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Intervention de Nadine Morano

Réunion du 29 juin 2010 à 9h30
Prévention et répression des violences faites aux femmes — Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi

Nadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité :

Monsieur le président, madame la présidente et monsieur le rapporteur de la commission spéciale, mesdames, messieurs les députés, c'est un jour important car, dans notre pays, une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son conjoint, 75 000 femmes sont violées chaque année et, selon l'Observatoire national de la délinquance, 8 000 adolescentes sont potentiellement victimes de violences physiques et psychologiques. Cette situation est inacceptable.

La nation française a décidé de se mobiliser à travers le combat mené par les associations. J'en profite pour les remercier de leur action permanente sur le terrain, de l'aide qu'elles apportent aux femmes victimes de violences physiques et psychologiques, perdues, harcelées et ne sachant comment s'en sortir.

Je veux également remercier l'Assemblée nationale pour le travail parlementaire effectué, au-delà des clivages partisans, par sa mission d'évaluation. Comment ne pas se réjouir de voir que le destin de ces femmes mobilise l'ensemble des élus, tous courants politiques confondus, pour lutter contre les violences dont elles sont victimes dans notre pays ?

Ce texte est présenté à l'initiative de l'Assemblée, mais aussi du Sénat, et je salue le travail du sénateur Courteau qui a lui-même présenté une proposition de loi, discutée conjointement. Le Gouvernement a souhaité privilégier l'initiative parlementaire afin de donner toute sa force à la représentation nationale et au combat de la nation contre les violences faites aux femmes. Le Sénat comme l'Assemblée ont adopté cette proposition de loi à l'unanimité, ce qui montre que chacun d'entre nous est totalement mobilisé.

Au regard du constat inacceptable de la situation des femmes dans notre pays, le Premier ministre a annoncé que la grande cause nationale de 2010 serait la lutte contre les violences faites aux femmes. Il nous fallait donc agir vite et je me réjouis de votre volonté d'adopter un texte conforme à celui du Sénat. En effet, nous sommes au mois de juin et nous avons besoin de renforcer très rapidement notre arsenal législatif et de nous doter de moyens technologiques supplémentaires.

J'en veux pour preuve le cas de ces deux femmes décédées il y a peu, de femmes agressées à l'aide d'un couteau ou encore aspergées d'essence, puis brûlées. Je pense encore à cet ingénieur de trente-huit ans qui a brisé par trois fois le bras de sa campagne.

Comme vous pouvez le constater, mesdames et messieurs les députés, il y a urgence. C'est pour cette raison que nous sommes réunis aujourd'hui.

Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics prennent le problème à bras-le-corps. Le plan triennal 2008-2010 de lutte contre les violences faites aux femmes commence à porter ses fruits. Il a notamment permis une meilleure prise en charge des femmes victimes de violences grâce à différentes mesures. Trente-six référents-violence, interlocuteurs uniques des victimes, ont été mis en place dans trente-deux départements, et dix le seront très prochainement dans dix autres départements. Nous allons accélérer la mise en oeuvre de ce plan pour que chaque département en soit pourvu.

Les moyens de la plate-forme d'accueil téléphonique 3919 ont été renforcés – j'ai à cette fin signé un avenant de 150 000 euros – et permettent désormais de répondre à 80 000 appels par an, dont 84 % concernent des violences psychologiques faites aux femmes. Au moment où sont diffusées les campagnes télévisées, on note un afflux d'appels téléphoniques : c'est pour cette raison que j'ai voulu renforcer les moyens du 3919.

Les efforts de création de places en centre d'hébergement et de réinsertion sociale sont poursuivis. Désormais, sur un parc de près de 36 000 places, plus de 12 000 sont consacrées à l'accueil d'urgence des femmes victimes de violences.

Le deuxième volet d'action, c'est le plan « Espoir banlieues », dont la dynamique a permis d'actionner plusieurs leviers produisant des résultats concrets : vingt points d'accès au droit ont été ouverts dans les quartiers sensibles ; quatre-vingt-dix-huit centres d'information sur les droits des femmes et des familles ont été financés pour un montant de 2,5 millions d'euros ; 4 200 adultes-relais, pour un budget global de 88,5 millions d'euros, pratiquent des actions de médiation et renseignent chaque jour des centaines de femmes sur leurs droits ; 300 « ateliers santé ville » garantissent aux femmes victimes de violences une prise en charge médicale et psychologique à proximité de chez elles.

Le troisième volet d'action, c'est le plan national de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes. Dans ce cadre, 150 intervenants sociaux ont été installés dans les commissariats de police et les unités de gendarmerie, dont vingt et un en Île-de-France.

Ce n'est pas tout. La dernière année du plan triennal 2008-2010 illustrera notre volonté sans faille d'obtenir des résultats concrets. Plusieurs axes sont privilégiés : le renforcement de la protection civile et pénale des femmes victimes de violences ; la sensibilisation et l'information de l'opinion publique sur le fléau de la violence conjugale.

La mobilisation est générale.

Cette proposition de loi va considérablement améliorer la prévention des violences faites aux femmes et la protection des victimes. La principale innovation est la création d'une ordonnance de protection, qui interviendra avant et indépendamment d'un dépôt de plainte. Partant du constat que les femmes victimes de violences au sein de leur couple ne portent que rarement plainte – le taux est de 8 % –, l'ordonnance de protection permettra au juge aux affaires familiales de protéger une femme, y compris après la séparation, lorsqu'elle est menacée de coups ou de mariage forcé.

Le juge pourra ainsi statuer en urgence, organiser, le cas échéant, l'éviction de l'auteur des violences du domicile familial, ou, si la femme décide de quitter le domicile conjugal, son relogement pour la mettre hors de portée de son conjoint, et prendre une décision provisoire sur la garde des enfants.

Ensuite, ce texte adapte la loi pénale à la spécificité des violences conjugales.

Il le fait en premier lieu par la création d'un délit de harcèlement psychologique au sein du couple. Car il y a plusieurs types de violence conjugale : il y a celle des poings et celle des mots. C'était une demande insistante des associations, et pour cause ! Je l'ai dit tout à l'heure, près de 84 % des 80 000 appels reçus au 3919 ont trait aux violences psychologiques. C'est une avancée essentielle, car ces violences ne sont pas moins éprouvantes et destructrices pour la victime que les violences physiques.

En second lieu, le texte prend en compte les mariages forcés. Le mariage forcé est une violence qui va à l'encontre de la liberté de conscience et ignore le choix de vie des jeunes filles qui le subissent. Selon le Haut Conseil à l'intégration, 70 000 adolescentes seraient concernées en France. Cette évaluation chiffrée, même si elle est impossible à confirmer, souligne la nécessité d'intervenir.

Cela dit, une incrimination spécifique aurait été de nature à poser d'importants problèmes de preuve, puisqu'il faudrait caractériser les pressions et les contraintes.

Ce texte a donc opté pour un moyen permettant de réprimer plus facilement ces faits : la création de la circonstance aggravante en cas de meurtre, torture et actes de barbarie ou de violences volontaires commises contre une personne afin de la contraindre à contracter un mariage ou à conclure une union, ou en raison de son refus de contracter ce mariage ou cette union. Désormais, il sera seulement exigé de prouver que ces crimes et délits ont été commis dans le but de contraindre la victime à une union.

Par ailleurs, il est prévu que les dispositions relatives à la circonstance aggravante seront applicables également lorsque les faits auront été commis à l'étranger et que la victime réside habituellement en France.

Le renforcement de l'arsenal législatif s'accompagnera de nouveaux moyens technologiques. Le bracelet électronique, que votre rapporteur et moi-même sommes allés voir fonctionner en Espagne, sera testé en France à titre expérimental. le placement sous surveillance électronique mobile pourra être ordonné lorsqu'une personne sera mise en examen pour des violences ou des menaces punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement, et ce, tant dans la phase de contrôle judiciaire que dans la phase de condamnation. Il permettra d'assurer une surveillance vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, 365 jours par an.

Nous ne sommes pas dans le cadre d'un dispositif d'assignation à résidence. Il s'agit d'une autre philosophie : la technologie permettra de sécuriser la femme potentiellement victime. Concrètement, l'homme, surveillé par un écran vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ne pourra pas franchir le périmètre de sécurité de 400 mètres délimité autour de la femme. Cette dernière disposant d'un boîtier, une sonnerie retentit et la femme est alertée dès que l'homme pénètre dans le périmètre de sécurité. En outre, si l'homme tente de se débarrasser de son bracelet électronique – ce qui n'est déjà pas facile –, le dispositif sonne immédiatement. Ce moyen technologique apporte des résultats concrets et la France doit s'en doter dans les meilleurs délais.

Au-delà de ce texte, qui permet de renforcer notre arsenal législatif en matière de prévention comme de répression et de nous doter de moyens technologiques – ce que vous avez été nombreux à souhaiter –, nous devons aussi sensibiliser l'opinion publique.

Comme vous le savez, deux campagnes de communication sont en cours.

La première est ciblée sur l'indifférence. La reconnaissance de la lutte contre les violences faites aux femmes comme grande cause nationale a permis en effet à vingt-cinq associations constituées en collectif de bénéficier de la diffusion gratuite de messages sur les radios et les télés publiques. Vous avez tous vu ce spot diffusé sur les chaînes nationales, et qui met en scène l'indifférence d'un voisin entendant derrière la cloison de son appartement une scène de violence conjugale. Lorsque le silence se fait, le téléspectateur peut en déduire que la femme, derrière la cloison, a sans doute perdu la vie. Mettre en scène les violences conjugales, comme l'avait fait Jacques Audiard avec son spot sur la violence psychologique, et comme le fait maintenant ce spot dénonçant l'indifférence, est de nature à sensibiliser l'opinion.

La seconde campagne, en préparation, porte sur les enfants exposés aux violences conjugales, et dont ils sont, nous le savons, les victimes collatérales. Elle se situe dans la continuité du clip Les enfants apprennent beaucoup de leurs parents, y compris les violences conjugales. Les enfants, en effet, reproduisent la violence des parents dans leurs jeux. L'objectif est de faire prendre conscience, tant au père qu'à la mère, de l'impact psychologique très fort de cette violence sur les enfants. Cette campagne utilisera plusieurs leviers : campagne télévisuelle sur la base de la diffusion du clip, rénovation du site Internethttp: www.stop-violences-femmes.gouv.fr, qui donne des informations concrètes afin de venir en aide aux femmes victimes de toutes les formes de violences et détaille l'action de l'État contre ces violences. Cette campagne atteindra son point culminant le 25 novembre prochain, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je salue avec insistance le travail des parlementaires et remercie notamment Danielle Bousquet et Guy Geoffroy pour leur initiative. Ces progrès législatifs majeurs sont très attendus par les femmes, qui espèrent de nous une protection supplémentaire et nous demandent d'être dignes de l'humanité.

Les sénateurs ont souhaité, vous le savez, modifier le titre de la proposition de loi en l'élargissant aux violences au sein du couple et à leurs incidences sur les enfants. Le problème sera alors totalement cerné puisque, si des violences spécifiques sont faites aux femmes – je pense, par exemple, aux mariages forcés, aux mutilations sexuelles, aux viols –, ces violences touchent également les hommes, même si c'est de façon minoritaire, et que nul ne peut nier non plus leurs incidences sur les enfants.

Enfin, je me réjouis que la nation tout entière soit mobilisée. Je vous parlais de prévention et d'information. Une brochure intitulée Respect, les filles ! sera distribuée aux jeunes au cours de la journée d'appel de préparation à la défense, ce qui permettra de toucher toute une classe d'âge, soit 800 000 exemplaires diffusés.

Nous devons avancer rapidement parce que nous ne voulons plus que, tous les deux jours et demi, ces violences intolérables subies par les femmes, qu'elles se prénomment Tania ou autrement, fassent d'un petit Ibrahima un orphelin ! (Applaudissements sur tous les bancs.)

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