Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Luc Pérat

Réunion du 29 juin 2010 à 9h30
Prévention et répression des violences faites aux femmes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Pérat :

Madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi nous revient du Sénat après avoir subi quelques modifications, que nous regrettons car elles dévitalisent dans certains domaines la force que nous avions collectivement souhaité donner au texte.

Nous nous réjouissons cependant d'un retour relativement rapide en vue d'une seconde lecture qui devrait se conclure par une adoption définitive. La lutte contre les violences faites aux femmes, « grande cause nationale 2010 », se doit aujourd'hui d'être efficace, sévère, applicable et appliquée.

Je rappellerai l'enquête de l'Observatoire national de la délinquance, qui fait apparaître des chiffres hallucinants et ô combien inquiétants : les actes de violence conjugale sont passés, entre 2006 et 2008, de 978 000 à 1 480 000. Que le nombre de femmes victimes de violences dans le couple ait effectivement augmenté ou qu'elles parviennent à mieux s'exprimer, ce chiffre est une honte, et le faire baisser une urgence.

Aujourd'hui, tous les deux jours et demi, une femme meurt des blessures infligées par son conjoint, ce qui représente 20 % des homicides commis chaque année en France. Le risque pour une femme de se faire agresser est plus élevé dans son foyer que dans la rue !

L'ordonnance de protection des victimes, inscrite dans le code civil, permettra au juge aux affaires familiales de prendre en urgence des mesures ayant pour objet de protéger la femme en situation de danger. Donner de la force au message en direction des violents de toute nature, avec des actes concrets, demeure prioritaire. J'insisterai sur le contexte qui permettra à cette proposition de loi de prendre toute sa place et sa légitimité dans notre société.

La victime, psychologiquement éprouvée, choquée, déstabilisée, doit trouver auprès des personnels de police et de gendarmerie prise en charge, écoute, protection, ce qui suppose une véritable volonté politique de mettre en place une formation spécifique – bien spécifique, car nous entrons là dans le domaine de l'intimité, particulièrement sensible, qui nécessite un accompagnement de proximité. Madame la secrétaire d'État, les moyens humains devront, vous le comprenez, être au rendez-vous de cet engagement, au-delà des consignes données pour l'accueil des victimes.

Aujourd'hui, au sein du couple, il faut refuser et sanctionner durement la violence. À peine 10 % des femmes victimes de violences conjugales portent plainte, soit deux fois moins que pour les autres agressions. En cause, un sentiment bien injustifié de honte et de culpabilité, « comme si elles pensaient être dans une position de vulnérabilité qu'elles n'auraient pas dû accepter », analyse Liliane Daligand, psychiatre et experte près la cour d'appel de Lyon, qui poursuit : « Elles trouvent à leur conjoint des excuses pour se convaincre qu'il les aime et qu'elles réussiront à le changer. » Nombreuses sont celles qui soulignent combien leurs partenaires se montrent gentils après un accès de violence, de sorte que le pardon succède aux coups. Des coups qui pourtant, immanquablement, reviendront.

Confirmons plutôt notre volonté d'être là aux côtés des victimes, de toutes ces femmes qui subissent, qui souffrent le martyre. Créons les conditions de la protection, de la proximité, de la facilité, de la déculpabilisation ! C'est l'une des clés de la réussite de cette proposition de loi, dans sa partie curative.

La partie préventive a également toute sa place. La formation des enseignants, initiale ou continue, doit coller à la réalité de notre société. L'égalité entre les femmes et les hommes, les actions de sensibilisation et de prévention demeurent des enjeux quotidiens, répétitifs, sur lesquels il faut rester vigilant et intransigeant.

« Pour faire cesser cette violence », écrit Françoise Brié, « nous devons nous interroger sur ses causes et éduquer les plus jeunes ». L'école est le lieu de l'échange, du respect de l'autre, des autres, de soi. Je suis intimement convaincu que l'école de la République doit continuer à insuffler toutes ces valeurs qui construisent l'être humain pour sa réussite et son épanouissement, peut-être avec plus de force encore. Les enseignants demeurent au coeur de cet engagement ; ils doivent se sentir soutenus, accompagnés dans leurs actions au quotidien.

Le Parlement des enfants du 5 juin dernier a démontré, dans sa composition et sa répartition, combien les jeunes savent se respecter et laisser une grande place à la parité et aux différentes origines.

Ce mardi 29 juin 2010, nous devons donner toute sa dimension à cette proposition de loi. Elle doit s'appliquer dans les plus brefs délais. Je remercie et félicite Mme la présidente Danielle Bousquet et M. le rapporteur Guy Geoffroy pour leur détermination à mener à bien cette proposition de loi au pas de charge, avec toute la conviction qu'on leur connaît. Ce fut un réel plaisir pour nous de collaborer activement à cette mission. Madame la ministre, nous sommes déterminés à entrer rapidement dans une phase concrète en votant le texte proposé. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion