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Intervention de Jean-Michel Clément

Réunion du 15 juillet 2008 à 21h30
Droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Selon l'article 8 bis : « la responsabilité administrative de l'État est substituée à celle de la commune dans tous les cas où celle-ci se trouve engagée en raison d'un fait dommageable commis ou subi par un élève du fait de l'organisation ou du fonctionnement du service d'accueil. L'État est alors subrogé aux droits de la commune, notamment pour exercer les actions récursoires qui lui sont ouvertes. »

Cet article est insuffisant. Il n'exonère pas les communes lorsque celles-ci auront mis en place un service qui se révélera défaillant à l'usage. Il n'exonère pas non plus les maires de leur responsabilité. Au contraire, il élargit le spectre des contentieux susceptibles de les atteindre personnellement.

Notre société, nous le savons, tend à suppléer le défaut de solidarité et de conscience collective par une mise en cause quasi systématique de la responsabilité des acteurs locaux. Cela se traduit par la judiciarisation et la pénalisation de la vie sociale. En réalité, les victimes souhaitent être indemnisées et obtenir la sanction pénale d'une personne qualifiée de coupable.

L'article 121-3 du code pénal issu de la loi du 10 juillet 2000 a redéfini les contours de la responsabilité pénale en matière de délits non intentionnels, dans l'espoir de parvenir à un équilibre entre deux intérêts contradictoires : d'une part, responsabiliser les acteurs sociaux et, d'autre part, éviter un excès de pénalisation de la vie sociale, susceptible de décourager et démotiver l'initiative individuelle et collective. Pour autant il n'a pas tout réglé !

À la lumière des nouvelles exigences de la loi, le juge doit tout d'abord établir un lien de causalité indirecte. Dans un deuxième temps, le juge devra déterminer la faute de la personne physique.

Deux cas sont prévus par le texte en cas de causalité indirecte : la violation manifestement délibérée d'une obligation légale ou réglementaire et la faute caractérisée exposant autrui à un risque grave, lequel ne pouvait être ignoré par la personne ayant commis cette faute. Dans ce dernier cas, situation visée au cas particulier, la loi exige la réunion de trois éléments cumulatifs. D'abord, une faute caractérisée doit être retenue. Ensuite, la personne physique qui a commis cette faute caractérisée doit avoir exposé autrui à un risque d'une particulière gravité. Enfin, il faut établir que l'auteur de la faute caractérisée ne pouvait ignorer l'existence de ce risque.

Il s'agit d'une exigence essentielle, ayant pour objet d'éviter que des sanctions pénales ne soient appliquées à des personnes qui n'étaient pas en mesure de connaître le risque encouru. Cette exigence légale sera remplie lorsque le juge pourra établir que la personne connaissait l'existence du risque et sa gravité, et lorsque cette dernière ne parviendra pas à démontrer son ignorance totale de cette situation à risque compte tenu des présomptions résultant des faits de l'espèce.

S'agissant des défaillances susceptibles d'affecter ce service d'accueil, le juge va rechercher s'il existe une faute caractérisée exposant autrui à un risque grave, lequel ne pouvait être ignoré par la personne à qui on reproche cette faute. L'établissement de cette faute résultera d'une analyse, au cas par cas, mais il est clair que le risque est grand, compte tenu des conditions dans lesquelles les maires vont devoir mettre ce service d'accueil en place, de voir leur responsabilité mise en cause dans les cas les plus graves. Ces derniers peuvent être fréquents dès lors qu'il s'agit de relations adultes-enfants, alors même que l'on sait les parents prompts à surréagir.

Selon les cas, une ou plusieurs personnes – maire, agent territorial, personne chargée d'assurer le service – pourront voir leur responsabilité pénale mise en cause et feront l'objet d'une mise en examen et, le cas échéant, d'un renvoi devant une juridiction de jugement. À n'en pas douter, le maire sera toujours concerné dès lors que lui incombe la responsabilité de mettre en place ce service.

En résumé, voilà une nouvelle occasion d'élargir le champ de la responsabilité des maires, que la loi Fauchon avait voulu encadrer. Ce ne sont pas les propos rassurants prononcés cet après-midi qui pourront nous convaincre. La mise en examen des élus est toujours un affaiblissement pour notre démocratie.

Après le renvoi vers les collectivités locales par l'État de ses missions régaliennes en termes d'éducation, l'élargissement du champ de la responsabilité des élus pour faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité est un nouveau coup porté à notre pacte social, à moins qu'il ne s'agisse d'opposer cette fois l'État aux collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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