Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je commencerai en citant Benoîte Groult : « À toutes celles qui vivent dans l'illusion que l'égalité est acquise et que l'histoire ne revient pas en arrière, je voudrais dire que rien n'est plus précaire que les droits des femmes. »
C'est pourquoi cette proposition de loi revêt, pour l'ensemble des membres de la commission spéciale de 1'Assemblée nationale qui la portèrent jusqu'en février dernier, une réelle importance.
En effet, chaque jour qui passe nous rappelle l'urgence d'une promulgation rapide de la loi. Au sein des couples, 10 % des femmes sont concernées en France ; une femme décède sous les coups d'un mari ou d'un compagnon tous les deux jours et demi, sans compter celles qui restent handicapées à vie. Pourtant, faute d'une législation adaptée, le taux de plaintes reste toujours très bas : 8 % en ce qui concerne les violences conjugales.
D'autres éléments statistiques nous montrent que les violences faites aux femmes sont multiples et que des mutilations sexuelles sont encore opérées sur notre sol.
Au vu des faits rappelés par Mme la présidente et des chiffres cités, le texte que nous examinons en seconde lecture mériterait quelques réajustements.
Il faudrait notamment élargir la loi aux familles, étant donné les violences exercées sur de très jeunes femmes par des parents proches autres que les conjoints ou concubins. Comme vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État, quelque 8 000 adolescentes seraient menacées, chaque année, de mariage forcé.
Il faudrait aussi introduire dans le code civil la définition de l'intérêt de l'enfant, sur lequel nous nous sommes longuement interrogés et auquel nous restons très attachés, madame la secrétaire d'État.
Enfin, il serait nécessaire de prolonger le titre de séjour des victimes étrangères sans papiers, précaires parmi les précaires.
Reste que cette proposition de loi relative à la lutte contre les violences faites aux femmes – devenue grande cause nationale 2010 – comporte des mesures qui, au-delà des symboles, sont autant d'avancées sociétales incontestables, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, madame la présidente.
Je ne citerai que les plus importantes : les violences psychologiques sont reconnues et deviennent un délit car, si elles ne laissent pas de traces, elles n'en sont pas moins destructrices ; l'aide juridictionnelle peut bénéficier aux femmes étrangères en situation régulière ou irrégulière ; la place des associations dans la procédure est reconnue ; est enfin instaurée l'ordonnance de protection, mesure phare de notre proposition de loi.
En outre, une loi n'est jamais définitive et elle peut, avec le temps et à la lumière de l'expérience, être enrichie.
C'est pourquoi nous comptons, madame la secrétaire d'État, sur la diligence du Gouvernement pour prendre les décrets d'application le plus rapidement possible, afin que la loi devienne effective dès les premiers jours de l'automne.
Nous comptons aussi sur l'action du Gouvernement pour que soient garantis les moyens humains et financiers nécessaires à la création et à la mise en oeuvre des outils et dispositifs indispensables à une lutte efficace et concrète.
Le Gouvernement doit notamment s'engager à mettre en place une formation spécifique aux violences de genre pour l'ensemble des professions concernées, ainsi qu'une sensibilisation au respect des genres, dès le plus jeune âge, au sein de l'éducation nationale.
Enfin, si la connaissance des violences faites aux femmes s'est considérablement améliorée, des pans entiers de cette problématique demeurent encore mal connus. Pour accroître l'efficacité de la loi, il faudra donc, non seulement en assurer le suivi, mais aussi améliorer la coordination des acteurs impliqués.
Qu'il nous soit permis, mes chers collègues, madame la secrétaire d'État, de réaffirmer, à l'occasion de l'examen et du vote de cette proposition de loi, notre attachement aux valeurs de solidarité d'une société juste ainsi qu'au droit à la dignité de toute personne humaine.
Que soient remerciés Mme la présidente Danielle Bousquet et M. le rapporteur Guy Geoffroy, ainsi que toutes celles et ceux qui, par leur détermination, ont contribué à l'élaboration de cette proposition de loi et à son enrichissement. (Applaudissements sur tous les bancs.)