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Intervention de Gérard Bapt

Réunion du 2 novembre 2010 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Santé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, madame la ministre de la santé et des sports, mes chers collègues, peu d'évolutions caractérisent, en termes budgétaires, les crédits de la mission « Santé » pour 2011 : le budget affiche en effet une très légère progression, de l'ordre de 2 % en crédits de paiement, pour un montant total de 1,22 milliard d'euros.

Cette progression est essentiellement à mettre au compte de deux dispositifs : en premier lieu, l'aide médicale d'État, qui voit sa dotation revalorisée de près de 10 % en 2011, pour atteindre 588 millions d'euros, contre 535 millions d'euros l'an passé – j'ai l'impression, madame la ministre, qu'avant d'examiner les amendements, nous aurons l'occasion d'en reparler ; en second lieu, l'accroissement de l'ordre de 9 % de l'effort de l'État en faveur de la formation médicale initiale, les crédits à ce titre s'établissant à 132,3 millions d'euros pour 2011.

C'est en revanche la maquette budgétaire qui sort profondément modifiée en 2011, avec la mise en place des agences régionales de santé. La mission ne comporte désormais plus que deux programmes : le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » et le programme « Protection maladie » qui porte les crédits affectés à la CMU complémentaire, à l'aide médicale d'État et au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.

La création des ARS conduit à la suppression d'un programme relatif à l'offre de soins et à la qualité du système de soins dont les crédits sont basculés sur le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », afin de regrouper l'ensemble des crédits d'intervention des ARS. Les crédits État dédiés aux ARS figurent donc en totalité sur ce programme, à l'exclusion des dépenses de fonctionnement des ARS, qui figurent sur le programme support de la mission « Solidarité ». Je note à cet égard que les effectifs des ARS vont s'inscrire en baisse, passant de 9 591 équivalents temps plein en 2010 à 9 447 en 2011.

Certains chapitres de cette mission subissent des réductions drastiques : moins 21 % pour les risques infectieux, moins 23 % pour la prévention des maladies chroniques et la qualité de vie des malades et moins 20 % pour la prévention des risques environnementaux.

Au-delà de ces évolutions regrettables, tenant à la rigueur et à la RGPP, quatre points particuliers doivent être soulignés : ils feront l'objet de commentaires plus détaillés de la part des différents intervenants.

Premier point, la création des ARS : les crédits d'intervention sont réunis en 2011 et financeront, d'une part, la formation médicale initiale –principalement, les stages extra-hospitaliers effectués par les internes et les étudiants en médecine – à hauteur de 121,4 millions d'euros et, d'autre part, la mise en oeuvre au plan régional de la politique de prévention et de sécurité sanitaire, pour un montant de 189,36 millions d'euros. L'autonomie dont disposent les ARS explique que ces crédits soient « globalisés » et non plus, comme c'était le cas lorsqu'ils étaient délégués aux services déconcentrés, détaillés par type d'action financée. Il n'en demeure pas moins indispensable de disposer d'une lisibilité sur l'affectation précise de ces crédits. Le Parlement doit retrouver en exécution l'information qu'il perd en termes de prévision : il est donc nécessaire que les remontées d'information de la part des ARS permettent de retracer ex post les actions qui ont été financées.

Le deuxième point concerne la mise en place de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – l'ANSES – qui résulte de la fusion, entérinée le 1er juillet dernier, de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments – l'AFSSA – et de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail – l'AFSSET. Cette agence émarge sur plusieurs missions du budget général : « Écologie », « Recherche », « Travail et emploi », « Santé », mais principalement sur la mission « Agriculture ». Au titre de la mission « Santé », l'agence bénéficiera en 2011 d'une subvention à hauteur de 13,7 millions d'euros.

Deux points méritent d'être soulignés.

Premièrement, comme tous les opérateurs, l'ANSES pâtit d'une diminution de ses effectifs : à périmètre constant, ceux-ci passeraient de 1 237 équivalents temps plein en 2010 à 1 219 en 2011

Deuxièmement, la réunion des services de l'AFSSA et de l'AFSSET sur un seul et même lieu passe par un projet d'investissement important, sur le site de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort. Avec l'interdiction prévue par le projet de loi de programmation des finances publiques de recours à l'emprunt pour les organismes d'administration centrale, l'ANSES voit son projet d'investissement mis à mal. Or celui-ci est indispensable si l'on veut assurer une véritable synergie des compétences des deux agences préexistantes et améliorer la gestion du risque et l'expertise dans des domaines où ces synergies paraissent évidentes : je pense en particulier à l'eau, aux nanotechnologies et aux perturbateurs endocriniens. Je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez garantir que ce projet de regroupement et d'investissement sera bien mis en oeuvre.

Sur ces deux derniers champs, il est indispensable de garantir un niveau adéquat de financement public de la recherche. Il est donc essentiel que l'ANSES soit en mesure de poursuivre ses programmes de recherches dans ces deux domaines et d'en lancer de nouveaux. Tel était l'objet de la lettre au Premier ministre cosignée l'an dernier par plusieurs députés et sénateurs.

Enfin, la fusion de l'AFSSA et de l'AFSSET au sein de l'ANSES a provoqué des craintes exprimées au début de l'année, s'agissant notamment du statut de l'expertise scientifique. Je tiens de ce point de vue à ce que la nouvelle agence puisse conserver l'expérience de l'AFSSET s'agissant de son expertise, réputée pour son ouverture sur la société civile et la garantie de ses procédures. On ne peut que se réjouir, de ce point de vue, de la mise en place, au sein de l'agence, d'un comité de déontologie et de prévention des conflits d'intérêt.

Troisième point : la politique de rigueur qui frappe de plein fouet les agences sanitaires sur la période de programmation 2011-2013. Peu d'opérateurs y échappent sur la mission « Santé » : seuls la Haute autorité de santé, l'Agence technique d'information sur l'hospitalisation et l'Institut national du cancer – en raison de la mise en oeuvre du nouveau plan Cancer – échappent à la règle de diminution des moyens financiers. C'est l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé qui est la plus touchée, avec l'annulation de la subvention de l'État en 2011 – alors qu'elle représentait 10 millions d'euros en 2010 –, cette annulation étant reconduite en 2012 et en 2013. Son plafond d'emploi sera diminué sur l'ensemble de la période de quarante-huit équivalents temps plein.

Cette diminution des moyens, madame la ministre, est préoccupante, à l'heure où le renforcement de la pharmacovigilance apparaît essentiel pour suivre les plans de gestion des risques qui se multiplient. Il faut aussi renforcer le traitement des notifications spontanées des accidents thérapeutiques, comme le démontre amplement l'exemple du Benfluorex.

II est indispensable de mettre l'Agence en mesure de faire face à ces missions essentielles pour assurer la sécurité et la qualité des produits de santé. Si le niveau du fonds de roulement de l'Agence devrait lui permettre de passer le cap de l'exercice 2011 en l'absence de subvention de l'État, il sera nécessaire de prendre des mesures dès 2012. À cet égard, la revalorisation du forfait acquitté par les laboratoires sur leurs demandes d'AMM devrait, notamment lors des réévaluations quinquennales, être envisagée.

Quatrième et dernier point : l'AME – l'Aide médicale d'État. La dotation de l'État au titre de l'AME a été revalorisée en 2010, laissant espérer que la dette ne se reconstituerait pas sur ce dispositif. Rappelons en effet qu'à la fin 2007, celle-ci représentait 920 millions d'euros, qui avaient été apurés dans le cadre de la grande opération d'apurement de la dette de l'État vis-à-vis de la sécurité sociale pour un montant global de 5, 1 milliards d'euros. Mais les sous-dotations chroniques ont contribué à faire renaître cette dette, nécessitant chaque année, depuis 2008, une ouverture de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative. Je n'ai cessé d'appeler à une revalorisation de cette dotation : c'est chose faite pour 2011, avec une augmentation de 10 % des crédits dédiés à l'AME, ceux-ci devant s'établir au total à 588 millions d'euros.

Toutefois, le coût de l'AME a particulièrement augmenté en 2009, de 19 %, en relation, notamment, avec la prise en charge, depuis 2007, des ressortissants roumains et bulgares, qui étaient auparavant pris en charge par l'assurance maladie. Cette augmentation de coût a conduit à la mise en place d'une nouvelle mission d'expertise confiée à l'IGAS et à l'IGF – rappelons que la dernière date de 2007… Je resterai, bien sûr, en tant que rapporteur spécial, très attentif aux conclusions de cette mission, mais, je le dis d'ores et déjà, il ne me semble pas que la mise en place d'un « droit d'entrée » au dispositif soit une solution, à deux titres : financièrement, elle ne serait pas à la hauteur des enjeux – un droit de 30 euros pour un nombre de bénéficiaires évalué à 210 000 en 2010, permettrait un rendement de 6,3 millions d'euros par an, dans l'hypothèse où l'ensemble des bénéficiaires demanderait son admission au dispositif. En outre, un tel droit d'entrée pourrait bien avoir un effet plus direct : celui du renoncement aux soins des personnes concernées qui sont, rappelons-le, des personnes aux revenus modestes – puisque l'AME est déjà soumise à condition de ressources – et en attente de régularisation.

Enfin, madame la ministre, je souhaite solliciter votre attention sur trois questions qui me semblent devoir appeler des réponses importantes en matière de santé publique.

J'évoquerai d'abord la question du Benfluorex, ou Médiator de Servier qui défraye régulièrement la chronique. Je pense, madame la ministre, qu'il est nécessaire de lancer une information sérieuse auprès des médecins et des patients chez qui avait été prescrit du Médiator, en particulier lorsqu'il avait été hors AMM, a visée anorexigène c'est-à-dire chez des personnes sans antécédent de diabète, et en conséquence moins suivies que les patients diabétiques en ALD. Il ne faut pas que se reproduise, notamment, le drame décrit par l'hebdomadaire VSD la semaine dernière. La survenue de malformations valvulaires a été détectée sept ans après l'arrêt du traitement par Fenfluramine dans un cas publié par Guillaume Greffe de Lyon dans la revue de la société de chirurgie thoracique américaine. L'information des patients et des médecins devrait être élargie et la surveillance prolongée.

Concernant la question du chlordécone aux Antilles, sur laquelle le directeur général de la santé vient d'annoncer un second plan, il est urgent madame la ministre, qu'une cartographie précise, de type cadastrale, du degré d'imprégnation des sols, soit effectuée, pour que les mesures les plus adéquates de précaution soient prises. Dans le même ordre, un diagnostic de sols, mesurant l'imprégnation au chlordécone, pourrait être exigé au moment des ventes de terrains, comme cela se fait habituellement lors de la vente de biens immobiliers

Enfin, la question du bisphénol A est revenue à plusieurs reprises au premier plan de l'actualité ces dernières semaines.

Il a tout d'abord été question de la remise en cause de l'avis de l'EFSA pour le maintien de la valeur limite d'exposition à cinquante microgrammes par kilo et par jour par le commissaire européen à la santé, M. Dalli lui-même, eu égard à la multiplicité des études nouvelles confirmant les effets sanitaires du bisphénol à des valeurs très inférieures à la dose maximale compatible avec la santé. Il s'est aussi agi de la découverte, à nouveau par une équipe INRA de Toulouse, d'un mode de transmission transcutanée du bisphénol, inconnue jusqu'alors. Il est, par conséquent urgent, madame la ministre, de diffuser des recommandations de précaution auprès des publics particulièrement concernés : les femmes enceintes et les acteurs de la petite enfance, ainsi que, désormais, les personnes exposées à la transmission percutanée – nous pensons notamment aux caissières de grands magasins en âge de procréer.

Tels sont, madame la ministre, les trois points sur lesquels j'ai souhaité insister en fin d'intervention.

La commission des finances a adopté les crédits de la mission « Santé » en dépit de l'avis défavorable du rapporteur spécial. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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