Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la remise en cause de l'Aide médicale d'État, sous sa forme actuelle, qu'ont évoquée certains de nos collègues, mérite la plus grande vigilance de notre part. Elle réduit en effet l'accès aux soins pour des personnes disposant de faibles ressources et les incite à reporter un traitement, voire à renoncer aux soins. Cela entre en contradiction avec une politique de santé publique cohérente et n'offre aucune véritable garantie de rationalisation des coûts : des pathologies simples qui auraient pu être soignées efficacement et à peu de frais ne seront pas traitées et dégénéreront en complications graves et coûteuses. C'est le sens de la CMU, c'est le sens de l'AME.
L'Aide médicale d'État a été rénovée en 1999 pour protéger la santé des personnes vivant dans les conditions les plus précaires qui les exposent à des conditions sanitaires particulièrement défavorables : prévention, suivi médical, accès aux soins sont ainsi rendus possibles sans attendre l'aggravation des pathologies et donc des coûts humains et financiers. Maintenir l'AME et l'inscription des personnes dans le système de santé publique, c'est donc bien diminuer les coûts et la charge pour le système de santé, au lieu de le désorganiser et de diminuer son efficacité.
L'AME est un dispositif très contrôlé et étudié tant par l'inspection générale des affaires sociales que par l'inspection générale des finances, mais aussi par le groupe de lutte contre les fraudes du ministère des finances. Seules les CPAM peuvent l'accorder, avec des procédures et contrôles stricts. En effet, le droit à l'AME est valable un an : tous les ans, il faut fournir de nouveau les preuves nécessaires à son obtention – revenus en dessous d'un seuil identique à celui de la CMU, preuves de présence et de résidence sur le territoire français.
On invoque une augmentation des dépenses de l'AME qui rendrait nécessaire l'instauration d'un ticket d'entrée comparable aux franchises médicales. Mais cette augmentation repose d'abord sur un accroissement du nombre de bénéficiaires, qui découle de l'augmentation récente des déboutés du droit d'asile et des restrictions du droit au séjour en France, mais aussi de l'accroissement du nombre d'étrangers en situation régulière indûment orientés vers l'AME, alors qu'ils devraient relever de l'assurance maladie. Une autre explication peut sans doute être trouvée dans le fait que, en 2008, certains ressortissants communautaires – entre autres les Roms roumains et bulgares –, en séjour dit « irrégulier », ont brutalement été exclus de l'assurance maladie pour relever désormais de l'AME. C'est votre politique d'immigration et ses dérives qui en sont les causes.
Quelle indécence de prétendre que les étrangers sans autorisation de séjour sont privilégiés par rapport au reste de la population, alors que l'Aide médicale d'État n'est accordée que sous le plafond de ressources de la CMU – des privilégiés à moins de 634 euros par mois ? – et que l'offre de soins de l'AME est nettement inférieure à celle de la CMU.
En termes de santé publique, réduire l'accès aux soins sera inefficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)