Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, quatre mois après la première discussion de cette proposition de loi sur les bancs de notre assemblée, la question des violences faites aux femmes est, hélas, plus que jamais d'actualité. L'affaire, aussi triste que révoltante, de cette femme d'enseignant marseillais torturée de façon abjecte et barbare, enfermée dans un silence forcé pendant plus de trente-cinq ans, nous rappelle – si besoin était – combien il est urgent d'agir. Et pour cause : en plein coeur de cette année dédiée à la cause des violences faites aux femmes, après des décennies de combat acharné pour leur accès aux droits, à la parité, aux responsabilités, on peut se demander comment des femmes peuvent subir des calvaires aussi terribles. C'est, bien sûr, à ces femmes que cette loi s'adresse. C'est pour que de tels cauchemars disparaissent que nous voterons ce matin cette proposition de loi.
Je salue le soutien du Gouvernement, en particulier de notre Premier ministre François Fillon, qui, en ayant hissé ce sujet au rang qui doit être le sien, celui de grande cause nationale, a permis qu'il soit enfin l'objet d'un débat public, constructif et efficace.
Ce sujet, je tiens à le rappeler, nous a tout d'abord rassemblés, par-delà nos clivages partisans, dans un même élan en faveur des victimes. À la veille d'un pas significatif pour la cause des femmes, le groupe UMP tient à remercier Mme Bousquet, la présidente de la commission spéciale, et M. Geoffroy, son rapporteur, pour leur immense travail et pour la ferveur de leur engagement. Il est heureux que cette collaboration transpartisane ait connu le même succès chez les sénateurs.
Contrairement à certains dossiers, pour le moins rationnels, cette proposition de loi a exigé de nous une plongée au coeur de situations aussi singulières que délicates, car elles dissimulent des réflexes d'ordre psychologique sur lesquels il n'est pas toujours facile de légiférer. Je parle notamment de la question du silence, omniprésente dès que l'on traite de la violence de genre. Nous avons choisi ensemble la voie d'une protection accrue en amont du dépôt de plainte, seule mesure susceptible de guider les victimes très progressivement vers l'aveu. Je me réjouis que le Sénat ait en grande partie axé son travail sur le renforcement du volet relatif à la protection et à la prévention, permettant de placer ces victimes dans de justes dispositions, des dispositions préalables à ce geste parfois si difficile que constitue le dépôt d'une plainte.
Nos travaux se révèlent aujourd'hui le fruit d'une complémentarité féconde. En effet, le travail des sénateurs a permis de rendre applicables et effectives certaines des dispositions que nous avions prévues. Il en est ainsi, par exemple, du délit de violence psychologique, qui a fait l'objet d'un amendement précisant les preuves à fournir pour que la sanction s'applique et joue pleinement son rôle. Rappelez-vous combien la presse avait vu dans cette mesure, à l'époque, un « écran de fumée », faute d'exigence de preuves valables. Nos collègues ont entendu le message et évité cet écueil.
De plus, le Sénat a rationalisé cette proposition de loi en assurant un meilleur suivi, non seulement de la victime, mais aussi du conjoint violent. Je salue le fait qu'un même juge assure le suivi du coupable et vérifie que les mesures dont il est l'objet sont bien respectées. Chacun de nous sait en effet que nombre de situations dégénèrent faute de vigilance et de rigueur. Cette rationalisation, tout comme la diversification du rôle du juge – information de la victime, prononcé et suivi de la sentence –, sont autant de façons d'éviter la dilution des responsabilités, facteur d'inefficacité.
Nombre de ces femmes, nous le voyons tous dans nos permanences, souffrent en silence, par ignorance des droits qui sont les leurs. Il est temps de leur montrer avec force que la justice est de leur côté. Cela passe, bien sûr, par l'accent mis sur l'information des victimes, quant à leurs droits certes, mais aussi quant aux peines encourues par les auteurs de violences.
Enfin, parmi les mécanismes psychologiques qui entravent l'action de la justice, il y a le fameux : « c'est un mauvais mari, mais c'est un bon père ». Cette auto-conviction paralysante qui empêche trop souvent la séparation, exigeait une amélioration de la prise en compte de l'enfant, phénomène primordial et novateur. C'est une des avancées considérables apportées par ce texte.
C'est donc une proposition de loi améliorée, précisée et renforcée que nous nous apprêtons à discuter. Notre vote conforme et unanime rendra un immense service à toutes ces femmes que nous cherchons à aider par nos efforts communs. Même si l'on peut toujours perfectionner un texte, il n'est plus temps d'attendre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)