La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Jean-Michel Clément.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'éducation nationale, mes chers collègues, ce projet de loi est d'abord démagogique, parce qu'inapplicable dans la plupart des situations pour la majorité des communes à qui il s'adresse. Celles-ci ne seront pas en mesure de mettre en oeuvre ce texte, et vous le savez.
Ensuite, il est idéologique, parce qu'il oppose les parents aux enseignants, les enseignants aux fonctionnaires territoriaux, en opérant à visage découvert pour dire que les dépenses compensées des collectivités locales seront précomptées sur les retenues des salaires des grévistes.
Enfin, il est dangereux pour les élus qui auront la charge de l'appliquer. Ces derniers ne disposant pas des moyens nécessaires à cet effet risquent de voir leur responsabilité pénale mise en cause, faute d'avoir accompli les diligences normales dans la mise en oeuvre du service d'accueil.
Ces derniers points retiendront plus particulièrement mon attention, à la lumière de mon expérience d'élu rural et d'avocat.
Le service d'accueil apparaît comme une nouvelle compétence pour les communes. L'article 3 confie à la commune l'organisation du service d'accueil en cas de grève des enseignants.
Notons d'emblée une difficulté à la lecture de l'article 2, dont la définition, plus large, fait bénéficier l'élève d'un service d'accueil gratuit « par suite de l'absence ou de l'empêchement du professeur habituel de l'élève et de l'impossibilité de le remplacer ». Est-ce à dire que l'État se défausse sur les collectivités locales pour faire face à son indigence dans tous les cas autres que celui initialement visé par le texte ? De quel droit le ferait-il ?
On nous dit que le service d'accueil est mis en place par la commune, et non pas par le maire en tant qu'agent de l'État. Il ne s'agit donc pas pour le maire d'exercer une compétence au nom de l'État. Il s'agit de l'attribution à la commune d'une compétence nouvelle, dans une situation initialement strictement précisée : la grève de plus de 20 % des enseignants – depuis le passage du texte devant le Sénat, le chiffre initialement fixé par le Gouvernement étant de 10 % –, mais élargie à bien d'autres situations aux termes de l'article L. 133-1 du code de l'éducation.
Cette nouvelle compétence ne va-t-elle pas à l'encontre du principe de libre administration des communes ? La prise en charge d'un temps qui relève du temps scolaire remet en cause les mécanismes actuels de compétences partagées de l'école communale qui reposent, nous le savons, sur deux principes : la complémentarité des actions – temps scolaire relevant de l'État et temps périscolaire relevant facultativement des communes – et le strict respect des responsabilités des uns et des autres sur les différents temps de l'enfant.
Le projet de loi précise que le service d'accueil doit être mis en place lorsque le nombre d'enseignants déclarés grévistes est supérieur à 20 %. Il doit donc être organisé dès qu'il y a un instituteur en grève dans une école de cinq classes au moins, cas le plus fréquent en zone rurale. En France, 81 % des écoles maternelles et 59 % des écoles élémentaires ont moins de cinq classes. Toutes les communes rurales seront ainsi concernées.
Aux difficultés qu'elles connaissent pour trouver du personnel qualifié, à qui elles ne peuvent offrir que des temps partiels, va s'ajouter la difficulté de trouver le personnel nécessaire pour assurer ce service d'accueil. Peut-être, monsieur le ministre, le personnel de votre cabinet pourra-t-il s'en charger dans les cas les plus criants, …
…à moins que vous ne vouliez justifier la fermeture des écoles rurales, dont le mouvement est enclenché !
L'article 5 précise que l'autorité administrative informera, par école, chaque maire du nombre d'enseignants se déclarant grévistes dès qu'elle aura connaissance des déclarations individuelles des enseignants. Il sera nécessaire pour le maire d'avoir une information distincte entre école maternelle et école primaire, le taux d'encadrement ne pouvant être le même. Il n'est pas évident non plus que l'on puisse faire appel au même type de personnes pour garder des élèves de cours préparatoire ou de cours moyen. Comment concilier une information par niveau et l'information non nominative exigée par le secret professionnel ?
Le maire disposera d'un délai de quarante-huit heures, au mieux, pour organiser le service d'accueil. Ce délai est insuffisant à plusieurs titres. Il est difficile de trouver en moins de quarante-huit heures les personnels susceptibles d'assurer l'accueil, surtout s'il s'agit d'une grève de la fonction publique pendant laquelle les personnels communaux sont également en grève. Ce délai n'est pas suffisant pour consulter le fichier des personnes ne pouvant s'occuper des enfants. Il ne permet pas de consulter les parents pour apprécier le nombre d'enfants qui doivent être accueillis et dimensionner le service d'accueil. Faudra-t-il demander aux élus locaux d'assurer cet accueil ? À l'évidence, le texte le suggère.
On nous dit enfin que le maire peut organiser ce service d'accueil dans les locaux scolaires, y compris lorsque des enseignants non grévistes continuent d'enseigner. Il pourrait ainsi y avoir utilisation des locaux scolaires par la commune pendant le temps scolaire, ce qui est une novation, puisque, normalement, pendant ce temps, ils sont occupés par l'éducation nationale. L'utilisation conjointe des bâtiments par l'État et par la commune pose question en matière de responsabilité dans les parties hors classes qui vont servir à l'ensemble des élèves et des encadrants.
Enfin, un article 7 bis a été ajouté pour préciser que « le maire établit la liste des personnes susceptibles de participer à l'organisation du service d'accueil ». M. le rapporteur nous a dit en commission des lois que celles-ci n'étaient pas forcément titulaires des diplômes requis pour assurer le service périscolaire s'agissant de « courts séjours ». Cela signifie donc que le service d'accueil organisé dans les locaux scolaires et sur le temps scolaire pourra l'être par un « quidam réquisitionné » dans un court délai, quidam faisant fonction de réserviste de l'éducation nationale, dont on se sera assuré de l'intégrité et de la moralité pour une durée indéterminée ! Ce sera encore une nouvelle responsabilité qui va peser sur le maire parce que c'est lui qui proposera. L'exercice plein et entier de cette nouvelle compétence ne laisse pas planer de doute sur la responsabilité de la commune et du maire sur ce service d'accueil.
Le service d'accueil est une responsabilité accrue pour les maires. Cela pose l'autre véritable problème de ce texte : la responsabilité des élus. Tout le monde, jusqu'à présent, s'est efforcé de l'énoncer sans apporter de véritables réponses.
Selon l'article 8 bis : « la responsabilité administrative de l'État est substituée à celle de la commune dans tous les cas où celle-ci se trouve engagée en raison d'un fait dommageable commis ou subi par un élève du fait de l'organisation ou du fonctionnement du service d'accueil. L'État est alors subrogé aux droits de la commune, notamment pour exercer les actions récursoires qui lui sont ouvertes. »
Cet article est insuffisant. Il n'exonère pas les communes lorsque celles-ci auront mis en place un service qui se révélera défaillant à l'usage. Il n'exonère pas non plus les maires de leur responsabilité. Au contraire, il élargit le spectre des contentieux susceptibles de les atteindre personnellement.
Notre société, nous le savons, tend à suppléer le défaut de solidarité et de conscience collective par une mise en cause quasi systématique de la responsabilité des acteurs locaux. Cela se traduit par la judiciarisation et la pénalisation de la vie sociale. En réalité, les victimes souhaitent être indemnisées et obtenir la sanction pénale d'une personne qualifiée de coupable.
L'article 121-3 du code pénal issu de la loi du 10 juillet 2000 a redéfini les contours de la responsabilité pénale en matière de délits non intentionnels, dans l'espoir de parvenir à un équilibre entre deux intérêts contradictoires : d'une part, responsabiliser les acteurs sociaux et, d'autre part, éviter un excès de pénalisation de la vie sociale, susceptible de décourager et démotiver l'initiative individuelle et collective. Pour autant il n'a pas tout réglé !
À la lumière des nouvelles exigences de la loi, le juge doit tout d'abord établir un lien de causalité indirecte. Dans un deuxième temps, le juge devra déterminer la faute de la personne physique.
Deux cas sont prévus par le texte en cas de causalité indirecte : la violation manifestement délibérée d'une obligation légale ou réglementaire et la faute caractérisée exposant autrui à un risque grave, lequel ne pouvait être ignoré par la personne ayant commis cette faute. Dans ce dernier cas, situation visée au cas particulier, la loi exige la réunion de trois éléments cumulatifs. D'abord, une faute caractérisée doit être retenue. Ensuite, la personne physique qui a commis cette faute caractérisée doit avoir exposé autrui à un risque d'une particulière gravité. Enfin, il faut établir que l'auteur de la faute caractérisée ne pouvait ignorer l'existence de ce risque.
Il s'agit d'une exigence essentielle, ayant pour objet d'éviter que des sanctions pénales ne soient appliquées à des personnes qui n'étaient pas en mesure de connaître le risque encouru. Cette exigence légale sera remplie lorsque le juge pourra établir que la personne connaissait l'existence du risque et sa gravité, et lorsque cette dernière ne parviendra pas à démontrer son ignorance totale de cette situation à risque compte tenu des présomptions résultant des faits de l'espèce.
S'agissant des défaillances susceptibles d'affecter ce service d'accueil, le juge va rechercher s'il existe une faute caractérisée exposant autrui à un risque grave, lequel ne pouvait être ignoré par la personne à qui on reproche cette faute. L'établissement de cette faute résultera d'une analyse, au cas par cas, mais il est clair que le risque est grand, compte tenu des conditions dans lesquelles les maires vont devoir mettre ce service d'accueil en place, de voir leur responsabilité mise en cause dans les cas les plus graves. Ces derniers peuvent être fréquents dès lors qu'il s'agit de relations adultes-enfants, alors même que l'on sait les parents prompts à surréagir.
Selon les cas, une ou plusieurs personnes – maire, agent territorial, personne chargée d'assurer le service – pourront voir leur responsabilité pénale mise en cause et feront l'objet d'une mise en examen et, le cas échéant, d'un renvoi devant une juridiction de jugement. À n'en pas douter, le maire sera toujours concerné dès lors que lui incombe la responsabilité de mettre en place ce service.
En résumé, voilà une nouvelle occasion d'élargir le champ de la responsabilité des maires, que la loi Fauchon avait voulu encadrer. Ce ne sont pas les propos rassurants prononcés cet après-midi qui pourront nous convaincre. La mise en examen des élus est toujours un affaiblissement pour notre démocratie.
Après le renvoi vers les collectivités locales par l'État de ses missions régaliennes en termes d'éducation, l'élargissement du champ de la responsabilité des élus pour faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité est un nouveau coup porté à notre pacte social, à moins qu'il ne s'agisse d'opposer cette fois l'État aux collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais aller droit au but : ce texte est très bon. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C'est un dispositif pragmatique qui apporte une réponse aux attentes de nos concitoyens, en particulier des familles.
Grâce à ce dispositif, la majorité, avec vous monsieur le ministre, fait reculer davantage les idéologies d'un autre temps.
Oui, nous pouvons, aujourd'hui, en France, mettre en place des dispositions protectrices pour tous qui soient les garantes d'un pacte social moderne.
Monsieur le ministre, ce texte est protecteur. Il protège les enfants en leur garantissant le droit d'être accueillis dans de bonnes conditions, les jours de grève à l'école. Il protège les familles : les parents sont assurés de ne pas rester en carafe devant la porte de l'école. Il protège également – vous l'avez dit à plusieurs reprises – la liberté de travailler des parents concernés. Enfin, il protège le bon exercice du droit de grève.
Je regrette vivement que la gauche n'ait pas souhaité nous suivre dans ce mouvement de modernité sociale. L'exemple le plus marquant en est l'expérience malheureuse et inacceptable de l'académie de Paris.
Faut-il rappeler que notre capitale concentre, plus que toute autre ville, plus que toute autre région urbaine dense, les problématiques familiales les plus diverses ?
Qu'il s'agisse de parents travaillant tous les deux, de familles monoparentales, de parents devant accomplir de longs trajets quotidiens pour se rendre sur leur lieu de travail, tout est plus compliqué à Paris. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Les familles parisiennes doivent-elles, en plus, subir au quotidien les conséquences des décisions malencontreuses et dogmatiques de leurs responsables politiques ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Refuser de voir les difficultés quotidiennes des familles parisiennes n'est pas admissible. Laisser les parents, sans solution, devant les portes des écoles l'est encore moins. Or, c'est malheureusement ce qu'ont vécu des centaines de parents et d'enfants scolarisés dans notre capitale il y a quelques semaines.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mais non !
…ce qui représente un quart des écoles. M. Delanoë, qui affûte ses ambitions nationales au lieu de s'intéresser aux dossiers majeurs de notre capitale,…
…a refusé pour des raisons idéologiques de mettre en place le service minimum d'accueil à Paris infligeant, en quelque sorte, une double peine aux Parisiens.
Et les élus parisiens de gauche, dont certains siègent dans notre hémicycle – nous avons eu droit tout à l'heure au verbiage de Mme Mazetier (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) –…
…nous ont expliqué que la grève était par nature un rapport de force et que le service minimum d'accueil risquait de le remettre en cause. Quelle vision surannée des relations sociales !
À plusieurs reprises, nous sommes intervenus au Conseil de Paris pour demander au maire de Paris de revenir sur sa décision. Rien n'y a fait.
C'est un très bon exemple de votre incapacité, messieurs de l'opposition, à surmonter une idéologie du passé.
Je comprends que cela vous fasse mal d'entendre la vérité ! En fait, vous êtes totalement dépassés par les événements. Mais tenez-en compte et changez votre mode de fonctionnement : tout sera plus simple !
Le maire de Paris campe sur ses positions, prisonnier d'une idéologie en berne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Chers collègues socialistes, lorsque le temps viendra pour vous de désigner un nouveau leader, vous n'aurez pas besoin d'instaurer un service minimum de l'idéologie et de la démagogie : vous l'avez déjà en rayon ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je tiens d'ailleurs à ajouter que le présent projet de loi efface quelques inquiétudes légitimes exprimées par la représentation nationale en matière de responsabilité, vous l'avez très bien exprimé, monsieur le ministre. Vous prenez en charge les problèmes de responsabilité et vous laissez les maires libres de mettre en oeuvre le dispositif d'accueil. À cet égard, Paris est exemplaire du refus total de la gauche française de prendre ses responsabilités. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Avec mes collègues parisiens – Philippe Goujon, Françoise de Panafieu, Jean Tiberi, Bernard Debré, Claude Goasguen, Pierre Lellouche et Martine Aurillace – j'ai déposé des amendements qui vont dans le sens d'une meilleure prise en compte des acteurs concernés, à savoir, pour la capitale, les maires d'arrondissement. Dès la rentrée prochaine, nous ferons en sorte que la loi soit appliquée, toute la loi et rien que la loi ! Nous en prenons l'engagement devant vous, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
En tout état de cause, soyez assuré que la majorité prendra ses responsabilités. C'est très clair : nous, nous nous plaçons du côté des familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues le projet de loi qui nous est soumis, dans le cadre d'une procédure d'urgence, en session extraordinaire, prétend concilier deux droits fondamentaux ; la continuité du service public, en instaurant un service d'accueil dans les écoles maternelles et élémentaires, et le droit de grève inscrit dans notre Constitution.
Le Gouvernement a souhaité en passer par la loi – cela en dit long sur sa conception du dialogue social – en généralisant un dispositif fondé sur le volontariat qui n'a pas – c'est le moins que l'on puisse dire ! – suscité l'enthousiasme des maires. En effet, les expérimentations menées dans le cadre de la circulaire du 8 janvier 2008 se sont soldées par des échecs, monsieur le ministre : lors du mouvement de grève du 24 janvier dernier, seules 2 000 communes, sur les quelque 22 500 où existe une école publique, ont organisé un service d'accueil. Lors de la grève du 15 mai, seules 2 871 d'entre elles l'ont mis en place.
Curieuse conception de la concertation et du dialogue social que celle de la majorité, monsieur le ministre, quand au soir d'une journée d'action dans la fonction publique, le Président de la République annonce son intention de demander au Gouvernement de déposer ce projet de loi avant l'été …
…sans organiser une quelconque concertation préalable avec les représentants des maires ou des enseignants. J'appelle cela de la provocation.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais non !
Vous préférez cultiver les antagonismes en divisant les Français, en présentant le droit de grève comme une menace pour le droit de travailler. Les parents d'élèves seraient donc les victimes des méchants enseignants grévistes.
Il y aurait d'un côté les bons travailleurs et, de l'autre, les enseignants.
L'obsession du Gouvernement à restreindre le droit de grève fait passer à la trappe la demande légitime des parents : que l'éducation de leur enfant soit assurée dans les meilleures conditions possibles. La première urgence – me semble t-il – serait plutôt de mobiliser les énergies pour garantir la qualité du service public de l'éducation, lequel est sérieusement mis à mal par votre politique.
Comment, en effet, défendre la continuité du service public quand, dans le même temps, le Gouvernement supprime 11 200 postes en 2008 dans l'éducation et annonce qu'il en supprimera 13 500 en 2009 ?
C'est à une cure d'austérité qu'est soumis le service public. Dans mon département, sept postes ont été supprimés dans les maternelles, auxquels s'ajoutent quatre suppressions de postes dans le réseau d'aide aux élèves en difficulté. N'aviez-vous pas dit que l'on devait aider les élèves en difficulté ?
Dans ma circonscription, en zone d'éducation prioritaire et en zone montagne, le tribunal administratif – vous le savez peut-être, monsieur le ministre – vient de condamner l'État à suspendre la décision de supprimer un poste d'enseignant en classe maternelle. L'inspecteur d'académie n'avait pas pris en compte les enfants de deux ans.
Pour ma part, je vois au moins trois raisons de refuser ce texte en l'état. La première, c'est que le Gouvernement se défausse, une fois de plus, sur les collectivités territoriales pour organiser un service public d'accueil des élèves. Pour les députés radicaux de gauche, il appartient à l'État d'assumer l'accueil des élèves les jours de grève, parce que c'est de sa responsabilité.
Que je sache, l'éducation nationale relève de la compétence exclusive de l'État. Comment dès lors accepter qu'il impose aux communes un service d'accueil dans un secteur dont il a la seule responsabilité ?
D'autant que l'instauration d'un service d'accueil doit être analysée comme une nouvelle compétence confiée aux communes et non comme un transfert puisqu'elles n'en ont pas la charge. Il y a donc une différence puisque les ressources allouées en compensation de cette nouvelle charge pour les communes devraient être déterminées par la loi. Or, l'article 8 renvoie à un décret le soin de déterminer librement le montant que l'État attribuera aux communes. On peut craindre que cette compensation ne se fasse pas à l'euro près, si j'en juge par l'expérience que nous avons de l'acte II de la décentralisation. Je constate que l'État n'hésite pas à transférer des charges aux communes qui sont également obligées, je le rappelle, de financer les écoles privées depuis la loi du 13 août 2004.
Les mots ayant un sens et la loi leur conférant une force contraignante, l'article 2 précise que le .service d'accueil serait mis en place quand l'enseignement ne pourrait être dispensé, c'est-à-dire pour quelque raison que ce soit. Si nous refusons qu'un système d'accueil soit mis en place lors des mouvements de grève, nous refusons encore plus qu'un tel service soit instauré en lieu et place du remplacement des enseignants absents.
Par ailleurs, on ne peut nier que la mise en place du droit d'accueil posera de réelles difficultés aux maires, notamment dans les communes rurales qui disposent de peu de personnels. L'Association des maires de France, pourtant présidée par un élu UMP,…
…estime à juste raison que ce dispositif sera inapplicable et s'interroge sur la faisabilité d'un tel service d'accueil pour les 20 000 communes de moins de 2 000 habitants qui comptent une école. L'Association des maires ruraux de France ne s'y est pas trompée puisque, dans un communiqué, elle estime que votre demande, monsieur le ministre, est « tout simplement inapplicable dans leurs communes ».
Pour conclure, j'aborderai l'aspect le plus contestable du projet de loi. II n'aura échappé à personne que ce texte durcit les conditions d'exercice de la grève des personnels enseignants du premier degré.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Faux !
Il multiplie les contraintes sans rapport avec l'objet de la loi : obligation de se déclarer quarante-huit heures à l'avance auprès de sa hiérarchie,…
… mise en place d'une négociation préalable qui multiplie les procédures et délais effectifs du préavis de grève.
Il est évident que l'obligation faite aux communes d'assurer l'accueil des élèves rendra, à l'avenir, les conflits invisibles aux parents et aux citoyens. L'objectif inavoué de ce texte est d'empêcher la grève. N'est-ce pas le Président de la République, lui-même, qui a déclaré, non sans provocation : « Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s'en aperçoit ». De tels propos sont scandaleux.
Le Gouvernement aurait été mieux inspiré de résoudre les problèmes auxquels est confrontée l'école publique : effectifs trop nombreux par classe, manque de remplaçants, trop nombreux élèves qui sortent en échec du système scolaire.
C'est pour cela qu'on s'en occupe !
Là est l'urgence, monsieur le ministre, et non pas d'instaurer un système de garderie les jours de grève. Faute d'amélioration notable, nous rejetterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le fonctionnement de l'école ne laisse aucun Français indifférent.
Parallèlement à la mesure de la performance dans le cadre d'une bonne gestion des crédits de l'enseignement scolaire, il est des mesures à l'impact financier raisonnable qui vont dans le sens d'un meilleur service rendu aux familles et d'une meilleure perception du système scolaire.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, s'inscrit dans le même esprit que les remises à niveau en mathématiques et en français pour les élèves de cours moyen durant les vacances, qui sont un réel succès,…
…ou que les programmes de l'enseignement primaire de nouveau compréhensibles par tous.
Toutes ces mesures permettent aux familles, les plus démunies souvent, de retrouver confiance dans l'école. Combien de parents ont dû prendre un jour de congé, impliquant une perte de salaire, lorsque leur enfant rentrait avec un petit billet annonçant que son maître serait en grève le lendemain ? Et sans parler de ceux qui l'apprenaient le jour même !
Les témoignages sont nombreux en faveur d'un service d'accueil à l'école. Je ne citerai que celui de cette maman, mécontente d'avoir perdu deux jours de salaire en mai dernier, qui disait : « Les gens des beaux quartiers ont des nounous, de l'argent et peuvent s'offrir des leçons particulières ; et nous, nous avons des professeurs absents et l'obligation de garder nous-mêmes nos enfants ».
Je félicite les rapporteurs pour leur travail et remercie celui de la commission des lois saisie au fond d'avoir précisé que le service d'accueil ne s'appliquera qu'en cas de grève des enseignants ou en cas d'absence fortuite et imprévisible ; dans les autres cas le remplacement restera la règle.
Les changements qu'implique ce projet de loi désarçonnent un peu les enseignants, les parents d'élèves et les élus locaux, comme c'est souvent le cas dans des situations inédites dont les applications pratiques restent à peaufiner.
Pour les enseignants, quel est le problème à se déclarer gréviste quarante-huit heures à l'avance ? Il faut avoir le courage de dire : « Oui, ma classe sera fermée, car je vais faire grève ». Ainsi, les parents pourront être prévenus et le dispositif sera activé, sans que les non-grévistes soient pénalisés, eux qui, dans l'intérêt supérieur du service, acceptaient souvent dans leur classe les élèves des collègues grévistes. Et il n'y a là aucune atteinte au droit de grève !
Les parents qui travaillent sauront que leurs enfants sont accueillis en toute sécurité. Leur liberté de travailler sera ainsi préservée.
La difficulté essentielle de ce projet de loi réside dans la crainte exprimée par les maires s'agissant de la mise en oeuvre de ce nouveau service qu'ils contribueront à rendre aux familles en bonne intelligence avec l'État. Ce texte ne porte aucunement atteinte à la libre administration des communes, mais deux préoccupations majeures animent les élus locaux : d'une part, la responsabilité en cas d'accident ; d'autre part, la qualification des personnes habilitées à surveiller les élèves. Les avancées du débat au Sénat ont permis de rassurer les élus et les collectivités locales : la responsabilité administrative de l'État se substitue à celle de la commune et les dommages subis ou causés par les enfants ou affectant les locaux mis à la disposition par la commune dans le cadre du dispositif d'accueil sont couverts. En outre, la disposition proposée en concertation avec l'AMF en matière de responsabilité pénale saura lever les derniers doutes et emporter l'adhésion du plus grand nombre.
Je suis certain que les communes n'auront aucune difficulté à constituer une liste de personnes susceptibles d'assurer l'accueil des enfants pour lesquels les familles n'ont aucune solution alternative de garde. Les précautions prises avec les inspections académiques pour valider les candidatures de ces personnes, l'information des conseils d'école sont là encore de nature à rassurer les familles et les collectivités locales.
Monsieur le ministre, vous nous avez donné, ainsi que les rapporteurs, des précisions sur les concertations préalables à l'élaboration de ce projet de loi. De plus, vous vous êtes engagé fortement à apporter les financements nécessaires à sa mise en oeuvre. C'est donc sans hésitation et avec conviction que je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quels parents n'ont pas vécu l'angoisse d'organiser tardivement la garde de leurs enfants scolarisés en maternelle ou dans le primaire, à la suite d'une grève des professeurs ? Une angoisse d'autant plus forte que le revenu de la famille est modeste. Une angoisse qui se nourrit du fait que les grands-parents – et encore, tous les enfants n'en ont pas ! –, ne sont pas toujours disponibles, soit parce qu'ils travaillent eux-mêmes, soit parce que des raisons de santé les en empêchent, soit parce qu'ils sont éloignés.
Le Gouvernement, conformément aux souhaits du Président de la République, nous présente aujourd'hui un projet qui devrait résoudre ce problème, dans le respect des choix de chacun. Il fallait concilier deux principes aussi respectables l'un que l'autre : la liberté reconnue à chaque salarié de cesser provisoirement son activité et la liberté de continuer à travailler. C'est chose faite, monsieur le ministre, grâce à un dispositif, fort bien présenté par notre rapporteur, qui associe un droit d'accueil clairement affirmé pour les enfants des écoles maternelles et élémentaires lors des grèves importantes, un préavis de quarante-huit heures minimum de la part des enseignants et, grâce à un article 3 particulièrement intéressant, tout un mécanisme de prévention des conflits par une négociation durant huit jours, conçue de manière équilibrée, qui sera, espérons-le, efficace.
Les communes, quant à elles, sont tenues d'effectuer cet accueil – c'est une compétence d'attribution – dès lors que 10 % des enseignants ont l'intention de faire grève. C'est indiscutablement un seuil un peu bas et je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez accepté qu'il soit relevé à 20 %. Les communes pourront utiliser les locaux scolaires et même déléguer par convention ce service d'accueil à une autre commune ou à un établissement public de coopération intercommunal. Enfin, afin de ne pas tomber dans la critique légitime du transfert de charges, une contribution compensatoire de l'État, réévaluée est prévue au titre des dépenses engagées en fonction du nombre des élèves accueillis, avec un forfait minimal de 200 euros pour les communes rurales. Toutefois, j'estime que les très petites communes devraient bénéficier d'un statut spécifique et j'espère que nous en étudierons la possibilité. J'ajoute qu'il est particulièrement regrettable que le maire de la plus importante des communes de France, notre capitale, Paris, ait d'ores et déjà fait connaître sa décision de ne pas appliquer cette réforme pourtant souple, très attendue par les familles et approuvée par près de 80 % des Français. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Les amendements présentés par Jean-François Lamour, cosignés par plusieurs députés parisiens, devraient l'inciter à prendre enfin ses responsabilités.
Le Sénat a apporté des modifications justifiées à ce texte : suppression de la référence au caractère obligatoire du temps scolaire, remplacement des professeurs absents chaque fois que cela est possible – votre agence de remplacement, monsieur le ministre, y veillera –…
Ce n'est pas une agence qu'il faut créer, ce sont des postes supplémentaires de professeurs !
…substitution de la responsabilité administrative et juridique de l'État à celle de la commune – pour la responsabilité pénale cela n'est pas possible. Enfin, un article additionnel à l'article 7 ouvre la possibilité de s'assurer de l'absence d'antécédents judiciaires des personnes chargées de l'accueil, disposition particulièrement utile, mais qui risque d'être difficile à mettre en oeuvre compte tenu de la brièveté des délais. Quant aux écoles privées, elles feront l'objet d'un amendement particulier prévoyant de faire intervenir les OGEC.
Chers collègues, ce dispositif simple, très attendu par les parents, avait déjà été mis en place par certaines communes où il a bien fonctionné. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
Vous avez, monsieur le ministre, souhaité faire cesser une forme d'inégalité.
Pour cette raison et parce qu'il importait de simplifier la vie quotidienne des jeunes parents, qui travaillent pratiquement tous aujourd'hui, nous voterons bien volontiers ce projet de loi dont l'application s'effectuera, et c'est heureux, dès la rentrée prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ce texte se veut la traduction législative des déclarations à dessein provocatrices du Président de la République qui avait annoncé, le soir même d'une grève des enseignants, la généralisation d'un dispositif expérimenté, de façon peu convaincante, dans certaines communes seulement.
Au lieu de répondre aux légitimes inquiétudes des enseignants sur le devenir du service public de l'éducation nationale, au lieu de répondre aux craintes suscitées chez les personnels comme chez les parents d'élèves par la suppression de 11 000 postes d'enseignants en 2008, le chef de l'État a, une nouvelle fois, préféré donner dans la démagogie. Fidèle à ses méthodes, il tente de couper court au mécontentement en tentant de créer un conflit entre les enseignants, les parents d'élèves et les élus locaux au moyen de ce concept de service minimum aussi inefficace que dangereux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce faisant, il n'hésite pas à entretenir le cliché selon lequel les enseignants seraient sans arrêt en grève et prendraient les parents d'élèves en otage.
Le chef de l'État n'est pas là dans son rôle de rassembleur, c'est le moins que l'on puisse dire.
Mon propos n'est pas de nier les difficultés que rencontrent les familles, souvent désemparées devant de telles situations. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous les connaissons, nous qui les fréquentons au jour le jour, et nous comprenons leur embarras.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et quelle solution proposez-vous ?
Ce n'est pas pour autant qu'il faut accepter de sombrer dans le simplisme ou dans l'affichage idéologique. Le dispositif proposé par ce texte créera plus de problèmes qu'il n'en résoudra, c'est une évidence. À l'instar de la mise en place du service public minimum dans les transports, il restera sans effet. Mais, après tout, peu vous importe puisque vous agissez par pure volonté d'affichage idéologique. Ce texte a été élaboré sans concertation, mais dans une logique conflictuelle, sur le seul fondement d'une expérimentation loin d'être concluante.
Examiné en plein été, alors que l'urgence a été déclarée, il vise à accélérer le démantèlement du service public de l'éducation.
Posons plutôt les vraies questions, celles auxquelles ce texte ne répond pas. Traitons de la continuité et de la qualité du service public de l'éducation. Mais rétablissons d'abord certaines vérités. Il faut relativiser le nombre de journées de grève des enseignants qui, loin de vouloir prendre les parents en otage, font au contraire tout pour que ces derniers puissent s'organiser et trouver des solutions en les prévenant suffisamment à l'avance.
Ne nous leurrons pas, les parents d'élèves sont bien plus préoccupés par le non-remplacement des professeurs absents pour causes diverses, souvent remplacés tardivement, que gênés par les grèves des enseignants.
Vous avez annoncé, pour la rentrée 2009, la création d'une agence nationale de remplacement pour combler les absences des enseignants. Mais comment pouvez-vous prétendre apporter une solution à ce problème alors que, dans le même temps, vous procédez à des suppressions massives de postes – 13 500, je crois, pour 2009 ? Le problème des remplacements était prévisible puisqu'il est dû à votre politique de restrictions budgétaires. Aujourd'hui, le contingent des emplois de remplacement décroît et le dispositif des remplacements est mis à mal. L'urgence était de régler ce problème, pas d'instaurer un service minimum inefficace pour toute absence imprévisible.
Ce texte veut instaurer non pas un droit à l'éducation, mais un droit d'accueil, érigé en notion universelle susceptible de devenir opposable. Or, accueillir et éduquer sont deux choses différentes. Ce texte porte en germe le renoncement à une éducation de qualité : l'école n'est pas une garderie. Je dirai même qu'il représente une imposture, car loin d'assurer la continuité du service public de l'éducation, il institue un simple service d'accueil. Votre dispositif est même porteur d'une régression considérable puisqu'il aurait pour effet pervers de dégager l'éducation nationale du principe de continuité du service public qui lui impose de remplacer un enseignant absent par un autre enseignant, cela au profit de la mise en place d'un simple service d'accueil.
Mais votre but réel n'est-il pas justement de faire assumer par les collectivités locales et territoriales les carences du service public national de l'éducation que vous rendez dans le même temps exsangue ? Votre véritable objectif n'est-il pas transférer des charges et des responsabilités aux élus locaux ? Vous poursuivez le désinvestissement de l'État dans le domaine scolaire.
Pour terminer, je voudrais évoquer les difficultés que vont rencontrer les communes si ce texte est adopté.
Vous faites reposer ce droit à l'accueil sur des communes qui n'ont ni les moyens financiers ni les moyens humains de l'assurer. Que se passera-t-il pour les plus petites d'entre elles ? Est-ce le garde champêtre qui gardera les enfants en l'absence de professeurs ? Que se passera-t-il le jour où les ATSEM seront en grève ? Des problèmes insolubles se poseront : il sera matériellement impossible d'organiser l'accueil.
Je le répète, votre service minimum créera plus de problèmes qu'il n'en résoudra. Vous n'écoutez pas les élus, y compris ceux de la majorité qui ont bien étés obligés de constater que les expérimentations du 24 janvier et du 15 mai n'ont pas été concluantes. L'article 5 prévoit que les communes sont tenues d'organiser un service d'accueil dès que 20 % des enseignants de la commune se seront déclarés grévistes. Mais comme 95 % des écoles ont moins de dix classes, le service d'accueil devra être organisé de manière quasi systématique.
Vous vous acharnez donc à défendre un dispositif inopérant, qui sera à ta fois inefficace et dangereux. Vous n'hésitez pas à prendre le risque de décevoir les parents d'élèves, de braquer les enseignants et de mettre les maires devant de redoutables difficultés tout en accélérant le démantèlement du service public de l'éducation nationale. Voilà pourquoi nous nous opposerons à l'adoption de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chers amis…
…le projet de loi que nous examinons aujourd'hui fait suite à une proposition de loi déposée en juin 2003 et cosignée par nombre d'entre nous. Bien entendu, je me réjouis de ce cheminement et de voir, dans quelques heures, son aboutissement.
Ce texte répond à la nécessité de concilier deux libertés essentielles : la liberté de faire grève et la liberté de travailler. En effet, la liberté de cesser provisoirement son activité professionnelle doit être respectée, au même titre que la liberté de continuer à travailler. Or, en cas de grève des enseignants, de nombreux parents sont actuellement contraints d'assurer eux-mêmes la garde de leurs enfants. Si ce n'est pas possible, une garde exceptionnelle, compliquée à organiser, représente une charge financière importante pour les familles. Elle est perçue par beaucoup comme tout à fait injustifiée. Il n'est donc pas acceptable que les enfants et leurs parents deviennent ainsi les otages d'un litige social (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche),…
Les otages ! Ce mot est injurieux pour les enseignants ! C'est la tarte à la crème de la droite !
…quelles qu'en soient les causes.
Jusqu'à présent, les dispositifs palliatifs dépendaient de la bonne volonté des communes et des maires, étaient à leur charge financière exclusive et sous leur totale responsabilité. La démarche actuelle répond à un réel besoin des familles. Face à ces inégalités territoriales et sociales, il importe de mieux faire respecter le principe d'égalité en offrant le même service aux familles, sur l'ensemble du territoire. Il était donc temps d'agir.
Le Sénat a déjà examiné et adopté ce projet de loi qui définit un cadre juridique et financier afin que, en cas de grève, les communes puissent accueillir les élèves dans les meilleures conditions.
Pour faciliter la mise en place du dispositif d'accueil, le projet prévoit que les enseignants grévistes devront se signaler au plus tard quarante-huit heures avant le début du mouvement. Ce délai est-il suffisant pour que l'on puisse interroger les parents sur leurs intentions ? Il faut en effet que les communes puissent prévoir le plus justement possible le nombre de personnes à mobiliser pour encadrer les enfants un jour de grève.
Lorsque la proportion de professeurs ayant transmis cette déclaration d'intention dépassera un certain seuil, la commune devra donc mettre ce service en oeuvre.
Il est prévu que l'État assume la compétence de principe en matière de service d'accueil, la compétence de la commune n'étant que d'attribution. Cela signifie que la responsabilité administrative de l'État se substitue à celle de la commune dans le cas d'un dommage commis ou subi par un élève. Je me félicite que nos collègues sénateurs aient adopté cet amendement, qui a reçu votre approbation, monsieur le ministre. Il apporte une réponse à une inquiétude forte exprimée par les maires.
Un grand nombre de communes organisent déjà l'accueil des enfants dans le premier degré avant et après les cours. Elles ont donc toute légitimité pour organiser ce service pour lequel elles recevront une compensation financière de l'État.
En tant qu'élu local, il me semble que l'un des points fondamentaux du dispositif est celui du financement versé par l'État aux communes. Le principe est en effet celui de la gratuité pour les familles.
Le projet de loi prévoit que l'État verse aux communes une compensation financière au titre des dépenses exposées pour la rémunération des personnes chargées de l'accueil des élèves. Lors des débats au Sénat, vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, sur un forfait minimal pour les communes rurales, quel que soit le nombre d'élèves accueillis, et sur un montant par tranche de quinze élèves. Ces garanties me semblent de nature à satisfaire les maires concernés.
Enfin, je souhaite qu'une attention toute particulière soit portée aux conditions d'inscription sur la liste des personnels volontaires pour exercer cette mission. Il conviendrait, en effet, que ce nouveau service soit sécurisé sur le plan médical, social et sanitaire.
En conciliant respect du droit de grève, besoin des familles et responsabilité des communes, le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis va dans le bon sens. Je vous invite donc à le voter, mes chers collègues, pour satisfaire la grande majorité des familles et le plus grand nombre de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nicolas Sarkozy et François Fillon s'y étaient engagés ; monsieur le ministre, vous l'avez concrétisé ; mes chers collègues, nous allons le voter : les Français vont enfin bénéficier d'un droit nouveau, longtemps réclamé, celui de voir leurs enfants accueillis les jours de grève dans les écoles maternelles et élémentaires de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je ne reviendrai pas sur l'économie générale du texte, longuement détaillée avant moi par vous, monsieur le ministre, ainsi que par nos rapporteurs et de nombreux collègues.
Il a changé d'idole ! Il est passé de Chirac à Sarkozy, et il est tombé de Charybde en Scylla !
Si vous m'y autorisez, je voudrais ce soir vous parler politique et m'adresser surtout à nos collègues de gauche – y compris à M. Brard –, qui, en s'élevant contre ce projet, au nom du sacro-saint droit de grève, commettent une triple erreur.
La première erreur, volontaire, consiste à falsifier grossièrement la réalité.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ça commence bien !
Le droit d'accueil ne remet aucunement en cause le droit de grève – et vous le savez bien –, à moins que l'on ne considère que le droit de grève est un droit exorbitant de prise en otage de catégories entières de Français, en l'occurrence les familles ayant des enfants de moins de six ans scolarisés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Deuxième erreur, le droit d'accueil met le doigt sur le divorce désormais patent entre les syndicats d'enseignants, qui utilisent la grève de façon presque pavlovienne (Mêmes mouvements),…
…comme un mode normal, anodin, d'expression de tel ou tel mécontentement, fût-il complètement étranger au service, et des parents qui soit travaillent tous les deux, soit vivent la monoparentalité et sont littéralement excédés d'être pris en otages (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)…
…par une minorité d'activistes souvent bien mieux lotis qu'eux-mêmes.
Rien que pendant l'année scolaire 2007-2008, les enseignants se sont mis en grève le 20 novembre 2007, contre la suppression de postes, le 24 janvier 2008, pour la défense du pouvoir d'achat, le 18 mars, de nouveau pour la défense des postes, le 15 mai, contre la réforme du primaire, le 22 mai, contre la durée de cotisation des retraites, le 24 mai, toujours pour les postes, le 10 juin, pour la défense de la fonction publique, le 17 juin, pour la défense des retraites et des 35 heures.
Au total, chers collègues de l'opposition, 70 % des arrêts de travail des fonctionnaires d'État sont le fait des enseignants (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)…
…qui, chaque fois, prennent ainsi en otages entre 2 et 4 millions d'enfants, suivant l'intensité de la grève.
Cette dérive-là, chers collègues de l'opposition, due à l'activisme d'une minorité de militants politiques travestis en syndicalistes, n'a pas grand-chose à voir avec l'école de Jules Ferry, qui avait pour mission d'accueillir et d'éduquer les jeunes Français, et non d'être une arène politique pour des activistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
L'ennui, chers collègues de l'opposition – et c'est votre troisième erreur –, c'est que les Français, surtout les plus modestes, n'en peuvent plus de ces dérives : 7 % des foyers sont des foyers monoparentaux ; 60 % des parents possédant des enfants de moins de six ans…
…travaillent tous les deux. Le jour d'une grève, surtout dans les grandes villes, la question de l'accueil des enfants soulève des difficultés inextricables, surtout pour les plus modestes. Et il est bien dommage – comme l'ont dit mes collègues Jean-François Lamour et Martine Aurillac – que le maire de la plus grande ville de France, qui prétend être au fait des évolutions sociétales,…
…n'ait pas compris le besoin des parents parisiens, surtout les plus modestes, lorsqu'il a froidement déclaré qu'il « ne pouvait pas demander aux fonctionnaires municipaux de casser la grève des enseignants » et en fermant d'autorité les écoles parisiennes. C'est un curieux lock-out de gauche, un lock-out à l'envers, si j'ose dire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mes chers collègues de l'opposition, vous êtes donc en train de faire les mêmes fautes que par le passé, quand, aveuglés par l'idéologie, vous refusiez de regarder en face les évolutions de notre société.
Cela devrait vous intéresser, monsieur Valls, vous qui réfléchissez à l'avenir de votre parti !
Vous avez ainsi refusé, au nom de la culture de l'excuse et de la prévention, de reconnaître la réalité de la dégradation de la sécurité pendant les années Jospin et Vaillant, alors que la hausse sensible de la criminalité pénalisait surtout les plus modestes. Vous avez ensuite voulu régler le chômage en partageant le travail, avec l'idée que les Français, à l'image de vos bobos bien-aimés, préféraient les RTT, contrairement aux plus modestes qui souhaitaient travailler plus pour gagner plus. Aujourd'hui, en vous érigeant en avocats des syndicats enseignants les plus conservateurs et en défenseurs autoproclamés d'un service public au seul service de certains militants, vous abandonnez les parents, notamment les plus modestes, et vous refusez dès lors d'accorder un droit souhaité par 80 % des Français.
En vous rangeant du côté des conservateurs, au nom de la défense du service public, vous vous éloignez des Français, et vous pénalisez les plus modestes. Cet aveuglement ne vous a pas servis jusqu'ici. Gageons qu'il ne vous servira pas davantage à l'avenir. Quant à nous, nous avons pris, devant les Français, l'engagement de faire de l'école un lieu de transmission des savoirs, qui garantisse la réussite de tous les élèves. Nous sommes en train d'agir concrètement en faveur de cette modernisation.
Grâce à notre ministre de l'éducation nationale, la rentrée scolaire 2008 sera celle de nouveaux programmes recentrés sur les disciplines fondamentales.
Nous aurons des samedis matins consacrés aux rattrapages pour les enfants en difficulté. Et nous aurons, avec ce droit d'accueil, la protection des enfants et des familles les plus modestes.
Vous l'avez compris, je voterai avec plaisir ce texte souhaité par de très nombreux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Jusque-là, ça va !
…de nombreux orateurs l'ont dit au cours de la soirée et vont sûrement continuer de le dire, l'école est une priorité pour la France.
Mais, si chacun le dit, chacun n'agit pas en conformité avec cette déclaration. J'ai du mal à comprendre comment M. le ministre peut, d'un côté, affirmer que l'école est une priorité et, de l'autre, supprimer chaque année des postes par milliers : 11 200 en 2008, 13 400 annoncés en 2009. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Peut-être nous expliquera-t-il que c'est bien une priorité, car on prévoyait 15 000 ou 20 000 suppressions et qu'il a arraché le droit d'en faire moins. La raison de ma première colère – qui ne sera pas la seule –, c'est de voir que certains ne mettent pas leurs actes en accord avec leurs déclarations. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quand on donne la priorité à l'école, on ne supprime pas des postes. Je vous l'ai toujours dit, monsieur le ministre, et je ne cesserai de le répéter.
Ma deuxième colère s'explique par le fait que ce texte est une supercherie, une imposture. On veut installer un droit d'accueil ? Il existe déjà.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais non !
Bien sûr que si ! Je sais de quoi je parle : j'ai passé vingt-cinq ans en école primaire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le droit à l'accueil existe déjà. Ce que demandent les familles françaises, ce dont ont besoin les élèves français, ce n'est pas un droit à l'accueil.
C'est un droit à l'enseignement. Vous dites « si » : c'est la preuve que nous sommes, vous et moi, en totale opposition. Les Français, les élèves français, les jeunes français, les familles françaises, demandent à avoir un droit à l'enseignement, à l'éducation !
C'est ce qu'il leur donne !
Justement pas, monsieur le ministre. Pour qu'un élève ait un avenir, il ne suffit pas de l'accueillir, il faut l'éduquer.
Or, aujourd'hui, le Gouvernement est incapable de garantir le droit à l'enseignement. Le vrai problème, ce ne sont pas les absences de professeurs les jours de grève, lesquelles ne représentent que quelques heures, en moyenne, durant l'année scolaire ! En effet, dans quelles occasions les élèves ne disposent-ils pas d'un professeur, titulaire ou remplaçant ? Dans 3 % des cas, c'est à cause d'une grève ; pour le reste, c'est parce que le professeur est malade, en formation – quoique ce soit de plus en plus rare… – ou en congé maternité, et que vous ne le faites pas remplacer ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – « Mais non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Certains professeurs sont aussi des élus et, dans le cadre de leur mandat, doivent partir : eux non plus ne sont pas remplacés. Bref, les exemples abondent, qu'il s'agisse d'écoles primaires, d'écoles maternelles, de collèges ou de lycées, où l'on attend désespérément, des semaines, voire des mois durant, qu'un professeur puisse assurer ce droit à l'éducation.
La semaine dernière, en commission des affaires culturelles, le président Méhaignerie m'expliquait – je regrette qu'il ne soit pas parmi nous ce soir, mais j'espère restituer fidèlement ses propos – : « Il y a bien évidemment moins de malades en septembre et en juin qu'en décembre et janvier – c'est vrai, il existe des pics de maladie ; comprenez, monsieur Roy, que si nous prévoyions des remplaçants pour toutes les absences de décembre et de janvier, ils seraient inoccupés en septembre et en juin. »
Pourtant, vu les besoins en soutien scolaire, ces remplaçants pourraient être employés très utilement en septembre et en octobre, avant qu'ils ne remplacent les collègues malades ! En effet, le véritable soutien scolaire, ce n'est pas ce qu'on nous fait avaler en nous présentant des stages de vacances inefficaces ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Au contraire, monsieur Roy, ils sont efficaces, et je vous le démontrerai !
Le véritable soutien scolaire consiste à apporter, durant le temps scolaire, une aide à de petits groupes d'élèves : tous les enseignants savent qu'un élève ne dispose pas d'une capacité d'écoute de plusieurs heures.
Ce n'est pas du baratin ! La différence est nette entre ceux qui connaissent l'école, et qui l'aiment, et les autres ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – « Vous opposez toujours les bons aux méchants ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce texte est une supercherie, parce que vous voulez nous faire accroire qu'il ne répond qu'au problème de la garde des enfants les jours de grève – c'est ce qu'ont expliqué de nombreux orateurs, notamment MM. Lellouche et Geoffroy. Or l'article principal de ce texte est l'article 2,…
Cela inclut, c'est vrai, les jours de grève, ainsi que toutes les autres absences. En d'autres termes, ce texte permettra de mettre n'importe qui devant des élèves chaque fois qu'un enseignant sera en formation pédagogique ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Lisez la totalité de l'article L.133-1 du code de l'éducation, que complète l'article 2 !
Monsieur Apparu, veuillez écouter M. Roy, qui, s'il le veut bien, va conclure !
Il conviendrait donc, en toute clarté, de préciser cela. Or, si on vous le demandait, vous ne le feriez pas ! Vous mentez donc ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Au motif d'instaurer un service d'accueil les jours de grève, vous instituez en fait la possibilité de remplacer les enseignants par n'importe qui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le ministre, le service d'accueil des élèves des écoles maternelles et primaires en cas de grève constitue une avancée considérable,…
…comparable à la création de l'école publique, gratuite, laïque et obligatoire par Jules Ferry, sous la IIIe République. Ce fut à l'époque une rupture majeure, qui consacra le droit de chacun à l'instruction ; l'école devint ainsi le premier lieu de socialisation.
Aujourd'hui, c'est un engagement fort du Président de la République qui est mis en oeuvre. Il ne saurait être passé sous silence ou contesté par pure gesticulation partisane ou démagogie. Ce sont en effet les familles qui se trouvent au coeur de la politique de continuité du service public que mène le Gouvernement ; et elles apprécient particulièrement cette solution qui, tout en respectant le droit de grève des enseignants du premier degré, permet d'assurer le service essentiel de l'éducation nationale, auquel elles sont attachées, mais dont elles supportent de plus en plus mal les interruptions.
Une fois de plus, le Gouvernement apporte une réponse pragmatique aux inquiétudes des citoyens en garantissant un service public minimum, au bénéfice de tous, comme il l'avait déjà fait en 2007 pour les transports. Cet engagement fort du Président vient aussi conforter la décision de certains maires, dont les communes pallient d'ores et déjà toute interruption du service public de l'enseignement en assurant l'accueil et la garde des élèves.
Je prendrai pour exemple ma commune du Moule, où, dans certains quartiers, les écoliers en difficulté scolaire sont accueillis le matin, de six heures trente à huit heures, et le soir, de seize heures trente à dix-huit heures trente. Les jours de grève, un service d'accueil est assuré pour tous les élèves dont les parents n'ont pu bénéficier de la solidarité familiale, ou qui ne peuvent perdre une journée de salaire.
Ces enfants bénéficient, au même titre que les autres, de la restauration, du goûter et de l'animation. Le personnel d'encadrement est qualifié, puisqu'il s'agit de fonctionnaires territoriaux ayant suivi une formation adaptée.
Il est évident que, dans une société où la double activité des parents est la règle, l'école est non seulement un lieu d'enseignement, mais aussi un lieu d'accueil et de garde ; elle répond ainsi à un besoin social croissant. En effet, durant le temps scolaire, l'enfant n'est plus à la charge de ses parents ; en conséquence, toute interruption du service public de l'enseignement a des répercussions sur leur activité professionnelle. Les collectivités territoriales, qui sont propriétaires des locaux scolaires et disposent d'un personnel qualifié, sont les plus aptes à s'adapter rapidement et efficacement à la demande des familles.
C'est pourquoi – même si, monsieur Brard, j'assure déjà dans ma commune l'accueil et la garde des élèves – j'accueille favorablement ce texte de loi, qui fixe un cadre juridique précis et généralise le dispositif à l'ensemble des écoles, en lui allouant un personnel qualifié et volontaire. Je le soutiens d'autant plus que la responsabilité administrative de l'État se substitue à celle de la commune en cas de dommage subi ou commis par un élève du fait de l'organisation et du fonctionnement du service d'accueil. En outre, la compensation financière de l'État est plus pertinente que la contribution, car elle respecte le principe essentiel de libre administration des collectivités territoriales. En effet, l'instauration d'un service minimum a pour conséquence d'augmenter les dépenses de la commune.
Au-delà du droit d'accueil des élèves, ce projet favorise la prévention des grèves en instaurant une procédure de négociation préalable pour régler les conflits dans l'enseignement du premier degré, où les grèves sont jugées trop fréquentes. De plus, il interdit la pratique des préavis glissants afin que la date et l'heure de la grève soient prévisibles. Une fois de plus, le Gouvernement veut développer la culture du dialogue social (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), dont ma région a bien besoin. Il convient d'éviter les logiques conflictuelles qui mettent à l'écart, pénalisent, réduisent au silence le citoyen, et ont des conséquences sur l'économie. Une grève, aussi légitime soit-elle, ne doit plus être un préalable à la négociation. Il est urgent que les relations de travail soient moins conflictuelles, et que les conflits soient apaisés, au bénéfice des usagers. Le droit de grève doit demeurer, mais il ne peut pour autant empêcher ceux qui le souhaitent d'exercer leur droit au travail.
Pour conclure, je vous assure de mon vote, monsieur le ministre, car la création d'un droit d'accueil pour les élèves est une mesure sociale qui touchera les familles les plus déshéritées. En outre, ce service minimum d'accueil permettra de déterminer le nombre de grévistes, et donc de les identifier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le 24 janvier, le 21 mai et le 28 mai derniers, à l'occasion de mouvements de grèves dans le premier degré, le droit d'accueil était expérimenté, sous la forme du service minimum d'accueil – le SMA. Ce service, on le sait, a connu un certain succès, vu le nombre de communes qui ont accepté de l'organiser : 2 075 la première fois, 2 886 la deuxième, 2 884 la troisième, dont plusieurs communes de plus de 100 000 habitants, ce qui a permis de toucher une part importante de la population. Il a même rencontré un franc succès dans les communes qui ont pris l'initiative de l'expérimenter. Enfin les parents avaient une solution de garde !
Dans 59 % des couples français, les deux parents exercent une activité professionnelle. Toute interruption du service public de l'enseignement suscite de nombreuses contraintes : si la solidarité familiale ne joue pas, il faut soit que l'un des parents pose un jour de congés – et il s'agit le plus souvent, j'en suis désolé, madame Mazetier, de la mère –, soit recourir à un mode de garde payant, soit s'organiser comme on peut. Face à cette situation, tous ne sont pas égaux – sans même parler des familles monoparentales dont le parent est actif, qui représentent 5 % des familles françaises.
On comprend donc que le droit d'accueil réponde à une très forte attente des Français. Il est regrettable qu'il soit devenu un sujet de polémique et que certaines communes aient refusé de l'expérimenter au seul motif de sa provenance politique. Comme vous l'aviez annoncé, monsieur le ministre, la loi permettra de bientôt le mettre en oeuvre sur l'ensemble de notre territoire au profit non seulement des parents, mais aussi des élèves et des enseignants, grâce à la procédure de prévention des conflits, qui facilitera le dialogue social entre les organisations syndicales représentatives et l'État.
Toutefois, avant d'entrer dans le détail du dispositif, je souhaite souligner le changement de terminologie, lourd de sens : on parle non plus de service minimum d'accueil, mais de droit d'accueil. En effet, le terme de SMA n'était pas approprié à l'école, puisqu'il s'agissait non pas d'assurer la continuité du service public de l'enseignement, qui porte sur la transmission des savoirs, mais de permettre l'accueil des enfants. Or, il semble que ce soit le problème de la continuité de transmission des savoirs qui vous gêne, messieurs les socialistes.
On parle donc désormais de « droit d'accueil » pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires, pendant le temps scolaire. L'adoption du présent projet de loi consacrera ce nouveau principe.
Le droit d'accueil profitera à tous. Aux parents, tout d'abord, qui bénéficieront d'un service gratuit ; comme le montre un sondage récent, près de 80 % des Français sont favorables à l'instauration d'un service minimum dans l'éducation nationale. Aux enfants, ensuite, car ce sont d'abord eux qui pâtissent de l'interruption du service public de l'enseignement et subissent un préjudice.
Le service d'accueil ne vient pas se substituer au service de l'enseignement. En revanche, le projet de loi prévoit d'instaurer un véritable dialogue social au sein de l'éducation nationale, ce qui permettra à terme de limiter l'interruption de l'enseignement, donc le recours au service d'accueil : il y aura négociation préalable, le recours à la grève n'intervenant que si elle échoue.
Le service d'accueil n'a cependant pas vocation à annuler les effets de la cessation du travail, bien au contraire. La procédure permettra de régler une grande partie des conflits en amont et de ne recourir à la grève qu'en dernier lieu. De ce fait, lorsqu'il y aura un mouvement de grève dans l'éducation nationale, on saura qu'il porte sur des enjeux de société très forts.
Ce texte constitue aussi une avancée considérable pour les enseignants. Une fois notifiés les motifs pour lesquels une organisation syndicale envisage de déposer un préavis de grève, l'autorité administrative disposera d'un délai de trois jours maximum pour réunir les syndicats. Au terme de la négociation, qui ne devra pas excéder huit jours, les enseignants désireux de faire grève devront le déclarer à leur autorité administrative, quarante-huit heures avant le mouvement. C'est à ce moment-là que sera déclenchée l'organisation du service d'accueil.
Le dispositif est tout entier tourné vers le dialogue et la gestion des conflits en amont. Il représente la continuité de ce qui est inscrit dans le code du travail, à l'article L. 2513-2, c'est-à-dire l'obligation de négocier lorsqu'un préavis de grève est déposé. Le projet de loi permet l'effectivité de cette disposition en organisant de façon précise cette obligation de négociation.
J'entends, bien sûr, les mécontentements qui s'expriment. Nous avons tous été sollicités par les syndicats d'enseignants dans nos circonscriptions respectives. Cela dit, je ne considère pas que c'est une limitation du droit de grève. Au contraire, avec ce projet de loi, nous allons redonner tout son sens à la grève. C'est un progrès significatif pour le corps enseignant, et c'est un professeur qui vous parle.
Parmi les réticences qui se sont exprimées, j'ai particulièrement été attentif à celles en provenance des communes, et notamment des plus petites d'entre elles.
Qu'il s'agisse des difficultés de mise en oeuvre, du manque de moyens humains, de la question de la responsabilité ou du style de l'accueil, vous avez su proposer un texte de qualité et lever les grandes inquiétudes, monsieur le ministre.
Le seuil d'intervention de la commune a été relevé : il doit être supérieur à 20 % de grévistes déclarés dans l'école. Cela permet d'alléger la charge pesant sur la commune. Un vivier de personnes capables de participer au service d'accueil sera constitué, en amont des mouvements de grève. Ces personnes devront présenter toutes les garanties nécessaires pour encadrer des enfants – leur absence du Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes sera notamment contrôlée. En outre, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale pourront mutualiser la liste des personnes reconnues aptes à assurer l'accueil des enfants.
L'État assurera la responsabilité liée à la mise en oeuvre de ce service. Vous avez également rassuré les maires dans vos propos liminaires.
Enfin, il ne s'agira que d'un accueil, sans activités éducatives organisées et structurées. On peut le regretter, mais je pense que les enseignants sont très attachés à leur enseignement. De plus, aucune réglementation spécifique n'est prévue dans ce cas de figure : il ne s'agit pas d'un accueil périscolaire avec activités dont la réglementation impose des taux d'encadrement précis. Toutes ces modifications sont de nature à apaiser les craintes des enseignants.
Voilà les commentaires que je souhaitais mettre en exergue. Le projet de loi reconnaît le droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et primaires pendant le temps scolaire, sans porter atteinte au droit de grève et à la libre administration des collectivités territoriales. Au final, nous arriverons à concilier les libertés de chacun et les droits fondamentaux. C'est en tout cas l'enjeu de ce texte que je voterai avec plaisir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Pascal Deguilhem. (« Enfin la bonne parole ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
On n'est jamais trahi que par les siens ! (Sourires.)
Pourquoi ce texte au coeur du mois de juillet, quinze jours après la sortie des classes ? Pourquoi inscrire dans la loi des dispositions destinées à entrer en application dès la rentrée scolaire ?
Cette hâte, cette urgence ne trompent personne sur la portée réelle de votre projet de loi, monsieur le ministre. Si l'intérêt des enfants, si la liberté des parents, si les droits des enseignants et la libre administration des collectivités locales sous-tendaient réellement ce texte, vous auriez pris le temps nécessaire de la concertation avec l'ensemble de la communauté éducative. Le temps des vacances scolaires n'y est vraiment pas propice.
L'école que nous aimons, parfois passionnément, mérite – vous en conviendrez – un autre traitement que cet habillage un peu hâtif et hasardeux d'une pénurie de moyens que vous organisez, comme d'autres l'ont fait avant vous. Car il s'agit bien de cela, monsieur le ministre, avec ce texte de loi que vous présentez en catimini aux Français comme une garantie pour chaque enfant scolarisé en maternelle ou en primaire de recevoir les enseignements prévus par les programmes. Or, il n'en est rien : votre projet de loi crée un service d'accueil à l'école sans aucun lien avec la mission d'enseignement scolaire.
C'est d'ailleurs assez habile de votre part de faire croire aux Français que vous créez quelque chose, alors qu'en vérité vous ne faites que vous défausser de votre propre responsabilité de ministre de l'éducation nationale sur les collectivités territoriales, les communes et groupements de communes.
D'un côté, cela été dit à plusieurs reprises, vous supprimez massivement des postes d'enseignants, vous mettant ainsi dans l'incapacité d'assurer notamment les remplacements nécessaires : ceux qui sont prévus – la grève – comme ceux qui le sont moins. De l'autre, vous affirmez un droit d'accueil pour les élèves en chargeant les communes de mettre des personnels dans les classes. La belle affaire que voilà ! De plus, vous utilisez l'argument de la grève pour maquiller cette opération. Nous tendons là vers des sommets de démagogie – je le pense et d'autres l'ont dit avant moi !
Toutes celles et ceux, nombreux dans cet hémicycle, qui s'intéressent de près à l'école, ainsi que les parents – souvent évoqués ce soir – le savent bien : les absences pour cause de grève sont rares…
…et, dans l'immense majorité des cas, les familles sont informées très en amont afin qu'elles puissent s'organiser. Monsieur le ministre, vous nous avez expliqué que vous pratiquiez ainsi dans votre propre commune.
En revanche, il en va tout autrement lorsqu'il s'agit de remplacer des enseignants absents. Là est la véritable gêne pour les familles. En tant que maire d'une petite commune rurale, combien de fois ai-je été amené à interroger l'inspecteur de l'éducation nationale ou les services de l'inspection d'académie pour m'inquiéter du non-remplacement de l'un ou l'autre des enseignants du regroupement pédagogique intercommunal ! J'ai toujours obtenu la même réponse : « Tous nos remplaçants sont affectés, nous n'en avons plus. Débrouillez-vous ! Prévenez les familles ! »
Là est le véritable problème et les suppressions massives de postes, réalisées dès cette année et qui vont se poursuivre l'an prochain, ne feront qu'aggraver une situation déjà très dégradée. Ce n'est pas l'Agence nationale de remplacement que vous proposez de créer, avec l'emploi de personnels précaires et contractuels, qui viendra palier ce déficit.
Vous rejetez votre responsabilité sur les communes – soit ! – en faisant croire à la continuité du service public d'éducation. Il fallait y penser ! Ce procédé est assez déloyal, dangereux sur le plan des principes, et inapplicable dans la majorité de nos communes qui sont dans l'incapacité matérielle de fournir des personnes susceptibles de participer à l'organisation de ce service d'accueil.
Je ne doute pas que, sur les bancs de la majorité, nombre de nos collègues, maires ruraux, ne manqueront pas d'attirer l'attention sur ce point.
Cependant, dès lors que ce service sera organisé dans les conditions prévues par votre texte, comment expliquer qu'au cours de la même journée des enfants pourraient être d'abord accueillis dans un service périscolaire organisé par la commune ou la communauté de communes, sous réserve de la présence de personnes titulaires du BAFA et du BAFD, puis gardés en classe, en l'absence de l'enseignant, par des personnes dont le périmètre de compétence est pour le moins très vague ? Vous ne manquerez pas, au cours du débat, de nous donner des précisions.
C'est tout de même un comble ! D'un côté, l'État impose des règles strictes en matière d'accueil périscolaire, et c'est heureux dès lors qu'il y va de la qualité de l'environnement éducatif des enfants, mais de l'autre, il s'en exonère pour ce qui relève de sa compétence directe – du reste, votre note aux recteurs du 15 janvier y faisait clairement référence.
En réalité, vous imposez aux communes l'organisation de l'accueil des enfants dans les écoles à la place du ministère, dans des conditions peu compatibles avec la qualité du service public d'éducation auquel vous faites à juste titre si souvent référence, tout en les privant des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre.
Votre service d'accueil, monsieur le ministre, est un service « Canada Dry ». Vous tentez de faire passer une garderie pour de l'école : cela a la couleur de l'école, mais ce n'est pas de l'école. Vous essayez subtilement de faire disparaître le droit au remplacement par un droit de garde. Nous y sommes résolument et d'autant plus opposés que, non content de prendre les communes en otages en laissant croire aux familles que vous avez réglé la question de l'accueil de leurs enfants, vous opposez les enseignants et les fonctionnaires territoriaux. Tous les maires pourront en mesurer les dégâts dans leurs communes respectives.
Certes, vous payez le service d'accueil par le biais de retenues sur salaire des enseignants grévistes, comme vous le laissez entendre. De ce fait, vous les opposez. Tout ce qui concerne l'école ne peut se concevoir sans relations privilégiées, apaisées, entre les élus et les enseignants, dans une collaboration étroite fondée sur la confiance.
À n'en pas douter, ce projet de loi entraînera des conflits entre les différents partenaires de l'école. Il n'est pas acceptable que vous fassiez de cet espace à protéger un terrain d'affrontement, par entêtement idéologique – reproche dont vous nous accablez à tort. Les maires l'ont bien compris : ils ne vous ont pas suivi lors des deux journées d'expérimentation ratées.
Vous persistez en pensant flatter l'opinion. Mais à trop vouloir restreindre le droit de grève, le droit d'expression des salariés, le Gouvernement s'expose sans doute un peu inutilement.
Comme vous, monsieur le ministre, je connais bien le milieu enseignant. Comme vous, j'ai toute légitimité pour en parler. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Comme vous, comme d'autres, comme nous tous dans cet hémicycle.
Les mesures contenues dans votre projet de loi sont provocatrices pour les enseignants des écoles. Elles constituent une véritable régression pour le service public de l'éducation. En l'état, parce que notre ambition pour l'école est tout autre, dans le respect des élèves, des familles, des enseignants et des partenaires de l'école, votre texte n'est pas recevable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il met toutes les familles d'enfants scolarisés sur un pied d'égalité face à la perte de journées d'enseignement. Il est juste socialement.
Ce n'est pas vrai ! Dans certains endroits les enseignants seront remplacés, dans d'autre non !
Si, c'est vrai, parce que, face à la grève des personnels de l'éducation nationale, les Français ne sont pas tous logés à la même enseigne. Dans ces cas-là, nous trouvons une France à deux vitesses. Des familles bénéficient d'un dispositif d'accueil dans leur commune, d'autres n'en bénéficient pas. Des familles peuvent payer pour recourir à un mode de garde alternatif, d'autres ne le peuvent pas.
Certaines ont la chance de pouvoir s'appuyer sur la solidarité familiale, d'autres ne l'ont pas.
Pour toutes ces familles, souvent les plus isolées et les plus modestes, qui n'ont ni moyens financiers ni parents disponibles, la seule solution consiste à prendre un jour de congé ou à aménager leur temps de travail. C'est une journée perdue pour l'enfant comme pour les parents. Ce texte va rectifier cette injustice.
Ce projet de loi est juste pour le personnel enseignant. Il ne s'agit en aucun cas de revenir sur le droit de grève des agents de l'éducation nationale.
Avec ce texte, nous préservons le droit de grève, mais nous tentons d'éviter celle-ci par une négociation préalable. Le droit de grève reste entier pour les enseignants, seuls aptes à transmettre les connaissances et le savoir. Les jours de grève, aucun enseignement ne sera assuré. Il s'agit simplement d'un service d'accueil.
Désormais, et pour la première fois, le code de l'éducation crée une obligation de négociation préalable entre l'État et les organisations syndicales. La gauche devrait s'en réjouir ; elle le combat, c'est fort dommage. À n'en pas douter, ces rencontres permettront de désamorcer, par le dialogue et l'échange, de nombreux conflits naissants.
Ce texte privilégie la clarté plutôt que l'hypocrisie. Pourquoi ne pas le dire ? Nous proposons que l'hypocrisie cède enfin la place à la franchise, en instituant une obligation de se déclarer gréviste quarante-huit heures avant le début éventuel d'un conflit. Qui peut avoir peur ou honte de se déclarer gréviste si la cause est juste ?
Enfin, ce texte est une avancée pour les communes ou leurs établissements publics de coopération intercommunale. Contrairement à ce que dénoncent les démagogues socialistes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), l'État ne se décharge pas sur les communes. Il leur verse une compensation financière au titre des dépenses engagées pour la rémunération des personnes chargées de l'accueil des élèves.
Pour les communes rurales, l'État alloue un forfait minimal de 200 euros, quel que soit le nombre d'élèves, et une enveloppe supplémentaire par tranche de quinze élèves, pouvant aller jusqu'à 110 euros. Enfin, l'État se substitue à la commune et assume la responsabilité administrative en cas de dommage subi ou commis par un élève.
Les conclusions de mon propos sont simples : nous avons une fois de plus la concrétisation d'un engagement du Président de la République. Tout à l'heure, j'entendais un député de gauche dire que M. Delanoë avait été élu. Que cela vous plaise ou non, M. Sarkozy a été élu lui aussi, notamment avec cet engagement qu'il peut aujourd'hui concrétiser, grâce à la proposition du Gouvernement et au soutien de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et c'est en respectant les engagements pris devant les électeurs que nous pourrons réhabiliter l'oeuvre politique : c'est le cas en l'occurrence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Si la gauche veut défendre un prétendu pré carré de soutiens électoraux, libre à elle. Nous, nous sommes ici pour défendre l'intérêt des familles françaises et de leurs enfants. La gauche préfère faire respecter le droit de grève ; nous préférons faire respecter le droit à l'éducation.
Quant à vous, monsieur Brard, je vous entends moins au sujet de Mme Betancourt depuis quelque temps.
Certes, mais comme vous intervenez sur tout et n'importe quoi, cela me permet de vous le dire ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un texte relatif au droit d'acceuil dans les écoles. L'école, qui est au coeur de la vie quotidienne, porte en elle l'accès à la connaissance et l'espoir de l'égalité des chances. Tous les enfants doivent accéder sans discrimination aux mêmes valeurs, à la même culture et à la socialisation. Cette école transmet le savoir : c'est la plus importante de ses missions, et les enseignants méritent aussi toute notre attention. Nous sommes, sur tous les bancs, sensibles à la qualité de leur travail, très souvent difficile, ainsi qu'à leurs préoccupations.
Mais l'école et les besoins des familles ont changé. Lorsqu'une grève frappe l'éducation nationale, l'accueil des enfants pose de sérieux problèmes d'organisation aux parents qui, jusqu'à présent, devaient prendre une journée de congé pour garder les enfants ou se débrouiller comme ils pouvaient. Or, la grève ne doit pas transférer les problèmes d'accueil sur les familles. C'est pourquoi un service minimum d'accueil faisant appel au volontariat des communes en contrepartie d'un financement assuré par l'État a été proposé par la circulaire du ministre de l'éducation nationale du 8 janvier 2008.
Absolument ! Et cela marche très bien !
Des municipalités pragmatiques avaient alors décidé de mettre en place le dispositif, qui n'était pas obligatoire. Ce nouveau service visait à accueillir lors des jours de grève les enfants inscrits dans les écoles primaires publiques. J'ai d'ailleurs eu l'honneur de vous accueillir le 24 janvier dernier, monsieur le ministre, pour que vous puissiez constater la mise en oeuvre du dispositif à Aulnay-sous-Bois : vous avez ainsi rencontré des parents et des enfants qui en étaient satisfaits.
Puis, à l'occasion des grèves des 15 et 22 mai, un peu moins de 3 000 communes ont mis en place un service qui a concerné une population de près de 2,5 millions de personnes. Dans d'autres communes, les élus en place, pour des raisons souvent politiciennes et en prétextant une atteinte au droit de grève, ont purement et simplement renoncé à mettre en place un dispositif d'accueil, au grand dam des parents qui l'avaient jugé positif en janvier.
Le présent texte n'est aucunement une menace qui pèserait sur le droit de grève des enseignants. Comme le rappelle la circulaire du ministre de l'éducation nationale de janvier 2008, relative à l'institution d'un service minimum d'accueil volontaire dans les écoles maternelles et élémentaires, aucune forme de remise en cause du droit de grève n'est envisagée. Il n'est d'ailleurs fait état de la grève dans le projet de loi que pour connaître le nombre de grévistes.
Le 15 mai 2008, le Président de la République, fidèle à ses engagements, a annoncé le dépôt d'un projet de loi instituant un droit d'accueil pour les enfants inscrits dans les écoles maternelles et élémentaires publiques. La prise en compte de ce droit se traduira, lors des jours de grèves importantes, par la mise en place d'un service d'accueil par les communes. Le présent texte répond donc à un véritable besoin : je rappelle que, selon un sondage, près de 80 % des parents le soutiennent. Personne ne peut donc s'interroger sur l'opportunité à légiférer en ce domaine.
En effet, quoi de plus normal que chaque famille, dans n'importe quelle partie du territoire, se voie offrir les mêmes services ? Bref, le projet respecte bien les principes d'égalité, de liberté et de fraternité.
Il consacre un droit d'accueil en cas d'interruption du service public de l'enseignement et instaure une véritable culture du dialogue social dans l'enseignement primaire, à l'instar de ce que le Gouvernement a mis en place dans les transports afin de prévenir les conflits. Le dialogue social est par ailleurs promu par le biais d'une procédure de prévention des conflits et l'obligation de déclarer à l'autorité administrative un mouvement de grève quarante-huit heures au plus tard avant le début de celle-ci.
Le Sénat a examiné et adopté ce projet de loi le 26 juin dernier en apportant plusieurs précisions importantes au texte initial sur ses modalités d'application, notamment en ce qui concerne la responsabilité administrative transférée à l'État et la question de la compensation financière de l'État. Un seuil de 20 % de grévistes pour déclencher le processus est ainsi prévu.
Le présent projet de loi ne peut que recueillir notre soutien, car il instaure une nouvelle dynamique entre l'école, les familles et les enseignants. Il traduit aussi le principe d'égalité entre toutes les familles et tous les enfants. C'est pourquoi, naturellement, nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon un sondage, 60 % des Français sont favorables au service minimum à l'école.
Non, 60 % ! Qui donc oserait aller contre le bon sens ? Cette lapalissade se heurte, monsieur le ministre, à la réalité de votre texte et de votre politique. Nombreux sont ceux qui, depuis tout à l'heure, parlent de l'intérêt des familles et des parents qui travaillent. L'intérêt des familles, monsieur le ministre, l'avez-vous pris en compte avant de supprimer une demi-journée d'école par semaine ?
Dans mon département, beaucoup d'écoles fonctionnaient sur quatre jours et demi, avec des cours le mercredi matin. Et voilà que le 15 mai dernier est paru votre décret sur la semaine de quatre jours. J'ajoute que toutes les demandes de dérogations, pourtant autorisées théoriquement par votre décret afin de continuer l'école le mercredi matin, ont été refusées dans ma circonscription.
À la pagaille semée par la semaine de quatre jours dans les communes, où les élus locaux s'arrachent les cheveux pour préparer la prochaine rentrée scolaire entre diminution des heures des ATSEM, voire leur licenciement, désorganisation des transports scolaires, et j'en passe, s'ajoute la pagaille désormais semée dans les entreprises. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je veux témoigner de ce qui se passe dans les territoires concernés. Les chefs d'entreprise doivent faire face à un afflux de demandes de temps partiel à 80 %, car de nombreux parents n'ont pas d'autre solution que de ne plus travailler le mercredi matin. J'ai rencontré l'autre jour dans ma circonscription un chef d'entreprise qui me demandait s'il devait désormais fermer certaines de ses activités le mercredi.
Quant aux parents concernés, ils travailleront moins et gagneront moins à cause de votre décret. Ces difficultés, les parents y seront confrontés non pas un ou deux jours par an, lors des grèves, mais un jour par semaine ! Voilà ce qu'il en est de l'intérêt des familles et du droit au travail des parents.
Cet exemple, monsieur le ministre, montre à lui seul ce que représente pour vous l'intérêt des familles dans ce débat : un simple alibi. Puisque nous sommes dans un débat sur l'éducation, j'en profite pour vous interroger gravement au sujet de la semaine de quatre jours : avez-vous l'intention de donner suite à l'appel de toutes les associations d'élus, qui vous demandent instamment de reporter d'un an l'application de cette réforme ? J'aimerais que vous me répondiez sur ce point.
Vous parlez aussi de l'intérêt des enfants. Mais quelles seront les compétences des personnels qui seront chargés de les encadrer ? Nul ne le sait. La seule précision apportée par l'article 7 bis du projet de loi est que ces personnels ne pourront pas être des délinquants sexuels : nous voilà rassurés !
On voit bien, d'ailleurs, la gêne des rapporteurs des deux commissions, qui tentent tardivement d'inventer un dispositif qui, quels que soient les mérites des amendements proposés, ne remplacera pas un personnel d'enseignement formé et qualifié. Et je ne parle pas des conséquences de votre texte pour les communes, notamment pour les 89 % d'entre elles qui sont équipées d'écoles primaires et comptent moins de 3 000 habitants.
On voit bien l'embarras de la majorité avec les amendements qui fleurissent en dernière minute. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Que voulez-vous nous faire croire ? Qu'après être passés en force, par la loi, pour soumettre les élus locaux à vos desiderata, vous souhaiteriez désormais les rassurer ? Au demeurant, les amendements du Gouvernement évoqués tout à l'heure ne régleront ni la responsabilité pénale ni les autres problèmes concrets posés par le texte.
Chacun l'a compris, nous ne sommes pas dans un débat sur l'avenir de l'éducation qui prendrait en compte les besoins des enfants et des familles et la situation des communes. Non, nous sommes réunis pour entériner une nouvelle étape de la croisade idéologique de l'UMP contre l'éducation, contre les enseignants, contre le service public et contre le droit de grève. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous passez votre temps à supprimer des postes, et cherchez un texte idéologique pour le cacher.
Voilà qui est, une fois de plus, révélateur de votre conception du dialogue social : si vous aviez sincèrement à coeur de respecter les enseignants, vous auriez négocié avec les organisations syndicales. Ces négociations auraient pu déboucher sur un mécanisme d'alerte sociale. Voilà ce que serait une conception moderne des relations sociales ! Voilà la modernité, laquelle ne consiste pas à rogner sur le droit de grève !
Au lieu de cela, vous avez préféré la veille ficelle archaïque de l'affichage, avec une limitation du droit de grève, opposant ainsi les parents aux enseignants pour diviser la communauté scolaire. Monsieur le ministre, vous pouvez croire aujourd'hui – et ce sera ma conclusion – (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) que vous marquez un point. Après le vote de ce projet de loi, vous pourrez même, comme le Président de la République, faire rire les salles des conseils nationaux de l'UMP en fanfaronnant : « Désormais, quand il y aura une grève à l'école, personne ne s'en apercevra ». Mais prenez garde. Certains de vos prédécesseurs en ont fait l'amère expérience : l'histoire sociale de notre pays a largement montré qu'à force de tirer sur la corde, elle finit par casser. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je n'ai jamais demandé que l'on passe à la semaine de quatre jours, madame Batho. J'ai seulement suggéré aux conseils d'école de l'adopter s'ils le souhaitaient et, dans le cas contraire, de solliciter une dérogation auprès des inspecteurs d'académie. Et j'ai formellement demandé à ceux-ci et aux recteurs d'accepter toutes les dérogations. Je ne comprends donc pas ce qui a pu se passer dans les Deux-Sèvres.
J'ajoute que dans la commune de Brioux – cela doit vous intéresser –, où la dérogation a été acceptée,…
…ce sont finalement les enseignants eux-mêmes qui n'ont pas voulu de la semaine de quatre jours et demi.
Je déclare formellement devant la représentation nationale que je ne suis pas naturellement favorable à la semaine de quatre jours. Je le suis si peu que, dans la commune dont j'ai été maire pendant douze ans, elle n'existait pas. On ne peut donc pas m'en faire le procès. Les communes et les conseils d'école sont libres d'adopter la semaine de quatre jours ou celle de quatre jours et demi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, étant l'un des derniers orateurs de cette discussion générale, je voulais commencer mon propos par une question simple : pourquoi sommes-nous là ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pourquoi devons-nous examiner ce texte de loi à une heure tardive, en plein coeur du mois de juillet ? Parce que le Président de la République l'a voulu !
Le 15 mai dernier, à l'issue d'une manifestation contre les suppressions de postes dans l'éducation nationale et d'une grève suivie par 65 % des enseignants du premier degré, Nicolas Sarkozy, comme à son habitude, a pris une initiative : il a décidé qu'un texte sur le droit d'accueil dans les écoles maternelles et élémentaires serait voté avant l'été, sans concertation avec les organisations syndicales ni les élus locaux, qui ont vécu cette décision comme une véritable provocation.
La précipitation et l'absence de concertation étant devenues la marque de fabrique du Gouvernement, monsieur le ministre, nous ne sommes pas étonnés par la méthode employée…
…mais je veux souligner les propos contradictoires du Président de la République.
En effet, quelques semaines seulement après sa déclaration du 15 mai, il a affirmé devant le conseil national de l'UMP, qui apparemment est devenu un lieu de défoulement…
…que désormais, dans ce pays, quand il y a une grève, personne ne s'en aperçoit. Je vous pose une question, monsieur Lefebvre : si, comme l'affirme le Président de la République, personne ne s'en aperçoit, pourquoi alors légiférer sur l'accueil des enfants à l'école les jours de grève ? Ce n'est pas cohérent ! Il s'agit en fait d'un énième texte d'affichage, examiné dans l'urgence et destiné à assouvir les fantasmes de la frange la plus conservatrice de l'électorat UMP, à laquelle M. Lellouche s'adressait il y a quelques minutes.
Cela correspond à 82 % des Français : l'UMP a de beaux jours devant elle !
La question est la suivante : pourquoi légiférer alors que l'expérimentation de cette mesure est un échec cuisant ?
Vous nous proposez de généraliser une mesure qui ne fonctionne pas et qui sera inapplicable dans de nombreuses communes, en particulier les plus petites, celles qui ne disposent pas du personnel et des moyens matériels suffisants pour assurer ce service d'accueil.
Par ailleurs, ce droit d'accueil posera également d'importants problèmes dans les grandes villes. Je peux en témoigner car je connais bien la ville de Saint-Étienne.
Dans ces grandes villes, les réformes simultanées que vous avez engagées vont désorganiser l'école primaire dès la rentrée prochaine : diminution des heures de cours, qui passent de vingt-six à vingt-quatre, nouveaux programmes scolaires… Vous réussissez un tour de force : après le travailler plus pour gagner moins pour les salariés, vous inventez pour les élèves l'apprendre plus en travaillant moins ! En outre, vous mettez en place un soutien de deux heures par petits groupes, mais la répartition de ces heures est laissée à la libre appréciation de chaque école. Tous ces changements mettent en jeu les horaires de cantine et d'étude, de nettoyage des locaux, de transports scolaires…
…donc, in fine, le personnel municipal et les collectivités locales, qui n'ont pas été associées à la réflexion.
Il s'agit pourtant de l'organisation du temps des élèves, des familles et de la vie sociale. Bref, c'est le grand bazar à l'école primaire et vous êtes, monsieur Darcos, le ministre de la pagaille scolaire ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pourquoi légiférer alors qu'il y a en moyenne 0,3 jour de grève par an et par enseignant dans le primaire, depuis les années 2000 ?
Je vais revenir, avant de conclure, sur certains propos extravagants et caricaturaux que nous avons entendus tout à l'heure sur ce qui se passe réellement dans les écoles les jours de grève.
MM. Lellouche et Lefebvre ont parlé de prise d'otage.
Je peux en témoigner, monsieur Lellouche, car en tant que parent d'élève, je vis cela au quotidien !
Les enseignants prennent le soin de prévenir les parents d'élèves, souvent une semaine à l'avance. Par ailleurs, tous les enseignants ne font pas la grève ; on compte en moyenne 37 % de grévistes. Je sais aussi que les familles qui n'ont pas de solution peuvent compter sur la solidarité entre parents d'élèves – cela existe, y compris chez les manifestants – et, surtout, que les enseignants non grévistes accueillent les élèves qui peuvent se rendre à l'école. C'est ainsi que cela se passe dans la réalité !
Je dirai pour conclure que ce texte est un signe supplémentaire du désengagement de l'État de ses missions et de ses responsabilités de service public, en particulier de son devoir de remplacer les enseignants absents par d'autres enseignants.
En effet c'est le vrai problème des familles ! Le droit d'accueil est en fait le cache-sexe de vos carences et de votre incapacité à assurer le droit à l'éducation dans le premier degré ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté se situe au croisement de préoccupations partiellement antagonistes : les attentes des parents – 80 % d'entre eux sont favorables aux droit d'accueil – le respect du droit de grève des enseignants, et l'importance du rôle des communes.
Plusieurs orateurs, de la majorité comme de l'opposition, m'ayant aimablement cité, ce dont je les remercie, je veux, en toute franchise, dire ma vérité.
Après le 15 mai, j'ai appelé l'attention du Gouvernement sur les problèmes qui risquaient de se poser aux communes. Je suis favorable au principe du service minimum, que j'ai voté pour les transports et qui fonctionne très bien.
Nous sommes attachés, sur tous les bancs, mes chers collègues, au service public à la française, et nous le défendons partout, même à Bruxelles. L'un de ses éléments fondateurs est la continuité…
…que le service minimum me paraît tout à fait apte à garantir, y compris à l'école.
En revanche, un droit suppose un créancier et un débiteur. Les créanciers légitimes sont les familles, qui attendent que leurs enfants soient accueillis à l'école les jours de grève ; le débiteur principal, vous le savez bien, monsieur le ministre, devrait être l'éducation nationale. Le Gouvernement a choisi les collectivités locales pour assurer le droit d'accueil au profit des familles. Les maires, qui sont des républicains, respectent ce choix, mais il nous appartient de rendre ce texte le plus acceptable possible.
Des progrès ont été enregistrés au Sénat et en commission des lois de l'Assemblée nationale, et je remercie le ministre et les rapporteurs – Charles de la Verpillière et Françoise Guégot – pour toutes les avancées qu'ils ont permises : les précisions apportées à l'article 4, le délai de prévenance de quarante-huit heures comportant un jour ouvré, ou encore la mise en place d'une compensation minimale au profit des communes.
En revanche, ce texte doit être encore amélioré sur deux registres principaux. Le premier concerne la responsabilité.
Il y a deux types de responsabilité : en matière de responsabilité administrative, le Sénat a fait oeuvre utile en substituant, à l'article 8 bis, celle de l'État à celle de la commune, dans tous les cas où celle-ci se trouvera engagée en raison d'un fait dommageable commis ou subi par un élève. C'est une solution claire et parfaitement acceptable.
Il en va différemment de la responsabilité pénale. Mes chers collègues, que les choses soient claires : depuis une décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 2006, l'exonération de la responsabilité pénale est impossible. Toutefois, deux textes ont organisé la responsabilité pénale des décideurs publics, en particulier des maires : la loi du 13 mai 1996 et celle du 10 juillet 2000. Désormais, pour que la responsabilité d'un décideur public, en particulier du maire, soit engagée, il faut une faute caractérisée, établie à partir d'une appréciation concrète : on prend en compte les moyens de la commune et ses capacités humaines et financières.
Après ces deux lois, pouvait-on encore faire des progrès ? Oui, puisqu'un amendement de Frédéric Lefebvre, que j'ai eu le plaisir de cosigner, apporte un réel progrès en matière de protection juridique des maires : leur situation est désormais sécurisée.
J'en viens au seuil à partir duquel les communes devront organiser le service d'accueil : fixé à 10 % dans le projet de loi initial, il a été porté à 20 % au Sénat. La commission des lois a adopté un amendement visant un seuil « supérieur à 20 % ». À mon sens, ce seuil déclenche de façon trop systématique la procédure du droit d'accueil. Je prendrai deux exemples, situés aux deux extrémités de l'échiquier scolaire : pour une école de quatre classes – il y en a 7 000 en France, maternelles et primaires – avec un taux de 20 %, il faudra organiser le service d'accueil pour un seul enseignant gréviste, alors que les enfants pourraient parfaitement être répartis dans les trois autres classes. Il en va de même pour une école de dix classes : si deux enseignants sont absents, la commune se trouvera dans l'obligation d'organiser le droit d'accueil, alors que les enfants pourraient être répartis dans les huit autres classes.
J'ai donc insisté auprès des rapporteurs et du ministre pour que ce seuil soit relevé, et, grâce à un travail commun de conviction et de négociation, nous avons décidé ensemble de le porter à 25 %. C'est une avancée remarquable. En fixant ce taux de conflictualité – c'est le terme officiel – à un quart des enseignants, on atteint un seuil significatif qui permet de limiter le risque pour les communes.
Mes chers collègues, les maires ont vocation à être des partenaires de l'État, pas des exécutants. Par cette négociation et grâce à l'énergie que vous avez consacrée pour parvenir à un seuil raisonnable, nous avons démontré la réalité de ce climat de partenariat entre les communes de France et l'État. Dans ce contexte, je voterai donc ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de la réglementation générale de la République.
Avant que le ministre ne réponde à nos collègues qui se sont exprimés au cours de la discussion générale, je veux revenir sur un voeu exprimé par notre collègue Jacques Pélissard.
Je suis d'accord avec lui : la question du seuil, c'est-à-dire la fixation du pourcentage de grévistes qui déclenche l'intervention des communes, est au coeur de notre débat. À force de tâtonner, nous approchons petit à petit du seuil raisonnable. Il a indiqué la façon dont nous sommes progressivement passés d'un seuil égal ou supérieur à 10 % dans le projet de loi initial à un seuil égal ou supérieur à 20 % dans le projet du Sénat. Ici même, à travers les amendements n° 16 de la commission des lois et n° 2 de la commission des affaires culturelles, nous avons voulu qu'il soit « supérieur à 20 % ».
M. Pélissard a évoqué la possibilité d'aller plus loin. En tant que rapporteur saisi au fond, je suis prêt à déposer un amendement en ce sens.
J'ai entendu, au cours de la discussion générale, de nombreux avis, qui se recoupent selon qu'ils proviennent d'un côté de cet hémicycle ou de l'autre. Je vais y répondre rapidement, sans entrer dans le détail.
Je reviens d'abord sur un certain nombre d'erreurs ou d'approximations.
Plusieurs orateurs de l'opposition ont laissé entendre que le droit d'accueil aurait vocation à se substituer au droit à l'enseignement. (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ce n'est pas ce que dit le texte !
L'État mettra en oeuvre tous les moyens dont il dispose pour assurer le remplacement des professeurs absents, à l'exception du cas de grève, pour lequel c'est la commune qui sera chargée d'organiser l'accueil des élèves. Il n'y a donc pas d'égalité entre le principe d'accueil et le principe d'enseignement, ni substitution du premier au second.
Nous voulons améliorer le système de remplacement qui, aujourd'hui, n'est pas satisfaisant. Seule l'honnêteté intellectuelle nous a conduits à dire que, dans les cas, rarissimes où le remplacement n'est pas possible – ce sont, je le répète, des situations tout à fait exceptionnelles – nous nous chargerons, si nécessaire, d'organiser l'accueil, ce qui, me semble-t-il, est une garantie supplémentaire.
De même, est-il logique de dire que ce dispositif est inapplicable, comme l'a affirmé M. Durand, dont je reconnais malgré tout les qualités d'orateur ? Non, car les communes qui l'ont expérimenté aux mois de janvier et de mai derniers l'ont fait dans de bonnes conditions. Vous dites qu'elles étaient peu nombreuses par rapport à la totalité des communes de France : c'est vrai en pourcentage pour les communes, mais pas en termes de population scolaire. L'expérimentation a concerné à peu près 20 % de la population scolaire, et 30 % des villes de plus de 100 00 habitants. Cette expérience en grandeur nature prouve que le dispositif est tout à fait réalisable et que le droit d'accueil n'est pas inapplicable.
J'ai également entendu toutes sortes de démonstrations consistant à présenter le droit d'accueil comme une agression contre le système scolaire, l'école primaire, et que sais-je encore ! Je ne peux laisser dire de telles choses.
Ainsi, je ne suis pas d'accord avec la démonstration de François de Rugy, qui nous a expliqué que plus la grève est gênante, plus le progrès social avance.
Je pense aussi à cet exercice de politique-fiction auquel s'est livré Marc Goua, qui a cherché à justifier son opposition à un dispositif réclamé par les familles, au motif de conséquences prétendument désastreuses, ce que rien n'est venu confirmer lors des expériences de janvier et de mai derniers.
L'opposition aurait pu nous dire, à l'occasion de cette discussion, comment elle compte répondre à la demande des familles.
Monsieur Roy, vous plaidez pour un droit à l'éducation : bien entendu, ce droit figure dans la loi et c'est notre objectif. Que proposez-vous ?
Voulez-vous que je réquisitionne des enseignants grévistes ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Que je crée des postes de professeurs qui ne feraient qu'attendre les jours de grève et qui se précipiteraient pour remplacer leurs collègues absents pendant deux jours ? (Mêmes mouvements.) Il faut être plus réaliste.
En outre, vous avez tous utilisé, sur les bancs de l'opposition, l'argument selon lequel ce projet s'inscrivait dans un contexte de réduction budgétaire. Or cette réduction ne concerne pas l'école primaire. Vous prétendez que nous avons créé des emplois parce que la population scolaire du premier degré avait augmenté. Absolument pas ! Nous avions prévu, en fonction des statistiques, que nous aurions 45 000 élèves de plus dans le primaire. Or nous en avons eu 930 en moins. Si l'on observe attentivement les statistiques, on ne peut pas nous accuser d'avoir réduit la voilure en matière d'encadrement pédagogique dans le premier degré. Ce n'est pas conforme à la réalité.
En revanche, je salue la clairvoyance des députés de la majorité (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)…
…qui ont fait entendre la voix des familles et l'appel du progrès. Chacun d'entre eux a su évoquer un sujet différent.
Je tiens à remercier MM. Lefebvre, Lamour, Reiss, Lellouche, Mme Aurillac, M. Mathis, Mme Louis-Carabin, MM. Nicolin, Gaudron et Grosperrin.
Chacun a su trouver les arguments montrant que l'on ne peut en rester au statu quo et que ce n'est pas agresser l'école que d'essayer de la faire progresser en apportant un service nouveau, tout en respectant le droit de grève.
Permettez-moi de conclure en saluant particulièrement l'intervention de Jacques Pélissard, en tant que député et président de l'AMF.
Nous nous sommes souvent expliqués, parfois même affrontés, mais nous avons pu avancer. Voilà une opposition constructive, dont certains pourraient s'inspirer ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Comme l'a laissé entendre le rapporteur, votre proposition, monsieur le président de l'Association des maires de France, de relever actuellement le seuil fixé à 20 %, à 25 % par exemple, pourrait constituer un taux prévisionnel plus conforme à vos souhaits. Je vous donne par avance mon accord sur un amendement que vous pourriez présenter à l'article 5. Si les deux rapporteurs en sont d'accord, je donnerai un avis favorable à cet amendement, qui constitue un point d'équilibre.
Je vous rends hommage, monsieur Pélissard, pour cet excellent travail, qui permettra de voter ce texte en donnant satisfaction à l'Association des maires de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
La parole est à M. Manuel Valls.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, au terme de la discussion générale, les différents arguments échangés justifient de toute évidence le renvoi en commission du projet de loi instituant un droit d'accueil dans les écoles.
Placée au coeur de notre modèle républicain depuis les lois de Jules Ferry, l'école publique – cela a été dit sur tous les bancs – reste aujourd'hui cet indispensable creuset dans lequel sont enseignés, à toutes et à tous, les savoirs fondamentaux, les chemins de l'autonomie et les règles du « vivre ensemble ».
Si l'importance de cette tâche n'en fait pas un sanctuaire fermé à toutes les innovations, elle suppose cependant que chacune d'entre elles soit mûrement concertée et réfléchie avant d'être mise en oeuvre. Or le projet de loi instituant un droit d'accueil ne répond pas à cette exigence.
Alors que ses dispositions concernent de multiples acteurs – depuis les maires jusqu'aux enseignants, en passant par les parents d'élèves – aucune véritable consultation préalable n'a été engagée avec ceux qui les représentent. Aucun syndicat d'enseignants, aucune association de communes, aucune fédération de parents n'ont été écoutés – ou du moins entendus – par le Gouvernement, avant l'élaboration de ce texte.
À cette absence de concertation, s'est ajoutée la provocation gratuite. Vous avez en effet choisi, monsieur le ministre, d'annoncer votre projet le soir même d'un mouvement social. Le Président de la République peut certes considérer, comme l'a rappelé Régis Juanico, que « désormais, quand il y a une grève, personne ne s'en aperçoit », mais cette souveraine indifférence, en contradiction totale avec le respect du droit de grève proclamé sur les bancs de la droite, relève de l'aveuglement pur et simple.
En réalité, tout votre projet tient dans votre méthode. À la concertation et à la réflexion, vous avez préféré la confrontation et l'exhortation.
Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que les dispositions de ce texte d'affichage portent les stigmates d'une genèse précipitée et masque les objectifs d'un dessein inavouable.
Conçu à la hâte et soumis à la procédure d'urgence – une nouvelle fois utilisée – pour être applicable dès la rentrée prochaine, le projet de loi instituant un droit d'accueil souffre d'abord des circonstances de son élaboration. Faute d'avoir consacré le temps nécessaire à leur rédaction, de nombreuses mesures sont aujourd'hui inapplicables quand d'autres sont entachées d'inconstitutionnalité.
En janvier et en mai derniers, le Gouvernement a enjoint à tous les maires de notre pays de mettre en place, dans les écoles de leurs communes, un service minimum d'accueil. Le bilan sans appel de ces tentatives, plus parlant que tous les sondages, aurait dû vous alerter, monsieur le ministre, sur le caractère impraticable d'un tel dispositif.
Mais non, il a très bien fonctionné !
Vous n'avez pas expérimenté le dispositif, monsieur Valls ! Comment pouvez-vous savoir s'il est applicable ou non ?
Cela vous a été rappelé à maintes reprises, tout au long de notre débat, notamment par Sandrine Mazetier.
Vous auriez dû tenter l'expérience ! Vous auriez pu constater que le dispositif fonctionnait bien !
Sur les 23 000 communes susceptibles, en théorie, de le mettre en oeuvre, moins de 3 000 ont finalement risqué l'expérience. Ainsi, alors que la France compte 50 000 écoles publiques, seules 1 000 d'entre elles ont offert un service d'accueil dans des conditions par ailleurs très discutables.
Il serait vain et malhonnête d'incriminer ici la mauvaise volonté ou l'esprit partisan des maires. À gauche, chacun d'entre nous, notamment les maires, est conscient des difficultés que vivent les familles en cas de grève.
Nous cherchons, et nous trouvons les meilleures solutions possibles pour y faire face. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
À l'inverse, de très nombreux élus qui se retrouvent, d'habitude, dans votre majorité, n'ont pas été en mesure, malgré les injonctions, de fournir ce service minimum. À cet égard, la propre commune d'un membre réputé du Gouvernement a été souvent citée en exemple pour illustrer cette impuissance. L'adoption d'une loi instituant un droit d'accueil pourra-t-elle changer cet état de fait ?
Le volontarisme affiché aux micros des tribunes suffira-t-il à lever les obstacles rencontrés sur le terrain ? De l'avis quasi unanime des associations d'élus, la réponse est négative. Comme l'ont déclaré avec force les maires ruraux de France, dans une motion votée le 15 juin dernier, « rendre obligatoire ne permet pas de rendre possible ce qui ne l'est pas ».
De trop nombreuses difficultés concrètes s'opposent en effet à la mise en oeuvre du dispositif prévu par votre projet de loi. La plus évidente d'entre elles est que les communes ne disposent pas des moyens nécessaires à son application.
En dehors même de l'hypothèse d'une grève mobilisant l'ensemble de la fonction publique, Yves Durand l'a rappelé – et sans même poser la question de la qualification –, elles n'ont pas assez d'agents pour assurer un service d'accueil.
Quand on demande à une voisine si elle peut garder nos enfants, on ne lui demande pas ses qualifications !
Dans la majorité des écoles publiques, les seuls fonctionnaires en place sont souvent des enseignants. Comment croire, dans ces conditions, que les maires peuvent y affecter d'autres agents sans porter préjudice aux missions municipales ? Comme l'a déclaré le président de l'AMF, Jacques Pélissard – plus incisif il y a quelques jours –…
…« Nos agents ne sont ni des supplétifs ni des intérimaires. Quand nous avons à faire face à une grève, nous ne demandons pas aux enseignants de ramasser les poubelles ».
Face à cette réalité implacable, les solutions et les aménagements imaginés dans votre texte resteront inefficaces. La mutualisation des moyens envisagée à l'article 9 n'aura aucun impact dans les milieux ruraux où les écoles sont souvent distantes de plusieurs dizaines de kilomètres. De plus, selon, là encore, la forte expression des maires ruraux, « ce n'est pas en mettant cinq pauvres ensemble que l'on fait un riche ». Voilà le bon sens dont vous auriez dû vous inspirer ! Ce qui manque à une commune rurale manque également, dans la plupart des cas, à ses voisines. Notre collègue Pascal Deguilhem l'a parfaitement démontré il y a un instant.
Censé permettre la mobilisation de personnel extérieur à la fonction publique territoriale, le délai de 48 heures, fixé par l'article 5, ne suffira pas à pallier le manque d'effectifs des communes. De toute évidence, ce laps de temps est trop court. Lors de son audition, l'Association des petites villes de France a signalé avoir besoin de deux semaines au minimum pour trouver des personnes qualifiées. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Quant à l'Association des maires de France, elle estime que quarante-huit heures « ne permettent pas de consulter les parents pour apprécier le nombre d'enfants qui doivent être accueillis ».
L'établissement d'une liste préalable, prévu à l'article 7 bis, ne compensera pas la durée trop courte de ce délai. Pour une ville comme Évry – au hasard ! –, qui compte près de 7 000 enfants scolarisés dans quarante-deux écoles primaires, la rédaction d'une telle liste obligerait le maire que je suis à y inscrire plus de 500 noms. Sauf à penser que le service d'accueil puisse être offert sans garantir les compétences ; sauf à penser que ce service puisse être assuré sans respecter les règles sur le taux d'encadrement ; sauf à penser tout cela, que nous refusons, aucune commune ne sera en mesure d'établir une liste satisfaisant aux exigences minimales pour l'accueil des enfants dans les établissements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
L'analyse de votre projet de loi, monsieur le ministre, révèle qu'il reste avant tout un texte d'affichage, un texte politique et idéologique, parce que l'idéologie est bien de ce côté de l'hémicycle ! La plupart de ses dispositions sont purement déclamatoires et pourraient déjà, à ce titre, encourir la censure du Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, comme l'a démontré notre collègue Sandrine Mazetier, votre projet souffre de motifs d'inconstitutionnalité plus graves encore.
L'article 4 prévoit en effet que, par dérogation au droit commun, l'organisation d'un service d'accueil est une obligation à la charge des communes lorsqu'il est assuré dans le cadre d'une grève.
Un tel transfert de compétences heurte de plein fouet le principe de libre administration des collectivités locales consacré par notre Constitution.
Certes, de nombreuses villes sont prêtes à assumer davantage de responsabilités en matière d'éducation. Dans la commune dont j'ai l'honneur d'être le maire,…
…la municipalité, comme bien d'autres, conduit des actions ambitieuses d'accompagnement scolaire pour les familles populaires ou monoparentales, dont vous parlez beaucoup, mais qui, en général, ne sont pas vraiment au coeur de votre politique économique et sociale, qu'au contraire elles doivent subir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mis en place depuis des années, l'accompagnement éducatif du soir offre ainsi un soutien gratuit à tous les enfants inscrits dans les écoles primaires.
Le paradoxe, monsieur le ministre, est que les moyens nécessaires au bon fonctionnement de ce dispositif municipal risquent désormais d'être absorbés par l'accompagnement éducatif piloté par l'État.
Si les collectivités locales ne refusent donc pas par principe toute nouvelle mission, elles n'acceptent pas, en revanche, de devenir les simples courroies de transmission de la volonté gouvernementale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Selon le constitutionnaliste Didier Maus, « on ne peut imposer aux communes l'organisation de dispositifs du type [service d'accueil] que s'ils répondent à un impératif d'intérêt général, de sécurité par exemple, et s'ils sont proportionnels à l'objectif poursuivi. » Ici, poursuit-il avec prudence, le Gouvernement prend un risque.
Le diagnostic est le même pour Guy Carcassonne : « On ferait peser sur les communes une charge qui relève d'un bloc appartenant à l'État. Peut-il se défausser en cas de problème d'une compétence qui est strictement la sienne ? Cela ne va pas de soi. » Non, mes chers collègues, cela ne va pas de soi ! En raison de quelle nécessité, en effet, si ce n'est la moins avouable, le service d'accueil imparti à l'État devrait-il, dans les circonstances les plus difficiles, incomber aux communes ?
Il y a pire : alors que l'article 72-2 de notre Constitution prévoit que « toute création ou extension de compétences [...] est accompagnée de ressources déterminées par la loi », et que cette obligation a été confirmée par la décision du Conseil constitutionnel du 13 janvier 2005, l'article 8 du projet de loi se borne à renvoyer le montant minimal de la compensation à un décret. Or sachant que cette compensation sera « fonction du nombre d'élèves accueillis » et non des dépenses engagées par les communes, il est fort à craindre que celles-ci ne rentrent jamais dans leurs frais. En effet, pour éviter tout risque de débordement, les maires devront fatalement choisir l'estimation maximale des besoins.
Ainsi, même à supposer que le projet de loi respecte la lettre de l'article 72-2, il en viole cependant l'esprit. Son article 8 fera en effet peser des charges financières sur les communes qui diminueront leurs marges d'action et porteront atteinte, au final, à leur liberté d'administration.
Cette atteinte est d'autant moins acceptable que d'autres décisions du ministère de l'éducation nationale reviennent à entamer les ressources communales. Je pense notamment à la suppression de l'école le samedi matin – décision nécessaire, mais prise sans concertation –, et au passage à la semaine de quatre jours, qui augmentera le temps des activités périscolaires et posera aux communes des problèmes de fonctionnement.
Sachant que cette dernière réforme suscite, par ailleurs, de sérieuses difficultés sur le plan organisationnel, vous seriez bien inspiré, monsieur le ministre, d'entendre la requête des maires, des élus et – à ce que j'ai cru comprendre – du président de l'AMF, et de reporter d'au moins un an la suppression des cours le samedi matin.
Rédigées sans concertation et dans la précipitation, inapplicables ou inconstitutionnelles, les dispositions du projet de loi manqueront, soyez-en sûrs, leur objectif. Cette évidence est si nette que l'on peut, à bon droit, s'interroger sur le dessein véritable du Gouvernement. À défaut d'instituer un droit d'accueil en cas de grève, les mesures du texte pourraient, en effet, permettre à l'État de détourner sa responsabilité et de gérer la pénurie d'enseignants.
Dès l'annonce du projet de loi, l'ensemble des associations de maires s'est inquiété de savoir qui serait responsable des dommages subis ou causés par un enfant, lorsqu'il est accueilli dans le cadre du service minimum obligatoire. Le problème de la responsabilité pénale reste aujourd'hui entier, comme Jean-Michel Clément l'a parfaitement démontré. Je ne crois pas, en effet, que l'amendement proposé par Frédéric Lefebvre suffise à le régler, et c'est pourquoi nous avons déposé un sous-amendement. Certes le Gouvernement a eu l'habileté, lors du débat au Sénat, de régler au moins la question de la responsabilité administrative. Il est pourtant une responsabilité que l'État entend bien laisser aux communes – et elle est toute aussi essentielle –, c'est la responsabilité politique des désagréments causés, aux parents d'élèves comme aux enseignants, par les grèves dans l'éducation nationale !
Les suppressions de postes massives décidées, sans la moindre vision et hors de tout projet pour l'éducation nationale, par les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002, provoquent un profond malaise dans le corps professoral et génèrent de nombreux mouvements sociaux. Malgré cela, les maires ont pu, jusque-là, entretenir des rapports confiants et constructifs avec la communauté enseignante, notamment au sein des conseils d'école.
Le projet de loi instituant un droit d'accueil menace la qualité de ces rapports car il veut faire des maires des interlocuteurs dans des situations qui les dépassent. Comme l'a expliqué en janvier 2008 le président de l'AMF, Jacques Pélissard, le service minimum d'accueil revient à détourner « la responsabilité de l'État sur des acteurs étrangers aux conflits ayant conduit à la grève ». Pire, il les conduit même, à y endosser, quoiqu'on en dise – et Yves Durand l'a parfaitement démontré – le rôle de « casseurs de grèves » !
Le Gouvernement peut choisir de rester sourd aux inquiétudes des professeurs. Libre à lui de répondre aux revendications par des provocations, mais il ne peut attendre des maires qu'ils soient tous ses auxiliaires ! C'est seul, avec sa majorité, qu'il doit assumer ses décisions politiques et budgétaires.
Dans une réponse à une question d'actualité, vous avez vous-même, monsieur le ministre, opposé les bons maires soucieux de « la liberté des familles » – puisque tel est l'argument que vous avez choisi de mettre en avant –…
…aux mauvais maires obsédés par « l'intérêt » de leur parti. C'est pourtant bien l'UMP qui mobilisait ses maires en janvier et en mai, avec un résultat proche du néant !
Ayant eu l'honneur d'être rangé dans la liste nominative des seconds, je veux aujourd'hui vous dire, monsieur le ministre, que ce procédé relève de la pure et simple démagogie. En vous disant cela, je sais que je porte la parole des nombreux maires des petites communes qui ne siègent pas sur les bancs de cet hémicycle.
Je pense notamment à l'un d'eux, maire d'un village de Haute-Savoie – bien loin, donc, de l'Essonne –, …
…qui écrivait à son inspecteur d'académie, avec l'ironie de l'amertume : « Nous avons conscience que cette proposition – il s'agit de la vôtre, monsieur le ministre – est d'autant plus judicieuse que les familles pourront se tourner vers les élus municipaux en cas d'absence d'accueil, pour exiger de leurs élus de proximité, qu'ils ont en permanence sous la main, ce que l'État a préconisé » avec tant de générosité.
Tout le monde peut citer un exemple comme celui-ci, mais de nombreux maires se réjouissent de cette réforme !
Se défausser sur les maires des désagréments causés par les grèves alors que la politique du Gouvernement est à l'origine des conflits sociaux dans l'éducation nationale, voilà qui est aussi inacceptable que dangereux.
Éroder la confiance de nos concitoyens envers leurs maires, c'est abîmer l'un des liens les plus forts de notre démocratie. Et je veux vous dire ma révolte, mon indignation quand j'entends parler de « prise d'otages ». Il y a des mots que l'on ne devrait pas entendre ici, dans l'hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Cessez de vouloir la revanche des élections municipales ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Utile au Gouvernement pour détourner les mécontentements en cas de grève, l'institution d'un droit d'accueil offrirait à l'État un second avantage, qu'il pense décisif, dans la gestion journalière de l'éducation nationale. L'article 2 du texte prévoit, en effet, que ce droit pourrait s'appliquer «par suite de l'absence ou de l'empêchement du professeur habituel », quelle que soit la cause de cette absence ou de cet empêchement. Il crée donc un droit d'accueil général, applicable même en dehors des circonstances particulières de la grève.
De fait, les jours de grève ne dépassent pas la moyenne de trois par an et représentent moins de 3 % des absences dans le corps enseignant. Les premières expériences conduites ont montré, par ailleurs, que l'institution d'un droit d'accueil ne répondait pas à une attente pressante et massive des parents. En dépit de la communication faite par la municipalité, la ville de Béziers, par exemple, n'a accueilli que neuf élèves en janvier dernier ; mais il est vrai que dans d'autres domaines, elle fait figure de pionnière. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Enfin, il n'est pas inutile de rappeler, comme l'a fait mon collègue Patrick Roy, que plusieurs dispositions légales aménagent déjà les conditions d'accueil des élèves lors de conflits sociaux dans les écoles.
Le véritable objectif du texte n'est donc pas celui que met en avant une publicité tapageuse ; il se trouve, en réalité, dans certains calculs plus discrets, et moins avouables, du Gouvernement. Le vrai problème traité par le projet de loi – Yves Durand et Marc Goua l'ont bien démontré – n'est pas celui des absences exceptionnelles provoquées par les grèves, mais celui de la pénurie permanente générée par votre politique !
Entre 2002 et 2007, 30 000 postes ont été supprimés dans l'éducation nationale. Obnubilé par la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, le Gouvernement actuel entend poursuivre, avec zèle, les efforts de ses prédécesseurs.
Aucun poste n'est supprimé dans le premier degré !
Alors qu'en 2008, 11 200 postes d'agent de l'éducation nationale n'ont pas été renouvelés, vous avez récemment annoncé, monsieur le ministre, que ce chiffre atteindrait 13 500 en 2009.
Ces coupes claires contraignent déjà certaines académies à recourir à des expédients. Dans la Sarthe et en Ille-et-Vilaine, il a ainsi fallu faire appel à des vacataires et à des retraités pour pallier les absences dues aux maladies, à la formation ou aux congés de maternité. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pire, dans une école du 18e arrondissement de Paris, certains élèves sont restés trois semaines sans professeur remplaçant. Telle est votre vision : une école frappée par la pénurie ! Ce n'est pas la nôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ces réductions d'effectifs sont particulièrement inacceptables dans les écoles primaires…
…où, selon les propres chiffres du ministre, les effectifs sont en hausse de 7 500 élèves. Vous parlez souvent des familles populaires, des familles monoparentales ou frappées par les inégalités : ce sont elles, ce sont leurs enfants qui ont besoin du soutien scolaire de qualité que vous êtes en train d'entamer dans tous les quartiers de ce pays ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
À la lumière de ces exemples, il apparaît évident que l'objectif principal du projet de loi est, en réalité, d'accompagner la réduction des effectifs d'une diminution des contraintes qui pèsent sur l'éducation nationale.
Chère madame, comme vous, je représente toutes les familles. Je n'ai pas de leçon à recevoir de votre part sur la façon de porter la voix des familles en difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Rires et exclamations sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
Et j'en ai encore moins à recevoir du député du 8e arrondissement, M. Lellouche, qui prétendait tout à l'heure les représenter ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
À défaut de pouvoir assurer un droit à l'enseignement à tous, en toutes circonstances, ce texte aménage un recul sur la garantie minimale d'un droit à l'accueil. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cette interprétation est si vraie que le rapporteur de la commission des lois a jugé indispensable de la conjurer en défendant un amendement tendant à préciser que le service minimum d'accueil ne peut être mis en place qu'en cas de grève ou d'absence imprévisible d'un enseignant. J'ai d'ailleurs cru comprendre, à constater ses tâtonnements, que ce n'était pas tout à fait fini, mais peut-être M. Frédéric Lefebvre lui viendra-t-il encore en aide avec un de ses amendements dont il a le secret (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
De toute évidence, nous ne sommes pas les seuls – et vous avez bien raison, monsieur le rapporteur – à craindre que ce service ne devienne l'outil de régulation des choix budgétaires du Gouvernement.
Nous verrons bien le sort qui sera réservé à cet amendement au cours de nos débats, mais nous sommes convaincus que, dans son application, l'obligation d'accueil, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le ministre, servira de palliatif à l'obligation d'enseignement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je conclus (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire). Je suis très loin du temps de parole qui m'a été imparti et je vous trouve, mesdames, messieurs de la majorité bien impatients !
Cela justifie d'autant plus la nécessité d'accorder beaucoup de droits à l'opposition, contrairement à ce que vous avez prévu dans votre réforme constitutionnelle.
Dans une récente interview dans un quotidien national, vous avez souhaité, monsieur le ministre, que l'on ne vous accuse pas de réformer l'école uniquement pour supprimer de l'emploi. Par l'adverbe « uniquement », vous reconnaissez vous-même que vos contradicteurs n'ont pas tout à fait tort. (« Eh oui ! » sur les bancs socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
L'examen de votre projet de loi, le seul discuté depuis un an, hormis la discussion budgétaire, révèle malheureusement qu'ils ont tout de même raison.
Plus grave encore, en opposant ou en voulant opposer – car je crois que personne ne sera dupe – les familles aux enseignants, votre texte contribue à dégrader – mais tel est peut-être son dessein, et je le regrette vous connaissant – la confiance de nos concitoyens dans l'éducation nationale.
J'invite donc tous ceux qui sont soucieux de restaurer cette confiance et de préserver les missions de l'éducation nationale, qui considèrent que ce projet de loi crée beaucoup de problèmes et n'en règle pas, à voter massivement le renvoi de ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Rires et exclamations sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Valls, votre talent est réel, mais il ne peut pas se substituer à la vérité. Or il n'est pas exact d'affirmer que le Gouvernement a pris la moindre décision de nature à réduire l'emploi ou à réduire le service dans le primaire.
Arguer, même avec des exégèses sur mes adverbes, que rendre service à des familles en leur évitant de laisser leurs enfants sur le trottoir un jour de grève procéderait d'un calcul inavouable visant à réduire l'emploi public est une contre-vérité ! Elle est d'autant plus flagrante que, je vous l'ai déjà dit, il n'y a pas eu de non-renouvellement d'emplois à l'école primaire. Nous aurions d'ailleurs dû, à la rigueur, prendre conscience plus tôt de la réalité des chiffres puisque, comme je l'ai déjà souligné alors que nous avions prévu 45 000 élèves de plus, nous en comptons 900 de moins.
En conséquence, le taux encadrement pédagogique à l'école primaire est en augmentation. Il sera donc meilleur à la rentrée 2008 qu'en 2007 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Affirmer, enfin, qu'il y aurait une sorte de rupture historique, épistémologique en 2002, avec une école subitement dégradée, moins de professeurs, et un service dégradé, c'est tout de même oublier des chiffres plus têtus et plus anciens que cela !
Ce n'est pas en 2002 que nous avons brusquement constaté que les élèves issus des milieux les plus défavorisés étaient ceux qui étaient en échec scolaire. Ce n'est pas à cette date que nous avons découvert que 15 % de nos élèves ne savaient pas lire.
Ce n'est pas depuis 2002 que nous savons – et je l'ai précisé tout à l'heure – qu'un fils de cadre supérieur avait neuf fois plus de chances de savoir lire à dix ans qu'un fils d'ouvrier. Ce n'est pas en 2002 que nous avons appris que l'école française, bien qu'accueillant les enfants dès l'âge de trois ans – et c'est heureux – et dispensant en primaire 20 % d'heures d'enseignement en plus en moyenne par semaine, compte davantage d'élèves, âgés de dix ans, en difficulté que les autres pays européens où l'on ne reçoit les enfants qu'à partir de six ou sept ans.
Il n'y a pas eu une décision, une espèce de complot de la droite, au contraire ! L'action que j'ai conduite, sans passer forcément par la voie législative, était guidée par une seule question obsédante : comment vaincre l'échec scolaire qui frappe les plus faibles ? Toutes les décisions que nous avons prises y concourent. Les vingt-six heures que doivent les professeurs – dont deux heures consacrées aux élèves en difficulté – sont une réponse à l'échec scolaire. Les stages que nous organisons pour les élèves de CM1 et CM2 donnent des résultats !
Je les ferai évaluer, monsieur Roy et vous verrez qu'ils sont une réussite. Trouvez une personne concernée qui y est opposée. Ces stages de CM1 et CM2 profitent aux élèves en difficulté. J'ai rencontré les familles, les professeurs et les élèves. Je me suis déplacé dans les quartiers nord de Marseille, en banlieue parisienne. Ne me dites que cela ne bénéficie pas aux familles les plus défavorisées !
L'accompagnement éducatif que nous organiserons à partir de la rentrée prochaine dans les écoles primaires en zone d'éducation prioritaire soutiendra les élèves en difficulté. Vous présentez nos programmes comme une espèce de volonté « Jivaro », de « réducteur de têtes » pour empêcher les petits enfants de penser. Comment pouvez-vous caricaturer ainsi l'action du Gouvernement ? Les programmes sont précisément conçus pour apprendre aux enfants non ce qu'ils doivent savoir, mais ce qu'ils n'ont plus le droit d'ignorer ! Permettez-moi de vous dire que c'est une vision « Jules Ferryste » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je répondrai en quelques mots à M. Valls qui nous a livré une synthèse brillante (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), passionnée, exaltée de tous les arguments déjà avancés par ses collègues de l'opposition !
Mais si, il faut le reconnaître !
Néanmoins vous l'avez fait sur un ton d'autant plus virulent, monsieur Valls, qu'est sans doute grande votre crainte de vous voir taxer de modération par vos propres amis. Auriez-vous quelque chose à vous faire pardonner ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Vous avez oublié, monsieur Valls, que, au cours de cette longue discussion avant l'examen des articles, nous avons déjà examiné et rejeté une exception d'irrecevabilité et une question préalable. Vous étiez censé, quant à vous, justifier le renvoi de ce texte en commission. Or vous ne l'avez pas fait, au contraire !
La commission des lois a examiné 102 amendements et ceux qu'elle a adoptés permettent de répondre à la plupart des objections que vous avez soulevées.
Vous faites ainsi le procès au texte d'organiser un substitut à l'obligation de remplacer les enseignants.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est l'article 2 !
Nous y avons répondu en proposant à l'article 2 un amendement, que vous voterez certainement, qui met les points sur les « i », puisqu'il précise clairement que l'accueil, hors le cas de grève, ne peut viser que les absences imprévisibles et de courte durée.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est flou !
De plus, un deuxième amendement relève le seuil d'intervention des communes – notre collègue Jacques Pélissard vient de l'évoquer et un troisième concerne les contreparties financières, sans parler de celui qui tend à substituer l'État à la commune en cas de mise en cause de la responsabilité pénale des maires.
Donc, rien dans vos propos, monsieur Valls, ne peut justifier le renvoi en commission. Je propose, en conséquence, à nos collègues de rejeter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Georges Mothron.
Quelle cure de jouvence, ce soir, pour moi : voilà une quinzaine d'années, lors d'une campagne législative, je me suis présenté contre mon ami Manuel Valls et notre adversaire commun à l'époque était un communiste !
Votre motion de renvoi en commission est une fuite en avant afin de ne pas reconnaître que le ministre propose un certain nombre de solutions positives.
Chers collègues, nous allons enfin donner aux parents de ce pays le service auquel ils ont droit et qu'ils attendent depuis si longtemps, n'en déplaise aux socialistes, qui préfèrent, depuis plusieurs années, se cantonner à une contestation aussi inutile que futile, démontrant un marasme idéologique qui atteint, ces derniers jours, les tréfonds de la politique française de par les déclarations hallucinantes de Ségolène Royal !
Le mois de novembre, chers collègues socialistes, s'annonce d'ores et déjà comme le nouveau succès tragi-comique de l'année.
Revenons à des choses plus sérieuses et plus concrètes. (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Avec le projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire, il n'est pas question de revenir sur le droit de grève – cela a été souligné à plusieurs reprises – mais de rappeler, en légiférant de manière ferme, que si la grève est un droit, le droit au travail l'est également et se doit d'être respecté. Ce texte s'inscrit dans le cadre du pacte présidentiel conclu entre Nicolas Sarkozy et les Français, suite à l'engagement fort du candidat pendant la campagne électorale.
Aujourd'hui, les Français ne sont pas égaux face à la grève des personnels de l'éducation nationale. Pour avoir été jusqu'à récemment le maire d'Argenteuil, je peux témoigner de cette réalité de terrain. J'ai souhaité, durant mon mandat, faire d'Argenteuil une ville pilote en instaurant un droit à l'accueil des enfants en cas de grève des enseignants, et ce malgré la très forte pression syndicale. Cette opération a été une grande réussite et le bien des enfants a prévalu sur les querelles politico-syndicales. La raison de ce succès est due à la mise à disposition de personnels municipaux vacataires aguerris et tout à fait qualifiés pour assurer l'accueil de ces enfants.
Grâce à l'instauration de ce service, pas moins de 500 familles argenteuillaises ont bénéficié de ce droit d'accueil ; les parents ont pu se rendre normalement à leur travail en toute tranquillité, sachant que leurs enfants étaient accueillis en toute sécurité. De nombreuses familles nous ont d'ailleurs contactés afin de nous remercier d'avoir eu le courage de nous élever contre les résistances socialo-communistes et nous ont encouragés à maintenir ce service lors des prochains mouvements sociaux.
D'ailleurs, malgré le changement de couleur politique de la ville – que j'espère temporaire – mon successeur n'a pas souhaité revenir sur la mise en place de ce droit d'accueil des enfants dans les écoles argenteuillaises. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Même si ce dernier n'a pas du tout communiqué autour de ce service pour des raisons manifestement partisanes, de nombreuses familles ont pu à nouveau profiter du système instauré l'hiver dernier.
Ce projet de loi assure le principe essentiel du service public qui n'était jusqu'à présent pas respecté : celui de l'égalité de traitement.
Si notre majorité a souhaité légiférer dans ce domaine, c'est, là encore, par la faute des socialistes et des communistes dont la contestation stérile et vide de sens a empêché la mise en place de ce dispositif dans les collectivités dont ils sont les édiles. C'est aussi par la faute des syndicats qui n'ont pas souhaité prendre part à la discussion sur le délai de déclaration d'intention de quarante-huit heures pour les enseignants grévistes.
Là encore, je préfère prendre les devants sur les socialistes et les communistes qui auraient la mauvaise idée – une de plus ! – de nous dire que c'est une façon pour l'État de se désengager.
Je rappelle à nos amis de l'opposition que les communes organisent déjà l'accueil des enfants dans le premier degré avant et après les cours. Elles ont donc toute légitimité pour organiser ce service pour lequel elles recevront une compensation financière de la part de l'État.
Par ailleurs, l'État assume aussi ses responsabilités puisque c'est sur lui que repose celle d'accueillir les enfants lorsque leurs enseignants sont absents en dehors des cas de grève et celle d'organiser le remplacement des cours dans les meilleurs délais.
Le délai de déclaration de quarante-huit heures n'est pas lui non plus une remise en cause du droit de grève. C'est une exigence tout à fait normale dans la mesure où elle est indispensable à la mise en place du service d'accueil défini par la loi.
Mesdames, messieurs les députés de l'opposition, nous avons bien entendu vos arguments contre ce projet de loi. Aucun n'étant recevable et fondé sur des arguments valables, vous comprendrez, j'en suis persuadé, qu'avec mes collègues de la majorité, nous rejetions votre demande inutile de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Sur le vote de la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
Les députés communistes et républicains défendent sans conditions ce renvoi en commission.
Ce projet de loi, dont tous les bancs de cet hémicycle ont pointé les manques et les incohérences, a en effet visiblement été rédigé à la va-vite, sans aucune concertation préalable des acteurs concernés par son application : communes, personnels enseignants et communauté éducative dans son ensemble.
Cette précipitation ne résistera sans doute pas à l'épreuve du terrain tant le projet diffère peu de son dispositif d'expérimentation, qui a rencontré des difficultés et le faible succès que l'on sait. Dans les rares communes où l'accueil a été organisé, moins de 10 % des parents y ont eu recours. Même les élus locaux de la majorité se sont comportés en croyants non pratiquants.
De plus, ce texte contrevient au principe de libre administration des collectivités territoriales affirmé par l'article 72 de la Constitution.
Ce n'est pas le passage en force que nous vivons aujourd'hui qui convaincra davantage les Français. Contrairement à ce que vous pensez d'eux, ils conservent un sens critique bien supérieur à ce que la récente campagne publicitaire que votre gouvernement s'est payée à grands frais laisse entendre.
Surtout, les députés communistes et républicains entendent dénoncer la confusion qui entoure les objectifs du texte. De manière très grave, l'article met sur le même plan le droit à l'éducation et le droit à l'accueil en permettant que ce dernier s'applique pour toute absence ou empêchement de l'enseignant habituel de l'élève.
Vos arguments oscillent habilement entre l'obligation de l'État de garantir la continuité des enseignements lors de l'absence ou en cas d'empêchement d'un enseignant, et la mise en place démagogique d'un service d'accueil qui s'apparente de fait à une garderie de faible qualité, assurée par des encadrants dont n'est exigée aucune qualification.
La stigmatisation des enseignants grévistes, en particulier de ceux qui sont engagés au sein de l'école laïque et gratuite, est une grosse provocation pour ceux que les décisions gouvernementales inquiètent et qui entendent défendre le service public d'éducation et non en faire un objet privatisé et marchand. Je ne connais pas un travailleur qui se mette en grève par plaisir.
Les députés du groupe GDR soutiennent donc cette motion de renvoi en commission déposée par leurs collègues du groupe SRC,…
…en souhaitant vivement qu'on sorte un tout autre projet, porteur d'une véritable ambition pour le service public d'éducation, garantissant à chaque enfant une éducation de haut niveau assurant sa pleine émancipation dans la France du XXIe siècle, et traduisant une légitime considération pour les personnels enseignants qui en assurent les conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le ministre, si la pédagogie n'était que l'art de la répétition, vous auriez pu être un excellent pédagogue.
Il ne suffit pas d'affirmer des choses non prouvées pour emporter la décision.
Vous fuyez le vrai débat, en nous présentant ce texte durant l'été, en urgence, sans vraie concertation, en divisant – Paris contre les communes rurales, les communes riches contre les communes pauvres – en essayant de régler des comptes après les élections municipales – à Argenteuil, à Paris – et, surtout, en stigmatisant les enseignants.
La seule journée de grève du 24 janvier leur a coûté 21 millions d'euros. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
N'oubliez pas que, si les enseignants se mettent en grève, c'est d'abord eux qui sont financièrement pénalisés. (Mêmes mouvements.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est la moindre des choses !
Pour de jeunes collègues en zone d'éducation prioritaire, perdre des salaires, ça compte aussi ; il faut avoir le courage de le dire.
Mes chers collègues, vous avez repoussé l'exception d'irrecevabilité et la question préalable. J'en viens donc à cette demande de renvoi en commission très bien défendue par Manuel Valls.
Le projet est mal ficelé. Il aurait nécessité plus de travail en commission.
Au sujet de la contribution financière et de l'article 72-2, que je ne vous entende pas dire, monsieur le ministre, que les transferts de charges seront compensés à l'euro près.
Votre texte prévoit une compensation fixée par décret mais jamais le remboursement intégral des frais subis par les collectivités.
Pour les personnes habilitées, rien n'est précisé, alors que, pour les déplacements scolaires, on demande aux accompagnateurs de faire un stage. C'est le cas dans ma commune pour ceux qui accompagnent les élèves à la piscine par exemple. Vous dites simplement que cette liste devra être établie en bonne intelligence par les maires. J'ai confiance en l'intelligence des maires, mais j'ai surtout confiance dans le rôle protecteur de la loi.
L'organisation des négociations est renvoyée à un décret, mais qu'en est-il de cette obligation de négocier lorsqu'il s'agit de grèves sur des thèmes nationaux – je vous renvoie à l'exemple du CPE – ou de grèves spontanées comme c'est le cas notamment à la suite d'une agression ? Prévoyez-vous des sanctions si le délai de quarante-huit heures n'est pas respecté ? Cela avait été évoqué pour le service minimum dans les transports.
Quant à la responsabilité pénale des maires, le Conseil constitutionnel a rappelé, dans sa décision du 27 juillet – cela figure dans le rapport de M. de La Verpillière à la page 71 –, qu'une exonération de responsabilité pénale méconnaissait « tant le principe de légalité des délits et des peines que le principe d'égalité ». M. Lefebvre serait-il tout d'un coup capable, par miracle, d'aller contre une décision du Conseil constitutionnel ? J'en doute.
Il y a enfin, monsieur le ministre, cette discussion de marchands de tapis. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Au départ, le maire devait mettre en place un service d'accueil lorsque le nombre de personnes ayant l'intention de participer à la grève était égal ou supérieur à 10 % du nombre des personnes exerçant des fonctions d'enseignement dans les écoles maternelles et élémentaires publiques de la commune. On est passé à un nombre supérieur ou égal à 20 %, puis à un nombre strictement supérieur à 20 %, et il semblerait qu'on en soit maintenant à un nombre supérieur ou égal à 25 %. On va probablement finir à un nombre strictement supérieur à 25 %. Permettez à un ancien professeur de mathématiques d'insister sur ces détails.
Votre texte, monsieur le ministre, est une usine à gaz. Comme toutes les usines à gaz, elle aurait eu besoin de plus de réglages.
Des élus vous demandent un report d'un an. Saisissez l'occasion de cette demande de renvoi en commission pour en peaufiner le fonctionnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur Valls, ce texte vous dérange parce qu'il met en place des mesures que vous auriez certainement aimé proposer ; on peut le comprendre.
Il va permettre à des enseignants – nous devrions tous nous en réjouir – de faire réellement grève sans avoir à subir le courroux des parents parce que leurs enfants ne sont pas au moins accueillis à l'école. Ce texte libère donc le droit de grève des enseignants.
Vous avez une position figée sur l'éducation nationale. Vous n'évoluez pas avec le temps. Jusqu'à présent, on pouvait vous dire : errare humanum est. Je crois qu'il faut aller plus loin et vous dire : perseverare diabolicum.
Pour toutes ces raisons, il est temps d'étudier les amendements et le groupe Nouveau Centre souhaite vraiment ne pas renvoyer ce projet en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur la motion de renvoi en commission.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 158
Nombre de suffrages exprimés 158
Majorité absolue 80
Pour l'adoption 33
Contre 125
La motion de renvoi en commission est rejetée.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Monsieur le président, mon groupe souhaite se réunir avant la discussion de l'article 1er. Au nom du groupe SRC, je vous demande donc une suspension de séance.
Motion de renvoi en commission
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à zéro heure vingt-cinq,le mercredi 16 juillet 2008, est reprise à zéro heure trente-cinq.)
La séance est reprise.
J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.
La parole est à M. Claude Goasguen.
Le débat a été dense, et je veux livrer quelques réflexions sur ce que j'ai entendu à propos de l'éducation nationale. Cette fois, ce n'est pas le député du 16e qui parle – je le dis par avance à ceux qui vont m'accuser d'être l'élu de cette circonscription –, mais celui qui a exercé de nombreuses fonctions à l'éducation nationale, notamment à l'inspection générale et au rectorat, celui qui l'aime et qui la défend passionnément.
Les interventions d'un certain nombre de députés de l'opposition m'ont attristé car ils ont fait à ce texte de loi un procès tout à fait indigne de l'éducation nationale.
Mes chers collègues, dans votre analyse, vous avez hypertrophié les problèmes matériels, certes bien réels, des enseignants, alors que ceux-ci ne constituent que l'une des nombreuses catégories de personnels de l'éducation nationale. Nous ne remettons pas en cause leur droit de grève, qui est légitime, mais nous avons associé à ce qui fait la noblesse de l'éducation nationale, à côté de l'obligation scolaire et du périscolaire, un nouveau droit, qui n'est pas une obligation puisqu'il n'est pas sanctionné : le droit d'accueil. C'est pourquoi ce texte est très important ; mais ce n'est qu'un premier pas, et il y aura certainement des évolutions.
Ce nouveau droit aura des conséquences juridiques considérables car notre texte sera soumis au crible des tribunaux. Nous ne sommes pas dans un domaine obligatoire, comme avec l'obligation scolaire ou la gratuité, mais dans un domaine non obligatoire qui relève des collectivités territoriales. Leur compétence est donc relative comme, par exemple, pour le périscolaire. Nous sommes exactement dans le même cadre : la législation et les règlements n'imposent absolument pas aux communes ou aux autres collectivités d'organiser le périscolaire ; de même, le texte que nous allons voter n'imposera pas l'organisation du droit d'accueil.
Qui pourrait dire aujourd'hui que, à côté de l'école, il ne faudrait pas organiser le périscolaire ? Le maire qui s'aventurerait dans une telle direction serait immédiatement et explicitement sanctionné. Je pense que l'évolution du droit d'accueil sera identique.
Par conséquent, non seulement votre combat est un combat perdu d'avance, mais, en plus, il dénature le rôle de l'éducation nationale. Vous faites de celle-ci uniquement le lieu de la transmission du savoir. Or il y a belle lurette qu'elle n'est plus seulement le lieu du savoir ; avec mon ancien collègue de l'inspection générale, Xavier Darcos, c'est notre vieux débat théorique. Vous avez complètement ignoré dans votre démarche la dimension sociale de l'éducation nationale. Celle-ci nous a pourtant conduit à inventer le périscolaire, et à avoir la noblesse de dire qu'on ne ferme pas une école.
Comment vous, qui vous prétendez les gestionnaires de l'éducation nationale, pouvez-vous avoir l'audace de dire, alors qu'elle est un atout majeur de l'évolution de notre société, qu'on devrait laisser les enfants à la porte en raison des revendications syndicales de certains enseignants ? Allons, soyez sérieux ! L'éducation, c'est beaucoup plus important que ça !
Sur ce débat, vous savez bien que vous avez perdu ; vous savez bien qu'un droit d'accueil sera organisé, et qu'il sera de plus en plus sophistiqué avec le temps, comme l'a été le périscolaire.
À l'époque, il a dû y avoir des enseignants qui étaient réactionnaires – comme vous l'êtes en ce moment – au point de refuser le périscolaire dans les écoles. Cette fois, ce ne sont pas les familles qu'il faut défendre, mais l'éducation nationale ; et votre défense m'attriste.
Mettez-vous pour une fois dans le sens de l'histoire, et votez sans arrière-pensées l'article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Goasguen, encore une fois, je rappelle que l'accueil figure en toutes lettres dans le code de l'éducation.
Je vous relis le deuxième alinéa de l'article L. 113-1 : « Tout enfant doit pouvoir être accueilli à l'âge de trois ans, dans une école maternelle ou une classe enfantine le plus près possible de son domicile, si sa famille en fait la demande. »
L'accueil existe donc déjà. C'est un présupposé. Il n'y a pas de droit à créer.
Or c'est précisément parce que vous créez ce droit et qu'on ne change pas tous les jours le titre du livre Ier du code de l'éducation que nous nous penchons avec attention sur ce qu'il y a derrière, sur les intentions que ce changement recèle.
D'une certaine manière, monsieur Goasguen, vous venez de nous éclairer encore davantage,…
…si toutefois nous en avions besoin : le périmètre de l'école – ses acteurs sont mentionnés, eux aussi, dans le code de l'éducation –, c'est-à-dire la communauté scolaire, la communauté éducative, comprend les enseignants, les élèves, les parents d'élèves et les collectivités locales partenaires.
Aucun d'entre nous n'a contesté aux collectivités locales leur rôle de partenaire de la communauté scolaire. Les maires élus dans nos rangs ont, au contraire, expliqué qu'ils essayaient de faire au mieux dans l'intérêt des élèves et des familles. C'est pourquoi, quand on voit arriver un droit d'accueil dans les écoles maternelles et élémentaires publiques alors que cette disposition figure déjà en toutes lettres dans le code, on s'interroge.
Par ailleurs, la possibilité d'accueil des enfants avant trois ans, ouverte par ce même code, est absolument proscrite à Paris.
Dans la capitale, mon cher collègue, il n'est pas possible d'inscrire un enfant en école maternelle avant l'âge de trois ans.
Si vous voulez écouter les familles, prendre en compte leurs demandes, leurs aspirations et leurs modes de vie – je vous rappelle qu'à Paris, au moins 80 % des femmes travaillent –, assurez l'accueil, d'ores et déjà prévu dans le code de l'éducation, des enfants de moins de trois ans à l'école maternelle. Peut-être pourrons-nous alors reconsidérer l'avis que nous portons sur ce changement curieux du code de l'éducation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Goasguen, je vous remercie de vos déclarations. J'ai cru à un moment, en vous écoutant, que vous étiez sur la voie de ceux que certains de vos collègues appellent, avec d'ailleurs beaucoup de mépris, « les pédagogues », c'est-à-dire sur la voie du « pédagogisme » comme ils disent. Je pensais : « Tiens, voilà M. Goasguen qui, sans s'en rendre compte, fait du Philippe Meirieu ou du Alain Savary ».
Mais c'est très bien ! Vous êtes sur la bonne voie, celle de la rédemption. (Sourires.)
Vous avez fait un lien entre le purement scolaire, qui est la mission de l'école, et le périscolaire. Je suis d'accord avec vous. C'est un vrai débat. Très souvent, au niveau de nos communes – dans la mienne, et je sais qu'à Évry, chezManuel Valls, c'est également le cas –, nous organisons un partenariat entre l'école et le périscolaire, dans ce que nous appelons « les plans éducatifs globaux ». Le partenariat avait déjà été mis en place, entre 1997 et 2002, avec les contrats éducatifs locaux.
Nous avons, dans nos communes, essayé de créer, puis d'améliorer ce partenariat. Cependant il s'agit bien d'un partenariat : il fonctionne à égalité entre les communes et l'éducation nationale, en essayant d'accompagner l'école hors du temps scolaire, au moyen du périscolaire, et toujours avec la même idée fondamentale : l'école a pour mission première la transmission. Toutefois, il ne s'agit pas uniquement de la transmission des savoirs.
Sans revenir au débat que nous avons eu à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école de 2005, il s'agit, non seulement de la transmission des savoirs, mais aussi de la transmission des savoir-faire et des « savoir-être ». C'est sur cette base qu'on peut effectivement, au-delà et autour de l'école, créer ce partenariat que vous appelez de vos voeux, dans le cadre du périscolaire.
En revanche ce que vous préparez là n'a rien à voir avec ça. Excusez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, bien que cela vous mette en colère, mais cet article 1er a pour objectif de substituer,…
Non, puisque vous mettez sur le même plan deux droits qui ne sont absolument pas de même nature : le droit à l'accueil et le droit à l'éducation.
Le périscolaire, tel que vous l'avez défini et tel que nous le pratiquons dans nos communes, est un élément de ce droit à l'éducation ; il ne se réduit pas à l'accueil : notre action dans le domaine périscolaire, à travers les plans éducatifs globaux, ne se réduit pas à de la garderie.
Voilà ce que nous avons voulu démontrer pendant toute la discussion générale et à travers les trois motions de procédure que nous avons défendues, et nous allons le répéter parce que c'est le fond du problème : vous mettez sur le même plan, par conséquent vous rendez substituables – comment le dire autrement ? – deux droits : le droit à l'éducation, qui est en réalité le seul véritable droit, et le droit à l'accueil, dont je regrette de devoir dire qu'il ne s'agit pas d'un droit fondamental. L'école n'est pas faite uniquement pour accueillir les élèves : elle est là d'abord pour éduquer. Voilà la grande différence entre nous.
D'ailleurs le texte de l'article 2, même amendé par la proposition du rapporteur de la commission des lois – car il faudra préciser ce que signifient les termes « absences imprévisibles » – ainsi que celui de l'article 4 confirment qu'il s'agit bien de rendre possible la substitution d'un droit à l'accueil au droit à l'éducation. Voilà ce qui, pour nous, est inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Pris isolément, ce projet de loi pourrait apparaître tout à fait anodin, s'il ne venait pas après d'autres projets que nous avons examinés précédemment : je pense en particulier au texte relatif à la continuité des services publics. En effet ce que vous entreprenez page après page, semaine après semaine, d'une façon relativement organisée et cohérente, c'est tout simplement le détricotage de l'ensemble des services publics et, encore plus grave, de ce principe constitutionnel fondamental que constitue la continuité des services publics.
En effet, vous nous proposez successivement un service minimum des transports, service public fondamental dans notre société, qui régule également les moyens entre les plus pauvres et les plus riches ; un service minimum pour les demandeurs d'emploi, qui devront, au bout de quelques mois, occuper n'importe quel emploi parce qu'ils n'auront pas eu la chance d'être formés pour occuper l'emploi auquel ils auraient pu aspirer.
Vous nous proposez également, après avoir détricoté le code du travail, un droit du travail minimum, qui laisse le salarié complètement démuni face à l'entreprise toute-puissante. Et voilà qu'aujourd'hui vous nous proposez un droit à l'éducation a minima, qui va, petit à petit, de glissade en glissade, être repoussé à la marge du périscolaire, comme l'a dit M. Goasaguen, alors même que l'éducation est, par essence, le service public et la continuité du service public.
Vous savez d'ailleurs, chers collègues, que des tribunaux administratifs ont condamné l'État à payer des cours privés à des élèves du second degré parce que certains cours n'étaient pas assurés par l'administration. C'est ce qui risque de se produire dans le premier degré, et vous avez, d'une certaine manière, raison de prendre les devants pour parer à ce risque d'être à nouveau condamnés. En effet, la suppression progressive des postes de fonctionnaire touchera, tôt ou tard, le premier degré, où l'absence durable d'un professeur des écoles a des conséquences autrement plus graves que dans le second degré : dans ce dernier cas, ce n'est qu'un cours manqué par ci par là, alors qu'il s'agit, dans notre cas, d'assurer la prise en charge de l'élève.
C'est pour éviter une autre condamnation que vous opérez un transfert de responsabilité vers les collectivités locales, qui seront accusées à la place de l'État et de l'éducation nationale. Vous aurez certes failli à votre mission suprême d'éducation, mais qu'importe pourvu que vous ne soyez plus les responsables politiques. Ce sera aux collectivités locales d'en porter la responsabilité politique, en particulier les communes, quelles que soient leur taille, leurs ressources ou leurs capacités.
Cela, nous ne pouvons pas l'accepter, d'autant que ce n'est pas la première fois que vous vous déchargez ainsi sur les collectivités locales. Puisque vous avez parlé du périscolaire, nous pourrions aussi évoquer les emplois-jeunes, ou les emplois aidés, qui sont d'utiles concours pour les collectivités locales.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Rien n'était prévu à l'expiration des emplois-jeunes !
Ce sont eux, en effet, qui aident les enfants à traverser la rue à la sortie des écoles, ou qui assurent l'accueil dès le matin et l'accompagnement le soir des enfants socialement défavorisés, au lieu de les laisser errer inoccupés, permettant ainsi une prise en charge qui ne se limite pas au cadre éducatif, lequel relève de l'éducation nationale.
Le motif réel de la suppression successive de tous ces droits ou de leur réduction a minima, c'est simplement votre idéologie, celle qui commande qu'on ne redistribue pas la richesse, mais qu'on la laisse s'accumuler dans les mêmes mains, au bénéfice des mêmes pouvoirs qui décident de tout, laissant la classe moyenne se rapprocher petit à petit des plus défavorisés, jusqu'à ne plus s'en distinguer.
En quelques années, vous aurez réussi à transformer la République dont nous étions fiers, celle des services publics, en une République de régression, avec un droit du travail qui a reculé de cinquante ans et, aujourd'hui, la remise en cause du droit de grève, conquis en 1864, par un texte, certes marginal, mais qui est appelé à faire un jour référence. Il suffit, pour s'en convaincre, de regarder quels textes sont inscrits à l'agenda du Gouvernement.
On entre dès cet article 1er dans le vif du sujet, monsieur le ministre. Si l'article 2 est encore plus explicite, comme on le verra par la suite, l'article 1er introduit une modification terminologique en plaçant le mot « accueil » au même rang que les mots « obligation scolaire » et « gratuité ». Je suis en total désaccord avec cet article, et pour plusieurs raisons.
Je vais répéter la première raison puisqu'il semble que vous ne voulez pas l'entendre ; en effet je ne peux pas supposer chez vous un défaut d'intelligence.
En dépit de la gêne pour les familles, vous savez fort bien qu'aujourd'hui la grève est responsable de l'absence de professeurs dans un nombre infime de cas : 0,28 cas par an. Tous les autres cas sont dus à l'incapacité du ministère de remplacer les enseignants en congé maladie ou en formation.
La grève est donc bien un alibi pour vous, comme le démontre le fait qu'un nombre élevé de vos orateurs ont utilisé cet argument.
Vous m'avez répondu tout à l'heure qu'il était exceptionnel qu'un professeur ne soit pas remplacé. Ma circonscription doit être particulièrement mal lotie, et je demande une indemnisation immédiate, parce que, dans mes collèges et mes lycées, il n'est pas exceptionnel de voir des professeurs absents pendant des semaines sans être remplacés.
Hier matin encore, une principale de collège m'a dit avoir attendu des mois le remplacement d'un professeur d'anglais, le recteur étant dans l'incapacité de lui fournir un remplaçant. Elle a dû finalement embaucher comme vacataire un étudiant suffisamment diplômé pour assurer quelques cours d'anglais. Des exemples de cette sorte, j'en ai à foison.
Ou bien, monsieur le ministre, ma circonscription est vraiment mal lotie et je demande une compensation ; ou bien l'information ne passe pas entre le terrain et le ministère.
Je ne voulais pas répondre aux intervenants précédents, mais les propos de M. Goasguen m'ont fait bondir : si chacun a certes le droit d'avoir son opinion, comment peut-on accuser les enseignants d'être réactionnaires, en regardant évidemment de notre côté de l'hémicycle ?
J'espère, monsieur Geoffroy, que vous mesurez la gravité de vos propos.
Vous savez bien, monsieur le ministre, que mes collègues du primaire acceptent de consacrer bénévolement des centaines d'heures chaque année à assurer à leurs élèves des sorties culturelles, sportives ou citoyennes en dehors du temps scolaire. Ceux-là travaillent plus sans gagner plus. S'ils le font, c'est parce qu'ils croient en leur métier, car rien ne les y oblige. Quand je leur rapporterai qu'on les accuse dans l'hémicycle d'être réactionnaires, je peux vous dire qu'ils vont vraiment apprécier !
Je terminerai en revenant sur une réflexion de M. Apparu. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mme Mazetier faisant observer qu'à Paris, les écoles ne pouvaient pas accueillir les enfants de moins de trois ans faute de postes en nombre suffisant, vous lui avez rétorqué, monsieur Apparu, que la ville n'avait qu'à créer des places en crèches. On voit bien en quoi nous différons : pour nous la mission de garderie, ce n'est pas la mission d'éducation, et nous ne voulons pas que l'éducation nationale se transforme en garderie nationale ! (Vives exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'obligation scolaire n'existe pas avant trois ans ! Vous voulez qu'on la fasse commencer à six mois ?
Il fallait demander à Mme Royal de faire commencer la maternelle à deux ans quand elle était ministre !
Affirmer un droit réel à l'éducation rendrait inutile la mise en place d'un droit à l'accueil.
Ce débat sur l'évolution du service public de l'école est essentiel. Voilà pourquoi je voudrais, avant que nous abordions l'article 1er et l'article 2, qui sont fondamentaux, faire partager mon expérience.
Sous la législature précédente, j'avais accepté, sans préjugé, de consacrer un rapport aux services publics européens. Cette analyse pétrie d'informations a mis en évidence que nous devions avoir le courage de faire évoluer le débat sur la question, et c'est ce que nous avons fait.
Nous avons d'abord préféré à la notion de « service minimum », qui nous paraissait inadaptée, la garantie de la continuité du service public. Cette notion me paraît préférable s'agissant d'un service aussi essentiel.
Nous avons également rappelé qu'il était hors de question d'aller à l'encontre du droit de grève, droit essentiel et constitutionnellement protégé. Il s'agit de trouver une conciliation entre l'exercice de ce droit fondamental et ladite continuité de ce service public…
…de manière à assurer aussi aux familles une garantie à laquelle elles ont droit, en l'occurrence dans le domaine de l'école.
Un certain nombre de propositions de lois sont sorties de ce rapport et, aujourd'hui, monsieur le ministre, vous nous permettez d'avancer encore dans cette démarche d'accompagnement des familles et des élèves dans le cadre de ce service public à la française qui nous est cher. En effet, ce projet de loi me paraît bon, juste et équitable.
Vous avez évoqué le dialogue social et pris en compte la nécessité pour l'État d'assumer ses responsabilités en matière financière, mais aussi en matière de responsabilité.
Cette loi était nécessaire, d'abord parce qu'on ne touche pas n'importe comment au droit de grève, que seule la loi peut encadrer, et parce qu'on s'aperçoit qu'elle est équitable. Dans une commune qui m'est chère et dont j'étais le maire voilà peu de temps encore, j'avais suivi mes prédécesseurs en maintenant l'organisation d'un service d'accueil dans les écoles, à la demande des enseignants et des parents d'élèves. Ce service fonctionnait convenablement, à la satisfaction de tout le monde.
À titre expérimental, le ministre de l'éducation nationale nous a finalement proposé, en janvier dernier, d'améliorer le système en faisant prendre en charge par l'État ce qui était assumé par les collectivités locales pour l'accueil dans l'école. J'ai malheureusement constaté que, après les élections municipales du mois de mars, la municipalité de gauche qui a pris les rênes de la collectivité a, pour des raisons idéologiques, défait ce qui avait été fait et renoncé à ce progrès en annulant la délibération qui consacrait la prise en charge par l'État d'une charge de la collectivité territoriale.
Cette loi, monsieur le ministre, est nécessaire pour que l'équité soit assurée et pour que ce qui est possible dans certaines communes grâce au pragmatisme des élus le soit sur tout le territoire français. Cette loi nécessaire fait accomplir un progrès. Il faut en effet reconnaître d'une manière dépassionnée que, si nous votons cette loi, nous aurons la possibilité de garantir à des familles qui sont souvent les plus démunies et les plus en difficulté un système d'accueil qui ne sera pas organisé au détriment de leur temps de travail. Cette loi est donc un progrès et, surtout, elle nous permettra de mieux promouvoir le service public auquel nous sommes si attachés.
Il faudrait revenir sans passion à l'intérêt des familles et à l'équité d'un système qui va désormais pouvoir se généraliser. Il me semble que nous avons fait un bon pas en avant. Je souhaite que nous le fassions tous et je vous invite, mes amis qui siégez dans la partie gauche de l'hémicycle, à bien réfléchir, car je ne vois vraiment pas les raisons qui pourraient s'opposer à ce progrès pour les Françaises et les Français, les familles et les enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous en venons aux amendements à l'article 1er.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 92 .
Cet amendement vise à supprimer le premier alinéa de l'article 1er du projet de loi, qui place l'accueil au même rang que l'obligation et la gratuité scolaires.
Cette question, qui a déjà été abordée, me donne l'occasion d'évoquer celle de l'obligation scolaire en situation d'accueil, qui nous a été posée par les associations de parents d'élèves. En effet, si des parents n'envoient pas leurs enfants à l'école, ils sont passibles de sanctions lourdes. Que se passera-t-il si des parents refusent d'envoyer leur enfant à l'école parce que l'accueil y est assuré dans les conditions baroques que vous avez évoquées tout à l'heure, par des personnes qui ne sont pas diplômées et avec un taux d'encadrement aléatoire, même s'il s'agit de parents d'élèves qu'ils connaissent et précisément parfois pour cette raison même ? Que se passera-t-il, monsieur Goasguen, vous qui évoquiez un droit sans aucune sanction ?
Puisque nous parlons d'obligation scolaire, pourquoi ne pas parler de l'âge auquel doit commencer cette obligation ? Pour nous, cet âge doit être de trois ans et cette obligation doit s'articuler avec un service public de la petite enfance.
Je rappelle à M. Apparu, qui veut couvrir la France de crèches, que Nicolas Sarkozy a dit précisément l'inverse au cours de la campagne présidentielle, déclarant qu'il s'y refusait. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Puisque vous ne voulez pas envisager l'accueil des enfants de moins de trois ans dans les écoles maternelles, abolissez donc le troisième alinéa de l'article qui prévoit l'accueil des enfants à trois ans et la possibilité d'accueil des enfants de moins de trois ans dans les écoles maternelles. Assumez vos positions, et allez au bout des choses. Dites désormais que ce droit d'accueil des enfants de moins de trois ans n'existe plus. La discussion sur l'article 1er aura au moins servi à cela.
La commission est défavorable à l'amendement n° 92 . Je précise que les arguments que je vais avancer vaudront aussi pour les amendements nos 25 , 26 et 93 .
Il est clair que les notions d'obligation et de gratuité scolaires et celle d'accueil sont des choses différentes. J'en veux pour preuve, madame Mazetier, que vous venez vous-même d'indiquer qu'il faudrait abaisser l'âge de l'obligation scolaire. Celui-ci est aujourd'hui fixé à six ans, mais l'accueil commence plus tôt : à trois, voire deux ans. Ce n'est donc pas la même chose et il faut bien distinguer ces notions. La commission est donc défavorable à ces amendements.
Même avis que la commission.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour défendre l'amendement n° 25 .
Par cet amendement, les députés du groupe GDR désirent marquer leur refus de mettre sur le même plan, comme cela a déjà été dit, le service d'accueil et les principes fondamentaux qui fondent notre service public de l'éducation. Nous considérons notamment que les objectifs premiers de l'enseignement public sont à la fois l'obligation scolaire et la gratuité.
En dépit de la création éventuelle d'un droit d'accueil, je vous demande donc, chers collègues, de ne pas modifier l'intitulé du titre III du livre Ier du code de l'éducation. En effet, ce livre Ier définit les principes généraux de l'éducation et l'on ne peut considérer, sauf à vouloir transformer les fondements de notre système éducatif, qu'il faille y intégrer l'accueil scolaire.
De ce point de vue, nous sommes en concordance avec l'objet de ce projet de loi, qui est de régler un problème d'ordre ponctuel, celui de l'accueil des enfants en cas d'absence des enseignants. La loi a toutefois un caractère général et n'a pas vocation à inscrire dans le code de l'éducation cette nouvelle mission ponctuelle de l'accueil des élèves.
Nous refusons la perspective d'un changement des principes du système éducatif, car celui-ci a fait ses preuves. Les ambitions éducatives doivent continuer à primer sur le phénomène corollaire qu'est l'accueil des élèves.
Je vous demande donc de voter cet amendement. Je suis persuadé que, même si vous tenez à mettre en place ce type de service d'accueil, il n'est ni nécessaire ni salutaire de transformer pour autant l'intitulé du titre III du livre Ier du code de l'éducation.
La commission et le Gouvernement ont un avis défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 25 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Il s'agit d'un amendement de cohérence avec le précédent amendement.
Je vous rappelle très brièvement, chers collègues, que nous considérons que le simple accueil des élèves dans les écoles maternelles et élémentaires ne peut faire l'objet d'un chapitre du code de l'éducation. Ce code regroupe l'ensemble des lois en vigueur dans le domaine de l'éducation, mais on peut considérer que l'accueil des enfants en tant que tel n'a pas de rapport avec la dispense d'enseignement.
L'amendement n° 26 vise donc à la suppression de l'alinéa 2 de l'article 1er de ce projet de loi.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 93 .
Je rappelle, à l'intention de M. Apparu et de l'ensemble de nos collègues, les termes de l'alinéa 3 de l'article L. 113-1 : « L'accueil des enfants de deux ans est étendu en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne et dans les régions d'outre-mer ».
Cet accueil est en chute libre : s'il était de près de 40 % voici quelques années, il a aujourd'hui diminué de moitié et est en voie d'extinction. Au lieu de créer un droit d'accueil situé au même rang que l'obligation et la gratuité scolaires, qui sont des piliers de l'éducation, pourquoi ne mettez-vous pas en oeuvre ce qui existe déjà dans le code de l'éducation et qui est malheureusement en régression ?
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire.
Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi.
La séance est levée.
(La séance est levée à une heure dix.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma