La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la santé (n° 2857, annexe 39, n° 2864).
La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, madame la ministre de la santé et des sports, mes chers collègues, peu d'évolutions caractérisent, en termes budgétaires, les crédits de la mission « Santé » pour 2011 : le budget affiche en effet une très légère progression, de l'ordre de 2 % en crédits de paiement, pour un montant total de 1,22 milliard d'euros.
Cette progression est essentiellement à mettre au compte de deux dispositifs : en premier lieu, l'aide médicale d'État, qui voit sa dotation revalorisée de près de 10 % en 2011, pour atteindre 588 millions d'euros, contre 535 millions d'euros l'an passé – j'ai l'impression, madame la ministre, qu'avant d'examiner les amendements, nous aurons l'occasion d'en reparler ; en second lieu, l'accroissement de l'ordre de 9 % de l'effort de l'État en faveur de la formation médicale initiale, les crédits à ce titre s'établissant à 132,3 millions d'euros pour 2011.
C'est en revanche la maquette budgétaire qui sort profondément modifiée en 2011, avec la mise en place des agences régionales de santé. La mission ne comporte désormais plus que deux programmes : le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » et le programme « Protection maladie » qui porte les crédits affectés à la CMU complémentaire, à l'aide médicale d'État et au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.
La création des ARS conduit à la suppression d'un programme relatif à l'offre de soins et à la qualité du système de soins dont les crédits sont basculés sur le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », afin de regrouper l'ensemble des crédits d'intervention des ARS. Les crédits État dédiés aux ARS figurent donc en totalité sur ce programme, à l'exclusion des dépenses de fonctionnement des ARS, qui figurent sur le programme support de la mission « Solidarité ». Je note à cet égard que les effectifs des ARS vont s'inscrire en baisse, passant de 9 591 équivalents temps plein en 2010 à 9 447 en 2011.
Certains chapitres de cette mission subissent des réductions drastiques : moins 21 % pour les risques infectieux, moins 23 % pour la prévention des maladies chroniques et la qualité de vie des malades et moins 20 % pour la prévention des risques environnementaux.
Au-delà de ces évolutions regrettables, tenant à la rigueur et à la RGPP, quatre points particuliers doivent être soulignés : ils feront l'objet de commentaires plus détaillés de la part des différents intervenants.
Premier point, la création des ARS : les crédits d'intervention sont réunis en 2011 et financeront, d'une part, la formation médicale initiale –principalement, les stages extra-hospitaliers effectués par les internes et les étudiants en médecine – à hauteur de 121,4 millions d'euros et, d'autre part, la mise en oeuvre au plan régional de la politique de prévention et de sécurité sanitaire, pour un montant de 189,36 millions d'euros. L'autonomie dont disposent les ARS explique que ces crédits soient « globalisés » et non plus, comme c'était le cas lorsqu'ils étaient délégués aux services déconcentrés, détaillés par type d'action financée. Il n'en demeure pas moins indispensable de disposer d'une lisibilité sur l'affectation précise de ces crédits. Le Parlement doit retrouver en exécution l'information qu'il perd en termes de prévision : il est donc nécessaire que les remontées d'information de la part des ARS permettent de retracer ex post les actions qui ont été financées.
Le deuxième point concerne la mise en place de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – l'ANSES – qui résulte de la fusion, entérinée le 1er juillet dernier, de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments – l'AFSSA – et de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail – l'AFSSET. Cette agence émarge sur plusieurs missions du budget général : « Écologie », « Recherche », « Travail et emploi », « Santé », mais principalement sur la mission « Agriculture ». Au titre de la mission « Santé », l'agence bénéficiera en 2011 d'une subvention à hauteur de 13,7 millions d'euros.
Deux points méritent d'être soulignés.
Premièrement, comme tous les opérateurs, l'ANSES pâtit d'une diminution de ses effectifs : à périmètre constant, ceux-ci passeraient de 1 237 équivalents temps plein en 2010 à 1 219 en 2011
Deuxièmement, la réunion des services de l'AFSSA et de l'AFSSET sur un seul et même lieu passe par un projet d'investissement important, sur le site de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort. Avec l'interdiction prévue par le projet de loi de programmation des finances publiques de recours à l'emprunt pour les organismes d'administration centrale, l'ANSES voit son projet d'investissement mis à mal. Or celui-ci est indispensable si l'on veut assurer une véritable synergie des compétences des deux agences préexistantes et améliorer la gestion du risque et l'expertise dans des domaines où ces synergies paraissent évidentes : je pense en particulier à l'eau, aux nanotechnologies et aux perturbateurs endocriniens. Je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez garantir que ce projet de regroupement et d'investissement sera bien mis en oeuvre.
Sur ces deux derniers champs, il est indispensable de garantir un niveau adéquat de financement public de la recherche. Il est donc essentiel que l'ANSES soit en mesure de poursuivre ses programmes de recherches dans ces deux domaines et d'en lancer de nouveaux. Tel était l'objet de la lettre au Premier ministre cosignée l'an dernier par plusieurs députés et sénateurs.
Enfin, la fusion de l'AFSSA et de l'AFSSET au sein de l'ANSES a provoqué des craintes exprimées au début de l'année, s'agissant notamment du statut de l'expertise scientifique. Je tiens de ce point de vue à ce que la nouvelle agence puisse conserver l'expérience de l'AFSSET s'agissant de son expertise, réputée pour son ouverture sur la société civile et la garantie de ses procédures. On ne peut que se réjouir, de ce point de vue, de la mise en place, au sein de l'agence, d'un comité de déontologie et de prévention des conflits d'intérêt.
Troisième point : la politique de rigueur qui frappe de plein fouet les agences sanitaires sur la période de programmation 2011-2013. Peu d'opérateurs y échappent sur la mission « Santé » : seuls la Haute autorité de santé, l'Agence technique d'information sur l'hospitalisation et l'Institut national du cancer – en raison de la mise en oeuvre du nouveau plan Cancer – échappent à la règle de diminution des moyens financiers. C'est l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé qui est la plus touchée, avec l'annulation de la subvention de l'État en 2011 – alors qu'elle représentait 10 millions d'euros en 2010 –, cette annulation étant reconduite en 2012 et en 2013. Son plafond d'emploi sera diminué sur l'ensemble de la période de quarante-huit équivalents temps plein.
Cette diminution des moyens, madame la ministre, est préoccupante, à l'heure où le renforcement de la pharmacovigilance apparaît essentiel pour suivre les plans de gestion des risques qui se multiplient. Il faut aussi renforcer le traitement des notifications spontanées des accidents thérapeutiques, comme le démontre amplement l'exemple du Benfluorex.
II est indispensable de mettre l'Agence en mesure de faire face à ces missions essentielles pour assurer la sécurité et la qualité des produits de santé. Si le niveau du fonds de roulement de l'Agence devrait lui permettre de passer le cap de l'exercice 2011 en l'absence de subvention de l'État, il sera nécessaire de prendre des mesures dès 2012. À cet égard, la revalorisation du forfait acquitté par les laboratoires sur leurs demandes d'AMM devrait, notamment lors des réévaluations quinquennales, être envisagée.
Quatrième et dernier point : l'AME – l'Aide médicale d'État. La dotation de l'État au titre de l'AME a été revalorisée en 2010, laissant espérer que la dette ne se reconstituerait pas sur ce dispositif. Rappelons en effet qu'à la fin 2007, celle-ci représentait 920 millions d'euros, qui avaient été apurés dans le cadre de la grande opération d'apurement de la dette de l'État vis-à-vis de la sécurité sociale pour un montant global de 5, 1 milliards d'euros. Mais les sous-dotations chroniques ont contribué à faire renaître cette dette, nécessitant chaque année, depuis 2008, une ouverture de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative. Je n'ai cessé d'appeler à une revalorisation de cette dotation : c'est chose faite pour 2011, avec une augmentation de 10 % des crédits dédiés à l'AME, ceux-ci devant s'établir au total à 588 millions d'euros.
Toutefois, le coût de l'AME a particulièrement augmenté en 2009, de 19 %, en relation, notamment, avec la prise en charge, depuis 2007, des ressortissants roumains et bulgares, qui étaient auparavant pris en charge par l'assurance maladie. Cette augmentation de coût a conduit à la mise en place d'une nouvelle mission d'expertise confiée à l'IGAS et à l'IGF – rappelons que la dernière date de 2007… Je resterai, bien sûr, en tant que rapporteur spécial, très attentif aux conclusions de cette mission, mais, je le dis d'ores et déjà, il ne me semble pas que la mise en place d'un « droit d'entrée » au dispositif soit une solution, à deux titres : financièrement, elle ne serait pas à la hauteur des enjeux – un droit de 30 euros pour un nombre de bénéficiaires évalué à 210 000 en 2010, permettrait un rendement de 6,3 millions d'euros par an, dans l'hypothèse où l'ensemble des bénéficiaires demanderait son admission au dispositif. En outre, un tel droit d'entrée pourrait bien avoir un effet plus direct : celui du renoncement aux soins des personnes concernées qui sont, rappelons-le, des personnes aux revenus modestes – puisque l'AME est déjà soumise à condition de ressources – et en attente de régularisation.
Enfin, madame la ministre, je souhaite solliciter votre attention sur trois questions qui me semblent devoir appeler des réponses importantes en matière de santé publique.
J'évoquerai d'abord la question du Benfluorex, ou Médiator de Servier qui défraye régulièrement la chronique. Je pense, madame la ministre, qu'il est nécessaire de lancer une information sérieuse auprès des médecins et des patients chez qui avait été prescrit du Médiator, en particulier lorsqu'il avait été hors AMM, a visée anorexigène c'est-à-dire chez des personnes sans antécédent de diabète, et en conséquence moins suivies que les patients diabétiques en ALD. Il ne faut pas que se reproduise, notamment, le drame décrit par l'hebdomadaire VSD la semaine dernière. La survenue de malformations valvulaires a été détectée sept ans après l'arrêt du traitement par Fenfluramine dans un cas publié par Guillaume Greffe de Lyon dans la revue de la société de chirurgie thoracique américaine. L'information des patients et des médecins devrait être élargie et la surveillance prolongée.
Concernant la question du chlordécone aux Antilles, sur laquelle le directeur général de la santé vient d'annoncer un second plan, il est urgent madame la ministre, qu'une cartographie précise, de type cadastrale, du degré d'imprégnation des sols, soit effectuée, pour que les mesures les plus adéquates de précaution soient prises. Dans le même ordre, un diagnostic de sols, mesurant l'imprégnation au chlordécone, pourrait être exigé au moment des ventes de terrains, comme cela se fait habituellement lors de la vente de biens immobiliers
Enfin, la question du bisphénol A est revenue à plusieurs reprises au premier plan de l'actualité ces dernières semaines.
Il a tout d'abord été question de la remise en cause de l'avis de l'EFSA pour le maintien de la valeur limite d'exposition à cinquante microgrammes par kilo et par jour par le commissaire européen à la santé, M. Dalli lui-même, eu égard à la multiplicité des études nouvelles confirmant les effets sanitaires du bisphénol à des valeurs très inférieures à la dose maximale compatible avec la santé. Il s'est aussi agi de la découverte, à nouveau par une équipe INRA de Toulouse, d'un mode de transmission transcutanée du bisphénol, inconnue jusqu'alors. Il est, par conséquent urgent, madame la ministre, de diffuser des recommandations de précaution auprès des publics particulièrement concernés : les femmes enceintes et les acteurs de la petite enfance, ainsi que, désormais, les personnes exposées à la transmission percutanée – nous pensons notamment aux caissières de grands magasins en âge de procréer.
Tels sont, madame la ministre, les trois points sur lesquels j'ai souhaité insister en fin d'intervention.
La commission des finances a adopté les crédits de la mission « Santé » en dépit de l'avis défavorable du rapporteur spécial. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, pour la prévention et la sécurité sanitaire.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je constate que les crédits du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » sont en recul dans ce projet de loi de finances, par rapport à l'année dernière : de 1,4 % pour les autorisations d'engagement et de 4,7 % pour les crédits de paiement. Cela me préoccupe, bien sûr, car l'objet principal du programme, à savoir le financement des actions de santé publique, est fondamental. Or notre pays accuse un véritable retard en matière de prévention, notamment.
Dans ce projet de budget, 89 % des crédits sont destinés aux opérateurs de l'État, principalement les agences sanitaires, lesquelles sont les premières atteintes, comme M. Bapt vient de le souligner, par cette réduction de la voilure. Je pense, entre autres, à l'Institut de veille sanitaire, à l'Agence de biomédecine, à l'INPES – Institut national de prévention et d'éducation sanitaire – et à l'AFSSAPS – Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé – qui est la plus touchée.
Je regrette, par ailleurs, le changement de périmètre du programme, qui avait pourtant déjà fait l'objet d'un profond remaniement de maquette, il y a deux ans. Il est, dans ces conditions, difficile de procéder à de véritables comparaisons. L'explication selon laquelle il s'agirait de réunir sur le programme 204 l'ensemble des crédits d'intervention des agences régionales de santé en le fusionnant avec l'ancien programme 171 « Offre de soins et qualité du système de soins », qui contenait la dotation des ARH, ne me paraît pas satisfaisante. Je constate que la logique, si logique il y avait, n'a pas été poussée jusqu'au bout, car les crédits des ARS sont éclatés sur deux missions : la mission « Santé », d'un côté, et la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », de l'autre, et ce au niveau du programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales ». J'ai lu dans le bleu budgétaire qu'il s'agissait de séparer les crédits de fonctionnement inscrits sur la mission « Solidarité » des crédits d'intervention inscrits sur la mission « Santé ». J'ai pourtant appris auprès de vos services, madame la ministre, que les crédits du programme 204 pourraient également servir aux dépenses de fonctionnement induites par les actions de prévention et de santé publique des ARS.
Autant dire que l'on ne s'y retrouve pas facilement !
J'ai consacré la seconde partie de mon avis à la création, le 1er juillet dernier, d'une nouvelle agence sanitaire : l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, encore appelée ANSES. Elle est issue de la fusion entre l'Agence française de sécurité sanitaire de 1'alimentation – l'AFSSA – et l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, l'AFSSET. La nouvelle agence est installée depuis le 1er juillet dernier et un premier retour sur l'année écoulée peut être effectué. Je rappelle que le point de départ de cette opération avait été une habilitation donnée au Gouvernement par la loi dite « HPST » de procéder à une fusion des deux agences par ordonnance. Le contexte – à savoir un amendement surprise – avait suscité de légitimes interrogations et même des inquiétudes, tant chez les parlementaires que chez les personnels des deux agences : associations et organisations syndicales et professionnelles. Dans ce cadre, la concertation était indispensable pour associer toutes les parties prenantes, afin d'écouter leurs attentes et de leur soumettre un projet. Dans ce but, différents comités et groupes de travail se sont réunis à partir de l'automne 2009, rassemblant toutes les parties. Tous mes interlocuteurs ont souligné la qualité de cette concertation, dont l'expérience pourra, je l'espère, servir à l'avenir. Au cours de cette concertation, des craintes quant au maintien effectif du périmètre santé-travail et santé- alimentation ont été exprimées. La peur était de voir l'AFSSA, au budget cinq fois plus important, englober l'AFSSET, elle-même conduite à renoncer à ses spécificités.
Des questions propres aux méthodes de travail des deux agences ont aussi été soulevées : l'important réseau de laboratoires de l'AFSSA, d'un côté ; le recours de l'AFSSET à une expertise principalement extérieure et parfois à des outils issus du champ d'analyse socio-économique, de l'autre.
Je constate aujourd'hui que les appels à projets de recherche, spécificité de l'AFSSET, sont maintenus et que l'installation d'une comptabilité analytique, prévue pour 2011, permettra à chacune des tutelles de vérifier que son champ d'action n'est pas négligé.
Concernant précisément les relations entre les tutelles, la question de leur coordination se pose. Elles sont désormais cinq : ministères de l'agriculture, de la santé, de l'environnement, du travail et de la consommation. Lors de la présentation de ce rapport devant la commission des affaires sociales, plusieurs de nos collègues m'ont d'ailleurs fait part de leur inquiétude sur ce point. Tous les directeurs généraux que j'ai rencontrés m'ont, certes, assuré vouloir travailler en bonne entente et je veux les croire ! Je constate, néanmoins, que la nomination du président du conseil d'administration est attendue depuis septembre et que le siège est toujours vacant, ce qui n'est pas bon signe.
Trois points sont pour moi essentiels. S'agissant, tout d'abord, du projet de loi de finances pour 2011, les crédits budgétaires de l'ANSES sont, certes, en augmentation par rapport aux moyens précédemment alloués à l'AFSSA et à l'AFSSET, compte tenu de leur fusion, mais la question des personnels reste très préoccupante. En effet, alors que le rapprochement de leurs statuts n'est pas encore réglé, une diminution des effectifs, de l'ordre de dix-huit emplois par an sur trois ans, est d'ores et déjà programmée.
Ensuite, la fusion des deux agences doit être le moyen de partager les bonnes pratiques pour faire en sorte que la nouvelle ANSES ne soit pas la simple addition de l'AFSSA et de l'AFSSET, mais qu'elle permette un progrès et profite des acquis de l'AFSSA, en termes de traitement des situations d'urgence, par exemple, et aussi, et peut-être surtout, des méthodes innovantes de l'AFSSET. Il me semble primordial, à cet égard, de porter un regard neuf sur l'expertise pour l'ouvrir sur la société. De ce point de vue, l'AFSSET a une expérience qui devrait être non seulement reprise, mais étendue.
Enfin, ma dernière remarque élargit mon propos au chantier de la prochaine loi de santé de publique que l'on nous annonce. J'ai, en effet, été interpellée au fil des auditions sur la question du partage des tâches entre le Haut conseil de santé publique et les différentes agences sanitaires, en particulier l'ANSES. La loi du 6 août 2004 relative à la politique de santé publique a ainsi donné notamment mission au Haut Conseil non seulement de contribuer à la définition des objectifs pluriannuels de santé publique, mais aussi de fournir aux pouvoirs publics l'expertise nécessaire à la gestion des risques sanitaires, en liaison avec les agences. Il y a là quelque chose à revoir. La situation actuelle est préjudiciable aux travaux des deux parties, comme cela nous a été dit à plusieurs reprises. De l'avis général, il conviendrait de recentrer clairement les activités du Haut conseil de santé publique autour de la définition d'objectifs en matière de santé, laissant aux agences le soin de l'expertise. J'espère que nous pourrons aborder ce sujet lors de l'examen de la prochaine loi de santé publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la santé et les systèmes de soins.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chargé par la commission des affaires sociales de l'avis budgétaire relatif à la santé et aux systèmes de soins, j'aborderai les crédits qui y sont consacrés pour vous soumettre, ensuite, quelques réflexions sur le thème que j'ai choisi d'aborder dans ce rapport : la régulation de la démographie médicale, qui est un enjeu essentiel de la politique d'offre de soins.
À ma grande satisfaction, j'ai pu constater que les crédits que j'avais à analyser étaient soit reconduits, soit en progression. Cela mérite d'être souligné, compte tenu du contexte budgétaire contraint. J'ai évidemment émis un avis favorable à leur adoption, avis qui a été suivi par la commission des affaires sociales.
Nos échanges en commission ont permis de dégager quelques interrogations que je souhaite relayer, madame la ministre, afin que vous puissiez y apporter des réponses. En premier lieu, pouvez-vous dresser le bilan de la mise en place des agences régionales de santé qui vont connaître leur premier exercice en année pleine ? Je pense traduire le sentiment général en soulignant combien nous espérons de ces structures.
Un très net effort est consenti en faveur du financement des stages des étudiants en médecine, notamment pour la spécialité médecine générale. Je m'en réjouis évidemment. Cette filière, qui n'en est qu'à ses débuts, mérite d'être confortée, c'est d'ailleurs un objectif de la loi HPST. Quelles seront vos orientations en la matière, madame la ministre ?
Concernant les dotations du programme « Protection maladie », deux points ont suscité des interrogations. Le premier concerne les dotations prévues pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. Pouvez-vous nous confirmer, madame la ministre, que celles-ci seront suffisantes pour couvrir les besoins de l'année 2011 ?
S'agissant de l'Aide médicale de l'État, les dotations prévues s'élèvent à 588 millions d'euros pour répondre à la progression des dépenses. Une concertation fructueuse entre la majorité et le Gouvernement a permis de dégager quelques pistes de maîtrise de la dépense, tout en préservant le caractère solidaire et humanitaire de l'aide. Sans anticiper sur l'examen des amendements, pourriez-vous nous faire part de votre position de principe sur une telle démarche ?
J'en viens maintenant au thème de la régulation de la démographie médicale. Ce sujet reste malheureusement toujours d'actualité, en dépit des nombreux rapports de grande qualité auxquels il a donné lieu. Le constat démographique est désormais bien connu de chacun : le vieillissement du corps médical pose la question de son renouvellement, tandis que sa féminisation emporte des conséquences en matière de contraintes de disponibilité et donc de mode d'exercice. Les disparités territoriales sont importantes, non seulement entre régions, mais aussi à l'échelle infrarégionale. Des spécialités sont en voie de désaffection. Je pense, en particulier, à l'anesthésie-réanimation, à la gynécologie obstétrique et à la chirurgie. Mais la médecine de premier recours semble aussi de moins en moins attirer les étudiants.
Enfin, l'exercice solitaire et en libéral est désormais très peu plébiscité, tandis que la pratique regroupée, le salariat et le remplacement progressent fortement.
Le problème est donc non pas le nombre total de médecins, mais leur répartition par rapport aux besoins en santé de la population. À cet égard, madame la ministre, vous avez mené une action volontariste et déterminante, que je tiens à saluer, en tentant de mieux adapter la formation initiale à ces besoins par le biais de trois leviers : le stage en cabinet généraliste pour les étudiants de deuxième cycle, la régulation de l'internat afin de « fidéliser » les étudiants à certains territoires et la mise en oeuvre, pour la première fois en 2010-2011, du contrat d'engagement de service public. Nous attendons beaucoup de ce dernier instrument. Pouvez-vous faire le point sur sa mise en oeuvre ? Rencontre-t-il le succès escompté auprès des étudiants ?
La volonté de rééquilibrage s'est aussi traduite par des mesures à destination des médecins pour les inciter à s'installer ou se maintenir en zones sous-dotées. Dans la pratique, des aides foisonnantes ont été instituées. Les auditions que j'ai menées me laissent à penser que ces aides sont mal connues des professionnels et n'ont pas toujours été adaptées. Je suis par ailleurs convaincu que, si les mesures coercitives peuvent sembler a priori séduisantes, elles ne sont probablement pas la voie à privilégier : c'est en suscitant l'adhésion que l'on parviendra à orienter durablement les comportements.
Dans les pistes d'avenir, j'ai d'abord retenu la nécessité d'adapter plus encore la formation médicale aux besoins des territoires. Il me paraît indispensable de favoriser l'immersion en milieu libéral pendant les études afin de préparer les futurs médecins à ce mode d'exercice qu'ils connaissent très mal, leur formation se déroulant essentiellement en CHU.
Pour cela, il faut poursuivre le développement de terrains de stage en médecine générale en deuxième cycle, envisager la création de postes d'internes ou de post-internat dans le secteur privé, évidemment avec les mêmes contraintes et obligations pédagogiques que dans les établissements publics de santé afin de ne pas créer un effet d'aubaine. J'aimerais connaître votre position sur ce point.
Il me paraît également indispensable de réguler la pratique quasi généralisée du post-internat. Celle-ci met à mal les efforts consentis en amont pour mieux répartir les étudiants sur le territoire et conduit, en outre, à une hyperspécialisation qui ne répond pas toujours à des besoins de santé. Un pilotage régional du post-internat peut être envisagé, mais c'est surtout le développement de l'exercice autonome au cours des études qui doit être recherché.
Plusieurs voies sont possibles : instituer une année de « seniorisation » en fin de cursus d'internat, favoriser les remplacements de médecins par les internes, ou encore développer le système des assistants partagés entre CHU et centres hospitaliers périphériques. Là encore, pouvez-vous me faire part de votre sentiment sur de telles propositions ?
Il semble enfin nécessaire de promouvoir l'installation et certains modes d'exercice. L'institution d'un guichet unique de l'installation, porté par les ARS, recueille l'adhésion des professionnels concernés. L'exercice regroupé, qui paraît très apprécié des jeunes médecins, mérite d'être encouragé. L'exercice sur plusieurs sites, avec en particulier les consultations avancées et les cabinets secondaires, devrait lui aussi être promu dès lors qu'il est organisé sur la base du volontariat.
La coopération entre professionnels de santé me paraît également être une solution intéressante pour pallier des insuffisances dans l'offre médicale, mais elle ne peut à elle seule résoudre ce problème dans les zones où toutes les professions de santé sont sous-représentées.
Une autre proposition porte sur la limitation dans le temps des possibilités de remplacement professionnel pour inciter à l'installation. Nous devons y réfléchir, tout en restant prudents : on doit aussi éviter une trop grande raréfaction du nombre de remplaçants, faute de quoi ce seraient les professionnels en exercice, notamment dans les zones sous-dotées, qui en pâtiraient.
Enfin, de nombreux interlocuteurs ont expliqué le faible attrait pour l'exercice libéral de la médecine de premier recours par la tarification à l'acte et les effets pervers qu'elle comporterait : multiplication des actes, frein aux coopérations, dévalorisation de l'acte intellectuel au profit de l'acte technique. À l'issue des auditions que j'ai menées, j'ai le sentiment que l'idée d'un recours à de nouveaux modes de rémunération, de type forfaitaire, progresse au sein de la communauté médicale.
C'est évidemment une question lourde d'enjeux financiers. En tout état de cause, si de nouveaux modes de rémunération devaient être envisagés, c'est la négociation conventionnelle qui devrait en déterminer les contours.
Madame la ministre, mes chers collègues, j'ai ainsi récapitulé tous les points qui ont retenu mon attention sur l'enjeu de la régulation de la démographie médicale. C'est un sujet complexe auquel nous sommes tous sensibles et qui, selon moi, ne pourra être traité que dans la concertation avec les professionnels de santé pour parvenir enfin à une offre de soins équilibrée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits qui nous ont été présentés par les rapporteurs, en particulier ceux de la santé et des systèmes de soins, sont stables ou en augmentation. Les crédits affectés aux ARS sont en forte augmentation, à 310 millions d'euros. Les moyens de modernisation de l'offre de soins atteignent 115 millions d'euros, soit une augmentation de 21 %, notamment pour financer les stages des étudiants en médecine. Les crédits consacrés à la protection maladie augmentent de 9 %, à 638 millions d'euros, et ceux de l'AME sont également en augmentation, à 588 millions d'euros.
Ainsi, répondant au besoin de profonde mutation de notre exercice médical, les mesures engagées nous orientent vers une médecine moderne dans le cadre d'une offre de soins équilibrée, avec, surtout, une vision très pragmatique de notre environnement.
Pour obtenir tous ces résultats, madame la ministre, il nous faut rapidement nommer des enseignants de médecine générale et développer les meilleurs terrains de stage.
Il faut également développer des modes d'exercice alternatifs. Vous avez publié récemment un décret sur la télémédecine, ce dont nous nous réjouissons. Nous espérons simplement que la CNAM jouera le jeu. Sans remboursement de tels actes, en effet, cette avancée restera lettre morte.
J'aimerais vous interroger sur l'efficacité des moyens engagés par l'Agence des systèmes d'information partagés de santé, la fameuse ASIP, dont nous entendons beaucoup parler mais dont nous voyons assez peu les résultats. Nous aimerions être sûrs que ces résultats seront au rendez-vous.
Nous avons par ailleurs noté avec plaisir la stabilité des crédits consacrés à l'indemnisation des victimes de l'amiante, la contribution de la branche ATMP étant en augmentation dans le PLFSS.
S'agissant de l'AME, nous souhaitons améliorer le cadre légal pour éviter les dérives et le risque d'une dégradation des prestations fournies. S'il faut limiter le panier de soins pour éviter les dérives et les abus, il ne faut pas de limitation pour les urgences. Par contre, nous sommes favorables à la limitation aux collatéraux et aux descendants. L'AME se doit d'être solidaire, mais pas laxiste.
Je voudrais insister sur l'ANSES, la fameuse agence créée en juillet 2010, résultant de la fusion de l'AFSSA et de l'AFSSET. Tout le monde en commission a reconnu la qualité des travaux préparatoires et apprécié le fait que ses crédits budgétaires étaient en augmentation, tout en louant son indépendance, due notamment à la qualité du recrutement et à la création du comité de déontologie.
Certains d'entre nous s'interrogent néanmoins sur le nombre d'agences existant encore ainsi que sur la multiplicité des tutelles. Comment pouvons-nous améliorer les résultats de ce millefeuille institutionnel ? Nous sommes nombreux à penser qu'il faut le simplifier de manière à réduire les doublons ; le rapport du Sénat était particulièrement éloquent à ce sujet.
Comme nous l'avons expliqué en commission, il nous semble nécessaire de mettre en place une mission parlementaire de réflexion sur les missions et l'organisation des différentes agences. Pourquoi ne pas réfléchir à la création d'une grande agence nationale de santé comme cela se fait en Angleterre ? Cette grande agence pourrait s'organiser autour de trois pôles majeurs –je reprendrai les réflexions de Jean-Pierre Door et Pierre Morange sur ce sujet –, pôles de sécurité sanitaire, de santé publique et de prévention, qui pourraient permettre une meilleure organisation du système et une amélioration de l'efficacité et de la qualité des soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les propos et les chiffres relatifs à la mission « Santé » dans ce bleu budgétaire ne sont pas, avouons-le, faciles à analyser, et c'est regrettable. Il s'agit en effet des crédits alloués à la politique de santé hors assurance maladie dans des domaines décisifs. Le transfert de crédits aux ARS complique encore l'analyse alors que nous aimerions pouvoir dessiner l'évolution de notre effort dans ces domaines.
C'est principalement sur la politique de prévention, dans laquelle j'inclus le dépistage précoce, « le vaccin des maladies qui n'en ont pas », que je m'exprimerai.
La prévention constitue aujourd'hui la seule chance de pérennité de notre système de sécurité sociale.
Année après année, nous élaguons une branche après l'autre dans notre système de remboursement, sans endiguer l'accélération des déficits, alors qu'il faudrait une réforme structurelle de ce système, posant prévention et santé publique comme pierre angulaire d'une nouvelle approche. Un euro dans la prévention, ce sont six euros d'économisés dans le soin. Cela a été vérifié dans de nombreux domaines sans que nous en prenions la mesure.
Le manque de lisibilité de ce document et de notre politique en général en limite par ailleurs les ambitions. Ce qu'il faut montrer, pour que chacun, s'en pénétrant, ait à coeur d'y contribuer, c'est que la majorité des affections, maladies et accidents sont évitables. Nous pourrions diviser par deux notre facture de soins en faisant porter les efforts sur ces pathologies.
Le taux de mortalité et de morbidité par maladie évitable devrait être pour nous une obsession. Où apparaît-il dans ce document comme dans les autres ? Savons-nous s'il a augmenté ou diminué ? En clair, voulons-nous même savoir si notre politique vaut quelque chose ?
Ces maladies évitables sont pour beaucoup des maladies comportementales. Extrêmement diverses, elles vont de toutes les formes d'addiction, avec leurs conséquences, aux troubles du comportement alimentaire et aux gravissimes cancers que sont ceux du poumon et des voies aérodigestives supérieures. Où apparaissent-elles dans nos tableaux, alors que nous voudrions suivre l'effort que nous leur accordons et ses résultats ?
Les crédits de l'ensemble « Prévention, sécurité sanitaire, offre de soins » diminuent de près de 5 % et la prévention n'y représente qu'un tiers. Tous les secteurs de la prévention voient leurs crédits diminuer. Je n'évoquerai que quelques points.
Le taux de dépistage du cancer du sein marque le pas. Vous le savez, il est un parfait marqueur des inégalités territoriales et des inégalités sociales et culturelles dans notre pays. Ce taux de dépistage a stagné, voire régressé dans huit régions, et il est inférieur à 50 % dans vingt départements. Où trouvons-nous l'effort de franchir ces barrières et la chance d'être payés en retour si l'on considère le coût faramineux d'un cancer métastatique qui évolue de traitements lourds en hospitalisation pendant une, deux ou trois décennies, quelquefois davantage ?
Les crédits consacrés à la prévention des risques infectieux, base de la médecine pasteurienne, à l'origine pour une part majeure de l'allongement de notre durée de vie, sont en diminution. Cette action ne représente que 1,6 % du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». Dans les tableaux qui nous sont présentés, ces crédits connaissent une baisse de 90 %, mais je reconnais que nous ne savons pas ce qui a été transféré vers l'action 18.
Dans ce chapitre, il y a bien sûr la prévention du sida. Rappelons que 7 000 à 8 000 nouvelles contaminations sont enregistrées chaque année et que 50 000 personnes ignorent leur séropositivité.
Un rapport de la Cour des comptes de février 2010 pointe l'insuffisance des crédits alloués à la prévention et l'opacité de ceux alloués aux associations. Nous sommes nombreux à en observer la traduction sur le terrain. L'association AIDES Aquitaine, par exemple, a vu ses crédits diminués de 47 % en 2009.
Le Plan sida que vous avez annoncé n'a toujours pas de contenu connu, même si est intervenue l'heureuse annonce d'un dépistage proposé systématiquement entre quinze et soixante-dix ans.
Je reviens, pour conclure, à cette opacité organisée. Il est indispensable qu'au terme de cet exercice, nous puissions analyser puis évaluer les crédits attribués aux différentes branches de la santé publique et de la prévention. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la ministre, nous avons débattu du financement de la sécurité sociale avant de connaître les grandes orientations de votre projet concernant la santé. C'est une façon étrange et contre-productive d'envisager nos débats, qui ont dès lors été frustrants et peut-être un peu inefficaces.
En effet, comment définir des objectifs de dépenses sans avoir fait le point sur l'efficacité des dispositifs mis jusqu'à ce jour en oeuvre, sans savoir lesquels nous voulons poursuivre, lesquels nous voulons arrêter, ou quelles innovations pourraient répondre aux besoins nouveaux ? Nous sommes, par exemple, confrontés à une épidémie de suicides et de cancers ; que faisons-nous face à ces deux préoccupants problèmes de santé publique ?
Nous savons que la précarité de l'emploi crée du stress et mène à la dépression et au suicide. Qu'attendons-nous pour mettre en oeuvre un plan d'ergonomie participative – méthode utilisée au Canada avec de bons résultats – pour améliorer les conditions de travail et recréer des collectifs de travail ?
S'agissant de l'exposition aux produits toxiques, nous savons que les agriculteurs sont particulièrement touchés. Que faisons-nous pour modifier en profondeur notre agriculture, en collaboration avec le ministère concerné qui est aussi le ministère de l'alimentation ? Adopter une alimentation saine et équilibrée serait un « plus » important en termes de santé publique. N'attendons pas de nous retrouver dans la situation de la Martinique pour protéger les populations des pesticides qui polluent les nappes phréatiques et les aliments.
Près de huit millions de personnes sont touchées, en France, par une affection de longue durée. Pourtant, ces maladies sont largement évitables. Qu'il s'agisse de l'amiante, de la poussière de bois, des pesticides, des OGM ou encore, peut-être, demain, de la laine de verre, des produits organiques persistants, des champs électromagnétiques, il est temps d'agir. Une fois les études précises menées, les résultats doivent être publiés et publics, et les réactions ne doivent pas attendre.
Il conviendrait également, dans le cadre d'une réelle politique publique de santé, de ne pas oublier le principe de précaution quand la santé est en jeu.
Au cours de nos discussions sur le PLFSS, une proposition très intéressante concernant la possibilité de trouver le financement d'une grande campagne de lutte contre le tabagisme n'a pas été retenue, alors qu'elle venait de vos bancs.
Le présent projet devrait selon nous, écologistes, donner la priorité aux petits soins primaires, qui sont les mieux à même d'éviter des dépenses plus lourdes. Le niveau de vie des 13 % de la population qui vivent en dessous du seuil de pauvreté et ne peuvent plus se soigner car ils n'ont plus les moyens de se payer une mutuelle, ne va pas dans le bon sens. L'augmentation des déremboursements et des franchises médicales touche en effet en tout premier lieu non seulement les populations les plus fragiles, mais aussi les classes moyennes. En trente ans, la part prise en charge par les complémentaires a doublé, celle à la charge du patient a quant à elle augmenté d'un tiers. Ces progressions sont emblématiques d'une société à deux niveaux.
La mise en place d'une politique d'éducation pour la santé et de prévention devrait aussi être une priorité de notre gouvernement. Il est à cet égard peu compréhensible que la santé scolaire ne fasse pas partie du budget général consacré à la santé, mais soit rattachée au ministère de l'éducation nationale.
À qui la faute ?
Vous n'y êtes pour rien, madame la ministre, mais nous pouvons tout de même dire que c'est une anomalie.
C'est une disposition de la loi d'orientation de M. Jospin !
J'en suis désolée.
Une meilleure connaissance des modes de transmission de certaines maladies, notamment du sida, l'adoption systématique des gestes simples d'hygiène, la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, doivent permettre d'améliorer le niveau de santé des populations.
Permettez-moi à cet égard de m'interroger sur votre volonté de réduire le nombre de grossesses non désirées, alors que les budgets alloués au Planning familial diminuent, que les centres IVG ferment en France et que les campagnes de sensibilisation sur la contraception ne fleurissent guère sur les bus scolaires, les murs du RER ou les affiches dans les rues.
Nous avons besoin d'une autre approche de la santé : une approche globale de la personne qui prenne en compte son environnement, y compris la pollution, le bruit, le stress ; une véritable politique d'éducation pour la santé et de prévention ; une refonte de l'accès aux soins primaires ; une médecine du travail indépendante ; une meilleure répartition de l'offre de soins sur l'ensemble du territoire.
La santé n'est pas un luxe, c'est un droit. À cet égard, permettez-moi de vous faire part à nouveau de notre profonde opposition à la suppression de l'accès aux soins des sans-papiers et des plus démunis. L'accès gratuit à la couverture santé de l'aide médicale d'État doit être conservé tant que la CMU ne sera pas généralisée à toutes les populations à bas revenus, y compris les sans-papiers.
Ce n'est pas parce qu'on n'a pas de papiers qu'on n'a pas le droit d'avoir accès à des soins ! La santé n'est pas une marchandise, et l'approche comptable, donnant la part belle au secteur lucratif privé, ne fait qu'aggraver les injustices et les inégalités.
Nous les avons rappelés tout au long des débats sur le PLFSS, et je viens à nouveau de vous en exposer les principales lignes directrices. Nous ne nous retrouvons pas dans les propositions de votre budget et voterons contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Ah ! Le centre va tenter d'expliquer pourquoi il se couche en permanence !
Madame la ministre, vous nous présentez aujourd'hui le budget de votre ministère. Ce débat a un côté quelque peu surréaliste. En effet, les dépenses de santé du pays, en base et complémentaires, incluant le soin et la prévention, sont de l'ordre de 210 milliards. Les dépenses remboursables par l'assurance maladie, prévues par la loi de financement de la sécurité sociale dont nous avons débattu la semaine dernière et que nous voterons cet après-midi, se montent à 167 milliards, alors que le budget santé que vous nous présentez se limite à 1,2 milliard.
Certes, cette discussion est intéressante. Cependant, il me paraîtrait nécessaire que nous puissions avoir chaque année un vrai débat sur la santé, sur la politique de santé du pays, incluant la prévention, le soin, les diverses agences. J'ai déjà émis ce voeu ; j'espère qu'il sera satisfait. La politique de santé ne peut se résoudre au seul volet financier de l'assurance maladie ou du ministère.
Le deuxième point que je souhaiterais aborder est la place des diverses agences de santé. Certes, deux agences importantes fusionnent cette année ; c'était sans doute une nécessité. Je ne dresserai pas la liste exhaustive des agences existantes, mais je citerai les principales : l'INPES, l'ABM, l'AFSSAPS, l'ANSES, l'IRSN, l'EFS, l'EPRUS, l'INCA, l'INSERM, sans oublier le CEPS et la HAS. Quel est le rôle de chacune ? Quelle est leur indépendance ? Quel est leur mode de financement ? Fédérer ces diverses agences au sein d'une Agence nationale de la santé ne reviendrait-il pas à recréer le ministère de la santé ?
Le troisième point, d'ailleurs lié au précédent, concerne la place des agences régionales de santé, dont il est encore trop tôt pour évaluer le fonctionnement. J'ai, depuis des années, défendu le principe de cette création. En effet, la séparation entre la prévention et le soin, la médecine ambulatoire et les établissements, le sanitaire et le médico-social, constituait l'un des défauts majeurs de notre système de santé. Disposer, au niveau régional, d'un responsable unique de la santé est donc un progrès.
Cependant, nous sommes au milieu du gué puisque le vote de sous-objectifs fléchés au sein de l'ONDAM perpétue le défaut que devait corriger la création des ARS. Il nous faudra voter des objectifs régionaux calculés sur des critères objectifs : morbidité, mortalité, âge, richesse des régions. Je note d'ailleurs que, cette année, dans le budget de votre ministère, vous déléguez aux ARS les missions et les financements concernant la prévention ; ce sont donc les ARS qui arbitreront ces différents budgets, et c'est un progrès.
Toutefois – j'ai déjà eu l'occasion de le souligner –, les problèmes de coordination nationale des ARS, de leurs relations avec la CNAM, n'ont pas été réglés. Le rôle des conférences de santé est aujourd'hui extrêmement modeste, cantonné à des avis consultatifs. Une autre réforme sera nécessaire pour prendre en compte les besoins du pays estimés au niveau régional et pour responsabiliser les acteurs de santé au sein des conférences régionales de santé, en donnant à celles-ci un réel pouvoir. À ce propos, je souhaiterais savoir, madame la ministre, quelle somme est réservée dans votre budget aux observatoires régionaux de santé dont le rôle est essentiel pour éclairer les choix, les décisions des conférences régionales de santé et des ARS.
S'agissant de la prévention, nous sommes tous d'accord pour affirmer que notre effort est encore fort médiocre dans ce domaine, notre système de santé étant tourné vers le soin. L'INPES a constitué un réel progrès, mais ses crédits baissent fortement cette année, de 13 %.
Si je comprends la nécessité d'une coordination nationale et de campagnes décidées à l'échelle du pays, je pense que, pour être efficace, la prévention doit se faire au plus près du terrain. Aussi, il me paraît souhaitable de fédérer et d'aider les associations et les bénévoles qui interviennent auprès des populations, dans les écoles, les collèges, les lycées, les communes. Je plaide donc pour des comités départementaux, eux-mêmes fédérés au niveau national. Nous devons tout mettre en oeuvre pour améliorer la prévention, l'éducation à la santé et faire diminuer la mortalité prématurée évitable. Les campagnes nationales sont nécessaires, mais il faut savoir s'appuyer sur les associations locales pour être efficaces.
Un chapitre important de la mission « Santé » concerne la formation initiale et la formation continue des professionnels de santé. Certes, la formation initiale dépend aussi du ministère de l'enseignement supérieur, pour les professions médicales, et des régions, pour les professions paramédicales.
La démographie médicale est un réel problème. Le nombre des médecins est certes important, mais encore plus que le nombre, c'est le temps médical effectif qui est majeur pour tenir compte de la pratique, du changement de mentalité des professionnels de santé : aujourd'hui, un médecin généraliste travaille plus que ses prédécesseurs il y a quelques dizaines d'années.
Le problème de la répartition sur le territoire doit également être réglé pour permettre l'accès aux soins. Le rapporteur Rémi Delatte a fait à cet égard de nombreuses propositions très intéressantes, que je tiens à saluer.
J'aimerais, pour ma part, savoir quand le numerus clausus régional par spécialité, prévu dans la loi HPST, sera effectif. Qui décidera de ce numerus clausus ? Sera-t-il calculé en fonction des besoins estimés de médecins pour les dix prochaines années dans chaque spécialité ou en fonction des postes d'interne souhaités par les professeurs de CHU ? C'est un problème loin d'être résolu.
La « L1 santé » se met en place. Que pensez-vous de cet enseignement par télétransmission, les amphithéâtres débordant, actuellement, et les étudiants se retrouvant sans contact direct avec les enseignants ?
Nous savons que nous avons besoin de médecins généralistes. Les étudiants ont tendance à refuser les postes d'interne. Les stages chez le médecin généraliste vont-ils devenir effectifs et obligatoires ? Un étudiant parisien pourrait ainsi découvrir, au côté d'un maître de stage passionné et motivé, l'intérêt et la grandeur de la médecine générale. Votre budget prévoit d'augmenter de 21 % les crédits pour ces stages, mais ceux-ci sont loin d'être généralisés ; le seront-ils ? Pour ma part, je pense qu'un stage de trois mois en zone rurale et trois mois en ville serait souhaitable pour que l'étudiant puisse ensuite choisir en toute connaissance de cause son mode d'exercice.
Il convient également de mettre réellement en place la filière de médecine générale. Or les nominations des chefs de clinique et des professeurs se font au compte-gouttes. Y a-t-il une réelle volonté du Gouvernement de développer cette filière universitaire ? Je sais qu'elle dépend en grande partie du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
La formation continue, qui est d'ailleurs devenue le développement professionnel continu, est une nécessité. Une certaine formation existait, mais elle est très insatisfaisante. Plusieurs réformes successives sont intervenues ; où en est-on ? Allons-nous enfin disposer d'une formation continue obligatoire, financée et évaluée ? Nous sommes, me semble-t-il, encore loin du compte.
Madame la ministre, vous nous proposez d'améliorer l'aide à la complémentaire. C'est un progrès. C'est même une nécessité compte tenu du report progressif de la prise en charge de l'assurance maladie vers les complémentaires.
Cette aide est aujourd'hui peu utilisée. Elle vise à pallier l'effet de seuil de la CMU. Pour ma part, je défends, depuis de nombreuses années, avec mes collègues Bernard Accoyer et François Goulard – qui ont fait du chemin depuis –,…
…l'idée d'une aide personnalisée à la santé, inversement proportionnelle au revenu, proche dans son principe de l'aide au logement. Un tel dispositif permettrait de résoudre ces problèmes, notamment celui du seuil.
Vous souhaitez renforcer le dépistage organisé du cancer du sein, de l'utérus et du cancer colorectal. C'est évidemment souhaitable, mais nous sommes arrivés à un seuil difficile à franchir car si les personnes concernées, conscientes de l'intérêt du dépistage et passant au-delà des réticences psychologiques, se font, elles, dépister, la question, qui n'a pas de vraie réponse, est de savoir comment motiver les autres, les atteindre, les amener à cette démarche. Je connais un pays scandinave qui envisage de retirer la carte d'électeur aux récalcitrants, mais je ne suis pas sûr qu'en France ce serait un très bon système.
On a déjà la déchéance de nationalité ! Pourquoi ne pas rétablir la peine de mort, et le bagne pendant que vous y êtes !
Peut-être que le retrait de la carte Vitale permettrait d'en motiver certains. Il est vrai que ce serait une démarche quelque peu coercitive. Le problème se pose aussi pour les campagnes de vaccination contre l'hépatite ou le papillomavirus, qui ont besoin d'être confortées.
Pour terminer, je voudrais dire un mot sur l'aide médicale d'État. Notre pays s'honore en accueillant et en soignant des personnes qui en ont besoin. Certes, il s'agit d'une dépense – les crédits alloués par le ministère augmentent d'ailleurs fortement cette année –, mais ces personnes étant le plus souvent sans ressources, leur imposer un forfait me paraîtrait irréaliste et dangereux. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la ministre, j'espère obtenir de votre part des réponses, notamment s'agissant de la tenue chaque année d'un débat sur la politique de santé du pays. Je pense que vous y êtes plutôt favorable, mais il faudrait l'organiser.
Le Nouveau Centre votera les crédits de la mission « Santé ».
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais essayer de traiter brièvement, donc de manière un peu schématique, des problèmes que rencontre la gestion de l'AME. Nous aurons l'occasion d'en reparler tout à l'heure, car le débat dans l'opinion publique est lancé.
Tout d'abord, je rappellerai quelques faits, précis et incontestables, déjà évoqués par le rapporteur. L'AME, créée en 1998, dépasse aujourd'hui les 500 millions d'euros. Comme elle est chroniquement en déficit – le directeur de la CNAM m'a confirmé que ce sera le cas cette année encore –, nous pouvons ajouter à ce chiffre 100 millions par an. Selon les chiffres officiels, un peu plus de 200 000 personnes sont concernées par ce dispositif. Médecins du Monde, qui ne peut pas être suspecté d'un quelconque préjugé défavorable à l'AME, évalue les personnes soignées à moins de 20 % de celles qui pourraient l'être, ce qui laisse prévoir un budget en croissance exponentielle. Nous passerons d'ici peu le cap du milliard d'euros.
De plus, nous sommes les seuls, en Europe, à avoir une législation qui offre une couverture universelle.
Cela amène bien entendu à se poser la question suivante : nos voisins sont-ils tous des bourreaux et sommes-nous les seuls à pouvoir être sanctifiés ?
Monsieur Gremetz, je note que vous considérez que nos voisins sont des bourreaux. Cela sera inscrit au compte rendu.
Dominique Tian et moi-même travaillons depuis plusieurs années sur l'AME et l'Assemblée nationale a décidé de nous confier, à nous et à un collègue socialiste, le contrôle et l'évaluation de ce système dont on voit bien qu'il est victime de quelques abus. Quels sont-ils ?
Tout d'abord, les abus viennent incontestablement d'une difficulté des caisses attributaires de la carte AME à contrôler le système. Le projet annuel de performances présenté au Parlement – programme 183, indicateur 2.2 – montre qu'il y a près de 50 % de fraudes lors de la délivrance des cartes. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Je vous signale que c'est la conclusion d'un travail effectué dans le cadre de la RGPP et présenté au Parlement, je ne l'invente pas !
En 2009, monsieur Gremetz. On ne peut pas faire mieux parce que le rapport pour 2010 n'existe pas encore ! Ce n'est pas la peine de poser la question en criant : ce sont des chiffres intangibles. Il ne s'agit pas de supprimer l'AME, il faut simplement modifier ce système pour qu'il ne donne plus lieu aux rumeurs classiques et aux cris d'orfraie de ceux qui, humanitaires ou non, découvrent le problème.
Les 30 milliards d'exonérations de cotisations patronales, eux, ne vous posent pas de problème ! Ce sont des cadeaux qui n'ont pas créé un seul emploi !
Vous allez voir si c'est insupportable pour vos petits collègues du parti communiste qui, eux, payent la sécurité sociale !
Allez leur expliquer dans vos réunions publiques qu'il est normal que leurs voisins ne payent rien alors qu'eux payent la sécurité sociale et les complémentaires !
Ce n'est pas la peine de crier ! Comme d'habitude, vous n'êtes pas au courant du dossier, et les glapissements ne suffisent pas dans ce domaine !
Il est très difficile de contrôler le lieu de résidence et le niveau de revenus alors que, je vous le rappelle, mes chers collègues, l'AME constitue un panier de soins universel.
En outre, la délivrance d'une carte AME – c'est sa spécificité – permet aux descendants collatéraux et aux ascendants de bénéficier du dispositif. C'est donc non pas une délivrance individuelle, comme dans le cadre de la sécurité sociale ou de la CMU, mais une délivrance de groupe. C'est un aspect du système parfaitement contestable lui aussi.
S'agissant de l'application de l'AME, le directeur de la CNAM nous l'a encore dit, il y a des dysfonctionnements évidents qui tiennent non seulement à l'utilisation abusive du système par les immigrés, mais aussi à l'opacité des comptes hospitaliers – il ne s'agit pas de cliniques privées – et aux abus incontestables de la part des professions libérales. Il y a tant d'abus d'ailleurs qu'un deuxième rapport vient d'être demandé l'IGAS, deux ans après le premier qui avait conclu que le système marchait très bien alors que cela n'est à l'évidence pas le cas. Madame la ministre, un rapport de l'IGAS, c'est toujours intéressant, mais une décision politique d'importance se prend ici, au coeur du Parlement, en tenant compte éventuellement d'un rapport, mais sans que celui-ci puisse se substituer à la décision des représentants de la nation.
Par ailleurs, l'AME pose un problème politique sérieux. En effet, est-il normal que les immigrés en situation irrégulière soient les seuls à bénéficier d'une couverture universelle à 100 % dans notre pays ? C'est une situation exorbitante du droit commun…
…dans la mesure où les Français, ainsi que les immigrés en situation régulière, sont, eux, obligés de payer dans le cadre de la CMU ou dans celui de l'affiliation au système normal.
On empêche les autres de payer alors qu'ils sont exploités et font du travail dissimulé !
Je vous ai laissé un peu de temps supplémentaire. Veuillez poursuivre, monsieur Goasguen.
Le coût exponentiel de l'AME et toutes les situations que je viens de dénoncer, sous les glapissements de notre aimable camarade, montrent qu'il va falloir se pencher sur cette question,…
…et je me félicite que l'opinion publique soit prise à témoin.
Je souhaite, madame la ministre, que la prise en considération que vous avez montrée en commission au Sénat et à l'Assemblée soit confortée par la majorité parlementaire, et que nous essayions de nous aligner sur le système européen, qui me paraît beaucoup plus juste : accepter les urgences, les vaccinations, la prophylaxie et, bien entendu, la couverture universelle pour les mineurs. Voilà un bon débat politique qui se passe de glapissements et de caricatures, et je me félicite, mes chers collègues, que la plupart d'entre vous aient daigné m'écouter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission des affaires sociales, après le débat sur le PLFSS ce budget santé apparaît tout rétréci, mais c'est la loi du genre dans notre pays. Plusieurs sujets mériteraient qu'on s'y arrête, mais je ne me concentrerai que sur l'un d'entre eux.
Je rappelle tout de même que, s'agissant de l'installation des professionnels de santé et de la capacité à donner territorialement un égal accès aux soins à tous nos concitoyens, nous arrivons au bout de la politique qui a été suivie. Fort peu de mesures ont été prises puisque les quelques-unes qui figuraient dans la loi HPST, quoi qu'on en pense, ont été retirées de facto par vous-même, madame la ministre, quand vous avez annoncé que vous ne prendriez pas les décrets d'application. Nous sommes donc au point zéro, et il nous faut réinstaurer une politique volontariste qui permette aux professionnels de santé d'être accessibles par tous et partout.
Autre sujet : la prévention. Celle-ci a un lien avec la question de l'égal accès aux soins. Or on ne souligne pas assez que, dans votre budget, la prévention fait l'objet d'une baisse de crédits significative puisque les crédits de paiement diminuent de presque 5 % et les autorisations d'engagement de près de 2 %. La prévention n'est clairement plus une priorité, si tant est qu'elle en ait jamais été une.
J'en viens à l'aide médicale d'État. Les propos provocateurs ne permettront pas de résoudre les problèmes qui se posent, pas plus que le fait de jeter des anathèmes. À cet égard, chacun voit bien comment le Gouvernement, depuis pratiquement une année, pratique l'amalgame, encourage le discours populiste, agressif à l'encontre des étrangers présents sur notre territoire, comment le débat sur l'identité nationale, sur la déchéance de nationalité, aboutit aujourd'hui à une chasse à l'homme et à la remise en cause d'une politique de santé responsable à l'égard de ceux qui habitent sur notre territoire et qui sont dans une situation difficile. Le sujet est compliqué, mais on ne saurait oublier l'exigence humanitaire. Ce n'est pas la seule exigence, mais elle existe. Elle renvoie à une tradition, à des choix politiques. Vous pouvez décider, madame la ministre, de remettre en cause ces choix politiques humanitaires, mais il faut alors assumer comme tel ce revirement. Il faut en ce cas que le Gouvernement dise : « Nous revenons sur la tradition politique qui consiste à prendre en charge les personnes les plus en difficulté et à leur apporter des soins. »
En remettant en cause l'AME et les soins donnés aux populations les plus fragiles, le Gouvernement se confronte à un véritable défi de santé publique.
Ce n'est pas vrai ! Ne tombez pas dans la caricature, madame Touraine ! On ne met pas en cause l'AME !
Instaurer un ticket modérateur de 30 euros, ou même de 15 euros, pour des personnes qui ont 634 euros par mois pour vivre, c'est de facto écarter une partie d'entre elles de l'accès aux soins. Et c'est exactement la même logique qui prévaut pour les Français d'origine française – puisque je sais que vous tenez à cette précision –, à qui on impose depuis plusieurs années des déremboursements croissants, des franchises et des forfaits non remboursés !
On sait très bien que plus il y a de forfaits et de franchises, plus l'accès aux soins est compliqué pour les petits revenus.
C'est un argument de santé publique, car les personnes concernées par l'AME souffrent plus que la moyenne de sous-vaccination, de maladies infectieuses graves telles que le VIH et l'hépatite C.
Il est donc absolument nécessaire, pour la protection de l'ensemble de la population, de leur permettre d'accéder aux soins. Je précise, monsieur Goasguen, qu'un rapport de l'IGAS et de l'IGF montre que cette population souffre plus que la moyenne de maladies infectieuses graves. Ne pas soigner ces personnes, restreindre l'accès à l'hôpital et aux soins pour elles, c'est exposer l'ensemble de la population à des risques sanitaires.
Si vous n'êtes pas sensibles à l'argument humanitaire, soyez au moins sensibles à l'argument de santé publique !
… et nous récusons une politique qui revient à mettre en cause l'accès à l'AME d'une partie de la population qui vit sur notre territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur deux points : la réduction des crédits liés à la prévention dans le projet de loi de finances ; la nécessité d'amplifier l'effort budgétaire pour lutter contre les discriminations territoriales de santé.
Le budget que nous examinons est un budget d'austérité appliqué à la santé des Français. Les effets de la RGPP se font sentir à plein avec la baisse des crédits des politiques de prévention sanitaire et la réduction des aides aux acteurs associatifs.
Les crédits liés à l'éducation à la santé sont en baisse d'un tiers depuis trois ans. La prévention des risques infectieux, qui concerne des pathologies aussi graves que le SIDA, l'hépatite, la tuberculose, voit ses crédits chuter de 15 %. Les fonds dédiés aux crises sanitaires sont purement et simplement divisés par deux. Le budget lié à la prévention santé au travail chute également de 15 %.
Comment le Gouvernement peut-il affirmer que la politique de prévention est une priorité ?
La réduction des dépenses d'intervention s'ajoute à la fragilisation des conditions d'exercice des professionnels de santé remplissant une mission de prévention, comme le prouve l'affaiblissement inacceptable de la médecine du travail, conduit par le Gouvernement lors de la réforme des retraites. Cela montre que les pouvoirs publics n'ont rien retiré du drame de l'amiante, dont le fonds d'aide aux victimes est d'ailleurs gelé.
La vassalisation de la médecine du travail ne fera que masquer l'explosion de la souffrance au travail et des maladies professionnelles pendant un temps. L'affaiblissement de la prévention prépare des lendemains douloureux pour les salariés, mais aussi pour les comptes sociaux.
La politique de prévention est le premier maillon de la chaîne de santé ; ses moyens doivent être augmentés. Il s'agit d'un impératif de santé publique, mais aussi de bonne gestion financière : plus les pathologies sont détectées tôt, moins elles pèsent sur les comptes publics. Votre projet de loi empile ainsi les fausses économies.
Je profite de cette tribune pour réclamer que les justes revendications des infirmiers anesthésistes soient prises en compte, même si leur situation ne relève pas directement du budget que nous examinons.
Vous avez un peu de retard !
Leurs compétences méritent une reconnaissance statutaire et matérielle.
En outre, il est de la responsabilité du ministère de sortir de l'enlisement pour le bon fonctionnement de notre hôpital public. Depuis le début du conflit, à l'hôpital Robert Ballanger dont je préside le conseil d'administration, on a dû reporter plusieurs interventions, pour un coût avoisinant 500 000 euros.
C'est inadmissible !
Enfin, je relaie la préoccupation des associations de lutte contre le Sida ou encore du mouvement du planning familial.
Dans le cadre du transfert des compétences des groupements régionaux de santé publique aux ARS, ces associations ont vu leurs subventions brusquement baisser. Leur action de proximité, si essentielle dans la chaîne de santé, sera inévitablement restreinte.
Comment ne pas relier la politique de prévention et la baisse de prise en charge des frais médicaux ?
Avec la faiblesse de la couverture complémentaire contenue dans ce budget et des restes à charge en explosion, les Français se détournent des soins basiques. Les déremboursements successifs que vous avez promus pèsent lourdement dans le budget des ménages.
Entre 2001 et 2008, les frais de santé imputables aux Français ont ainsi augmenté de 52 %. C'est un démantèlement larvé de notre système de santé solidaire au profit des assurances privées.
Pour conclure ce premier point, j'affirme mon attachement absolu au dispositif de l'aide médicale d'État. Certains députés de la majorité, dans le sillage d'une politique de rejet de l'autre promue aux sommets de l'État, tentent d'instrumentaliser une question de santé publique pour flatter l'électorat extrême.
Le droit à la santé est sacré ; il ne doit subir aucune entrave administrative ni aucune barrière financière.
J'en viens à mon deuxième point. Les agences régionales de santé créées en 2010 répondaient à un objectif de compression de la dépense publique, c'est une évidence, mais également à la volonté d'améliorer l'offre de soins sur les territoires sous-dotés.
Les projets régionaux de santé, dont la finalisation est prévue à l'automne 2011, devront faire porter leurs efforts sur la résorption de ces inégalités territoriales, en associant pleinement les élus et les collectivités territoriales.
C'est un défi considérable, et je crains que les crédits attribués aux ARS au travers de différentes missions budgétaires ne soient pas à la hauteur de ce défi.
Combien de temps acceptera-t-on que l'espérance de vie d'un habitant de Seine-Saint-Denis soit inférieure de trois ans à celle d'un parisien, et que la mortalité infantile dans ce département soit de 5,3 décès pour 1 000 naissances, contre 3,7 à l'échelle nationale ?
Ces discriminations territoriales de santé portent une atteinte grave à l'égalité républicaine. Cet état de fait s'explique par des conditions d'existence plus difficiles, mais aussi par un moindre accès aux soins.
La densité médicale nationale se situe à 164 médecins pour 100 000 habitants, mais seulement à 125 en Seine-Saint-Denis.
Le manque de pédiatres et de médecins spécialistes est particulièrement criant.
Il faut aller au-delà des dispositifs d'incitation financière prévus par la loi HPST, dès la future loi de santé publique. Pour l'instant, la prise en compte de des spécificités de la prise en charge des patients dans les quartiers populaires, en médecine de ville ou à l'hôpital, est insatisfaisante, notamment du point de vue de la tarification à l'activité.
Ces préoccupations doivent impérativement trouver des traductions budgétaires ambitieuses que je ne vois pas poindre.
Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, la cure d'austérité imposée aux finances publiques de notre pays a épargné de manière illusoire le budget de la mission « Santé ».
Force est de constater, hélas, que ce dernier ne sera pas pour autant plus efficient que les précédents, et à mon regret, continuera à creuser les inégalités dans l'accès aux soins les plus urgents pour nos concitoyens.
Inutile de vous rappeler, madame la ministre, que les populations d'outre-mer en sont les premières victimes. Pour preuve, le poste santé constitue la dépense des ménages ultramarins ayant connu la seconde plus forte inflation après les dépenses d'alimentation, au cours les cinq dernières années
De plus en plus de familles renoncent à se faire soigner en raison d'une forte diminution de leur pouvoir d'achat.
En Guadeloupe, les causes de sur-mortalité prennent des proportions inquiétantes : quarante personnes décèdent du VIH chaque année, ce qui place le département au deuxième rang de France des régions les plus touchées ; le taux de mortalité infantile y est 2,5 fois supérieur à celui de la métropole ; 427 nouveaux cas de cancer de la prostate sont recensés chaque année, ce qui représente une prévalence trois fois plus élevée qu'en métropole et dans les autres pays industrialisés ; 30 000 personnes sont atteintes du virus de la dengue ; et je ne veux même pas évoquer les risques liés aux addictions – drogue et alcool – et à la faiblesse de la prise en charge des maladies mentales.
Madame la ministre, il vous appartient de contenir la rumeur par le financement de la publication du rapport Ti-Moun qui semble accréditer la thèse de maladies endocriniennes entraînant des malformations à la naissance chez les nouveaux nés dont les parents ont été exposés à la molécule de la chlordécone.
Vous avez récemment annoncé la mise en oeuvre de la deuxième phase du plan chlordécone, mais en l'absence d'une évaluation du premier plan, je ne peux remplir efficacement mon rôle de parlementaire.
Depuis juillet 2009, nous attendons le montant des crédits que votre ministère allouera au plan « santé outre-mer » dont le démarrage est prévu pour la fin de l'année 2011.
Mes chers collègues, je vais tenter de tirer quelques enseignements positifs des quelques très marginales dispositions prévues pour l'outre-mer. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé deviendra compétente pour la pharmacopée en outre-mer alors même que la LODEOM n'a pas permis de clarifier la portée de son implantation en outre-mer.
De plus, aucun décret n'est venu confirmer l'engagement de l'État visant à intégrer la pharmacopée antillaise dans la pharmacopée nationale.
Que dire de la stratégie d'approvisionnement prévue par l'Établissement public de réponse sanitaire pour l'outre-mer ? Gageons que les gestions des crises de la grippe A et de la dengue soient les pires que l'ÉPRUS ait eu à manager.
Pour terminer, le financement des dispositifs de lutte anti-vectorielle doit s'accompagner d'une nouvelle gouvernance pour réformer enfin et au plus vite les politiques de lutte anti-vectorielle en outre-mer.
Les enjeux liés à lutte contre les moustiques vecteurs de la dengue doivent s'inscrire bien au-delà de la portée des plans régionaux de santé. De nombreux programmes de recherche sur le développement de la maladie en milieu tropical sont en cours dans la Caraïbe.
Madame le ministre, je solliciterai de votre part que vous engagiez la France dans cette démarche d'intégration régionale, pour que la délivrance du vaccin contre la dengue soit effective en 2014.
Pourtant, madame le ministre, tout avait si bien commencé en 2007, lorsque vous demandiez aux professionnels de santé des départements d'outre-mer de définir pour leur territoire un plan de déploiement de l'offre de soins dont vous nous aviez présenté les grandes lignes le 21 juillet 2009 à Basse-Terre : formation, recherche, continuité territoriale, difficultés financières des établissements, risques naturels, coopération régionale et internationale.
Forts de cette démarche, les professionnels de santé de Guadeloupe ont eu l'espoir que vous suivriez les propositions formulées par le professeur Marescaux dans son rapport commandé par le Président de la République sur l'avenir des CHU en 2007.
Pour rebondir sur le point 4 du plan « Santé outre-mer » que vous avez annoncé, le CHU de Pointe-à-PitreAbymes connaît actuellement de graves difficultés financières en raison notamment de la diminution constante des allocations forfaitaires – MERRI et MIGAC – qui lui sont attribuées.
D'ailleurs, les conclusions du rapport de Mme Jacqueline André-Cormier sur l'offre de santé dans les collectivités ultramarines dressent un état fort peu élogieux en ce qui concerne la compensation financière des actes effectués par le CHU de la Guadeloupe.
Nous le savons bien en outre-mer, le Gouvernement préfère garder sous le coude les rapports sur lesquels il ne lui est pas autorisé de duper notre vigilance.
Madame la ministre, en quelques mois vous avez visité deux fois le CHU de Pointe-à-Pitre et vous avez pu vous rendre compte vous-même de l'état de vétusté de certaines installations. Vous connaissez également les efforts réalisés par le personnel de santé pour offrir des soins de qualité aux usagers.
Vous le savez, le CHU de Guadeloupe a obtenu de très bons résultats pour le traitement de quatre pathologies : le cancer de la prostate, la chirurgie gynécologique, les maladies infectieuses et celles du voyageur.
Madame la ministre, au moment où le projet de loi de finances applique pour la deuxième fois la révision constitutionnelle de 2008, je souhaiterais une réponse à deux interrogations.
D'une part, quels éléments entendez-vous mettre en oeuvre afin de parvenir à une offre de soins performante en Guadeloupe ?
D'autre part, au regard de la vulnérabilité sismique du CHU de Pointe-à-Pitre, pourriez-vous me préciser que les crédits prévus dans le plan hôpital 2012 seront effectivement alloués à la reconstruction du CHU de Pointe-à-Pitre et à la mise à niveau des autres établissements publics de la Guadeloupe ?
Voilà, madame la ministre, les problématiques auxquelles j'aimerais que vous répondiez.
Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord revenir sur l'échange qui a eu lieu tout à l'heure.
Le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de notre assemblée a entrepris un travail sur l'AME et la CMU, confié à Claude Goasguen et Christophe Sirugue. Ce groupe commence ses travaux.
Par ailleurs, la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a commandé un travail sur la fraude sociale, confié à un groupe co-présidé par Dominique Tian, Pierre Morange et moi-même. Ce travail vient de commencer. De grâce, n'anticipons pas sur les conclusions !
D'ailleurs, je pressens que ces conclusions seront beaucoup plus nuancées que les propos tenus tout à l'heure. La précipitation de nos collègues est un peu suspecte.
Rappelons deux ou trois choses. Premièrement, dans ce domaine comme dans d'autres, personne ici ne défend la fraude ou les fraudeurs. C'est clair.
En réalité, il ne s'agit pas de cela. Les amendements dont nous allons discuter n'ont pas pour objet de lutter contre la fraude intentionnelle à l'AME ; ils tendent à restreindre l'accès à celle-ci, dans une démarche totalement contraire aux intérêts de santé publique pour tous, y compris pour nous-mêmes.
Deuxièmement, pour bénéficier de l'AME, il faut avoir moins de 634 euros de ressources par mois. Il faut quand même ramener les choses à leur véritable proportion.
En réalité, dans ce dossier, l'UMP a trouvé un nouveau bouc émissaire. Le Gouvernement et sa majorité ne parviennent pas à maîtriser les déficits. Le PLFSS, qui sera soumis au vote cet après-midi, prévoit plus de 22 milliards d'euros de déficit pour la sécurité sociale l'an prochain. Tout à coup, c'est encore la faute des étrangers en situation irrégulière ! Nous avons trouvé un nouveau bouc émissaire.
Prenons l'AME qui coûte 600 millions d'euros, même s'il peut y avoir ici ou là quelques abus…
Nous examinons le budget de l'État.
Bien sûr, mais je parle des proportions, tous ces budgets étant fongibles. Vous connaissez tous les tuyaux et nous avons brassé les chiffres pendant des heures et des jours ici même. C'est le prélèvement obligatoire qui vient ou pas boucher les trous.
Vous arriverez à expliquer au maximum 0,1 % du déficit global de la sécurité sociale par l'AME. La solution n'est donc pas là. Ces arguments visent bel et bien à masquer l'incurie du Gouvernement et de sa majorité.
Les crédits de la mission « Santé » progressent d'à peu près 2 %, à 1,221 milliard. Cette augmentation s'explique en grande partie par le financement de la formation médicale. En fait, au vu des annonces contenues dans vos documents pour les années 2012 et 2013, on constate une stagnation en euros courants, et donc une diminution des crédits prévus pour la mission « Santé », compte tenu de l'inflation qui est prévue à 1,75 %.
Cette politique de santé est mise en oeuvre par les multiples opérateurs et agences gravitant autour du ministère. J'en ai compté treize, auxquels s'ajoutent les vingt-six ARS. La coordination de ces opérateurs est organisée autour du Comité d'animation du système d'agences, le CASA, comme si – notre collègue Préel le remarquait tout à l'heure – vous vous efforciez de reconstituer un ministère de la santé.
Mais non !
Peut-être est-ce trop ambitieux.
Le rapport Dosière-Vanneste sur les autorités administratives indépendantes, remis la semaine dernière au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, aborde ce sujet sous trois angles : le périmètre des autorités administratives ; leur autonomie et leur indépendance – et donc le suivi parlementaire de leur action – ; leur gestion budgétaire, c'est-à-dire la question de leurs ressources. Faut-il les financer par une contribution supportée par le secteur régulé, en contrepartie des services dont il bénéficie ? Cela pose la question de l'indépendance de ces organismes par rapport au secteur régulé. On peut comprendre que l'État ne verse aucune subvention à l'AFSSAPS, mais c'est laisser l'Agence à ses ressources propres : le débat sur cette question est ouvert.
Dans ses conclusions, le rapport recommande à la commission des affaires sociales de procéder à un réexamen détaillé de la cartographie des multiples agences sanitaires. J'espère que nous aborderons la question non pas selon l'approche de la RGPP telle qu'elle était appliquée jusque-là, c'est-à-dire par la réduction aveugle des moyens attribués, mais plutôt sous l'angle de la production d'un meilleur service public.
Le rapport budgétaire évoque par ailleurs le rôle de l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l'ÉPRUS, et les moyens qui lui sont attribués. Un rapport de commission d'enquête a été adopté par notre assemblée il y a quelque temps à propos de la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1). Je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous disiez quelle suite vous comptez donner aux propositions qu'il a formulées. Même si nous n'avons pas entièrement approuvé la démarche qui a inspiré la rédaction de ce rapport, certaines de ses propositions nous agréent, notamment celles qui prévoient d'établir un bilan critique au niveau communautaire des campagnes de vaccination menées par les États membres pour dégager des pistes d'amélioration dans la gestion des futures pandémies grippales, d'adapter et de compléter le plan de prévention et de lutte contre la pandémie grippale sur divers points, d'organiser des états généraux sur les enjeux de la vaccination ou de renforcer l'enseignement initial en vaccinologie au cours des études de médecine générale.
Pour conclure, je souhaiterais que vous nous disiez, madame la ministre, ce que vous comptez faire pour prendre toutes mesures d'information nécessaires à l'intention du grand public afin de lutter contre le refus vaccinal, et diffuser une culture de santé publique qui permettrait aux Français de prendre conscience des incertitudes scientifiques inévitables lors de l'apparition d'un nouveau virus.
Telles sont les mesures que nous souhaiterions voir appliquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la remise en cause de l'Aide médicale d'État, sous sa forme actuelle, qu'ont évoquée certains de nos collègues, mérite la plus grande vigilance de notre part. Elle réduit en effet l'accès aux soins pour des personnes disposant de faibles ressources et les incite à reporter un traitement, voire à renoncer aux soins. Cela entre en contradiction avec une politique de santé publique cohérente et n'offre aucune véritable garantie de rationalisation des coûts : des pathologies simples qui auraient pu être soignées efficacement et à peu de frais ne seront pas traitées et dégénéreront en complications graves et coûteuses. C'est le sens de la CMU, c'est le sens de l'AME.
L'Aide médicale d'État a été rénovée en 1999 pour protéger la santé des personnes vivant dans les conditions les plus précaires qui les exposent à des conditions sanitaires particulièrement défavorables : prévention, suivi médical, accès aux soins sont ainsi rendus possibles sans attendre l'aggravation des pathologies et donc des coûts humains et financiers. Maintenir l'AME et l'inscription des personnes dans le système de santé publique, c'est donc bien diminuer les coûts et la charge pour le système de santé, au lieu de le désorganiser et de diminuer son efficacité.
L'AME est un dispositif très contrôlé et étudié tant par l'inspection générale des affaires sociales que par l'inspection générale des finances, mais aussi par le groupe de lutte contre les fraudes du ministère des finances. Seules les CPAM peuvent l'accorder, avec des procédures et contrôles stricts. En effet, le droit à l'AME est valable un an : tous les ans, il faut fournir de nouveau les preuves nécessaires à son obtention – revenus en dessous d'un seuil identique à celui de la CMU, preuves de présence et de résidence sur le territoire français.
On invoque une augmentation des dépenses de l'AME qui rendrait nécessaire l'instauration d'un ticket d'entrée comparable aux franchises médicales. Mais cette augmentation repose d'abord sur un accroissement du nombre de bénéficiaires, qui découle de l'augmentation récente des déboutés du droit d'asile et des restrictions du droit au séjour en France, mais aussi de l'accroissement du nombre d'étrangers en situation régulière indûment orientés vers l'AME, alors qu'ils devraient relever de l'assurance maladie. Une autre explication peut sans doute être trouvée dans le fait que, en 2008, certains ressortissants communautaires – entre autres les Roms roumains et bulgares –, en séjour dit « irrégulier », ont brutalement été exclus de l'assurance maladie pour relever désormais de l'AME. C'est votre politique d'immigration et ses dérives qui en sont les causes.
Quelle indécence de prétendre que les étrangers sans autorisation de séjour sont privilégiés par rapport au reste de la population, alors que l'Aide médicale d'État n'est accordée que sous le plafond de ressources de la CMU – des privilégiés à moins de 634 euros par mois ? – et que l'offre de soins de l'AME est nettement inférieure à celle de la CMU.
En termes de santé publique, réduire l'accès aux soins sera inefficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est des ministères plus exposés que d'autres. Le vôtre est un de ceux-là, madame la ministre.
C'est vrai.
On parle de santé publique comme on parle, au ministère de l'intérieur, de sécurité publique. Je tiens à reconnaître publiquement à cette tribune que, sous votre ministère, madame, les relations avec les parlementaires ont toujours été empreintes de courtoisie et de respect.
Nous examinerons tout à l'heure certains amendements sur l'AME déposés par nos collègues de la majorité et qui, en matière de santé publique, représentent un risque important. Ce serait même une aberration médicale que de les adopter. Au lendemain de l'examen en commission de l'amendement de M. Tian, la presse s'est fait écho du problème de la rougeole, typique des risques encourus : en France, la rougeole a quasiment disparu, mais certaines personnes qui n'ont pas été vaccinées peuvent la réintroduire, si bien que nous voyons désormais des citoyens français adultes développer cette maladie. La rougeole ne demande pas à un patient s'il a des papiers. Au-delà de nos différences idéologiques, c'est un réflexe d'intelligence médicale qui doit nous inciter à rejeter ces amendements.
Je voudrais, par ailleurs, évoquer l'accès aux soins. Madame la ministre, vous êtes pharmacienne. Or je me suis rendu, il y a une quinzaine de jours, dans une pharmacie située à côté de mon cabinet médical. J'ai constaté que, pour des raisons financières, l'un de mes patients choisissait à la carte les médicaments que je lui avais prescrits. Je n'imaginais pas que ce soit possible. Un pays rencontre un gros problème de précarité et de pauvreté lorsqu'on y choisit les médicaments en fonction non plus de leur efficacité, mais de leur coût.
Le député du Nord que je suis aimerait également aborder la question des spécialités, qui est particulièrement aiguë dans mon département, notamment pour les ophtalmos, où l'on a plus vite fait de prendre rendez-vous en Belgique que d'en attendre un de ce côté-ci de la frontière. La situation est vraiment dramatique.
Au-delà de ce grave problème de démographie médicale, se pose un problème d'honoraires. Le Conseil de l'Ordre des médecins dit qu'ils doivent être déterminés « avec tact et mesure ». Hélas, le tact et la mesure sont souvent dépassés. Il faudrait s'intéresser à la question d'une manière peut-être plus coercitive. Quelques spécialistes, certes minoritaires, exagèrent particulièrement : cela devrait être plus contrôlé.
Votre ministère et l'ensemble des parlementaires ici présents ont décidé la création d'une spécialité de médecine générale. C'est une excellente idée, mais sa mise en oeuvre traîne. Il est vrai que deux ministères s'intéressent au sujet, mais les facultés de médecine et quelques professeurs, qui tiennent à conserver leur pré carré, font preuve, aussi, d'une certaine frilosité. Il est des circonstances où il faut savoir faire abstraction de son propre intérêt, fût-il lié à une spécialité précise, où il faut renoncer à une forme de mandarinat encore bien vivante dans notre pays. Le Gouvernement devrait recourir à toute sa puissance pour secouer un peu des maîtres qui, en ce domaine, sont trop frileux. Il y a une soixantaine d'années, Pierre Fresnay jouait déjà dans un film intitulé Un grand patron. Il serait temps de changer de scénario. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, c'est juste après avoir achevé l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 que nous nous retrouvons. Comme chaque année, certains d'entre vous ont fait remarquer la distorsion entre les crédits inscrits dans le budget de la santé et ceux dont nous discutons pour la sécurité sociale. Ce débat n'en est pas moins important.
De très nombreuses interrogations ont été formulées. Pour ne pas alourdir mon propos liminaire, j'y reviendrai très précisément tout à l'heure, en répondant aux questions que vous me poserez. Certaines concernent la mise en oeuvre de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » ou celle des ARS. Il est trop tôt pour certains bilans, mais je compte beaucoup sur les travaux du Parlement et sur la mission voulue par Pierre Méhaignerie pour dresser celui de la loi HPST.
D'autres questions m'ont été posées sur la démographie médicale. Vous comprendrez de même que certaines mesures mises en oeuvre dans cette loi n'ont pas eu le temps de produire tous leurs effets.
Je dirai d'abord un mot sur l'évolution globale des moyens consacrés à la mission « Santé », car celle-ci va participer à la maîtrise des dépenses budgétaires.
Les programmes de la mission, qui n'en compte désormais plus que deux, affichent une progression limitée à 2 % des crédits sur la période 2011-2013. Pour 2011, les crédits s'établissent ainsi à 1,221 milliard d'euros, soit 23,4 millions d'euros de plus au terme de la période triennale par rapport à 2010. Contrairement à d'autres missions, nous n'intégrons pas dans celle-ci les crédits qui sont afférents aux personnels concourant à la mise en oeuvre de ces sujets, puisqu'ils sont portés par la mission « Solidarité ». Si nous voulions faire des comparaisons utiles et apprécier véritablement le périmètre d'action, il conviendrait d'ajouter environ 640 millions d'euros.
Les principales hausses de crédits concernent la formation médicale, en raison de l'augmentation continue du numerus clausus. Rémi Delatte et Guy Lefrand ont insisté sur cette question.
Cette augmentation des crédits s'élèvera à près de 38 millions d'euros dès l'année prochaine. Elle permettra de favoriser le développement de la formation médicale initiale et continue, comme l'a souhaité le Président de la République.
L'autre poste de dépenses qui enregistre une forte augmentation est celui des crédits de l'aide médicale d'État, inscrits au sein du programme n° 183, ce qui aboutit à un rebasage de 53 millions d'euros dès l'année prochaine. Je reviendrai dans un instant sur cette question qui a été l'objet de nombreuses interventions.
Avec la mise en place des agences régionales de santé, les ARS, le Gouvernement a en outre souhaité maintenir le montant des moyens consacrés aux projets régionaux de santé publique. Ces crédits ne seront donc pas impactés par la norme de diminution des crédits d'intervention. Ils seront même en légère augmentation de 2 millions d'euros l'année prochaine, leur montant passant ainsi à 189 millions d'euros.
Au regard de la contrainte budgétaire, cet effort n'est pas négligeable. Il est surtout stratégique car il donnera un maximum de marges de manoeuvre au développement de politiques régionales de santé.
Mon deuxième point concerne les amendements qui ont été déposés par le Gouvernement sur la mission « Santé ». Je les présente très brièvement.
Un premier amendement vise à proroger de quatre années la possibilité pour l'AFSSAPS de percevoir le produit d'une taxe additionnelle sur les entreprises pharmaceutiques, thème cher à Gérard Bapt. Cet amendement permettra de financer les actions d'un groupement d'intérêt public, le GIP CeNGEPS, ou centre national de gestion des essais de produits de santé,...
…en vue d'améliorer le dispositif de soutien aux essais cliniques qui participe directement à l'attractivité de la recherche clinique industrielle française.
Un deuxième amendement vise à simplifier les modalités d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux à la suite d'une vaccination. Il prévoit que les conséquences de mesures prises dans le cadre de la campagne de vaccination contre la grippe A–H1N1– seront pleinement assumées par l'État par le truchement d'une dotation budgétaire à l'office national d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux. Cette mesure permettra donc concrètement à l'ONIAM de traiter sans tarder la dizaine de demandes d'indemnisation qui lui ont d'ores et déjà été présentées.
Un troisième amendement vise enfin à étendre le dispositif de prise en charge des sapeurs-pompiers volontaires ayant développé une maladie grave, la sclérose en plaques, à la suite d'une vaccination contre l'hépatite B. Le Gouvernement vous propose de reculer la date d'éligibilité de l'indemnisation à 2000 alors qu'elle est limitée actuellement à 2005. Cette proposition tire les conclusions d'un rapport du Gouvernement au Parlement, qui vous a été remis le 15 janvier 2010 et qui va dans ce sens.
J'ai bien conscience, toutefois, que cette proposition pourrait susciter quelques commentaires, notamment de la part de Jean-Pierre Grand qui a déposé une proposition de loi visant à une plus grande extension de l'indemnisation des sapeurs-pompiers. Je serai bien évidemment à l'écoute des arguments qui seront développés au cours de cette séance et, au regard de nos échanges, je vous proposerai éventuellement de rectifier l'amendement du Gouvernement.
J'évoque enfin les amendements déposés en articles additionnels après l'article 86 concernant le dispositif de l'aide médicale d'État. Si de nombreux députés sont intervenus, le débat s'est structuré autour des interventions de Claude Goasguen et de Marisol Touraine. Ce n'est pas un petit débat, car l'AME représente 45 % des crédits de la mission « Santé ».
J'ai pris connaissance de vos propositions avec la plus grande attention, car le dispositif de l'AME s'adresse à des personnes en situation irrégulière sur le territoire français, des publics très précaires, dont l'état de santé est fragile et dont les revenus sont extrêmement modestes.
Le débat que nous aurons devra toutefois aller au-delà des aspects strictement sanitaires et de l'impérieuse nécessité de protéger la population ; il s'agira également de préserver notre tradition d'accueil, qui fait la réputation et la grandeur de notre pays.
Je tiens avant tout à remercier votre rapporteur pour avis Rémi Delatte, pour son excellent travail de proposition et d'animation ainsi que Jean Leonetti qui a fait preuve, je le sais, d'une très grande pédagogie sur ce sujet. Grâce à vous, nous allons pouvoir aborder cette discussion, comme l'a souhaité Guy Lefrand, de façon sereine, précise et équilibrée. Sur un sujet aussi sensible, il faut effectivement en revenir à quelques éléments essentiels.
Le premier est qu'il n'y a pas de dérive financière de l'AME. Le coût global du dispositif évolue en effet de la même façon que les dépenses de santé : depuis 2002, le coût réel de l'AME a progressé de 43 %, augmentation à comparer avec l'évolution des dépenses sous ONDAM réellement constatées qui ont, quant à elles, progressé de 35 %. L'augmentation des dépenses tient donc essentiellement à l'évolution du nombre de bénéficiaires, qui a progressé de 40 % depuis 2002.
Le deuxième élément essentiel est que la forte progression des dépenses, de plus de 13 % de 2008 à 2009, est désormais bien documentée.
J'attends encore les conclusions finales de la mission conjointe que François Baroin et moi avons demandée à l'inspection générale des finances et à l'inspection générale des affaires sociales. Elles me seront remises à la fin de ce mois et elles vous seront évidemment immédiatement transmises.
Cependant, je peux d'ores et déjà vous indiquer que la moitié de l'explication tient à la hausse des effectifs : le nombre des bénéficiaires a progressé de 13 000 bénéficiaires en un an seulement.
L'autre partie de l'explication tient à la forte augmentation des dépenses d'AME relevée dans les établissements de santé : elles ont progressé de 14,9 % en 2009. Vous le savez, les hôpitaux concentrent 70 % des dépenses de l'AME. Or le passage à la T2A à 100 % a conduit certains hôpitaux à être plus vigilants sur l'exhaustivité la facturation à l'assurance maladie ; cet « effet bonne gestion » est assez normal.
Le troisième élément d'ordre factuel qu'il convient de rappeler est qu'un titulaire de l'AME ne se retrouve pas avec plus de droits qu'un étranger titulaire de la CMU-c, même si l'idée selon laquelle les bénéficiaires de l'AME seraient privilégiés est souvent répétée et semble présente dans bien des esprits. Au contraire, à niveau de ressources égal, les bénéficiaires de la CMU-c sont mieux protégés puisqu'ils bénéficient du panier de soins dentaires et optiques avec un niveau de remboursement supérieur aux tarifs de base de la sécurité sociale.
Plus fondamentalement, les bénéficiaires de l'AME ne sont pas exonérés d'une logique de droits et de devoirs qui irrigue notre système de prise en charge. Par exemple, depuis 2008, comme tous les assurés, ils doivent accepter les médicaments génériques lorsqu'il y en a pour pouvoir bénéficier du tiers payant, obligation qui n'existait pas auparavant. C'est bien le moins qu'on puisse leur demander.
Partant de ces rappels, j'observe que plusieurs des propositions dont nous allons débattre vont dans le bon sens car elles permettront d'améliorer le pilotage et la gestion du dispositif. Je pense, par exemple, à l'amendement déposé par Dominique Tian au nom de plusieurs d'entre vous et visant à instaurer un droit d'entrée annuel par adulte bénéficiaire de l'AME ; cette mesure permettrait de couvrir les frais d'ouverture du dossier et les coûts de fabrication de la carte sécurisée qui est remise à chaque bénéficiaire, sans pour autant provoquer de renoncement aux soins. Le montant proposé est de l'ordre de 2,50 euros, ce qui me paraît tout à fait supportable, y compris pour les plus modestes.
Je serai donc favorable à cette proposition qui doit impérativement être préférée à toute mesure visant à une participation directe au fil de l'eau des bénéficiaires de l'AME. Une telle mesure ferait en effet peser un risque financier sur les médecins libéraux chargés de calculer et de recouvrer le ticket modérateur.
Je pense également à l'amendement déposé par Claude Goasguen qui tend à recentrer le panier des bénéficiaires de l'AME sur les actes ou prestations dont le service médical rendu est le plus important. Cette mesure, qui ne serait évidemment pas applicable aux mineurs, participe d'une réelle démarche médicalisée. Elle me semble, elle aussi, préférable à une restriction de prise en charge des soins des titulaires de l'AME aux seuls soins urgents qui serait facilement contournée et aboutirait à engorger les services d'urgences des hôpitaux.
D'autres amendements parmi ceux que vous avez proposés permettraient d'améliorer le contrôle des dépenses et la lutte contre les abus et les fraudes, objectif qui pourrait, si j'ai bien compris, tous nous réunir. C'est le cas de l'amendement de Claude Goasguen auxquels beaucoup d'entre vous, dont Guy Lefrand et Jean-Pierre Door par exemple, se sont associés et qui vise à instaurer un contrôle systématique pour les soins hospitaliers au-delà d'un certain seuil de dépenses fixé par décret en Conseil d'État.
Tel est le cas également de l'amendement qui vise à permettre aux caisses d'assurance maladie de récupérer les sommes indûment versées, sujet que les caisses maîtrisent parfaitement, et beaucoup mieux que les services de l'État.
Je serai donc favorable à ces amendements parce qu'ils répondent aux préoccupations du Gouvernement et de nos concitoyens. Ces derniers ne continueront en effet à soutenir ce dispositif que s'ils ont la preuve que le système est bien géré et qu'il est bien contrôlé.
Notre travail n'a donc au final qu'un seul objectif : préserver un dispositif de prise en charge qui a fait ses preuves et qui est le plus large en Europe, avec ceux de l'Espagne et le Portugal.
Bien sûr, certains, parmi les représentants du monde associatif, pourront émettre des réserves, mais je crois, pour ma part, et avec le groupe UMP, que l'essentiel du dispositif serait ainsi préservé. Vous me trouverez toujours à vos côtés lorsqu'il s'agira de lutter plus efficacement contre les abus et les fraudes, mais je m'opposerai sans cesse à toutes les tentatives visant à ternir notre tradition d'accueil, qui fait, mesdames et messieurs les députés, la fierté de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous en arrivons aux questions.
Je vous rappelle que les questions sont appelées par périodes successives de quinze minutes et que chaque orateur dispose de deux minutes pour poser sa question.
Nous commençons par une première série de questions du groupe UMP.
La parole est à M. Philippe Boënnec.
Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la formation pratique des étudiants de troisième cycle de médecine générale.
Cette formation se fait dans le cadre de l'internat et de fonctions hospitalières rémunérées. Toutefois, la nécessaire diversification des formations a conduit l'État à prendre à sa charge le financement de différents stages effectués hors de l'hôpital : stages extrahospitaliers effectués dans d'autres structures ; stages chez le praticien, ce dispositif permettant aux futurs médecins généralistes de s'initier à tous les aspects de leur future profession auprès d'un confrère qui exerce déjà ; stages de sensibilisation à la médecine générale.
Ces mesures sont bonnes, puisqu'elles vont dans le sens de la lutte contre la désertification médicale. Cependant, je ne suis pas sûr qu'elles seront suffisantes pour rétablir l'équilibre territorial de l'accès aux soins, et je m'interroge sur la nécessité de mettre en place, au niveau de chaque région, dans le cadre du schéma régional d'organisation sanitaire et sociale, un volet spécifique de la permanence des soins qui traiterait aussi de la désertification médicale. Par ailleurs, dans les maisons médicales pluridisciplinaires qui maillent le territoire régional, il serait bon de réfléchir à des effecteurs mobiles qui puissent se déplacer.
Je souhaite donc savoir quelles sont les mesures envisagées par votre ministère au niveau de la formation pratique des étudiants pour garantir une offre de soins ambulatoires de premier recours organisée, efficiente et accessible à tous.
À travers la question de la formation des étudiants, sur laquelle je reviendrai dans un instant avec des chiffres précis, monsieur Boënnec, vous posez la question plus globale de l'accès aux soins et des inégalités territoriales en santé. Ayant très consciencieusement participé aux débats sur la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », vous savez bien que la solution du problème ne tient pas en une seule mesure ; c'est une panoplie de dispositions que prévoit la loi HPST. D'autres relèvent des différentes lois de financement de la sécurité sociale, par exemple les alternatives à la rémunération à l'acte.
Nous essayons en tout cas de mettre en place tous les leviers, aussi bien au niveau de la formation des étudiants qu'à celui de l'installation des nouveaux médecins ou des conditions d'exercice.
On retrouve tout de même, comme un fil rouge, la formation des médecins. S'agissant, par exemple, des conditions d'exercice, les maisons médicales pluridisciplinaires, dans leurs cahiers des charges, doivent penser à la façon dont elles vont accueillir les jeunes étudiants médecins pour assurer cette formation. Une maison médicale doit ainsi penser à l'accueil et au logement qui peuvent être réservés à un stagiaire, si elle veut recevoir des stagiaires et former ces jeunes médecins. C'est tout un travail qui doit irriguer l'ensemble des dispositifs de la loi HPST.
Bien entendu, le budget pour 2011 va traduire le renforcement des dispositifs de formation médicale initiale et continue.
Pour la formation initiale, les crédits augmentent de 9 %. Le montant disponible pour les formations extrahospitalières s'élèvera donc à 115,3 millions d'euros, soit une augmentation de 21,6 % par rapport à 2010.
Depuis la fin de l'année 2009, l'État n'a plus de dette envers les établissements de santé en ce qui concerne la formation médicale.
L'augmentation de crédits montre l'intérêt du Gouvernement pour le sujet crucial sur lequel vous avez choisi, à juste titre, de m'interroger.
(M. Maurice Leroy remplace M. Marc Laffineur au fauteuil de la présidence.)
Madame la ministre, vous savez combien je suis attentif à l'aboutissement du projet de pôle santé de Cavaillon. Je saisis l'occasion de la procédure des questions budgétaires pour souligner le caractère prioritaire de ce dossier.
Prioritaire, il l'est, tout d'abord, parce qu'il revêt un grand intérêt en termes d'aménagement du territoire dans le Sud Vaucluse. Il est en effet indispensable que nous disposions d'un service hospitalier moderne et de qualité entre Luberon et Durance. La nécessaire sécurisation de ce large bassin de vie sur un plan sanitaire confère la plus grande opportunité à ce pôle hospitalier. L'approche positive du dossier par l'agence régionale de santé en témoigne.
Prioritaire, il l'est, ensuite, parce que le partenariat qui le sous-tend entre, d'une part, la clinique Saint Roch à Cavaillon et, d'autre part, le centre hospitalier intercommunal de Lauris-Cavaillon permettra une complémentarité d'action et une mutualisation de moyens qui sont un gage de qualité et d'efficacité.
Enfin, au-delà des enjeux territoriaux et sanitaires de ce dossier, je tiens à insister sur l'important travail déjà fourni pour pouvoir présenter un dossier de candidature complet dans les délais impartis. J'insiste aussi sur les engagements pris en matière d'aménagement, d'urbanisme et d'acquisitions foncières.
Je comprends évidemment qu'il existe des contraintes budgétaires, mais les impératifs avérés en termes de santé publique pour ce territoire m'amènent à vous solliciter en faveur d'une inscription prioritaire de ce projet au titre des crédits d'investissement du plan Hôpital 2012.
Monsieur Bouchet, je reconnais bien le militant du projet de rapprochement de l'hôpital de Cavaillon et de la clinique Saint Roch que vous êtes dans la question que vous me posez.
Ce projet a été défini et finalisé dans le cadre de la préparation des dossiers afférents au plan Hôpital 2012. Le dimensionnement de ce nouveau pôle santé de Cavaillon, prend en compte le surdimensionnement actuel de certains services et l'évolution possible de l'offre de soins sur ce territoire.
Après avoir examiné la possibilité de reconstruire la clinique sur le site de l'hôpital – le terrain y était trop exigu –, puis celle d'implanter l'hôpital sur le site de la clinique – mais le terrain était inondable –, il est envisagé la construction de ce pôle public-privé sur un site distinct ; je crois que c'est la bonne solution.
Il s'agit d'un projet de coopération public-privé particulièrement intéressant qui s'inscrit totalement dans l'esprit de la loi HPST et qui incite à la création de synergies entre établissements. Le projet architectural est surtout porté par un projet médical très structurant défini dès 2008. Il est normal que le projet médical l'emporte toujours sur tout autre.
Le projet du pôle santé de Cavaillon est soutenu par l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Il convient désormais de le préciser et de l'évaluer financièrement avant d'en définir les modalités d'accompagnement.
Il pourra s'inscrire dans le cadre de la deuxième tranche du plan Hôpital 2012. L'ouverture de la fenêtre de dépôt des dossiers de demande de financement est encore à préciser, mais elle devrait très probablement intervenir au cours du premier semestre 2011.
Ma question concerne l'aide médical d'État.
Madame la ministre, sans revenir sur les chiffres que vous nous avez donnés, je rappelle que le nombre de bénéficiaires de l'AME a augmenté de 40 % en huit ans. Pour toutes les raisons que vous avez évoquées, il est donc nécessaire de formuler des propositions concrètes afin de mieux maîtriser ce dispositif et de faire en sorte que le système reste équitable, sans céder aux caricatures souvent évoquées dans cet hémicycle.
Pour ma part, je suis favorable à l'instauration d'un droit d'entrée annuel pour chaque adulte bénéficiaire de l'AME, qui pourrait être fixé à 30 euros. Cela me semble constituer une solution pragmatique, préférable à tout paiement direct à l'acte.
Je suis également favorable à la limitation des ayants droit aux seuls enfants et conjoints, ce qui est à la fois simple et équitable. Il s'agirait donc d'exclure les ascendants et les descendants au-delà du troisième degré.
Je suis favorable aussi à la restriction du panier de soins aux seuls actes dont le service médical est important ou modéré. Ainsi doivent être exclus de la prise en charge les soins de cures thermales, les actes de procréation médicalement assistée, les médicaments à 15 %, les dispositifs médicaux à service médical rendu insuffisant et les séances de soins infirmiers à domicile, à l'exclusion de ceux prescrits à l'hôpital. Ces mesures de bon sens ne doivent évidemment pas s'appliquer aux mineurs et elles doivent être conformes à l'article 3 de la Convention des droits de l'enfant.
Même dans ces conditions, la France restera le pays le plus généreux du monde, y compris à l'égard des clandestins, sans prendre de risques pour sa santé publique.
Moi aussi, je veux que l'on envoie des signes de solidarité et d'équité, mais je souhaite que l'on arrête d'opposer les gentils et les méchants, comme cela a pu être fait. Oui nous sommes dans un système généreux, mais il ne faut pas que cela soit au détriment d'une certaine population ; il est également indispensable que ce système soit accepté par l'ensemble de la population.
Madame la ministre, je vous pose trois questions.
Qu'allons-nous faire pour que l'AME soit préservée et qu'elle soit mieux surveillée et mieux encadrée ?
Ne pensez-vous pas qu'il serait temps de revoir ce système en ayant une plus large vision de la générosité de la France envers les clandestins dans notre pays, mais aussi envers les étrangers ? Ce budget ne devrait-il pas être rapproché de celui de la coopération afin de nous donner une vision globale de notre action ?
Quel est le montant des dettes contractées à l'égard des hôpitaux français à l'étranger ?
Les missions de l'IGAS pourront peut-être répondre à toutes ces questions. Une telle clarification devrait nous permettre de conserver le système généreux qui est le nôtre. Il faut le faire accepter par l'ensemble des Français pour que nous conservions nos traditions de santé publique et de pays d'accueil.
Madame Valérie Boyer, avec votre question, nous poursuivons le débat sur le sujet très important de l'AME.
Vous avez émis un avis positif sur un certain nombre des amendements que nous examinerons ; je vous annonce d'ores et déjà que je partage vos positions à cet égard.
Je précise qu'il ne s'agit pas d'exclure automatiquement les ascendants des bénéficiaires de l'AME : ils déposeront individuellement un dossier et nous vérifierons s'ils ont les droits nécessaires pour bénéficier du dispositif. Ce n'est pas une exclusion mais plutôt une mesure visant à assurer une meilleure lisibilité et une meilleure transparence de l'AME.
Un rapport sénatorial a estimé que la dette contractée à l'égard des hôpitaux français à l'étranger se situait entre 25 et 30 millions d'euros. Évidemment, il faut prendre toutes les précautions nécessaires en évoquant ces chiffres car les sommes en question sont assez difficiles à colliger.
L'AME mérite des études complémentaires. C'est pourquoi j'ai demandé à une mission de l'IGAS et de l'IGF, qui doit me remettre son rapport le 30 novembre prochain, de travailler sur plusieurs thèmes.
Elle doit ainsi analyser les causes de la forte hausse des dépenses et déterminer si elles sont de nature conjoncturelle ou structurelle ; proposer des solutions permettant d'améliorer la fiabilité des prévisions budgétaires et renforçant la maîtrise du dispositif, notamment par l'expertise d'un nouveau mode de tarification des séjours hospitaliers des bénéficiaires de l'AME et par une analyse des dispositifs de contrôle appliqués à ces derniers.
Elle doit également examiner les modalités selon lesquelles pourrait être mise en place une participation forfaitaire dont le principe a été adopté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. En effet, je vous rappelle que nous n'inventons rien en ce domaine : tout est déjà écrit dans la loi. Nous nous contenterons, si l'amendement la concernant est adopté, de mettre réellement en place cette mesure. La mission de l'IGAS et de l'IGF permettra d'en définir au mieux les modalités d'application.
Un travail majeur est donc en cours. Il y en a déjà eu de nombreux, et nous pouvons encore affiner notre analyse si vous le souhaitez.
Nous en venons aux questions du groupe SRC.
La parole est à Mme Michèle Delaunay.
Madame la ministre, nous avons bien compris que l'augmentation du coût de l'AME s'explique, en grande partie, par celle du nombre de ses bénéficiaires. Seulement, sur le terrain, nous constatons qu'il existe un lien entre cette augmentation et les difficultés de plus en plus grandes rencontrées pour obtenir des titres de séjour.
Vous n'êtes pas en mesure de me répondre seule sur l'ensemble du problème. En revanche, cela vous est possible pour ce qui concerne l'immense difficulté et l'incertitude relatives à l'obtention d'un titre de séjour en tant qu'étranger malade. Dans tous les cas, un médecin de la direction des affaires sanitaires et sociales du domicile du demandeur est en effet amené à donner son avis. Envisagez-vous de fournir à ces professionnels des lignes directrices, car j'ai le sentiment qu'il existe une grande hétérogénéité entre les réponses apportées, quand ne règne pas, une certaine injustice ?
On répond, par exemple, que les patients peuvent être soignés dans leur pays. Cela est souvent vrai, mais ils le sont fréquemment tellement plus mal, alors qu'ils sont atteints de maladies graves qui, il est vrai, imposent des hospitalisations coûteuses pour l'AME.
Madame Delaunay, si je ne me trompe pas, vous m'interrogez sur l'hétérogénéité de la doctrine qui permet au personnel de l'administration sanitaire de juger si une personne est en état de recevoir des soins de qualité dans son pays.
Je me suis exprimée de façon claire sur ce que la loi prévoit : il n'y a, en aucun cas, la possibilité de renvoyer dans son pays un étranger qui n'est pas susceptible d'y recevoir des soins, soit parce qu'ils ne sont pas du tout disponibles, soit parce que l'accès aux soins n'est pas garanti pour la personne concernée. Par exemple, si elle habite à sept cents kilomètres de l'hôpital qui se trouve dans la capitale, il faut considérer, de fait, qu'elle n'y a pas accès.
Des consignes claires ont été données. Chaque décision de mauvaise qualité pourrait être immédiatement déférée devant le juge. Comme nous l'avons déjà constaté, cela amènerait la personne concernée à demeurer sur le territoire national pour y être soignée.
Madame la ministre, je me permets d'appeler votre attention sur deux questions spécifiques à Saint-Pierre-et-Miquelon, mais qui présentent des enjeux nationaux.
Tout d'abord, nous attendons depuis bien trop longtemps le décret de coordination entre le régime national de sécurité sociale et celui propre à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il s'agit de mettre fin à une situation de non droit que l'on ne tolérerait pas entre deux pays.
Encore aujourd'hui, faute de décret de coordination, les Saint-Pierrais-et-Miquelonnais ont moins de droits en matière de sécurité sociale en France métropolitaine que les habitants du Togo, des Philippines ou du Chili, qui bénéficient d'accords de sécurité sociale.
Ce décret est, enfin, en cours de signature. Le ministre du travail l'a certes signé le premier, mais il manque encore les signatures de sept ministres, dont la vôtre. La perspective du remaniement annoncé depuis plusieurs mois rend la tâche plus complexe encore et nous fait craindre que la parution de ce décret de coordination, tant attendu, puisse, à nouveau, être reporté. Pouvez-vous nous confirmer qu'il sera signé dans les plus brefs délais ?
Ensuite, j'ai été sollicitée par un certain nombre de Françaises et de Français originaires de Saint-Pierre-et-Miquelon et vivant, pour leurs études ou pour le travail, au Canada voisin, tout particulièrement au Québec. Cela heurte le bon sens le plus fondamental, vous en conviendrez, mais les accords de sécurité sociale entre la France et le Québec ont tout simplement oublié l'existence de Saint-Pierre-et-Miquelon et ils ne concernent que la France métropolitaine et les départements d'outre-mer.
Alors que l'on ne cesse d'évoquer la coopération régionale, donc l'orientation de Saint-Pierre-et-Miquelon vers le Québec et le Canada, cette situation relève tout simplement du ridicule.
Madame la ministre, je vous ai déjà interrogée à ce sujet, en vous demandant d'étudier la possibilité de conclure un avenant à ces accords. Êtes-vous en mesure de m'apporter des éléments de précision sur ce point ?
Madame Girardin, le décret qui concerne nos compatriotes de Saint-Pierre-et-Miquelon est arrivé sur mon bureau et il sera signé dans les tout prochains jours. Il a suivi le parcours administratif normal, sans retard particulier, en tout cas pas de mon fait, mais ce cheminement administratif est parfois quelque peu complexe.
Quant à l'avenant, pour le conclure, il faut être deux. J'ai signé, il y a quelques mois, les dispositifs avec le Premier ministre du Québec et je suis tout à fait disposée à travailler avec les autorités québécoises en vue de la conclusion d'un tel avenant, qui me paraît de simple justice.
Madame la ministre, ma question porte sur le rôle des agences régionales de santé et du centre national de gestion dans la régulation des dépassements d'honoraires.
Au titre de leurs missions, les ARS doivent assurer la veille et la sécurité sanitaires, ainsi que l'observation de la santé. Surtout, s'agissant de la régulation de l'offre de santé, elles ont également pour objectif l'évaluation et la promotion de la qualité des formations des professionnels de santé. Dans le cadre de ces deux compétences, les ARS, mais aussi le CNG, doivent veiller en particulier à ce que certaines pratiques abusives de médecins, à la limite du commercial, ne nuisent pas à la qualité des soins.
Je pense en particulier aux dépassements d'honoraires qui, au fil des ans, ont crû de manière très importante. Ils sont ainsi passés de 23 % à 45 % entre 1985 et 2005 selon la fondation Terra Nova. Pour certaines spécialités et certains territoires, il n'est d'ailleurs plus guère possible désormais d'avoir accès aux soins sans consulter un praticien qui facture des dépassements d'honoraires, remettant ainsi en cause le principe de la sécurité sociale.
Non seulement cette pratique génère une inégalité devant les soins en fonction des revenus, mais elle contribue également à une inflation des actes médicaux et chirurgicaux, souvent au détriment de la sécurité même des patients. Bref, cette politique du chiffre gangrène notre système de santé. Quoique exceptionnelle, la suspension d'activité d'un chirurgien cardiologue au CHR de Metz en raison de divers manquements – parmi lesquels des dépassements d'honoraires atteignant, selon la presse locale, 320 000 euros par an et de nombreuses irrégularités dans les procédures d'information préalable des patients – est l'une des dérives extrême de cette politique.
S'agissant du contrôle des dépassements d'honoraires, ne croyez-vous pas qu'un accroissement des moyens des ARS et du centre national de gestion des praticiens hospitaliers serait nécessaire et, à terme, bénéfique d'un point de vue économique et sanitaire ?
Monsieur Liebgott, il y a une confusion : le centre national de gestion s'occupe de la carrière des praticiens hospitaliers et des directeurs d'hôpitaux et ne joue aucun rôle dans la régulation des dépassements d'honoraires à laquelle vous faites allusion.
Ces derniers, ainsi que d'éventuels dérapages ou anomalies en ce domaine, relèvent, d'une part, de l'assurance maladie et, d'autre part, des différents conseils de l'ordre, qui prononcent respectivement des sanctions administratives si certaines démarches ne sont pas effectuées – je pense notamment au devis qui doit être réalisé lorsque le montant des honoraires, dépassement compris, atteint 70 euros – et des sanctions ordinales, en cas de manquements à la déontologie.
Je le répète : le centre national de gestion ne joue aucun rôle en ce domaine. Je rappelle à chacun des acteurs, l'assurance maladie et les conseils de l'ordre, au premier chef le conseil de l'ordre des médecins, leurs obligations en la matière.
Pour le groupe GDR, la parole est à Mme Martine Billard pour une première question.
Madame la ministre, ma question porte sur la situation de ces femmes qui se sont elles-mêmes dénommées « matermittentes ».
Il s'agit notamment d'intermittentes du spectacle dont l'assurance maladie exige, pour la prise en charge de leur congé de maternité, la même quantité d'heures travaillées que les femmes en CDI. Or, non seulement cela est impossible, précisément parce qu'elles sont intermittentes du spectacle, mais le nombre d'heures travaillées qui leur est ainsi demandé est supérieur à celui exigé par l'assurance chômage au titre des annexes VIII et X. Dès lors, ces femmes encourent une double peine. En effet, outre qu'elles n'ont pas droit à la rémunération de leur congé maternité, Pôle emploi refuse leur inscription au chômage et l'indemnisation de celui-ci au sortir de ce congé. J'ajoute qu'elles perdent ainsi également la validation de leurs trimestres pour la retraite. Elles subissent donc une triple peine.
Madame la ministre, pourriez-vous intervenir afin de trouver une solution à la situation invraisemblable de ces femmes, qui sont soit intermittentes du spectacle, soit en CDD, et dont l'emploi est donc discontinu ? Est-il besoin de préciser que si l'on prive ces femmes, dont les revenus sont faibles, de l'indemnisation de leur congé maternité, elles risquent de limiter le suivi médical de leur grossesse, faute de moyens ; il s'agit donc d'un problème de santé publique.
Madame Billard, vous soulevez une question très importante, mais celle-ci n'est malheureusement pas de mon ressort. Elle relève en effet du débat interrégimes, dont M. Woerth a la charge. Je lui transmettrai donc vos observations, et il étudiera la meilleure façon d'apporter à cette question une réponse adaptée.
Nous en venons aux questions du groupe Nouveau centre.
La parole est à M. François Rochebloine.
Madame la ministre, permettez-moi d'attirer une nouvelle fois votre attention sur la non-prise en charge par l'assurance maladie de l'agénésie dentaire multiple des adultes. Il y a déjà trois ans, je vous avais interrogée ici même sur ce dossier, car j'avais eu connaissance de cas lourds nécessitant des traitements très coûteux, que les familles ne pouvaient pas assumer.
Vous aviez alors bien voulu m'apporter des informations encourageantes, en m'indiquant que le processus de prise en charge se poursuivait, À l'époque, l'UNCAM venait de prendre la décision d'inscrire les actes destinés au traitement des agénésies dentaires multiples des enfants. Il s'agissait d'une première avancée, appréciée des familles et des associations. Hélas, et je parle ici sous le contrôle de mon collègue et ami Jean-Luc Préel, qui connaît très bien le dossier, il apparaît que son règlement n'est que partiel. Il est en effet paradoxal de constater que la pose d'implants chez l'adulte n'est toujours pas prise en charge systématiquement, alors que tout le monde s'accorde à dire qu'il est important que la mâchoire des patients ait pris sa morphologie définitive.
Les agénésies dentaires, qui sont notamment associées à des maladies rares, nécessitent la pose d'implants ou d'une prothèse amovible permettant d'améliorer sensiblement la vie des patients. Toutefois, il ne s'agit nullement de traitement de confort ; ces interventions sont indispensables.
Il est néanmoins encourageant que, le 28 septembre dernier, la Haute autorité de la santé se soit prononcée en faveur du remboursement de ces traitements pour adultes. Il revient, semble-t-il, à l'UNCAM de statuer à nouveau sur cette affaire. En attendant, signalons que des cas restent en attente de prise en charge ou ont fait l'objet d'un refus par les CPAM. Comment aider ces familles ou les personnes qui se trouvent confrontées à des coûts très élevés ? Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer dans quel délai la prise en charge complète de l'agénésie dentaire multiple pourra enfin être effective ?
Monsieur Rochebloine, vous avez apporté vous-mêmes les réponses aux questions que vous posez. (Sourires.) Je reprendrai donc certains des éléments de votre intervention.
L'assurance maladie prend évidemment en charge les traitements des enfants atteints d'agénésie dentaire totale ou partielle. Quant à la prise en charge des adultes, elle nécessite une évaluation préalable des actes par la Haute autorité de santé. Cette évaluation a été réalisée à ma demande, et l'avis, qui m'a été transmis en septembre dernier, est favorable au remboursement d'actes associés à la pose d'une prothèse amovible supra-implantaire chez les adultes atteints d'agénésie dentaire. Ainsi que vous l'avez excellemment dit, c'est l'UNCAM qui est le destinataire final de cet avis et qui prendra la décision de prise en charge de ces actes par l'assurance maladie.
Vous me demandez dans quel délai l'assurance maladie compte rendre sa décision. Je m'en informerai auprès d'elle et je vous ferai part de sa réponse.
Madame la ministre, je souhaiterais vous poser une question générale sur l'importance de la présence des médecins en milieu rural. Je sais que vous avez longtemps mis l'accent sur cette question, que vous connaissez bien et qui est l'une de vos principales préoccupations.
Sous l'impulsion de l'État, un certain nombre de collectivités territoriales se sont lancées, en relation avec des associations de patients et l'ordre des médecins, dans une démarche volontariste, afin de créer des maisons médicales en milieu rural. Celles-ci permettent d'offrir un accès aux soins aux populations qui en ont le plus besoin, dans des régions où les médecins partant à la retraite n'ont malheureusement pas de successeur.
Ma question est simple : quelles sont les impulsions que vous entendez donner, dans les mois qui viennent, à la création de ces maisons médicales – dont je rappelle qu'elles répondent à l'un des objectifs de la loi « HPST » –, afin d'assurer l'égalité dans l'accès aux soins aux populations en milieu rural ?
Monsieur Hunault, il s'agit d'une question extrêmement importante. La démographie médicale est en effet au coeur des préoccupations d'un certain nombre d'élus locaux, même si, contrairement à une idée reçue, notre pays est certainement l'un de ceux où la structuration de l'offre de soins sur le territoire est la plus harmonieuse. Loin de moi l'idée de nier les difficultés, mais, actuellement, la médecine générale est certainement le service au public le mieux réparti sur le territoire, en raison des politiques qui sont menées et du fait que la démographie médicale est moins en péril que dans d'autres pays européens.
Néanmoins, nous paierons, dans les années à venir, le numerus clausus calamiteux décidé au début des années 1990, lorsque l'on pensait que l'on pourrait résoudre le problème des dérives de l'assurance maladie en menant des politiques malthusiennes. On voit ce qu'il en est : nous rencontrons un véritable problème d'offre de soins sans avoir pour autant maîtrisé les dépenses d'assurance maladie.
Nous nous sommes donc lancés dans une politique extrêmement ambitieuse, en partant des observations des professionnels de santé eux-mêmes, notamment de la volonté des jeunes médecins d'avoir d'autres modes d'exercice. Ceux-ci aspirent notamment à un exercice en groupe et, surtout, pluridisciplinaire, car ils souhaitent pouvoir avoir des échanges sur des pratiques de plus en plus complexes, prendre en charge de nouvelles modalités d'exercice, notamment la prévention et l'éducation thérapeutique, et bénéficier d'une meilleure qualité de vie.
Nous avons donc mené une politique active de soutien à cet exercice pluridisciplinaire en maison de santé, que ce soutien soit financier ou méthodologique. Je voudrais en effet que, au sein de chaque agence régionale de santé, une petite équipe soit capable d'appuyer les projets car, lorsqu'on les interroge, les porteurs de projet répondent que c'est ce soutien méthodologique qui leur manque le plus.
Vous avez évoqué l'implication des élus dans ce domaine. Ces derniers, je le rappelle, doivent agir en appui, et seulement ainsi. Un projet de maison médicale n'est jamais porté par des élus, mais par des professionnels de santé.
Je pense à des maisons de santé pluridisciplinaire mais aussi à des projets hors les murs, réseaux et pôles de santé.
À chaque fois qu'un projet sera porté uniquement par des élus, il sera voué à l'échec. Les professionnels de santé portent le projet, l'ARS les aide à finaliser ce projet, notamment au moyen d'un travail de cartographie et d'évaluation des territoires, enfin seulement les élus viennent en appui, la coordination ayant vocation à être assurée par l'agence régionale de santé.
Madame la ministre, je veux appeler votre attention sur la mise en oeuvre de la loi du 21 juillet 2009, tout particulièrement sur les ARS.
En concentrant l'essentiel des pouvoirs dans les mains des directeurs des agences régionales de santé, la loi a provoqué deux changements concrets : d'une part, l'éloignement de la décision du terrain et sa centralisation à l'échelon régional, loin des réalités et des spécificités de chaque territoire ; d'autre part, la confusion du sanitaire et du médico-social dans un seul champ de réflexion et d'action avec, en arrière-plan, le souci de gérer la pénurie de financements et d'uniformiser les territoires à une échelle désormais régionale, au risque de pénaliser les départements qui, pour certains, ont accompli de gros efforts d'équipement.
Je prendrai pour exemple l'accueil et la prise en charge des personnes âgées dépendantes.
Les ARS décident – parfois sans concertation, comme c'est le cas en Vendée, où je suis élue – de ne pas médicaliser les nouvelles places en EHPAD, pourtant autorisées par l'État dans le cadre des projets de création ou d'extension. Plus étonnant encore, les ARS décident de ne pas financer ou de reporter les conventions prévoyant les moyens de fonctionnement sur cinq ans de nombreux établissements.
Ces décisions soudaines et unilatérales des ARS risquent d'avoir des conséquences graves. Ce sont, à mon sens, des décisions incohérentes, puisque les établissements qui avaient été autorisés par l'État à recruter des personnels soignants se trouvent aujourd'hui dépourvus des moyens suffisants pour les rémunérer. Ce sont également des décisions inquiétantes, car elles réduisent la capacité des établissements à prendre en charge les personnes âgées dépendantes dans les conditions de soins, de sécurité et de confort que justifie leur état de santé. Enfin, ce sont des décisions qui tournent le dos à l'avenir, car elles remettent en cause la pérennité des projets de construction ou d'extension de nombreux établissements dont la mise en oeuvre est déjà très avancée, voire achevée.
En définitive, c'est la crédibilité de l'État qui se trouve mise en question vis-à-vis des personnes âgées et de leurs familles. Tant que cette question n'aura pas été tranchée, je ne vois pas comment les conseils généraux pourront s'engager dans les nouvelles procédures d'appels à projet.
C'est pourquoi, madame la ministre, je souhaite savoir de quels moyens l'État compte se doter pour tenir ses propres engagements, c'est-à-dire, d'une part, pour garantir aux établissements accueillant des personnes âgées la continuité d'une médicalisation suffisante afin d'assurer des soins et un accompagnement de qualité pour leurs résidents ; d'autre part, pour médicaliser, conformément aux engagements pris, les nouvelles places autorisées par l'État et par les conseils généraux et répondre ainsi aux besoins des personnes âgées et de leurs familles.
Je rappelle d'abord que le concept des agences régionales de santé s'inscrit dans un processus de déconcentration. Le système de santé français est un système régalien, où les décisions sont prises dans le bureau du ministre de la santé d'une part, du directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie d'autre part. On qualifie souvent d'étatique la gestion de certains dossiers publics, mais s'il est un domaine où la gestion est vraiment centrale – « parisienne », comme on le dit souvent –, c'est bien celui de la santé.
Le rôle des agences régionales de santé est justement de déplacer le niveau d'intervention du bureau du ministre ou du directeur de la CNAM vers un échelon territorial. N'oubliez pas d'où nous sommes partis ! On peut toujours discuter de la pertinence de l'échelon de déconcentration, mais cela ne me paraît guère justifié : si, lors du débat sur la loi HPST, certains ont contesté les modalités de l'ARS, il y a eu, en revanche, consensus sur l'idée que la région était, à l'évidence, le bon niveau pour gérer les problèmes territoriaux et territorialiser les politiques de santé, ni trop, ni trop peu.
Sur ce point, le débat me paraît donc clos.
Pour ce qui est de la confusion que vous évoquez entre sanitaire et médico-social, je vous rappelle qu'après la territorialisation, le deuxième concept ayant présidé à la création des agences régionales de santé est celui de décloisonnement, sujet sur lequel, là encore, tout le monde s'était accordé lors des débats.
Nous avons le taux d'occupation des lits de court séjour le plus faible d'Europe et une surcapacité en MCO, avec des taux d'occupation compris entre 30 % et 50 %, alors que le besoin d'accueil des personnes âgées et des personnes handicapées, dont vous vous préoccupez à juste titre, ne cesse d'augmenter. Dès lors, il importe d'optimiser les moyens : c'est pourquoi nous avons inscrit, au coeur de la loi, le principe de fongibilité asymétrique : on peut toujours prendre des crédits du court séjour ou du sanitaire pour les affecter au médico-social, mais l'inverse est impossible. Le décloisonnement est donc au coeur de la logique des agences régionales de santé.
Certes, il peut toujours y avoir des difficultés ou des incompréhensions sur tel ou tel sujet précis – les ARS ayant été mises en place au 1er avril dernier, il est inévitable qu'il y ait, de temps à autre, quelques grincements dans le dispositif – et je serai toujours disposée à examiner les dossiers sur lesquels on attirera mon attention, même si je ne peux m'empêcher de trouver un peu curieux que vous en appeliez au ministre pour régler certains problèmes locaux, alors même que vous dites souhaiter la déconcentration et la territorialisation !
En résumé, ces deux principes fondamentaux que sont d'une part la territorialisation par la déconcentration régionale, d'autre part le décloisonnement, sont de bonne gestion et font quasiment l'unanimité sur ces bancs.
Madame la ministre, si les tendances démographiques récentes se maintiennent, la France métropolitaine comptera 73,6 millions d'habitants au 1er janvier 2060. Le nombre de personnes de plus de soixante ans augmentera, à lui seul, de plus de 10 millions. Ces tendances, qui ressortent d'une récente étude de l'INSEE, doivent conduire notre pays à ne pas attendre plus longtemps pour agir. D'où ma question, portant d'une part sur la méthode et les moyens dont l'État entend se doter dans ce but, d'autre part sur le rôle que les conseils généraux sont appelés à jouer dans cette perspective.
En effet, je suis assez inquiète devant les réformes successives qui s'opèrent ou s'annoncent sans que rien ne soit dit au sujet des moyens financiers et humains sur lesquels nous pourrons compter. Un jour, la CNSA annonce qu'elle va mettre en oeuvre une nouvelle pondération des critères de répartition du concours versé aux conseils généraux au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie, qui risque de pénaliser les bons élèves, c'est-à-dire les départements qui, depuis des années, ont consenti des efforts considérables pour proposer aux personnes âgées des services à domicile et des établissements d'hébergement de qualité. Un autre jour, l'agence régionale de santé annonce qu'elle envisage de passer par pertes et profit plusieurs centaines de places en EHPAD autorisées, mais qui attendent d'être médicalisées, et refuse de signer les conventions tripartites garantissant aux établissements leurs moyens de fonctionnement pendant cinq ans. Dans le même temps, on nous demande de nous impliquer dans les premiers appels à projets, alors même que les ARS n'ont pas encore arrêté leur projet régional de santé ni les schémas régionaux qui en découlent.
Qu'il faille engager un véritable effort de maîtrise des dépenses d'assurance maladie, nous en convenons tout à fait, mais cela ne doit pas se faire au prix d'une uniformisation des territoires et d'un regroupement à marche forcée des associations et des organismes prestataires d'aide et de soins qui maillent nos territoires et garantissent un service de proximité ; pas au prix non plus de l'appauvrissement des personnes âgées, qui ont souvent de petites retraites et auxquelles nous devons maintenir, quoi qu'il arrive, l'accès à un service de qualité et à un coût raisonnable en rapport avec leurs modestes ressources ; pas au prix, enfin, de l'étouffement des départements, qui ont un rôle essentiel à jouer pour garantir l'égal accès des personnes âgées et handicapées à des services et de soins de qualité proches de chez elles.
Ce rôle, c'est la loi qui l'attribue aux départements, mais pourrons-nous continuer à le jouer demain ? Le cas échéant, avec quels moyens ? Je vous remercie de bien vouloir nous faire connaître votre sentiment à ce sujet.
Certaines de vos questions, en particulier celles relatives à la CNSA, trouveront réponse auprès d'Éric Woerth et Nora Berra et je tiens à répéter que la loi du 21 juillet 2009 ne vient pas percuter les responsabilités des départements : elle établit simplement de nécessaires coordinations. C'est d'ailleurs pourquoi il existe, au sein des ARS, deux structures de coordination ayant pour but d'établir des plates-formes entre les décideurs politiques.
La structure de coordination sur les politiques de prévention joue un rôle essentiel, car les acteurs de la prévention ne sont pas seulement les acteurs sanitaires au sens strict, c'est-à-dire dans le sens du ministère de la santé et des administrations de la santé ; je pense en particulier à la santé au travail ou à la santé scolaire. L'autre plate-forme assure la coordination entre les acteurs portant les politiques sociales : les départements, les communes et les intercommunalités, ces dernières portant souvent les politiques sociales.
Nous voulons respecter chacun dans ses prérogatives, mais aussi faire en sorte que des coordinations encore inexistantes puissent s'établir dans les meilleures conditions. Là encore, des difficultés peuvent se présenter de temps à autre sur ce nouveau chemin que vient d'ouvrir la loi, mais c'est la seule façon d'optimiser des crédits qui, même s'ils sont de plus en plus importants, ne seront jamais suffisants aux yeux des différents acteurs.
Madame la ministre, la question de la démographie médicale et de la résorption des inégalités territoriales, donc de l'offre de soins, est abordée dans le projet de loi de finances, qui prévoit heureusement le financement des premiers contrats d'engagement de service public dont peuvent bénéficier, dès cette rentrée, quatre cents étudiants ou internes en médecine. Cette mesure, dont il faudra évidemment évaluer les effets, vise à inciter les médecins généralistes à s'installer dans les zones sous-dotées. En cela, elle est bienvenue, tout comme l'augmentation du numerus clausus.
Je veux surtout attirer votre attention sur la question de l'accès aux médecins spécialistes, caractérisé par des disparités tout aussi criantes, qui se traduit souvent par des délais de consultation beaucoup trop longs, parfois même par des constats de carence. C'est le cas en Auvergne, où l'on ne compte que 139 spécialistes pour 100 000 habitants – contre 174 pour 100 000 au niveau national –, en particulier dans le Cantal, où cette proportion n'est que de 106 pour 100 000 habitants, ce qui pose évidemment des problèmes importants, notamment en cardiologie, en psychiatrie ou en orthophonie.
J'aimerais donc savoir s'il est effectivement prévu, comme j'ai cru le comprendre, que les contrats d'engagement de service public soient ouverts aux médecins spécialistes. Si tel est le cas, comme je l'espère, il faudrait sans doute envisager d'en augmenter le nombre.
Je vous remercie, monsieur Descoeur, pour cette question qui m'a déjà été posée lors du débat et à laquelle je n'avais pas pu répondre. Ce fut le cas de plusieurs questions, notamment de celle de Mme Marc, qui m'en a fait la réflexion tout à l'heure ; et je vais tenter d'y remédier aujourd'hui.
Aucun contrat d'engagement de service public n'est signé pour le moment. Des appels à candidature ont été lancés au mois de septembre par les agences régionales de santé. Un comité de sélection examine les candidatures recueillies ; la décision sera ensuite notifiée aux étudiants, lesquels disposeront d'un mois pour retourner leur contrat signé. Il s'agit d'une bourse de 1 200 euros par mois, deux cents bourses étant attribuées aux étudiants et deux cents autres aux internes. Bien entendu, nous tiendrons compte des besoins des territoires en médecins généralistes et en médecins spécialistes. Les premiers contrats devraient être signés avant la fin du mois de novembre, c'est-à-dire dans les quatre semaines qui viennent.
Madame la ministre, le rapporteur de la commission des affaires sociales, Rémi Delatte, a évoqué la répartition des médecins sur le territoire, soulignant qu'elle n'était pas satisfaisante. Je veux, quant à moi, aborder celle des pharmacies, à l'avenir.
La loi HPST confie aux pharmaciens un certain nombre de missions de santé publique. Le réseau pharmaceutique est bien organisé jusqu'à présent sur le territoire avec une répartition géographique très satisfaisante qui, du fait des textes que nous avons votés et s'agissant notamment des modalités de transfert et de fusion, a certainement encore été améliorée.
Par contre, à la suite des mesures efficaces décidées lors des derniers PLFSS afin de réduire la dépense en médicaments – baisse des prix, déremboursements, diminution des prescriptions – un nombre croissant d'officines rencontre des difficultés, un nombre très important d'entre elles a une trésorerie négative et le nombre d'officines en procédure – sauvegarde, règlement et liquidation judiciaire – a été multiplié par cinq en cinq ans. On en compte plus de deux cents au 15 octobre.
On l'a vu, avec la montée en charge des génériques, le pharmacien peut être un acteur efficace de la réduction de la dépense. L'arrêté des marges régissant le prix des médicaments datant de 2000 qui a été pris dans un contexte d'augmentation des prix et des volumes n'est plus adapté à la situation actuelle. Ne serait-il pas judicieux de réfléchir avec la profession à un nouveau mode de rémunération concernant la délivrance des médicaments remboursés ? Il s'agit de stopper la dégradation qui entraîne la fermeture de deux officines par semaine, phénomène qui menace à terme une bonne répartition des officines sur le territoire. Ce mode de rémunération serait davantage encore déconnecté du chiffre d'affaires et plus lié à l'acte pharmaceutique. Cela devrait pouvoir se faire sans surcoût pour l'assurance maladie et devrait même permettre de faire des économies.
(M. Marc Laffineur remplace M. Maurice Leroy au fauteuil de la présidence.)
Monsieur Heinrich, le tableau n'est peut-être pas aussi noir que vous le dites. Actuellement, nous comptons, en effet, onze procédures de redressement judiciaire et nous avons enregistré six fermetures de pharmacies sur l'année 2009. Certaines officines sont en grandes difficultés, c'est vrai, mais ce n'est pas la caractéristique de l'ensemble de la profession, dont la rémunération globale est beaucoup plus élevée que celle d'un médecin généraliste, par exemple.
Cela étant, il est indispensable de prendre en compte les difficultés existantes car notre maillage pharmaceutique, le plus resserré d'Europe, est l'une des richesses de notre pays. Je souhaite donc qu'il soit respecté même si, à l'évidence, certaines pharmacies n'ont pas atteint le seuil critique qui permet de gérer une pharmacie de façon moderne et d'en tirer la rémunération justement attendue par des professionnels de grande qualité.
C'est la raison pour laquelle nous avons engagé un dialogue extrêmement fructueux avec les professionnels pharmaciens. Une réunion s'est d'ailleurs tenue le 25 octobre dernier. Nous étudions les diverses propositions qui ont été envisagées. Je peux citer dans les pistes de réflexion à court terme la revalorisation les indemnités de garde, qui serait favorable aux officines rurales, la dispensation des traitements de substitution, les forfaits par grands conditionnements, la mise en place d'un capi-pharmacien pour favoriser la substitution, l'expérimentation des nouvelles missions confiées aux pharmaciens, comme la loi HPST en a posé le principe.
Parmi les pistes visant le moyen terme, on peut noter une plus grande implication des pharmaciens dans la maîtrise médicalisée dans les EHPAD, l'étude d'un fonds de soutien pour financer des contrats de service public entre les agences régionales de santé et les officines en difficulté dans les zones sous-denses. Il faudrait engager une réflexion pour remodeler profondément la rémunération du pharmacien.
Dans le cadre des discussions que nous avons eues avec les pharmaciens, nous avons rappelé qu'ils ont bénéficié cette année de l'impact positif de la réforme de la taxe professionnelle : 60 millions d'euros, dès cette année. Nous avons aussi mentionné les conclusions du rapport de l'IGAS qui font apparaître que l'expérimentation de la réintégration du médicament dans le forfait de soins des EHPAD devait être mise en oeuvre. Cela est également ressorti de la discussion du PLFSS ; vous en avez voté le principe que vous consacrerez sans doute dès cet après midi.
Les représentants des officines ont d'ailleurs bien compris que, au regard de la situation budgétaire, toute mesure de revalorisation doit être gagée. Mes objectifs sont simples : maintenir le maillage officinal dans les zones sous-denses, favoriser la restructuration du réseau dans les zones sur-denses. Il suffit d'observer la localisation des différentes pharmacies dans les rues adjacentes à l'Assemblée nationale pour se persuader qu'on a peut-être des marges de manoeuvre ! Dernier objectif, enfin, impliquer davantage les officines dans les efforts de maîtrise médicalisée. Nous poursuivons nos travaux avec les syndicats et je suis sûre que ceux-ci seront fructueux.
Madame la ministre, l'ARS d'Auvergne est sur le point de signer onze contrats d'engagement de service public avec des étudiants en médecine qui s'installeront dans les cantons les plus désertifiés en termes de démographie médicale. Ils s'engageront pour les périodes correspondant au nombre d'années aidées pendant leur cursus. Toutefois comment rendre ensuite plus attractive encore leur présence avec les soins infirmiers, notamment, car ceux-ci permettent de maintenir à domicile des personnes âgées ou fragiles, maintien déclaré objectif national ? Les médecins libéraux sont également sollicités pour accepter les fonctions de médecins coordonnateurs dans les EHPAD publics ou privés, à la suite des conventions tripartites. Comment mieux les convaincre d'accepter ces fonctions ?
Les ARS ont reçu des pouvoirs très importants. Leurs responsabilités sont grandes. Ont-elles les moyens humains de les assumer, notamment pour doter leur délégation territoriale, qui assure le lien de proximité en particulier avec les EHPAD ? La délégation de la Haute-Loire n'a pu notifier la dotation soins 2010 de l'EHPAD de ma commune que le 25 octobre dernier. Et elle est identique à celle de 2009.
Je me suis déjà longuement exprimé sur les contrats de service public, en répondant à Vincent Descoeur. C'est l'un des moyens de rendre plus attractive la filière médicale, tout spécialement celle de médecine générale. Le problème est très vaste, en effet, et ne peut être résolu par une seule solution.
La question est de savoir si ces médecins, qui seront à la main des ARS dans les zones sous-denses, seront incités à rester dans ces zones. On peut penser que, lorsqu'un médecin aura exercé trois, quatre ou cinq ans dans un territoire, il découvrira les charmes de ces zones rurales ; ainsi votre région est extrêmement belle, monsieur Proriol. (Sourires.)
Plaisanterie mise à part, il faut aller vers une restructuration importante de l'exercice de la médecine. Cela commence par l'exercice pluridisciplinaire : les jeunes médecins ne veulent plus être isolés dans leur pratique médicale. Je vais vous redire cette citation que j'ai plaisir à répéter de ce jeune médecin, fils lui-même de médecin : mon père n'avait qu'une peur, c'est qu'un médecin vienne s'installer en face de chez lui ; moi, je n'ai qu'une crainte, c'est que le médecin qui est en face de chez moi parte.
C'est une révolution culturelle dans l'exercice médical. Les médecins souhaitent travailler en groupe, avoir la possibilité d'échanger, de coopérer avec les autres professionnels de santé : pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, acteurs du secteur social et médico-social. Cela est nécessaire si l'on veut faire de l'éducation thérapeutique, de la prise en charge sociale, de la prévention. Cet exercice pluridisciplinaire favorise la coopération de tâches et la libération de temps médical. Tous les outils que nous avons mis en oeuvre dans la loi HPST permettront de retrouver l'attractivité pour l'exercice de la médecine libérale.
En attendant, il est évident que nous allons traverser des années extrêmement difficiles. Je le répète, la démographie médicale ne se redressera qu'à partir de 2025. Ce n'est qu'à compter de cette date que les effets bénéfiques de l'augmentation du numerus clausus se feront sentir. Nous en sommes à 7 500 étudiants par an contre 3 000.
Monsieur Proriol, je ne peux pas faire sortir les médecins de terre. Je le voudrais mais cela est totalement impossible. Pendant les quinze ans à venir, il va donc nous falloir gérer la pénurie. Sauf à dégarnir des pays déjà en grande difficulté médicale, ce qui est éthiquement insupportable, c'est par les moyens que j'ai prévus dans la loi HPST que nous trouverons les ressources nécessaires.
Nous en revenons aux questions du groupe SRC.
La parole est à Mme Catherine Génisson.
Ma question porte sur les dépassements d'honoraires abusifs, même si, pour beaucoup, ce sujet concerne la négociation conventionnelle.
Nous constatons, en effet, que 40 % des médecins en secteur 2 – c'est-à-dire des spécialistes – pratiquent des dépassements d'honoraires et que, entre 1985 et 2005, ceux-ci sont passés de 23 % à 45 %. Or ces chiffres statistiques recouvrent une réalité complexe. Je souligne cependant que les dépassements abusifs ne sont pratiqués que par une minorité.
Pour autant, ces dépassements d'honoraires posent des problèmes à nombre de nos concitoyens, les éloignent des soins quand ils ne les empêchent pas d'accéder aux soins primaires. Sont concernés ceux qui sont éligibles à la CMU complémentaire, qui ne peuvent faire face à des dépassements et auxquels on refuse parfois des soins, mais aussi ceux qui bénéficient d'une complémentaire et qui subissent des augmentations importantes de tarifs du fait précisément de ces dépassements. On note une inégalité devant les soins pour ceux qui n'ont pas de complémentaire et qui ont donc beaucoup de difficulté à honorer ces dépassements.
Madame la ministre, une négociation portant sur le secteur optionnel se met lentement en place et trois spécialités seulement sont concernées, le plateau technique, la chirurgie et l'anesthésie. Je le rappelle, il s'agit de plafonner les dépassements d'honoraires en contrepartie de la participation aux prestations sociales des médecins choisissant le secteur optionnel.
Néanmoins ne risque-t-il pas d'y avoir un effet pervers puisque, paradoxalement, ce sont ceux qui dépassent le moins qui bénéficient de ces prestations ? En outre, la négociation conventionnelle semble difficile à démarrer après les nouvelles élections professionnelles. Au-delà de la négociation, le Gouvernement a-t-il l'intention de prendre des mesures par voie législative pour régler ce problème très grave pour nos concitoyens ?
Madame Génisson, je rappelle que nous disposons déjà d'un arsenal extrêmement important pour réguler les dépassements d'honoraires. Merci d'avoir souligné que les comportements erratiques, et condamnables, n'étaient pas le fait de la majorité des professionnels de santé, des médecins. Insistons aussi sur le fait qu'ils s'élèvent pour la plupart à un ou deux euros, et qu'ils s'effectuent donc dans une limite très raisonnable.
Deuxième point : je rappelle qu'il est interdit à un praticien de faire porter un dépassement d'honoraires sur un bénéficiaire de la CMU ou de l'AME. Si on le fait, on est dans l'illégalité. Il n'y a donc pas besoin d'une mesure législative : il faut faire respecter la loi ! Si un bénéficiaire de la CMU et de l'AME se voit infliger un dépassement d'honoraires, le praticien doit être sanctionné.
Troisième point : c'est le rôle de l'assurance maladie, qui le fait d'ailleurs, d'indiquer aux personnes, à travers un certain nombre de points d'information, les professionnels qui effectuent leurs actes sans dépassement d'honoraires. Chacun doit être en mesure, en s'adressant à sa caisse primaire d'assurance maladie, d'avoir les coordonnées d'un professionnel qui délivre ses actes à tarif remboursable.
Ensuite, nous avons instauré un certain nombre de dispositifs qui doivent être respectés, comme l'obligation d'affichage en cas de dépassement d'honoraires. Vous me demandez des mesures législatives, mais celles-ci existent ! Encore faut-il les faire respecter, bien entendu.
L'information est obligatoire à partir d'un montant d'honoraires de 70 euros, dépassement compris, comme nous en avons largement discuté à l'occasion du PLFSS. Vous avouerez que ce chiffre est relativement bas. On ne doit imposer à nos professionnels de santé de la paperasserie en plus, celle-ci ayant déjà tendance à devenir envahissante.
Nous avons, bien entendu, renforcé le dispositif visant à prononcer des sanctions, à travers le rôle de l'assurance maladie et du conseil de l'ordre, chacun ayant été appelé à prendre ses responsabilités.
Vous ouvrez par ailleurs un autre débat, celui du secteur optionnel, qui est un moyen de réguler et d'affronter ces dépassements d'honoraires, dans le respect du rôle de chacun des acteurs. Le rapport d'étape laissait des zones d'ombre importantes, en particulier s'agissant du rôle des organismes complémentaires qui seraient appelés à couvrir ces dépassements d'honoraires. La négociation conventionnelle va reprendre dans quelques semaines. J'espère qu'elle aboutira à des propositions concrètes et respectueuses du droit des assurés.
Madame la ministre, je veux vous interroger sur la situation des hôpitaux en Martinique, particulièrement des hôpitaux de médecine, chirurgie, obstétrique.
Vous êtes venue aux Antilles, vous avez vu, vous vous êtes rendu compte. Vous avez, ainsi que des membres de votre cabinet, reçu à deux reprises des élus, des parlementaires et des représentants d'organisations syndicales qui vous ont fait part de leur préoccupation, voire de leurs inquiétudes quant à la situation des hôpitaux de la Martinique.
Madame la ministre, sans méconnaître les difficultés, force est de constater que votre budget n'est pas de nature à rassurer les acteurs de la santé, particulièrement ceux de la Martinique.
Par ces temps de crise, tout un chacun peut comprendre la nécessité de rationaliser les moyens financiers et budgétaires, mais il y a des urgences. La santé des Français de l'hexagone et des ultramarins ne saurait être sacrifiée au profit de l'équilibre budgétaire.
L'ARS de Martinique prépare un projet médical de territoire qui peut être une manière de mutualiser les moyens et les énergies, mais il ne saurait avoir pour finalité et vocation de ramener les programmes et actions de santé aux moyens octroyés, quand on sait que ceux-ci sont nettement insuffisants. C'est là une source d'inquiétude dans nos régions ultramarines, plus particulièrement en Martinique.
Ce ne sont pas les 36 millions, au lieu des 18 millions initialement prévus, pour la reconstruction du plateau technique du CHU de Fort-de-France, qui vont résoudre tous les problèmes que rencontrent les hôpitaux de Martinique. Quid des créances irrécouvrables ? Quid du coefficient géographique, ô combien important pour la Martinique ?
Madame la ministre, vous le savez, nos populations sont vieillissantes, fragilisées par un certain nombre de maladies – cancers, AVC, Alzheimer –, exposées aux accidents climatiques, à diverses épidémies telle la dengue, aux pollutions dangereuses comme la chlordécone, sans oublier le contexte d'appauvrissement social.
Rien ne se fera sans une volonté politique forte de votre Gouvernement pour venir en aide à nos malades et assurer la pérennité des moyens de gestion des établissements publics hospitaliers de nos territoires.
Vous avez entendu tout à l'heure Mme Jeanny Marc, qui vous a rappelé la situation de la Guadeloupe.
Plus qu'un engagement fort, plus qu'une démarche dérogatoire, ne pensez-vous pas qu'il faudrait un véritable plan Marshall pour sortir durablement l'hôpital public des difficultés dans lesquelles il se trouve actuellement en Martinique ?
Je regrette, monsieur le député, que vous n'ayez pas été là lors du débat sur le PLFSS, car vous posez des questions relevant de la loi de financement de la sécurité sociale et non du PLF.
C'est dommage : vous consacrez votre temps de parole à des sujets sur lesquels j'ai déjà répondu, alors que je n'ai pas répondu aux sujets relevant du PLF qui ont été évoqués par Mme Marc. Je suis désolée de cette mauvaise structuration du débat et vous demanderai donc une minute supplémentaire, monsieur le président, pour répondre aux questions de Mme Marc sur le chlordécone.
Vous avez tout le temps que vous voulez, madame la ministre ! (Sourires.)
Je répète à l'intention de M. Manscour que, à travers le plan santé outre-mer, nous portons une attention tout à fait particulière aux départements des Antilles, lesquelles bénéficient d'un financement par tête d'habitant très supérieur à la métropole, ce qui est d'ailleurs tout à fait légitime.
Le plan « Santé outre-mer » est structuré autour de six grands axes.
Il y a d'abord la formation, la recherche et les risques naturels. À cet égard, les risques sismiques nous amènent à des financements extrêmement importants, étant donné les menaces identifiées en Guadeloupe et en Martinique. Des enveloppes spécifiques sont prévues à cet effet.
Il y a également la continuité territoriale, avec le développement de la télémédecine et de la téléformation.
Il y a ensuite – c'est le problème que vous soulevez – les difficultés financières, avec le financement des activités de recours et des activités isolées. Une étude est d'ailleurs en cours pour objectiver les besoins de financement dans cet ordre : le financement des créances irrécouvrables, avec la reconduction en 2010 du même effort que celui qui avait été fait en 2009 ; le financement des surcoûts liés à la charge des personnes en précarité ; le coefficient géographique. J'ai demandé une nouvelle procédure, à partir de la méthodologie définie par le ministère. Elle doit être initiée au niveau des ARS dans le courant du premier trimestre 2011.
Nous menons donc tout un effort de restructuration qui est fait, auquel j'ajoute évidemment – c'est le sixième axe – le développement de la coopération interrégionale et internationale.
Enfin, nous avons pris des mesures de santé publique comme celles qui concernent la drépanocytose, mais également le chlordécone, sujet effectivement très important, sur lequel je vais fournir à Mme Marc des éléments de réponse.
Nous avons mis en place en 2008 un plan d'action avec les ministres chargés respectivement de l'agriculture, de l'écologie et, évidemment, de l'outre-mer. Il comporte des mesures qui améliorent la qualité de l'alimentation et des milieux, avec la surveillance de l'environnement et de l'état de santé de la population, la réduction de son exposition au chlordécone, des mesures d'accompagnement pour les agriculteurs et l'amélioration de la surveillance des sols et des produits des jardins familiaux.
La transparence de l'information est aussi une priorité ; elle permet à la population antillaise d'accéder à toutes les informations utiles sur l'état de l'environnement. Un bilan de ce qui a été fait en 2008 et 2009 est disponible ; vous pouvez y accéder à partir du site internet du ministère de la santé.
Des mesures ont été prises concernant les denrées alimentaires. Les valeurs limites en chlordécone dans les aliments ont été réduites à 20 microgrammes par kilo de poids frais. Les légumes sensibles à la contamination par le chlordécone ne sont cultivés que sur des sols sains ou dont le niveau de contamination est compatible avec la culture. La pêche a été interdite dans l'ensemble des rivières affectées par la pollution, de même que la consommation des poissons et des crustacés. Les contrôles ont été renforcés.
S'agissant des personnes qui s'alimentent à partir de leur jardin et consomment beaucoup de légumes racines, qui concentrent le chlordécone, des équipes d'enquêteurs recrutés dans le cadre du programme des jardins familiaux proposent des analyses de sol et des solutions pour réduire l'exposition.
Des études se poursuivent sur la contamination de l'environnement par le chlordécone et ses effets sur les organismes vivants et la santé humaine. Je comprends l'inquiétude de la population devant les résultats de l'étude Karuprostate, qui tend à montrer un lien entre les cancers et l'exposition au chlordécone. Comme vous le savez, les avis des professionnels de santé et des spécialistes de ces questions sont extrêmement partagés sur le dépistage systématique du cancer de la prostate, qui peut amener une dégradation de la santé. Il faut donc faire extrêmement attention. Je propose qu'il soit procédé au dépistage, mais sur la base du volontariat : il ne s'agit en aucun cas de l'imposer.
Les concertations locales se poursuivent ; elles ont été organisées les 30 septembre et 4 octobre derniers en Martinique et en Guadeloupe. Elles indiquent la nécessité de pérenniser certaines actions concernant le registre des cancers, la mise en oeuvre d'une surveillance pérenne de l'état de l'environnement, la traçabilité des denrées alimentaires, la relance de la production locale, ainsi que l'examen d'un dispositif d'aide aux professionnels concernés par cette contamination. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de poursuivre ce plan contre la pollution au chlordécone. M. Didier Houssin, responsable de ce plan, a été confirmé dans ses fonctions.
Nous en revenons au groupe GDR.
La parole est à Mme Martine Billard, pour une deuxième question.
Madame la ministre, ma question porte sur la formation des infirmiers anesthésistes. J'espère ne pas me tromper en pensant que cette question entre dans le budget de la santé. (Sourires.)
Vous savez, car vous connaissez bien le dossier, que les infirmiers anesthésistes ont une formation spécifique. Ils reçoivent d'abord la formation d'infirmier pendant trois ans. Ensuite, il faut qu'ils travaillent pendant deux à trois ans en tant qu'infirmiers avant de pouvoir suivre la formation de spécialité en anesthésie pour deux ans.
Ils ont donc au total cinq ans de formation, ce qui correspond au niveau master mais, à l'heure actuelle, cette formation n'est pas reconnue en tant que bac + 5. Plus grave, surtout, il semble que, de plus en plus, les formations publiques soient fermées. Ceux qui souhaitent suivre cette formation sont obligés de se rabattre sur des formations payantes dont le montant s'élève à 50 000 euros, ce qui n'est pas accessible à grand monde, sauf à passer un accord avec des établissements privés qui acceptent de payer la formation contre l'engagement pour les personnes concernées d'aller ensuite travailler dans les établissements privés, notamment les cliniques.
Ma question est donc la suivante : pensez-vous qu'il est fondamental de maintenir des formations publiques et des infirmiers anesthésistes spécialisés en tant que tel dans les hôpitaux, notamment les hôpitaux publics ? On sait que, aux États-Unis par exemple, c'est une spécialité qui a peu à peu disparu, avec un morcellement de la fonction.
Quelle est la vision du Gouvernement de la place des infirmiers anesthésistes à l'hôpital ? Que pensez-vous de la nécessité d'avoir des formations qui ne soient pas seulement privées, avec les conséquences que cela peut avoir, c'est-à-dire de voir les infirmiers déserter l'hôpital public parce qu'ils ont été obligés d'accepter un financement du secteur privé ?
Je veux rassurer Mme Billard en lui disant mon attachement à la formation spécifique d'infirmier anesthésiste et ma volonté que cette formation soit publique. D'ailleurs, le travail que j'ai mené avec les infirmiers anesthésistes tout au long des mois qui viennent de s'écouler va dans ce sens.
D'abord, j'ai pris l'engagement formel de porter leur formation au niveau master. Or un master, ce n'est pas simplement une durée d'études ; c'est aussi un contenu et la formalisation d'une maquette d'études. Ce n'est pas parce que l'on suit une formation pendant trois ans que l'on a un niveau licence.
La maquette de la formation des infirmiers généralistes a ainsi été profondément renouvelée pour porter ce diplôme au niveau licence. Nous avons souhaité que les infirmiers entrés avec un diplôme qui n'était pas de niveau universitaire puissent bénéficier des mêmes avantages salariaux et des mêmes avantages de carrière, mais on ne peut pas dire pour autant que leur diplôme ait été porté au niveau licence. Un diplôme, c'est à la fois une durée et un contenu.
Le travail sur le contenu de la maquette de formation n'est d'ailleurs pas mené d'abord par le ministère de la santé : si nous apportons – et c'est heureux – notre savoir et notre expérience, c'est le ministère de l'enseignement supérieur, chargé des diplômes universitaires, qui conduit ce travail.
Je me suis engagée formellement envers les infirmiers anesthésistes : leur diplôme sera porté au niveau master. Un groupe de travail se réunit actuellement sous la responsabilité de Mme Valérie Pécresse, afin d'adapter la formation aux exigences d'une formation universitaire de haut niveau, d'ailleurs vérifiée d'année en année pour s'assurer que la qualification universitaire est bien respectée.
Je veux aussi répéter, comme je l'ai dit aux organisations syndicales, que ce diplôme d'infirmier anesthésiste ne sera pas accessible par le système de la validation des acquis de l'expérience. On peut bien sûr imaginer que certains modules à l'intérieur de la formation universitaire puissent être validés par la VAE ; je pense, par exemple, à un module de langue étrangère, d'anglais par exemple. En fait, cela existe pour certains diplômes, même s'il ne m'appartient évidemment pas de préjuger du contenu de cette formation. En revanche le diplôme d'infirmier anesthésiste ne sera pas accessible par la VAE ; les infirmiers anesthésistes y tiennent beaucoup.
J'ai répété – c'était nécessaire, car cela avait, semble-t-il, posé problème – que la compétence exclusive d'infirmier anesthésiste est réservée aux infirmiers anesthésistes. Ils sont très soucieux de ce caractère exclusif ; cet exercice protégé est totalement maintenu.
Enfin, se pose la question de la rémunération. Le protocole du 2 février 2010 avait attribué aux infirmiers anesthésistes des revalorisations indiciaires inégales. Les infirmiers anesthésistes diplômés d'État qui opteront pour le nouveau corps revalorisé percevront, à l'issue de la réforme, un supplément de rémunération indiciaire de près de 2 900 euros par an pour les plus jeunes ; quant aux IAD en fin de carrière, ils percevront 2 100 euros de plus par an que dans le protocole signé en 2001. On aboutit donc un certain écrasement de l'échelle des rémunérations : l'augmentation est substantielle, mais les infirmiers anesthésistes souhaitaient également que le différentiel de rémunération soit préservé.
J'ai donc décidé d'attribuer à tous les IAD, dès le 1er janvier 2011, une prime spécifique d'un montant de 120 euros, destinée à conserver le différentiel de rémunération entre les IAD et les infirmiers en soins généraux qui seront reclassés dès le mois de novembre 2010.
Ces engagements ont été pris devant les organisations syndicales représentatives de la fonction publique hospitalière ; ils sont absolument considérables en période de restriction budgétaire.
Avancée vers la mastérisation, garantie de la compétence exclusive, augmentations substantielles des rémunérations : tout cela représente un effort considérable, qui consacre le rôle et la fonction des infirmiers anesthésistes dans notre pays.
Madame la ministre, ma question porte sur l'avenir des hôpitaux à but non lucratif, car il semble que certains d'entre eux éprouvent des difficultés à financer des investissements importants pourtant nécessaires à la préservation de leur avenir. Je pense ainsi au groupe Hopale, installé à Berck-sur-Mer dans le Pas-de-Calais, dans ma circonscription.
Certains de ces hôpitaux à but non lucratif doivent pouvoir se rapprocher des hôpitaux publics. Dans le cadre de la loi « Hôpital, patients, santé, territoires », nous avons introduit – à votre demande – une disposition visant à la création de groupements de coopération sanitaire.
Or il s'avère que, concrètement, ces groupements de coopération sanitaire, qui associent structures publiques et privées, sont difficiles à mettre en oeuvre. La FEHAP, – la fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne –, s'est d'ailleurs fait l'écho de ces problèmes lors de journées qui se sont tenues à l'Assemblée nationale au mois de juin dernier.
Pourriez-vous nous rassurer sur ce point ? Comment pouvons-nous, concrètement, aider à la création de ces groupements de coopération sanitaire, indispensables à la préservation de l'avenir de ces hôpitaux, donc à la construction de noyaux à partir desquels on pourra, demain, imaginer les groupements hospitaliers de territoire que vous souhaitez ?
Je veux enfin vous interroger sur la possibilité d'identifier plus clairement encore des capacités particulières sur le territoire national. On a créé les pôles d'excellence rurale ; on a créé les pôles de compétitivité ; ne pourrait-on pas imaginer un moyen de mettre en valeur des compétences existantes qui méritent d'être mieux soutenues et mieux mises en synergie ? Je pense, par exemple, au handicap : dans ma circonscription, j'ai une école de kinésithérapie, une école d'ergothérapie, des capacités certaines dans le domaine de la réadaptation et de la rééducation fonctionnelle et de la chirurgie orthopédique.
Je conclus, monsieur le président.
Il faudrait pouvoir mettre tout le monde autour de la table et créer, par exemple, un grand pôle dans le domaine du handicap. C'est en tout cas ce que souhaiteraient les acteurs locaux ; mais pour cela, nous aurions besoin d'être aidés et soutenus.
Je vous fais remarquer, monsieur Fasquelle, que vous n'étiez pas présent au moment où vous auriez dû poser votre question, et que je vous ai tout de même donné la parole.
La bienveillance du président est inépuisable. (Sourires.)
La question posée par M. Fasquelle est évidemment très importante ; c'est celle des coopérations sanitaires voulues et facilitées par la loi « Hôpital, patients, santé, territoires », sous deux modalités différentes : la communauté hospitalière de territoire, destinée aux seuls établissements publics de santé, pour conserver le caractère public des hôpitaux publics – ces coopérations pouvant d'ailleurs s'exercer de manière verticale comme horizontale –, et, d'autre part, le groupement de coopération sanitaire, destiné à développer cette coopération entre des établissements purement publics éventuellement, mais aussi entre des établissements publics et des établissements privés non lucratifs ou privés lucratifs, voire avec des structures sanitaires qui ne relèvent pas de l'hospitalisation – il existe ainsi des groupements de coopération sanitaire qui associent des structures relevant de la médecine de proximité – ou avec des structures médico-sociales. La palette est donc extrêmement large.
Ces groupements de coopération sanitaire se développent, et se développent bien : plusieurs dizaines de projets sont engagés dans ce nouveau cadre. Il existe, comme vous l'avez souligné, un petit problème juridique dans les groupements de coopération sanitaire qui associent des établissements publics et des établissements anciennement nommés établissements « participant au service public hospitalier ». Cette difficulté ne nous a pas échappé : le groupement de coopération sanitaire pose en effet la question de changement de statut de l'établissement PSPH.
Nous travaillons à régler ce problème, et je pense vous apporter des réponses très prochainement.
Madame la ministre, ma question porte sur l'augmentation des cotisations CMU des travailleurs frontaliers, notamment de ceux qui exercent une activité professionnelle en Suisse.
Depuis l'année 2007, en application de la loi de finances votée en 2006, certains travailleurs frontaliers – ils seraient entre 3 500 et 4 000 dans le seul département du Haut-Rhin – ont vu leurs cotisations CMU augmenter considérablement, parfois jusqu'à 40 % d'une année sur l'autre.
Cette hausse s'explique par la suppression de l'abattement forfaitaire de 20 %, applicable aux salaires pour la détermination du revenu imposable. Elle a naturellement eu pour conséquence une augmentation du revenu fiscal de référence, qui sert de base au calcul de la CMU des frontaliers. Pour corriger cette hausse mécanique, le Gouvernement a élevé le montant du plafond forfaitaire déductible du nouveau revenu fiscal de référence, mais, malgré cette mesure, on constate toujours un accroissement très important des montants de cotisation CMU.
En supprimant l'abattement forfaitaire de 20 %, ni le Gouvernement ni le Parlement n'ont souhaité augmenter le montant des cotisations de la CMU. D'ailleurs, aucun texte de loi n'a prévu ni entériné cette hausse.
Dans ce cadre, je souhaite savoir, madame la ministre, sur quelles bases se fonde une telle progression des cotisations ; je veux également savoir quelles sont les mesures que vous entendez prendre, le cas échéant, pour annuler ces augmentations totalement injustifiées, dont je répète qu'elles n'ont été voulues ni par le Parlement ni par le Gouvernement. (Sourires.)
Monsieur Reitzer, en application d'un accord particulier avec la Confédération helvétique, les personnes qui résident en France, mais travaillent en Suisse, peuvent être dispensées de l'application du régime maladie suisse et opter, au choix, pour une assurance privée ou pour le régime français d'assurance maladie, via la CMU.
Lorsqu'elles optent pour la CMU, ces personnes sont d'une part exonérées de CSG et de CRDS et, d'autre part, soumises à l'équivalent de la cotisation CMU de droit commun, avec l'application d'un taux particulier ; celle-ci est acquittée par les personnes qui n'ont pas d'activité professionnelle mais disposent de ressources suffisantes.
Il est vrai que, comme vous l'avez souligné, la réforme fiscale de 2006 a mécaniquement augmenté le montant du revenu fiscal de référence qui sert d'assiette à cette contribution. Le Gouvernement a toutefois pris des mesures pour corriger cet effet, que ce soit en matière de fiscalité locale, de CSG ou de CMU.
Ainsi, le plafond de ressources fixant la limite d'exonération de la cotisation CMU de base a été majoré de 20 %. Cette hausse correspond au calcul de la progression moyenne des revenus fiscaux des personnes acquittant la cotisation CMU. Le nombre de personnes redevables de cette cotisation n'a d'ailleurs pas été globalement modifié : cela concerne environ 52 000 personnes, soit 3 % des 1,7 million de bénéficiaires de la CMU de base.
Dans certains cas particuliers, cette compensation peut ne pas atteindre un montant équivalent. Toutefois, ces cas sont largement compensés, dans la mesure où le taux de la contribution appliqué à ces frontaliers permet l'accès à l'intégralité des prestations de notre assurance maladie, ce qui leur est extrêmement favorable. En effet, le taux particulier initialement prévu n'a jamais été fixé ; on en est resté au taux classique de la contribution à la CMU de base, à savoir 8 %, lequel constitue un taux réduit de plus de moitié par rapport à celui pratiqué, au titre de la maladie, sur les revenus d'activité pour un salarié travaillant et résidant en France, ce qui est la seule comparaison qui vaille. Par conséquent, les travailleurs frontaliers exerçant en Suisse ne sont pas désavantagés par leur effort contributif à notre système d'assurance maladie ; ils sont même largement favorisés.
Madame la ministre, ma question porte sur les zones urbaines.
L'état de santé et l'accès aux soins constituent une préoccupation majeure pour nos concitoyens dans des secteurs qui rencontrent de graves problèmes sociaux, comme les zones urbaines dites « sensibles ». Les médecins hésitent souvent à s'installer dans ces quartiers ; les visites à domicile posent fréquemment problème. La densité médicale, selon l'observatoire national des zones urbaines sensibles, serait deux fois moindre en zone urbaine sensible que dans le reste du territoire ; elle serait même trois fois moindre que celle des unités urbaines qui abritent ces quartiers.
Le débat public sur la démographie médicale a souvent porté sur l'accès aux soins dans les zones rurales. Pourtant, dans nos quartiers, le problème est tout aussi criant, et très sous-estimé, comme le souligne le récent rapport de nos collègues MM. Goulard et Pupponi.
Absolument, monsieur Mallot.
Le volet « Santé » des contrats urbains de cohésion sociale est lent à démarrer.
Face à cette situation, je vous interroge, madame la ministre, sur les différents outils existant en termes d'aménagement sanitaire du territoire.
Le contrat santé solidarité par exemple peut être mis en place entre l'ARS et les praticiens afin de définir leurs interventions dans les zones sous dotées. Cependant pour qu'un tel contrat existe, encore faut-il s'assurer que ces schémas considèrent bien les ZUS comme étant sous dotées.
En ce qui concerne le contrat d'engagement de service public, vous avez évoqué, en répondant à mes collègues MM. Proriol et Descoeur, la procédure qui serait mise en oeuvre et qui porterait sur 400 bourses. Je me demande si on ne pourrait pas trouver un dispositif un peu plus rapide parce que, si nous sommes tous heureux que ce dispositif novateur soit mis en place, nous savons que cela va prendre un certain temps.
Je voulais avoir votre sentiment sur l'ensemble de ces outils, au-delà des ateliers santé ville et des maisons médicales de santé.
Je vous remercie, monsieur Richard, pour toutes ces questions. J'ai déjà répondu à certaines, mais je vais revenir sur la réorganisation de la permanence des soins hospitalière, parce que la permanence des soins n'est pas seulement la permanence des soins de ville et qu'il existe une interface sur ces sujets.
L'agence régionale de santé Île-de-France a fait de cette réorganisation une priorité. Une étude a été réalisée sur l'activité des blocs opératoires la nuit dans la perspective de la révision des SROS.
Ce bilan de départ a révélé une très faible activité des urgences chirurgicales pour une mobilisation des moyens en personnels très importante : trente-deux hôpitaux sont organisés pour assurer la prise en charge des urgences chirurgicales la nuit ; sept établissements concentrent la moitié de cette activité ; trente-six actes sont réalisés en moyenne chaque nuit dans les hôpitaux franciliens hors AP-HP mais certains établissements réalisent moins d'un acte par nuit. Pourtant, dans ces trente-deux établissements, quel que soit le niveau réel d'activité, on trouve un anesthésiste, au moins un chirurgien, et une équipe paramédicale. Le lendemain, ces personnels sont obligatoirement au repos, au moment où l'activité chirurgicale est conséquente et que les établissements ont besoin de leur compétence pour assurer l'activité de jour.
Cette organisation déficiente est très consommatrice de temps médical et non médical pour une prise en charge qui devrait être mieux coordonnée entre les différents établissements. L'agence régionale de santé est en train de réfléchir à ces questions.
Vous avez évoqué la démographie médicale et ses contraintes, ou, plus simplement, l'aspiration des jeunes médecins d'évoluer dans des équipes plus étoffées permettant de limiter le nombre des gardes, aspiration qui oblige à adapter les organisations.
Ce diagnostic, qui a été fait par l'agence régionale de santé, c'est le début de la concertation. Si l'on veut avancer sur ces sujets, il faut d'abord avoir un diagnostic partagé. Nous devrons viser à développer une offre de proximité plus adaptée et bien mailler le territoire au niveau des urgences et des transports sanitaires. La réorganisation des urgences chirurgicales n'est qu'un des éléments du projet stratégique qui a été centré sur l'amélioration de l'accès aux soins de premier recours. Une concertation importante avec les élus est prévue.
On voit bien, à travers cette question des urgences chirurgicales, que chacun des secteurs retentit sur l'autre. On ne peut pas parler de l'urgence hospitalière, du système des gardes chirurgicales, sans penser à l'organisation des soins de premier recours. Tout dysfonctionnement de l'un rejaillit sur l'autre. Je le répète, le contrat d'engagement de service public est l'un des outils que j'ai posé dans la boîte à outils. Si l'on n'améliore pas la question des urgences, si l'on n'améliore pas la gestion de la permanence des soins, si l'on ne propose pas d'alternatives à la rémunération à l'acte, si l'on ne dégage pas du temps médical par une coopération entre les professionnels de santé, nous n'aurons que des réponses boiteuses.
Les solutions que j'ai retenues à travers la loi HPST et les lois de financement de la sécurité sociale, fondées sur le volontariat des médecins et sur le respect de l'exercice libéral pour ce qui concerne les soins de proximité, sont des mesures à très grande inertie. Les bénéfices de certaines d'entre elles ne seront visibles que dans deux ou trois ans ; ils ne peuvent être engrangés dès à présent, sauf à profondément changer de système et à imposer un système coercitif, que nous n'appelons pas de nos voeux.
Madame la ministre, je tiens à vous faire part de mon inquiétude face à la situation préoccupante de la profession des sages-femmes, et à tous les niveaux d'exercice, qui menace directement la qualité de la périnatalité en France.
Depuis plusieurs mois, les syndicats professionnels des sages-femmes négocient avec l'UNCAM l'enveloppe financière globale pour la revalorisation de la cotation des actes professionnels. La clé SF, qui permet la cotation des actes techniques des sages-femmes, est bloquée, depuis 2002, à 2,65 euros. De ce fait, le revenu annuel des sages-femmes libérales, qui est déjà le plus bas de toutes les professions de santé, est en baisse depuis trois ans, ce qui met en difficulté l'existence même de certains cabinets.
Il est à noter également une certaine tendance des établissements de soins à tenter d'orienter leur activité en fonction de la nomenclature qui s'y rapporte pour accroître leur rentabilité. Par exemple, la tendance est à la fermeture des consultations de sages-femmes trop peu rémunérées : 19 euros pour une consultation calculée dans certains établissements comme coûtant à la structure 2 euros par consultation. Ces tendances semblent dangereuses et contraires à une bonne prise en charge des femmes.
Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre pour revaloriser financièrement les actes de la profession qui sont bloqués depuis huit ans ?
Le chantier de la revalorisation tarifaire des sages-femmes a été ouvert à travers le projet de loi de financement de la sécurité sociale. D'ailleurs, si vous aviez assisté au débat sur le PLFSS, monsieur Wojciechowski, vous n'auriez pas manqué de voter la construction de l'ONDAM qui prévoit la revalorisation tarifaire de la profession de sage-femme. Vous auriez également constaté que d'autres mesures concernant les sages-femmes avaient été décidées, comme l'extension du bénéfice de la prise en charge de la responsabilité civile – qui existait pour les médecins et qui bénéficiera dorénavant, si vous votez le PLFSS, aux sages-femmes – ou l'expérimentation sur les maisons de naissance, qui a fait l'objet d'un très beau débat sur ces bancs.
La question des sages-femmes – revalorisation tarifaire, responsabilité civile professionnelle, autre mode d'exercice – a été, vous le voyez, au coeur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Néanmoins, je suis heureuse d'avoir pu vous apporter ces éléments de réponse à travers la discussion du budget de la santé.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 ;
Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2011 :
Santé (suite) ;
Justice.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures dix.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma