La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants (2683, 2684).
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
Monsieur le président, madame la présidente et monsieur le rapporteur de la commission spéciale, mesdames, messieurs les députés, c'est un jour important car, dans notre pays, une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son conjoint, 75 000 femmes sont violées chaque année et, selon l'Observatoire national de la délinquance, 8 000 adolescentes sont potentiellement victimes de violences physiques et psychologiques. Cette situation est inacceptable.
La nation française a décidé de se mobiliser à travers le combat mené par les associations. J'en profite pour les remercier de leur action permanente sur le terrain, de l'aide qu'elles apportent aux femmes victimes de violences physiques et psychologiques, perdues, harcelées et ne sachant comment s'en sortir.
Je veux également remercier l'Assemblée nationale pour le travail parlementaire effectué, au-delà des clivages partisans, par sa mission d'évaluation. Comment ne pas se réjouir de voir que le destin de ces femmes mobilise l'ensemble des élus, tous courants politiques confondus, pour lutter contre les violences dont elles sont victimes dans notre pays ?
Ce texte est présenté à l'initiative de l'Assemblée, mais aussi du Sénat, et je salue le travail du sénateur Courteau qui a lui-même présenté une proposition de loi, discutée conjointement. Le Gouvernement a souhaité privilégier l'initiative parlementaire afin de donner toute sa force à la représentation nationale et au combat de la nation contre les violences faites aux femmes. Le Sénat comme l'Assemblée ont adopté cette proposition de loi à l'unanimité, ce qui montre que chacun d'entre nous est totalement mobilisé.
Au regard du constat inacceptable de la situation des femmes dans notre pays, le Premier ministre a annoncé que la grande cause nationale de 2010 serait la lutte contre les violences faites aux femmes. Il nous fallait donc agir vite et je me réjouis de votre volonté d'adopter un texte conforme à celui du Sénat. En effet, nous sommes au mois de juin et nous avons besoin de renforcer très rapidement notre arsenal législatif et de nous doter de moyens technologiques supplémentaires.
J'en veux pour preuve le cas de ces deux femmes décédées il y a peu, de femmes agressées à l'aide d'un couteau ou encore aspergées d'essence, puis brûlées. Je pense encore à cet ingénieur de trente-huit ans qui a brisé par trois fois le bras de sa campagne.
Comme vous pouvez le constater, mesdames et messieurs les députés, il y a urgence. C'est pour cette raison que nous sommes réunis aujourd'hui.
Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics prennent le problème à bras-le-corps. Le plan triennal 2008-2010 de lutte contre les violences faites aux femmes commence à porter ses fruits. Il a notamment permis une meilleure prise en charge des femmes victimes de violences grâce à différentes mesures. Trente-six référents-violence, interlocuteurs uniques des victimes, ont été mis en place dans trente-deux départements, et dix le seront très prochainement dans dix autres départements. Nous allons accélérer la mise en oeuvre de ce plan pour que chaque département en soit pourvu.
Les moyens de la plate-forme d'accueil téléphonique 3919 ont été renforcés – j'ai à cette fin signé un avenant de 150 000 euros – et permettent désormais de répondre à 80 000 appels par an, dont 84 % concernent des violences psychologiques faites aux femmes. Au moment où sont diffusées les campagnes télévisées, on note un afflux d'appels téléphoniques : c'est pour cette raison que j'ai voulu renforcer les moyens du 3919.
Les efforts de création de places en centre d'hébergement et de réinsertion sociale sont poursuivis. Désormais, sur un parc de près de 36 000 places, plus de 12 000 sont consacrées à l'accueil d'urgence des femmes victimes de violences.
Le deuxième volet d'action, c'est le plan « Espoir banlieues », dont la dynamique a permis d'actionner plusieurs leviers produisant des résultats concrets : vingt points d'accès au droit ont été ouverts dans les quartiers sensibles ; quatre-vingt-dix-huit centres d'information sur les droits des femmes et des familles ont été financés pour un montant de 2,5 millions d'euros ; 4 200 adultes-relais, pour un budget global de 88,5 millions d'euros, pratiquent des actions de médiation et renseignent chaque jour des centaines de femmes sur leurs droits ; 300 « ateliers santé ville » garantissent aux femmes victimes de violences une prise en charge médicale et psychologique à proximité de chez elles.
Le troisième volet d'action, c'est le plan national de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes. Dans ce cadre, 150 intervenants sociaux ont été installés dans les commissariats de police et les unités de gendarmerie, dont vingt et un en Île-de-France.
Ce n'est pas tout. La dernière année du plan triennal 2008-2010 illustrera notre volonté sans faille d'obtenir des résultats concrets. Plusieurs axes sont privilégiés : le renforcement de la protection civile et pénale des femmes victimes de violences ; la sensibilisation et l'information de l'opinion publique sur le fléau de la violence conjugale.
La mobilisation est générale.
Cette proposition de loi va considérablement améliorer la prévention des violences faites aux femmes et la protection des victimes. La principale innovation est la création d'une ordonnance de protection, qui interviendra avant et indépendamment d'un dépôt de plainte. Partant du constat que les femmes victimes de violences au sein de leur couple ne portent que rarement plainte – le taux est de 8 % –, l'ordonnance de protection permettra au juge aux affaires familiales de protéger une femme, y compris après la séparation, lorsqu'elle est menacée de coups ou de mariage forcé.
Le juge pourra ainsi statuer en urgence, organiser, le cas échéant, l'éviction de l'auteur des violences du domicile familial, ou, si la femme décide de quitter le domicile conjugal, son relogement pour la mettre hors de portée de son conjoint, et prendre une décision provisoire sur la garde des enfants.
Ensuite, ce texte adapte la loi pénale à la spécificité des violences conjugales.
Il le fait en premier lieu par la création d'un délit de harcèlement psychologique au sein du couple. Car il y a plusieurs types de violence conjugale : il y a celle des poings et celle des mots. C'était une demande insistante des associations, et pour cause ! Je l'ai dit tout à l'heure, près de 84 % des 80 000 appels reçus au 3919 ont trait aux violences psychologiques. C'est une avancée essentielle, car ces violences ne sont pas moins éprouvantes et destructrices pour la victime que les violences physiques.
En second lieu, le texte prend en compte les mariages forcés. Le mariage forcé est une violence qui va à l'encontre de la liberté de conscience et ignore le choix de vie des jeunes filles qui le subissent. Selon le Haut Conseil à l'intégration, 70 000 adolescentes seraient concernées en France. Cette évaluation chiffrée, même si elle est impossible à confirmer, souligne la nécessité d'intervenir.
Cela dit, une incrimination spécifique aurait été de nature à poser d'importants problèmes de preuve, puisqu'il faudrait caractériser les pressions et les contraintes.
Ce texte a donc opté pour un moyen permettant de réprimer plus facilement ces faits : la création de la circonstance aggravante en cas de meurtre, torture et actes de barbarie ou de violences volontaires commises contre une personne afin de la contraindre à contracter un mariage ou à conclure une union, ou en raison de son refus de contracter ce mariage ou cette union. Désormais, il sera seulement exigé de prouver que ces crimes et délits ont été commis dans le but de contraindre la victime à une union.
Par ailleurs, il est prévu que les dispositions relatives à la circonstance aggravante seront applicables également lorsque les faits auront été commis à l'étranger et que la victime réside habituellement en France.
Le renforcement de l'arsenal législatif s'accompagnera de nouveaux moyens technologiques. Le bracelet électronique, que votre rapporteur et moi-même sommes allés voir fonctionner en Espagne, sera testé en France à titre expérimental. le placement sous surveillance électronique mobile pourra être ordonné lorsqu'une personne sera mise en examen pour des violences ou des menaces punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement, et ce, tant dans la phase de contrôle judiciaire que dans la phase de condamnation. Il permettra d'assurer une surveillance vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, 365 jours par an.
Nous ne sommes pas dans le cadre d'un dispositif d'assignation à résidence. Il s'agit d'une autre philosophie : la technologie permettra de sécuriser la femme potentiellement victime. Concrètement, l'homme, surveillé par un écran vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ne pourra pas franchir le périmètre de sécurité de 400 mètres délimité autour de la femme. Cette dernière disposant d'un boîtier, une sonnerie retentit et la femme est alertée dès que l'homme pénètre dans le périmètre de sécurité. En outre, si l'homme tente de se débarrasser de son bracelet électronique – ce qui n'est déjà pas facile –, le dispositif sonne immédiatement. Ce moyen technologique apporte des résultats concrets et la France doit s'en doter dans les meilleurs délais.
Au-delà de ce texte, qui permet de renforcer notre arsenal législatif en matière de prévention comme de répression et de nous doter de moyens technologiques – ce que vous avez été nombreux à souhaiter –, nous devons aussi sensibiliser l'opinion publique.
Comme vous le savez, deux campagnes de communication sont en cours.
La première est ciblée sur l'indifférence. La reconnaissance de la lutte contre les violences faites aux femmes comme grande cause nationale a permis en effet à vingt-cinq associations constituées en collectif de bénéficier de la diffusion gratuite de messages sur les radios et les télés publiques. Vous avez tous vu ce spot diffusé sur les chaînes nationales, et qui met en scène l'indifférence d'un voisin entendant derrière la cloison de son appartement une scène de violence conjugale. Lorsque le silence se fait, le téléspectateur peut en déduire que la femme, derrière la cloison, a sans doute perdu la vie. Mettre en scène les violences conjugales, comme l'avait fait Jacques Audiard avec son spot sur la violence psychologique, et comme le fait maintenant ce spot dénonçant l'indifférence, est de nature à sensibiliser l'opinion.
La seconde campagne, en préparation, porte sur les enfants exposés aux violences conjugales, et dont ils sont, nous le savons, les victimes collatérales. Elle se situe dans la continuité du clip Les enfants apprennent beaucoup de leurs parents, y compris les violences conjugales. Les enfants, en effet, reproduisent la violence des parents dans leurs jeux. L'objectif est de faire prendre conscience, tant au père qu'à la mère, de l'impact psychologique très fort de cette violence sur les enfants. Cette campagne utilisera plusieurs leviers : campagne télévisuelle sur la base de la diffusion du clip, rénovation du site Internethttp: www.stop-violences-femmes.gouv.fr, qui donne des informations concrètes afin de venir en aide aux femmes victimes de toutes les formes de violences et détaille l'action de l'État contre ces violences. Cette campagne atteindra son point culminant le 25 novembre prochain, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je salue avec insistance le travail des parlementaires et remercie notamment Danielle Bousquet et Guy Geoffroy pour leur initiative. Ces progrès législatifs majeurs sont très attendus par les femmes, qui espèrent de nous une protection supplémentaire et nous demandent d'être dignes de l'humanité.
Les sénateurs ont souhaité, vous le savez, modifier le titre de la proposition de loi en l'élargissant aux violences au sein du couple et à leurs incidences sur les enfants. Le problème sera alors totalement cerné puisque, si des violences spécifiques sont faites aux femmes – je pense, par exemple, aux mariages forcés, aux mutilations sexuelles, aux viols –, ces violences touchent également les hommes, même si c'est de façon minoritaire, et que nul ne peut nier non plus leurs incidences sur les enfants.
Enfin, je me réjouis que la nation tout entière soit mobilisée. Je vous parlais de prévention et d'information. Une brochure intitulée Respect, les filles ! sera distribuée aux jeunes au cours de la journée d'appel de préparation à la défense, ce qui permettra de toucher toute une classe d'âge, soit 800 000 exemplaires diffusés.
Nous devons avancer rapidement parce que nous ne voulons plus que, tous les deux jours et demi, ces violences intolérables subies par les femmes, qu'elles se prénomment Tania ou autrement, fassent d'un petit Ibrahima un orphelin ! (Applaudissements sur tous les bancs.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, mes chers collègues, nous sommes le 29 juin et, pour nous qui sommes dans cet hémicycle, comme pour tous nos collègues probablement, c'est une belle date pour la République et pour le Parlement. Mais ce 29 juin 2010 restera, j'en suis persuadé, avant tout et surtout, une belle date pour les femmes. C'est une belle date pour le Parlement parce que, ce 29 juin, nous aurons tenu parole. C'est une belle date pour les femmes parce que, grâce à ce 29 juin, elles bénéficieront de davantage de protection lorsqu'elles seront victimes de toutes les formes de violences que nous connaissons désormais, et que les actes commis à leur encontre seront davantage punis.
Nous avons respecté notre parole, ce qui n'était pas simple. Rappelons-nous : le 25 novembre 2008, le Collectif national pour les droits des femmes est reçu par le président de l'Assemblée nationale. Suite à cette entrevue très riche, et très concentrée sur les objectifs et les ambitions, la Conférence des présidents, à la demande du président Accoyer, crée une mission d'évaluation. Cette mission se met en place sous la présidence, toujours extrêmement éclairée, de Danielle Bousquet ; la tâche exaltante, mais délicate, de rapporteur m'est confiée et nous nous mettons au travail. Il y a tout juste un an, nous rendions nos conclusions, unanimement saluées par le Parlement, par les observateurs et par les femmes.
Nous avons décidé de ne pas traîner en chemin et de faire en sorte qu'une fois ces conclusions rendues, nous puissions, ici même, adopter, à partir des conclusions de nature législative de la mission, cette proposition de loi, signée par ses trente membres et déposée le 25 novembre dernier. Et, concours de circonstances ne devant évidemment rien au hasard, le Premier ministre, au nom du Gouvernement, annonçait, ce même jour, que l'année 2010 serait celle d'une grande cause, celle de la lutte contre les violences faites aux femmes. Il précisait également que le Gouvernement prendrait ses responsabilités et qu'il s'appuierait, s'agissant du socle législatif, sur le travail issu de la volonté parlementaire. Je dois dire combien le Gouvernement – et vous en particulier, madame la secrétaire d'État – s'est attaché à respecter sans cesse la volonté du législateur, agissant au nom de tous nos concitoyens.
Nous avons mis en place cette commission spéciale qui a continué le travail et a conduit, avec une belle et solide unanimité, à la première lecture de cette proposition de loi, le 25 février dernier. Nous devons être infiniment reconnaissants au Gouvernement d'avoir bien compris qu'il était fondamental, après ce vote, que le Sénat soit saisi le plus rapidement possible du texte en dépit de l'intermède des élections régionales, et que nous en débattions à nouveau avant la fin de la session ordinaire afin que, comme le Premier ministre l'avait souhaité le 25 novembre dernier, la loi soit adoptée définitivement et donc publiée en cette fin du mois de juin. Mais nous devions également nous assurer, au passage, que notre volonté ne serait pas édulcorée et que notre ambition ne serait pas rabaissée, parce que, et personne n'en doute, profondément ancrée dans ce que nous pensons tous individuellement et dans ce que nous a fait comprendre notre travail collectif.
Sans faire, naturellement, preuve de suspicion à l'égard de nos collègues sénateurs, nous avons souhaité que, lors de l'examen de ce texte, ils ne s'éloignent pas de notre volonté, volonté que l'on retrouvait d'ailleurs dans la proposition de loi du sénateur Courteau dont vous avez parlé, madame la secrétaire d'État. Je dois dire que, grâce à la qualité du travail que j'ai pu effectuer avec mon collègue rapporteur du Sénat et avec le président de la commission des lois du Sénat, en relation permanente avec notre commission spéciale et en relation évidente avec le Gouvernement, aucun grave péril n'a menacé le texte qui nous est soumis aujourd'hui, ce qui aurait pu nous faire regretter la vitesse attendue et espérée avec laquelle nous avons travaillé.
L'essentiel est dans ce texte, et il est irréversible. Dorénavant, une femme victime de violences pourra le faire valoir et obtenir ainsi du juge aux affaires familiales une ordonnance de protection qui lui permettra, pendant les quelques mois pour lesquels elle sera délivrée, de trouver la sécurité et la sérénité et d'envisager son avenir de femme et éventuellement de conjoint. Il lui sera alors également possible, s'il y a lieu, d'engager une action judiciaire au civil, au pénal, ou les deux. Cette ordonnance de protection a été consolidée par le Sénat. Ainsi, le juge aux affaires familiales pourra également prendre des mesures, y compris pénales, ce à quoi nous étions très attachés.
Je tiens à remercier le Gouvernement d'avoir accepté de ne pas rouvrir les sujets sur lesquels il est encore possible de dialoguer, car il était pour nous impensable de le faire lors de l'examen en deuxième lecture de cet important texte.
Oui, demain, les femmes seront protégées, qu'il s'agisse de leur logement, de leur situation financière ou de leur statut sur le territoire national. Ainsi, lorsqu'elles sont étrangères et en situation irrégulière, elles pourront bénéficier de l'aide juridictionnelle. Bref, nous retrouvons intact ce socle important qui fonde l'ordonnance de protection.
Je citerai également les dispositions de nature pénale. Nous étions très désireux que soit inscrit dans notre droit, en dépit de la difficulté de bien le définir, le délit de violence psychologique. Il figurera dans notre droit pénal lorsque nous aurons adopté ce texte et il n'en sortira pas.
Nous tenions également à consolider le dispositif en veillant à ce que les femmes qui sortiraient du silence et porteraient plainte ne soient pas, en retour, l'objet de poursuites pour dénonciation calomnieuse. La loi encadrera cette précaution.
Nous avons, enfin, souhaité que la médiation pénale, dont nous avons toujours estimé qu'elle n'était pas appropriée aux situations de violence vécues par les femmes, puisse être écartée en cas de violence avérée. Nous en avons débattu ici, tout comme le Sénat, et nous en avons à nouveau, hier, discuté en commission. Je pense très sincèrement que les dispositions adoptées, très solides juridiquement, garantiront à ces femmes de ne pas être entraînées contre leur gré dans une médiation qui n'est pas de mise en la matière.
Toutes les dispositions, y compris celles que nous avons ajoutées concernant la prévention, l'éducation et les médias, même si certaines d'entre elles ont été modifiées, quelquefois enrichies et parfois quelque peu affaiblies, il faut le dire, par nos collègues sénateurs, se retrouvent dans le texte tel qu'il résulte de nos travaux.
Ce texte aurait certes pu être amélioré, mais nous nous serions alors perdus dans les méandres d'une procédure parlementaire où nous n'aurions plus trouvé place. C'est donc en toute responsabilité que chacun des membres de la commission spéciale a choisi, hier, de proposer à notre Assemblée de voter sans modification ce texte issu des travaux du Sénat. Cette annonce solennelle des uns et des autres devait être connue de nos concitoyens.
Des modifications auraient naturellement pu être apportées, et le seront probablement dans le futur. Il en va ainsi des dispositions concernant le bracelet électronique. Je suis, je le reconnais, quelque peu ennuyé que le Sénat n'ait pas bien compris notre esprit, porté par Mme la secrétaire d'État, mais l'essentiel est probablement que le recours au bracelet électronique soit inscrit dans le texte. Madame la secrétaire d'État, vous pouvez compter sur nous pour reprendre, à la première occasion, le flambeau !
Hier, avec Marie-George Buffet, nous nous sommes amusés à utiliser, à contre-courant pour ce qui me concerne, un slogan, qui, sans être tout à fait d'un autre temps, redevient en tout cas d'actualité sur cette question fondamentale, et ce tant que nous n'aurons pas changé les choses : « Ce n'est qu'un début, continuons le combat ! » (Applaudissements et rires sur de nombreux bancs.)
Dans ce combat, c'est aujourd'hui une étape essentielle, attendue, responsable, qui est franchie, et nous interpellons le Gouvernement pour qu'il mette en place le dispositif-cadre que nous appelons de nos voeux. Par cette étape, nous disons aux femmes que nous ne les avons pas trahies et que nous ne les trahirons pas.
Mes chers collègues, la commission spéciale a fait du bon travail, et je veux saluer sa présidente et tous ses membres, issus de tous les groupes de notre assemblée. Ce fut riche et exaltant, et ce fut un honneur d'être le rapporteur de ses travaux. Cet honneur, je voudrais le partager, et le meilleur moyen pour cela, c'est que nous votions sans modifications le texte adopté par le Sénat, afin que la proposition de loi issue de ce beau et courageux travail devienne dans les jours prochains loi de la République. Je suis persuadé que mon propos sera suivi et, d'avance, pour les femmes, je vous en remercie. (Applaudissements sur tous les bancs.)
La parole est à Mme Danielle Bousquet, présidente de la commission spéciale.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, cette journée du mardi 29 juin 2010 marque une étape très importante dans l'histoire de la lutte contre toutes les formes de violences exercées à l'encontre des femmes, car notre assemblée se dirige vers l'aboutissement de travaux que nous avons menés avec la volonté d'avoir une approche globale de ces violences spécifiques, afin de mieux les prévenir, de mieux protéger les victimes et de mieux sanctionner leurs auteurs.
Comme vous le savez, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en seconde lecture est le fruit des travaux de la mission d'évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, créée par le président de l'Assemblée nationale, que je tiens à saluer.
Animés par la même volonté d'agir avec détermination et de façon globale pour lutter contre ces violences prégnantes et inacceptables, les membres de la mission ont cosigné et déposé tous ensemble, en novembre 2009, la proposition que nous discutons, et qui vise un double objectif.
Nous voulions d'abord appréhender les violences faites aux femmes sous toutes leurs formes, qu'elles s'exercent au sein du couple, de la famille, ou au travail, qu'il s'agisse de violences physiques ou psychologiques, de menaces de mariage forcé ou de mutilations sexuelles.
Nous voulions ensuite renforcer la pertinence et l'efficacité de la réponse, tant civile que pénale, apportée aux victimes et garantir leur accès au droit, en nous appuyant bien évidemment sur les acteurs, notamment associatifs, qui réalisent un travail remarquable, hors du commun tant il est militant et difficile, et sans lequel le constat déjà inacceptable de la persistance de ces violences serait encore plus accablant.
Ces objectifs ont été pour l'essentiel partagés par le Sénat, qui a adopté le 24 juin 2010 cette proposition de loi, en lui apportant plusieurs modifications. Certaines représentent une avancée, d'autres sont plus discutables.
Ainsi, je regrette le nouvel intitulé du texte, qui, à mon sens, ne reflète pas la totalité de notre démarche ni notre volonté de considérer qu'il s'agit de violences de genre.
Sur ce point, il y a manifestement encore besoin de pédagogie, car ces violences sont une réalité sociale indiscutable. Elles sont commises sur des femmes du seul fait qu'elles sont femmes, et elles sont spécifiques parce qu'elles prennent leur source dans les inégalités qui persistent aujourd'hui encore entre hommes et femmes dans tous les domaines, y compris en France, pays pourtant évolué comme chacun sait.
Les chiffres sont là, indiscutables. Dans les couples, ce sont, neuf fois sur dix, les femmes qui sont touchées. Les mariages forcés et les mutilations sexuelles concernent exclusivement les jeunes filles et les femmes. Les victimes de viols sont presque toujours des femmes, et nous pourrions ainsi multiplier les exemples.
Vouloir diluer, banaliser ce type de violence, c'est nier la réalité des rapports d'inégalité entre les sexes qui ont encore largement cours en France et dans le monde, dans certains pays plus encore que dans le nôtre, alors que c'est justement l'objectif d'égalité entre les hommes et les femmes qui avait structuré notre travail.
Je regrette également que nos collègues sénateurs n'aient pas souhaité introduire dans le code civil une définition de l'intérêt de l'enfant, car je continue à considérer qu'un mari violent ne peut pas être un bon père, un père qui structure et éduque un enfant. C'est pourquoi j'aurais voulu que le Sénat affirme, aussi explicitement que nous l'avions fait, que l'intérêt de l'enfant peut justifier le refus éventuel, pour motif grave, du droit de visite et d'hébergement au parent auteur de violences.
Je regrette enfin, et c'est le seul point sur lequel je suis en léger désaccord avec le rapporteur, que la médiation pénale puisse encore être envisagée dans les cas où la victime ne bénéficie pas d'une ordonnance de protection. Je garde la conviction que cette réponse est dans tous les cas incompatible avec la réalité de la violence physique et psychologique.
Pour autant, ces différences d'appréciation sont à mettre en balance avec les avancées considérables et novatrices sur lesquelles nos amis sénateurs nous ont rejoints. Pour les femmes victimes de violences, dont les drames sont exposés chaque jour dans la presse, ce texte doit être voté très rapidement afin d'être mis en application.
Au nombre de ces avancées, figure d'abord la création de l'ordonnance de protection, dispositif juridique qui permettra désormais au juge aux affaires familiales d'assurer dans l'urgence la protection des femmes victimes de violences, en prononçant des mesures temporaires d'ordre civil et pénal.
Parce que les violences faites aux femmes sont inacceptables quelle que soit leur forme, le législateur ne pouvait se contenter des dispositions législatives éparses qui existaient jusqu'à présent, et nous devions donc renforcer de manière décisive la pertinence et l'efficacité de la réponse pénale apportée aux victimes. Sur ce point, je considère, comme notre rapporteur, que nous avons fait progresser cette ambition dans le texte qui nous est aujourd'hui proposé.
Les avancées en matière pénale adoptées par notre assemblée en première lecture ont en effet été approuvées par le Sénat, qui a confirmé la création d'un délit de violence psychologique au sein du couple, conforté la reconnaissance de l'accès à l'aide juridictionnelle pour les femmes étrangères en situation irrégulière et pris soin d'éviter qu'une victime puisse être poursuivie pour dénonciation calomnieuse.
Avancées en matière civile, avancées en matière pénale, l'Assemblée nationale comme le Sénat auraient pu en rester là, mais le dispositif que nous appelons tous de nos voeux n'aurait pas été complet sans une meilleure prise en compte des droits des femmes étrangères victimes de violences. Je ne peux, à ce titre, que me féliciter que le Sénat ait préservé l'équilibre issu de nos travaux en matière de droit au séjour pour les femmes étrangères victimes de violences, qu'elles soient en situation régulière ou irrégulière.
Enfin, le texte que nous nous apprêtons à examiner comporte des avancées notables, qui touchent à la prévention des violences, volet indispensable du dispositif-cadre que nous avons voulu mettre en place. En ce domaine, si l'article 40 de la Constitution ne nous a pas permis de créer un observatoire national des violences faites aux femmes, il n'en demeure pas moins que la prévention est au coeur de notre proposition de loi, qu'il s'agisse de la formation des acteurs, de l'éducation des jeunes ou des exigences vis-à-vis des médias.
La difficulté tient au calendrier et à la procédure parlementaire : il existe un risque réel que l'adoption de ce texte soit repoussée à une date que nous ne pourrions pas maîtriser si nous décidions de modifier le texte issu du Sénat.
Nous savons tous que la politique est, par essence, une question de choix et de priorités. C'est parfois douloureux, c'est toujours complexe. Aujourd'hui, mon choix et ma priorité sont d'acter, dans l'intérêt des femmes, les avancées considérables et novatrices inscrites dans notre proposition de loi.
C'est pourquoi, en dépit des diversités d'approche qui ont pu apparaître avec le Sénat, et moins d'un an après les conclusions de la mission d'évaluation qui a présidé à son élaboration, je vous invite, mes chers collègues, à voter la présente proposition de loi dans les mêmes termes que le Sénat. Parce que la litanie morbide, sans cesse égrenée, des femmes victimes de violences du seul fait qu'elles sont femmes, est insupportable, ma détermination à agir est totale, et je ne peux donc me résoudre à retarder l'application de ce texte.
L'achèvement de la phase parlementaire d'examen et d'adoption du texte ne signifie pas, dans mon esprit, la fin de l'investissement du Parlement sur ces sujets. Si cette proposition de loi constitue incontestablement une étape importante, dont nous pouvons tous être fiers, elle n'est pas pour autant un aboutissement définitif. À l'Assemblée nationale comme au Sénat, nous devrons faire preuve d'une vigilance constante et absolue pour vérifier que les mesures que nous allons adopter sont mises en oeuvre rapidement et efficacement par le Gouvernement, qui en a pris l'engagement.
Soyez assurée, madame la secrétaire d'État, que notre volonté de suivre et d'évaluer l'application de cette loi ne faiblira pas.
Je me montrerai, à titre personnel, particulièrement vigilante quant aux mesures réglementaires que vous serez amenée à prendre afin que l'ordonnance de protection soit, quand c'est nécessaire, opposable aux tiers, dans l'intérêt de la victime, car nous savons que c'est parfois difficile.
Notre détermination sera entière aussi pour obtenir les moyens humains et financiers dont ont aujourd'hui besoin, pour mener à bien leurs missions, les associations qui accueillent les victimes, assurent le suivi des conjoints violents et sont chargées de la prévention de ces violences, ainsi que pour obtenir les moyens humains dont aura besoin la justice pour appliquer la loi.
Enfin, nous continuerons à nous mobiliser pour que soient mises en oeuvre les propositions de la mission d'évaluation qui ne relèvent pas du domaine de la loi. Elles sont nombreuses et concernent des domaines variés de l'action du Gouvernement, et elles sont tout aussi nécessaires que la loi, car seul un cadre global, cohérent et coordonné permettra de lutter efficacement contre ces violences.
Pour conclure, je tiens à rendre un hommage appuyé à notre rapporteur, avec qui ce fut un réel plaisir de travailler en bonne intelligence et en totale confiance, comme ce fut le cas avec chacun d'entre vous, mes chers collègues, et je vous en remercie. Soyons collectivement fiers de faire ensemble, ce matin, un véritable acte de civilisation. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi nous revient du Sénat après avoir subi quelques modifications, que nous regrettons car elles dévitalisent dans certains domaines la force que nous avions collectivement souhaité donner au texte.
Nous nous réjouissons cependant d'un retour relativement rapide en vue d'une seconde lecture qui devrait se conclure par une adoption définitive. La lutte contre les violences faites aux femmes, « grande cause nationale 2010 », se doit aujourd'hui d'être efficace, sévère, applicable et appliquée.
Je rappellerai l'enquête de l'Observatoire national de la délinquance, qui fait apparaître des chiffres hallucinants et ô combien inquiétants : les actes de violence conjugale sont passés, entre 2006 et 2008, de 978 000 à 1 480 000. Que le nombre de femmes victimes de violences dans le couple ait effectivement augmenté ou qu'elles parviennent à mieux s'exprimer, ce chiffre est une honte, et le faire baisser une urgence.
Aujourd'hui, tous les deux jours et demi, une femme meurt des blessures infligées par son conjoint, ce qui représente 20 % des homicides commis chaque année en France. Le risque pour une femme de se faire agresser est plus élevé dans son foyer que dans la rue !
L'ordonnance de protection des victimes, inscrite dans le code civil, permettra au juge aux affaires familiales de prendre en urgence des mesures ayant pour objet de protéger la femme en situation de danger. Donner de la force au message en direction des violents de toute nature, avec des actes concrets, demeure prioritaire. J'insisterai sur le contexte qui permettra à cette proposition de loi de prendre toute sa place et sa légitimité dans notre société.
La victime, psychologiquement éprouvée, choquée, déstabilisée, doit trouver auprès des personnels de police et de gendarmerie prise en charge, écoute, protection, ce qui suppose une véritable volonté politique de mettre en place une formation spécifique – bien spécifique, car nous entrons là dans le domaine de l'intimité, particulièrement sensible, qui nécessite un accompagnement de proximité. Madame la secrétaire d'État, les moyens humains devront, vous le comprenez, être au rendez-vous de cet engagement, au-delà des consignes données pour l'accueil des victimes.
Aujourd'hui, au sein du couple, il faut refuser et sanctionner durement la violence. À peine 10 % des femmes victimes de violences conjugales portent plainte, soit deux fois moins que pour les autres agressions. En cause, un sentiment bien injustifié de honte et de culpabilité, « comme si elles pensaient être dans une position de vulnérabilité qu'elles n'auraient pas dû accepter », analyse Liliane Daligand, psychiatre et experte près la cour d'appel de Lyon, qui poursuit : « Elles trouvent à leur conjoint des excuses pour se convaincre qu'il les aime et qu'elles réussiront à le changer. » Nombreuses sont celles qui soulignent combien leurs partenaires se montrent gentils après un accès de violence, de sorte que le pardon succède aux coups. Des coups qui pourtant, immanquablement, reviendront.
Confirmons plutôt notre volonté d'être là aux côtés des victimes, de toutes ces femmes qui subissent, qui souffrent le martyre. Créons les conditions de la protection, de la proximité, de la facilité, de la déculpabilisation ! C'est l'une des clés de la réussite de cette proposition de loi, dans sa partie curative.
La partie préventive a également toute sa place. La formation des enseignants, initiale ou continue, doit coller à la réalité de notre société. L'égalité entre les femmes et les hommes, les actions de sensibilisation et de prévention demeurent des enjeux quotidiens, répétitifs, sur lesquels il faut rester vigilant et intransigeant.
« Pour faire cesser cette violence », écrit Françoise Brié, « nous devons nous interroger sur ses causes et éduquer les plus jeunes ». L'école est le lieu de l'échange, du respect de l'autre, des autres, de soi. Je suis intimement convaincu que l'école de la République doit continuer à insuffler toutes ces valeurs qui construisent l'être humain pour sa réussite et son épanouissement, peut-être avec plus de force encore. Les enseignants demeurent au coeur de cet engagement ; ils doivent se sentir soutenus, accompagnés dans leurs actions au quotidien.
Le Parlement des enfants du 5 juin dernier a démontré, dans sa composition et sa répartition, combien les jeunes savent se respecter et laisser une grande place à la parité et aux différentes origines.
Ce mardi 29 juin 2010, nous devons donner toute sa dimension à cette proposition de loi. Elle doit s'appliquer dans les plus brefs délais. Je remercie et félicite Mme la présidente Danielle Bousquet et M. le rapporteur Guy Geoffroy pour leur détermination à mener à bien cette proposition de loi au pas de charge, avec toute la conviction qu'on leur connaît. Ce fut un réel plaisir pour nous de collaborer activement à cette mission. Madame la ministre, nous sommes déterminés à entrer rapidement dans une phase concrète en votant le texte proposé. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à vous faire part de mon bonheur de voir enfin la proposition de loi dont nous avons eu l'initiative revenir devant notre assemblée, ce 29 juin, pour être définitivement adoptée. C'est une journée importante que nous vivons.
Retardée plusieurs semaines au Sénat, la loi « renforçant la protection des victimes, la prévention et la répression des violences faites aux femmes » nous revient hélas amoindrie sur quelques points. Le Sénat a ainsi procédé à un rabotage consciencieux de tout ce qui témoignait de la violence de genre. La modification du titre lui-même tend à masquer le fond de la cause des violences faites aux femmes : la domination patriarcale. Le texte adopté au Sénat restreint en outre la définition des violences psychologiques, revient sur la définition ambitieuse du harcèlement sexuel que nous avions adoptée et rétablit la médiation pénale pour les femmes ne bénéficiant pas d'une ordonnance de protection. Enfin, il fragilise l'intérêt des enfants en ne reprenant pas les mesures que nous avions adoptées sur l'autorité parentale et le droit de visite.
Je regrette que la majorité sénatoriale n'ait pas pleinement donné acte aux femmes, aux féministes mobilisées depuis plusieurs années pour l'adoption de cette loi. Sous l'impulsion du collectif national pour les droits des femmes, qui est représenté aujourd'hui, une loi-cadre a été écrite, en partenariat avec des parlementaires dont je fus. L'objectif était de mobiliser la société, toutes les institutions, sur ce qui, trop souvent, restait du domaine privé.
Cette action a permis de déboucher sur la constitution d'une mission d'évaluation puis d'une commission spéciale, dont la proposition de loi est issue au terme d'un travail remarquable. Je tiens à mon tour à remercier sa présidente Danielle Bousquet, son rapporteur Guy Geoffroy et tous mes collègues, car nous avons vraiment cherché à construire la loi au service des femmes.
Cette loi, adoptée à l'unanimité par notre assemblée, présente de nombreux points positifs pour les droits des femmes : la création de l'ordonnance de protection, l'introduction dans le code pénal de la notion de violences psychologiques, le rejet de la médiation pénale, une nouvelle définition du harcèlement sexuel au travail. Je me félicite également des formations dispensées, de l'aide au relogement ou encore des droits nouveaux pour les femmes étrangères. C'est un texte fort, utile aux femmes.
Aussi sommes-nous tentés, après son passage au Sénat, de revenir à notre texte. Nous en avons discuté en commission hier. Après force hésitations – fallait-il poursuivre le débat parlementaire, sans en connaître la durée, pour revenir au texte de l'Assemblée nationale, ou accepter le texte en l'état pour qu'il s'applique le plus vite possible ? –, pour moi, l'intérêt des femmes a primé.
Chaque jour on apprend, ici, la mort d'une femme, là, les souffrances et les plaies d'une autre. On ne peut plus attendre. Voté en l'état, ce texte constitue déjà une nouvelle avancée, obtenue par les femmes, un point d'appui contre les violences qu'elles subissent et pour les luttes à venir. Face à l'urgence que constitue la souffrance de centaines de milliers de femmes, il y a, mes chers collègues, une impérieuse nécessité de le voter au plus vite, pour que, demain, plus une seule femme ne meure sous les coups de son conjoint.
Qu'une loi de la République reconnaisse cette violence permettra aux femmes qui en sont victimes de relever la tête, de se sentir la force de dire non, de s'accorder le droit d'être libres et égales.
Bien sûr, je ne considère pas que le débat soit clos, et la volonté des femmes et des féministes de voir demain cette loi évaluée et, si nécessaire, améliorée doit être actée par un espace de suivi, de contrôle et de propositions. Je vous invite donc à ce que, dès la loi votée, se mette en place un groupe de travail regroupant associations féministes, parlementaires, représentants des ministères et acteurs sociaux.
Chers collègues, dans la poursuite de notre travail commun, les députés du groupe GDR voteront le texte conforme, après avoir, en défendant leurs amendements, rappelé leurs exigences. Après le vote, je n'aurai de cesse que les décrets d'application soient pris et, surtout, je prends l'engagement de ne pas relâcher ma vigilance pour que les moyens soient réellement accordés à la mise en oeuvre de cette loi.
Ce matin, je pense à Nora et à toutes ces femmes battues et anonymes. Le pas que nous allons franchir aujourd'hui en appelle d'autres, pour la liberté. Dans cette longue marche en avant pour les droits des femmes et l'émancipation humaine, avançons d'un pas décidé. Oui, monsieur le rapporteur, c'est un bon début, mais il faut, comme vous l'avez dit, continuer le combat ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la discussion en première lecture, le 25 février dernier, de la présente proposition de loi renforçant la protection des victimes, la prévention et la répression des violences faites aux femmes, a démontré que notre assemblée peut débattre d'un sujet de cette importance en dépassant les habituelles controverses droite-gauche.
Lorsque nous avons examiné cette proposition de loi, un chiffre nous a constamment interpellés : 156 femmes mortes en 2008 sous les coups de leurs compagnons, soit une femme tuée tous les deux jours et demi.
Dans le cadre du programme européen Daphné de prévention de la violence contre les enfants, les adolescents et les femmes, une étude réalisée par l'association Psytel et la Fédération nationale solidarité femmes, et présentée le 22 juin dernier, démontre même que le nombre de décès liés aux violences conjugales est sous-estimé en France. Au chiffre officiel de 156 femmes mortes en 2008 sous les coups de leurs conjoints ou ex-conjoints, cette étude oppose une estimation de l'ordre de 460 décès liés aux violences conjugales.
Par ailleurs, cette étude montre que les actes de violence conjugale ont coûté 2,5 milliards d'euros à la société française en 2006, ce coût recouvrant les hospitalisations, les périodes de chômage ou d'arrêt de maladie des victimes de violences, ainsi que les heures que la police, la justice et le personnel médico-social passent à traiter cette violence.
La régularité statistique morbide de ces chiffres démontre qu'il s'agit bien d'une tendance structurelle lourde de notre société. Dès lors, le législateur et la puissance publique doivent les traiter comme tels ; les tabous doivent être levés pour que nous regardions en face cette terrible réalité, afin d'y mettre un terme.
Le Gouvernement a donc eu raison de déclarer « grande cause nationale 2010 » la lutte contre les violences faites aux femmes. Dans cette démarche, la représentation parlementaire a accouché d'une proposition de loi aux avancées considérables, dont le groupe Nouveau Centre est particulièrement satisfait.
Tout d'abord, nous félicitons les auteurs de ce texte de proposer l'instauration d'une ordonnance de protection des victimes, permettant de secourir d'urgence les femmes en danger, ainsi que celles menacées de mariage forcé ou de mutilations sexuelles. Cette ordonnance interviendra en amont du dépôt de plainte.
Nous saluons aussi les dispositions de la proposition de loi qui visent à renforcer la sécurité juridique des personnes étrangères victimes de violences conjugales. Aujourd'hui, le fait de quitter un mari violent équivaut le plus souvent, pour elles, à perdre leur titre de séjour, leur logement ou la garde de leurs enfants.
L'introduction du délit de violence psychologique constitue une autre avancée, qui mérite d'être soulignée. Cette violence peut avoir, en effet, des répercussions gravissimes et irréversibles sur la santé des victimes. Selon le procureur de la République à Douai, Luc Frémiot, « il est important de créer une infraction de harcèlement psychologique, compte tenu de son caractère symbolique, puisque la violence psychologique est souvent le prélude à la violence physique. Elle contribue à l'isolement de la victime, qu'elle place sous l'emprise de l'autre ».
Enfin, la référence à la définition de l'intérêt de l'enfant est capitale, et nous regrettons vivement qu'elle ait été supprimée lors de l'examen du texte par le Sénat.
En effet, au coeur de ce que j'appelle un séisme familial, c'est l'avenir des enfants qui se joue. Lorsqu'une séparation intervient dans le couple, ou lorsque la mère est contrainte de se cacher dans un foyer accueillant les femmes victimes de violences conjugales, leur sort est souvent en question. Suite à une séparation, comment le juge règle-t-il alors leurs conditions de vie quotidiennes ? Bien souvent, la raison pour laquelle les femmes n'osent pas quitter un conjoint violent, c'est la peur que les enfants leur soient retirés et placés dans des foyers éloignés.
Est-il dorénavant acquis que la mère victime de violences conserve le droit de garde de ses enfants ? Lorsque ce ne sera pas le cas, pouvez-vous nous assurer, madame la secrétaire d'État, que la famille proche sera choisie en priorité pour les accueillir ? Pour le groupe Nouveau Centre, il est primordial que le législateur veille à ce que les enfants conservent leurs repères familiaux autres que les parents, c'est-à-dire les grands-parents et la famille proche. Nous apprécions à cet égard l'évolution du titre de la proposition de loi, désormais élargie aux « violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants ».
Par ailleurs, nous nous félicitons de la réintroduction dans le texte de l'ouverture de l'accès à l'aide juridictionnelle et de la formation systématique des professionnels. L'information, la formation et la mise en réseau de tous les professionnels en contact avec les victimes permettront d'améliorer l'efficacité de la lutte contre les violences faites aux femmes. C'est pourquoi nous avions demandé au Gouvernement de réintroduire ces éléments par voie d'amendements ; nous avons été entendus !
Sur le plan pratique, nous saluons en outre la mise en place progressive, dans les services de police les plus importants, de cellules d'enquête adaptées à une meilleure prise en charge des violences familiales, tout en souhaitant qu'elle soit accélérée et étendue à un plus grand nombre de commissariats sur l'ensemble du territoire.
Nous déplorons toutefois que la réflexion n'ait pas été suffisamment étendue à la période qui suit la séparation de la femme d'avec son conjoint violent. En effet, outre les mesures de relogement, il importe de prendre des mesures d'accompagnement des victimes. À cet égard, il est très regrettable que le Sénat ait choisi de supprimer la disposition initiale du texte qui ouvrait la possibilité de refuser pour des motifs graves l'exercice du droit de visite et d'hébergement par l'autre parent. Nous craignons que, dans certains cas, de telles visites soient propices à la manifestation de nouvelles scènes de violences.
Enfin, j'appelle le législateur à ne pas se contenter d'aborder la question des violences sous le seul angle de l'action a posteriori, qu'il s'agisse de la punition des coupables ou de l'accompagnement des victimes.
Comme je le disais en introduction, les statistiques nous rappellent avec entêtement que nous sommes face à une tendance structurelle de notre société. Aussi est-il indispensable que notre action intègre la dimension, prioritaire, de la prévention. Ce travail doit être effectué dès l'enfance par les éducateurs chargés d'éveiller les jeunes au respect d'autrui, à la maîtrise de soi, mais aussi au respect de soi-même, seul rempart contre l'engrenage fatal de la violence. Notre société ne peut tolérer plus longtemps que tant de femmes et de familles soient détruites physiquement et psychologiquement. Le texte du Sénat reprend l'essentiel des mesures proposées par l'Assemblée nationale. Il est désormais urgent de faire aboutir ce texte très attendu, en veillant à sa mise en application rapide. Vous l'aurez compris : le groupe Nouveau Centre votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, quatre mois après la première discussion de cette proposition de loi sur les bancs de notre assemblée, la question des violences faites aux femmes est, hélas, plus que jamais d'actualité. L'affaire, aussi triste que révoltante, de cette femme d'enseignant marseillais torturée de façon abjecte et barbare, enfermée dans un silence forcé pendant plus de trente-cinq ans, nous rappelle – si besoin était – combien il est urgent d'agir. Et pour cause : en plein coeur de cette année dédiée à la cause des violences faites aux femmes, après des décennies de combat acharné pour leur accès aux droits, à la parité, aux responsabilités, on peut se demander comment des femmes peuvent subir des calvaires aussi terribles. C'est, bien sûr, à ces femmes que cette loi s'adresse. C'est pour que de tels cauchemars disparaissent que nous voterons ce matin cette proposition de loi.
Je salue le soutien du Gouvernement, en particulier de notre Premier ministre François Fillon, qui, en ayant hissé ce sujet au rang qui doit être le sien, celui de grande cause nationale, a permis qu'il soit enfin l'objet d'un débat public, constructif et efficace.
Ce sujet, je tiens à le rappeler, nous a tout d'abord rassemblés, par-delà nos clivages partisans, dans un même élan en faveur des victimes. À la veille d'un pas significatif pour la cause des femmes, le groupe UMP tient à remercier Mme Bousquet, la présidente de la commission spéciale, et M. Geoffroy, son rapporteur, pour leur immense travail et pour la ferveur de leur engagement. Il est heureux que cette collaboration transpartisane ait connu le même succès chez les sénateurs.
Contrairement à certains dossiers, pour le moins rationnels, cette proposition de loi a exigé de nous une plongée au coeur de situations aussi singulières que délicates, car elles dissimulent des réflexes d'ordre psychologique sur lesquels il n'est pas toujours facile de légiférer. Je parle notamment de la question du silence, omniprésente dès que l'on traite de la violence de genre. Nous avons choisi ensemble la voie d'une protection accrue en amont du dépôt de plainte, seule mesure susceptible de guider les victimes très progressivement vers l'aveu. Je me réjouis que le Sénat ait en grande partie axé son travail sur le renforcement du volet relatif à la protection et à la prévention, permettant de placer ces victimes dans de justes dispositions, des dispositions préalables à ce geste parfois si difficile que constitue le dépôt d'une plainte.
Nos travaux se révèlent aujourd'hui le fruit d'une complémentarité féconde. En effet, le travail des sénateurs a permis de rendre applicables et effectives certaines des dispositions que nous avions prévues. Il en est ainsi, par exemple, du délit de violence psychologique, qui a fait l'objet d'un amendement précisant les preuves à fournir pour que la sanction s'applique et joue pleinement son rôle. Rappelez-vous combien la presse avait vu dans cette mesure, à l'époque, un « écran de fumée », faute d'exigence de preuves valables. Nos collègues ont entendu le message et évité cet écueil.
De plus, le Sénat a rationalisé cette proposition de loi en assurant un meilleur suivi, non seulement de la victime, mais aussi du conjoint violent. Je salue le fait qu'un même juge assure le suivi du coupable et vérifie que les mesures dont il est l'objet sont bien respectées. Chacun de nous sait en effet que nombre de situations dégénèrent faute de vigilance et de rigueur. Cette rationalisation, tout comme la diversification du rôle du juge – information de la victime, prononcé et suivi de la sentence –, sont autant de façons d'éviter la dilution des responsabilités, facteur d'inefficacité.
Nombre de ces femmes, nous le voyons tous dans nos permanences, souffrent en silence, par ignorance des droits qui sont les leurs. Il est temps de leur montrer avec force que la justice est de leur côté. Cela passe, bien sûr, par l'accent mis sur l'information des victimes, quant à leurs droits certes, mais aussi quant aux peines encourues par les auteurs de violences.
Enfin, parmi les mécanismes psychologiques qui entravent l'action de la justice, il y a le fameux : « c'est un mauvais mari, mais c'est un bon père ». Cette auto-conviction paralysante qui empêche trop souvent la séparation, exigeait une amélioration de la prise en compte de l'enfant, phénomène primordial et novateur. C'est une des avancées considérables apportées par ce texte.
C'est donc une proposition de loi améliorée, précisée et renforcée que nous nous apprêtons à discuter. Notre vote conforme et unanime rendra un immense service à toutes ces femmes que nous cherchons à aider par nos efforts communs. Même si l'on peut toujours perfectionner un texte, il n'est plus temps d'attendre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j'ai suivi, comme bon nombre de mes collègues inscrits dans la discussion générale, l'évolution de cette proposition de loi depuis ses prémices, au sein de la mission d'évaluation, puis de la commission spéciale créée dans le but de parvenir à un engagement unanime de la représentation nationale sur ce sujet important. Je me rappelle, madame la secrétaire d'État, vous avoir interpellée le 25 novembre, à l'occasion de la Journée mondiale pour l'élimination des violences à l'égard des femmes, afin d'obtenir du Gouvernement l'engagement d'utiliser le véhicule législatif important que constitue le travail que nous avons accompli autour de Danielle Bousquet et de Guy Geoffroy. Après mes collègues, je les remercie à mon tour pour la façon dont ils ont mené à bien cette tâche difficile.
Au moment d'engager la discussion en deuxième lecture, le moment est déjà venu de tirer un premier bilan. À cette fin, je veux revenir aux ambitions qui étaient les nôtres au sein de la mission d'évaluation. Notre excellent rapporteur se fixait pour objectif, dans l'introduction de son rapport en première lecture, de dresser « un état des lieux des violences faites aux femmes en s'attachant à les appréhender sous toutes leurs manifestations, que ce soit au sein du couple ou au sein de la famille, dans l'espace public ou au travail, qu'il s'agisse de violences physiques ou psychologiques, de menaces de mariage forcé ou de mutilations sexuelles, ou encore de harcèlement sexuel sur le lieu de travail ».
Était donc présente dès le départ, même si nous savions que ces sujets appelaient des réponses spécifiques – qui ne relèvent d'ailleurs pas toutes de la loi –, l'idée qu'il existait une logique commune, sous-jacente à ce que nous désignons du terme de « violences de genre ». Cette idée justifiait l'inscription de la lutte contre les violences de genre au coeur de notre pacte républicain, la nécessité de les mesurer et de les comprendre grâce à la création d'un observatoire national, ainsi que la volonté de sensibiliser non seulement les professionnels concernés, mais aussi tout un chacun dès l'école, aux préjugés sexistes et à leurs manifestations violentes, qu'elles soient physiques ou psychologiques.
De la proposition de loi votée ici à l'unanimité et saluée par les associations jusqu'au texte du Sénat, lui aussi adopté à l'unanimité, le processus législatif a, petit à petit, élagué ces ambitions. Peut-être était-ce le prix à payer pour avoir choisi l'initiative parlementaire ; mais peut-être le texte y a-t-il aussi gagné en lisibilité ou en efficacité.
Je veux néanmoins exprimer quelques regrets. Je regrette que, lors de la première lecture du texte par notre assemblée, le Gouvernement n'ait pas souhaité lever le gage pour permettre la création de l'observatoire que nous demandions, comme je regrette que nous ayons tenu à l'écart les victimes de la traite des êtres humains, dont le mariage forcé, n'est en réalité qu'une forme particulière.
Les débats au Sénat ont produit de bons dispositifs sur la formation, notamment dans l'éducation nationale, et sur la protection des femmes victimes à l'étranger. En revanche, je déplore, comme mes collègues, qu'ils aient abouti à un recul sur la médiation pénale, à une stricte limitation de l'ordonnance de protection aux victimes au sein du couple, ou encore au fait que l'intérêt de l'enfant tel que nous l'avions défini soit laissé à la seule appréciation du juge.
Cette loi que nous avons voulu écrire ensemble, il nous appartient désormais de la voter ensemble. C'est un pas en avant, qui doit nous faire prendre conscience des nombreux autres pas qui restent à faire. C'est une brique d'un édifice qu'il nous appartiendra de consolider.
Je dis cela dans un esprit de responsabilité, mais aussi en rappelant solennellement au Gouvernement qu'il a la responsabilité de la mettre en oeuvre très vite. Je rappelle que Mme Alliot-Marie avait indiqué, ici même, que les décrets d'application seraient pris dès la promulgation de la loi.
Cette célérité ne serait que normale, puisque les violences faites aux femmes ont été déclarées grande cause nationale pour 2010. Le Gouvernement doit donc s'engager et agir. L'actualité, malheureusement, ne nous attend pas, et chaque jour qui passe emporte son lot de victimes.
Je le répète, une loi n'est jamais définitive et peut toujours être améliorée, comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur : « Ce n'est qu'un début, continuons le combat ! » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, je m'étonne, avec tout le respect que nous devons à nos hôtes étrangers, que soient présentes dans les tribunes des personnes portant en évidence des signes religieux.
Nous avons interdit, à juste titre, le port du voile aux femmes qui viennent en visite. Je ne vois donc pas pourquoi des hommes pourraient, eux, brandir des signes religieux lorsqu'ils assistent à nos travaux.
Je saisirai, au nom du groupe GDR, le président de l'Assemblée nationale de cette situation qui ne nous semble pas conforme à nos traditions.
La tradition de notre Assemblée n'est pas, lorsque nous recevons des hôtes étrangers, de leur demander de se changer avant d'accéder aux tribunes.
Nous reprenons la discussion générale.
La parole est à Mme Martine Billard.
Madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, notre Assemblée avait adopté en première lecture un texte qui faisait l'objet d'un consensus général. Nous étions toutes et tous contents du résultat, contents pour les femmes.
Le texte qui nous revient du Sénat nous laisse, en revanche, un goût quelque peu amer. S'il comporte des améliorations par rapport à la version issue de nos travaux, il comporte plusieurs régressions qui sont loin d'être bénignes.
De fait, nous sommes pris en tenaille entre la situation concrète de femmes qui continuent de mourir toutes les semaines sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint, et notre souhait de voter la loi la plus complète possible.
Nous souhaiterions en effet revenir, dans plusieurs cas, à la rédaction que notre assemblée avait adoptée en première lecture – à cet égard, je tiens aussi à remercier notre présidente et notre rapporteur pour le travail accompli –, mais nous n'avons pas la garantie que texte serait alors réinscrit rapidement en deuxième lecture à l'ordre du jour du Sénat puis en lecture définitive à celui de l'Assemblée nationale.
C'est donc le Sénat qui, dans les faits, aura le dernier mot, ce qui n'est pas conforme à l'esprit de la Constitution. Cela étant, nous préférons engranger des avancées maintenant, même si nous les aurions aimées plus importantes.
Plusieurs des reculs opérés par le Sénat traduisent un désaccord de fond quant à l'objectif visé.
Depuis la loi-cadre portée par le Collectif national des droits des femmes – qui joue un rôle important dans ce combat – jusqu'au texte voté à l'unanimité par notre assemblée, il s'agissait en principe d'une loi contre les violences de genre, c'est-à-dire les violences faites aux femmes parce qu'elles sont femmes.
C'est pourquoi elle ne concernait pas les seules violences au sein du couple, mais, plus largement, les violences au sein de la famille et même au travail. À notre grand regret, le Sénat a réduit son champ aux violences au sein du couple.
Ce refus d'appréhender les violences envers les femmes comme des violences liées au genre se double du maintien de l'obligation de la preuve comme préalable à l'ordonnance de protection. L'instauration de celle-ci repose pourtant sur l'idée qu'il faut agir vite, aider les femmes victimes à oser briser la spirale de la violence sans attendre qu'elles soient à l'hôpital. Le Sénat a préféré une rédaction de l'article 555-11 plus soupçonneuse à leur égard. C'est regrettable.
De même, d'autres suppressions opérées par le Sénat correspondent à des débats qui avaient déjà eu lieu à propos de la loi de 2006, notamment sur trois points.
Premier point : la possibilité de refuser le droit de visite et d'hébergement à un parent violent. Nombre de drames se concluant par la mort de la femme, voire par celle des enfants, ont lieu lors de l'exercice de ce droit de visite ou d'hébergement, notamment après une séparation. Nous souhaitions donc poser clairement le principe de l'interdiction dans les cas les plus graves, car, comme d'autres l'ont déjà dit, un conjoint violent ne peut pas être un bon père.
Nos collègues sénateurs ne nous ont pas suivis. Ce sont pourtant, hélas, des situations trop fréquentes. Il faudra donc s'en remettre à la bonne appréciation des juges. Espérons que l'idéologie du maintien à tout prix des liens familiaux reculera, car elle signifie, dans certains cas, danger de mort pour la femme et les enfants.
Deuxième point : la prise en compte des violences psychologiques et leur définition. Ne sont plus concernés que les agissements, non les paroles. Pourtant, des mots blessants, humiliants et répétés peuvent détruire une femme sans que le moindre geste déplacé soit commis.
Troisième point : le recours à la médiation pénale. En 2006, il avait été réduit mais non écarté. Or, tout démontre que le premier coup lève le tabou de la violence. Il faut alors absolument dire « stop » pour empêcher que les coups ne continuent. Nous nous réjouissons donc que la médiation soit impossible en cas d'ordonnance pénale, mais ce ne sera malheureusement pas le cas lorsque la victime aura choisi de déposer plainte immédiatement.
Sur ces trois points, les avancées demeurent, mais elles sont plus réduites dans la version du Sénat que dans celle issue de nos travaux. Je le regrette profondément.
Je voudrais aussi souligner deux autres reculs.
D'une part, la disposition qui permettait au juge de passer outre l'éventuel veto du parent violent contre un suivi psychologique de l'enfant témoin de violences sur sa mère est supprimée. Cette proposition était pourtant, elle aussi, dictée par des situations concrètes.
D'autre part, la pénalisation du harcèlement sexuel au travail – hélas trop fréquent – est supprimée.
Madame la secrétaire d'État, l'urgence de l'entrée en vigueur de plusieurs dispositifs, notamment de l'ordonnance de protection qui est la grande nouveauté de ce texte, nous amènera à émettre un vote conforme à celui du Sénat.
J'espère néanmoins que le Gouvernement fera preuve du même sens de la responsabilité que nous tous, qu'il prendra sans tarder les décrets nécessaires à son application réelle et qu'il accordera à celle-ci les moyens financiers qui vont de pair, notamment dans le domaine de la prévention.
Comme mes collègues, je suis d'accord avec vous, monsieur le rapporteur : la lutte continue pour de futures améliorations que nous espérons le plus rapides possibles. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je commencerai en citant Benoîte Groult : « À toutes celles qui vivent dans l'illusion que l'égalité est acquise et que l'histoire ne revient pas en arrière, je voudrais dire que rien n'est plus précaire que les droits des femmes. »
C'est pourquoi cette proposition de loi revêt, pour l'ensemble des membres de la commission spéciale de 1'Assemblée nationale qui la portèrent jusqu'en février dernier, une réelle importance.
En effet, chaque jour qui passe nous rappelle l'urgence d'une promulgation rapide de la loi. Au sein des couples, 10 % des femmes sont concernées en France ; une femme décède sous les coups d'un mari ou d'un compagnon tous les deux jours et demi, sans compter celles qui restent handicapées à vie. Pourtant, faute d'une législation adaptée, le taux de plaintes reste toujours très bas : 8 % en ce qui concerne les violences conjugales.
D'autres éléments statistiques nous montrent que les violences faites aux femmes sont multiples et que des mutilations sexuelles sont encore opérées sur notre sol.
Au vu des faits rappelés par Mme la présidente et des chiffres cités, le texte que nous examinons en seconde lecture mériterait quelques réajustements.
Il faudrait notamment élargir la loi aux familles, étant donné les violences exercées sur de très jeunes femmes par des parents proches autres que les conjoints ou concubins. Comme vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État, quelque 8 000 adolescentes seraient menacées, chaque année, de mariage forcé.
Il faudrait aussi introduire dans le code civil la définition de l'intérêt de l'enfant, sur lequel nous nous sommes longuement interrogés et auquel nous restons très attachés, madame la secrétaire d'État.
Enfin, il serait nécessaire de prolonger le titre de séjour des victimes étrangères sans papiers, précaires parmi les précaires.
Reste que cette proposition de loi relative à la lutte contre les violences faites aux femmes – devenue grande cause nationale 2010 – comporte des mesures qui, au-delà des symboles, sont autant d'avancées sociétales incontestables, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, madame la présidente.
Je ne citerai que les plus importantes : les violences psychologiques sont reconnues et deviennent un délit car, si elles ne laissent pas de traces, elles n'en sont pas moins destructrices ; l'aide juridictionnelle peut bénéficier aux femmes étrangères en situation régulière ou irrégulière ; la place des associations dans la procédure est reconnue ; est enfin instaurée l'ordonnance de protection, mesure phare de notre proposition de loi.
En outre, une loi n'est jamais définitive et elle peut, avec le temps et à la lumière de l'expérience, être enrichie.
C'est pourquoi nous comptons, madame la secrétaire d'État, sur la diligence du Gouvernement pour prendre les décrets d'application le plus rapidement possible, afin que la loi devienne effective dès les premiers jours de l'automne.
Nous comptons aussi sur l'action du Gouvernement pour que soient garantis les moyens humains et financiers nécessaires à la création et à la mise en oeuvre des outils et dispositifs indispensables à une lutte efficace et concrète.
Le Gouvernement doit notamment s'engager à mettre en place une formation spécifique aux violences de genre pour l'ensemble des professions concernées, ainsi qu'une sensibilisation au respect des genres, dès le plus jeune âge, au sein de l'éducation nationale.
Enfin, si la connaissance des violences faites aux femmes s'est considérablement améliorée, des pans entiers de cette problématique demeurent encore mal connus. Pour accroître l'efficacité de la loi, il faudra donc, non seulement en assurer le suivi, mais aussi améliorer la coordination des acteurs impliqués.
Qu'il nous soit permis, mes chers collègues, madame la secrétaire d'État, de réaffirmer, à l'occasion de l'examen et du vote de cette proposition de loi, notre attachement aux valeurs de solidarité d'une société juste ainsi qu'au droit à la dignité de toute personne humaine.
Que soient remerciés Mme la présidente Danielle Bousquet et M. le rapporteur Guy Geoffroy, ainsi que toutes celles et ceux qui, par leur détermination, ont contribué à l'élaboration de cette proposition de loi et à son enrichissement. (Applaudissements sur tous les bancs.)
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Je voudrais d'abord faire quelques remarques.
Vous avez choisi la célérité dans l'intérêt des femmes, et je vous en remercie. Vous avez choisi d'accepter un équilibre entre propre texte – que vous préférez légitimement – et celui du Sénat.
Les femmes attendent cette rapidité d'exécution. En outre, comme plusieurs d'entre vous l'ont souligné, nous ne sommes qu'au début d'un combat qui sera long. Loin d'être au terme des améliorations législatives sur le sujet, nous devrons les poursuivre.
Je voudrais aussi apporter quelques précisions, en réponse aux remarques de certains et certaines d'entre vous.
Mme Bousquet, Mme Billard, Mme Buffet et Mme Brunel ont insisté sur la nécessité de prendre rapidement les textes réglementaires. D'une manière générale, c'est ce que vous attendez tous, et c'est tout à fait légitime.
Il va sans dire que le Gouvernement sera tout entier mobilisé pour que les dispositions s'appliquent au plus vite. Les mesures d'ordre civil comme l'ordonnance de protection devraient entrer en vigueur au 1er octobre. De son côté, Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux, mettra tout en oeuvre pour que ces nouvelles dispositions soient connues au plus vite. Concrètement, une dépêche sera envoyée aux parquets généraux pour expliciter la loi et en définir les objectifs.
Michèle Alliot-Marie et moi-même sommes donc pleinement mobilisées pour assurer la bonne application du texte.
S'agissant des dispositions relatives à l'autorité parentale, madame Buffet, le texte issu du débat parlementaire permettra de prendre en compte la situation particulière de chaque famille. Figer la définition de l'autorité parentale interdirait d'apporter une réponse au cas par cas sur chacun des dossiers soumis au juge.
Mme Le Moal a évoqué l'accueil des enfants par la famille proche. L'éviction du conjoint violent permettra à la victime et à ses enfants de préserver leur lieu de vie : cela évitera les situations de précarité sociale. Au regard de cette disposition, les enfants n'ont donc pas à craindre d'être placés : ils ne le seront que si les deux parents exerçant l'autorité les mettent en danger. Si tel est le cas, le juge des enfants évaluera en ce cas l'ensemble des possibilités d'accueil, notamment par les parents proches – les grands-parents, la plupart du temps –, afin de préserver au mieux le cadre de vie et l'équilibre de l'enfant.
L'ordonnance de protection est une innovation essentielle pour faire face aux situations d'urgence auxquelles sont confrontées certaines femmes. Le juge aux affaires familiales pourra en outre la modifier ou l'adapter à la situation au vu des éléments nouveaux qui lui seront soumis. Chaque situation bénéficiera ainsi d'une réponse adaptée et individualisée.
J'imagine que bon nombre de gens, madame Crozon, partagent vos sentiments sur l'observatoire des violences. Mais dès lors qu'observatoire national de la délinquance et des réponses pénales existe déjà, l'efficacité et de la pertinence commandent, nous semble-t-il, d'éviter de créer un nouveau dispositif : la mutualisation des moyens garantira l'efficacité de cet observatoire – interministériel, rappelons-le – pour traiter le sujet des violences faites aux femmes. Michèle Alliot-Marie a d'ailleurs envoyé un courrier pour demander que les violences faites aux femmes fassent l'objet d'un traitement spécifique et particulier. Je vous informe aussi qu'une étude sur le sujet a été lancée par l'Institut national d'études démographiques et la Direction générale de la cohésion sociale ; les premiers résultats en seront connus à la mi-2011, l'objectif étant de mieux connaître l'ampleur et la typologie des violences faites aux femmes. Pour ce qui est des violences faites aux femmes handicapées, sujet mis en exergue lors du débat au Sénat, je saisirai aussi le Conseil national consultatif des personnes handicapées. Une étude est en effet nécessaire, car il y a tout lieu de penser que ces femmes sont encore beaucoup plus fragiles.
Comme j'aurai l'occasion d'y revenir lors du débat des amendements, madame Billard, l'automaticité n'est pas adaptée aux décisions du juge aux affaires familiales, qui doit répondre à la diversité des cas qui lui sont soumis lorsque les enfants sont mis en danger. Le juge pourra priver le parent violent de tout droit de visite, ou prévoir des droits de visite aménagés dans un lieu de rencontre. Vous avez rappelé la nécessité d'encadrer la médiation pénale pour les violences conjugales. Je tiens à vous rassurer sur ce point : d'une part, le texte adopté par le Sénat interdit la méditation lorsqu'une ordonnance de protection est délivrée ; d'autre part, cette alternative aux poursuites n'a vocation à être utilisée que de manière exceptionnelle, lorsqu'il s'agit d'un fait isolé, non répété, et que cette méditation est demandée par la victime. Dans ces hypothèses, la méditation vient remplacer, non des poursuites, mais un classement sans suite ; Mme la garde des sceaux veillera en tout cas à ce qu'elle soit très encadrée et limitée.
Il va enfin sans dire que la lutte contre les mariages forcés – selon le Haut conseil à l'intégration, 70 000 femmes seraient concernées en France –, madame Boulestin, est une priorité du Gouvernement. Tel qu'il est issu du Sénat, le texte propose déjà un arsenal très protecteur. Ainsi, le juge sera compétent pour ordonner l'interdiction de sortie de territoire de la personne menacée de mariage forcé, interdiction qui sera inscrite, par le procureur de la République, au fichier des personnes recherchées.
En conclusion, mesdames, messieurs, je vous remercie de vos interventions ; je remercie plus particulièrement Chantal Brunel pour son ouvrage Pour en finir avec les violences faites aux femmes. Notre débat montre à quel point nous sommes mobilisés pour défendre les femmes victimes de violences. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP sur quelques bancs des groupes SRC et GDR.)
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission spéciale, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.
Mes chers collègues, puisque chacun souhaite que le texte soit voté ce matin, je serai obligé de faire strictement respecter les temps de parole, ce dont je m'excuse à l'avance.
La parole est à M. Gérard Gaudron, pour deux minutes.
Nous voici réunis, madame la secrétaire d'État, pour examiner en deuxième lecture ce texte qui illustre notre volonté de lutter contre les violences faites aux femmes. Comme je l'ai dit le 25 février dernier, et comme l'ont confirmé les différents orateurs, certains problèmes ne se prêtent ni aux débats partisans ni à l'expression de divergences idéologiques. Il convient à ce titre de saluer, une fois encore, la qualité de ce travail transpartisan.
Les mesures contenues dans la proposition de loi sont attendues par de nombreuses femmes ; concrètes, elles témoignent d'avancées notables dans différents domaines, tels que la garde des enfants, le logement ou les mariages forcés. Le Sénat, qui partage la volonté de notre assemblée de sensibiliser toujours davantage à ce fléau des violences faites aux femmes, a apporté sa contribution.
Les violences faites aux femmes sont inacceptables ; il convient donc de voter et d'appliquer ce texte dans les plus brefs délais. Pour ce faire, il est souhaitable que l'unanimité prévale dans notre hémicycle, même si le combat, en ce domaine, n'est pas terminé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Nous nous trouvons dans une situation paradoxale : votée à l'unanimité par l'Assemblée, la proposition de loi nous revient en deuxième lecture, après un vote également unanime du Sénat, dans un état insatisfaisant, même si elle contient malgré tout des avancées. Contraints par l'urgence du calendrier – qui n'a rien à voir avec l'urgence que nous avons coutume de déplorer pour d'autres textes –, nous nous retrouvons à devoir l'adopter conforme.
Mme la secrétaire d'État nous a assuré que les décrets d'application seront pris dès la rentrée. J'ai entendu des engagements sur l'organisation des juridictions et sur les moyens humains mobilisés pour faire appliquer la loi. Peut-être le Gouvernement pourrait-il également s'engager à remettre un rapport sur la mise en oeuvre concrète de la loi avant la fin de 2010, année nationale de lutte contre les violences faites aux femmes ? On pourrait imaginer, dans ce cadre, la création d'une nouvelle commission spéciale.
Enfin, le point essentiel concerne l'ordonnance de protection, dispositif novateur prévu par l'article 1er que nos collègues sénateurs ont restreint aux seules violences dans les couples. Certes, celles-ci sont évidemment les plus nombreuses et souvent les plus dramatiques : ainsi, dans ma circonscription, deux femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint pendant le temps qu'a pris la discussion de la proposition de loi. Néanmoins, les violences sont parfois le fait de pères vis-à-vis de leur fille, de frères vis-à-vis de leur soeur, voire – assez souvent, hélas – de fils vis-à-vis de leur mère.
J'aurais souhaité que l'ordonnance de protection s'applique également à ces cas.
Pour conclure, je choisirai une phrase qui appartient aussi à ma culture : « Un pas en avant vaut mieux que mille programmes ». Nous voterons donc le texte conforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Dans ce débat très consensuel, on me permettra d'émettre plusieurs regrets. Le premier est que nos collègues sénateurs, abandonnant le concept de violences familiales, nous cantonnent aux violences de couple. Des jeunes femmes sont en effet parfois victimes de leur frère, et des parents victimes de leurs enfants.
Je regrette également que, sans aller jusqu'à créer un pôle de la famille, on ait abandonné l'idée d'un travail plus interdisciplinaire entre les magistrats.
Mon troisième regret est que l'on n'ait pas profité du texte pour parler du respect de la personne humaine appliqué à la femme, ce qui nous aurait évité des polémiques sur le port du voile intégral.
Enfin, je déplore que le Gouvernement ne nous ait pas suivis sur la mise en place de l'observatoire des violences faites aux femmes, car cette forme de délinquance ne peut être confondue avec les autres.
Je relèverai aussi les points positifs. En premier lieu, ce texte est resté d'initiative parlementaire – même s'il a failli subir des initiatives contradictoires du Gouvernement. Je remercie celui-ci que cela n'ait pas été le cas. Les innovations juridiques que nous avons introduites ont, pour l'essentiel, été maintenues : je pense notamment à l'ordonnance de protection et à la protection des femmes étrangères.
Dans ce contexte, je suis bien sûr favorable à une lecture conforme de la proposition de loi.
Alors que le dispositif initial portait aussi, et à juste titre, sur les violences familiales, le Sénat l'a restreint aux violences commises au sein du couple. Même si ce dernier est entendu au sens large, nous craignons que cela ne revienne à exclure les cas de violences au sein d'une fratrie, ou exercées, par exemple, par des enfants à l'encontre de leur mère.
Avec le texte du Sénat, les associations ne pourront plus saisir le juge aux affaires familiales, ni être désignées par lui afin d'accompagner la victime durant la période d'application de l'ordonnance, même si le juge pourra présenter à la victime une liste d'associations agréées.
Le Sénat a toutefois renforcé les garanties procédurales : je pense à la suppression de la formalité d'assignation au profit d'une convocation par le juge aux affaires familiales, et ce par tous les moyens adaptés ; à la possibilité, pour le juge, de délivrer l'ordonnance de protection sur la base des premiers éléments fiables qui lui auront été communiqués ; à l'extension, au profit du juge, du pouvoir de modification des mesures prises dans le cadre de l'ordonnance de protection ; à la possibilité, pour le juge, de délivrer l'ordonnance de protection dès lors qu'existent de sérieuses raisons de croire à la réalité des violences commises et au danger ainsi encouru par la victime.
Au total, on peut regretter que plusieurs dispositions aient été remaniées ; mais les principes fondamentaux du texte subsistent et ils ne peuvent qu'appeler notre adhésion.
Je ne puis, à la suite de mes collègues, que regretter le changement de titre du texte : celui-ci, comme l'a justement souligné Danielle Bousquet, reposait en effet sur le principe de l'égalité des genres et la lutte contre ce qui reste, dans nos sociétés, de domination masculine telle que la représentait par exemple un film, que ce soit dans le monde du travail ou dans le cadre des violences familiales – puisque, même si les sénateurs ont tenu à souligner que des hommes étaient eux aussi victimes de violences conjugales, ces violences touchent, pour 90 % d'entre elles, des femmes. Ces inégalités restent fortes dans notre pays, comme le montre par ailleurs, au regard de leur carrière, la situation des femmes qui partent en retraite.
Chacun a souligné que l'ordonnance de protection créée à l'article 1er est une grande avancée du texte. Elle permet de protéger la victime soit en éloignant le conjoint, soit en relogeant la femme. Or il paraît urgent de mettre en place des solutions de relogement. J'ai eu récemment connaissance du cas d'une femme qui, non loin d'ici, après avoir porté plainte en juillet 2009, a dû attendre juin 2010 pour être relogée : entre-temps, elle a vécu pendant onze mois au domicile conjugal avec ce mari violent contre qui elle avait porté plainte ; mais comme il était plus âgé qu'elle, on lui avait laissé le logement… Et au final, c'est elle qui a été obligée de partir ! Sans doute l'ordonnance de protection est-elle une bonne chose : encore faudra-t-il que des offres de logement suivent rapidement.
Nous en venons aux amendements à l'article 1er.
Nous commençons par deux amendements identiques, nos 1 et 11.
La parole est à M. Daniel Goldberg.
Dans le droit fil de ce que plusieurs orateurs viennent d'expliquer, l'amendement n° 1 vise à rétablir le dispositif que l'Assemblée nationale avait adopté à l'unanimité en première lecture : l'ordonnance de protection doit s'appliquer à toute femme victime de violences, quels que soient son âge, son statut, sa condition, qu'elle vive ou non en couple, dès lors que ces violences s'exercent au sein de la famille.
Nous serons sans doute amenés à le retirer si Mme la secrétaire d'État prend l'engagement de revenir sur la question dans un prochain véhicule législatif afin que toutes les violences exercées à l'encontre des femmes à l'intérieur du cercle familial soient prises en compte.
Au moment où nous nous félicitons que la lutte contre les violences faites aux femmes ait été déclarée grande cause nationale pour l'année 2010, n'est-il pas paradoxal de restreindre ces violences à celles qui sont exercées au sein du couple ? C'est bien contre toutes ces violences que nous nous battons. Nous avions constaté, à l'occasion des travaux de la mission, que nous ne pourrions pas embrasser l'ensemble du champ ; aussi avions-nous, à la suite des auditions, quelque peu réduit nos ambitions. Nous avions cependant tenu à maintenir dans le texte le cas des violences commises au sein de la famille : celles exercées par un fils sur sa mère, par exemple, se multiplient, mais il faut aussi penser à celles commises par des beaux-parents ou par d'autres membres de la famille élargie. Dans de telles situations, l'ordonnance de protection aurait été un outil fantastique.
Nous regrettons que ce pas n'ait pas été accompli. Voilà longtemps que nous nous battons sur les questions d'égalité salariale entre les femmes et les hommes et nous avons examiné de nombreuses lois à ce sujet. Nous aurions souhaité aller plus vite en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. Sans doute serons-nous obligés, tôt ou tard, d'en passer par une troisième loi, mais il serait regrettable de ne pas le faire tout de suite. Voilà pourquoi nous avons tenu à réaffirmer certains principes dans nos amendements : nous espérons que, chaque fois, Mme la secrétaire d'État nous donnera des précisions qui nous permettront d'aller vers ce vote conforme que nous souhaitons tous.
La commission n'a pas eu à émettre d'avis dans la mesure où ces amendements ont été retirés sitôt présentés. Tout le monde ne peut que partager la volonté ici exprimée ; rappelons toutefois que, dans notre esprit, l'ordonnance de protection a toujours eu comme objectif prioritaire de lutter contre la situation spécifique des femmes victimes de violences au sein de leur couple. Les violences intrafamiliales, qu'il s'agirait ici d'ajouter à la cible de l'ordonnance, ne nécessitent pas l'intervention d'un juge civil, d'autant moins qu'elles peuvent être traitées – et elles le sont la plupart du temps – dans le cadre d'une action pénale qui, contrairement au juge civil, fait appel à des moyens de contrôle beaucoup mieux adaptés et donc beaucoup plus efficaces.
Aussi, pour ces deux amendements identiques comme pour nombre de ceux qui vont suivre, tout en partageant le souci de leurs auteurs et en souhaitant que la réflexion se poursuive, je serais heureux qu'ils soient retirés.
Le Gouvernement partage l'analyse et le souhait du rapporteur.
Cet amendement vise à permettre la saisine du juge par l'ensemble des parties civiles recevables et pas seulement par la personne en danger. Ces associations, que l'on sait très compétentes et dynamiques et qui connaissent l'historique des violences subies par la victime, ont la capacité d'évaluer l'évolution de leur dangerosité. Elles jouent par ailleurs un rôle essentiel de conseil juridique, notamment lorsqu'il s'agit de privilégier un règlement amiable etou une rupture de l'union civile, etou des poursuites pénales à l'encontre de l'auteur des violences, au cas par cas et dans le meilleur intérêt de victimes. C'est pourquoi nous souhaitons compléter l'alinéa 5 par les mots : « , ou par une association recevable à exercer les droits reconnus à la partie civile en vertu de l'article 2-2 du code de procédure pénale, ».
Peut-être avons-nous en première lecture adopté un cheminement un peu confus en décidant de reconnaître des associations en tant que parties demanderesses. Or cette disposition que Mme Crozon se propose de réintroduire pose un problème, car l'ordonnance de protection est bien décrite comme ne pouvant produire des effets qu'à l'égard de la victime elle-même, c'est-à-dire la femme victime de violences.
Je crois par ailleurs que les dispositions de l'ordonnance de protection, et plus généralement celles de notre droit positif, permettent, grâce à cette proposition de loi en particulier, de donner aux associations le vrai rôle qu'elles ont toujours tenu et qu'elles doivent continuer à tenir. Ainsi, les nouvelles dispositions introduites par le Sénat permettent au juge de faire connaître à la victime les associations qui pourraient l'accompagner, et de faire connaître aux associations l'identité de la victime pour qu'elles entrent en contact avec elle si elle-même n'a pas la capacité ou la force de le faire. La rectification du Sénat me paraît donc opportune. Le souhait formulé par Mme Crozon est légitime, mais, comme il est satisfait ailleurs par le texte, il serait bon que cet amendement soit retiré.
Même avis que le rapporteur.
Je suis saisi d'un amendement n° 3.
La parole est à Mme Catherine Quéré.
Cet amendement vise à permettre l'audition par le juge de l'ensemble des parties civiles recevables et non pas seulement la personne en danger. Ces associations, qui connaissent l'historique des violences subies par la victime, ont la capacité d'évaluer l'évolution. Leur témoignage est donc primordial pour que le juge instaure une ordonnance de protection.
Cet amendement, comme les autres, a été retiré après débat en commission. Je souhaite qu'il le soit à nouveau en séance publique : le texte contient des dispositions qui permettent d'accorder toute leur place, aux côtés de la victime, aux associations. Votre amendement est donc satisfait et je souhaiterais qu'il soit retiré.
L'objet de cet amendement est de permettre au juge d'agir rapidement à la suite des auditions, afin qu'une femme victime de violences puisse se retrouver sans tarder dans les meilleures conditions.
Si cet amendement était maintenu – ce que je ne souhaite pas –, je ne pourrais qu'y être défavorable. Certes, le rapport de la mission formulait le voeu que l'ordonnance de protection soit rendue dans un délai relativement court, fixé à quarante-huit heures. Mais, lorsque nous en sommes à l'élaboration de la loi – ce qui est le cas aujourd'hui –, il faut avoir à l'esprit que, en droit civil français, les textes législatifs ne fixent généralement jamais de délai pour le référé. Faire une exception pour l'ordonnance de protection irait à l'encontre de notre droit positif. C'est la raison pour laquelle, puisque je ne pourrais que m'y opposer, je souhaite vraiment que cet amendement soit retiré. Faisons confiance à la justice civile : la plupart du temps, les procédures en référé donnent des résultats rapides.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 12.
La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Cet amendement vise à rétablir le texte de la proposition de loi dans la rédaction issue de la première lecture à l'Assemblée nationale, qui permettait que, dès que l'ordonnance de protection était prononcée, la femme soit reconnue comme victime devant être protégée. La rédaction du Sénat fait de nouveau porter le soupçon sur la femme, lui demandant d'une certaine manière de faire la preuve qu'elle est bien victime.
Mme Buffet propose de rétablir la rédaction initiale. Nous étions alors allés très loin et nous étions exprimés de manière juridiquement un peu abrupte. Relisons le texte qui nous est proposé aujourd'hui : « L'ordonnance de protection est délivrée par le juge aux affaires familiales, s'il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime est exposée. » Comment formuler plus clairement, en termes juridiques, la reconnaissance des violences commises à l'encontre de la femme ? Soyons raisonnables. Il est vrai que le verbe « attester » créait un lien que l'ordonnance de protection aurait imposé au juge pénal, ce qui aurait été contraire à la Constitution. Pour cette raison, et compte tenu de la rédaction du Sénat, véritablement pesée au trébuchet – je dois vous avouer que j'y ai apporté ma contribution –, je ne peux que demander le retrait de cet amendement, totalement satisfait par le texte que nous allons voter.
Même avis.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l'amendement n° 13.
Cet amendement vise à rétablir la rédaction de l'Assemblée nationale concernant les droits des femmes victimes par rapport aux bailleurs. Nous rencontrons souvent dans nos permanences des femmes qui ont dû quitter le domicile conjugal, parce qu'elles étaient victimes de violences, mais qui, étant cotitulaires du bail, sont confrontées aux dettes amassées par leur ancien compagnon.
La demande présentée par cet amendement est vraiment satisfaite par la proposition de loi et je souhaite qu'il puisse être retiré.
Même avis.
La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour soutenir l'amendement n° 5.
Nous avons longuement discuté, à propos de l'alinéa 14, de la nécessité de permettre à la demanderesse de dissimuler son adresse : au moment de la demande de protection, les violences risquent de se poursuivre si le conjoint violent a la possibilité de se rendre au nouveau domicile de sa victime. On a donc autorisé l'avocat à recevoir la domiciliation de la victime. Nous proposons de préciser que le service d'action sociale de la commune pourrait également lui tenir lieu d'adresse.
L'avis de la commission est plutôt défavorable. Il faut mettre cela en relation avec la disposition que nous introduisons par ailleurs pour limiter le risque de dénonciation calomnieuse. Pour éviter tout risque de sanction pénale, la domiciliation doit être encadrée de manière pertinente. Il n'est pas question de mettre en cause les services sociaux dont il faut saluer le travail, mais peut-être n'ont-ils pas la capacité juridique d'assumer la domiciliation. Une autorité judiciaire est, à mon avis, la mieux placée pour garantir que cette domiciliation n'ouvrira pas la possibilité d'un recours en dénonciation calomnieuse.
Même si l'idée sur laquelle cet amendement repose est bonne et généreuse – et sur le principe, j'y adhère –, je souhaite vraiment qu'il soit retiré.
Même avis.
Nous avions souhaité élargir le champ de l'ordonnance de protection.
L'amendement n° 6 vise à permettre aux personnes menacées d'agressions sexuelles, de traite des êtres humains ou de viols de bénéficier elles aussi d'une ordonnance de protection, dans le droit fil des discussions de la mission d'information sur la prévention et la lutte contre les violences et des engagements formulés à cet égard lors de la réunion de la commission spéciale du 9 février dernier.
Le juge aux affaires familiales devrait également pouvoir être compétent non seulement pour les personnes majeures menacées de mariage forcé, mais également pour les personnes majeures menacées de mutilations sexuelles.
C'est incontestablement une question importante : elle avait d'ailleurs fait l'objet d'un début de traitement par la loi de 2006, dont nous avions largement débattu dans cet hémicycle. C'est d'ailleurs lors de l'examen de cette loi par l'Assemblée nationale qu'a été pris en compte le drame des femmes victimes de mutilations sexuelles.
En fait, l'ordonnance de protection a été conçue pour traiter la question des violences au sein du couple et à l'intérieur de la famille : or il est fort probable que les cas que vous évoquez ne soient pas de la compétence du juge aux affaires familiales.
Nous avons obtenu de la chancellerie que la mise en oeuvre des dispositions concernant l'ordonnance de protection soit repoussée à la date du 1er octobre afin que tous les juges qui seront en charge de ces délicates questions puissent être totalement informés de l'esprit et de la lettre de la loi. La chancellerie avait exprimé son vif désir d'élargir les compétences du juge aux affaires familiales, mais je crains qu'il ne soit très difficile de le faire dans le cadre de la présente loi. Les mesures à prendre peuvent ne pas être très adaptées. Il faut donc poursuivre la réflexion.
Je signale par ailleurs que la commission des lois de notre assemblée vient de créer une mission d'information sur la prostitution. Cette question qui, à de nombreux égards, recoupe les problématiques de la prostitution pourra, n'en doutons pas, y être approfondie, voire résolue.
Je souhaite donc le retrait de cet amendement.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 7.
La parole est à Mme Monique Boulestin.
Dans le même ordre d'idées, nous cherchons à mieux protéger les personnes menacées de mariages forcés. Aussi souhaitons-nous voir ajouter la mention « avec le consentement de la personne menacée » dès lors qu'une interdiction de sortie du territoire figure sur le passeport. Précisons que cette interdiction doit naturellement être limitée dans le temps.
L'avis de la commission est plutôt défavorable, dans la mesure où cette inscription serait vraiment redondante : lorsque le juge prononce l'interdiction temporaire de sortie du territoire, c'est avec le consentement de la personne menacée. Si l'inscription de cette interdiction au fichier des personnes recherchées requiert à nouveau le consentement de la personne menacée, de précision en précision, où nous arrêterons-nous ? Le plus pertinent serait de retirer cet amendement.
Même avis.
(L'amendement n° 7 est retiré.)
(L'article 1er est adopté.)
Il s'agit de l'article sur la désignation de l'autorité parentale.
Le Sénat a été plus restrictif que nous sur la protection de l'enfance. La mission avait effectivement souligné que les enfants pouvaient être victimes des violences au sein du groupe familial, quand bien même ils ne subissent pas à proprement parler de violences physiques : ils peuvent être victimes de très fortes violences psychologiques, ce qui explique qu'ils peuvent ne pas souhaiter se retrouver seuls avec le conjoint violent. Nous avions beaucoup travaillé sur cette question des modalités d'exercice de l'autorité parentale, et cette forme de régression sur le droit de visite est regrettable.
Il faudra revenir assez rapidement sur la question, sans doute dans un texte ultérieur dans la mesure où nous sommes tous d'accord pour adopter celui-ci dans les mêmes termes que par le Sénat.
La semaine dernière, j'ai eu, par l'intermédiaire de sa mère, le témoignage d'une jeune fille de seize ans. Son père est venu la chercher à la sortie du collège alors qu'elle ne le souhaitait pas. Il ne lui avait pas laissé le choix : il avait simplement déclaré au principal que c'était elle qui lui avait demandé de venir. La mère a voulu faire une déclaration de main courante, mais on le lui a refusé, et ce en dépit d'une alerte du principal du collège qui avait prévenu ne pas pouvoir, en l'absence de jugement, refuser que cette adolescente parte avec son père. Incapable de bénéficier de la protection qu'elle souhaitait, la jeune fille a écrit donc au juge pour lui demander de retirer à son père ses droits de visite et d'hébergement ainsi que l'exercice de l'autorité parentale. Il existe bien d'autres cas où les enfants sont réellement en danger. Il faudra y revenir.
Comme vient de le rappeler ma collègue, l'article 3 précise les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Même si nous le regrettons, les sénateurs ont souhaité que l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne puisse être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves. Nous préférions pour notre part que le juge puisse décider de suspendre l'exercice de l'autorité parentale dans des circonstances moins extrêmes, mais nous suivrons le Sénat car nous tenons à ce que ce texte soit adopté définitivement dans les plus brefs délais.
N'oublions pas pour autant que les enfants témoins de violence sont aussi des victimes. Le seul fait de vivre dans un climat de peur et de menaces constitue déjà une forme de maltraitance. Leur souffrance doit être largement prise en compte par les professionnels de santé et surtout par les services de protection de l'enfance. C'est là que réside toute la difficulté : il faut protéger l'enfant en l'éloignant du parent violent, sans pour autant ignorer la nécessité de maintenir des relations avec lui. Mais on ne saurait pour autant oublier les effets préjudiciables sur la santé, sur la sécurité, sur le comportement, sur le développement affectif et social des enfants concernés : ils perdent totalement leurs repères, et nous avons avons été tous bouleversés par les auditions des pédopsychiatres nous rapportant les lésions traumatiques, les troubles psychologiques, les troubles du comportement et autres troubles psychosomatiques observés sur ces enfants.
Nous devons faire prévaloir l'intérêt des enfants, assurer la prise en charge des enfants témoins, sensibiliser et former les professionnels aux dangers encourus par ces enfants. Il y a urgence.
Nous avions déjà longuement évoqué ce sujet lors de l'examen de la loi de 2006. À l'époque, nous n'avions pas osé franchir le pas en interdisant notamment le droit de visite en cas de violences graves.
Nous avons de nouveau débattu de cette question dans le cadre de la mission et souhaité réécrire la définition de l'autorité parentale, au profit d'une conception plus évoluée – ce n'est pas surprenant – que celle qui prévalait il y a plusieurs années, qui remettait au centre le souci de l'intérêt de l'enfant et la garantie de la prise en compte de ses besoins fondamentaux.
Le Sénat n'a pas souhaité maintenir cette réécriture. Nous le regrettons, car cela a des conséquences sur le droit de garde, de visite et d'hébergement. Ma collègue vient de rappeler une de ces situations liée à une culture qui pousse à maintenir au maximum la relation entre parent et enfant – l'inverse d'ailleurs de ce qui se passait il y a quarante ans : les enfants étaient trop facilement placés en cas de problèmes au sein de la famille et ce n'était pas bon non plus. Mais peut-être avons-nous par trop tordu le bâton dans l'autre sens, au point d'avoir du mal à admettre qu'un père violent avec la mère de l'enfant ne peut pas être un bon père. L'enfant, témoin et victime des violences commises, en restera marqué toute sa vie.
Une nouvelle définition de l'autorité parentale nous semblait importante aurait eu le mérite de rétablir un équilibre qui nous semble avoir été rompu aujourd'hui. Ce ne sera malheureusement pas possible ; sans doute faudra-t-il passer par une troisième loi et nous le regrettons.
J'en profite, monsieur le président, pour vous indiquer que l'amendement n° 20, qui porte sur le même sujet, est retiré.
C'est vraiment la question sur laquelle votre la commission spéciale regrette le plus vivement que le Sénat n'ait pas suivi l'Assemblée nationale. Il faudra bien qu'un jour ou l'autre nous ayons dans la loi une véritable définition de l'intérêt de l'enfant : c'est une nécessité inéluctable. Nous nous étions avancés sur ce chemin de manière peut-être hardie. Peut-être notre définition était-elle trop restrictive et la notion de besoins fondamentaux par trop imprécise ? Toujours est-il que nos collègues sénateurs ont préféré laisser en l'état l'article 371-1 – un de ceux que nous relisons à chaque fois que nous célébrons un mariage. J'aurais pour ma part souhaité qu'il aille plus loin. J'en prends acte ; mais, au nom de la commission spéciale et probablement de l'Assemblée, je veux prendre date : nous aurons à revenir sur ce sujet. Il mérite que nous avancions. Pour l'instant, nous avons planté une banderille ; nous y reviendrons. C'est en prenant cet engagement que je demande aux auteurs de l'amendement de le retirer.
Le Gouvernement demande également le retrait de l'amendement.
Je retire le mien également.
(Les amendements nos 19 et 20 sont retirés.)
(L'article 3 est adopté.)
La commission a maintenu la suppression de l'article 3 bis A par le Sénat.
Je suis saisi d'un amendement de rétablissement n° 14.
La parole est à Mme Martine Billard.
D'un certain point de vue, cet amendement est lié au précédent, et je souhaiterais, madame la secrétaire d'État, que vous vous exprimiez quand même sur ce sujet. Nous saurions ainsi quel est le point de vue du Gouvernement. Vous pourriez ainsi nous indiquer si, à défaut d'aller plus loin aujourd'hui, vous pensez qu'il faudra à terme avancer sur la voie évoquée par notre rapporteur.
L'idée d'interdire à un parent de s'opposer à la demande de soins médico-psychologiques concernant un enfant venait de situations vécues : des femmes victimes de violences, dont l'enfant était complètement traumatisé, se trouvaient totalement démunies, parce que le père, de manière quelque peu perverse, refusait que l'enfant soit soigné. Et c'est finalement contre sa mère que l'enfant se retournait finalement, y compris en la frappant ! Nous avons d'ailleurs eu l'occasion de parler de cas de ce genre à d'autre propos. C'est dire l'intérêt d'une telle disposition. Nous en avions débattu en nous demandant si le juge ne pouvait pas déjà statuer sur un tel refus de consentement de l'un des parents.
Bien évidemment, le juge peut prendre cette décision. Mais nous savons, compte tenu de la propension culturelle à préserver à toute force les liens et l'autorité parentale, qu'en l'absence d'une définition plus centrée sur l'intérêt de l'enfant, les juges hésitent à passer outre l'opposition du père. Je le regrette. Tel était le sens de cet amendement et voilà pourquoi je souhaitais avoir de nouveau l'occasion de le défendre aujourd'hui.
Il est vrai que cet amendement a un lien direct avec ceux qui avaient été déposés sur l'article précédent et ont été retirés.
En fait, le Sénat a jugé cette précision inutile, dans la mesure où le juge peut d'ores et déjà être saisi de cette demande par l'un des parents. Reste que l'on peut constater un certain déficit dans la prise en compte par les magistrats de cette réalité déjà inscrite dans la loi. Il y a sans doute un effort de pédagogie à faire du côté de la chancellerie, pour bien rappeler que cette question est sensible, que nous y sommes très attachés et que les juges ne doivent pas renoncer à ce que la loi a d'ores et déjà prévu dans des cas aussi délicats que ceux dont nous traitons. Mais puisque les choses ont été dites et qu'elles figureront au compte rendu de cette séance, nous pouvons demander le retrait de cet amendement.
Puisque Mme Billard m'a demandé quelques explications, je ne peux pas ne pas lui répondre. Comme je l'ai déjà indiqué devant la commission des lois du Sénat, cet amendement ne me paraît pas utile. En effet, conformément à l'article 373–2 du code civil, le juge aux affaires familiales est chargé de trancher toutes les questions qui lui sont soumises en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs. Autrement dit, le juge est déjà compétent pour statuer sur toutes les questions concernant l'enfant sur lesquelles les parents sont en désaccord. Il n'existe donc pas de liste limitative, et c'est heureux. Dès lors, il n'est pas nécessaire de viser expressément telle ou telle question. J'ajoute que plusieurs arrêts de la jurisprudence le prouvent. Cette précision dans le chapitre relatif à l'autorité parentale risquerait au contraire de laisser entendre que, pour les sujets non visés expressément, le juge ne serait pas compétent. C'est pourquoi, madame la députée, je vous invite à retirer votre amendement.
Oui, monsieur le président, je le retire.
(L'amendement n° 14 est retiré.)
Sur l'article 5, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à Mme Claude Greff.
Au cours de la discussion des précédents amendements, certaines demandes du groupe socialiste m'ont paru témoigner d'une conception peut-être restrictive des violences faites aux femmes. En tant que membre de la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, je puis attester que le sujet a été largement débattu au sein de cette institution sous l'angle du respect des droits de l'homme et je tenais à féliciter Mme la secrétaire d'État : la France n'est pas en retard dans ce domaine, loin de là. Mais on aurait tort de se concentrer sur les seules violences physiques faites aux femmes : il faut aller bien plus loin. Les formes de violence sont multiples : les mariages « gris » en font partie. Il arrive que des femmes en situation régulière soient victimes de violences commises par des hommes en situation irrégulière. Or dans l'amendement déposé sur cet article 5 ne traite que du seul cas des femmes en situation irrégulière.
Monsieur le rapporteur, je suis bien consciente du travail que vous avez réalisé ; mais face à ces violences psychologiques inhérentes aux mariages gris, nous ne devons pas nous arrêter de légiférer aujourd'hui. Comme vous l'avez dit, il faut aller au-delà, et nous le ferons. Madame la secrétaire d'État, j'ai conscience que ce n'est qu'un début, mais il est prometteur. La France sera au premier rang pour défendre les droits de la femme et lutter contre les violences dont sont victimes les femmes.
J'avoue que je ne comprends pas bien les reproches qui viennent de nous être faits…
Ce texte est consacré aux violences faites aux femmes et nous avions travaillé sur ce sujet particulier. L'article 5 est à cet égard très intéressant et j'aurais aimé que nous rétablissions le texte que nous avions adopté, car le Sénat est plus restrictif sur la modification du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans le texte que nous avions adopté, il s'agissait d'accorder « dans les plus brefs délais, la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour de l'étranger », en l'occurrence de l'étrangère.
Nous avons tous connu des cas où des femmes victimes de violences sont menacées par leur conjoint, doivent quitter leur foyer et se trouvent aussi menacées parce qu'elles sont là au titre du regroupement familial. Non seulement leur conjoint les bat et se livre sur elles à des violences, mais parfois il les met en plus à la porte et les menace de les dénoncer au motif qu'elles ne seront plus en situation légale ! Elles avaient évidemment besoin que nous les protégions dans de tels cas. Mais, alors que nous avions réussi, après bien des discussions, à inscrire dans le texte le principe d'un renouvellement du titre de séjour, le Sénat a modifié la rédaction en parlant de carte de séjour temporaire ». C'est sur ce point que nous exprimons un très grand regret.
Nous en venons à l'amendement n° 8.
La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour le soutenir.
Comme vient de le dire ma collègue Mme Coutelle, le texte du Sénat est effectivement beaucoup plus restrictif. Les femmes étrangères victimes de violences ne doivent pas se sentir contraintes de renoncer à entreprendre des démarches pour quitter leur conjoint par crainte de voir leur situation devenir précaire.
Une femme étrangère violentée par son conjoint doit recouvrer son autonomie. Elle ne peut pas se retrouver une nouvelle fois victime du fait de la menace qui pèse sur elle de devoir quitter notre sol – c'est-à-dire son environnement et sa famille. À défaut d'obtenir le renouvellement automatique du titre de séjour, je demanderai à Mme la secrétaire d'État de bien vouloir faire en sorte, en liaison avec ses collègues des ministères de l'intérieur et de l'immigration, que soient données des instructions aux préfectures. Nous ne devons plus voir ces situations douloureuses de femmes qui sont une première fois victimes de leur conjoint, et une seconde fois en étant reconduites à la frontière. Mais, dans l'esprit de ce que nous avons dit, je suis prêt à retirer cet amendement, surtout si le Gouvernement prend des engagements dans le sens que j'ai indiqué.
C'est un sujet sur lequel il faut avoir conscience que nous avons obtenu, avec l'accord du Gouvernement, de très importantes avancées, d'ores et déjà prêtes à être inscrites dans le CESEDA.
Que voulons-nous ? Nous voulons – je reprends les termes de notre collègue – éviter la double peine, c'est-à-dire qu'une femme soit victime d'abord de violences, ensuite d'un statut irrégulier soudainement en lumière par les initiatives qu'elle aurait prises pour sortir de cette situation. Moi-même, en tant que parlementaire, j'ai eu à connaître de plusieurs cas de situations de ce genre. Des femmes sont venues me voir pour m'exposer des situations très douloureuses que nous avons quelquefois du mal à traiter avec les autorités préfectorales. Ce que nous voulons, c'est éviter cette double peine. C'est la raison pour laquelle il est prévu que, dans le cadre du dispositif temporaire de l'ordonnance de protection, il puisse y avoir le maintien ou l'attribution de la protection durant toute cette période – mais celle-ci, je le répète, ne peut être que temporaire : si la décision est prise avec la victime d'aller au civil, au pénal, voire les deux, le relais pourra alors être dans le cadre de ces nouvelles procédures pour que des droits acquis temporairement avec l'ordonnance de protection puissent être maintenus, voire développés.
Cela était implicite dans la rédaction que nous avions adoptée ; mais nos collègues sénateurs, par un purisme juridique dont il ne faut pas les blâmer, ont tenu à rappeler que nous étions dans un cadre temporaire et qu'il fallait donc inscrire dans le texte le caractère temporaire du titre de séjour qui découlerait de ces dispositions. Tout cela devra être prolongé, j'en suis entièrement d'accord. Mais, sincèrement, je ne crois pas que le texte adopté par le Sénat manifeste une volonté de recul, d'autant plus que, sur d'autres dispositions relatives au CESEDA et aux droits des femmes étrangères victimes de violences, le Sénat a souhaité aller plus loin que nous. Je crois donc que la Haute Assemblée est de bonne foi. Nous le sommes également, et nous sommes décidés à avancer. C'est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.
Même avis.
Nous connaissons tous des cas où les femmes sont en situation régulière du fait d'une vie familiale stable. Il est tout de même extraordinaire que, lorsque la situation de ces femmes se délite suite à des violences et à la séparation du couple, l'on ne veuille pas les protéger, tout au moins le temps qu'elles réorganisent leur vie, et même si elles ne sont plus effectivement, à ce stade, dans une situation qui légitime un titre de séjour permanent. Surtout, par pitié, évitons la double peine ! Cela dit, monsieur le président, je retire bien sûr mon amendement.
C'était en effet pour cela que je vous avais donné la parole ! (Sourires.)
(L'amendement n° 8 est retiré.)
(L'article 5 est adopté.)
Pour faire suite à ce qui vient d'être dit, je voudrais rappeler que les dispositions votées aux articles 5 et 6 par le Sénat ne sont bien sûr pas totalement satisfaisantes, dans la mesure où le pouvoir administratif conservera en définitive sa capacité à éloigner une femme quand bien même elle aura été reconnue comme une victime par le pouvoir judiciaire.
Cependant, on peut effectivement admettre que ces dispositions représentent des progrès : dès lors que l'éloignement ne sera plus possible pendant la durée des procédures civiles et pénales, l'époux violent se voit privé d'un moyen de pression sur une femme étrangère tentée de rompre la vie commune. On peut donc espérer à tout le moins que ces dispositions marqueront la fin de l'impunité.
Remarquons toutefois que ces dispositions ne s'appliqueront pas aux femmes algériennes régies non par le droit commun, mais par l'accord franco-algérien de 1968 dont les dispositions deviennent sur ce point moins protectrices, ce qui constitue un véritable problème. En effet, les mariages entre de jeunes Algériennes et de jeunes Français issus de l'immigration algérienne sont fréquents. Si l'essentiel de ces unions sont de vrais mariages d'amour qui conduisent à des relations harmonieuses, on constate malheureusement que certains de ces jeunes Français sont mus par l'idée de trouver en Algérie des épouses plus dociles et soumises. C'est pourquoi, afin d'évacuer tout malentendu qui pourrait venir d'une interprétation pointilleuse du CESEDA par des préfectures soumises à la pression du chiffre, nous souhaitons que le Gouvernement s'engage clairement à ce que les Algériennes bénéficient de mesures de protection identiques à celles qui vont être votées.
Le Gouvernement prendra-t-il une circulaire pour informer les préfets de cette ligne de conduite, madame la secrétaire d'État ? Les partenaires que nous sommes seront-ils fondés à leur rappeler ces engagements ?
Vous comprendrez, madame la secrétaire d'État, que vos réponses à ces questions sont pour nous extrêmement importantes car elles permettront d'éclairer l'administration et de donner des garanties à ces jeunes femmes qui craignent que votre politique d'immigration se fasse parfois complice de leur bourreau.
(L'article 6 bis est adopté.)
Je constate que le vote sur ces deux articles a été acquis à l'unanimité.
Nos collègues sénateurs ont élargi la compétence du juge aux affaires familiales en leur donnant la possibilité de prendre des mesures de protection de la personne majeure menacée de mariage forcé.
Je voudrais m'en féliciter et profiter de l'examen de cet article pour dire combien nous sommes attachés à ce minimum de spécialisation des juges qui, faute de pouvoir faire partie systématiquement, dans toutes les juridictions, d'un pôle de la famille, doivent être organisés de cette manière.
C'est la raison pour laquelle je me tourne vers Mme la secrétaire d'État en lui demandant de dire à la garde des sceaux notre attachement à cette méthode de travail qui permet une plus grande réactivité et la prise en compte de tous les éléments d'une situation dramatique. Peut-être Mme la garde des sceaux pourrait-elle garantir ce fonctionnement à travers des instructions sur l'organisation judiciaire et la politique pénale.
(L'article 9 est adopté.)
L'article 10 traite de l'accès au logement. Autant dire qu'il est important, car il devrait permettre que les demandes des personnes victimes de violences soient prises en compte de façon prioritaire. Elles ont certes aujourd'hui la possibilité d'obtenir, dans ces circonstances particulières, la jouissance de leur logement ; mais ils arrivent fréquemment qu'elles ne le souhaitent pas ou qu'elles ne puissent pas y rester, pour des raisons personnelles ou des raisons de sécurité.
Depuis 2009, l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation mentionne ces situations parmi les critères généraux de priorité pour l'attribution des logements. Ces demandes doivent donc d'ores et déjà être transmises aux préfectures dans le cadre de la loi DALO ; mais, nous le savons tous, les priorités sont nombreuses, et les difficultés à obtenir un logement sont grandes.
L'article 10 prévoit que des conventions pourront être passées avec des bailleurs sociaux ainsi qu'avec les centres régionaux des oeuvres universitaires. C'est un point positif : je suppose que le service logement de chaque préfecture sera à même d'interpeller ces bailleurs afin que ces conventions soient signées et surtout suivies d'effet.
Je compte sur vous, madame la secrétaire d'État, pour que ce dispositif soit mis en place le plus rapidement possible et pour que les préfets en tiennent bien compte.
(L'article 10 est adopté.)
Je me réjouis avec mes collègues, sur tous les bancs – et particulièrement notre collègue Claude Greff – de l'introduction d'un enseignement civique. Nous avons partagé la même démarche de recherche d'un compromis que lors du texte sur le service civique, que nous sommes en train de mettre en oeuvre. Nous sommes allés jusqu'à modifier le code de l'éducation pour introduire cet enseignement à la citoyenneté à tous les niveaux de notre système éducatif.
Nous en débattrons après-demain. Mais nous prenons dès ce matin l'engagement que l'éducation à la citoyenneté qui sera dispensée dans le cadre du service civique diffusera auprès des adolescents et des jeunes adultes le contenu de cette loi et les principes qui la régissent : ceux qui recevront cette formation pourront ainsi prendre conscience de la nécessité de respecter les femmes dans tous les aspects de la vie.
Pour une fois que nos initiatives parlementaires convergent vers un même objectif, il convient de le souligner.
Cet effort d'information et de prévention est effectivement très important. Mais, comme je vois bien que notre rapporteur et notre présidente ont envie de reprendre très rapidement cette loi pour lui apporter quelques compléments, je souligne qu'il manque ici un volet consacré à la prévention de la récidive – je pense à la formation des hommes violents et aux groupes de parole.
L'éducation concrète des auteurs de ces violences n'est pas prise en compte dans ce texte. Mais je ne doute pas que notre rapporteur y veillera rapidement.
(L'article 11 A est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 9 et 16.
La parole est à Mme Pascale Crozon, pour défendre l'amendement n° 9.
Madame Greff, nous n'avons pas du tout compris votre intervention : nous avons, je crois, travaillé en totale harmonie pendant six mois et cette proposition de loi va au-delà des clivages politiques. Elle a été approuvée à l'unanimité.
Ce que je disais n'était pas du tout une critique ! Je suis désolée de m'être mal fait comprendre.
J'en reviens à l'amendement n° 9. Une femme qui aurait porté plainte pour violences conjugales ou intrafamiliales sans demander une ordonnance de protection ne serait pas concernée par la rédaction de l'article 16, tel qu'il a été adopté par le Sénat.
Notre amendement a pour objet de prendre en compte cette carence : nous sommes en effet totalement opposés à la médiation pénale dans des situations de violences au sein du couple.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour défendre l'amendement n° 16.
Nous proposons de rétablir le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale : « La victime est présumée ne pas consentir à la médiation pénale en cas d'infraction commise à son encontre soit par son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit par un ancien conjoint ou concubin ou par la personne ayant été liée par un pacte civil de solidarité. » Nous savons tous que, dans ces cas-là, la médiation entre la femme victime de violences et l'homme auteur de violences est impossible.
La rédaction du Sénat interdit la médiation dès lors que la femme a demandé une ordonnance de protection ; mais elle la laisse possible si elle a seulement porté plainte. Cette ouverture vers un retour à la médiation nous apparaît dangereuse.
La question de la médiation pénale est au coeur de nos préoccupations depuis 2006 : j'avais alors tenté de limiter, voire de supprimer le recours à la médiation pénale en matière de violences conjugales – mais les esprits n'étaient probablement pas prêts et nous n'étions pas allés jusqu'au bout.
Il était clair que nous devions y revenir. Nous sommes tous d'accord : l'existence d'une violence subie au sein du couple n'est absolument pas compatible avec l'idée d'une médiation pénale.
Le dispositif adopté en commission par l'Assemblée, et que les sénateurs ont rétabli, me semble toutefois répondre entièrement au souhait exprimé par nos collègues : dès lors que la femme demande – et non « obtient » – une ordonnance de protection, elle est par-là même présumée ne pas consentir à une éventuelle proposition du procureur de recourir à la médiation pénale. C'est, je crois, très efficace.
À partir de quel moment le magistrat qui envisage des alternatives aux poursuites est-il amené à y renoncer ? Qu'est-ce qui est constitutif de la reconnaissance, de l'attestation – pour reprendre un terme qui a été supprimé – de l'existence d'une violence exercée et subie ? Le seul fait que la victime ait fait valoir qu'elle est victime par la demande d'une ordonnance de protection, doit amener le magistrat à comprendre que le champ de la médiation pénale lui est désormais fermé. Le dispositif que veulent réintroduire nos collègues – adopté, je le rappelle, contre mon avis et contre l'avis du Gouvernement en première lecture à l'Assemblée nationale – est extrêmement généreux. J'aimerais moi aussi que les magistrats aillent dans ce sens : mais cela pose à nouveau le problème de l'appréciation, par le procureur, de la nature des faits de violence avérée à partir desquels il devra considérer qu'il convient de ne pas procéder à la médiation pénale. L'ordonnance de protection me paraît à cet égard utile à la femme, et parfaitement protectrice, comme son nom l'indique. En ce sens les dispositions rétablies par le Sénat me paraissent bonnes et largement suffisantes. C'est la raison pour laquelle, tout en comprenant et en partageant votre souci, je souhaite que ces amendements soient retirés.
Même avis.
Je retire le mien également.
(Les amendements n° 9 et 16 sont retirés.)
(L'article 16 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 17 rectifié.
La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Parmi toutes les violences faites aux femmes, il y a celle qui les oblige à dissimuler leur corps, à cacher leur féminité. C'est pourquoi nous proposions d'écrire que « le fait, par menace, violence ou contrainte, abus de pouvoir ou abus d'autorité, d'imposer à une personne, en raison de son sexe, de dissimuler son visage est puni d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende. » Nous aurions pu régler le problème du voile intégral dans le cadre de cette loi contre toutes les violences faites aux femmes. Cela nous aurait évité des semaines d'utilisation du sort des femmes à d'autres fins.
Mais je retire cet amendement.
(L'amendement n° 17 rectifié est retiré.)
L'article 17 portant sur les violences psychologiques, et je veux dire à Mme Greff à quel point nous lui sommes reconnaissants d'avoir fait inscrire à l'ordre du jour du Conseil de l'Europe les violences psychologiques, qui constituent une vraie préoccupation.
La France a su intégrer ce concept au sein de celui des violences faites aux femmes ; l'Europe a suivi cette proposition de Mme Greff que je tenais à remercier. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Je suis saisi d'un amendement n° 18.
La parole est à Mme Martine Billard.
L'amendement n° 18 vise à rétablir le texte voté en première lecture par l'Assemblée nationale. J'avoue être extrêmement déçue que le Sénat ne nous ait pas suivis.
Nous proposions notamment une définition de l'agissement à connotation sexuelle dans le monde du travail. La volonté de l'Assemblée était de simplifier et de renforcer la cohérence entre les codes ; c'est toute la bataille que nous avons menée collectivement sur la question des discriminations : il s'agissait d'harmoniser les définitions du droit français et du droit européen, mais aussi les définitions au sein de nos différents codes.
L'article 19, tel que nous l'avons voté en première lecture, allait dans ce sens. Le Sénat a refusé ces modifications, en considérant que le délit ne serait pas suffisamment défini du point de vue du principe de légalité des délits et des peines. Cela me pose vraiment problème : nous connaissons tous la situation de nombre de femmes au sein du monde du travail. Nous connaissons cette violence sexuelle qui sévit, hélas ! dans bien des cas ; nous connaissons ces environnements qui créent ces situations de harcèlement sexuel. Nous savons aussi combien il est difficile pour les femmes de déposer plainte et d'obtenir des témoignages, car leurs collègues ont aussi peur qu'elles de perdre leur emploi.
Elles n'ont pour l'instant d'autre recours que de déposer une plainte devant les prud'hommes ou de s'adresser à l'inspection du travail, voire de se retourner vers la HALDE : autant de démarches peu simples, et dans tous les cas fort longues.
Le recul du Sénat par rapport au texte voté par l'Assemblée me paraît l'un des plus regrettables de ce texte, en dehors du glissement sur les violences commises en tant que violences de genre.
Madame la secrétaire d'État, j'aimerais tout de même savoir si le Gouvernement est prêt, à un autre moment, à avancer sur ces questions. Il est très désagréable et très douloureux pour une femme de se trouver dans une situation de harcèlement sexuel au travail.
Cet amendement vise à rétablir ce que nous avions écrit en première lecture. Je partage tout à fait la position exprimée par Mme Billard et par ses collègues : nous avions été hardis et nous avions eu raison. Le Sénat l'a été moins et s'est arrêté à mi-chemin : partant du constat, bien réel, qu'il n'y a pas d'accord sur l'harmonisation des définitions du harcèlement sexuel, il a préféré s'en tenir à une harmonisation des sanctions prévues jusqu'à maintenant par le code du travail d'un côté et par le code pénal de l'autre.
Comme Mme Billard l'a bien noté, le Sénat a en effet considéré que sanctionner pénalement ces agissements sur la base de la définition communautaire – que nous avions retenue, et qui repose sur l'absence de discrimination – pourrait ne pas satisfaire le principe de légalité des délits et des peines, quand bien même les appréciations peuvent diverger sur ce point.
Bien sûr, cet amendement va devoir être retiré, et je pense que Mme Billard est prête à le faire…
Mais le problème demeure. Je persiste à penser que ce que nous avions fait était naturellement hardi, mais pas trop, et qu'il fallait le faire. C'est donc à regret, mais en sachant l'importance de ce geste pour l'efficacité de notre travail d'aujourd'hui, que je demande à Mme Billard de retirer cet amendement.
Même avis, d'autant que la définition du harcèlement sexuel exige un débat plus approfondi pour apporter de véritables réponses.
Je demande le retrait de l'amendement.
Je vais retirer mon amendement mais je dois avouer que c'est très douloureux, en tant que femme, en tant que salariée qui fut témoin de ce type de situation et qui a espéré, pendant toutes ces années, que l'on puisse avancer sur ces questions et donner aux femmes des instruments pour se battre et se reconstruire. Le harcèlement constant sur le lieu de travail détruit et peut conduire jusqu'au suicide.
Je suis donc très triste de devoir retirer cet amendement. C'est bien parce que nous ne pouvons pas nous permettre de prendre le risque que cette proposition de loi ne soit jamais réinscrite à l'ordre du jour du Sénat que je le fais.
(L'amendement n° 18 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 10.
La parole est à M. Daniel Goldberg.
Cet amendement, qui se conclura sans doute par un retrait avec le même regret et la même douleur que le précédent, porte spécifiquement sur les violences et le harcèlement qui peuvent sévir dans la fonction publique en reprenant les mêmes termes que ceux utilisés dans le texte initial que nous avions voté ensemble ici.
Les fonctions publiques devraient se montrer exemplaires – ce n'est pas le cas, loin de là – y compris à l'égard des personnels les plus précarisés, qui n'ont pas forcément le statut de fonctionnaire et qui sont bien souvent des femmes.
Je connais l'issue de cette discussion : je vais retirer cet amendement, mais je regrette que le travail de co-rédaction que nous avons mené avec nos collègues du Sénat n'ait pas pu complètement aboutir, au moins sur la question des violences subies par les femmes dans le monde du travail.
(L'amendement n° 10 est retiré.)
(L'article 19 est adopté.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Bernard Lesterlin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Beaucoup a été dit en première lecture, en commission ou dans ce débat. Je voudrais juste faire remarquer, pour conclure, que nous vivons un grand moment de notre démocratie.
D'abord, parce que l'initiative parlementaire a pu aller jusqu'au bout.
En effet.
Le fait est devenu suffisamment rare dans nos institutions pour être souligné.
Ensuite, parce que la recherche du consensus a été permanente – même si elle n'a pas été toujours facile – entre nous et avec nos collègues du Sénat. L'intérêt supérieur que représente la dignité de la femme, le respect de la personne humaine, dans une société qui se réclame des droits de l'homme exigeait que nous agissions.
Enfin, parce que ces pratiques odieuses dont les femmes sont encore trop souvent victimes dans notre pays sont ainsi mises au ban.
Nous pouvons être fiers de la création de l'ordonnance de protection, innovation juridique essentielle, des mesures visant à assurer la protection des enfants et des femmes étrangères, du début de spécialisation de la magistrature – même si beaucoup reste à faire – et surtout de notre souci d'éducation au respect de la femme.
Cette action de sensibilisation et d'éducation, que nous avons déjà introduite dans le service civique, est indispensable.
Bien sûr, nous avons quelques regrets, comme souvent lorsqu'il faut trouver un compromis, mais également des motifs de satisfaction : l'innovation juridique, l'ordonnance de protection, la protection des femmes étrangères, et la prise en compte de l'urgence. Ce critère d'urgence aura été respecté jusqu'à nous pousser à émettre un vote conforme avec nos collègues du Sénat ; peut-être est-ce cette pression qui aura finalement facilité le consensus.
En conclusion de ce débat important, je voudrais insister sur notre souhait de voir mis en place un comité de suivi, comme nous l'avons fait pour la loi instituant le service civique. Une commission spéciale ne pouvant être pérennisée au-delà de l'objet pour lequel elle a été créée, comme M. le rapporteur l'a rappelé, il nous faudra inventer une structure qui fasse régulièrement l'évaluation de la mise en place de cette loi et qui surtout maintienne le contact avec les associations – nous leur devons beaucoup – et tous ces professionnels qui, jour après jour, se consacrent à la prévention et à la lutte contre les violences faites aux femmes. Enfin, madame la secrétaire d'État, nous suivrons avec la plus grande vigilance la mise en oeuvre de l'accompagnement réglementaire dont Mme la garde des sceaux nous avait indiqué qu'il serait quasiment concomitant à la promulgation de la loi.
L'intérêt général et le respect de la personne humaine ont prévalu sur nos différences. C'est une chose heureuse. C'est donc le coeur léger que tout le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera pour cette proposition de loi. (Applaudissements.)
La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Cette loi sera incontestablement une nouvelle avancée pour les femmes.
Parce que les femmes qui siègent ici savent combien ce combat pour l'égalité, pour la dignité, doit être permanent, nous pouvons être fiers du chemin parcouru, notamment avec les associations, les experts, les spécialistes, les médecins, tous ceux que nous avons auditionnés. Les avancées que, hommes et femmes de tous les groupes politiques de cette assemblée, nous avons obtenues collectivement feront date, même si nous pouvons émettre quelques regrets.
Rappelons-en les principales avancées, pour lesquelles nous nous sommes battus depuis la création de la mission, puis au sein de la commission spéciale : l'ordonnance de protection en premier lieu, fondamentale en ce sens qu'elle répond à notre volonté d'apporter une protection très rapide pour les femmes victimes de menaces ou de violences ; la reconnaissance des violences psychologiques à laquelle nous n'étions pas parvenus au moment de la loi de 2006 ; la protection apportée aux femmes étrangères sans papiers, sujet sur lequel nous n'avions pas réussi à avancer ; le recul de la médiation pénale.
Pour toutes ces avancées, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine présents voteront conforme cette proposition de loi dans la rédaction du Sénat. Nous l'avons dit dans la discussion générale, nous prenons acte de l'annonce faite par Mme la secrétaire d'État d'une publication des décrets au 1er octobre. Nous espérons que les moyens financiers suivront, parce que toutes ces belles décisions que nous construisons ensemble n'auront d'effets que si, derrière, des moyens sont alloués au niveau de la justice pour financer la téléprotection et toutes les mesures de prévention et d'éducation.
Nous souhaitons également, comme l'a demandé tout à l'heure ma collègue Marie-George Buffet, qu'un comité de suivi soit mis en place, sous une forme innovante puisque le règlement ne permet pas de le faire au niveau de notre assemblée. Un groupe étendu nous permettrait d'agir très rapidement sur le plan législatif si des modifications par rapport à la loi de 2006 et par rapport à cette loi du 29 juin 2010 s'avéraient nécessaires. (Applaudissements.)
Pour toutes les raisons que j'ai exposées en dix minutes au début de cette séance, le groupe Nouveau Centre votera cette proposition de loi, selon son nouvel intitulé. Ce texte apporte une bien meilleure protection aux femmes victimes de violences conjugales et à leurs enfants. Il doit s'appliquer le plus rapidement possible. (Applaudissements.)
La parole est à Mme Chantal Brunel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je ferai une remarque préliminaire : jeudi prochain, à dix heures, le Premier ministre installera l'observatoire de la parité. Nous sommes plusieurs ici à en être membres. En tant que rapporteure générale, je demanderai que l'observatoire évalue les moyens et l'impact de cette grande cause nationale qui a été décidée sur les violences faites aux femmes. Je pense que cela peut être aussi un de ses rôles.
Pour l'heure, le groupe UMP votera avec solennité et enthousiasme cette proposition de loi constructive et essentielle.
Bien sûr, nous aussi, nous aurions aimé que certaines dispositions adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture fussent conservées. Mais il était indispensable d'aboutir que nous aboutissions à un vote conforme pour que la loi soit immédiatement applicable, d'autant qu'elle a suscité une attente très forte chez les femmes. Ce qui suppose que les décrets d'application soient rapidement publiés…
Cela exige aussi une pleine mobilisation des services de l'État, et sur tous les territoires. Même si elle est très forte dans certains départements, je suis frappée de voir qu'il n'en est pas de même partout.
Cela suppose également une formation accrue des personnels de police, nationale et municipale, et de l'ensemble des personnes qui composent le corps médical ou qui ont à connaître de ces sujets.
Cela impose aussi que le Gouvernement veille à la construction de logements d'urgence, en quantité insuffisante aujourd'hui…
…et qu'il veille enfin à ce qu'un soutien financier fort soit toujours apporté aux associations qui luttent contre les violences faites aux femmes.
L'unanimité est un fait trop rare dans notre hémicycle. Nous sommes heureux de pouvoir en donner un exemple prégnant ce matin. Je souhaite que, demain, le texte sur la burqa ou sur le voile intégral, qui est, comme cela a été dit, une discrimination sexuelle et une violence faite aux femmes, soit l'occasion de la retrouver une fois encore dans cet hémicycle. (Applaudissements.)
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité. (Applaudissements.)
C'est toujours un plaisir de présider une séance durant laquelle un texte est adopté à l'unanimité.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Je voudrais vous dire merci pour elles, merci pour la mémoire de celles qui ont perdu la vie, merci pour celles qui attendent tant de nous aujourd'hui.
Vous avez fait de ce 29 juin un jour historique : vous avez fait passer l'urgence de la lutte contre les violences faites aux femmes devant les luttes partisanes, et même devant les luttes de chambre. Vous avez choisi à l'unanimité le compromis et l'urgence. Merci d'avoir su faire de ce combat la cause de la nation tout entière.
Je voudrais évidemment remercier Guy Geoffroy, votre rapporteur, Mme Bousquet, la présidente de votre commission spéciale, et l'ensemble des parlementaires qui se sont engagés.
Si ce jour est historique, nous savons qu'au-delà du renforcement de notre arsenal législatif, au-delà de l'introduction de nouveaux moyens technologiques, notre vigilance doit être de tous les instants, et sur tous les territoires. En restant mobilisés, nous n'accepterons jamais que les violences faites aux femmes ne fassent partie de l'acceptable. Merci pour votre travail. (Applaudissements sur tous les bancs).
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Éloge funèbre d'Henri Cuq ;
Vote solennel sur la proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire ;
Discussion du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma