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Intervention de Marie-George Buffet

Réunion du 29 juin 2010 à 9h30
Prévention et répression des violences faites aux femmes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à vous faire part de mon bonheur de voir enfin la proposition de loi dont nous avons eu l'initiative revenir devant notre assemblée, ce 29 juin, pour être définitivement adoptée. C'est une journée importante que nous vivons.

Retardée plusieurs semaines au Sénat, la loi « renforçant la protection des victimes, la prévention et la répression des violences faites aux femmes » nous revient hélas amoindrie sur quelques points. Le Sénat a ainsi procédé à un rabotage consciencieux de tout ce qui témoignait de la violence de genre. La modification du titre lui-même tend à masquer le fond de la cause des violences faites aux femmes : la domination patriarcale. Le texte adopté au Sénat restreint en outre la définition des violences psychologiques, revient sur la définition ambitieuse du harcèlement sexuel que nous avions adoptée et rétablit la médiation pénale pour les femmes ne bénéficiant pas d'une ordonnance de protection. Enfin, il fragilise l'intérêt des enfants en ne reprenant pas les mesures que nous avions adoptées sur l'autorité parentale et le droit de visite.

Je regrette que la majorité sénatoriale n'ait pas pleinement donné acte aux femmes, aux féministes mobilisées depuis plusieurs années pour l'adoption de cette loi. Sous l'impulsion du collectif national pour les droits des femmes, qui est représenté aujourd'hui, une loi-cadre a été écrite, en partenariat avec des parlementaires dont je fus. L'objectif était de mobiliser la société, toutes les institutions, sur ce qui, trop souvent, restait du domaine privé.

Cette action a permis de déboucher sur la constitution d'une mission d'évaluation puis d'une commission spéciale, dont la proposition de loi est issue au terme d'un travail remarquable. Je tiens à mon tour à remercier sa présidente Danielle Bousquet, son rapporteur Guy Geoffroy et tous mes collègues, car nous avons vraiment cherché à construire la loi au service des femmes.

Cette loi, adoptée à l'unanimité par notre assemblée, présente de nombreux points positifs pour les droits des femmes : la création de l'ordonnance de protection, l'introduction dans le code pénal de la notion de violences psychologiques, le rejet de la médiation pénale, une nouvelle définition du harcèlement sexuel au travail. Je me félicite également des formations dispensées, de l'aide au relogement ou encore des droits nouveaux pour les femmes étrangères. C'est un texte fort, utile aux femmes.

Aussi sommes-nous tentés, après son passage au Sénat, de revenir à notre texte. Nous en avons discuté en commission hier. Après force hésitations – fallait-il poursuivre le débat parlementaire, sans en connaître la durée, pour revenir au texte de l'Assemblée nationale, ou accepter le texte en l'état pour qu'il s'applique le plus vite possible ? –, pour moi, l'intérêt des femmes a primé.

Chaque jour on apprend, ici, la mort d'une femme, là, les souffrances et les plaies d'une autre. On ne peut plus attendre. Voté en l'état, ce texte constitue déjà une nouvelle avancée, obtenue par les femmes, un point d'appui contre les violences qu'elles subissent et pour les luttes à venir. Face à l'urgence que constitue la souffrance de centaines de milliers de femmes, il y a, mes chers collègues, une impérieuse nécessité de le voter au plus vite, pour que, demain, plus une seule femme ne meure sous les coups de son conjoint.

Qu'une loi de la République reconnaisse cette violence permettra aux femmes qui en sont victimes de relever la tête, de se sentir la force de dire non, de s'accorder le droit d'être libres et égales.

Bien sûr, je ne considère pas que le débat soit clos, et la volonté des femmes et des féministes de voir demain cette loi évaluée et, si nécessaire, améliorée doit être actée par un espace de suivi, de contrôle et de propositions. Je vous invite donc à ce que, dès la loi votée, se mette en place un groupe de travail regroupant associations féministes, parlementaires, représentants des ministères et acteurs sociaux.

Chers collègues, dans la poursuite de notre travail commun, les députés du groupe GDR voteront le texte conforme, après avoir, en défendant leurs amendements, rappelé leurs exigences. Après le vote, je n'aurai de cesse que les décrets d'application soient pris et, surtout, je prends l'engagement de ne pas relâcher ma vigilance pour que les moyens soient réellement accordés à la mise en oeuvre de cette loi.

Ce matin, je pense à Nora et à toutes ces femmes battues et anonymes. Le pas que nous allons franchir aujourd'hui en appelle d'autres, pour la liberté. Dans cette longue marche en avant pour les droits des femmes et l'émancipation humaine, avançons d'un pas décidé. Oui, monsieur le rapporteur, c'est un bon début, mais il faut, comme vous l'avez dit, continuer le combat ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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