avais donc suggéré de proposer une rédaction meilleure. Tel n'est pas le cas…
… et je crains que la notion de co-vulnérabilité n'ait que peu d'impact sur une prise en charge particulière d'un type de population.
Sagesse.
Je considère que l'ensemble des amendements identiques a été défendu.
Je les mets aux voix par un seul vote.
(Les amendements identiques nos 144 à 152 ne sont pas adoptés.)
La parole est à Mme Annick Girardin, pour soutenir l'amendement n° 11 .
Le présent amendement a pour objet de préciser l'objectif de protection fixé par l'article 1er du projet de loi. En effet, au-delà de la nécessaire protection des mineurs, nous en sommes tous d'accord, il existe d'autres catégories de population particulièrement exposées à un risque de dépendance au jeu – personnes sujettes à une dépendance physique ou mentale – et qui méritent également un effort particulier de l'État s'il souhaite assurer de façon optimale sa mission de protection de l'ordre public, de la sécurité et de la santé.
Voilà pourquoi nous proposons de compléter le deuxième alinéa de l'article, après les mots « protéger les mineurs », par les mots « et les populations particulièrement exposées à un risque de dépendance ».
Cet amendement s'expose, plus encore que le précédent, aux critiques que nous venons de formuler. Il s'agit de prendre en charge l'addiction au sens large, quel que soit le type de population concernée. Nous avons spécifiquement fait référence aux mineurs, car ils font l'objet d'interdictions, notamment en matière de publicité. Cela étant la prévention de l'addiction englobe toutes les catégories de population.
Avis défavorable.
Il est difficile de se prononcer en faveur d'un amendement faisant référence à des catégories de population – les adultes particulièrement exposés – que l'on serait bien en peine d'identifier, sauf à montrer du doigt telle ou telle fragilité, ce que nul ne souhaite faire.
Il est préférable de se fonder sur l'étude de prévalence que nous avons confiée aux meilleurs spécialistes et qui porte sur un vaste échantillon de 30 000 personnes. S'il s'avère qu'une catégorie de Français est particulièrement exposée à ce risque, nous prendrons les décisions qui s'imposent. En attendant laissez cette étude suivre son cours. Je pourrai du reste, si vous le souhaitez, faire le point dans quelques mois, avant qu'elle soit achevée.
Outre les mineurs, il existe des catégories de population particulièrement vulnérables. On les connaît, malheureusement : il s'agit surtout des personnes inactives, mais aussi – tous les témoignages dont nous disposons le prouvent – de celles qui, déjà interdites de casino, pourront désormais parier en ligne, alors que le régime auquel elles étaient jusqu'alors soumises était plus sévère.
, et M. Jean-François Lamour, rapporteur. Mais non !
Si : des personnes interdites de casino pour cause de surendettement vont pouvoir recommencer à jouer en utilisant les dispositifs de paris en ligne.
Des mesures pourraient donc être prises à l'intention de ces joueurs particulièrement vulnérables ; outre les mineurs, il s'agit des personnes suivies par SOS Joueurs ou accueillies par des structures spécialisées dans les conduites addictives au sein de nos établissements hospitaliers. Au-delà de la protection des mineurs, nous devons prendre en considération le cas de ces personnes.
Je ne peux pas vous laisser dire cela, madame Fourneyron.
Je vous rappelle que l'inscription sur la liste des interdits de jeu sur le réseau « en dur » est volontaire, à l'exception de quelques cas dans lesquels elle résulte d'une décision de justice. De même, les personnes concernées s'inscriront volontairement sur la liste qu'instaurera l'ARJEL. Ne dites donc pas qu'elles ne pourront pas le faire : à condition d'accomplir cette démarche volontaire, elles le pourront et seront accompagnées à cette fin.
(L'amendement n° 11 n'est pas adopté.)
Ainsi que cela a été souligné dans la discussion générale, les jeux posent des problèmes de criminalité et de dépendance – que l'on vient d'évoquer –, mais ils correspondent également à une situation économique. Celle-ci voit actuellement coexister La Française des jeux, les casinos et la filière hippique, dont je rappelle qu'elle fait vivre, directement ou indirectement, plus de 120 000 personnes. L'ouverture proposée par le Gouvernement risque dans un premier temps – sans doute transitoire – de déstabiliser l'offre de jeux, donc d'être lourde de conséquences pour la situation économique des filières.
Voilà pourquoi l'État, par l'intermédiaire du comité institué de nouveau à l'initiative de notre rapporteur, devrait « veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin d'éviter toute déstabilisation économique des filières concernées ». Pour ma part, j'ai naturellement un petit faible pour la filière hippique, comme le ministre, d'ailleurs.
Cet objectif me paraît nécessaire pour éviter de chambouler le paysage actuel des jeux et permettre une évolution conforme à l'ordre naturel des choses, au lieu d'un bouleversement qui serait catastrophique pour nombre de villes.
Monsieur Myard, je partage entièrement votre analyse et j'approuve l'objectif de votre amendement, mais votre tropisme naturel vers la filière équine vous fait oublier les autres filières.
Le « notamment hippique » entre quelque peu en contradiction avec l'amendement lui-même : vous parlez de « veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeux » ; j'en conclus que l'équilibre et l'équité valent pour toutes les filières, et non pour l'une d'entre elles plus que pour les autres.
Puisque nous sommes d'accord sur le principe d'un développement équilibré, je vous propose, par ce sous-amendement, de faire en sorte que le comité consultatif veille à le faire respecter, sans viser une filière en particulier.
En bon disciple du professeur et président Mazeaud, j'accepte de retirer les mots « notamment hippique ».
Votre amendement est donc ainsi rectifié.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Même avis que la commission.
(L'amendement n° 33 rectifié , est adopté.)
Ces amendements sont défendus.
(Les amendements identiques nos 153 à 161 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Cet amendement concerne la composition du comité consultatif.
Dans un domaine qui transcende les clivages politiques et concerne directement la santé et la sécurité de nos concitoyens, il serait profondément anormal que les nominations des membres du comité n'obéissent pas à une règle de représentation pluraliste. Il nous paraît important de les soustraire à une logique partisane ou de fait majoritaire. Parmi les députés et les sénateurs qui seront proposés et nommés, une représentation pluraliste – de tous les partis, des groupes parlementaires, mais aussi des minorités et de ceux qui n'appartiennent à aucun groupe – devrait donc être assurée.
Voilà pourquoi nous proposons d'insérer les mots « nommés de façon à assurer une représentation pluraliste ».
Il est de tradition que les présidents des assemblées consultent chaque président de groupe afin de définir, en fonction du ratio de la représentation nationale, une représentation pluraliste au sein de chaque organisme extraparlementaire.
L'amendement est donc satisfait par ce que j'appelle sinon une coutume, du moins un principe. Avis défavorable.
S'il existe en effet une tradition, il peut être bon d'inscrire clairement ce principe dans le texte. Le groupe Nouveau Centre soutient donc cet amendement.
(L'amendement n° 10 n'est pas adopté.)
(L'article 1er, amendé, est adopté.)
Cet amendement tend à supprimer l'alinéa 3 de l'article 2. Cela pourrait paraître surprenant, puisque celui-ci se réduit à une simple définition du pari à cote, mais la rédaction de cette définition nous paraît inacceptable puisque le pari à cote y est présenté comme une forme de jeu parfaitement banalisée.
On sait pourtant qu'il est porteur de risques considérables : fraude, trucage et – disons-le – opérations criminelles. Malgré ces effets particulièrement pervers, vous le présentez comme une activité tout à fait saine et naturelle ; cette petite définition vous permet de le banaliser.
Faut-il rappeler que de nombreux pays ont pris conscience de ces dangers ? Quarante-six États américains – dans un pays pourtant réputé le plus libéral du monde – ont interdit le pari à cote fixe, de même que le Japon. En Europe, le Totocalcio, grand jeu italien sur le football, est mutualiste, comme son homologue espagnol, La Quiniela ; et les Pays-Bas ont pris la sage décision d'interdire le pari à cote fixe. Or la France s'apprête à ouvrir un véritable paradis pour les opérateurs de ce type de jeux, s'exposant aux effets pervers que je viens de souligner.
Je suis tout à fait d'accord avec mon ami André Chassaigne : il serait catastrophique d'ouvrir cette boîte de Pandore du pari à cote.
Il s'agirait d'une révolution, d'une mauvaise révolution. Cela constituerait une rupture et cette rupture, je le répète, serait catastrophique.
Ainsi que M. Chassaigne l'a souligné, des systèmes mafieux vont apparaître, comme dans d'autres pays. Nous en parlions à l'instant avec Valérie Fourneyron : des matchs de tennis – discipline que le futur président de l'ARJEL connaît bien – ou, en Belgique, de football ont déjà été concernés.
Qu'y a-t-il de plus beau que la mutualisation, qu'il s'agisse de retraites ou de gains ? Efforçons-nous de préserver ce principe. Quand un opérateur, un faucon maltais, luttera contre un parieur, celui-ci perdra assez rapidement beaucoup d'argent. C'est une question de morale. Vous êtes en train d'introduire en France une révolution qui entraînera des scandales au cours des années à venir ; le phénomène devrait être assez rapide et important.
Il s'agit de paris à cote. Il existe donc, contrairement à ce que vous laissez entendre, une offre de paris à cote en France.
Or je n'ai pas l'impression que les épreuves sportives couvertes par « Cote et Match » se caractérisent par l'esprit révolutionnaire, ni par la corruption généralisée ! Toutefois, je reconnais que certains événements, non couverts par des systèmes de surveillance, donnent lieu à des phénomènes de corruption et de tricherie.
Ensuite, il existe un principe de réalité qui nous pousse au pragmatisme : aujourd'hui, 98 % des paris dans le monde sont des paris à cote.
S'agissant du pari mutuel, je pense que certains opérateurs demanderont un agrément se limitant à ce type de pari sportif. Le président de la société FrancePari, que j'ai reçu, a d'ores et déjà fait le choix des paris mutualisés, parfaitement conscient qu'il s'agit d'une niche qui ne lui permettra pas de grandir.
Pour notre part, nous tenons absolument à légaliser le pari à cote. Si nous l'interdisions, je vous fiche mon billet que les joueurs tenteraient de parier sur le marché illégal. Nous aurions alors raté l'occasion d'établir une ouverture régulée et raisonnable du pari sportif en France.
Il n'y a rien de révolutionnaire dans notre proposition puisque de tels paris existent déjà. Nous sommes seulement motivés par la volonté pragmatique de faire entrer dans la légalité les trois millions de joueurs qui parient aujourd'hui sur des sites illégaux. Il s'agit donc d'autoriser le pari à cote à travers un encadrement qu'il appartiendra à l'ARJEL de mettre en place. Cette dernière aura en outre pour mission de contrôler l'exploitation des compétitions sportives, comme l'article 52 le prévoit.
Je le répète, ce serait une erreur manifeste d'interdire le pari à cote en France.
Nous voici au coeur de l'un des sujets clés du débat : le pari à cote fixe. Je comprends parfaitement qu'il suscite des questions.
L'analyse exhaustive que nous avons menée à l'échelon international nous a permis d'établir que le pari à cote fixe était autorisé dans toute l'Asie – au Japon, il repose même sur une tradition ancienne – mais aussi dans de nombreux pays d'Europe : en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Finlande, en France même, en Grèce, en Irlande, en Italie, en Norvège, aux Pays-Bas, en Pologne, au Royaume-Uni, en Suède, en Suisse.
Il faut bien avoir à l'esprit que le pari à cote fixe dépend de l'usage qui en est fait. La cote fixe n'est pas en elle-même source de corruption et de blanchiment. Il s'agit de laisser une liberté de choix dans la base du pari – cote fixe ou mutualisation – à l'exception du sport hippique, qui repose uniquement sur le pari mutuel comme le veut la tradition.
Il s'agit ensuite de s'interroger sur les modalités de régulation des paris et de savoir à qui ils sont ouverts.
Il s'agit également de savoir qui organise les paris et dans quelles conditions, avec l'encadrement d'une haute autorité ayant le pouvoir d'accepter ou de refuser les candidatures et d'établir un cahier des charges.
Enfin, il s'agit d'établir sur quoi se fondent les paris. La question est décisive. Des exemples de corruption ont été cités, notamment dans le tennis, évoquant tel ou tel sportif manipulé. Il est indéniable que de telles pratiques existent déjà. Simplement, elles peuvent être évitées en donnant au monde sportif la capacité de déterminer ce qui est permis et ce qui doit être interdit. Au fond, nul n'est mieux placé que la fédération de tennis, la fédération de football, la fédération d'escrime, la fédération d'aviron pour préciser les événements sur lesquels peuvent être placés des paris non susceptibles de manipulations.
En fait, s'agissant du pari à cote fixe, tout dépend des organisateurs, des bases sur lesquelles il repose et des modalités d'accès des joueurs. À partir du moment où ces questions font l'objet d'un travail sérieux et approfondi et d'une concertation, il importe de conserver la possibilité de ce type de pari.
(Les amendements identiques nos 84 et 162 à 170 ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Jacques Myard pour défendre l'amendement n° 43 rectifié .
Il me semble que ces arguments doivent être précisés car nous sommes un certain nombre à éprouver des réticences à propos du pari à la cote.
Pour notre part, nous sommes partisans d'un principe d'interdiction générale du pari à la cote. À défaut, nous souhaiterions que certains types de paris à la cote – car il en existe diverses sortes, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre – soient bannis car certains sont plus problématiques que d'autres et induisent des dangers.
Louis Giscard d'Estaing et moi-même avons donc signé un amendement visant à interdire les paris à la cote sur les manifestations sportives, comme c'est déjà le cas pour les courses hippiques.
L'article 2 étant lié à l'article 4, j'aimerais entendre le Gouvernement sur ces questions avant de me prononcer.
Les propos que j'ai tenus à l'encontre des amendements précédents valent également pour celui-ci.
Il existe plusieurs types de paris à cote fixe.
L'exchange betting, qui suppose la rencontre de plusieurs joueurs sur des plateformes, nous est d'abord apparu difficile à accepter. Cependant, après une étude approfondie – est-il aussi dangereux qu'il en a l'air ? Facilite-t-il la corruption et le blanchiment ? Comment sont contrôlées les plateformes ? Comment savoir si les joueurs ne sont pas également opérateurs ? – nous avons estimé que nous pouvions autoriser ce type de pari.
Pour faire un pas vers vous, monsieur Myard, et prendre en compte vos craintes, je suis cependant prêt à interdire l'exchange betting dans le présent projet de loi. Dans dix-huit mois, nous pourrons réaliser une évaluation de la manière dont les paris à cote fixe auront fonctionné et auront été régulés. L'ARJEL livrera une analyse sans indulgence sur ce point. Nous pourrons alors réexaminer la question et statuer sur ce type de pari.
J'espère que cela sera de nature à apaiser le débat et à montrer la bonne volonté du Gouvernement, tout en respectant le principe de précaution.
À travers cet amendement, nous tentons de mettre en évidence les différences entre modèles de prise de pari.
La caractéristique du pari à cote fixe est le fait que l'opérateur est lui-même financièrement intéressé aux résultats de la compétition sportive ou hippique qui fait l'objet du pari. Cela a une double conséquence.
Tout d'abord, l'opérateur, dans certains cas, peut être tenté d'éviter que le résultat lui fasse perdre de l'argent. J'aurai l'occasion de revenir sur le type d'opérateur susceptible de présenter ces paris à cote fixe.
Ensuite, il y a risque de conflits d'intérêts entre l'opérateur et un club de sport ou une équipe auxquels il serait liée par du sponsoring, par exemple.
Voilà deux raisons pour lesquelles le pari à cote fixe peut présenter de vrais dangers, ne serait-ce qu'en termes d'éthique du sport.
Monsieur le rapporteur, vous avez souligné que le pari à cote fixe était légalisé à travers « Cote et Match ». Néanmoins il ne faut pas oublier que ce jeu est géré par La Française des jeux, opérateur public neutre. Si jamais d'autres opérateurs étaient autorisés à organiser des paris à cote fixe, le principe de l'intérêt général, qui sous-tend l'activité de La Française des jeux, serait modifié.
À cet égard je voudrais inverser la proposition, monsieur le ministre.
Le modèle français, développé depuis la fin du XIXe siècle pour les courses hippiques, est celui du pari mutuel, qui a remplacé le pari à cote fixe afin d'éviter tout risque de conflit d'intérêts et d'intervention de l'opérateur dans le résultat des courses. A donc été fait le choix d'un pari mutuel urbain, réseau collectant à l'échelon national des sommes pour les mutualiser. L'ensemble des enjeux étant placés dans une masse commune, l'opérateur n'a pas d'intérêt particulier aux résultats de la course. Par ailleurs, il assure une mission de service public, ce qui a permis de financer des adductions d'eau, le mouvement sportif et, bien sûr, la filière hippique. Ce modèle a fait ses preuves.
Monsieur le ministre, vous avez cité les pays européens où le pari à cote fixe était autorisé. Cependant vous savez parfaitement que cela a ruiné la filière hippique. Ainsi en Belgique, quand le pari à cote fixe a été introduit, les grands hippodromes ont été contraints de fermer.
Il faut aussi accepter le principe selon lequel les opérateurs de paris à cote fixe ne participent pas, dans des proportions équivalentes, au financement d'infrastructures ou à des causes d'intérêt général. Cela est, d'une certaine manière, légitime puisque ce n'est pas leur vocation.
Au moment où la France trace la voie en matière de régulation internationale, nous avons là l'occasion de créer un modèle français en matière de paris et c'est le modèle mutualiste qui me semble être le bon.
Monsieur Giscard d'Estaing, vous avez fait référence à l'intéressement aux résultats des opérateurs. Vous avez ainsi laissé entendre que l'opérateur ne proposerait qu'un seul type de paris sur l'ensemble du territoire qu'il couvre. Que se passera-t-il, par exemple, pour un match de football France-Allemagne ? La majorité des Français jouera la France gagnante, tandis que la majorité des Allemands jouera l'Allemagne gagnante. Vous voyez donc bien que l'opérateur n'a strictement aucun intérêt à falsifier un résultat. C'est tout le principe du pari à cote sportif en ligne.
Tout à l'heure il a été fait référence à un match de tennis truqué. C'est un parieur avec, semble-t-il, la complicité du joueur qui a truqué le match et non l'opérateur. D'ailleurs ce dernier a immédiatement révélé la tricherie. Dès lors que l'opérateur est connu, identifié, que son actionnariat a été vérifié par une autorité indépendante comme l'ARJEL, que l'on connaît son dispositif de flux financiers et sa capacité technologique à proposer des paris à cote, il n'a aucun intérêt à falsifier un résultat.
En Italie, à côté du pari mutuel existe le pari à cote et il semble que les deux systèmes fassent bon ménage. Le dispositif fonctionne d'autant mieux que l'ensemble des compétitions est bien mieux surveillé. C'est d'ailleurs tout l'enjeu de ce texte : protéger les compétitions à travers le droit aux paris et l'encadrement strict du type de pari.
Je rappelle que tout jeu négatif est interdit, c'est-à-dire qu'on ne peut pas parier sur une main, un coup franc, un penalty, une première touche, un premier corner, car il serait très facile de tricher. Seuls les gestes positifs seront soumis aux paris.
Vous voyez que le dispositif est encadré, ouvert de façon maîtrisé aux paris à cote, comme cela se fait dans 98 % des cas. Il est donc de notre responsabilité de permettre le pari à cote car c'est ce que demandent les joueurs qui veulent faire du pari sportif.
Monsieur Giscard d'Estaing, vous souhaitez protéger la filière hippique et permettre son développement. Mon objectif est également qu'elle puisse continuer à exister, qu'elle prospère, qu'elle soit un support d'activité économique partout en France et qu'elle continue à nous faire vivre de bons moments.
Le pari à cote a-t-il déstabilisé les filières là où il s'est implanté ? Les exemples belges, italiens, néerlandais ou encore allemands ne le démontrent pas du tout. Nous sommes allés sur place pour voir comment les choses s'étaient passées.
En Belgique, par exemple, il n'y a pas de régulation et l'on fait un peu n'importe quoi en la matière, ce qui est très déstabilisant. L'exemple allemand illustre les préjudices subis par la filière hippique du fait des sites illégaux dans un cadre supposé fermé. Le dépôt de bilan de l'hippodrome de Baden-Baden s'explique par un manque de contrôle de l'offre illégale et un système déficient de soutien à la filière. En Italie, la filière hippique a été déstabilisée pour d'autres raisons que l'organisation des paris.
Le projet de loi prévoit que les paris sportifs peuvent s'organiser soit sous forme mutuelle soit sous forme de pari à cote fixe. Quant aux paris hippiques, ils ne peuvent avoir lieu que sous forme mutuelle. On ne pourra pas faire porter à la cote fixe qui, en France, sera régulée, tous les maux de la terre et prétendre qu'elle va déstabiliser indirectement la filière hippique.
En résumé, je suis favorable à l'amendement n° 34 qui interdit le betting exchange, mais défavorable à l'amendement n° 43 rectifié .
Je ne suis pas du tout convaincu par l'argumentation de M. le ministre.
Vous vous épuisez à vouloir blanchir les opérateurs de paris à cote fixe, ce qui vous conduit à faire des démonstrations qui sont soit d'une naïveté extraordinaire, soit d'une grande hypocrisie. Or on ne peut pas vous accuser de manier le mensonge pour faire voter un texte de loi.
En prenant l'exemple d'un match France-Allemagne, M. le rapporteur a considéré que les opérateurs de paris à cote étaient de vraies « Mère Teresa ». Or cela ne prend pas en compte le fait que leur objectif d'opérateur privé consiste à faire de l'argent et que, pour ce faire, ils utilisent tous les moyens possibles. Or l'opinion des joueurs se travaille ; on peut l'amplifier dans une direction. Par conséquent, arrêtons de banaliser les paris à cote fixe alors que chacun sait qu'ils ont des effets extrêmement pervers, notamment des comportements mafieux. Je ne vois donc pas pourquoi vous vous acharnez à faire des démonstrations qui ne démontrent rien du tout !
M. Giscard d'Estaing a montré que, dans le pari mutuel, l'organisateur est neutre tandis que, dans le pari à cote il a un intérêt puisque c'est souvent contre lui que l'on joue.
Je comprends bien que le Gouvernement souhaite la mise en place des paris à cote dans les paris sportifs et il nous propose que les bourses d'échange en soient exclues. Je considère que le texte de loi doit prévoir que l'ARJEL surveille plus particulièrement cette catégorie de paris, afin que l'on puisse apprécier régulièrement ce système.
Comme je l'ai déjà souligné, nous examinons un grand projet de loi qui prend en compte les changements que connaît le monde. Il est d'ailleurs possible que nos successeurs le modifient encore, car nous risquons de ne pas trouver le bon équilibre immédiatement. Il faut donc trouver le moyen de surveiller de très près ce genre de pari pour éviter toute dérive dont vous seriez les premières victimes, tout comme nous.
Le rapporteur a bien souligné que les paris à cote ne concerneraient pas les paris hippiques mais bien les paris sportifs et M. Giscard d'Estaing a montré les risques de conflits d'intérêts des opérateurs qui, en la matière, peuvent être grands.
Actuellement, sur les sites illégaux, c'est-à-dire ceux qui sont installés à Malte, mais qui seront demain les sponsors des clubs de football professionnels de notre championnat de ligue 1, on peut parier sur le prochain match PSG-Nancy avec, comme opérateur, le sponsor du club. Il est évident qu'il y a des conflits d'intérêts entre les uns et les autres.
À l'alinéa 3 de l'article 2, vous précisez que l'opérateur propose des cotes avant le début des compétitions sportives ou au cours de leur déroulement. Aujourd'hui, j'ai lu, sur le site Betclick.com que la cote du match Îles Féroé-France était de 40 contre 1. Si, à la mi-temps, on peut encore penser qu'il y aura match nul, quelle sera la cote des Îles Féroé à ce moment-là ?
Il y a donc un vrai problème étant donné que l'on peut parier pendant le déroulement de la compétition. Il risque d'y avoir de véritables conflits d'intérêts et d'intéressement autour de ces opérateurs de paris en ligne qui sont bien souvent liés à certains clubs sportifs.
Monsieur le ministre, j'ai bien entendu vos arguments. Toutefois, vous n'avez pas répondu sur le risque de cannibalisation entre les opérateurs si l'on introduit dans une discipline le pari à cote fixe avec un taux de retour joueur qui ne serait pas le même que dans l'hypothèse où il y a maintien absolu du pari mutuel sur les courses hippiques.
Que risque-t-il de se passer ?
Ce texte pourrait déstabiliser la filière hippique, non par un effet direct, mais par un effet collatéral. Je rappelle en effet que le pari à cote fixe permet d'obtenir une cote à l'avance alors que le pari mutuel n'a qu'une seule cote, au moment de l'épreuve. Parce que les joueurs cherchent à travers le pari à cote fixe à obtenir des rendements élevés, il est probable que, progressivement, s'opèrent des transferts d'un mode vers l'autre, ce qui déstabilisera la filière hippique.
Il est vrai, par ailleurs, que des hippodromes ont pu fermer à l'étranger pour d'autres raisons que celles que je viens d'évoquer. Faut-il cependant rappeler la situation des pays qui pratiquent exclusivement ou presque le pari à cote fixe – je pense en particulier à la Grande-Bretagne et à l'Irlande – sur leurs courses hippiques ? Peut-on considérer que ces pays se satisfont de la manière dont les opérateurs de paris à cote fixe participent au financement de la filière ? Je ne le crois pas, et vous le savez également car vous avez certainement eu l'occasion d'échanger à ce propos avec vos interlocuteurs britanniques ou irlandais.
J'en viens au live betting, évoqué par M. le rapporteur et Mme Fourneyron, ce pari en direct qui permet de prendre un pari à cote fixe, à l'avance, avec toutes sortes de réserves, et de le prolonger pendant le déroulement de l'épreuve.
J'ai déposé sur ce sujet un amendement qui viendra plus tard en discussion, pour demander que le texte interdise la poursuite des paris pendant l'épreuve. Les autoriser serait de nature à modifier la manière dont nous percevons le déroulement des épreuves sportives en France.
Nous concevons qu'il puisse être pris des paris sous telle ou telle forme sur le résultat de l'épreuve, éventuellement sur le résultat combiné de plusieurs épreuves entre elles, ce qui a fait le succès de certains lotos sportifs, mais il ne doit pas être possible de continuer à parier avec des cotes qui elles-mêmes évoluent pendant la durée du match, parce que, à un moment de la manifestation, des commentateurs pourraient introduire un biais dans l'appréciation du résultat final. Nous devons éviter toute sorte de conflit d'intérêts.
Comme vous avez parfaitement répondu à la demande de Jacques Myard pour exclure l'exchange betting, je vous demande, monsieur le ministre, de vous engager à mettre fin à toute pratique de live betting, de pari en direct, pendant le déroulement de la compétition sportive. Cette mesure me paraît cohérente.
Juste quelques mots car je me suis déjà exprimé sur ce sujet.
Prenons le cas de l'Allemagne où la filière hippique aurait été tuée ; c'est une rumeur répandue sur les hippodromes. Deux tiers des paris y sont à cote fixe et un tiers en pari mutuel. Le retour ne se fait que sur le mutuel, pas sur la cote fixe. Il est certain que ce système ne peut que tuer la filière.
Notre dispositif est au contraire très différent puisque des taux de retour précis, encadrés, sont posés. Je réponds ainsi à ceux qui nous accusent de tuer la filière car le sujet principal est bien de trouver les moyens de la faire perdurer et de lui assurer les ressources nécessaires ; la lutte contre la corruption ou la manipulation est un autre sujet.
Vous redoutez un effet collatéral, monsieur Giscard d'Estaing, et je reconnais que la question peut se poser dès lors que l'on a d'un côté un système de pari mutuel avec un taux de retour important pour financer la filière hippique et de l'autre des paris à cote fixe avec des taux de retour inférieurs. Nous avons introduit un biais supplémentaire pour essayer d'établir un équilibre entre les différentes filières en plafonnant le taux de retour aux joueurs à 85 %. Ce taux est fixé sur ce que la filière hippique pratique elle-même. Entre nous, c'est également une bonne manière de lutter contre l'addiction.
S'agissant du live betting, il ne s'agit pas d'un mauvais système en soi à condition qu'il soit contrôlé. L'ARJEL le fera si la disposition est votée très précisément, d'autant que ne peut servir de support de pari dans les paris en continu que ce qui n'est pas manipulable. Il n'est pas possible d'introduire ce type de pari dans les courses hippiques qui ne durent pas assez longtemps, mais c'est envisageable sur des épreuves beaucoup plus longues, sans que cela augmente les risques liés à la manipulation d'un événement.
Sur le vote de l'amendement n° 43 rectifié , je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Nicolas Perruchot.
Permettez-moi de rappeler à Mme Fourneyron qu'il y a trois cotes dans les paris à cote : dans l'exemple du match France-Îles Féroé, il y a celle de la France qui gagne, celle du match nul et celle des Îles Féroé gagnantes. Il revient bien entendu au joueur d'apprécier le risque.
Un autre exemple, pour vous démontrer que votre argument ne tient pas, est celui du Paris-Saint-Germain qui a failli descendre en ligue 2 voici deux ou trois saisons. Même si une société avait été partenaire de ce club, elle aurait eu bien tort d'inciter les joueurs à parier sur lui. Il n'y pas de lien direct entre le fait d'être partenaire et le résultat d'un match, sur lequel il n'est pas possible d'influer. L'intérêt du partenariat n'est pas de décider du résultat d'un match. Qui aurait pu parier, voici une ou deux saisons, sur les deux ou trois clubs qui allaient descendre en ligue 1 ? C'est très difficile.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 43 rectifié .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 68
Nombre de suffrages exprimés 66
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 18
Contre 48
(L'amendement n° 43 rectifié n'est pas adopté.)
Il est en effet défendu puisqu'il tend, dans le cadre de cet article sur les paris à la cote, d'éviter une bourse d'échanges entre les joueurs.
La parole est à M. Nicolas Perruchot pour soutenir l'amendement n° 62 .
Beaucoup a déjà été dit mais je veux remercier M. le ministre pour cette ouverture intelligente. Il subsiste encore nombre d'incertitudes autour du betting exchange et il est sage de revenir à la rédaction initiale. Je suis très heureux de cette décision.
Mon argumentation sera la même que celle de mes collègues. Il est intéressant de faire preuve de prudence, en posant tout d'abord une interdiction, avant d'autoriser quelques exceptions qui seront définies et encadrées. Il serait bon d'adopter une approche similaire sur le pari à cote.
Permettez-moi de prendre la parole car c'est en partie sur mon initiative qu'a été transformé le « son » évaluation en « une » évaluation lors de la discussion en commission le 22 juillet dernier.
J'ai entendu vos arguments et ceux du ministre. J'y reviendrai. Mettons de côté le spread betting, si vous en êtes d'accord, puisque nous avons acté qu'il était interdit.
Parlons de « pari à fourchette » si vous voulez, monsieur Gorce. C'est dommage que vous n'ayez rien d'autre à dire.
J'ai rectifié !
Le pari à fourchette ne permettait pas de savoir combien l'on perdait. Vous misiez cent et, en fonction de la fourchette que l'opérateur vous proposait, si la fourchette était largement dépassée, vous pouviez perdre quatre, cinq, dix fois la mise sans véritablement connaître le montant de la perte.
S'agissant de l'exchange betting, j'attire simplement votre attention sur le fait qu'en l'écartant du champ légal, vous allez permettre à nouveau à des Français de parier sur n'importe quoi, n'importe comment. Intégré dans le champ légal, les règles, en particulier en matière de pari sportif, se seraient au contraire appliquées, dans un système encadré par les fédérations sportives et en toute transparence. L'on voyait d'où venait la cote et où elle allait. Je pense que ce système aurait offert une véritable garantie aux parieurs. Nous aurions pu, dans dix-huit mois, l'évaluer.
J'ai entendu l'ensemble des intervenants qui ont déposé les amendements de retrait de la bourse d'échange, ainsi que le ministre. Je me range à leur avis de prudence, pour reprendre les mots de M. Censi, même si je pense que l'on met en danger un certain type de joueurs en les laissant parier sur des sites et dans des conditions que nous ne pourrons pas maîtriser. Sur ce point, monsieur Myard, il faudra que l'ARJEL soit très vigilante, encore plus que sur le pari à cote, pour en interdire toute publicité et empêcher les Français d'y accéder, ce qui représentera beaucoup de travail ! Je tiens à vous dire combien je regrette que cette forme de pari reste en dehors du champ légal.
Le problème de ce genre de pari, tel que je l'ai compris, car il faut bien que de temps en temps la turpitude soit prise en compte dans l'imagination, est que l'on n'arrive pas à bien contrôler le TRJ. Sur la multiplicité des échanges qui peuvent se nouer, alors que l'on veut un TRJ unique pour l'ensemble des opérateurs, le TRJ a été mis en échec.
(Les amendements identiques nos 34 , 62 , 615 , acceptés par le Gouvernement, sont adoptés à l'unanimité.)
(L'article 2, amendé, est adopté.)
Prochaine séance, jeudi 8 octobre à neuf heures trente :
Suite du projet relatif aux jeux d'argent et de hasard en ligne.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 8 octobre 2009, à une heure quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma