J'espère, madame la présidente, que j'aurai droit à quelques secondes supplémentaires.
Un tel dispositif existe déjà et vise à protéger les joueurs, d'une part, et à étouffer et à poursuivre plus efficacement les clandestins et les professionnels de l'arnaque, d'autre part.
Si je me réfère à cette grille d'analyse, je constate que ce texte se présente comme une restriction du marché et des possibilités de jeu et nous ne devons pas en avoir honte.
D'abord parce que le taux de fiscalité, plus élevé que dans la plupart des autres pays, et le taux de redistribution aux joueurs, plus bas qu'ailleurs, ont été établis précisément dans une volonté de modération des comportements compulsifs. Ensuite, ces mêmes taux permettent, contrairement aux allégations que nous venons d'entendre, une redistribution par l'État, et donc dans l'intérêt public, plus importante que n'importe où ailleurs. Au point, il convient de le remarquer, que tout le monde doute de l'importance des bénéfices potentiels à réaliser demain dans l'espace français.
Ce même taux de redistribution sur les paris sportifs – à hauteur de 80 à 85 % – permettra de lutter efficacement contre les pratiques de blanchiment par le betting exchange, qui permettent au crime organisé de couvrir ses pertes. On reste dans l'axe national qui a toujours été celui de la gestion des jeux en France.
Toujours en ce qui concerne cette dimension restrictive, j'ai écouté attentivement nos collègues de gauche rappeler en particulier que le ministre du budget n'avait pas prévu d'augmentation du marché. Il l'a fait à juste raison et je crois que la maîtrise de ce marché sera un gage de notre réussite. Du reste, pour qui se penche un peu sur les éléments techniques du projet de loi et de l'organisation générale du marché actuel, le risque d'une augmentation du nombre de joueurs – je le dis pour André Chassaigne dont je salue au passage la mesure de l'intervention – est largement évité.
Les contrôles à l'inscription pour les joueurs, l'abondement d'un compte ou la limitation des mises constituent un barrage évident au jeu spontané, surtout lorsque, en France, existent en parallèle 15 000 points de vente de la Française des Jeux et des milliers du PMU, où chacun peut jouer sans procédure particulière.
Le problème sur lequel il faudra se concentrer, est celui de la surveillance des mises individuelles, qui sera rendue possible par la nouvelle loi, ce qui devrait renforcer la position que la France a toujours tenue.
Les principes étant acquis – et ils me semblent respectés dans le texte –, il reste que le diable se cache aussi, bien souvent, dans les détails, comme l'a souligné notre ami Jacques Myard. Il ne vous étonnera pas, monsieur le ministre, que je soulève, une fois encore, deux questions particulières.
La première concerne le sort des opérateurs présents en ce moment, donc illégaux. Il leur sera demandé, passez-moi l'expression, de remettre les compteurs à zéro en fermant leurs comptes joueurs et en ne réutilisant pas leurs fichiers. On ne peut pas considérer cela comme suffisant au regard de la loi française car, vous l'avez confirmé, ils opèrent en ce moment en toute illégalité. Il ne serait donc pas normal que le fait d'avoir enfreint la loi actuelle constitue pour eux un avantage compétitif sur ceux qui la respectent. Ce serait un encouragement à entrer sur le marché avant le vote de la présente loi.
La seconde vise évidemment l'article 52. Il franchit, pour moi, la ligne jaune de notre volonté d'orienter le projet de loi dans le sens de l'intérêt général, et il risque de rompre la cohérence du texte dans notre volonté de respecter la doctrine de notre droit français.
S'agissant du droit au pari, d'abord, on crée une possibilité de négociation directe, contractuelle, entre les opérateurs de jeux et les organisateurs d'événements sportifs. C'est une nouveauté qui me surprend. D'un côté, on interdit toute relation capitalistique entre ces deux univers, pour éviter les conflits d'intérêt, et de l'autre, on accepte une contractualisation entre des ligues ou des fédérations et les opérateurs, individuellement, avec, à la clé, des versements de droits ou de royalties dont on ne sait pas s'ils seront différents, et comment ils le seront, entre les uns et les autres, et négociés sur des bases totalement libérées.
L'arrêt Santa Casa a d'ailleurs normalement réglé cette question de manière implicite, en disant qu'il convient de tenir à l'écart les organisateurs des paris sportifs de tout conflit sportif, ainsi que les organisateurs de l'événement sportif du pari. Or les conflits ne manqueront pas, puisque le projet situe le droit dans une démarche contractuelle. Dans ce sens, quarante-sept pays organisateurs de paris sportifs en Europe ont déjà signé un code de bonne conduite faisant respecter ces règles de stricte séparation.
Par ailleurs le mécanisme inscrit dans la loi, n'est pas non plus conforme à la notion d'intérêt général qui a permis de financer jusqu'à aujourd'hui l'ensemble du sport français au travers du CNDS. On le sait, 90 % des paris seront faits sur le football. Qu'en sera-t-il des autres fédérations ? Pourquoi ne bénéficieraient-elles pas de ce nouveau marché ? Pourquoi multiplier et segmenter les recettes provenant des jeux en ligne ? Je ne voudrais pas que cette loi, par ailleurs très bien faite, favorise l'émergence d'un sport à deux vitesses : d'un côté, les fédérations médiatisées, à vocation professionnelle, et de l'autre, celles peu médiatisées, à vocation amateur, mais pour lesquelles les retombées financières provenant des sources privées seront nulles.
Enfin, si l'on parle beaucoup de droit au pari, c'est d'un droit de propriété général, opposable à tous, qu'il s'agit en réalité dans le projet de loi. Je suis donc très étonné que l'on ne soit pas allé plus au fond de ce droit en matière de conséquences générales sur les libertés fondamentales, notamment la libre circulation de l'information, comme l'a fait le Conseil d'État.
Toute utilisation à des fins commerciales des éléments caractéristiques, parmi lesquels sont nommés les résultats, les calendriers, les statistiques, devront faire l'objet de paiements de droit. Qu'en sera-t-il, monsieur le ministre, mes chers collègues rapporteurs, de jeux autres que les paris, donc commerciaux, faisant référence à ces éléments ? On pourrait citer, mais je ne le ferai pas, le Trivial Pursuit, ou encore certains jeux télévisés. Qu'en sera-t-il devant les tribunaux, alors que les résultats publiés sont aujourd'hui dans le domaine public ? Qu'en sera-t-il des émissions radios et télé, non journalistiques mais de pronostics et de commentaire, ainsi que des éditeurs, tous et toutes à vocation commerciale ? Qu'en sera-t-il des voyagistes, qui organisent des déplacements sur les matchs en fonction des calendriers, et que certaines fédérations ont déjà traduits devant les tribunaux ? Ils ne sont pas protégés.
Monsieur le ministre, je regrette que l'on n'ait pas mutualisé ces droits en allant plus loin, comme l'ont fait d'autres professions, par exemple les auteurs et compositeurs, avec la création de la SACEM ou de la SACD. On aurait très bien pu imaginer une SACEM des sports. Mais je crois qu'il faudra pour cela aller au-delà de ce projet de loi. Comment se fait-il que nous ayons pris le risque de conflits, qui ne manqueront pas, à mon avis, de se produire ? C'est une entorse dommageable, dans un projet qui, par ailleurs, est tout à fait attendu. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)